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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 10ème jour de séance, 24ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 18 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -première partie- (suite) 2

      APRÈS L'ARTICLE 9 (suite) 2

      ARTICLE 10 6

      ARTICLE 11 6

      ART. 13 10

      ART. 14 13

La séance est ouverte à neuf heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003.

APRÈS L'ARTICLE 9 (suite)

M. Michel Vaxès - L'amendement 312 tend à étendre le bénéfice du taux réduit de TVA réduite aux locaux appartenant à des établissements publics de santé. Nous connaissons tous les difficultés de l'hôpital public. Il est temps que les actes succèdent aux paroles si nous voulons que notre système de santé reste l'orgueil de ses acteurs comme de nos concitoyens. J'ajoute que l'application de ce taux réduit aurait des effets bénéfiques pour les pouvoirs publics et la sécurité sociale, principaux financeurs de l'hôpital public.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Avis défavorable. Selon l'annexe H, seuls les locaux d'habitation sont éligibles au taux réduit de TVA sur les travaux, et non les hôpitaux - exceptés leurs unités d'hébergement et les hôpitaux psychiatriques et maisons de retraite dont l'hébergement constitue l'activité principale.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Même avis.

L'amendement 312, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 72 vise à aligner le taux de TVA sur les abonnements aux réseaux de chaleur sur celui applicable aux abonnements des particuliers aux services de gaz et d'électricité, qui a été ramené à 5,5 %.

La géothermie et la cogénération sont en effet victimes d'une discrimination illogique. Alors que la géothermie est l'une des plus importantes énergies propres, elle ne bénéficie pas du même régime fiscal que les autres sources d'énergie. Le gouvernement précédent avait du reste reconnu l'anomalie de cette situation et demandé à la Commission européenne d'inscrire la fourniture d'énergie calorifique sur la liste des opérations soumises au taux réduit de TVA.

Les groupes UDF, RPR et DL ayant soutenu cet amendement l'an dernier, j'espère que leur fusion dans l'UMP - réaction en principe génératrice de chaleur (Sourires) - ne leur fera pas oublier leurs bonnes intentions !

M. Michel Bouvard - L'amendement 272 de MM. Merville et Pélissard est défendu.

M. le Rapporteur général - Si nous soutenons unanimement cet amendement depuis des années, il n'est pas compatible avec la réglementation européenne.

M. Michel Bouvard - Il faut la faire évoluer !

M. le Rapporteur général - La baisse de la TVA sur les abonnements de gaz et d'électricité il y a quatre ans a donné lieu à une procédure contentieuse actuellement pendante devant la Cour de justice des Communautés européennes. La Commission estime en effet que la consommation et l'abonnement doivent être soumis au même taux pour un même produit. Avis défavorable donc.

M. le Ministre délégué - Laissez-moi exprimer un peu de chaleur à M. Sandrier (Sourires). Si le droit communautaire ne permet pas, en l'état actuel des choses, d'appliquer un taux de TVA réduit aux abonnements aux réseaux de chaleur, le Gouvernement s'attache à obtenir une avancée sur ce sujet. Je vous invite donc à lui faire confiance et retirer ces amendements.

M. Jean-Claude Sandrier - C'est en témoignage de cette confiance que nous maintiendrons le nôtre (Sourires).

L'amendement 72, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 272.

M. Michel Vaxès - A l'exception des transports, les frais d'obsèques sont aujourd'hui soumis à une TVA à 19,6 %. La plupart de nos voisins leur appliquent un taux réduit, comme les y autorise une directive européenne. Le Gouvernement ne peut donc opposer la réglementation européenne à la diminution de cet « impôt sur les morts » que propose notre amendement 74. Je rappelle que les frais d'obsèques peuvent représenter jusqu'à un mois de salaire pour les plus modestes.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable : le même amendement a été repoussé hier soir.

L'amendement 74, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 61 tend à réduire la TVA applicable aux biens culturels diffusés par Internet, actuellement soumis à un taux de 19,6 % au lieu de 5,5 % pour les livres et de 2,10 % pour les journaux lorsqu'ils sont publiés sous forme papier.

Le développement de l'Internet prend du retard en France : il faut donc encourager l'utilisation de ce réseau pour la diffusion des biens culturels. Mon amendement 60 a le même objet pour la presse électronique car il est indispensable qu'une information pluraliste soit largement diffusée.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Cette question vient en effet de faire l'objet d'une directive européenne explicite.

M. Michel Bouvard - Et l'exception culturelle ?

M. le Rapporteur général - Il s'agit d'un service nouveau et le conseil européen a décidé à l'unanimité de lui appliquer le taux normal. La directive, qui date du 7 mai, est susceptible d'être revue d'ici au 30 juin 2006.

M. le Ministre délégué - Même avis pour les deux amendements.

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 60.

M. Philippe Auberger - L'amendement 53 a pour objet d'harmoniser les dates de l'exercice comptable et de l'exercice de TVA pour les bénéfices agricoles. Actuellement, seul l'exercice calendaire civil est autorisé en matière de TVA, alors que l'exercice comptable peut être différent : les activités agricoles suivent un cycle qui est en effet décalé de l'année civile.

M. le Rapporteur général - La commission a émis un avis défavorable, car cet amendement compliquerait de nouveau la situation. L'article 8 apporte une simplification considérable en ce que les agriculteurs qui acquittent une TVA inférieure à 1 000 €, soit les trois quarts d'entre eux, n'auront plus cinq formulaires différents à remplir chaque année mais un seul document. Environ 60 % des agriculteurs ont un exercice comptable qui coïncide avec l'année civile. L'article introduit une grande simplification pour les autres.

M. le Ministre délégué - L'article 8 apporte en effet des améliorations substantielles. J'ajoute qu'une harmonisation entre l'impôt sur le revenu des agriculteurs et la TVA a été faite en 1998, qui a justement consisté à prendre l'année civile comme référence. Cet amendement rendrait beaucoup plus difficiles les obligations déclaratives pour les redevables et leur suivi pour l'administration. D'autre part, la demande de remboursement de crédit de TVA devrait en tout état de cause être déposée en même temps que la déclaration annuelle de TVA, qu'elle soit établie par rapport à l'année civile ou à l'exercice comptable. Enfin, cette mesure coûterait 53 millions d'euros. Je demande donc à M. Auberger de retirer son amendement.

M. Philippe Auberger - J'accède à cette demande, parce que j'ai besoin d'un joker pour l'amendement suivant (Sourires).

M. le Président - Les amendements 54 et 128 corrigé sont en discussion commune.

M. Philippe Auberger - L'amendement 54 tend à faciliter le remboursement de la TVA pour les agriculteurs qui réalisent des investissements importants. Comme cela existe déjà pour les bénéfices industriels et commerciaux, il autorise le remboursement trimestriel pour les bénéfices agricoles, et pas seulement en fin d'année.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 128 corrigé a le même objet. Nous souhaitons que le Gouvernement fasse un geste pour simplifier et améliorer la gestion des exploitations.

M. le Rapporteur général - La commission a été obligée de donner un avis défavorable pour la simple raison qu'elle n'a pas trouvé de solution convenable pour satisfaire à cette préoccupation légitime. Je me tourne donc vers M. le ministre. Lorsqu'un agriculteur réalise un investissement important, il devrait pouvoir bénéficier d'un échéancier de remboursement trimestriel même si sa déclaration de TVA est annuelle. Opter pour une déclaration trimestrielle est en effet irrévocable. L'agriculteur doit pouvoir conserver la déclaration annuelle si elle lui convient mieux sauf pour la période où il réalise un investissement important. Le remboursement trimestriel exceptionnel serait donc réalisé sans déclaration spécifique. Peut-être pourrait-on mettre au point un document simplifié par voie réglementaire ?

M. le Ministre délégué - Vous employez des mots délicats, mais cette question que vous appelez technique est aussi financière ! J'apprends beaucoup au contact de M. Auberger : il présente en premier son amendement de repli et le retire avec une grande élégance, au profit de celui-ci... dont le coût serait de 812 millions d'euros, soit 5 milliards de francs ! J'ai été en mesure de prendre des engagements au cours de nos débats, mais les conséquences financières ici sont trop élevées.

D'autre part, on peut difficilement accepter que le redevable choisisse le calendrier qui lui est le plus favorable chaque fois que cela l'arrange. Il faut une certaine stabilité des règles. L'affaire n'est donc pas mûre, et je pense qu'il serait bienvenu de retirer ces amendements auxquels je ne pourrais de toute façon pas, compte tenu de leur coût, donner un avis favorable.

M. Philippe Auberger - Quelle que soit l'évaluation, il faut préciser qu'elle n'a d'influence que sur la trésorerie. Il ne s'agit que d'anticiper une dépense puisque, de toute façon l'Etat devra rembourser.

M. le Ministre délégué - Pas la première année.

M. Philippe Auberger - Je comprends mal pourquoi cette question a pu être réglée pour les bénéfices industriels et commerciaux et pas agricoles. Nous avons de gros besoins en matière de qualité de l'eau, d'installations d'élevage ou de stockage de céréales. Si nous voulons avoir une agriculture compétitive, il faut favoriser l'investissement, d'autant que j'ai compris qu'il s'agissait d'un des points les plus délicats dans les prévisions du Gouvernement. Je ne vois aucune raison d'empêcher les agriculteurs d'opter, pour l'exercice d'une année donnée, en faveur d'un paiement trimestriel et de leur permettre ensuite de faire une déclaration annuelle.

La question mérite donc d'être approfondie, tant en ce qui concerne l'évaluation du coût que le fait qu'une discrimination existe actuellement avec d'autres professions. Je propose que vos services prennent langue avec les professionnels et avec les services fiscaux pour régler cette question d'équité, et je retire mon amendement.

M. Patrice Martin-Lalande - Je partage le point de vue exprimé par mon collègue Auberger. Les chiffres donnés par le ministre disent assez l'importance du problème pour les exploitants agricoles, dont les difficultés sont bien connues. La mesure proposée aurait un impact favorable. Ayant pris acte de l'engagement du ministre, je retire l'amendement 128 corrigé.

