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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 11ème jour de séance, 28ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 22 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite) 2

      QUESTIONS 8

      ÉTAT B 18

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 23 OCTOBRE 2002 22

La séance est ouverte à vingt et une heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite)

M. le Président - Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de la jeunesse et de l'enseignement scolaire. La parole est au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Plusieurs députés socialistes - Enfin !

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - M. Darcos et moi avons choisi d'intervenir après les rapporteurs, comme il est d'usage dans cette assemblée en matière de débats budgétaires depuis vingt ans. M. Durand, qui n'est malheureusement plus là ce soir...

M. Alain Néri - Il arrive !

M. le Ministre - Vous lui raconterez.

Mme Martine David - Quelle suffisance !

M. le Ministre - M. Durand, rapporteur spécial en 1999, était lui-même intervenu avant M. Allègre. C'est, de la part du Gouvernement, une forme de respect pour les travaux du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

J'aimerais également adresser mes remerciements les plus chaleureux aux deux rapporteurs, qui ont su dégager de façon remarquable, derrière l'aridité des chiffres, les lignes de force du projet (M. Durand, arrivant dans l'hémicycle, est salué par les membres du groupe socialiste). Je remercie de même chacun des intervenants pour la qualité du débat qui a eu lieu. Comme M. Périssol, je pense qu'un grand débat sur les missions de l'éducation nationale doit être organisé dans cet hémicycle.

M. Pierre-André Périssol, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Merci !

M. le Ministre - Nous en examinerons les dates et les modalités ensemble. Xavier Darcos et moi sommes ouverts à toutes vos suggestions.

Je n'appartiens nullement au clan des pessimistes. L'école ne fait pas naufrage, mille choses excellentes s'y font, et la tâche des ministres consiste, entre autres, à prendre connaissance des expériences menées par les équipes pédagogiques, et à étendre et valoriser les meilleurs. Toutefois, et par définition, nous sommes également obligés de nous attaquer aux points noirs du système ; j'ai donc ici trois séries de chiffres qui expliquent pourquoi notre priorité est la lutte contre l'échec scolaire.

La première concerne la douloureuse question de l'illettrisme. M. Durand, que je salue, m'a demandé tout à l'heure de donner des références. Pour ne pas être soupçonné d'esprit partisan, j'ai choisi l'excellent rapport commandé par Mme Royal en 1998 et rédigé par un ancien directeur des écoles sous M. Jospin. Il commence en soulignant que, selon les années, entre 21 et 42 % des élèves, à l'entrée en CE2, ne possèdent pas le niveau minimal en lecture, en calcul ou dans les deux, et qu'ils sont entre 21 et 35 % à l'entrée en sixième. Ce sont les chiffres de la direction de l'évaluation et de la prospective, dont le directeur n'était pas réputé soutenir que le niveau baissât...

La deuxième question est celle des sorties sans diplôme ou sans qualification. Les rapporteurs les ont évaluées à 150 000 élèves, mais il semblerait que l'on soit plus proche des 160 000. Ces chiffres calamiteux expliquent en grande partie la violence et l'insécurité à l'intérieur et autour des établissements. Quand des enfants de 16 ans sortent du système éducatif sans rien, et en n'ayant connu que l'échec depuis des années, souvent depuis le primaire, ils ont perdu l'estime d'eux-mêmes et, partant, le respect des autres. Je pense que l'on peut comprendre cela, même si, évidemment, l'on ne peut l'admettre.

Enfin, il faut parler des incidents graves qui ont lieu dans les établissements, et qui sont désormais signalés par le logiciel SIGMA mis en place par M. Allègre. En 2002, ils se sont élevés à 81 000. J'attire votre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas de simples incivilités, mais d'actes à la limite de la qualification pénale et dont bon nombre feraient l'objet de poursuites s'ils étaient commis par des adultes. Ces chiffres aussi sont calamiteux. En disant cela, je ne porte pas un jugement négatif sur l'ensemble de l'école, mais je désigne la priorité de notre action.

Cette orientation était d'autant plus évidente que les sommes dépensées pour l'éducation nationale ont augmenté de 25 % depuis dix ans sans que, sur ces trois points, les résultats soient au rendez-vous. S'il est vrai qu'il faut dépenser plus parfois, il faut surtout dépenser mieux. C'est dans cette optique que s'inscrit notre budget dès cette année, même si nous n'avons pas eu le temps de mener toutes les réflexions à bien. Ce budget augmente de 2,2 % certes, mais surtout il n'augmente que là où il le faut. Ce sont des choix que vous avez le droit de critiquer, mais que nous assumons. Ainsi, 1 000 postes d'enseignants sont créés dans le premier degré alors que le plan Lang n'en prévoyait que 800 ; en revanche, il n'y a pas de création de postes dans le second degré, en partie parce que les effectifs baissent mais aussi pour des raisons liées à la crise des vocations, à laquelle il faudra aussi que nous nous attaquions.

La résorption de l'emploi précaire prévue par la loi Sapin sera poursuivie à hauteur d'environ 3 000 postes, comme le prévoyait le plan Lang, mais elle le sera sur des emplois vacants et non grâce à des créations. Les mesures en faveur des personnels augmentent de 40 %, ce qui n'est pas rien !

Un certain nombre de crédits nouveaux correspondent à nos priorités pédagogiques. Il ne s'agit pas uniquement de redéploiements mais aussi de 30 millions de mesures nouvelles, notamment pour la lutte contre la violence scolaire. Nous entendons également poursuivre l'apprentissage des langes vivantes au primaire, mais pas dans les conditions prévues par mon prédécesseur. En effet, on ne peut obliger les recteurs à équiper de force les CE2 lorsque l'on ne dispose pas des talents d'enseignants nécessaires.

M. André Schneider - Exactement !

M. le Ministre - Il faut, pour le faire bien, prendre un peu plus de temps que ce qui était prévu.

L'accueil des handicapés bénéficiera de 8 millions de mesures nouvelles pour l'achat de matériel adapté et de 3 millions pour le transport des élèves. Il faudra aussi augmenter dès la rentrée prochaine le nombre des aides-éducateurs qui s'appelleront désormais assistants d'éducation pour faciliter la scolarisation de ces enfants. Ils ne sont aujourd'hui que 1 100 à temps plein et 2 000 à temps partiel ; je m'engage à ce que ces chiffres augmentent dès la rentrée 2003.

Les crédits de la jeunesse sont loin d'être oubliés puisqu'ils atteignent 142 millions d'euros. Six millions sont destinés à des mesures qui touchent à la fois l'éducation nationale et la jeunesse, tels les ateliers-relais. Cent nouveaux contrats éducatifs locaux seront passés en 2003. C'est beaucoup dans la période actuelle, et cela montre clairement la voie. Nous accorderons la priorité aux contrats qui s'attaquent à l'exclusion et à l'illettrisme. Soixante postes FONJEP seront par ailleurs créés. Un « livret des engagements » sera créé, dont nous annoncerons les grandes lignes en janvier prochain. Quant au FNDVA, nous conservons les crédits votés pour 2002, soit 8,24 millions d'euros.

Il est certain que la qualitatif et le quantitatif ne correspondent pas forcément. On le voit à propos des concours, les augmentations strictement démagogiques, sans objectif précis, peuvent aboutir à une baisse de la qualité de notre enseignement. Je pense en particulier au scandale des listes complémentaires, sur lesquelles on a recruté 4 000 personnes de plus ces deux dernières années, pour atteindre un total de 6 300. Comment admettre que l'on mette devant les élèves des professeurs qui non seulement n'ont pas réussi le concours, mais encore n'ont reçu aucune formation ? Eh bien, je m'engage à ramener cette liste entre 3 000 et 4 000 personnes. On voit bien à quel point le manque de réflexion sur la création d'emplois et le calibrage des concours conduit à des absurdités lorsque la démagogie l'emporte sur la réalité... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Est-ce à dire que vous êtes pour les listes complémentaires ?

M. Bernard Roman - Comment allez-vous les réduire ? En diminuant le nombre de postes ?

M. le Ministre - Mon temps de parole est limité. Je vous dis simplement que je m'engage à les réduire de 3 000 à 4 000 dans les deux ans qui viennent (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine David - Comment ?

M. le Ministre - Je vous le dirai.

M. Yves Durand - Mais pas ce soir...

M. le Ministre - Autre exemple, on a augmenté de 5 000 sur deux ans le nombre des postes aux concours dans le second degré. Là encore, on a menti sur la réalité de la crise des vocations. Nous savons qu'elle est réelle et que, dans certaines disciplines comme les SVT, elle conduit inévitablement à organiser une baisse de qualité. Les résultats des derniers reçus sont souvent alarmants.

C'est dans cette optique, et non pour des raisons polémiques, que nous lançons dès ce mois-ci un audit destiné à nous permettre de connaître, pour les dix ans qui viennent, la réalité des départs, celle du vivier de recrutement et celle de l'évolution des effectifs d'élèves. Lorsque nous aurons des chiffres viables, nous pourrons reposer la question de l'emploi.

J'en viens à la question délicate des aides-éducateurs et des maîtres d'internat-surveillants d'externat. Le premier élément à prendre en compte c'est que nous assumons, Xavier Darcos et moi-même, la politique de réduction du déficit budgétaire qui est celle du Gouvernement, et que nous prendrons donc notre part de l'effort collectif (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

L'opinion publique ignore que, dans un budget comme celui-ci, la marge de man_uvre du ministre n'est guère que de 1 % du total. Eh bien, je ne pense pas que la responsabilité politique doive conduire toujours à user de cette marge de man_uvre pour aggraver le déficit !

