Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2002-2003)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 13ème jour de séance, 32ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 24 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      DÉFENSE ET SGDN 2

La séance est ouverte à neuf heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

DÉFENSE ET SGDN

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la défense ainsi que de ceux inscrits aux services du Premier ministre concernant le secrétariat général de la défense nationale.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances pour la défense - Première annuité de la nouvelle programmation que nous examinerons le mois prochain, 2003 sera la première étape du redressement de notre effort de défense. Votre projet de budget, Madame le ministre, tire en effet les enseignements d'une situation internationale désormais très instable.

Des attentats du 11 septembre 2001 à la tragédie de Bali et à l'attaque terroriste contre le pétrolier français Limburg, les événements nous incitent à la vigilance. Ce projet renforce ainsi justement les moyens de protection de notre territoire et les forces déployables sur des théâtres extérieurs. Il illustre aussi l'ambition de la France de conforter sa place au sein de l'Europe de la défense. Alors que la seule progression de 48 milliards de dollars du budget de la défense américain dépasse le montant global du nôtre, on peut légitimement se demander où en est l'Europe de la défense.

Le budget de la défense représente 1,71 % de notre produit intérieur brut, contre 2,84 % aux Etats-Unis. Ce fossé ne serait pas inquiétant si les Européens avançaient à la même vitesse. Or, les différences entre eux sont alarmantes : le Royaume-Uni consacre 2,28 % de son PIB à sa défense, les Allemands seulement 1,12 %. Certes, sur le plan politique, l'Europe de la défense progresse. Le sommet de Saint-Malo de 1998 a redonné du souffle aux mécanismes des traités de Maastricht et d'Amsterdam. Mais que prévoient-ils au regard de l'ambition qu'était la Communauté européenne de défense abandonnée il y a 48 ans ? On parlait à l'époque d'intégration des bataillons, et même des régiments.

Le conseil européen d'Helsinki avait prévu, il y a deux ans, de doter l'Europe d'ici à la fin 2003, d'une capacité autonome de défense permettant de déployer des forces militaires pouvant regrouper 50 000 à 60 000 personnes en soixante jours, et de soutenir cet effort pendant au moins un an. Ces forces devraient être capables d'assumer, sur décision du Conseil européen, l'ensemble des missions de Petersberg, de l'humanitaire au rétablissement de la paix.

Sous la présidence française, le traité de Nice a consacré les structures politiques et militaires de l'Union. Le prochain sommet de l'OTAN, qui se tiendra à Prague les 21 et 22 novembre, illustre cependant la difficulté des Européens à s'affranchir des Etats-Unis. Ainsi, la mise sur pied d'une force à déploiement rapide dans le cadre de l'OTAN, doit-elle être coordonnée avec les réflexions de l'Union. Quel serait sinon le sens de la force européenne de réaction rapide définie par la conférence d'engagement de capacités de Bruxelles des 20 et 21 novembre 2000 ?

L'Europe de la recherche et de l'armement, socle de la défense de demain, marque le pas : elle a besoin d'une relance politique. La montée en puissance de l'OCCAR ne doit pas occulter ses insuffisances.

Le programme d'avion de transport du futur, A400M, intégré à l'OCCAR, est aujourd'hui suspendu à un vote du Parlement allemand, qui vient d'approuver un programme d'achat de transport de troupes sans coopération avec ses partenaires européens. L'achat de l'avion de combat JSF par le Royaume-Uni n'est pas une meilleure nouvelle pour la coopération européenne. En outre, la conception de cet appareil mobilise l'essentiel des capacités de recherche de nos partenaires européens.

En matière de recherche, les doublons entre laboratoires européens sont très nombreux et souvent contre-productifs. L'Europe compte 180 centres d'expertise et d'essais qui emploient 50 000 personnes. La restructuration de ces moyens a commencé : le DESA britannique a été privatisé aux deux tiers, après réduction du nombre de ses sites, et les effectifs du BWB allemand ont diminué de 20 à 30 %.

Face à ces nouveaux défis, vous nous soumettez un budget en forte hausse de 6,14 % et même de 7,51 % hors pensions.

En progressant de 11,2 %, les crédits d'équipement permettront à l'armée française d'assumer ses engagements internationaux.

Contrairement à la situation observée cette année, toutes les catégories d'investissement, hormis les crédits de restructuration, sont dotées de moyens d'engagement ou de paiement accrus. La dotation destinée à l'entretien programmé des matériels augmente de 8,6 % en crédits de paiement et de 10,1 % en autorisations de programme. L'armée de terre voit ses crédits de paiement progresser de 12 %, l'armée de l'air de 23 %. La disponibilité des matériels s'en trouvera améliorée.

Adoptons maintenant un point de vue européen. L'objectif fixé dans le cadre de l'Union repose sur des forces militairement autosuffisantes, dotées de capacités de commandement, de contrôle, de renseignement et de logistique.

Sur l'aspect autosuffisant des forces européennes, seule l'armée française dispose d'une chaîne de commandement et de renseignement complète, les autres nations s'en remettant partiellement aux Américains.

Autosuffisant signifie aussi projetable. Or, l'inquiétude subsiste sur les perspectives de déploiement, alors que l'avion A400M, projet essentiel, connaît encore des retards. On peut craindre un trou capacitaire entre la fin de vie des Transall et la montée en puissance des A400M.

Les nouveaux transports de chalands de débarquement, désormais dénommés bâtiments de projection et de commandement, et les hélicoptères NH90 doivent renforcer nos potentialités de projection et de mobilité.

Les capacités de commandement et de renseignement font écho au système de forces « C3R » - communication, commandement, conduite et renseignement.

A ce titre, les moyens satellitaires Helios II et Syracuse III doivent consacrer notre autonomie satellitaire tant sur le plan des communications que sur celui de l'observation stratégique. Je suis en outre très attentif au développement des drones, sur lequel les Américains et les Israéliens ont une avance considérable. Le futur drone MALE - moyenne altitude longue distance - améliorera nos performances. Mais la démarche entreprise sous l'égide de l'Union européenne dans le cadre de l'ECAP améliorera-t-elle la coordination entre Européens ?

En 2003 seront commandés 59 Rafale, dont 13 pour la marine et le troisième Hawkeye. Le groupe aéronaval a joué un grand rôle en Afghanistan, notamment grâce au Hawkeye. Les militaires embarqués sur le Charles-de-Gaulle et sur les bâtiments qui l'accompagnaient ont effectué des missions de grande qualité, sur un pied d'égalité avec les Américains, qui les ont souvent associés à leurs missions en raison de leur professionnalisme.

S'agissant des programmes, il faut envisager des modes de financement innovants.

Aux Etats-Unis, c'est le sous-secrétaire chargé des acquisitions et des études qui définit la politique d'achat et de contrôle sur les programmes majeurs. Ce pays dispose en outre d'un arsenal législatif et réglementaire propre à réguler la pénétration étrangère sur le marché de la défense. Ainsi le small business act exclut-il les firmes étrangères des marchés réservés aux PME américaines. Les autorités américaines valorisent les équipements et les technologies militaires en les rendant accessibles au secteur privé grâce à des partenariats contractualisés.

L'externalisation, qui consiste à confier certaines tâches à des sociétés extérieures aux armées, me tient particulièrement à c_ur. Elle permet en effet de réduire les coûts, les prestataires privés, spécialisés dans leur domaine, étant plus efficaces. Les armées peuvent ainsi se concentrer sur leurs tâches essentielles. L'abandon de la conscription rend évidemment le sujet crucial. A cet égard, il n'est pas étonnant que les deux pays en pointe sur ces questions - Etats-Unis et Royaume-Uni - disposent depuis longtemps d'une armée professionnalisée.

Dès 1966, une directive de l'office de gestion et du budget, placé auprès du Président des Etats-Unis, a défini une méthodologie de comparaison des coûts entre les secteurs public et privé, afin de confier à des sociétés privées les fonctions qui y seraient assumées à moindre coût. Le fair act de 1998 oblige les administrations à présenter chaque année, avant le 30 juin, une liste d'activités susceptibles d'être externalisées. Le processus s'est cependant ralenti depuis le 11 septembre 2001, du fait notamment des difficultés de contrôle des sociétés privées.