M. Philippe Auberger - L'amendement 54 est retiré, de même que l'amendement 271.

M. Michel Bouvard - L'amendement 36 de la commission et mon amendement 283 poursuivent le même objectif : favoriser la restauration des monuments historiques même lorsqu'ils sont affectés à d'autres usages que muséographiques. A cet effet, il est proposé de déclarer éligibles au FCTVA les dépenses correspondant à des travaux réalisés sur les monuments historiques inscrits ou classés appartenant à des collectivités territoriales quelle que soit l'affectation finale, le mode de location ou de mise à disposition de ces édifices.

M. le Ministre délégué - Il ne m'a pas échappé que l'un des deux amendements est présenté par votre commission, ce qui rend ma tâche encore plus difficile... Je comprends parfaitement les difficultés évoquées, mais la solution proposée ne me semble pas être la bonne, car elle conduirait à dénaturer le FCTVA, en permettant de cumuler les versements de ce fonds et le droit à récupération de la TVA. De plus, l'extension de l'éligibilité au FCTVA quelle que soit l'affectation finale du bien - en dérogation à un principe fondamental - ouvrirait inévitablement la porte à d'innombrables demandes reconventionnelles bien au-delà des seuls monuments historiques. Je rappelle d'autre part que la restauration des monuments historiques fait l'objet de subventions publiques qui peuvent atteindre jusqu'à 40 % du coût des travaux... (M. Michel Bouvard se récrie) même si la réaction de M. Bouvard me donne à penser qu'il a connu la même expérience que le président de la communauté urbaine d'Alençon en ces matières... (Sourires)

J'observe par ailleurs que votre rapporteur général a souligné, au cours des travaux de votre commission, que l'éligibilité au FCTVA avait déjà été élargie, et qu'un équilibre satisfaisant avait été ainsi trouvé ; quand au président de votre commission, il a fait des commentaires intéressants sur le surcoût des travaux de restauration...

Mon expérience personnelle de ces travaux m'a convaincu de la performance de la chaîne des opérateurs n'est pas toujours la meilleure. J'ai abordé la question avec mon collègue ministre de la culture, car nous devons sortir de cette impasse. Soit la France n'est pas en état d'appliquer son programme de restauration des monuments classés et nous devons en tirer toutes les conséquences, soit elle en est capable, et ceux à qui cette tâche a été confiée doivent s'y employer avec détermination. Autrement dit, il faut mettre le doigt là où cela fait mal et non pas faire jouer un dispositif fiscal. C'est la performance qui doit primer.

M. Michel Bouvard - Performer ou réformer...

M. le Ministre délégué - Je vous prie donc de retirer ces amendements dont je serai contraint, sinon, de demander le rejet.

M. Marc Laffineur - Monsieur le ministre, certains de vos arguments sont bons mais d'autres le sont moins car c'est un grand scandale que celui du coût, pour les collectivités, de la restauration des monuments historiques. Je n'utiliserai pas des termes aussi diplomatiques que les vôtres pour dire que le renchérissement considérable des travaux est dû aux architectes des bâtiments de France, ceux-là même que l'on croise si peu souvent sur les chantiers. Ces coûts sont intolérables pour les communes. Certes, on ne peut jouer sur deux tableaux en même temps, mais des mesures doivent être prises pour que les collectivités ne soient plus étranglées comme elles le sont en permanence par ces charges qui dépassent leurs ressources.

M. Patrice Martin-Lalande - Tristement vrai !

M. le Rapporteur général - Je partage sans réserve les préoccupations exprimées sur la filière des travaux de restauration des monuments historiques. L'amendement de notre collègue Michel Bouvard a du reste suscité une sympathie spontanée au sein de la commission, sensible, également, aux redoutables difficultés posées par les travaux archéologiques. Si quelques réserves apparaissent dans le compte rendu des propos que j'ai tenus en commission, c'est sur le principe de la mise à disposition des monuments historiques. Le débat sur cette question a duré des années avant que nous parvenions à trouver un équilibre qui semble donner satisfaction. Or la rédaction, très large, de l'amendement risque de mettre en péril ce consensus.

M. Michel Bouvard - Je suis conscient des faiblesses de l'amendement et des risques potentiels de son application. Mais le problème est réel, et il peut trouver une solution sans que le FCTVA s'en trouver déséquilibré. Il faut admettre que la restauration des monuments historiques par les collectivités territoriales est un secteur particulier qui justifie des aménagements, même lorsque l'usage final est autre que muséographique. On voit bien que la richesse même de notre patrimoine empêche les transformations en musées de tous les bâtiments appelés à être restaurés. Il faudra bien leur trouver une autre affectation, y compris par location ou mise à disposition des tiers.

Je suis disposé à retirer l'amendement sous réserve que le Gouvernement s'engage à retravailler la question d'ici à l'examen du texte au Sénat. Le problème est réel, les textes doivent évoluer. Le statu quo condamnerait à la ruine quantité d'édifices alors même qu'existent des projets de restauration.

M. le Ministre délégué - J'ai bien entendu votre appel. Je m'engage, mais pas dans le délai très court que vous demandez, impossible à tenir, à apporter une solution, d'ailleurs plutôt par la voie réglementaire, laquelle offre plus de souplesse. Cela étant, nous devons traiter également les autres problèmes évoqués. L'exécutif compte sur l'aide du législateur pour améliorer le fonctionnement de toute la chaîne de la restauration et de la mise en valeur du patrimoine public, qui fait la richesse de notre pays. Trop de moyens sont aujourd'hui gaspillés, faute que les crédits inscrits aient pu être utilisés dans des délais raisonnables, si bien qu'entre temps le coût des opérations a considérablement augmenté.

Les amendements 36 et 283 sont retirés.

M. Jean-Claude Sandrier - Dans le futur projet de loi de décentralisation, les investissements des collectivités devraient être appelés à soutenir encore davantage l'activité économique. Or, depuis 1993, les collectivités ne peuvent plus récupérer en totalité la TVA sur leurs dépenses d'investissement. Cette mesure, qui au demeurant ne devait être que temporaire, ne se justifie absolument plus. Alors que la conjoncture économique s'assombrit, elle est même néfaste. On en connaît les conséquences : ralentissement des investissements des collectivités, besoins d'équipement non satisfaits, accroissement relatif de la pression fiscale locale.

C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement 82, de revenir sur les dispositions réduisant le montant du FCTVA. Cette mesure, d'un coût modique, permettrait de soutenir l'investissement des collectivités bien mieux que les dotations d'équipement des enveloppes normées, et ainsi d'atteindre l'objectif de croissance fixé dans le projet de loi de finances.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Le prélèvement opéré sur le budget général au profit du budget européen, dont nous avons voté hier le montant, comporte une fraction de recettes de TVA que cet amendement aurait pour effet de réduire. Il n'est donc pas possible d'adopter celui-ci.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 82, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE 10

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 11

M. Michel Vaxès - Si l'on en croit l'exposé des motifs, l'article 11, qui a pour objet de réduire progressivement la fraction de recettes prise en compte dans les bases de taxe professionnelle des titulaires de bénéfices non commerciaux, viserait à l'équité fiscale. Cette mini-réforme est présentée comme le pendant naturel de la suppression progressive de la part salariale. Cette mesure, d'un coût marginal nous dit-on, ce qui a à soi seul peut faire s'interroger sur sa pertinence, marque bien en réalité une étape supplémentaire dans la réforme de la taxe professionnelle. Vers sa suppression totale comme le souhaite le MEDEF ? Qu'en serait-il alors de l'autonomie financière des collectivités dont on s'apprête pourtant à graver le principe dans le marbre de la loi ?

La situation financière des contribuables concernés est très variable. Certains ne réalisent que très peu de bénéfices, d'autres sont même en déficit, qui donc ne tireront aucun profit de cette réforme. D'autre part, encore une fois, la compensation aux communes de cette perte de recettes sera sans commune mesure avec ce qu'elles auraient perçu sans la réforme.

L'article 11 est donc davantage un gadget à l'intention d'une clientèle électorale bien ciblée qu'une mesure fiscale équitable et efficace.

Pour notre part, nous aurions souhaité proposer un dispositif de dégrèvement partiel et progressif, se rapprochant de celui qui existe pour la taxe d'habitation, qui aurait présenté le double avantage de recentrer le bénéfice de la mesure sur les titulaires de BNC les plus bas et de ne pas faire perdre trop de recettes aux collectivités. Notre amendement a malheureusement été déclaré irrecevable.

M. le Rapporteur général - Je me réjouis que le projet de loi de finances comporte cette mesure, attendue depuis longtemps par les professions libérales titulaires de BNC, employant moins de cinq salariés. En effet, leur régime d'imposition, qui date du passage de la patente à la taxe professionnelle en 1975, les défavorise depuis que la part salariale de la taxe professionnelle a été progressivement supprimée. En 1975, le législateur a décidé d'imposer ces professions sur une fraction de leurs recettes plutôt que sur les salaires versés et les investissements réalisés au motif qu'employant en général peu de salariés et n'ayant que peu d'équipements, elles n'auraient pas été sinon assez imposées. Au fil du temps, cette base, qui a d'ailleurs conduit à des impositions non négligeables, les a desservies. La suppression de la part salariale a encore accentué le déséquilibre en leur défaveur et l'on peut vraiment depuis quatre ans parler d'anomalie fiscale. La situation crée des distorsions de concurrence au détriment des petites structures. Un cabinet d'expertise comptable exerçant en société et employant plus de cinq salariés acquitte, toutes choses égales par ailleurs, une taxe professionnelle deux à trois fois inférieure à un cabinet de moins de cinq salariés imposé aux BNC.

L'amendement 37 de la commission vise à accélérer le calendrier de la réforme. La suppression de la part salariale avait bénéficié aux entreprises dès 1999, au plus tard en 2000 ; dans un souci de justice fiscale, nous proposons de combler plus rapidement le retard dont sont victimes les titulaires de BNC employant moins de cinq salariés, en réalisant la réforme sur trois ans au lieu de quatre : la fraction de recettes retenue serait ainsi fixée à 6 % dès 2005.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement avait choisi un rythme de réforme identique à celui qui avait été retenu pour les autres activités, mais je reconnais que les professionnels libéraux ont dû faire preuve de beaucoup de patience. Le Gouvernement vous donne son accord et lève le gage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Marc Laffineur - Merci pour ces professions, qui avaient été les grandes oubliées de la réforme précédente et ont en outre dû s'adapter aux 35 heures. L'impôt calculé sur la base de 10 % de leurs recettes est extrêmement lourd par rapport à leur bénéfice, qui se situe en général aux alentours de 30 % du chiffre d'affaires. En adoptant cette réforme, nous faisons _uvre salutaire.