M. Bernard Roman - Alors, pourquoi construire un porte-avions ?

M. le Ministre - C'est pourquoi nous nous associerons à l'effort de rigueur budgétaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Deuxième élément : nous savons que certaines missions que remplissent les aides-éducateurs sont indispensables. Je pense, en particulier, à ceux qui accompagnent les enfants handicapés scolarisables, dont le nombre augmentera dès la prochaine rentrée.

Mais si les personnes et certaines missions ne sont pas en cause, le dispositif n'est pas bon, et d'ailleurs l'ancienne majorité ne l'a pas pérennisé... Lorsqu'il a été créé, on n'a pas réfléchi aux véritables besoins des établissements. On a aussi négligé la sortie du dispositif et c'est à nous qu'il revient aujourd'hui de verser les indemnités de chômage. Enfin, les aides-éducateurs exercent parfois des missions qui ne devraient en aucun cas leur être confiées, comme lorsqu'ils remplacent les enseignants du primaire pour l'enseignement des langues.

M. Yves Durand - Créez donc des postes !

M. le Ministre - En ce qui concerne les maîtres d'internat et surveillants d'externat, je veux simplement citer la conclusion du rapport remis sur le sujet à M. Allègre en 1999 : « Il apparaît qu'en raison de l'âge des dispositions en vigueur - 1937 -, de la distinction dépassée entre MI et SE et de l'inadaptation croissante de la réglementation avec la vie des établissements, une refonte d'ensemble s'impose incontestablement. La qualité du service susceptible d'être assumé par de jeunes étudiants n'est plus compatible avec les exigences posées pour l'encadrement des élèves. En outre, les intéressés ne peuvent pas suivre normalement des études en premier cycle universitaire. Les conditions d'exercice de leurs missions, de réussite et d'insertion professionnelle des intéressés sont actuellement insatisfaisantes. Une refonte du cadre statutaire correspondant doit être envisagée d'urgence ».

M. Yves Durand - Une refonte, pas une suppression...

M. le Ministre - C'était en 1999 et c'est exactement ce que nous allons faire. C'est pourquoi il eût été absurde de compenser les 5 600 départs dans l'état actuel du dispositif. Il est évident que nous remettrons des surveillants dans les écoles à la rentrée 2003, mais dans le cadre d'un autre dispositif...

M. Bernard Roman - Avec quels crédits ?

M. le Ministre - ...celui des assistants d'éducation que nous ferons monter en puissance
- si, comme je le crois, il est meilleur que l'actuel - au fur et à mesure que celui-ci s'éteindra. Une provision de 14 millions a déjà été prévue pour le premier trimestre. Les autres crédits sont tout simplement ceux de l'éducation nationale.

Je m'engage à nouveau à ce qu'il y ait, à la rentrée 2003, plus d'auxiliaires pour aider les handicapés, et plus de surveillants. Dès la semaine prochaine, nous organisons une table ronde avec les partenaires sociaux pour en discuter. Mais je peux déjà décrire le cahier des charges du nouveau dispositif. D'abord, priorité absolue sera donnée au recrutement d'étudiants et de jeunes, contrairement aux dires d'une presse malveillante ; nous ne voulons pas les remplacer par des grands-mères ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Ensuite, ce recrutement tiendra plus compte de la proximité, surtout dans les académies étendues, où actuellement les surveillants refusent d'aller dans les collèges ruraux. Enfin, il faudra qu'il s'opère sur une période plus courte - trois ans - et que soit mise en place cette réelle validation de l'expérience qui manque encore. Inspirons-nous par exemple des universités canadiennes, où le service d'utilité civile est validé comme un crédit d'étude - et est même obligatoire pour tous les étudiants....

Je voudrais enfin évoquer trois chantiers prioritaires.

Le premier est la prévention de l'illettrisme dès la maternelle et le début du primaire. Pour cela nous instaurons des horaires renforcés dès cette rentrée. Sans revenir sur les nombreux dispositifs existants, je pense que depuis trente ans on a valorisé à l'excès la créativité et la spontanéité des élèves, non seulement au détriment des savoirs, mais aussi de certaines acquisitions qui passent par le respect des traditions : celle de la langue, celle de la civilité, qui font partie de notre patrimoine. Ces deux aspects de la culture sont en crise, car si la créativité est une très bonne chose, elle n'a jamais donné de résultats excellents en grammaire. Outre les horaires renforcés, nous mettons en place des évaluations, des expérimentations de classes à effectif réduit au CP, des contrats éducatifs avec priorité pour la lutte contre l'illettrisme, ainsi que d'autres actions comme les ateliers de lecture dans les centres de loisirs. Enfin, comme il existe aujourd'hui quelque 150 manuels d'apprentissage de la lecture, nous diffuserons dans les écoles, en janvier, un « livret du CP » pour mutualiser les bonnes pratiques.

Le second chantier vise à prendre très tôt et à conduire très loin l'enseignement professionnel - jusqu'à la licence, pour montrer qu'il s'agit d'une voie d'excellence. Le lycée des métiers était une excellente idée, que nous reprenons, je le dis franchement. Tout en maintenant le principe du collège unique, nous voulons créer des classes en alternance pour diversifier les parcours. Les élèves en difficulté suivraient l'enseignement général le matin, et pourraient, l'après-midi, aller dans des ateliers, voire dans des entreprises, pour y découvrir des métiers, avec l'accord des familles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le troisième chantier est celui des IUFM, dont les directeurs eux-mêmes reconnaissent qu'ils ont en partie perdu leur finalité professionnelle. Leurs élèves ne sont pas suffisamment préparés au public qu'ils vont rencontrer, aux programmes, à la vie des établissements et au travail en équipe. Il faut réorienter les IUFM vers leur tâche principale, quelles que soient par ailleurs leurs activités de recherche, qui sont légitimes.

Pour mener à bien ces priorités, notre budget n'est pas bon, il est excellent (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous nous sommes donné les moyens de l'action, et nous agissons déjà. Certes nous décevrons les impatients et les journalistes, car nos priorités resteront les mêmes pendant des années, il n'y aura pas d'effet d'annonce tous les quinze jours ! Il y aura donc une déception médiatique, d'autant plus grande que nous éviterons soigneusement de cultiver le mythe stupide de la « grande réforme » qui exaspère les parents et les collègues. C'est la vraie réforme que nous entendons mener à bien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Je félicite à mon tour les rapporteurs pour leur excellent travail et je salue les orateurs dont tous ont montré une vraie passion pour l'école. Beaucoup sont d'ailleurs des professionnels de notre grande maison.

Nous ne sommes ni des pessimistes ni des inquiets. Nous menons une politique volontaire, dans le cadre de la solidarité gouvernementale. Engager des dépenses sans fin serait imprudent, et même nocif pour les générations futures, car comment recruter toujours plus tout en maintenant la qualité ?

J'insisterai sur trois dossiers : la prévention de la violence à l'école, la vie scolaire et la décentralisation.

M. Alain Néri - Et la jeunesse ?

M. le ministre délégué - La jeunesse est évidemment concernée par chacun de ces dossiers.

L'école ne peut mener à bien sa mission pédagogique que dans la paix et la sérénité. Prévenir toute dérive, combattre la violence scolaire, c'est la condition de la réussite, surtout pour les élèves défavorisés. La violence à l'école n'est pas celle de l'école, elle vient de l'extérieur ; mais la loi de la rue n'est pas celle de l'école, on le perd parfois de vue. Il faut assurer la sécurité des personnes et des biens, rétablir la discipline afin que les professeurs puissent enseigner et les élèves apprendre. L'école a pour mission première de transmettre le savoir et la culture, non de lutter contre des difficultés sociales dont elle n'est pas responsable.

Nous présenterons la semaine prochaine les orientations de notre politique de prévention. Il ne s'agira pas d'un énième plan, mais d'une action dans la durée pour bâtir l'école du savoir et de la responsabilité à la fois ; pour restaurer la discipline, il faut restaurer les disciplines (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP). La politique d'éducation intéresse toute la nation. Aussi mérite-t-elle un grand débat au Parlement : il n'est pas normal que celui-ci consacre plus de temps, comme ce fut le cas l'an dernier, à parler de la chasse à la tourterelle que de l'Education nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine David - La faute à qui ?

M. le Ministre délégué - Les valeurs de l'école sont celles de la République ; il faut les transmettre, les faire comprendre et les faire respecter. L'apprentissage précoce de comportements sociaux responsables suppose la détermination de tous, et ne devrait faire l'objet d'aucune polémique.

La prévention doit se faire dès l'école primaire, qui n'est pas épargnée par la violence, alors même que ses enseignants sont moins préparés à faire face à celle-ci. Il faut les aider à instaurer le dialogue avec les familles, et il faut surtout renforcer le rôle des directeurs, qui ont fait grève pendant des années sans que nos prédécesseurs s'attachent à régler cette question cruciale. Nous revalorisons leur fonction grâce à une mesure nouvelle de 12 millions d'euros qui permettra de doubler le taux moyen de l'indemnité de sujétion spéciale, laquelle sera uniforme, quelle que soit la taille de l'école. Il faudra aussi réfléchir à la modification des règlements départementaux types, et demander aux élèves de s'engager avec une certaine solennité à adhérer aux règles de l'établissement scolaire.