A l'externalisation, les Britanniques préfèrent souvent le financement intégral par le secteur privé d'équipements publics. Ils travaillent ainsi sur un projet relatif au ravitaillement en vol. Le private finance initiative - initiative de financement privé - repose sur le financement par le secteur privé d'équipements publics, qui permet de lisser les dépenses publiques. L'entreprise qui finance l'équipement le loue ensuite à l'Etat.

L'externalisation est même devenue la règle : « l'initiative de financement privé » est examinée en priorité, avant toute hypothèse de financement public. Le système de télécommunications fixe des armées, l'administration des ressources humaines et la gestion du parc de véhicules relèvent déjà de ce type de contrats.

Le Royaume-Uni étudie actuellement la possibilité d'externaliser le ravitaillement en vol, pour des raisons de coût. Une entreprise privée peut en effet utiliser les appareils lorsque l'armée ne le fait pas et augmenter de la sorte leur rentabilité. Des avions permettraient de remplir tour à tour des missions civiles et militaires : le Boeing 767 et l'Airbus A330-200.

La France compte 14 ravitailleurs en vol. Peut-on pour autant confier à une entreprise privée les trois ravitailleurs réservés à la dissuasion nucléaire ?

Alors qu'une vingtaine de ravitailleurs seraient nécessaires à l'armée de l'air française, la location des six avions manquants, à l'instar de la méthode britannique, doit être sérieusement étudiée.

Votre budget n'oublie pas les femmes et les hommes de la défense : les crédits du titre III, hors pensions, progressent de 4,75 %, les crédits de rémunérations et charges sociales augmentant de 5,9 % par rapport au budget 2002 et de 4,41 % par rapport aux dotations réellement ouvertes.

Le plan d'amélioration de la condition militaire du précédent gouvernement n'étant pas financé, nous avons en effet dû inscrire 85 millions d'euros en loi de finances rectificative et prévoir un nouvel effort de 56 millions d'euros sur 2003.

La professionnalisation implique un effort important en faveur des sous-officiers, afin de les rémunérer correctement selon leurs compétences. L'augmentation du contingent de primes de qualification des sous-officiers diplômés représente 5,4 millions d'euros, soit 20 % du montant de l'ensemble des mesures spécifiques en faveur des militaires, hors mesures propres à la gendarmerie.

Le fonds de consolidation de l'article 4 du projet de loi de programmation sera doté de 11 millions d'euros dès 2003, afin de favoriser le recrutement et de valoriser certaines fonctions.

Pour le reste, le budget de fonctionnement pour 2003 est marqué par la volonté de redresser les indicateurs d'activité des forces, mis à mal par les fortes réductions de crédits de la programmation 1997-2002, qui sont parfois allées au-delà de la simple traduction mécanique de la baisse des effectifs.

En 2003, le budget de fonctionnement courant de l'armée de terre augmenta ainsi de 5,3 % avec la création de 891 postes de militaires. Celui de la marine progressera de 8,6 % et celui de l'armée de l'air de 1,3 % après une hausse de 8 % en 2002. Les crédits de fonctionnement courant de la gendarmerie poursuivront leur progression, liée à la priorité accordée par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, avec une hausse de 13,65 % qui prolonge celle de 11,6 % observée en 2002.

De manière générale, le budget de la défense est très proche des crédits réellement ouverts en exécution. Je ne peux que me féliciter de cette démarche. J'ajoute que les opérations extérieures, qui sont de plus en plus permanentes, devront être intégrées dans les prochains budgets dès la loi de finances initiale, conformément à la logique de la loi organique du 1er août 2001.

Je conclurai en évoquant la situation de GIAT Industries et de la DCN.

GIAT aura totalisé 3,89 milliards d'euros de pertes en douze ans d'existence. On en connaît les causes, qui sont peu glorieuses. Les perspectives ne sont pas très encourageantes, même si 700 véhicules blindés de combat d'infanterie doivent être commandés.

Quant à la DCN, handicapée par son statut actuel, elle va devenir très prochainement une entreprise nationale. Cela ne sera peut-être qu'une étape dans son évolution. J'espère que les relations contractuelles qui seront nouées avec la marine permettront d'améliorer sensiblement la qualité et les délais de maintenance.

Bref, le présent budget est parfaitement cohérent avec la future programmation. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter les crédits de la défense, comme la commission des finances l'a fait, après le vote de trois amendements que nous examinerons tout à l'heure.

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la défense - Ce budget, d'un strict point de vue quantitatif, semble permettre à nos armées de remplir leurs missions. Mais je m'intéresserai surtout à son adéquation à l'évolution du contexte stratégique.

Celui-ci est à l'évidence marqué par le terrorisme international et même si la réponse ne saurait être exclusivement militaire, les armées doivent être en mesure de mener leurs activités de renseignement et de démanteler les réseaux terroristes en dehors du territoire national, ce qui exige une amélioration de nos capacités de projection. Cela reste pour l'instant du domaine du v_u pieu.

Une autre évolution majeure me semble mal prise en compte dans nos réflexions actuelles : les attentats du 11 septembre ont accéléré l'évolution de la pensée stratégique américaine, en germe depuis plusieurs années. La nouvelle doctrine met l'accent sur la prévention plus que sur la dissuasion, ce qui implique le développement des systèmes antimissiles et justifie les guerres préventives. En matière militaire, cette stratégie repose sur une approche capacitaire : il ne faut plus être capable de répondre à un scénario précis, mais se préparer à faire face à toutes les hypothèses. Dès lors que la menace n'est plus identifiée, les alliances perdent leur raison d'être. C'est ce que le secrétaire de la défense américain Donald Rumsfeld a résumé abruptement en disant que c'est la mission qui définit la coalition, et non l'inverse.

Cette doctrine s'est déjà traduite par la mise en _uvre du programme de défense antimissiles, le retrait du traité ABM et l'accord de désarmement nucléaire avec la Russie. D'autre part, les Etats-Unis cherchent de plus en plus à imposer leur vision unilatéraliste des grands problèmes internationaux tels que l'Irak, le Proche-Orient, la Cour pénale internationale ou le protocole de Kyoto. Enfin, le rôle de l'Alliance atlantique est de fait remis en cause. Après le 11 septembre, l'Alliance avait pourtant appliqué pour la première fois l'article 5 du traité. Cette proclamation de solidarité n'a eu aucune conséquence pratique pendant la campagne militaire en Afghanistan.

Cette nouvelle doctrine américaine, qui sort du cadre des alliances, va compliquer la position de certains pays européens dont l'alliance avec les Etats-Unis était le seul fondement de la politique étrangère. En outre, le rôle opérationnel de l'OTAN est encore plus compromis par les perspectives d'élargissement de l'Alliance et de rapprochement avec la Russie. Le prochain sommet de Prague devrait entériner l'adhésion de sept nouveaux membres. Les frontières de l'OTAN vont de plus en plus se confondre avec celles de l'OSCE et ses missions vont devenir plus politiques que militaires.

S'il y a convergence à la commission des affaires étrangères sur cette analyse, des divergences portent sur les conséquences à en tirer. Selon moi ce budget prolonge les analyses du livre blanc de 1994 et du modèle Armée 2015 défini en 1996, alors que le contexte géostratégique a profondément évolué. La majorité de la commission, elle, l'estime approprié. Je regrette également que ce budget ne traduise pas une volonté de construire une véritable Europe de la défense, seule capable de relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Malheureusement, cette Europe de la défense a cessé de progresser après le prometteur sommet de Saint-Malo de 1998. Elle n'a pu que contribuer à la politique de défense de ses Etats membres, sans définir une véritable politique européenne de défense.