L'amendement 37 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - Je comprends que nos collègues marquent leur satisfaction et leur émotion, tant il est rare de voir le Gouvernement accepter un amendement de la commission des finances ou de sa majorité : depuis le début de la semaine, on assiste à retrait sur retrait... La majorité est vraiment cadenassée : jamais aussi peu d'amendements n'auront été acceptés.

M. Marc Laffineur - Parce que le texte du Gouvernement n'a jamais été aussi bon !

M. Didier Migaud - Pourtant, vous avez déposé un certain nombre d'amendements...

La réforme de la taxe professionnelle entreprise par le gouvernement de Lionel Jospin avait pour objectif de favoriser l'emploi. La disposition proposée ne poursuit pas le même but puisqu'elle bénéficiera indifféremment à tous les titulaires de BNC, qu'ils emploient ou non des collaborateurs. L'amendement 206 tend à en limiter l'application à ceux qui emploient au moins un salarié.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable à cet amendement paradoxal. Le gouvernement précédent et M. Migaud ont toujours reconnu qu'il existait un potentiel d'emploi important dans les professions assujetties au BNC. Ce potentiel correspondant précisément à l'embauche d'un premier salarié, il serait très inopportun de priver du bénéfice de la réforme les professionnels qui n'ont aucun salarié !

MM. Didier Migaud et Augustin Bonrepaux- Au contraire !

M. le Rapporteur général - Mais non : par cette mesure nous les encourageons à embaucher un premier salarié.

En outre, c'est une mesure de parfaite équité puisqu'à terme elle réduira d'environ 40 % la cotisation de taxe professionnelle versée par les professions libérales et que la réforme générale a réduit de 35 % en moyenne celle des entreprises.

M. le Ministre délégué - Didier Migaud ne m'en voudra pas de lui parler franchement. Je voudrais lui dire que j'ai au contraire trouvé excellentes les propositions de la commission des finances. En revanche, nous n'avons pas voulu adopter une pratique bien connue, consistant à faire déposer par la majorité des amendements que le Gouvernement n'ose pas porter. Nous sommes dans une relation de très grande sincérité.

L'approche fiscale du précédent gouvernement consistait à diviser - entre public et privé, par exemple. Hier, le groupe socialiste a défendu de même des amendements qui excluaient les redevables des tranches supérieures des impôts, comme s'il y avait des catégories différentes de Français.

M. Jean-Pierre Brard - Oui ! Il y a ceux qui ont des coffres et ceux qui n'en ont pas !

M. le Ministre délégué - Le grand changement est là : l'actuel gouvernement et la majorité qui le soutient veulent rassembler les Français au service de la France et de l'emploi, alors que vous les avez divisés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Cet amendement continue à opposer les uns aux autres, en distinguant ceux qui ont des salariés et ceux qui n'en ont pas. Cette manière de concevoir la législation fiscale est périmée ! Donc, rejet.

M. Augustin Bonrepaux - De nombreux amendements ont été présentés mais bien peu ont été adoptés. Hier soir, nous avons atteint le comble de la caricature avec la TVA sur la restauration : la majorité était déterminée à faire adopter son amendement mais, après suspension, elle est revenue voter contre ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Boutin - Vous n'avez pas de leçon à nous donner !

M. Augustin Bonrepaux - Tout à l'heure, Michel Bouvard a défendu un amendement de bons sens relatif aux monuments historiques, que nous aurions pu voter, mais il a été retiré parce que vous êtes aux ordres du Gouvernement ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Boutin - Absolument pas !

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes ensorcelée par M. Lambert, Madame Boutin !

Mme Christine Boutin - Pas du tout !

M. Augustin Bonrepaux - Monsieur le ministre, nous cherchons à limiter l'énormité des cadeaux que vous offrez aux privilégiés. Je crois me souvenir que M. Méhaignerie, naguère, était partisan de plafonner ces cadeaux. Aujourd'hui, il ne le propose plus. Notre souci, visiblement, n'est pas le vôtre. Une fois encore, vous refusez notre proposition.

Monsieur le rapporteur général, vous ne ferez pas croire que repousser notre amendement c'est favoriser l'emploi. Notre objectif, au contraire, tend à inciter à créer de l'emploi. Dans votre rapport, vous indiquez vous-même que plus de la moitié des titulaires de BNC de moins de cinq salariés n'emploierait aucun salarié. Or, grâce à vous, ils vont bénéficier tout comme les autres de la déduction.

Notre réforme de la taxe professionnelle, en supprimant la part salariale, était destinée à encourager l'embauche. Nous sommes d'accord pour réduire la taxe professionnelle de ceux qui ont un ou des salariés ; mais la réduire pour ceux qui n'en ont pas représente un cadeau sans contrepartie. Votre démarche était la même hier, à propos de la réduction d'impôt pour emploi à domicile : encore un cadeau. Mais la majorité a eu pour finir un peu de remords face à notre dénonciation de l'aubaine fiscale que représentait la rétroactivité. Bref, notre souci est de créer des emplois, le vôtre est d'accorder un nouveau cadeau fiscal à une certaine clientèle électorale.

M. Didier Migaud - Je ne veux pas m'immiscer dans les rapports entre le Gouvernement et la majorité. Je ne ferai qu'un constat : étant, en quelque sorte, membre de la majorité présidentielle (Sourires), nous avons été surpris hier par le manque de confiance de la majorité parlementaire envers la parole du Président de la République. En effet, pour la TVA sur la restauration, une simple intervention du ministre du budget a eu plus de poids que l'engagement solennel du Président de la République. Quelle surprenante méfiance !

M. Maurice Leroy - Nous sommes à l'Assemblée !

M. Didier Migaud - Que le ministre cesse de caricaturer les positions de l'ancienne majorité ! Qui a supprimé la base salariale de la taxe professionnelle ? Qui a diminué la surtaxe Juppé, que vous conservez encore, relative à l'impôt sur les sociétés ?

Alors, prétendre que nous avons systématiquement écarté les mesures propres à favoriser l'emploi relève d'un procédé caricatural auquel, Monsieur le ministre, vous nous aviez peu habitués jusqu'à présent.

Déclencher l'aide à partir du premier emploi, c'est inciter à le créer. Notre amendement est bien destiné à améliorer votre dispositif.

M. Jean-Pierre Brard - Les idéologues les plus dangereux sont ceux qui prétendent ne pas l'être. Monsieur le ministre, vous êtes expert en la matière. Vous vous exprimez plein d'onction et de componction.

M. Maurice Leroy - Cela vaut absolution !

M. Jean-Pierre Brard - L'absolution, je ne la recommande pas aux électeurs pour la prochaine échéance. M. Lambert devra d'abord se confesser et faire contrition !

Vous refusez, affirmez-vous, d'opposer les Français les uns aux autres. Vous traitez tout le monde de la même manière, vous aimez tout le monde indifféremment ! Nous ne sommes pas comme vous : pour nous, les petits et les gros, ce n'est pas pareil, et ce n'est pas seulement un effet d'optique. Vous ne faites pas de différence entre les entreprises qui ont des salariés et celles qui n'en ont pas. Je pensais, en vous entendant, à un boulanger de Montreuil qui fait un des meilleurs pains de la Seine-Saint-Denis, M. Le Goupil, rue de l'Eglise (Rires). Quel intérêt M. Le Goupil peut-il avoir en commun avec le baron Seillière de la Borde ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Aucun, évidemment ! Mais votre astuce, et là se cache l'idéologie, consiste à dire : on traite tout le monde de la même manière. C'est ainsi que vous faites supporter les frasques de M. Seillière à M. Le Goupil et aux personnes modestes qui sont ses clients.

M. Maurice Leroy - J'espère qu'il lit le Journal officiel !

M. Jean-Pierre Brard - Je le lui donnerai ! Le discours idéologique du ministre est empreint d'une perversion profonde...

M. Marc Laffineur - Ça suffit !

M. Jean-Pierre Brard - Que M. Laffineur essaie de venir à votre rescousse, Monsieur le ministre, me confirme dans la justesse de mon point de vue. Mais je ne suis pas sûr que M. Laffineur soit une béquille bien efficace !

L'amendement 206, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Notre amendement 309 rectifié tend à actualiser la base de la compensation. Celle-ci, dans le projet, est calquée sur la compensation relative à la suppression de la part salariale et la taxe professionnelle. Or les deux dispositifs n'ont rien à voir. En effet, la réforme de 1998 a supprimé la base pour la taxe professionnelle, ce qui n'est pas le cas pour la base concernée par l'article 11. Cette base est connue chaque année. Aussi proposons-nous de calquer sur elle la compensation.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

A l'occasion de la suppression de la part salariale, une photographie de celle-ci a été établie dans les entreprises, au 1er janvier 1999. Quand une entreprise avait embauché à cette date, la base réelle n'était pas prise en compte dans le calcul de la compensation aux collectivités locales ; la référence était la situation au 1er janvier 1999. Si une entreprise avait dû réduire son personnel, la compensation s'opérait sur la base de 1999, donc supérieure à l'évolution de la masse salariale de l'entreprise.

Le Gouvernement propose la même démarche pour la base recettes. Celle-ci sera figée au niveau constaté en 2003, et la compensation sera calculée sur cette base, multipliée par le taux tel qu'il était en 2002.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Augustin Bonrepaux - Je ne fais que reprendre votre proposition de 1998, qui était inapplicable à l'époque, la base salariale ayant disparu. En revanche, dans la réforme de la taxe professionnelle pour les professions libérales, la base existant toujours, la compensation peut être réalisée. Pourquoi repousser aujourd'hui votre proposition de 1998 ?