Les chefs d'établissement, détenteurs de l'autorité, doivent voir leur rôle conforté. Nous voulons qu'ils aient la possibilité de prendre des sanctions diversifiées, parfois immédiates, sans avoir à négocier avec je ne sais qui des décisions qu'ils considèrent de l'intérêt de la communauté éducative (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Bien entendu, il faut mener parallèlement une action de prévention. Nous allons donc développer tous les dispositifs qui permettent aux jeunes en rupture de se réintégrer dans l'institution. Les crédits destinés à l'accueil des élèves en dehors du temps scolaire sont majorés de 10,1 millions d'euros ; il n'est pas normal, en effet, que les établissements qui disposent d'équipements informatiques ou sportifs soient fermés quatre ou cinq mois par an. Nous voulons également doubler en deux ans le nombre des classes-relais. Selon le même principe, nous allons créer une centaine d'ateliers-relais, assurant la prise en charge de l'élève en dehors de l'établissement ; ils font l'objet d'une mesure nouvelle de 3,83 millions d'euros.

Pour répondre à Mme Martinez, j'ajoute que nous avons décidé de déconcentrer le numéro vert SOS-violence au niveau des académies ou des départements.

Nous agissons également pour améliorer la vie scolaire dans son ensemble : chaque élève doit trouver à l'école les conditions matérielles, psychologiques et sanitaires de sa réussite.

Les bourses vont donc être revalorisées, en particulier celles des lycéens qui étaient restées inchangées depuis 1999, 5 700 boursiers internes supplémentaires seront ainsi pris en charge. Les différentes mesures d'ordre social représentent 3,5 millions d'euros. En outre, le plan Handiscol est conforté.

Par ailleurs, nous avons commencé à mettre en _uvre une politique dynamique de santé, mettant l'accent sur l'éducation à la santé et la prévention des conduites à risques. Le budget prévoit la création de 260 emplois dans la filière médico-sociale, et un effort important va être consenti pour revaloriser les carrières des infirmiers et infirmières.

Enfin, 900 emplois d'ATOS vont être créés, et le régime indemnitaire de ces personnels va être amélioré.

Nous souhaitons que les chefs d'établissement puissent engager une politique contractualisée avec les autorités administratives et les collectivités. La décentralisation ne doit pas nous faire peur : l'éducation nationale ne se dérobera pas à cette ambition, qui est celle de tout le Gouvernement.

Elle est déjà, contrairement aux idées reçues, l'administration la plus déconcentrée.

M. Yves Durand - Ce n'est pas la même chose.

M. le Ministre délégué - Quant aux élus, ils ont déjà reçu la charge de la construction et de l'entretien des collèges et lycées, et montré leur capacité à mobiliser des crédits et à conclure des contrats locaux. Non, Monsieur Liberti, les personnels de l'éducation nationale n'ont aucune raison d'avoir peur de la décentralisation !

Naturellement, l'Etat continuera d'assurer sa mission régalienne, à travers la détermination des programmes et des cursus, la définition des diplômes, l'évaluation et la régulation du système, la péréquation.

On ne saurait réduire la problématique de l'éducation nationale à une addition de moyens et de mesures (M. le ministre délégué illustre ses propos en présentant des graphiques). Ainsi avons-nous aujourd'hui, dans le primaire, le meilleur taux d'encadrement de tous les pays développés - hormis l'Italie. Faudrait-il donc avoir pour seul objectif de l'améliorer encore ? Nous devons bien plutôt former les enseignants dont nous aurons besoin demain. Mieux vaut s'intéresser à la qualité de nos enseignants de demain que crier dans les rues des slogans d'un type « toujours plus » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il nous faut faire un audit, et fixer des objectifs : nous devons cette lucidité à la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

QUESTIONS

M. Jean-Louis Christ - Chaque année, 160 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme. Ce chiffre s'explique notamment par la difficulté de notre système à reconnaître et à valoriser toutes les formes d'intelligence. Souvent privés de choix ou mal orientés, de nombreux élèves sont pris de dégoût pour le système éducatif. Il faudrait faire des filières professionnelles et technologiques des voies d'excellence vers lesquelles l'on ne s'orienterait plus par défaut, et cesser d'opposer systématiquement savoir manuel et connaissances intellectuelles. Quelles sont vos intentions dans ce domaine, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre - En 1959, les études ont été rendues obligatoires jusqu'à 16 ans ; en 1975 est né le collège unique. Deux très bonnes mesures mais dont la combinaison a un effet pervers : dès lors qu'on oblige nos enfants à aller dans le système de l'enseignement général jusqu'à 16 ans, il n'y a pratiquement plus aucune raison pour les familles de choisir l'enseignement professionnel autrement que par défaut.

Lors de la réunion des recteurs du 5 novembre prochain, nous étudierons la voie qui me semble devoir être privilégiée, et qui consiste à créer des classes en alternance, où l'on maintienne, à côté des enseignements professionnels proprement dits, l'idéal de l'enseignement général. Ces classes existent déjà - hélas à dose homéopathique - et c'est toujours un bonheur de voir des élèves qui s'étaient détournés des disciplines générales s'y replonger avec plaisir. Nous devrons généraliser ces parcours individualisés en alternance dans les meilleurs délais (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Françoise de Panafieu - Depuis 1998, les conseils régionaux peuvent financer tout ou partie des manuels scolaires destinés aux lycéens. Certains le font ; d'autres non ; tous s'interrogent sur la meilleure manière de procéder. Certaines régions - telles le Centre, Provence-Alpes-Côte d'Azur ou l'Ile-de-France - versent une dotation aux établissements, à charge pour eux d'acheter les livres et de les prêter aux élèves. D'autres - telles Rhône-Alpes ou la Haute-Normandie - accordent à chaque lycéen un crédit pour qu'il achète lui-même ses manuels dans une librairie conventionnée. Le choix du système n'est pas sans incidence sur le chiffre d'affaires des libraires de quartier, y compris dans les autres secteurs éditoriaux que le livre scolaire. La délivrance d'un chèque-livres à l'élève présente l'avantage de permettre aux familles de pousser à nouveau la porte des librairies et, en rendant le lycéen propriétaire de son manuel, de créer un rapport symbolique très différent au livre, le livre gratuit étant plus facilement dévalué.

Je ne vous demande certes pas d'imposer aux régions tel système plutôt que tel autre : il ne saurait être question de revenir sur la décentralisation. Pouvez-vous simplement nous faire part des conclusions des travaux de l'observatoire de la gratuité en régions en matière éducative ?

M. le Ministre délégué - Constitué en janvier dernier, l'OGRE (Sourires) - qui associe des éditeurs, des libraires et tous les acteurs de l'éducation et de la culture en régions - préconise le système qu'ont retenu les régions Haute-Normandie ou Rhône-Alpes où, vous l'avez dit, les élèves reçoivent un chèque-livres ou une carte à puce pour acheter leurs manuels. À bien des égards séduisant, ce système est aussi plus coûteux puisque l'élève reste propriétaire du livre à la fin de l'année scolaire. Nous le préconisons cependant, car nous sommes très attachés au maintien d'un réseau de libraires de proximité et que nous voulons inciter les jeunes à le fréquenter. Au reste, dans un système décentralisé, la coexistence de plusieurs méthodes crée l'émulation entre régions. Nous avons donc bon espoir que tous les lycéens bénéficient à brève échéance d'un égal accès aux livres scolaires et soient partout incités à fréquenter les librairies (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Calvet - Le lycée climatique et sportif de Font-Romeu a ouvert ses portes en 1967 dans la perspective de la préparation des jeux olympiques de Mexico l'année suivante. Il regroupe quatre structures : un collège, un lycée, le Centre national d'enseignement en altitude - lequel relève du ministère chargé des sports - et un stade qui dépend de l'université de Perpignan. Un arrêté ministériel du 1er avril 1983 fixe la répartition des charges entre les ministères de l'éducation nationale et des sports, l'établissement lui-même restant de la compétence exclusive de l'Etat.

Malgré plusieurs opérations de réhabilitation, 24 millions d'euros de travaux sont encore nécessaires pour mettre le lycée en conformité avec les mesures de sécurité. Le 26 juillet dernier, la région Languedoc-Roussillon s'est portée candidate pour assurer l'intégralité de la maîtrise d'ouvrage des travaux, le lycée devenant site expérimental de la décentralisation dans le domaine éducatif. Les élus locaux attendent avec impatience le lancement de la procédure de transfert à la région des moyens d'intervention nécessaires pour mener à bien ce projet. Ce transfert doit être formalisé dans un accord-cadre tripartite - éducation nationale, sports et région. Pouvez-vous nous indiquer votre position sur cette démarche novatrice - qui, par ailleurs, fera faire des économies à l'Etat - et nous en préciser le calendrier ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Il s'agit en effet d'une structure très particulière comme il n'en subsiste aujourd'hui guère plus d'une quinzaine en France. Une certaine complexité peut surgir dans le traitement du dossier, du fait du nombre de partenaires intéressés et, en particulier, du partage des responsabilités entre l'Etat et la région. Le meilleur moyen d'avancer est sans doute d'inscrire ces opérations dans les nouvelles perspectives de la décentralisation qui doivent être connues très rapidement. D'ici là, je puis vous confirmer que je soutiendrai ce projet et que je me tiens à votre disposition pour l'étudier avec vous dans les prochaines semaines (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine David - Monsieur le ministre, dans les précédents budgets, un effort tout particulier était consenti en faveur des dispositifs académiques de validation des acquis de l'expérience. Treize millions d'euros étaient inscrits à cet effet dans le budget 2002. Or, si j'ai apprécié vos propos tendant à valoriser les filières professionnelles et à reconnaître leur rôle clé dans un parcours qualifiant, je m'étonne de ne pas trouver de ligne à cet effet dans le « bleu » de cette année. Au moment où le chômage redémarre et où vous lancez un contrat-jeunes en entreprises sans volet de formation, pouvez-vous nous garantir que les DAVA disposeront de moyens suffisants ?