Il faut faire de cette construction un sujet de débat politique et non plus technique. Les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe sont une occasion unique à saisir pour s'interroger sur les finalités d'une Europe de la défense. Par exemple, alors que l'Europe va s'étendre jusqu'aux portes de la Russie, il est décisif de savoir s'il existe une garantie de sécurité entre ses Etats membres. Après avoir défini les objectifs de l'Europe de la défense, il faudra en tirer les conséquences. C'est pourquoi je demande depuis plusieurs années qu'un livre blanc européen précise l'analyse stratégique de l'Union, les menaces auxquelles elle peut être confrontée et les solutions qu'elle envisage. Cette analyse servira de base pour fixer les moyens nécessaires, en évitant les doublons et en organisant les synergies.

A l'inverse, le vote d'un loi de programmation nationale sur six ans indique à mon avis que la France s'engage seule sur cette durée. La majorité de la commission estime elle que l'augmentation des dépenses militaires est un signal suffisant de la volonté française de poursuivre la construction de l'Europe de la défense. La commission ne m'a pas suivi non plus pour regretter que le Gouvernement ait reporté l'examen du projet de loi de programmation militaire après celui du budget pour 2003, alors que celui-ci en constitue la première année d'exécution. C'est faire peu de cas du débat démocratique, et cela nuit à la crédibilité de cette future loi.

En conclusion, malgré quelques aspects positifs que j'ai soulignés devant la commission, je ne lui ai pas recommandé de voter ce budget qui ne s'engage pas dans la construction de la défense européenne et ne tient pas suffisamment compte des évolutions du contexte stratégique. Comme il était assez prévisible, la commission ne m'a pas suivi et a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la défense (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la dissuasion nucléaire - Les crédits consacrés à la dissuasion connaissent pour la seconde année consécutive une forte croissance. Les autorisations de programme progressent de 34,7 % et les crédits de paiement de 11,3 %. Dans une large mesure, cette hausse résulte de la montée en puissance des grands programmes de modernisation en cours.

En ce qui concerne l'ASMP amélioré, les autorisations de programme sont plus que septuplées, en raison de la signature en juillet prochain de la deuxième tranche de développement. Le programme d'essai a jusqu'ici donné toute satisfaction et aucun dépassement de coût n'a été constaté.

Les crédits consacrés à la force océanique stratégique augmentent en raison de la progression de la construction du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins Le Vigilant.

Les crédits relatifs au maintien en condition opérationnelle de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins enregistrent aussi une forte hausse. Les coûts d'entretien des bâtiments de nouvelle génération se sont révélés nettement plus élevés que prévu notamment en raison des exigences des autorités de sécurité nucléaire.

Le programme de simulation, essentiel pour la crédibilité de nos forces, progresse comme prévu, avec la construction du laser mégajoule. La direction des applications militaires du CEA dispose désormais d'un des outils informatiques les plus performants au monde, qu'elle est prête à partager avec toute la communauté scientifique.

Enfin, s'agissant du nouveau missile M51, si les crédits de paiement restent stables, les autorisations de programme augmentent de 208 %. Cela reste insuffisant pour pouvoir signer la première tranche du contrat à l'échéance prévue du 27 décembre prochain. Les autorisations de programme nécessaires devront être inscrites dans le collectif de fin d'année.

Le présent budget garantit que la première année d'exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 assurera dans de bonnes conditions la modernisation de la dissuasion.

La réflexion sur notre dissuasion doit éviter deux écueils.

Tout d'abord, on ne peut accuser la dissuasion d'opérer un effet d'éviction sur les autres investissements. Le projet de loi de programmation militaire montre qu'il est possible de renforcer nos capacités conventionnelles tout en conservant une capacité de dissuasion fondée sur le concept de stricte suffisance.

Ensuite, ne cédons pas aux effets de mode. L'arme nucléaire n'a jamais été conçue pour dissuader le terrorisme non étatique, fut-il de masse. Elle est l'arme utile et non l'arme absolue.

Reste que les menaces susceptibles d'affecter nos intérêts vitaux ont beaucoup évolué. La menace à l'Est a disparu et les principaux sujets de préoccupation sont désormais la prolifération des armes de destruction massive et des missiles balistiques capables de les transporter.

La France a tiré très tôt les conséquences de la fin de la guerre froide avec l'arrêt des essais, le passage à la simulation, le démantèlement du plateau d'Albion et l'arrêt complet de la production de matières fissiles. Aucune puissance nucléaire n'est allée aussi loin dans l'adaptation de ses moyens. Le dispositif retenu présente l'avantage d'une grande cohérence technique et doctrinale.

La dissuasion vise à nous prémunir contre deux types de situation. Premièrement, la reconstitution d'une puissance agressive ne peut être exclue. Deuxièmement, en raison de la prolifération, des puissances régionales peuvent être à même, à l'avenir, de menacer nos intérêts vitaux. Comme l'a précisé le Président de la République, le choix ne serait pas alors entre l'anéantissement d'un pays et l'inaction. La riposte contre un éventuel agresseur porterait en priorité sur ses centres de pouvoir, politiques, économiques et militaires. La modernisation de notre arsenal a donc pour but de maintenir sa crédibilité et de fournir un éventail de ripostes.

A cet égard, de par sa souplesse d'emploi, la composante aérienne de la dissuasion constitue un outil particulièrement performant.

L'ensemble mis en place a vocation à durer bien au-delà de 2015 et, comme il obéit déjà au principe de stricte suffisance, il serait périlleux de le remettre en question. Les « économies » réalisées se paieraient par l'atteinte irrémédiable à la crédibilité de nos forces.

Des évolutions sont cependant nécessaires à plus long terme. Pour maintenir notre capacité scientifique et industrielle, il faut assurer la transmission des savoirs entre les concepteurs d'armes ayant connu la période des essais et leurs successeurs. Compte tenu de la durée des formations et des programmes, il s'agit d'un enjeu majeur pour les vingt ans à venir car il y va de la liberté de nos futurs choix politiques.

Le problème se pose dans les mêmes termes pour la défense anti-missiles. S'il est impensable de financer un programme de défense d'ensemble comparable à celui des Etats-Unis, il est nécessaire de s'engager pleinement dans les programmes de défense de théâtre, faute de quoi le fossé technologique entre l'Europe et les Etats-Unis, déjà préoccupant, deviendrait considérable.

Ce projet est un bon budget, confortant les objectifs poursuivis à l'horizon 2015. La commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'espace, les communications et le renseignement - Depuis des années, nos armées attendaient un budget en rapport avec leurs missions. Grâce au Président de la République, au Gouvernement et à vous-même, Madame, des perspectives positives leur sont enfin ouvertes.

Le système de forces « commandement, communications, conduite des opérations et renseignement », ou C3R, permet de maîtriser l'information à tous les échelons. C'est donc un ensemble dont la cohérence est indispensable.

Pour ce qui concerne l'espace militaire, le projet de loi de finances pour 2003 apparaît globalement satisfaisant. Les principaux programmes - Helios II et Syracuse III - seront poursuivis. Les crédits de recherche-amont augmentent de 6,6 %.

Si on y ajoute les crédits du ministère de la recherche affectés à l'espace, la France consacrera près de 1,8 milliard d'euros à ce secteur en 2003, loin devant nos partenaires européens, ce qui n'est d'ailleurs pas un motif de satisfaction.

Je m'interroge néanmoins sur la pertinence de la contribution du ministère de la défense au budget civil de recherche et développement - BCRD. Il serait bon de mettre un terme à ce transfert de fonds car le ministère de la défense n'en contrôle pas l'utilisation.

Au moment où les Etats-Unis reviennent en force sur tous les créneaux du secteur spatial avec pour volonté affichée de devenir hégémoniques d'ici à 2005 et où certains pays comme le Japon, la Chine ou l'Inde confirment leur ambition de concurrencer les programmes européens, il est clair que l'avenir du secteur spatial français se joue désormais au niveau des instances communautaires, de l'Agence spatiale européenne ou des coopérations interétatiques.

Des décisions financières importantes ont récemment été prises par le conseil ministériel de l'ESA et le conseil des ministres des transports de l'Union européenne, afin de moderniser Ariane V et de développer le système Galileo de navigation par satellites. La France devra veiller à conserver un rôle de premier plan dans la conduite de ces deux programmes ; il y va de l'intérêt de tout un secteur industriel durement touché par la crise des télécommunications.