L'amendement 309 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 11, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

M. le Rapporteur général - L'amendement 228 est de coordination.

L'amendement 228, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - L'anomalie de la taxe professionnelle de France Télécom pénalise injustement les collectivités locales qui abritent ses établissements. Mais la solution que propose cet article est un subterfuge qui me rappelle ce qui se passe dans les foyers de travailleurs maliens de Montreuil. Vous devenez un spécialiste du bonneteau, Monsieur le ministre ! Votre proposition ne répond pas aux préoccupations des élus locaux concernés. D'autre part, la soumission au droit commun de l'imposition de France Télécom ne doit pas se traduire par une ponction sur la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle due aux collectivités. Vous illustrez le vieil adage « donner et retenir ne vaut » : cette réforme est neutre pour l'Etat. Ce que notre collègue de Courson qualifierait de nouvelle usine à gaz ne présente aucun avantage pour les collectivités locales : vous inventez pour elles une taxe professionnelle qui ne rapporte rien ! Aussi vous demandons-nous d'adopter notre amendement 77.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Comme souvent notre collègue Brard réclame le beurre, l'argent du beurre et même davantage ! Les collectivités locales bénéficient déjà des bases restituées de France Télécom, elles ne vont pas en plus profiter du maintien de la dotation de l'Etat ! On le sait généreux, mais pas à ce point !

Quant à la réforme, elle est satisfaisante.

La soumission de France Télécom à l'impôt s'est d'abord opérée au profit exclusif de l'Etat. Nous revenons enfin dans le droit commun, ce devrait bientôt être aussi le cas pour La Poste. Les collectivités locales bénéficieront donc d'une nouvelle assiette fiscale, avec la liberté de voter les taux qui s'y appliquent.

M. le Ministre délégué - Je rassure M. Brard : la compensation des pertes de recettes de l'Etat par prélèvement sur la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle ne lèse en rien les collectivités locales : ce prélèvement correspond en effet au surcroît de taxe professionnelle qu'elles percevront grâce à la soumission de France Télécom au droit commun. Elles devraient même enregistrer, avec la taxe foncière de France Télécom, un gain net de 16 millions d'euros. Enfin, le prélèvement opéré par l'Etat lui permettra de financer le FNPTP par une nouvelle dotation de 271 millions d'euros. Votre amendement, Monsieur Brard, ne garantit plus la neutralité financière de la réforme. Je vous invite donc à le retirer, faute de quoi mon avis serait défavorable.

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'avez heureusement pas repris, Monsieur le ministre, l'image du rapporteur : vous savez bien que dans les chemins creux du bocage, cela ne se passe pas comme au Perreux.

Les collectivités locales étaient jusqu'à présent condamnées au pain sec et nous voulions simplement beurrer un peu la tartine ! Vous prétendez qu'elles ne sont pas lésées, mais vous ne leur donnez pas un sou de plus, hormis les 16 millions d'euros de la taxe foncière - une misère ! En réalité, le magot était du côté de la taxe professionnelle. Mais vous vous contentez d'une réforme blanche - neutre, comme vous dites joliment. Vous ne réparez pas le préjudice subi par les collectivités et vous ne leur consentez aucun avantage, sauf, ce qui n'aura pas échappé à nos collègues de droite, celui de fixer les taux. Autrement dit, vous les incitez à augmenter les taux pour tirer tous les bénéfices de la réforme ! Mais je pense que le débat va rebondir.

L'amendement 77, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - La pédagogie est l'art de la répétition... à condition que l'on soit écouté !

Or le ministre, s'il m'écoute, ne semble pas décidé à me comprendre.

M. le Ministre délégué - Je prends des notes.

M. Jean-Pierre Brard - Je crains que cela ne soit guère productif. L'amendement 11 est un amendement de repli. Devant le mutisme du rapporteur général et du ministre, je n'ai rien à ajouter.

M. le Rapporteur général - Je vais rompre le mutisme : avis défavorable.

L'amendement 11, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 293, qui apaisera les craintes de notre collègue Brard, tend à indexer la compensation de 271 millions d'euros de l'Etat sur l'évolution de la DGF, conformément à une longue pratique.

On peut craindre, en effet, que les ressources du fonds national de péréquation ne se tarissent, au détriment de l'ensemble des collectivités. Cet amendement va dans le sens de la justice en assurant une péréquation. L'accueil que lui réservera le Gouvernement donnera la mesure de sa volonté réelle de donner aux collectivités locales les moyens de leurs compétences.

M. le Rapporteur général - La commission souscrit pleinement aux arguments de M. Bonrepaux. C'est une question de principe : toutes les compensations sont indexées sur la DGF. L'autre dotation existante de l'Etat au FNPTP est indexée sur les ressources fiscales nettes de l'Etat. Il apparaît cependant plus logique d'indexer la nouvelle compensation sur la DGF.

A l'occasion de la décentralisation, il est possible que certaines recettes de l'Etat soient transférées. L'indexation sur les recettes fiscales nettes de l'Etat risque donc d'être défavorable puisque ces recettes vont baisser. Mieux vaut donc une indexation sur la DGF, mais nous voulons aussi savoir quelle attitude le Gouvernement adoptera pour les indexations qui restent fondées sur les recettes. Mon amendement 229 et celui de M. Bonrepaux ont reçu un avis favorable de la commission.

M. le Ministre délégué - Voici la preuve que la commission des finances ne s'aligne pas systématiquement sur le point de vue du Gouvernement. Je voudrais d'abord préciser qu'il ne s'agit pas ici d'une compensation, qui ne peut concerner qu'une charge qui est transférée. Le montant de la dotation de l'Etat au FNPTP pour 2003 a été fixé de façon à garantir la neutralité, pour le fonds, de la normalisation de la fiscalité locale de France Télécom. Au-delà de 2003, l'évolution des autres ressources du fonds et de ses charges sera entièrement déconnectée de l'indice d'évolution de la DGF. Le FNPTP dispose en effet de ses propres ressources, dont aucun n'est indexée sur la DGF. L'évolution de ses charges, dont notamment la dotation de développement rural ou les compensations des pertes de DCTP, est également indépendante de celle de la DGF. Une indexation sur la DGF serait parfaitement injustifiée et aurait en outre des conséquences qui sont encore sous-estimées. Je vous invite donc à retirer ces amendements. A défaut, j'en demanderai le rejet.

M. le Rapporteur général - La dotation du FNPTP fait partie de l'enveloppe normée, qui est indexée sur les prix et sur un tiers de la croissance. J'aurais compris que, dans la logique du contrat de croissance et de solidarité, vous préfériez cette indexation là à celle sur la DGF, même si elle aurait dérogé aux principes d'indexation des dotations de l'Etat. Mais est-il cohérent que le FNPTP reçoive deux apports différents de l'Etat, l'un indexé sur les recettes fiscales nettes et l'autre, de 271 millions, pas indexé du tout ? En outre, le fonds fait partie de l'enveloppe normée et il doit donc en tout état de cause être indexé. Je ne vois aucune raison logique à refuser l'indexation.

M. le Ministre délégué - Je ne m'oppose pas à vous. Je vous avertis simplement qu'il ne faudra pas reprocher au Gouvernement les conséquences de cet amendement. Dès que l'on touche au dispositif des compensations, on provoque des effets secondaires qui sont difficiles à maîtriser. Si l'amendement est adopté, ce que le Gouvernement ne recommande pas, ses auteurs devront en assumer les conséquences.

M. Augustin Bonrepaux - Les effets de l'indexation ne peuvent être que positifs ! Elle fera bénéficier le fonds de 5 ou 6 millions d'euros supplémentaires tous les ans, ce qui est un signe en faveur de la péréquation. C'est dans le cas contraire que les conséquences seront graves, parce que le niveau de la péréquation sera gelé. Les collectivités qui en bénéficient, c'est-à-dire les communes défavorisées, qui ont un potentiel fiscal inférieur à la moyenne, percevront chaque année le même montant, ce qui revient à déprécier la péréquation. Il ne faut pas que les ressources provenant de France Télécom soient transférées aux zones où l'entreprise est implantée, qui sont fortement peuplées, et que les communes défavorisées n'en retirent rien. Enfin, accepter ces amendements serait le signe que le Gouvernement associe la péréquation à la décentralisation.

M. le Rapporteur général - Le système de dotation de l'Etat aux collectivités locales ressemble aux vases communicants : la DGF est indexée sur les prix et sur la moitié de la croissance, mais elle est intégrée dans une enveloppe générale qui est elle-même indexée sur les prix et sur le tiers de la croissance... Il est donc vrai que ces amendements pourraient poser quelques difficultés. Je serais donc prêt à retirer le mien pour laisser la réflexion s'approfondir si le ministre répond à une question de principe.

Nous parlons d'une dotation nouvelle, qui fera partie des relations entre l'Etat et les collectivités locales et qui bénéficie de surcroît à un fonds essentiel. Nous allons bientôt discuter de la loi constitutionnelle, dont le Premier ministre a dit que les deux piliers en matière financière étaient l'autonomie et la péréquation. L'organe essentiel de la péréquation, le FNPTP, doit donc pouvoir augmenter régulièrement et donc être indexé. A l'occasion de la remise à plat qui va être effectuée, êtes-vous acquis à l'idée que la dotation au FNPTP suive l'évolution générale que connaîtront les dotations de l'Etat aux collectivités locales ?

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement noue des relations de grande confiance avec le Parlement, et je veux que nous parlions sur des bases très claires. Je ne serai pas en mesure, si cet amendement est voté, de garantir l'évolution que vous souhaitez.

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi ?

M. le Ministre délégué - Si je voulais défendre aveuglément les intérêts de l'Etat, cela m'arrangerait plutôt de laisser voter ces amendements ! Mais je perdrais alors votre confiance. Je vous demande de les retirer pour prendre le temps d'examiner la question de façon approfondie et d'y répondre en toute sécurité financière. Cela dit, la représentation nationale est libre d'agir comme elle l'entend.

Mme Christine Boutin - Il me paraît très important que le ministre nous propose d'établir une relation de confiance entre l'Assemblée et le Gouvernement. C'est nouveau.

M. Didier Migaud - Oh !

Mme Christine Boutin - Monsieur le ministre, vous avez une responsabilité morale très importante. Mon expérience de parlementaire me permet de vous dire que restaurer cette confiance est indispensable.

M. Didier Migaud - Avez-vous tellement souffert, sous Juppé et Balladur ?

Mme Christine Boutin - C'est votre parole et celle du Gouvernement qui sont en cause (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Je serais disposé à vous suivre, Monsieur le ministre, si je comprenais en quoi l'indexation proposée menacerait la péréquation. Comment améliorer la péréquation si le Fonds n'est pas davantage alimenté ? Le premier des soucis du Gouvernement devrait pourtant être de donner plus aux collectivités défavorisées ! J'avais, en son temps, souligné le danger de ce transfert pour la péréquation : eh bien, nous y sommes ! Dans ces conditions, il faut dire, comme nous le demandons, que les choses doivent évoluer. Et si nous vous avons suivi, hier, sur diverses propositions qui nous semblaient aller dans le bon sens, car nous souhaitons participer à cette discussion dans un esprit constructif, il ne peut en être de même aujourd'hui. Je maintiens donc l'amendement.