M. le Ministre - La mise en place des dispositifs académiques de validation des acquis de l'expérience est une excellente chose. Il n'est que justice que l'on puisse acquérir ainsi un CAP, un BEP ou - pourquoi pas ? - une licence professionnelle. Certes, la procédure de validation est assez lourde : il faut informer les personnes potentiellement concernées, les aider à monter un dossier, constituer les jurys de validation. Mais il s'agit d'une démarche essentielle, et je puis vous confirmer que 0,5 million d'euros de mesures nouvelles a été inscrit à cet effet dans le budget 2003, en complément des dotations déjà inscrites dans la loi de finances pour 2002.

Nous dresserons un bilan du dispositif avec les recteurs le 5 novembre prochain. Sans doute conviendra-t-il de l'insérer dans les attributions des lycées des métiers, une fois que sera réglée la question de la procédure de labellisation de ces derniers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Beauchaud - Le nouveau gouvernement a décidé de déplacer les crédits de la jeunesse et de la vie associative vers le budget de l'éducation nationale, ce qui a fait naître une vive inquiétude dans les milieux associatifs de la jeunesse et de l'éducation populaire. Alors que ces acteurs ont besoin d'être rassurés, vous entretenez le flou sur vos intentions : à preuve le fait que les crédits de la jeunesse et de la vie associative n'ont ni été examinés en commission lors de l'avis sur l'enseignement scolaire, ni fait l'objet d'un avis budgétaire. Voilà qui démontre votre peu d'attachement pour ce secteur ! Le doute est entretenu sur la pérennité de certaines actions, comme le dispositif « Défi jeune », qui semble menacé dans sa forme actuelle, sans qu'on voie par quoi il pourrait être remplacé de façon à assurer aux 18-25 ans l'accompagnement pédagogique et financier dont ils ont besoin.

Sur un autre plan, la rémunération des directeurs et des animateurs des centres de loisirs et de vacances paraît remise en cause sous sa forme actuelle par certaines inspections du travail.

Mais ma question porte sur le devenir des deux types de conventions pluriannuelles d'objectifs dont bénéficient le tissu associatif et l'éducation populaire. L'une, attribuée jusqu'à présent au titre du ministère de la jeunesse et des sports, est désormais transférée au ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche : signée pour trois ans, elle finance des projets pilotés par les associations nationales agréées « jeunesse et éducation populaire » à destination des associations locales, sur la base de politiques publiques, mais intégrant également une part liée au fonctionnement de l'association nationale. L'autre, attribuée au titre du ministère de l'éducation nationale, est signée pour cinq ans, et fournit des moyens humains et financiers aux associations nationales agréées par le ministère. Ces dernières, parmi lesquelles de grandes fédérations d'éducation populaire, regroupent des dizaines de milliers de très petites associations locales. Les intéressés craignent que les deux dispositifs soient fusionnés, et des économies réalisées au passage. Les deux conventions seront-elles maintenues ? Si oui, avec quels moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - La réponse est oui : les deux dispositifs seront maintenus, de même que « Défi jeunes » sera non seulement maintenu, mais encore amplifié - je viens de présider la remise des prix, et j'ai la plus grande sympathie pour cette initiative, qui va trouver une place nouvelle au sein du « Livret des engagements » dont les grandes lignes seront annoncées en janvier. Je vais vous en dire quelques mots, afin que vous compreniez pourquoi nous sommes attachés à ces conventions pluriannuelles.

Je pars de la conviction que les jeunes aujourd'hui en ont par-dessus la tête d'être traités de « sauvageons ». Encore hier, dans un reportage sur les troubles urbains à Strasbourg, j'entendais parler d'affrontements entre « les jeunes » et la police... C'est absurde : des jeunes, peut-être, mais pas « les jeunes » ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) Ceux-ci sont las d'être considérés comme la source principale des « incivilités » ou des désordres publics, et il faut répondre à leur volonté, qui est très forte, de s'engager dans la cité et d'être reconnus pour cet engagement. Voilà pourquoi nous allons leur proposer, dès janvier, dix mille projets sérieux, en partenariat avec les mêmes associations qui travaillent dans le cadre de ces conventions que vous évoquez. Ces dix mille projets couvriront quatre grands champs : les engagements pour autrui, les engagements culturels, les engagements civiques, notamment dans les conseils de jeunes, enfin les engagements dans la création d'entreprises - dont relève en partie « Défi jeunes ». Le « Livret des engagements » sera lui-même pluriannuel. Ce ne sera pas un « coup » médiatique, mais une proposition sérieuse, avec une aide réelle, parfois financière, mais aussi intellectuelle et matérielle. Chaque année nous enrichirons ce dispositif à la lumière de l'expérience. Notre perspective étant elle-même pluriannuelle, nous ne remettrons évidemment pas en cause les conventions pluriannuelles en cours.

D'autre part, n'ayez aucune inquiétude sur le lien entre jeunesse et éducation nationale. Nous sommes parfaitement conscients qu'il s'agit de deux cultures différentes : il faut les mettre en synergie, mais en les préservant l'une et l'autre. Jamais la direction de la jeunesse ne deviendra une direction de l'éducation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Génisson - Ma question concerne la situation des directeurs d'école. Aujourd'hui plusieurs milliers de postes sont vacants, et les mouvements de grève perdurent. Pour 2003 vous annoncez un effort budgétaire de douze millions d'euros. Sans polémiquer, je rappellerai que l'impulsion budgétaire a été donnée par Jack Lang (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), qui a revalorisé l'indemnité de sujétion spéciale, mais qui poursuivait, en même temps, avec les syndicats, des négociations à ce sujet, ainsi que sur le statut des directeurs et sur leur demande d'extension du dispositif de décharge. Quel est votre calendrier de négociations, et sur quelles bases entendez-vous les mener ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Nous nous sommes intéressés dès notre arrivée à la situation des directeurs d'école, qui sont plus de cinquante mille et jouent un rôle essentiel. Nous nous heurtons à deux difficultés. La première - vous l'avez évoquée - a trait aux rémunérations et aux indemnités, mais la seconde, plus fondamentale peut-être, est l'absence de structure juridique de l'école et, partant, l'absence de l'identification de la fonction de directeur.

Dans le cadre des réflexions sur la décentralisation, nous avons ouvert la discussion sur la création de réseaux d'écoles, qui pourraient avoir une existence administrative ou juridique. Les directeurs de ces réseaux auraient dès lors une fonction juridique reconnue, impliquant une formation et une rémunération particulières.

Pour revenir à votre question, l'avantage dû aux directeurs est constitué de trois compléments de traitement : une bonification indiciaire, prise en compte pour la retraite ; une NBI uniforme ; une indemnité de sujétion spéciale, majorée en ZEP. Quand nous sommes arrivés, les directeurs étaient en grève, et le versement de cette indemnité était interrompu. Pour renouer le contact, nous avons décidé de la reprendre, et d'ouvrir avec les représentants des directeurs, sitôt après les élections professionnelles de décembre, une discussion sur la revalorisation de leur fonction, tout en inscrivant au budget 2003, pour prouver notre bonne foi, une revalorisation complémentaire de 12 millions d'euros. Ainsi, les directeurs percevront tous 925 euros, quelle que soit la taille de leur école, et nous étendrons la décharge complète, aujourd'hui réservée aux directeurs d'écoles de treize classes à celles de cinq classes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Rochebloine - Permettez-moi de revenir sur la nécessaire réforme du statut des directeurs d'école. Je me réjouis que cette discussion budgétaire ait mis en évidence l'ampleur de leur malaise. Depuis 1999, une grève administrative perturbe le fonctionnement du service public et affecte les relations des écoles avec les communes ; grève que n'avait pas voulu reconnaître en son temps Mme Royal, qui prétendait qu'il n'y avait pas de grève administrative...

Les revendications des directeurs sont pourtant anciennes et bien connues. Il est impératif de dissiper le malaise actuel, dont témoigne l'augmentation du nombre de postes vacants, et de mieux reconnaître le métier à part entière qu'est celui de directeur-instituteur, indispensable à la bonne marche de l'école.

Au-delà de la revalorisation salariale qu'a évoquée M. le ministre délégué, ces personnels aspirent à faire changer les méthodes au sein de l'éducation nationale, et à revoir l'organisation de l'école. L'école du XXIe siècle doit se renouveler et prendre en compte les évolutions importantes intervenues ces dernières années : le directeur n'est-il pas tout à la fois enseignant, responsable du bon fonctionnement de l'école et du respect de la réglementation, coordinateur d'une équipe pédagogique, responsable d'animation, référent pour la commune et les différents intervenants au sein de l'école ?

Les décharges de service doivent être augmentées. Le seuil actuel est trop élevé, et ne correspond plus au poids réel de leurs responsabilités. De même, la formation, les aides techniques et pédagogiques appellent une attention soutenue.

Or les débuts de réponses apportées par le ministère, dans le cadre de la négociation, ne sont pas à la hauteur des attentes. Ne jugez-vous pas urgent, Monsieur le ministre, de sortir de l'impasse actuelle, en reconsidérant ces légitimes revendications et en les intégrant dans la nouvelle approche de l'école que vous souhaitez ?