En revanche, pour les applications militaires de l'espace, les coopérations restent limitées. Pourtant, si les Etats membres de l'Union européenne mettaient leurs financements en commun, ils pourraient développer un programme spatial complet, couvrant l'observation, les télécommunications, l'écoute, l'alerte avancée et la surveillance, pour 730 millions d'euros par an.

Reste à convaincre nos partenaires de placer l'espace au c_ur de l'Europe de la défense, qui est l'une des grandes ambitions exprimées par le Président de la République. Il y a urgence car nos industries spatiales sont confrontées à une crise sans précédent. Il importe de prendre vite les mesures qui garantiront leur avenir et, par là même, celui de l'Europe spatiale civile et militaire.

Les systèmes de communication et les moyens de renseignement, autre facette du système de forces C3R, continuent à recevoir une attention particulière sur le plan budgétaire. La modernisation des télécommunications va se poursuivre. Mais, compte tenu de l'importance des investissements à consentir, la solution passe, là encore, par une coopération européenne portant, dans un premier temps, sur la recherche-amont. Nos industriels y sont prêts. Il reste aux gouvernements européens à s'engager sur cette voie, sous peine de se voir bientôt imposer des technologies américaines.

Les systèmes de recueil de renseignements seront, eux aussi, améliorés. Un effort particulier est prévu pour les drones, utilisés dans les Balkans et aussi en Afghanistan. La France s'est lancée dans plusieurs programmes d'étude et de développement concernant les drones très courte portée mais je me demande s'il ne faudrait pas profiter de la prochaine mise en service de trois drones Eagle dans l'armée de l'air pour expérimenter des applications similaires à celles des Predator américains, capables de tirer des missiles.

Enfin, je me réjouis de l'augmentation des crédits d'équipement et de fonctionnement des services de renseignement, à l'heure où les menaces du terrorisme international se font plus précises. Les effectifs des différents services sont simplement stabilisés. Il aurait été souhaitable de poursuivre les recrutements au même rythme que les années précédentes.

Avant de conclure, je vous remercie, Madame la ministre, de m'avoir permis de rencontrer le directeur général de la sécurité extérieure et les directeurs du renseignement militaire, de la protection et de la sécurité défense. Tous se sont entretenus ouvertement avec moi des questions budgétaires afférentes aux services de renseignement, montrant qu'un contrôle parlementaire est possible sur ces sujets. A cet égard, je pense que la commission de vérification de l'emploi des fonds spéciaux, prévue par la loi de finances initiale pour 2002, n'est pas le dispositif le plus pertinent pour permettre l'information du Parlement. Cette question aurait mérité un débat plus approfondi.

La commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'espace, des communications et du renseignement pour 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les forces terrestres - La présentation des crédits de l'armée de terre est une tâche relativement aisée cette année car leur budget connaît une hausse confortable par rapport aux exercices précédents tant pour les moyens matériels que pour les moyens humains.

Les crédits du titre III augmentent de 3,7 %. Cela permettra de satisfaire les attentes du personnel militaire puisque le budget intègre les mesures de revalorisation financière votées en juillet. Mais la hausse des crédits permettra aussi de perfectionner l'entraînement des militaires, ce qui est fondamental. Le nombre de jours d'exercice, qui était tombé à 68 en 1999 et 2000, remontera à ce qui est considéré comme la norme : 100 jours par an.

Pour ce qui est des effectifs, l'armée de terre a pratiquement atteint le format prévu par la loi de programmation 1997-2002, notamment en ce qui concerne les engagés volontaires. C'est une performance à saluer car le défi de la professionnalisation n'était pas gagné. Le succès est au rendez-vous avec 66 000 EVAT recrutés au total, soit 10 000 à 12 000 par an sur six ans, malgré une vive concurrence pour certains emplois.

Seuls les volontaires de l'armée de terre, recrutés pour des périodes plus courtes et moins bien rémunérés que les engagés volontaires, ne sont pas assez nombreux. Mais le déficit ne porte que sur 2 000 à 3 000 emplois et sera comblé par la transformation progressive de postes de VDAT en postes d'EVAT, plus attrayants.

Le nombre des officiers et sous-officiers est aussi en léger déficit par rapport à la loi de programmation militaire 1997-2002, mais l'écart ne porte que sur quelques centaines de personnes. La situation est plus préoccupante pour le personnel civil. Le recours à la sous-traitance doit permettre, dans une certaine mesure, de pallier le déficit.

Les crédits du titre V incitent également à l'optimisme avec une hausse sans précédent de 13,9 % en euros constants. Ce niveau exceptionnel se veut cohérent avec la future loi de programmation militaire, dont ce budget constituera la première annuité.

Le montant des autorisations de programme devrait permettre d'envisager une commande globale du missile à fibre optique de haute précision - MFO - et de poursuivre les commandes de véhicules blindés légers, de postes de radio PR4G, ainsi que la modernisation d'équipements plus anciens comme le canon AUF 1, l'AMX 10 RC ou le missile Roland. Enfin, ces crédits permettront la réalisation de plusieurs programmes moins spectaculaires, mais tout aussi indispensables, comme la commande de 40 000 tenues de protection NBC et de 20 000 gilets pare-balles.

Un des grands chantiers du titre V pour l'année à venir sera l'amélioration de la disponibilité des matériels.

D'importants efforts ont déjà été accomplis mais la situation reste très difficile pour les hélicoptères de l'ALAT, avec des taux de disponibilité inférieurs à 50 % pour les Gazelle et les Puma, et pour certains blindés anciens comme les AMX 10.

Quant au char Leclerc, c'est un excellent matériel, mais sa disponibilité atteint difficilement 60 %. Le nombre invraisemblable de versions différentes complique encore les choses.

Du reste, alors que seuls 300 chars sur 406 ont été livrés, l'armée de terre a fait son deuil des premières séries : les 51 Leclerc des tranches 1, 2 et 3, à plus de 8 millions d'euros pièce, ne seront jamais opérationnels. A ce propos, je souhaite que le même problème ne se répète pas avec le programme d'hélicoptères Tigre, car entre 2003 et 2020 bien des évolutions auront eu lieu.

La hausse des crédits d'entretien du matériel en 2002 avait surtout servi à opérer un rattrapage. Leur augmentation de 36 % en euros constants cette année va permettre d'améliorer la situation.

Le projet de budget pour les forces terrestres est satisfaisant, et les augmentations de crédit équilibrées entre fonctionnement et équipement. Ce projet s'inscrit parfaitement dans la loi de programmation militaire 2003-2008. Je vous invite donc à l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la marine - C'est avec une grande satisfaction que je présente le budget d'une armée que je connais bien pour y avoir longtemps servi, et c'est sans réserve que j'invite l'Assemblée à voter les crédits de la marine pour 2003.

De mémoire - et c'est tout à votre honneur, Madame le ministre - ce budget n'a jamais été aussi bon. L'augmentation de 4,6 % des crédits du titre III permettra de revaloriser la condition des personnels ; celle de 11,9 % des crédits de paiement des titres V et VI assurera la modernisation et la remise en condition opérationnelle des bâtiments.

Il s'agit en effet de rattraper un retard prononcé. Ainsi, l'exécution de la loi de programmation 1997-2002 fait apparaître pour le titre V un déficit de 3 milliards d'euros de crédits de paiement, soit approximativement le coût du Charles-de-Gaulle ! Dans ces conditions, le budget 2003 n'est pas un cadeau fait à la marine, il relève de la nécessité.

Il accorde aux armées la considération qu'elles méritent. Pour m'être rendu auprès des commandants d'unité à Brest et à Toulon, je peux dire que les marins ont compris le message du Gouvernement, mais aussi qu'ils resteront très attentifs à la réalisation des promesses. Ne les décevez pas, comme le firent trop souvent vos prédécesseurs car le recrutement et la fidélisation des engagés en dépendent.