M. le Rapporteur général - L'amendement 229 est retiré.

L'amendement 293, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 13, amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. Didier Migaud - L'article traite, en fait, de la liberté et de la responsabilité des élus. A ce titre, il conduit à s'interroger sur les projets du Gouvernement en matière de décentralisation ! Nous considérons que toute proposition qui tend à amplifier la liberté des collectivités locales et de leurs élus va dans le bon sens, car les élus, n'en déplaise à certains au sein du Gouvernement, sont des gens responsables. On constate, à ce sujet, des discours différents, sinon contradictoires selon les ministres. Ainsi avons-nous entendu M. de Robien nous expliquer mardi que la loi SRU, parce qu'elle imposait quelques obligations aux élus, mettait en doute leur sens des responsabilités, alors qu'il convenait de leur accorder une confiance absolue. On note, dans le même temps, que cette confiance est beaucoup plus mesurée au ministère de l'économie... Le Premier ministre devra donc trancher, et trancher dans le sens de la responsabilité des élus.

Cela dit, je souhaite exprimer les craintes que suscitent les projets du Gouvernement en matière de décentralisation. Il est bon, bien sûr, que la France soit plus décentralisée et plus déconcentrée, et il est émouvant d'entendre le Premier ministre battre la coulpe de la droite qui n'avait pas voté les lois Mauroy-Defferre, véritables lois de progrès. Mais qu'en est-il des projets annoncés ? Nous approuvons l'extension de la décentralisation à condition qu'elle n'ait pas pour conséquence l'éclatement de la République et à condition, aussi, qu'elle ne soit pas source de disparités renforcées entre les régions et les citoyens. Or le débat qui vient d'avoir lieu montre de bien étranges blocages sur la péréquation, laquelle avait plutôt augmenté au cours de la précédente législature et dont vous arrêtez l'essor, empêchant ainsi la poursuite de la redistribution entre les régions.

S'agissant du principe d'autonomie financière et fiscale sur lequel le Gouvernement insiste tant, il faut remettre les choses en perspective : cette autonomie porte, en France, sur 50 % des recettes, contre 30 % en moyenne au sein de l'Union européenne. On notera incidemment que l'autonomie politique des collectivités territoriales françaises est bien moindre que celle de leurs homologues allemandes ou espagnoles, ce qui montre que les deux aspects ne sont pas nécessairement liés. J'ajoute que si ce principe n'est si haut affirmé que pour servir de cache-sexe à certaines rentes de situation, c'est notre conception de l'égalité républicaine qui est remise en cause. Enfin, nous sommes inquiets des conséquences que pourraient avoir les transferts de charges pour les collectivités territoriales, contraintes d'augmenter les impôts locaux pour y faire face. On sait bien, en effet, que le fait de rapprocher le lieu de la décision du lieu de l'expression des besoins a des conséquences sur les coûts...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Didier Migaud - C'est qu'il y a lieu d'être inquiet !

Quand on entend le ministre de l'éducation nationale nous expliquer qu'il s'apprête à supprimer des postes de surveillants et d'aides-éducateurs mais que, peut-être, il formulera des propositions alternatives associant les collectivités locales, on ne peut que s'interroger sur le projet de décentralisation du Gouvernement. Autrement dit : oui au renforcement de la liberté et de la responsabilité des élus, mais attention à ce que le piège ne se referme pas sur eux, obligés quoi qu'ils en aient d'user de la liberté fiscale qui leur serait octroyée pour augmenter les impôts locaux.

M. Xavier Bertrand - Je rappelle que nous n'examinons pas le projet de loi de décentralisation mais le projet de loi de finances, qui répond à une double nécessité : réduire les prélèvements obligatoires et favoriser la consommation et l'investissement en faisant renaître la confiance. Il est évident que nous n'allons pas procéder différemment sur le plan local et au niveau national ! L'article 14 prévoit un équilibre bienvenu entre la rigidité passée et l'excès de liberté et instaure une souplesse qui permettra de mieux tenir compte de la diversité des territoires. Encore doit-il ne pas être dénaturé.

Je suis d'accord sur le principe de ne pas augmenter la fiscalité locale, mais le risque existe. A cause du contexte économique bien sûr, mais aussi parce que, depuis cinq ans, la liberté financière des départements n'a cessé d'être réduite. Où est la liberté d'une collectivité lorsque ses recettes fiscales sont peu à peu remplacées par des dotations ? Or la part des recettes fiscales des départements a chuté de 65,5 % en 2000 à 56,8 % aujourd'hui, cependant que les dotations, qui représentaient 22,1 % des recettes réelles en 1999 en constituent maintenant 37,4 %.

C'est dire que le risque d'augmentation des impôts locaux menace les départements et les ECPI plus que les communes : les départements parce qu'ils n'ont pas les moyens d'absorber le financement de l'APA ni celui des 35 heures dans la fonction publique territoriale, les ECPI parce que leur montée en puissance va coûter cher.

Il y a donc un risque certain de dérapage non seulement de la taxe professionnelle, ce qui serait fâcheux car cela pourrait ralentir les investissements et casser la confiance, mais aussi de la taxe sur le foncier non bâti. Tout dépendra des réalités locales.

Je terminerai sur la méthode retenue : décision, expérimentation, puis évaluation. Oui, il faudra regarder si les résultats sont à la hauteur des attentes. Ce n'est qu'ensuite que l'on saura dans quelle direction et à quel rythme il faut continuer d'avancer. C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'un rapport sera présenté annuellement au Parlement.

Il serait prématuré d'aller aujourd'hui au-delà des dispositions de l'article 14. S'il importe d'avancer avec détermination, il faut se garder de toute précipitation. De nouvelles règles du jeu doivent être fixées entre les collectivités mais aussi entre elles et l'Etat. Attendons qu'elles le soient avant d'aller plus loin. Nous sommes heureusement élus pour cinq ans ! (M. le Président de la commission des finances et M. Laffineur applaudissent)

M. Eric Woerth - L'article 14 marque une première étape dans l'assouplissement du carcan qui jusqu'alors pesait sur les collectivités.

Certains sont plutôt enclins à faire confiance, d'autres sont plus prudents, pour ne pas dire méfiants. Je fais, pour ma part, plutôt partie des premiers. Après déjà une longue expérience de la décentralisation, les élus locaux sont, j'en suis convaincu, parfaitement responsables et ils ne feront pas mauvais usage des nouvelles libertés qui leur sont données. Il serait en revanche risqué d'aller aujourd'hui plus loin que les dispositions de l'article 14. Faisons ce premier pas et sortons en douceur du système très contraignant de la liaison des taux. Un débat global devra ensuite avoir lieu ; le projet de loi constitutionnelle et le projet de loi organique qui suivra en donneront l'occasion. Devront notamment y être abordées les questions, essentielles, de la répartition des compétences, des relations entre collectivités, du financement bien sûr et aussi, question cent fois posée et jamais résolue, des financements croisés.

Je ne pense pas que la déliaison des taux conduira automatiquement à une augmentation de la fiscalité locale. Celle-ci augmentera quoi qu'il en soit, car les collectivités vont recevoir de nouvelles compétences et l'on sait bien que les élus locaux veulent toujours faire mieux que ce que faisait l'Etat. Il faudra d'ailleurs être attentif à ces évolutions et une plus grande responsabilité des élus locaux devra être le corollaire de leur plus grande liberté. Pour l'heure, il conviendra d'éviter tout dérapage, certaines collectivités pouvant être tentées d'augmenter trop fortement la taxe professionnelle ou la taxe sur le foncier non bâti. Confiance et prudence à la fois, voilà les principes qui doivent aujourd'hui nous guider.

M. Augustin Bonrepaux - On nous promet un large débat dans tout le pays sur la décentralisation et les nouvelles libertés qui vont être octroyées aux collectivités. Cela me rappelle étrangement celui de 1994 sur l'aménagement du territoire et les grandes déclarations d'intention d'alors sur la péréquation, dont le principe devait être inscrit dans la loi Pasqua. On sait ce qu'il en a été ! La péréquation est restée ce qu'elle était jusqu'à ce que nous portions celle de la DGF par exemple de 8 % à 12 %. Il ne suffit pas de proclamer l'autonomie financière des collectivités, il faut leur en donner les moyens. Or, sur ce point, nous pouvons avoir quelques inquiétudes quand on nous dit que l'on va approfondir la décentralisation... et que l'on verra après !

La déliaison des taux peut être une marque de confiance à l'endroit des élus locaux mais il faut aller jusqu'au bout de la liberté qu'on leur donne en supprimant le plafonnement des taux, véritable carcan pour les collectivités dont les bases sont faibles et donc les taux nécessairement élevés. On ne peut pas demander à ces collectivités de respecter une moyenne nationale pour leurs taux s'il n'existe pas par ailleurs de péréquation corrigeant l'insuffisance de leurs bases. Il n'est pas un seul élu local, de gauche ou de droite, qui soit heureux d'augmenter les impôts et il n'est pas, sauf exception, d'ailleurs rapidement sanctionné par les électeurs, d'élus mauvais gestionnaires. Il est simplement des collectivités qui ont des moyens, d'autres qui n'en ont que très peu. Si nos amendements relatifs à la péréquation ou bien encore à l'imposition locale de France Télécom avaient été adoptés, nos inquiétudes seraient moindres. Et la diminution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui concernera cette année, pour la première fois, aussi bien les collectivités pauvres que les collectivités riches, n'est pas pour nous rassurer. M. Devedjian nous a expliqué au Comité des finances locales qu'il n'était pas normal que l'enveloppe prévue pour les collectivités favorisées diminue autant, sans dire un mot des collectivités défavorisées. Etrange conception de la péréquation ! Quant à la dotation de solidarité rurale et la dotation de solidarité urbaine, elles ne recevront pas de moyens nouveaux cette année. La péréquation en prend donc bien un coup. D'où nos inquiétudes, encore accrues du fait des transferts de charges envisagés sur les collectivités ainsi que des suppressions de crédits et d'emplois figurant dans le budget - un millier d'emplois d'ATOS, sept cents à l'Equipement et des réductions aussi pour le budget de la Culture et celui du Tourisme.