M. le Ministre délégué - J'ai répondu en partie à votre question en répondant à Mme Génisson, mais j'irai plus loin. Nous ne pensons pas que le problème des directeurs d'école sera résolu par une baisse du seuil de décharge. À nos yeux, la question essentielle est celle de la fragilité de beaucoup de structures, en particulier celles d'écoles rurales, qui sont toujours à la limite des seuils justifiant leur maintien. Nous nous demandons par conséquent si une des réponses possibles au problème ne serait pas la création d'une nouvelle structure, qui pourrait s'appeler « réseau d'écoles », et qui serait une sorte de regroupement pédagogique intercommunal agrandi, avec un vrai statut administratif et juridique, un vrai directeur, ainsi qu'un agent comptable. Une telle structure plus légère que celle d'un établissement, permettrait à la fois d'assurer le maintien du service public et de mieux fixer ses missions. Elle varierait selon qu'elle serait située en milieu urbain, rural ou suburbain. Ce serait une manière de mieux gérer les fluctuations du nombre d'élèves dans les communes à la merci de la fermeture d'une classe, et aussi de renforcer le poids du directeur face aux élus et aux autres partenaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Rochebloine - La question des décharges horaires ne se pose pas que dans le milieu rural. En milieu urbain, et particulièrement dans les zones difficiles, le directeur n'est pas suffisamment considéré. Il faut faire quelque chose à ce sujet.

J'en viens à ma seconde question. Les circulaires interministérielles du 9 juillet 1988 et du 25 août 2000 ont institué des contrats éducatifs locaux, signés pour trois ans et renouvelables, afin de mettre en _uvre des projets éducatifs ambitieux. Le succès de ces contrats n'est plus à démontrer, et plus de la moitié des villes y ont eu recours, mais les compétences du ministère de la jeunesse et des sports, qui les finançait, ont été redistribuées entre deux autres ministères. Une grave incertitude pèse donc sur l'avenir des CEL. Ceux qui sont en cours seront-ils financés jusqu'à leur terme et, si oui, le pourront-ils à hauteur des engagements pris par l'Etat ? Quant aux contrats arrivés à échéance, un nouveau dispositif est-il prévu pour les remplacer ?

M. le Ministre délégué - Tous les contrats signés seront honorés. Mieux, le projet de loi de finances prévoit 100 nouveaux contrats et 0,8 million d'euros supplémentaires. Nous avons par ailleurs demandé à l'inspection générale de l'éducation nationale un bilan général des CEL.

Cependant, si ces contrats sont très positifs, ils s'inscrivent parfois dans des dispositifs extrêmement complexes : contrats de ville, opérations menées dans le cadre de l'intercommunalité... Il faut plus de concertation et moins de dispersion dans le système, pour éviter aux responsables de s'user dans d'innombrables réunions et procédures. Ces contrats devraient donc être regroupés dans un seul dispositif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jacques Desallangre - Si le budget présenté par votre prédécesseur augmentait de plus de 4 % et créait 10 000 emplois, le vôtre supprime plus de 2 600 emplois, réduit d'un tiers les mesures nouvelles et progresse, au total, moins que l'inflation. Ce n'est pas de bon augure pour l'avenir, notamment en milieu rural : des écoles vont fermer dans nos campagnes déjà gravement touchées par les crises économiques et sociales. L'école assure d'autres missions que l'instruction : elle doit transmettre les valeurs communes, former des citoyens et résorber les inégalités. Les fermetures de classes ne peuvent qu'accroître les disparités territoriales et sociales.

Les taux nationaux d'encadrement ne rendent pas compte de la dispersion des populations en milieu rural. L'éducation nationale a pourtant sa part de responsabilité dans l'aménagement du territoire. Dans l'Aisne, où les taux de réussite sont inférieurs à la moyenne, l'école va encore réduire sa présence. Et pourtant les classes rurales n'ont pas de mauvais résultats aux tests d'entrée en sixième. Les territoires ont besoin de services publics forts et aptes à rétablir l'égalité républicaine ; notre département, comme d'autres, a besoin, après des vagues successives de licenciements, d'une politique de discrimination positive pour sortir d'une spirale destructrice : le diplôme est en effet le meilleur passeport pour l'emploi. Vous êtes-vous donné les moyens de rétablir l'égalité des chances pour les écoliers des zones rurales ?

M. le Ministre délégué - Je dois d'abord rappeler que dans le premier degré, nous créons 1 000 postes, alors que 800 étaient prévus dans le plan de notre prédécesseur...

S'agissant de l'éternel problème de la carte scolaire, je ne crois pas que fixer des seuils automatiques d'ouverture et de fermeture des classes serait une bonne solution. Il faut plutôt encourager les écoles à passer des contrats avec l'éducation nationale et avec l'ensemble des élus, afin d'assurer une sorte de continuité qui échappe aux fermetures et ouvertures annuelles. Dans cette optique, la mise en réseau prendrait toute sa signification.

Il serait par ailleurs bénéfique d'organiser dans les communes rurales une sorte de « multiservice public ». Les élus ont tour à tour à dialoguer avec l'inspecteur d'académie, avec le trésorier-payeur général, la DDE ou la Poste, pour tenter d'assurer le maintien de ces services publics... Tout cela pourrait être organisé avec l'école ou autour d'elle ; nous devrons discuter ensemble de ces modalités de la décentralisation.

Enfin, en ce qui concerne les recrutements, je confirme qu'un audit sur les départs à la retraite a été confié à l'inspection des finances. Il sera mené par M. Barilari et nous donnera dans les semaines qui viennent les éléments qui nous manquent pour éviter les effets en accordéon que vous craignez et qui se sont déjà produits par le passé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Juliana Rimane - L'école républicaine est en panne en Guyane. 7 % des élèves de 3 à 16 ans ne sont pas scolarisés faute de place, et les effectifs croissent à vive allure du fait de l'immigration des pays voisins et d'une démographie galopante. 17 % des enfants quittent le collège sans aucun débouché, faute de filières adaptées ou de places en lycée professionnel, et seuls 39 % des lycéens ont accédé au baccalauréat cette année.

Le taux élevé d'échec est notamment dû à la forte proportion d'enfants non francophones, à la rotation rapide des enseignants rebutés par des conditions de travail pénibles, à l'isolement des communes de l'intérieur, qui crée aux élèves des difficultés de transport et de logement. À Camopi, village amérindien proche de la frontière brésilienne, n'y a pas eu un seul bachelier en cinquante ans de scolarisation. Quel gâchis !

La population scolaire a doublé en quinze ans en Guyane, et devrait continuer à ce rythme. Qu'avez-vous prévu pour tenir compte de cette situation exceptionnelle ? Allez-vous assurer une mise à niveau en termes d'emplois et d'équipements ? Allez-vous favoriser les diversifications des filières professionnelles, le recrutement local des enseignants et l'adaptation des méthodes pédagogiques pour donner à nos jeunes les mêmes chances qu'à ceux de la France hexagonale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre délégué - J'aimerais rappeler, d'abord, que c'est un gouvernement de la majorité actuelle qui a créé le rectorat de la Guyane, lorsque M. Bayrou était ministre.

M. François Rochebloine - Un excellent ministre ! Avec un excellent directeur de cabinet ! (Sourires)

M. le Ministre délégué - Depuis, il a été créé un IUFM, afin que cette académie très particulière forme ses propres enseignants.

La situation démographique de la Guyane est en effet plus que particulière. Chaque année, l'école y connaît une progression de 5 % des effectifs, ce qui est incomparablement plus élevé que partout ailleurs, et plus de la moitié de la population a moins de 25 ans. C'est donc un défi considérable qui doit être relevé. La priorité, dans le premier degré, est d'atteindre 95 % de scolarisation pour les enfants de trois à cinq ans. Pour y arriver, le nombre d'emplois des services administratifs a doublé depuis 1997 et les effectifs des enseignants ont plus progressé que ceux des élèves, de sorte qu'à la rentrée, la Guyane comptait 131 écoles et 34 classes supplémentaires. Pour le second degré, l'académie compte 37 établissements, et un collège public a été ouvert à Saint-Laurent du Maroni. Beaucoup a donc déjà été réalisé, mais il faut faire des efforts d'imagination considérables pour que la formation, et notamment la formation professionnelle, soit bien adaptée. Nous en prenons l'engagement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. André Schneider - La loi reconnaît à tous les enfants le droit à une éducation scolaire de qualité. Ma question porte sur une catégorie d'enfants hélas très défavorisés, les enfants handicapés, pour qui il est nécessaire de grandir avec les autres. Leur intégration individuelle est donc prioritaire.

Les difficultés de scolarisation en milieu ordinaire sont réelles. Le précédent gouvernement avait lancé le plan Handiscol afin de mieux intégrer ces enfants, dont l'accueil nécessite des structures adaptées et donc des travaux de mise en conformité souvent coûteux pour les budgets des communes, des départements et des régions. D'autre part, les personnels enseignants spécialisés sont encore en nombre très insuffisant.

Autre préoccupation : le financement des auxiliaires de vie scolaire - emplois-jeunes, CES, CEC - repose sur des fonds d'Etat pour l'aide à l'emploi. Or ces derniers sont en baisse et les compléments de salaire sont assurés le plus souvent par les collectivités locales.

M. Yves Durand - Eh oui !

M. André Schneider - Cela entraîne des disparités d'une collectivité à l'autre et cela met souvent en difficulté les associations qui travaillent à ce type d'accompagnement scolaire.

Je me félicite de l'augmentation significative des crédits consacrés à Handiscol dans ce budget, mais pouvez-vous nous indiquer comment vous entendez redéployer ces crédits afin d'éviter les disparités que je viens d'évoquer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre - Le Président de la République a fait de ce combat une priorité qui est aussi la nôtre, en particulier pour les handicapés scolarisables. Le plan Handiscol est non seulement maintenu mais encore doté de 10 millions supplémentaires : 2,8 millions pour le premier degré, 4,3 millions pour le second degré, où il y a beaucoup à faire, 3 millions pour le transport des élèves.