La marine nationale est en sous-effectif chronique et il faut s'attacher à ce problème. Le fonds de consolidation est une réponse financière bienvenue, mais il faut aussi améliorer le cycle de formation, mieux utiliser les réservistes et développer la sous-traitance.

J'insiste enfin sur trois sujets qui me tiennent à c_ur. D'abord, il faudra abonder les crédits pour le Rafale de 848 millions en loi de finances rectificative, faute de quoi ce programme ou d'autres seront ralentis. Respecter les engagements prouverait aux personnels que le Gouvernement est déterminé à appliquer intégralement la loi de programmation.

Ensuite, l'application de la TVA à toutes les prestations de la DCN coûtera 120 millions d'euros de plus par an à la marine. Je sais que vous voulez obtenir la neutralisation fiscale de cette réforme. Mais Bercy l'entend-il ainsi ? D'autre part, la marine va devoir récupérer des installations de la DCN, ce qui sera coûteux. Surtout, à plus long terme, la société nationale devra nouer des alliances fortes car la construction navale évolue très rapidement en Europe.

Enfin, certaines contraintes réglementaires, par exemple le code des marchés publics, sont mal adaptées à la gestion prévisionnelle de la maintenance. De même, les contraintes d'engagement des crédits empêchent parfois de bien les dépenser, et le ministère des finances a ensuite beau jeu de mettre en cause la gestion des armées pour justifier la régulation budgétaire ! Sans doute vaudrait-il mieux globaliser le budget des armées. Je sais que vous réfléchissez à des propositions en ce sens, et je serai très attentif à vos travaux.

Compte tenu de la qualité de ce budget, la commission de la défense a, sur ma proposition, donné un avis favorable à son adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'air - L'armée de l'air profite aussi de la croissance du budget de la défense. Ses crédits augmentent de 508 millions d'euros , soit 10 %, et ceux du titre III de 71 millions d'euros, soit 1,9 % en euros constants. L'armée de l'air pourra ainsi renforcer l'entraînement des pilotes et mieux entretenir le matériel.

Alors même que la loi de programmation 1997-2002 a pu provoquer quelque désorganisation, l'armée de l'air a toujours respecté les normes minimales d'entraînement sur le plan quantitatif et a même entrepris dès 2002 de satisfaire à des critères qualitatifs, amorçant ainsi l'exécution des objectifs fixés par la loi de programmation 2003-2008. Grâce à 8 millions de crédits supplémentaires, les conditions d'entraînement seront améliorées et les équipages pourront participer aux grands exercices internationaux.

En second lieu, ce budget permettra d'entretenir le matériel. Dès l'examen du budget de l'air pour 2000, notre commission avait voté à l'unanimité une observation soutenant la création de la SIMMAD, structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels. Sa création a donné toute satisfaction et grâce également à une augmentation de 175 millions d'euros - soit 25 % - des crédits d'entretien qui représentent 30 % du budget d'équipement, le taux de disponibilité des matériels est passé de 54,2 % à 61 % en 2002, il devrait atteindre 67 % en fin d'année et l'objectif pour 2003 est de 75 %.

Avec 437 millions d'euros, les crédits du titre V augmentent de 16,7 %, ce qui aura des effets structurants. L'armée de l'air n'avait pas de lacunes particulières à combler, et après l'US Air Force elle est sans doute l'une des plus cohérente au monde. Mais elle se sentait de plus en plus à l'étroit : les crédits non consommés sont passés de 7,2 % en 1998 à 2,8 % en 2001, et l'an dernier le général Job, chef d'état major, annonçait des difficultés de trésorerie qui se sont confirmées en 2002. De ce fait, les équipements ont vieilli, et les coûts de maintenance se sont accrus.

Pour assurer le renouvellement du parc, il était nécessaire d'augmenter nettement le budget d'équipement. L'an dernier, il apparaissait que le non-respect de la loi de programmation antérieure remettrait en cause le modèle d'armée 2015. Ce projet pour 2003 apaise donc nos inquiétudes. L'armée de l'air pourra acquérir les nouveaux équipements dont elle a besoin. En 2003 seront développés les standards F2 et F3 de rafale, livrés 41 missiles de croisière Apache, 60 Scalp et 3 avions de ligne CASA CN 235, commandés 430 missiles MICA cependant que l'amélioration des programmes d'observation et de commandement se poursuivra.

Restent deux ombres au tableau. La première est légère puisque les autorisations de programme nécessaires à la commande de 46 Rafale Air, si elles ne figurent pas au « bleu », sont annoncées en loi de finances rectificative. L'autre persiste et concerne le lancement du programme A400M. Mais la France n'est pas fautive en ce domaine, puisque les autorisations de programme ont été consenties dans les temps.

Ce budget de l'armée de l'air 2003 donne force au projet de loi de programmation dont il est la première annuité et rend crédible la réalisation du modèle d'armée 2015. La commission l'a donc pleinement approuvé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Lang rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le titre III et les personnels de la défense - De l'avis général, ce budget est particulièrement satisfaisant.

Globalement, le titre III augmente de 4,7 %, surtout au bénéfice du poste rémunérations et charges sociales.

Les crédits votés dans le collectif budgétaire, ceux inscrits dans ce projet de budget et ceux du fonds de consolidation de la professionnalisation, feront bénéficier les militaires en 2003 de 330 millions d'euros supplémentaires en rémunérations. Outre les augmentations liées à la revalorisation habituelle du point d'indice, la plupart des indemnités sont réévaluées : l'indemnité pour charges militaires, mais aussi les indemnités spécifiques, destinées à attirer ou conserver spécialistes et techniciens - qui ont une fâcheuse tendance à quitter les armées après avoir reçu une solide formation. Dans le cadre de l'aménagement du temps d'activité et d'obligation professionnelles des militaires, une indemnité sera versée dans la limite de 8 ou 15 fois le taux journalier, qui s'élève à 85 €.

Les armées ont désormais pratiquement atteint leur format professionnel. Les effectifs devraient peu évoluer, même si quelques ajustements sont réalisés.

L'armée de terre perd 1 572 postes de volontaires, compensés par la création de 1 000 emplois d'engagés volontaires. Elle sera gagnante puisque les emplois convertis sont actuellement vacants en raison de la difficulté de recruter des volontaires, aux soldes peu attrayantes, alors que les postes d'engagés devraient être pourvus sans trop de difficulté.

Les effectifs de l'armée de l'air et de la marine devraient être assez stables.

Dans la gendarmerie, 1 200 postes sont créés, pour un coût de 52,8 millions.

Le principal sujet d'inquiétude concerne les réservistes, dont le nombre est encore trop faible. L'objectif de 100 000 réservistes fixé par la loi de programmation 1997-2002 a été repoussé à l'horizon 2015. Des chiffres moins ambitieux mais qu'on espère plus réalistes sont fixés chaque année par les armées. La loi de programmation 2003-2008 pourrait fixer un objectif global de 82 000 réservistes à atteindre en fin de période.

Deux mesures incitatives sont à l'étude : une prime de fidélité destinée à récompenser les réservistes ayant participé activement à la défense de la nation ; une prime d'incitation au volontariat, qui pourrait être inscrite dans la prochaine loi de programmation. Par ailleurs, la formation militaire initiale du réserviste sera renforcée. Tout n'a peut-être pas été fait pour informer et inciter les civils ayant des spécialités intéressant la défense à devenir réservistes.

Mais le titre III ne concerne pas seulement les effectifs. La hausse de 3,85 % des crédits consacrés à l'entraînement constitue un motif de satisfaction.

Les forces terrestres recevront 20 millions d'euros supplémentaires, l'objectif étant de remonter dès 2003 à 100 jours de sortie par an sur le terrain - ce qui est la norme dans les armées de l'OTAN - sachant qu'on était tombé à 68 en 2000. Concernant l'ALAT, le nombre d'heures de vol annuelles se situe entre 145 et 150 depuis plusieurs années, ce qui peut poser des problèmes de sécurité. L'objectif est d'atteindre 160 heures dès 2003, et 180 heures à terme.