Nous ne pouvons donc qu'être inquiets d'une décentralisation consistant à transférer, pour un service, des crédits en diminution. Elle obligera à augmenter les impôts locaux - qui sont les plus injustes - pendant que l'Etat se targuera de réduire l'impôt sur le revenu.

M. Maurice Leroy - Le groupe UDF soutient le principe de l'assouplissement du lien entre les taux de taxes locales, qui permettra d'accroître la marge de man_uvre des collectivités locales et de leurs groupements, mais il souhaiterait qu'on aille plus loin dans le renforcement de la décentralisation. J'ai beaucoup apprécié l'intervention très centriste de notre collègue Eric Woerth, qui aurait déclenché un tonnerre d'applaudissements dans un congrès UDF !

Il n'y a pas de raison de s'arrêter en si bon chemin, et j'ai été surpris en commission par la frilosité de beaucoup. N'oublions pas qu'il y a de plus en plus de communautés de communes et de communautés d'agglomération et que la plupart, quelle que soit leur couleur politique, sont passées à la taxe professionnelle unique - évidemment pour des raisons morales qui n'ont rien à voir avec les bonifications de DGF ! Pour cette simple raison du transfert à l'échelon de la communauté, il n'y a pas à craindre une augmentation du taux de taxe professionnelle.

Au moment où le Premier ministre lance un grand débat sur la décentralisation, il aurait été bon que la majorité donne ici un signe fort de sa confiance dans les libertés locales. Franchement, Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas dire que libérer les taux serait nuire à l'attractivité des territoires : quel est le maire qui s'amuserait à faire flamber les taux, décourageant par là-même toute implantation ? Si par aventure il s'en trouvait un, la sanction démocratique s'exercerait : en général, les mauvais gestionnaires sont renvoyés dans leurs foyers assez rapidement, quelle que soit l'étiquette politique.

Nous défendrons donc des amendements. J'ai malheureusement conscience que la majorité s'apprête sans doute à retirer l'amendement de notre collègue Aeschlimann, que j'ai moi-même signé, mais le groupe UDF maintiendra ses amendements. C'est vraiment le moment d'affirmer votre volonté d'aller plus loin dans la décentralisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Marc Laffineur - J'ai connu notre collègue Leroy plus brillant. Après nous avoir dit que ce ne sont plus les maires qui décident puisqu'il y a transfert à la communauté, il nous explique qu'aucun maire ne serait assez fou pour augmenter la TP...

M. Maurice Leroy - Les maires siègent dans les EPCI !

M. Marc Laffineur - Le danger vient précisément de ce que la décision est prise au niveau de la communauté, structure avec laquelle les citoyens n'ont pas un lien direct.

L'opposition a peur de la décentralisation. Je le comprends : pendant cinq ans, elle a toujours refusé nos amendements qui tendaient à donner un peu plus de liberté aux collectivités locales. Elle se contentait d'augmenter leurs charges !

Le groupe UMP soutient la proposition du Gouvernement, mais il ne souhaite pas aller plus loin, considérant que les autres mesures devront être intégrées dans les textes sur la décentralisation dont nous débattrons ultérieurement.

M. Jean-Yves Chamard - Monsieur Migaud nous a expliqué qu'il s'inquiétait de l'augmentation de la fiscalité locale que pourrait entraîner la décentralisation. Pourtant, il a voté l'APA.

Présidant depuis vingt ans la commission des finances du conseil général de la Vienne, j'ai constaté parfois que des mesures votées par le Parlement nous imposaient d'augmenter la fiscalité d'un, deux ou trois points. Ce fut le cas de la départementalisation du SDIS. Mais jamais on n'avait connu un tel séisme : en moyenne, l'APA représente vingt points de fiscalité supplémentaire - quinze points pour les départements les plus riches, vingt-cinq pour les plus pauvres. Plus la population d'un département est âgée, plus le poids de l'APA est important, mais moins le potentiel économique est fort...

J'avais participé entre 1988 et 1993 à une commission présidée par M. Boulard. A l'époque, nous cherchions un financement national. Nous n'aurions jamais eu l'idée de faire peser une telle charge sur les départements en particulier à cause de l'inégalité de leurs situations. Il est bon aujourd'hui de se préoccuper de l'avenir, mais il aurait fallu aussi le faire dans le passé.

Monsieur le ministre, il est urgentissime de réviser les règles d'attribution de l'APA, dont la baronne Seillière pourrait bénéficier, ou même Mme Bettencourt chère à cet hémicycle. Ce n'est évidemment pas normal ! Peut-être faut-il aussi reconsidérer le dispositif de récupération sur succession.

Sur l'article 14, Maurice Leroy s'étonne qu'Eric Woerth tienne des propos centristes. Je suis moi-même en plein centre, car l'UMP est la grande formation de la droite et du centre. Comme Pierre Méhaignerie en est l'illustration, comme parfois les centristes, je vais invoquer Saint Thomas. Je suis tout à fait favorable à l'article 14 dans le texte du Gouvernement. Peut-être très rares seront les élus locaux qui atteindront le plafond de 1,5 ; mais peut-être pas. Je souhaite qu'après une année d'application nous regardions, en 2004, ce qu'il en est, et en tirions les conséquences.

Pour la décentralisation à venir, les élus locaux compareront de très près le dynamisme des recettes décentralisées avec celui des dépenses. Dans un passé récent, des dépenses dynamiques n'ont été compensées que par une majoration de la DGE. Je fais confiance à mon voisin poitevin Jean-Pierre Raffarin, longtemps président de région et qui peut-être le redeviendra, le plus tard possible, pour veiller au dynamisme des ressources dont il aura besoin.

M. Jean-Louis Dumont - Notre discussion montre à quel point il est indispensable de clarifier les compétences, les périmètres, les ressources. Ces dernières années, outre les compétences dûment transférées aux collectivités locales, nous avons constaté des transferts non dits, des obligations assumées par les collectivités face à des besoins auxquels l'Etat répondait insuffisamment ; citons simplement le logement, dans le financement duquel commune, département, voire région interviennent.

Nous avons besoin d'une étape nouvelle dans la décentralisation, envers laquelle certains se montrent frileux, comme en témoigne l'article 14. Cet article n'est pas clair. Nous ignorons ce que sera la décentralisation de demain. Le grand débat annoncé sur les libertés locales est encadré avant même d'être lancé. On entend réclamer moins de fiscalité pour les communes, et davantage de ressources pour l'intercommunalité. Soit ! Mais à condition que l'intercommunalité repose sur un minimum de démocratie, c'est-à-dire l'élection directe.

Mme Christine Boutin - Mais non !

M. Jean-Louis Dumont - Vous ne voulez pas de cette démocratie locale complète, ouverte, transparente, et c'est pourquoi vous êtes prêts à retirer votre amendement.

Mme Christine Boutin - Votre proposition signifie la disparition des communes !

M. Jean-Louis Dumont - Pas du tout ! Je suis issu d'une commune rurale. J'ai assumé mon premier mandat électif dans un village de 120 habitants. J'ai défendu l'autonomie de ma commune, j'ai refusé les fusions de communes.

M. Marc Laffineur - Vous allez les tuer !

M. Jean-Louis Dumont - Je soutiens l'intercommunalité tout en voulant conserver cette cellule de base de la démocratie qu'est la commune.

Or, on le voit bien avec les SDIS, les maires se voient retirer de nombreuses responsabilités.

Le transfert de compétences à l'intercommunalité a-t-il toujours donné lieu à une réduction des impôts locaux à due concurrence ? Je n'en suis pas sûr, car les élus se renvoient parfois la balle.

Pour éclairer l'article 14, trop frileux, qui ouvre une perspective mais qui en ferme d'autres, il serait bon que le Gouvernement nous dise où il veut aller en matière de transferts de compétences, de capacités de ressources propres. Sur le terrain, on nous répète partout que les compensations n'atteignent jamais le montant des coûts transférés. Alors, clarifions ! Et la première clarification c'est la responsabilité, l'autonomie, la déliaison complète !

M. Michel Bouvard - L'article 14 me paraît équilibré. Il est bien d'assouplir tout en conservant des garde-fous.

Mais un problème reste entier, celui des rapports financiers entre les collectivités et l'Etat. On sait ce que sont les transferts, actuels et futurs, en direction des conseils généraux. Au coût des 35 heures s'ajoutent les charges très lourdes de l'APA et des SDIS. En Haute-Savoie, nous pensions devoir traiter en 3 ans 4 500 dossiers d'APA ; nous atteindrons les 6 000, alors même que la règle de compensation fixée par l'Etat est d'une iniquité totale, puisqu'elle repose principalement sur le potentiel fiscal par habitant. Pour 18 millions d'euros de charges supplémentaires, notre département ne recevra que 3 millions...

Posons enfin le problème de la péréquation dans des termes justes. J'ai la chance d'être vice-président d'un conseil général assez aisé en ressources. Mais il faut voir les charges qu'il doit supporter ! Nous avons à entretenir 1 800 km de routes départementales situées à plus de 1 000 mètres d'altitude, avec 800 ouvrages d'art. Qui en tient compte dans l'estimation des charges ? Lorsqu'on modifie les règles sur la viabilité hivernale, avec la directive européenne sur les temps de repos, avec les 35 heures, et qu'il faut assurer la liberté de circulation, qui doit faire face au surcoût ? Lorsqu'il faut entretenir des bâtiments en altitude, avec des logements sociaux qui coûtent 35 % de plus à construire, qui doit en assumer la charge, sinon le département ? Je demande, lorsqu'on traite de la péréquation, que l'on tienne un compte égal de tous les éléments de recettes et de charges. La discussion sur les SDIS n'est pas close. Quand certains départements sont en quatrième ou cinquième position sur l'échelle des risques, qu'ils doivent financer des corps de sapeurs-pompiers de plus en plus spécialisés, qu'on leur demande de participer financièrement à l'entretien et à la sécurité des tunnels internationaux, il faut leur en tenir compte dans leurs charges. Voilà le message que je voulais délivrer.