Par ailleurs, comme je l'ai dit, le nombre des aides-éducateurs qui accompagnent ces enfants est notoirement insuffisant. Nous travaillons actuellement, avec Mme Boisseau, M. Fillon, M. Mattei et M. Jacob, à porter leur nombre à 6 000, ce qui répondrait à une première urgence. Et nous nous engageons à faire l'an prochain un effort plus significatif encore (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Denis Merville - Ce budget va dans le bon sens. En progression de plus de 2 %, il vous permet de présenter un plan ambitieux pour l'école et je vous en félicite. Il revêt une importance particulière à un moment où les attentes des parents sont fortes et où notre système éducatif présente des faiblesses criantes.

Ainsi, près de 20 % des élèves qui entrent en sixième ne sauraient ni lire ni écrire couramment ; 150 000 jeunes sortent chaque année de l'école sans formation ni qualification, en dépit des moyens qui y sont consacrés. Il est donc essentiel de faire évoluer l'école, en privilégiant les enseignements des disciplines de base. Telle est bien votre volonté et nous vous soutenons.

La première vague de décentralisation de 1982 a conduit à une nouvelle répartition des compétences en matière d'éducation : les communes se sont vues confier la charge de l'enseignement primaire, les départements celle des collèges, les régions celle des lycées. Si ce premier volet de la décentralisation a été une réussite, il ne s'est, hélas, pas accompagné d'un transfert correspondant de moyens humains. Je me demande si, au moment où les collectivités locales créaient des services et supportaient donc de nouvelles charges, l'Etat réduit ses effectifs dans l'administration centrale... Cette question est d'autant plus importante que de nouveaux transferts sont susceptibles d'être engagés dans ce domaine.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé son intention de modifier le dispositif des MI-SE, ainsi que le préconisait le rapport remis à Claude Allègre et Ségolène Royal en avril 1999. Vous connaissez notre inquiétude quant à l'insécurité à laquelle sont confrontés nos enfants dans les établissements scolaires. Il est donc essentiel que chaque école, collège ou lycée demeure ou redevienne un lieu où nos enfants puissent apprendre et vivre dans de bonnes conditions. Vous avez annoncé votre intention de repenser les dispositifs de surveillance. Pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de cette réforme ?

Enfin, de nombreuses écoles sont aujourd'hui confrontées, parfois depuis plusieurs années, à l'absence de médecin, d'infirmière ou de psychologue. C'est le cas dans ma circonscription.

Si les postes existent, ils demeurent parfois vacants, ce qui prive les enfants d'un examen médical, pourtant obligatoire, ainsi que d'un suivi sanitaire fort utile.

La santé scolaire fait partie intégrante des missions de l'école et l'absence de médecin scolaire fait courir des risques à nos enfants. Que comptez-vous faire dans ce domaine à la fois au plan national et en Seine-Maritime ?

M. le Ministre - Vous me posez trois questions délicates. Contrairement à une idée reçue, les effectifs de l'administration centrale ne sont pas très importants, d'autant qu'ils ont été réduits dans une période récente où l'on voulait, me semble-t-il, « dégraisser le mammouth »... Eh bien, il l'a été et ces effectifs sont aujourd'hui de 3 300, ce qui est relativement peu, y compris au regard des pratiques des entreprises privées, pour gérer plus de 1,3 million de personnes. Si l'on peut sans doute améliorer encore l'efficacité du système, il me paraît raisonnable de s'en tenir là.

En ce qui concerne les fonctions de surveillance, je répète que nous allons déployer un nouveau dispositif, que nous ferons monter en puissance au fur et à mesure des besoins. Je viens de l'indiquer, le renforcement des effectifs destinés à l'accueil des enfants handicapés sera notre priorité.

Enfin, un gros effort est fait pour les personnels médico-sociaux avec, outre des mesures catégorielles, la création de 260 postes supplémentaires. Nous restons très attentifs à cette question, notamment au nombre des infirmières, et d'autres mesures indispensables seront prises l'an prochain.

M. Patrick Roy - J'ai été fort déçu par la réponse que vous avez faite mardi dernier à ma question sur les emplois-jeunes (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous n'avez pas davantage répondu ce soir, excepté sur les élèves handicapés, et je suis très inquiet par le grave recul que va subir l'école, donc notre jeunesse, avenir de notre pays.

M. Céleste Lett - Il fallait vous en préoccuper avant !

M. Patrick Roy - D'un point de vue pédagogique, ces suppressions de postes sont inexplicables, comme je vous l'ai expliqué en vain mardi dernier.

Mais, en pédagogie, la répétition fixe la notion, et je vais donc vous rappeler quelques-unes des avancées qui ont été rendues possibles dans les écoles primaires et maternelles de France. Dans les REP, la présence des aides-éducateurs a permis un travail en demi-classe, donc un soutien individuel efficace, pendant plusieurs heures par semaine. Les aides-éducateurs ont aussi permis d'animer les sites informatiques, d'apporter une aide aux devoirs, de créer de nouvelles activités sportives et culturelles.

Aujourd'hui, les enseignants sont inquiets et en colère, ceux de ma circonscription me le disent régulièrement. Que répondez-vous aux équipes enseignantes qui n'auront plus d'aides-éducateurs à la rentrée 2003 et qui vont voir disparaître tous les progrès pédagogiques ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Assez de catastrophisme !

M. le Ministre - La répétition étant l'âme de l'enseignement, je vais vous redire ce que je vous ai déjà dit... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je n'ajouterai pas bis repetita placent pour ne pas vous faire sortir votre Gaffiot... (Sourires).

Nous avons ouvert une table ronde avec les partenaires sociaux pour essayer de définir les missions indispensables des aides-éducateurs et celles dont on pourrait faire l'économie - c'est vraiment le terme qui convient. Si la situation budgétaire le permettait, nous pourrions évidemment mettre 300 000 aides-éducateurs sur le terrain, mais tel n'est pas le cas et nous sommes obligés, comme pour les programmes, de nous recentrer sur les « fondamentaux » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Personne ne dit que les fonctions des aides-éducateurs ne sont pas intéressantes, mais toutes n'ont pas la même importance et lorsque nous mettrons en place les assistants d'éducation, nous penserons en priorité aux écoles primaires et aux fonctions essentielles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Vous placez en tête de vos priorités la lutte contre l'illettrisme, car 25 % des élèves entrent au collège avec de sérieuses difficultés de lecture. La lutte contre l'illettrisme a véritablement démarré sous le précédent gouvernement (Rires sur les bancs du groupe UMP), qui en a fait une véritable priorité, inscrite en 1998 dans la loi de lutte contre les exclusions. Au cours de la dernière législature, les moyens destinés à ces actions ont été triplés et le maillage territorial pour dépister, prévenir et traiter ce problème a été renforcé.

L'illettrisme est un phénomène complexe, et rien ne prouve qu'il ait augmenté au cours des deux décennies précédentes. Selon les chercheurs, l'école a contribué à améliorer les résultats, de même que les associations qui _uvrent au quotidien.

Au-delà de la confirmation des mesures prises par vos prédécesseurs, que comptez-vous faire pour améliorer les moyens dans ce domaine, pérenniser les indispensables postes d'aides-éducateurs, repérer et aider les élèves en difficulté ? Enfin, que deviendront les mesures prises par le gouvernement précédent pour améliorer l'accès des enfants à la maternelle ? C'est un facteur essentiel de l'apprentissage ultérieur, et vous-même avez déclaré qu'un enfant qui ne réussit pas à six ans sera atteint durablement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Durand - Très bonne question !

M. le Ministre - L'essentiel de ce qu'a fait le gouvernement précédent l'a été dans le cadre des nouveaux - et excellents - programmes de l'école primaire, qui comportent un minimum de deux heures et demie à consacrer chaque jour à la lecture et à l'écriture et, pour la première fois, l'association de cet apprentissage technique avec un programme de littérature pour la jeunesse.

Cependant, soyons honnêtes : au cours des dix années écoulées, on a minimisé ou caché les chiffres, de peur qu'ils soient ressentis comme une insulte au corps enseignant,...

Mme Nadine Morano - C'est vrai !

M. le Ministre - ... ce qui est absurde.

Rien ne prouve que la situation soit plus mauvaise, dites-vous. Or, on a retrouvé 6 000 copies de certificat d'études des années 1920, et fait refaire la même dictée, dans les mêmes conditions, aux enfants d'aujourd'hui. De cinq fautes d'orthographe en moyenne à l'époque, on est passé à dix-sept. Et la situation ne cesse de s'aggraver. Il faut cesser de nier les faits, et s'attaquer au problème ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Danielle Bousquet - L'école, investissement prioritaire pour la nation, permet à la majorité des enfants d'obtenir les diplômes qui sont la meilleure garantie d'accès à l'emploi. Outil de promotion sociale et d'acquisition de la culture, elle a, au cours des deux dernières décennies, confirmé son rôle social.

Les jeunes sont souvent confrontés à la brutalité sociale sans avoir d'interlocuteur qui les écoute. Or, les surveillants étaient parmi les rares à jouer ce rôle, de plus en plus éducatif. En outre, et j'y insiste, ces emplois étaient un des moyens les plus éprouvés de démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur. Comment comptez-vous résoudre les problèmes, éducatifs et sociaux à la fois, que vous allez créer en supprimant 5 600 postes de surveillants et en entretenant le doute sur l'avenir de cette catégorie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Ce dispositif ancien avait notamment pour fonction, vous avez raison, d'aider des étudiants défavorisés. Il va de soi que cette fonction figurera au cahier des charges pour le recrutement des assistants d'éducation. Mais chacun reconnaît qu'on a aujourd'hui beaucoup de difficulté à concilier deux exigences : assurer une présence forte sur le terrain - comme le demandent les chefs d'établissement - et laisser aux étudiants assez de temps pour préparer les examens ou assister aux cours, beaucoup plus lourds qu'en 1937, quand le statut a été créé. Dans le nouveau dispositif, priorité restera attribuée aux jeunes et aux étudiants, mais pour conserver à ces emplois leur fonction sociale, il faudra réfléchir à un meilleur aménagement des horaires.