Pour les navires de la marine, l'objectif est d'atteindre 100 jours de mer en 2003, contre 92 en 2000 et 85 en 2001. Les ambitions de l'aéronavale sont également revues à la hausse : les pilotes de chasse devraient voler 180 heures en 2003 contre 177 en 2001, les pilotes d'hélicoptère 220 contre 210 et les équipages de patrouille maritime 350 contre 293.

Dans l'armée de l'air, les pilotes de transport devraient passer de 350 à 400 heures de vol.

Enfin, les crédits de fonctionnement dévolus à la vie courante, qui contribuent à l'attrait du métier militaire et à la fidélisation du personnel, progressent de 4,9 %, après une baisse continue depuis des années au même rythme que les effectifs.

Votre rapporteur émet le v_u que ce budget très satisfaisant soit exécuté, sans qu'aucun événement ne vienne le remettre en cause comme cela s'est trop vu dans le passé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les crédits d'équipement - Le Président de la République a fait de la restauration de nos capacités de défense une priorité de son quinquennat. Le projet de loi de programmation militaire précisera les objectifs, et ce projet de budget définit les premières mesures.

La professionnalisation des armées est achevée. La priorité est désormais au renforcement des capacités opérationnelles. Elle se traduit dans les titres V et VI. En hausse de 11,2 % par rapport à 2002, les crédits d'équipement de la défense cessent d'être la variable d'ajustement qu'utilisaient trop souvent les gouvernements précédents. Ils progressent de 16,6 % pour l'armée de l'air, de 11,9 % pour la marine et de 6,6 % pour l'armée de terre.

Le Chef de l'Etat s'était ému à Creil des problèmes de disponibilité des matériels, que de nombreux rapports parlementaires avaient également soulignés. Pour assurer une remise à niveau, les dotations d'entretien programmé des matériels progressent de 8,6 % en crédits de paiement et de 10,1 % en autorisations de programme par rapport à 2002, de 15 % en CP et de 36,5 % en AP par rapport à 2001.

La dissuasion nucléaire bénéficie d'une hausse de 32,8 % des AP et de 8,7 % des CP pour rattraper les retards accumulés. Il en va de même pour la recherche. Nos capacités de renseignement militaire vont être renforcées grâce à la poursuite des programmes satellitaires Helios et Syracuse et à la mise en chantier d'une nouvelle génération de drones.

Concernant l'armée de terre, les programmes Leclerc et Tigre se poursuivent, en dépit de certaines difficultés techniques. Pour la marine, le projet prend en compte la nécessité de renouveler la flotte de surface, notamment les frégates Horizon. Nous aimerions, Madame le ministre, que vous nous rassuriez quant à l'engagement du Rafale, qui équipera à la fois la marine et l'armée de l'air. Pour celle-ci, on a déjà évoqué les difficultés de l'A400M.

La gendarmerie bénéficie d'une augmentation de 27 % de ses crédits de paiement et de 53 % de ses autorisations de programme.

Pour conclure, je voudrais souligner les efforts accomplis par le ministère pour moderniser sa gestion des titres V et VI. Le périmètre de ces titres a été redéfini, ce qui les rend plus lisibles. Les nouvelle structures de maintenance procurent de substantiels gains de productivité pour le matériel aérien et la flotte ; on attend un effort similaire pour le matériel terrestre, tout en regrettant que les industriels marquent un certain désintérêt pour le maintien en condition opérationnelle des matériels. Il faut évoquer également les programmes pluriannuels, l'externalisation et l'« interarmisation » de certaines fonctions.

L'équipement des armées a trop souffert durant les années passées d'annulations, reports et renégociations des crédits : un quart à un tiers des crédits votés en lois de finances initiales ont fait l'objet de réaffectation. L'effort engagé dans ce budget, qui a conduit la commission à émettre un avis très favorable à l'adoption des crédits, devra se poursuivre durant les prochaines années (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les services communs - Les services communs du ministère de la défense, s'ils diffèrent tant par leurs missions que par leur poids budgétaire, n'en sont pas moins confrontés aux mêmes impératifs de modernisation et d'adaptation. J'en évoquerai plus particulièrement trois : la délégation générale pour l'armement - DGA -, le service de santé et le service des essences.

Fournisseur, contrôleur, expert et producteur, la DGA est le premier des services communs du ministère. Son budget augmente de 6,6 %, les crédits du titre III progressant de 2,5 % et ceux des titres V et VI de 7,5 %. Cette hausse intervient après une période de forte décroissance des moyens de la DGA, liée à une profonde réforme de son organisation et de ses structures entreprise depuis 1997, dont il faut souligner la réussite. En cinq ans, les effectifs ont été réduits de 25 %, et surtout le coût d'intervention a diminué de 30 %, avec une année d'avance sur l'objectif fixé. Le coût des programmes d'armement a été fortement réduit grâce à l'amélioration de la conduite des programmes et de la gestion des crédits : l'économie réalisée depuis 1997 excède les 9 milliards d'euros.

La DGA s'est recentrée sur ses fonctions de fournisseur d'équipements aux armées, abandonnant progressivement son rôle d'opérateur industriel. Le changement de statut de la DCN normalisera ses relations avec elle. Cette réforme, qui intervient dans un contexte de restructurations accélérées du secteur des constructions navales en Europe, était indispensable pour permettre à la DCN de s'affranchir des contraintes administratives associées à son statut et de nouer des alliances structurelles avec des partenaires nationaux et étrangers.

Lors de la préparation de cette réforme, quatre grands principes avaient été fixés : respect de l'unicité de l'entreprise, contrôle intégral de la société par l'Etat, maintien du statut des personnels et conclusion d'un contrat d'entreprise entre la DCN et l'Etat. Ils ne doivent pas être remis en cause.

Des questions restent toutefois encore en suspens. Le niveau de la dotation en capital de la DCN n'a pas encore été déterminé. Il devra garantir l'autonomie et le développement ultérieur de l'entreprise. Nous avons tous en mémoire les recapitalisations successives de Giat Industries, pour plus de 3 milliards d'euros, alors que la dotation initiale était de 280 millions. La DCN, dotée de compétences reconnues et d'un excellent carnet de commandes se distingue nettement de Giat et ne doit pas être sous-capitalisée.

Des garanties doivent également être apportées aux 15 000 salariés de l'entreprise, qui ont déjà accompli d'importants efforts d'adaptation : l'heure est désormais à la clarification, au recrutement de personnels et à la formation, afin d'assurer la pérennité des savoir-faire. Enfin, il faut garantir assez vite le contrat d'entreprise, dont nous devrions être saisis avant la fin de l'année. En particulier, le rapprochement franco-italien sur la frégate multimissions ne devrait pas retarder la réforme.

La DGA a une importante mission dans la construction de l'Europe de l'armement. Elle joue un rôle décisif au sein de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, appelée à devenir une véritable agence européenne de l'armement.

Le budget des services de soutien interarmées, en hausse significative, permet la création de postes ainsi que des mesures de revalorisation et de fidélisation des personnels.

Le service des essences a montré son efficacité et sa réactivité dans les opérations extérieures.

En conclusion, si la commission s'est réjouie d'un certain nombre d'évolutions, elle a souhaité vous appeler, Madame la ministre, à la vigilance sur la pérennisation de ces crédits, notamment pour les actions destinées au recrutement et à la formation des personnels. Sous ces réserves, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la gendarmerie - Avec une augmentation sans précédent de 8,4 %, le projet de budget de la gendarmerie pour 2003 s'inscrit dans la droite ligne de la LOPSI, qui prévoit une remise à niveau d'ensemble pour la gendarmerie, notamment grâce à la création de 7 000 emplois.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, un important rebasage des dotations du titre III est prévu. Près de 1 200 postes de militaires sont créés, tandis que 700 postes de gendarmes adjoints volontaires seront dégelés. En ce qui concerne les rémunérations, l'application du dispositif indemnitaire arrêté en décembre 2001 suit son cours.

Si l'on fait abstraction des rémunérations, les crédits du titre III consacrés au fonctionnement des unités de gendarmerie progressent de 13,7 %, en raison notamment de la croissance de 24,4 % des crédits consacrés au paiement des loyers.