M. Jean-Claude Sandrier - Nous avons déposé des amendements tendant à une déliaison totale des taux, telle qu'elle existait d'ailleurs à l'origine. L'APA, c'est vrai, est universelle, mais elle est attribuée en fonction des ressources. On se plaint du nombre de dossiers déposés ; mais c'est la preuve que l'APA répond à un véritable besoin. La charge qui s'ensuit pour les départements dépend de l'importance de l'effort qu'ils ont précédemment consenti pour la PSD. Cet effort varie de un à trois, de sorte que le retard à rattraper peut être grand. Aussi bien le Gouvernement a-t-il les moyens d'alléger, voire de faire disparaître la charge pesant sur les conseils généraux. La suppression de la baisse des taux des deux tranches supérieures de l'impôt sur le revenu rapporterait 1,7 milliard d'euros - de quoi financer largement le supplément de 1,2 milliard nécessaire à l'APA.

M. Maurice Leroy - M. Sandrier serait bien inspiré de se rapprocher des conseillers généraux de son département : ce qu'il vient de dire au sujet de l'APA ne correspond pas du tout à la réalité du terrain. Mon département a consenti de gros efforts pour la PSD. Qui plus est, la bêtise sans nom du dispositif de l'APA - qu'il faudrait bien réformer - contraint certains bénéficiaires à payer alors qu'ils n'avaient rien à débourser avec la PSD. Mme Guigou a peut-être présenté l'APA comme la panacée universelle,...

M. Jean-Pierre Brard - Pléonasme.

M. Maurice Leroy - ...mais c'est une catastrophe sur le terrain ! J'en viens à l'amendement 154 et à l'amendement 167, qui est de repli.

Je voudrais dire à Marc Laffineur que nous nous félicitons comme lui de l'assouplissement de la liaison entre les taux opéré par l'article 14 - que nous voterons. Mais, je le répète, il n'y a rien à craindre des élus locaux puisque nous maintenons le plafond. La déliaison totale des taux ne présente aucun danger, et elle constituerait le signal fort d'une réelle volonté décentralisatrice du Gouvernement.

M. Manuel Aeschlimann - Mon amendement 308 et l'amendement 63 rectifié proposent également une déliaison des taux. Le second a été cosigné par 140 de nos collègues UMP et UDF qui, loin d'être des « jusqu'au-boutistes », sont avant tout des élus locaux responsables. Lorsque nous avons compris que le Gouvernement ne souhaitait pas aller plus loin dans la déliaison, nous avons mené ensemble une réflexion. Certains ont cru bon, en commission, de renvoyer la question au débat sur la décentralisation. Je m'inquiète aujourd'hui d'en entendre d'autres évoquer une expérimentation de la déliaison partielle qui nous est proposée. Attendre, encore attendre ! Les élus locaux que nous sommes, qui espèrent beaucoup du Gouvernement en matière de décentralisation, en concevront peut-être de l'amertume. Aussi souhaitons-nous travailler rapidement sur le sujet avec le Gouvernement et les organisations patronales. Les élus locaux n'ont en tout cas aucun intérêt à faire fuir les entreprises par des hausses irraisonnées de taux. Avant de me prononcer sur le maintien de notre amendement, j'aimerais entendre le ministre préciser la position du Gouvernement. Devrons-nous attendre plusieurs années avant d'obtenir une déliaison totale des taux ? (M. Leroy applaudit)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Mes chers collègues, nous souhaitons tous que le débat se termine avant la fin de la soirée. Cela exige une discipline de notre part.

Sur cet article, l'un des plus délicats, s'affrontent deux familles de pensées. Xavier Bertrand ou Eric Woerth estiment que l'on ne peut délier les taux qu'avec prudence et par étapes. D'autres, comme nos collègues socialistes et Maurice Leroy souhaitent faire confiance aux élus locaux et aller plus loin dès maintenant. En ce qui me concerne, je choisis la prudence.

M. Jean-Pierre Brard - Cela ne m'étonne pas !

M. le Président de la commission - Le rapport entre la pression fiscale qui s'exerce sur les entreprises et celle qui s'exerce sur les ménages doit rester raisonnable. Nous voulons des responsabilités, sachons les assumer ! Il y a un potentiel de hausse, et la tentation est évidemment grande de la faire supporter aux entreprises (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Or, 2003 sera une année difficile pour elles, et nous avons besoin de leur confiance si nous voulons qu'elles créent des emplois. Il faut savoir aussi que la perspective d'une déliaison des taux inquiète plutôt les entreprises.

S'agissant de la péréquation, elle ne doit pas nous conduire à demander systématiquement plus à l'Etat. Nous avons demandé que la dépense publique soit maîtrisée. Personne n'est heureux d'augmenter les impôts, mais beaucoup le sont de développer les équipements et les services destinés à la population.

M. Jean-Pierre Brard - Ils sont là pour ça !

M. le Président de la commission - Cela ne doit pas se faire au détriment du pouvoir d'achat des familles et des entreprises. La maîtrise de la dépense publique s'impose aussi aux collectivités locales. Je soutiens donc totalement la position du Gouvernement.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 54, je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public.

M. le Ministre délégué - Il me paraît utile que vous connaissiez la position du Gouvernement. La genèse des projets de loi est parfois très claire : cet article est issu de mes vingt années d'expérience des responsabilités locales. Je comprends votre impatience : cette liberté, vous l'attendez sans relâche depuis vingt-deux ans. C'est pourquoi j'ai demandé au Premier ministre de vous la restituer.

Messieurs Migaud et Bonrepaux, vous devez me croire : il ne s'agit que de rendre aux élus locaux la liberté de fixer leurs taux, non d'ajuster le financement des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. le Ministre délégué - Vous venez d'apporter une contribution très riche au débat, et des mots très forts ont été prononcés : liberté, confiance, prudence, responsabilité, pragmatisme. Cet article offre aux élus locaux la possibilité de prouver qu'ils sont dignes de cette liberté qu'ils attendent depuis si longtemps. Il empêche que certains, très peu nombreux, n'abusent de cette liberté toute neuve. Cette liberté deviendra totale peut-être dès l'an prochain, dès que l'Etat aura constaté qu'elle ne présente pas de risque. Cet article ne vise pas à redessiner la fresque très compliquée des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, je vous le jure. Aucun doute ne doit subsister : il ne s'agit que de cette nécessité de donner aux collectivités locales leur liberté.

M. le Rapporteur général - La commission a passé des heures sur cette question, et chaque intervention a enrichi le débat. Je ne regrette qu'une chose : qu'on ait parfois oublié que le ministre avait obtenu ce que nous attendons depuis dix ou quinze ans. C'est la loi de janvier 1980, avec effet dès 1981, qui a introduit la liaison des taux. Depuis, ce problème lancinant est à l'ordre du jour de toutes les assemblées d'élus locaux. L'ensemble des administrations, et pas seulement les administrations financières, ont fait pression pour que la situation ne change pas. Nous devons donc une reconnaissance personnelle au ministre qui a obtenu ce que ses prédécesseurs, quelle que soit leur sensibilité politique, n'ont jamais réussi à imposer. Cet article marque une véritable rupture après 22 ans d'histoire.

Nous attendons tous que la liaison des taux soit totalement supprimée le plus vite possible, parce que nous savons que les élus, de quelque bord qu'ils soient, font preuve d'une grande responsabilité. Toutes les communes qui pouvaient baisser le taux de taxe professionnelle l'ont fait, parfois au prix d'une augmentation de l'impôt des ménages. Dans le Val-de-Marne, c'est Fontenay-sous-Bois qui a fait le plus d'efforts. Mais ce n'est parfois pas possible, parce que beaucoup d'éléments poussent à la hausse des dépenses des communes. Il y a d'abord les politiques nationales telles que l'allocation personnalisée d'autonomie, les 35 heures non compensées ou, pour citer une mesure de droite, la loi de 1996 sur les services départementaux d'incendie et de secours. Il y a aussi l'accumulation de normes, qu'elles proviennent de Paris ou de Bruxelles. Enfin, quand un ensemble de communes se dote d'une police municipale par exemple, celles qui n'en ont pas les moyens résistent, mais finissent par s'y rallier sous la pression de l'opinion et sont donc obligées d'augmenter leurs taux. Ce n'est pas une coïncidence si Champigny, qui est la deuxième commune la plus pauvre de sa catégorie, a aussi une taxe professionnelle très élevée.

Les interventions de MM. Bertrand et Woerth m'ont semblé parfaitement pondérées. Nous pourrons peut-être opérer la déliaison dès les textes financiers et fiscaux qui vont organiser la décentralisation, ou dès le rapport d'évaluation sur 2003. La perspective est en tout cas de court terme. Mais la rupture est telle qu'il faut une étape. Nous devons écouter les inquiétudes des entreprises, même si elles ne nous semblent pas fondées. Nous devons leur prouver qu'elles peuvent avoir confiance dans notre sens des responsabilités et que nous sommes à leur écoute. La rédaction de l'article 14 prévoit une première étape de déliaison importante et une évaluation à très court terme. Elle semble très équilibrée et c'est pourquoi la commission a rejeté les amendements.

M. Michel Vaxès - Nous ne pouvons qu'exprimer notre satisfaction à voir reprises des propositions que nous défendons depuis une vingtaine d'années.

M. Maurice Leroy - Nous aussi !

M. Michel Vaxès - J'ai toutefois des difficultés à croire qu'il ne faudrait avancer qu'à pas lents, parce que le mouvement serait trop brutal autrement. Je ne crois pas que quand la liaison a été instaurée, on ait eu besoin d'une étape ! J'entends depuis ce matin flatter les élus locaux, leur esprit de responsabilité et la prochaine autonomie financière des collectivités locales...Mais vous ne leur accordez qu'une liberté surveillée ! Si vous aviez en eux une confiance totale, l'unanimité serait déjà faite sur ces bancs parce que nous voulons tous une déliaison totale. Nous voterons donc les amendements, et nous remercions M. Leroy de nous avoir évité la peine de demander un scrutin public.

Mme Christine Boutin - A ce moment capital de réforme, un malaise apparaît : à la lecture du Journal officiel, certains élus locaux auraient pu s'inquiéter du manque de confiance qui semblait être accordé à leur sens de la responsabilité. J'ai été rassurée par l'intervention du ministre, et la confiance est maintenant rétablie. C'est pourquoi je regrette que M. Leroy ait demandé un scrutin public.