Mme Huguette Bello - A La Réunion, le taux de réussite au bac augmente, et plus de la moitié d'une génération obtient désormais ce diplôme, mais le pourcentage reste inférieur à la moyenne nationale et l'échec scolaire est important. Les retards dans les classes primaires s'accentuent, et près de la moitié des élèves échouent aux tests d'évaluation de français à l'entrée en sixième. En effet, les taux d'encadrement demeurent faibles en dépit du plan de rattrapage pluriannuel, car le système éducatif est récent et les effectifs scolaires augmentent encore fortement. Il faut donc renforcer l'encadrement à tous les niveaux, et en particulier dans l'enseignement préscolaire, tous les spécialistes reconnaissant l'importance des apprentissages précoces. Or 15 % seulement des enfants de deux ans sont scolarisés dans ce département où l'illettrisme est dix fois plus important qu'en métropole. En outre, de nombreux enseignants vont partir à la retraite.

Ne serait-il pas nécessaire d'envisager un nouveau plan de rattrapage pour résorber l'échec scolaire ? Ne faut-il pas aussi donner une suite au dispositif des aides-éducateurs dont la valeur est reconnue ?

M. le Ministre - Il n'y a rien à redire à votre analyse. Effectivement, 15 % d'enfants de deux ans sont scolarisés à la Réunion contre 34 % en moyenne nationale alors que c'est dans ce genre d'académie que la scolarisation précoce serait la plus efficace. Il faut en faire une priorité pour l'académie. Nous allons étudier ensemble, et avec le recteur, les moyens d'améliorer cette situation.

M. André Schneider - À compter du 1er mai 2003, les garderies périscolaires devront respecter des normes de qualification et d'encadrement qui, en vertu du décret du 3 mai 2002, sont d'un animateur pour quatorze enfants de plus de six ans et un pour dix enfants de moins de six ans. Jusqu'à présent, la circulaire en vigueur indiquait seulement que le personnel devait être suffisant pour assurer la qualité de l'accueil et la sécurité. Les nouvelles normes mettent en péril ce service rendu par les collectivités locales : les garderies n'étant ni tenues de présenter un projet éducatif, ni soumises à déclaration préalable comme les centres de loisirs sans hébergement, leur imposer ces contraintes est abusif. De plus, le nombre d'enfants varie beaucoup selon les heures et les jours, et l'on a déjà du mal à recruter des personnels qualifiés pour travailler deux heures le matin et le soir. Dans ces conditions, quelle évolution pouvez-vous envisager ?

M. le Ministre délégué - L'accueil des élèves avant ou après la classe est soumis à des normes moins exigeantes que celles applicables aux centres de loisirs. Pour les activités périscolaires, les quotas d'encadrement sont allégés. En outre, un financement par les CAF est toujours possible. Soyez donc rassuré sur ce sujet, particulièrement important pour les enfants qui évoluent dans un environnement familial et social fragile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Monsieur le ministre, je m'étais l'an dernier félicitée de la volonté de votre prédécesseur de relancer l'internat scolaire public, singulièrement au collège. Longtemps oublié, sinon déprécié, ce mode de scolarisation peut à l'évidence constituer un vecteur de réussite pour certains jeunes, tout en favorisant l'apprentissage des règles de la vie en société ; il peut également concourir au maintien d'une offre éducative variée dans des zones en déprise démographique. J'avais remis un rapport sur ce sujet au Premier ministre en novembre 2001.

Vous-même, Monsieur le ministre, avez commandé à des inspecteurs généraux une réflexion sur ce dossier, mais je m'étonne de ne pas trouver les crédits correspondants dans votre budget... Dans le budget 2002, 80 millions de francs avaient été consacrés à l'aide aux familles des élèves internes boursiers, et 30 millions à l'amorce d'un fonds destiné à relancer l'internat. Il en est de la volonté politique comme de l'amour : seules existent les preuves ! (Sourires) En la matière, les seules preuves tangibles sont les inscriptions budgétaires...

Les collectivités territoriales sont prêtes à assumer leurs compétences, mais l'Etat ne semble pas prêt à assumer les siennes. Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions ?

M. le Ministre délégué - L'internat avait en effet connu une certaine désaffection ces dernières années, mais nous sommes convaincus qu'il peut être souhaitable pour certains jeunes.

Dans le cadre d'un plan de développement de l'internat scolaire, une prime en faveur des élèves boursiers internes a été créée par la loi de finances 2002. Dans le PLF 2003, les crédits qui y sont consacrés sont abondés de 1,3 million d'euros, ce qui permettra de prendre en charge 5 700 élèves supplémentaires.

Par ailleurs, le budget 2002 avait affecté 4,6 millions d'euros à l'aide à la création et à la réhabilitation d'internats. Ce n'était qu'un coup de pouce, l'essentiel du financement relevant des collectivités locales.

Nous avons lancé une étude sur les internats en collège : de nombreuses places sont vacantes dans les zones rurales, tandis que des demandes restent insatisfaites dans certaines zones urbaines. Il nous faut donc adapter l'offre à la demande, tant en termes de localisation qu'en termes de prise en charge et de projet éducatif. Nous comptons y travailler en étroite collaboration avec les conseils généraux et régionaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne « Jeunesse, éducation nationale et recherche : I - Jeunesse et enseignement scolaire ».

ÉTAT B

TITRE III

M. Yves Durand - Messieurs les ministres, nous vous avons entendu formuler des intentions, mais vous ne nous avez pas donné beaucoup de réponses précises... En particulier, quand nous vous avons interrogés sur le remplacement des 5 600 surveillants que vous supprimez, vous vous êtes contentés d'évoquer une table ronde ! Certes le système doit être rénové (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), et même refondu, mais certainement pas supprimé ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) C'est pourquoi notre amendement 71 tend à rétablir les moyens de financer ces 5 600 postes : il est incohérent de faire des grands discours sur la violence dans les établissements scolaires et de supprimer les surveillants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances - La commission n'a pas examiné cet amendement. La sécurité à l'école est l'une de nos priorités, mais à en croire les déclarations du parti socialiste contre le projet de loi Sarkozy, vous n'avez, chers collègues, que faire de la sécurité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Ce n'est pas parce que, depuis quatre ans qu'est sorti le rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, vous n'avez rien fait, que nous ne ferons rien ! Mais vous, vous ne nous proposez que le statu quo. Nous faisons confiance au Gouvernement pour mettre en place un nouveau système, dont nous débattrons dans les mois qui viennent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je propose donc à l'Assemblée de rejeter cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - La formule « supprimer des surveillants » est inacceptable : je n'ai jamais supprimé personne, ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Quant à l'incohérence, n'est-elle pas dans le fait de reconnaître que le dispositif n'est pas bon et de réclamer son maintien ? Votre proposition est, pardonnez-moi, absurde (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je demande donc le rejet de cet amendement.

M. le Président - Sur l'amendement 71, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Marc Ayrault - Comment croire, Monsieur le ministre, à votre bonne foi ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous nous promettez ce soir des solutions innovantes pour régler la question de la surveillance dans les établissements scolaires, et vous nous avez presque annoncés, il y a quelques jours, le financement des dispositifs par un collectif budgétaire ! Comment pouvez-vous être aussi affirmatif, sachant - et le président Méhaignerie ne me contredira pas - que les prévisions de croissance qui fondent le présent budget ne seront pas tenues ? Le budget que certains s'apprêtent à voter ce soir subira à l'évidence des gels de crédits et si collectif il devait y avoir, ce collectif introuvable serait un collectif de régression (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Personne n'est dupe des tentatives de manipulation de nos collègues socialistes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ils n'ont aucune leçon à nous donner en matière d'éducation, ne serait-ce que parce qu'il y a autant d'enseignants dans nos rangs que dans les leurs... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), que ces enseignants ont partagé la souffrance d'un corps méprisé par leurs ministres successifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Nous soutenons la position courageuse et réaliste du Gouvernement. La gauche, elle, jette en pâture à l'opinion 5 600 postes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - sur un total, dois-je le rappeler, de 50 000 postes ! La vérité, c'est que le ministre propose l'esquisse d'un nouveau dispositif véritablement professionnel...

M. Didier Migaud - Financé comment ?

M. Guy Geoffroy - Nous voterons sans état d'âme contre ce mauvais amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

À la majorité de 81 voix contre 28 sur 109 votants et 109 suffrages exprimés, l'amendement 71 n'est pas adopté.

M. Yves Durand - L'amendement 72 tend à majorer les crédits de 33,6 millions afin de reconduire les postes d'aides-éducateurs à la prochaine rentrée. Lorsqu'on a créé les emplois-jeunes, je me souviens parfaitement de certaines réticences, au demeurant compréhensibles, mais tout aussi bien de l'enthousiasme qui avait saisi nombre d'entre nous, sur tous les bancs, à l'idée de donner une chance aux jeunes et, grâce aux aides-éducateurs, à l'ensemble du système éducatif...

M. Lionnel Luca - Quel baratin ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Durand - Allez dire cela aux aides-éducateurs ! Il n'est pas supportable de traiter aussi légèrement le sort de 20 000 jeunes !