Un effort significatif est prévu en matière d'équipement, avec une augmentation de 55,2 % des autorisations de programme et de 28,5 % des crédits de paiement.

Ce budget permettra d'acquérir de nombreux matériels : véhicules, gilets pare-balles et armes. Il est également prévu de lancer le projet de mise en réseau des unités opérationnelles, en les dotant rapidement d'un ordinateur spécialisé équipé d'un accès Internet.

L'effort est particulièrement sensible en faveur de l'immobilier avec une augmentation de 46,7 % des crédits de paiement. C'est d'autant plus nécessaire que l'état du parc immobilier de la gendarmerie est préoccupant : 46,1 % des logements du parc domanial sont officiellement classés mauvais ou vétustes. Lors de mes déplacements, j'ai constaté l'état catastrophique, indigne de la République, de certains logements qu'aucun organisme HLM ne mettrait en location.

Un objectif ambitieux de réhabilitation doit être fixé, assorti d'un plan sur cinq ans, sorte de « plan Marshall ». Pour que les crédits soient plus facilement utilisés, il conviendra d'utiliser pleinement les dérogations prévues par la LOPSI et de réfléchir à une déconcentration accrue des procédures.

Au-delà de ce budget, pleinement satisfaisant, la crise qu'a connue la gendarmerie l'an dernier invite à une réflexion sur son statut, son rôle et son évolution. Depuis la suspension du service national, elle est, pour une grande partie du territoire et de la population, la seule institution militaire avec laquelle des liens sont tissés. Pour tirer pleinement parti de son maillage territorial, des évolutions sont cependant nécessaires, grâce aux communautés de brigade. Leur création doit éviter à tout prix le centralisme et l'uniformité. De ce point de vue, la circulaire du 26 septembre dernier, signée par les ministres de la défense et de l'intérieur, est rassurante. Cette réforme implique aussi un dialogue soutenu, notamment avec les élus locaux, qui doivent faire preuve d'initiative et de compréhension.

Un recentrage sur ses activités régaliennes est aussi nécessaire. Outre la réflexion en cours sur les transfèrements judiciaires, il faut agir pour mettre fin à l'accumulation des tâches, notamment administratives, indûment assurées par la gendarmerie.

Celle-ci doit également jouer un rôle plus actif pour consolider le lien armée-nation, ce qui implique que son caractère pleinement militaire soit garanti et reconnu.

De ce point de vue, la crise de décembre 2001 a révélé un malaise profond, dont les causes sont multiples. La place très particulière de la gendarmerie dans les armées du fait de sa mission de sécurité est source d'ambiguïtés et d'inquiétudes. Les ministres de tutelle de la gendarmerie ont clairement indiqué que la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure ne remettait pas en cause le statut militaire de l'arme. Ce maintien implique aussi, de la part des personnels, le respect scrupuleux des contraintes qui y sont attachées, faute de quoi les évolutions futures pourraient prendre un tour imprévisible.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense - Très bien !

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense - La réaffirmation du caractère militaire de l'arme implique que soit rétablie, pour les officiers, la possibilité d'un recrutement commun à la gendarmerie et à l'armée de terre. A partir de 2005, la possibilité de recruter à la sortie des écoles militaires des trois armées s'éteindra et le recrutement des officiers de gendarmerie sera très nettement distinct de celui des autres armes. Cette séparation n'est pas souhaitable car il faut garantir la cohésion de l'encadrement militaire.

Toujours dans le cadre militaire, en raison de ses missions de sécurité intérieure, la gendarmerie dispose d'une capacité à maîtriser des situations de crises qui ne nécessitent pas le recours à des moyens militaires de combat classiques. Au cours des opérations extérieures de maintien de la paix, son apport peut être déterminant pour éviter l'escalade des crises.

Enfin, l'accroissement du potentiel réel des réserves est indispensable pour faire face à des crises intérieures ou à des événements particuliers. Le projet de loi de programmation militaire fixe un objectif raisonnable de 32 000 personnes pour la réserve opérationnelle en 2008. L'essentiel est de disposer des crédits suffisants pour équiper et entraîner ces personnels, dont la volonté de servir est réelle.

Telles sont les caractéristiques de ce budget. Le moral des gendarmes s'est rétabli, mais leur attente est très forte. Il faudra donc veiller à ce que les crédits suivent la programmation et à ce que les réorganisations en cours permettent de mieux remplir les missions.

La commission a émis un avis favorable et je vous propose donc d'adopter ces crédits en l'état.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances pour la SGDN - Les services de renseignement sont les yeux et les oreilles du Chef de l'Etat et du Gouvernement. Instruments de puissance, leur efficacité est une condition essentielle de la sécurité nationale. Cet objectif a toujours justifié l'emploi des moyens les plus divers... La conscience démocratique dût-elle en souffrir, l'action illégale fait partie des modes normaux d'intervention, commandés, couverts ou oubliés par l'exécutif.

Quelle place, dès lors, réserver au contrôle parlementaire, qui, par définition, ne peut se satisfaire ni de l'opacité ni de l'illégalité de l'action publique ?

Ce rapport décrit, pour la première fois, tous les acteurs du renseignement, secrétariat général de la défense nationale et services du ministère de la défense, à l'exception de ceux qui relèvent du ministère de l'intérieur.

Cet exercice d'analyse relève donc d'une volonté de normaliser les services de renseignement. Mais, s'il est souhaitable d'éclairer le cadre de certaines des missions de l'Etat les plus délicates et les plus vitales pour la nation, il ne serait pas raisonnable de souscrire à une approche anglo-saxonne, soumettant ces services au contrôle permanent et pointilleux du Parlement. C'est pourquoi je désapprouve le projet nourri régulièrement d'une structure parlementaire permanente chargée du renseignement, ainsi que le contrôle des élus sur les fonds spéciaux, tel qu'il a été défini par la loi de finances initiale pour 2002.

Les formes administratives, budgétaires et humaines de l'action clandestine doivent rester dans l'intérêt même de nos agents et de leurs missions. Les droits de l'Etat commandent ici à l'Etat de droit.

Le Parlement doit cependant s'interroger sur le fonctionnement des services, leurs moyens techniques, l'orientation géostratégique des missions, le recrutement et le statut des personnels civils et militaires.

Les attentats du 11 septembre 2001, l'émergence de nouvelles menaces et l'abaissement des seuils stratégiques, la diffusion mondiale de la « culture terroriste » et les nouvelles formes de guerre économique - même entre nations alliées - exigent de renforcer nos outils de renseignement. Mais l'augmentation de leurs moyens ne sert de rien si la coordination des services reste conjoncturelle, et la culture du renseignement étrangère aux mentalités de nos élites, si les échanges avec nos partenaires européens continuent de relever d'une approche bilatérale plutôt que commune.

Le renseignement ne doit plus être un sujet tabou. Il est l'un des atouts majeurs de la puissance française. Mais c'est un atout méconnu quand il n'est pas méprisé, quand il n'est pas vilipendé. Au-delà de la gratitude et de l'admiration qui lui sont dues, l'Etat doit se préparer à une révolution copernicienne.

Depuis 1945, les enjeux du renseignement ont changé. Certes, nos structures ont évolué, avec le rattachement du SDECE au ministère de la défense après l'affaire Ben Barka et la création en 1992 de la direction du renseignement militaire et du commandement des opérations spéciales. Mais dans un contexte international nouveau, est-il légitime que les services s'auto-orientent ?

La qualité de la collecte de l'information a rarement été mise en cause dans les services français ou étrangers : les réseaux humains et les sources techniques sont satisfaisants. En revanche, la synthèse et l'information des décideurs politiques ont leurs failles. Un agent du FBI de Ph_nix signale la présence d'islamistes dans des écoles de pilotage : il n'est pas davantage cru que le bureau du FBI de Minneapolis qui attire l'attention de sa direction centrale après l'arrestation, le 16 août 2001, du Français Zacarias Moussaoui, ou la note de la direction de la surveillance du territoire, du 1er septembre 2001 sur les séjours de Moussaoui en Afghanistan.