M. Jean-Pierre Brard - Voilà qui est très intéressant !

Mme Christine Boutin - Il ne s'agit que d'une opération purement politicienne.

M. Jean-Pierre Brard - De la part de l'UDF ?

M. Alain Joyandet - Je salue le succès personnel du ministre, qui a permis un progrès que nous attendions tous. Mais il faut appeler un chat un chat : si les élus souhaitent la déliaison, c'est bien pour que les choses changent et notamment pour pouvoir augmenter la taxe professionnelle. Il est donc bon qu'un plafond demeure. Toutefois, ne pourrait-on envisager, aussi, un mécanisme permettant d'augmenter, très raisonnablement, la taxe professionnelle sans toucher à l'impôt sur les ménages, déjà trop élevé ?

Comme Mme Boutin, je considère que les amendements doivent être retirés pour soutenir la démarche du ministre et son succès historique.

M. Didier Migaud - Je tiens à féliciter le ministre, dont chaque propos a un tel effet, notamment sur Mme Boutin, que les convictions les plus fortes, telles qu'affirmées dans des amendements proposés par de très nombreux signataires, en sont ébranlées et vacillent jusqu'au retrait.

M. Jean-Pierre Brard - Cela tient à son pouvoir de séduction.

M. Didier Migaud - Cependant, comment comprendre le double langage tenu ? On ne peut à la fois dire que les élus sont des adultes responsables et qu'ils doivent être encadrés parce qu'ils peuvent faire n'importe quoi ! Mme Boutin elle-même s'est émue de ce manque de confiance qui conduit le Gouvernement à agir comme s'il entendait un appel au secours : « Empêchez-nous de faire des bêtises ! »

M. le Président de la commission - Que n'avez-vous fait ce que vous nous reprochez de ne pas faire ?

M. Didier Migaud - Parce que nous n'avons pas réussi à convaincre nos ministres, qui sont restés prisonniers de leurs administrations... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Il me paraît regrettable que l'on ait une conception différente de l'esprit de responsabilité des élus selon que l'on occupe une fonction ou une autre... Nous avons aujourd'hui l'occasion d'affirmer que le sens des responsabilités des élus est au moins égal à celui d'un ministre ou d'un directeur d'administration centrale. Partir de l'a priori contraire serait nier l'esprit de la décentralisation et les convictions affichées par le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - La liberté des collectivités locales s'inscrit dans la tradition d'émancipation des villes qui remonte à l'époque médiévale. Cette aspiration a été bridée par la liaison des taux décidée par M. Giscard d'Estaing...

M. le Ministre délégué - Et maintenue depuis !

M. Jean-Pierre Brard - Certes, mais c'est à vous, désormais, que revient de prendre l'initiative !

Madame Boutin, je suis choqué que vous soyez choquée à l'idée d'un scrutin public sur une disposition aussi importante. Vous qui êtes une femme de foi...

Mme Christine Boutin - Qu'en savez-vous ?

M. Jean-Pierre Brard - Je ne vous ai pas confessée, c'est vrai... mais je suis choqué, je le répète, que vous vous refusiez à afficher publiquement vos convictions. Il est étrange de marteler des mots aussi fort que « liberté » et « responsabilité » et de ne pas vouloir assumer son vote !

D'autre part, l'administration centrale française a la double particularité d'être compétente et soumise au pouvoir politique. Autant dire que les hommes politiques qui se cachent derrière elle sont ceux qui refusent d'assumer leurs responsabilités, tout comme le font les gouvernements qui rendent Bruxelles responsable de tous leurs mauvais coups.

Quant à vous, Monsieur Aeschlimann, le fait que vous ayez capitulé après vous être donné le mal de réunir de si nombreuses signatures montre bien que vous êtes sous influence - et les nombreux courriers identiques que nous recevons tous permettent de déceler sans risque d'erreur que l'influence est celle de M. Seillière (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le ministre, vous nous rendez une part de notre liberté, mais une part seulement : vous ouvrez la porte de la cellule de Jean Valjean, mais il ne peut la franchir, car il est entravé... Laissez-nous franchir cette porte complètement, et respirer à l'air libre !

M. Maurice Leroy - J'espère bien ne pas être le seul à voter cet amendement, et j'aimerais vous dire, Madame Boutin, qu'il n'y a pas de politicien dans cet hémicycle. Je me garderais donc de qualifier de la sorte les 140 signataires de l'amendement défendu par M. Aeschlimann ! Ils avaient le droit de le signer, et M. Aeschlimann de le retirer.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre mise au point, qui s'imposait en effet, au moment où le Gouvernement s'est réuni à Nantes à l'occasion des assises des libertés locales. Ne perdons pas de vue l'objet de l'amendement, qui est de laisser les élus fixer librement les taux. Pourquoi s'étonner que le groupe UDF ait demandé un vote par scrutin public ? Chacun, sur pareil sujet, doit prendre ses responsabilités. La Constitution dispose qu'aucun mandat n'est pas impératif. Chacun d'entre nous est libre de son vote.

M. Michel Bouvard - Nous n'avons pas à recevoir de leçons de droit constitutionnel de votre part !

M. Maurice Leroy - Nous non plus !

M. Jean-Pierre Brard - Ne vous agressez pas, vous êtes amis ! (Sourires)

M. Maurice Leroy - Notre amendement 154 est parfaitement raisonnable puisque le plafonnement demeure. Aucune hausse inconsidérée n'est donc à craindre. La prudence à laquelle nous invitait le président de la commission des finances est respectée.

Quel est le maire de France qui ne se bat par pour attirer des entreprises sur le territoire de sa commune ? Des collectivités, parfois de même couleur politique, se font la guerre pour cela -d'où d'ailleurs l'intérêt des EPCI à taux unique qui évitent tout dumping de la sorte. Des fonds publics sont parfois utilisés pour favoriser l'implantation d'entreprises. La liberté pour les collectivités de fixer librement leurs taux est donc essentielle.

M. Manuel Aeschlimann - Nous avons bien entendu le président de la commission des finances dire que les entreprises sont inquiètes et cela, nous voulons bien l'entendre. Ce n'est pas la même chose que de dire : le MEDEF ne veut pas de cet amendement...

M. Jean-Pierre Brard - Qui vous a dit cela ?

M. Manuel Aeschlimann - Le MEDEF lui-même.

Nous n'avons pas eu de mal à obtenir 140 signataires à cet amendement. Tous ces députés l'ont cosigné bien volontiers...

M. Jean-Pierre Brard - Ne diminuez pas vos mérites !

M. Manuel Aeschlimann - Nous avons longtemps eu l'impression d'être face à un mur, le Gouvernement semblant sourd à nos préoccupations sur le sujet. Mais j'ai bien entendu aujourd'hui le ministre assurer qu'un groupe de travail serait mis en place, associant parlementaires, représentants des entreprises et représentants du Gouvernement, et que la réflexion sur le sujet serait poursuivie. Il le faut car les élus locaux sont responsables, j'en suis persuadé, et les premières expérimentations leur donneront l'occasion de le prouver. Pour l'heure, après les assurances données, nous retirons les amendements 63 rectifié et 308.

Les amendements 63 rectifié et 308 sont retirés.

A la majorité de 25 voix contre 14 sur 41 votants et 39 suffrages exprimés, l'amendement 154 n'est pas adopté.

L'amendement 167, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maurice Leroy - L'amendement 157 est défendu.

L'amendement 157, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 199 vise à assouplir encore davantage les modalités de fixation du taux de la taxe professionnelle en permettant aux collectivités de l'augmenter dans la limite de trois fois l'augmentation de leur taux de taxe d'habitation. En effet, dans sa rédaction actuelle, l'article 14 risque de conduire à demander un effort supplémentaire aux ménages. Il faut que la taxe professionnelle puisse augmenter indépendamment des autres taxes locales. Cela est d'ailleurs de nature à stabiliser et pérenniser les ressources des communes.

Pour le reste, nous ne sommes pas dupes. Il ne faudrait pas que la liberté redonnée aux collectivités par le biais de la déliaison des taux soit seulement celle d'augmenter les impôts locaux pour assumer les charges de la décentralisation que vous préparez.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. Augustin Bonrepaux - Cet amendement est tout à fait justifié. La liberté supplémentaire qu'il donnerait aux collectivités n'est pas imprudente.

J'ai bien entendu le ministre assurer tout à l'heure que le transfert de compétences nouvelles aux collectivités s'accompagnerait d'un transfert de ressources. Cela nous rassure quelque peu car nos inquiétudes sont vives, d'autant que notre amendement concernant la péréquation a été repoussé.

L'amendement 199, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Nous ne doutons pas de la volonté du ministre. Ayant longtemps été maire d'Alençon, il sait pertinemment que les élus locaux ne font pas n'importe quoi. Le Gouvernement a montré qu'il était déterminé puisqu'il s'apprête à passer outre l'avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi de décentralisation. Là où il y a une volonté, il y a donc bien un chemin. Vous êtes, Monsieur le ministre, favorable à une politique des petits pas. Nous vous proposons seulement par l'amendement 12, de repli, d'allonger quelque peu la foulée et d'avancer plus résolument vers l'autonomie financière des collectivités.

L'amendement 12, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - L'amendement 176 est défendu.

L'amendement 176, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Marc Laffineur - L'amendement 321 tend à appliquer désormais aux EPCI à TPU les règles de droit commun en matière d'augmentation des taux.

M. le Rapporteur général - La loi Chevènement avait en effet autorisé ces EPCI à délier dans une certaine mesure leurs taux. Avec les nouvelles dispositions prises, cette mesure ne se justifie plus et serait même source de complications. Mieux vaut donc la supprimer. L'amendement 38 de la commission avait d'ailleurs le même objet mais je le retire au profit du 321, mieux rédigé.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

L'amendement 38 est retiré.

L'amendement 321, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - Je retire l'amendement 231 rectifié dont la rédaction pose encore quelques problèmes.

L'amendement 231 rectifié est retiré.

M. Michel Vaxès - L'amendement 81 précise que le rapport d'évaluation prévu est déposé au Parlement au plus tard lors du dépôt du projet de loi de finances de l'année suivante.

M. le Rapporteur général - La commission ne l'a pas examiné mais à titre personnel, j'y suis défavorable. Le dépôt de ce rapport est déjà prévu et toutes les garanties sont bien données.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 81, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 14 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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