M. Lionnel Luca - Ce sont les vôtres !

M. Yves Durand - Les ministres se disent « solidaires », mais ils refusent toute aide à la formation de ces jeunes et ils bradent le service public ! Moi, je me sens solidaire des 20 000 aides-éducateurs dont vous allez casser l'avenir ! Il faut maintenir l'existant, car le bon fonctionnement des équipes pédagogiques en dépend. On nous le dit dans toutes les circonscriptions : si l'on supprime les postes d'aides-éducateurs, ce sont tous les projets d'établissement qui sont fichus par terre ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Nous vous avons alerté à plusieurs reprises, Monsieur le ministre. Tout à l'heure, vous nous avez répondu en souriant, sans doute pour amuser votre majorité, mais l'heure n'est pas à la plaisanterie. Il faut redonner une chance aux aides-éducateurs et ne pas prendre pour prétexte à les supprimer le fait que leurs contrats arrivent à échéance.

M. le Président - Sur l'amendement 72, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur spécial - L'amendement a été déposé trop tardivement pour que la commission des finances puisse l'examiner.

Monsieur Durand, je n'ai pas bien suivi votre raisonnement. Vous dites que nous allons « casser l'avenir » des 20 000 aides-éducateurs. Cela n'a pas de sens ! Ces jeunes savaient parfaitement qu'au terme du contrat de cinq ans passé avec l'éducation nationale, ils seraient confrontés à une nouvelle échéance professionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous ne « cassons » l'avenir de personne : nous respectons les termes d'un contrat très explicite. Du reste, les Français ont tranché au printemps. La majorité d'entre eux considère qu'il faut développer l'emploi dans le secteur marchand plutôt que de multiplier les emplois publics. Il n'a jamais été dans nos intentions de pérenniser le dispositif emplois-jeunes.

M. Didier Migaud - Mais vous ne l'avez pas dit...

M. le Rapporteur spécial - Et vous, ce que vous oubliez de dire, c'est que nous avons dû inscrire dans ce budget 43,6 millions de mesures nouvelles pour payer les indemnités de chômage que vous avez oubliées de prévoir, alors même que nul n'ignorait que ces contrats arriveraient à échéance dans un délai de cinq ans.

Je le sais d'expérience, quand dans un parti politique tout tire à hue et à dia, on se redonne du courage en matraquant l'adversaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Cela peut se comprendre, mais nous n'en repoussons pas moins votre amendement 72.

M. le Ministre délégué - Même avis, et je ne comprends pas mieux que votre rapporteur spécial les termes utilisés. Nous ne « supprimons » personne (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : seulement, nous ne renouvelons pas des contrats arrivés à échéance. La nuance est d'importance. Ceux qui sortent du dispositif en connaissaient dès le départ le caractère transitoire. D'ailleurs, un quart des jeunes l'ont quitté avant terme...

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Ceux qui ont été admis aux concours !

M. le Ministre délégué - Vous avez prétendu que nous aurions marqué du mépris envers ces personnels en parlant de « prolétariat ». C'est au contraire parce que nous les respectons que nous ne voulons pas voir s'instituer un prolétariat au sein de l'éducation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je m'étonne d'autre part que, pendant cinq ans, vous n'ayez pas jugé bon de pérenniser le dispositif des emplois-jeunes. Vous étiez d'accord pour l'arrêter, et maintenant que vous êtes dans l'opposition, vous découvrez subitement qu'il est vital de le prolonger ! Mais nous avons fait mieux que ce que vous aviez prévu, puisque nous passons des avenants pour conserver jusqu'à la fin de l'année scolaire les emplois-jeunes actuellement en activité ; après quoi le système s'éteindra peu à peu.

Dans le même temps, nous allons créer un nouveau dispositif, celui des assistants d'éducation, qui viendront s'y substituer, mais avec une vraie fonction, un vrai métier ; peut-être aussi constitueront-ils un vivier pour nos concours internes, dont les emplois-jeunes, faute de pouvoir se former, n'ont guère bénéficié. Nous allons cibler les besoins, introduire de la souplesse ; c'est donc sans démagogie, sans mépris pour personne, et surtout pas pour les emplois-jeunes, qui ont rendu de grands services, que nous vous appelons à repousser l'amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Lionnel Luca - Je suis surpris, mes chers collègues, par votre manière de présenter les choses. Quand vous avez créé les aides-éducateurs, c'était surtout dans le souci de résorber le chômage ; mais vous avez bien précisé que c'était temporaire. Ces emplois devaient correspondre à des besoins « émergents », et non se substituer à d'autres fonctions au sein de l'éducation nationale. Or, au bout de cinq ans, force est de constater qu'on est loin du compte, et le système mérite assurément un bilan. Car les aides-éducateurs, au lieu de répondre à ces besoins dits émergents, se substituaient de plus en plus à des titulaires qui auraient dû être recrutés. Le risque était d'en faire de nouveaux maîtres-auxiliaires, alors que nous avions eu tant de mal à en réduire le nombre !

Ce que vous proposez, par cet amendement, c'est une précarité durable. Que signifie un « emploi-jeune » pour quelqu'un qui va sur ses trente ans ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Ce que propose le Gouvernement, c'est une décélération en douceur, pour faire le tri entre ce qui est indispensable et ce qui ne l'est pas, et confier progressivement les fonctions d'encadrement à des titulaires de vrais emplois. Vos propos sont parfois énormes : avant les aides-éducateurs, n'y avait-il donc pas d'éducation nationale ? À vous entendre, on a l'impression que tout le système scolaire repose sur eux... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous ne pouvons que rejeter cet amendement.

M. Didier Migaud - Chacun reconnaît que les aides-éducateurs jouent à l'école un rôle éminent. Interrogez les enseignants, les parents : tous vous diront que leur disparition poserait un grave problème. C'est pourquoi le gouvernement précédent réfléchissait à un nouveau dispositif (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Admettons que vous soyez de bonne foi (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), et que vous-mêmes soyez en train d'y réfléchir, avec l'intention de nous le proposer dans le courant de l'année : comment le financerez-vous, puisque les crédits ont été supprimés ? Vous avez annoncé ce dispositif à venir en réponse à une question d'actualité, mais le même jour le ministre de l'économie et le ministre du budget annonçaient pour janvier un plan de régulation qui doit frapper les crédits de tous les ministères ! Aussi l'idée même d'un collectif budgétaire comportant des dépenses supplémentaires est-elle illusoire. Monsieur le ministre, avez-vous seulement demandé à votre collègue chargé du budget comment serait financé le nouveau dispositif ? Je veux bien vous croire, mais il nous faut une réponse à cette question (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement 72 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marc Ayrault - A quoi servons-nous, Monsieur le Président ? M. Migaud a posé des questions précises, et nous exigeons des réponses pour éclairer notre vote, sans quoi nous ne pourrions continuer à travailler dans ces conditions. Pour montrer notre détermination, je demande une suspension pour réunir mon groupe (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 23 heures 55, est reprise le mercredi 23 octobre à 0 heure.

M. le Ministre délégué - Nous ne voulions pas donner l'impression que nous ne souhaitions pas répondre, mais il nous semblait que nous nous étions déjà exprimés plusieurs fois sur le sujet. Je confirme donc qu'il n'y aura pas autant d'assistants d'éducation qu'il y a aujourd'hui d'aides éducateurs (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Nous allons faire des choix, conserver les postes utiles, mais non pas rebâtir un système à l'identique.

Les moyens dont nous disposons pour cela reposent sur un redéploiement. Le projet de loi de finances prévoit une baisse d'effectifs de 20 000, alors qu'elle aurait été de 30 000 si la mesure avait été strictement appliquée. C'est cette différence qui nous permettra de mettre sur pied le nouveau dispositif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

À la majorité de 91 voix contre 29, sur 120 votants et suffrages exprimés, l'amendement 72 n'est pas adopté.

Les crédits inscrits aux titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Pierre-André Périssol, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Au nom de la commission des affaires culturelles, je me félicite de l'engagement qu'a pris le Gouvernement d'organiser au Parlement un débat, dans les prochains mois, sur la politique éducative. Les interventions d'aujourd'hui, bien que très riches, étaient en effet très polarisées - et il ne pouvait en être autrement dans la discussion budgétaire - sur les aspects quantitatifs. Gageons que ce débat à venir saura définir les missions de l'école et le contenu qu'elle doit transmettre aux enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Les lignes 36 et 37 de l'état E, successivement mises aux voix, sont adoptées.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits de la jeunesse et de l'enseignement scolaire.

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 5.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 23 OCTOBRE 2002

À NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n° 256)

· Ville et rénovation urbaine

- Ville :

M. François GROSDIDIER, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 7 du rapport n° 256)

M. Philippe PEMEZEC, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Tome I de l'avis n° 258)

À QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Election, par scrutins secrets, dans les salles voisines de la salle des séances (1) :

    - des douze juges titulaires de la Haute Cour de justice ;

    - des six juges suppléants de la Haute Cour de justice ;

    - des six juges titulaires et des six juges suppléants de la Cour de justice de la République.

2. Questions au Gouvernement.

3. Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

· Intérieur ; article 72

- Sécurité intérieure et gendarmerie :

M. Marc LE FUR, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 27 du rapport n° 256)

- Sécurité intérieure :

M. Gérard LÉONARD, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Tome II de l'avis n° 261)

- Sécurité civile :

M. Thierry MARIANI, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Tome III de l'avis n° 261)

- Administration générale et territoriale :

M. Jérôme CHARTIER, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 28 du rapport n° 256)

- Collectivités locales :

M. Marc LAFFINEUR, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 29 du rapport n° 256)

- Administration générale et collectivités locales :

M. Manuel AESCHLIMANN, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Tome IV de l'avis n° 261)

À VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr

(1) Les scrutins seront ouverts de 15 heures à 18 heures


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