Cette situation dramatique aurait pu se produire en France : nos services n'échangent pas suffisamment entre eux la substance de leur pouvoir, malgré, parfois, la permanence des mêmes hommes depuis vingt ou trente ans.

La coordination ne peut relever de la seule structure interministérielle existante, le SGDN, par le biais du comité interministériel du renseignement qui ne jouit pas de l'autorité politique nécessaire. Un ministre en jouirait-il du reste plus vis-à-vis de ses collègues ?... La coordination relève aujourd'hui de l'empirisme et des relations informelles, sauf pour la question terroriste, gérée par l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste.

La cohabitation a contribué à cautionner l'immobilisme. Mais le système commence à évoluer, grâce aux enseignements des « ratés » des services américains dans la crise du 11 septembre et à la création d'un Conseil de sécurité intérieure, présidé par le Chef de l'Etat, qu'une éventuelle cohabitation ne saurait désormais remettre en cause. Le n_ud gordien est donc tranché.

Reste à créer un conseil national du renseignement lui aussi présidé par le Chef de l'Etat. La gestion de son secrétariat - SGDN ou état-major particulier du Président, par exemple - est un détail. L'essentiel est que le Président de la République reçoive une information diversifiée et centralisée et qu'il garantisse l'échange d'informations entre les services de l'Etat, bref, qu'il soit le garant de la remontée de l'information. Ce qui est utile pour lutter contre la criminalité l'est tout autant quand il s'agit de la sécurité de la nation.

Mais la coordination au sommet de l'Etat ne suffit pas. Elle doit aussi s'exercer entre les services, dont les relations restent trop souvent teintées de méfiance. Certes, les métiers ne sont pas les mêmes, mais, comme dans une entreprise ou une collectivité locale, il est urgent de mutualiser les moyens, de définir les lieux et les règles de l'échange et de la synthèse. L'« intelligence » de situation doit prévaloir sur le « droit de suite » des services. Au politique de l'imposer.

Un mot sur un sujet qui me tient particulièrement à c_ur, l'intelligence économique qui doit devenir une priorité. De même, il revient à l'Etat de mieux définir les contours d'une communauté humaine du renseignement, en associant en tant que de besoin, l'ensemble des entreprises spécialisées dans le traitement de l'information de crise, à l'instar des Etats anglo-saxons.

Enfin, réfléchir à l'attrait des carrières civiles et militaires.

Les crédits du renseignement progressent de 5,3 %. Leur augmentation reflète la priorité que le Gouvernement accorde aux dépenses de sécurité, mais ils n'incluent ni les rémunérations ni les charges sociales.

Quant au budget du SGDN pour 2003, il atteint 48,2 millions d'euros contre 39,4 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2002. Hors dotation de 10,1 millions d'euros consacrée à la cryptologie, il progresse à structure constante de 15 %. L'effort en faveur de la cryptologie, entamé il y a deux ans, mérite d'être souligné. Loin d'être une simple question technique, la cryptologie est au c_ur du renseignement futur.

Les crédits de fonctionnement progressent de 7 %, tandis que ceux destinés à l'équipement passent de 14,8 à 20,2 millions d'euros. Ces chiffres reflètent la réhabilitation du programme civil de défense, mais aussi la montée en puissance des dotations de développement de la cryptologie.

Je vous invite donc à adopter, comme l'a fait la commission des finances, le budget du SGDN pour 2003 et les crédits du renseignement militaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président de la commission de la défense - L'examen du budget de la défense pour 2003 a été un exercice particulièrement agréable pour notre commission. Il ressort en effet des auditions que nous avons menées comme des avis que nous avons recueillis que ce budget rompt avec des années de déclin.

Ce changement radical découle de l'engagement politique pris par le Président de la République dans son discours d'Amnéville le 25 mars dernier. Après avoir alerté à plusieurs reprises le précédent gouvernement sur la nécessité d'atteindre les objectifs de la loi de programmation, il s'est en effet engagé à redonner toute sa place à la France dans un monde devenu incertain et dangereux. Ce budget est aussi un message fort, adressé à la communauté internationale - votre récent voyage aux Etats-Unis en témoigne - mais aussi à nos alliés : notre détermination à prendre toute notre part dans la défense collective de l'Europe, en contribuant aux capacités militaires de l'OTAN et à celles de l'Union européenne, est intacte. Le message s'adresse aussi à nos militaires désemparés par une longue période de frustration professionnelle : ils retrouvent aujourd'hui la considération que leur doivent l'Etat et la nation. Des moyens nouveaux leur permettront de répondre aux attentes des plus hautes autorités de l'Etat.

Outre l'augmentation importante des crédits, ce projet de budget me procure d'autres motifs de satisfaction.

Tout d'abord, les crédits de recherche, essentiels pour l'avenir de notre défense, en baisse constante depuis 1997, augmentent en autorisations de programme - plus 10 % - comme en crédits de paiement. L'effort de recherche atteindra 1,24 milliard d'euros en 2003. Notre pays pourra ainsi « garder le contact » avec nos principaux partenaires et participer pleinement à des opérations de plus en plus complexes. Le développement de nos moyens de tir et de renseignement, capacités désormais décisives, nous permettra aussi de préserver une indispensable marge d'autonomie.

Ensuite, il faut maintenir un équilibre entre nos exigences nationales et notre détermination à construire l'Europe de la défense. Le financement des programmes en coopération - frégates Horizon, hélicoptère NH90 - par le budget pour 2003 nous permettra de nouer des solidarités et de susciter des rapprochements entre nos industries de défense, pour les rendre plus compétitives. Ma détermination rejoint la vôtre et je compte prendre contact dès que possible avec mon homologue allemand pour faire avancer le projet d'avion de transport A400M.

Durant de longues années, les programmes d'armement ont été étalés dans le temps, faute de crédits, ce qui ralentissait l'arrivée d'équipements neufs. Témoins de l'inversion de tendance, de nouveaux matériels sont prévus pour 2003 - commandes d'avions Rafale, de missiles MICA ou de véhicules de gendarmerie, livraisons d'avions cargo Casa 235 ou de missiles Scalp-EG et Apache. La France disposera ainsi désormais de moyens d'action équivalents à ceux de nos alliés dans les interventions bi ou multilatérales.

Ces démarches sont importantes pour la communauté militaire : elles renforcent sa fierté de servir et sa satisfaction de bien faire son métier, tout en réduisant la charge de maintenance.

Ce budget financera d'autres actions en faveur du personnel de la défense, notamment l'amélioration des conditions de travail du personnel civil, avec la reprise des recrutements grâce au dégel de postes budgétaires.

Quant aux militaires, l'amélioration de leur condition matérielle est enfin assurée, leur entraînement hissé au niveau des standards internationaux, tandis qu'un effort important est consenti en matière d'infrastructure et que l'attrait du recrutement est renforcé grâce au fonds de consolidation de la professionnalisation.

Ces éléments ravivent notre confiance dans l'avenir de notre défense. Mais la représentation nationale, et la commission de la défense en particulier, exerceront leur devoir de vigilance sur l'exécution de ce budget.

Les insuffisances évoquées ne disparaîtront pas par enchantement le 1er janvier prochain et la programmation précédente, médiocrement exécutée, fera longtemps sentir ses effets négatifs en dépit des remèdes apportés dès le collectif budgétaire de cet été.

La tâche s'annonce rude pour la maintenance des matériels : si l'effort financier est important, notre collègue Gilbert Meyer a montré dans son rapport sur l'entretien des matériels qu'ils fallait du temps, pour des raisons administratives - respect du code des marchés publics - et pratiques - relance de certaines productions - mais aussi organisationnelles - fonctionnement perfectible de la SIMMAD et du SSF, réflexions sur la SIMMT. Par ailleurs, cet effort porte sur des matériels qui, faute de renouvellement, ont encore vieilli.

Il convient donc d'expliquer que les choses ne se transformeront pas par un coup de baguette magique et qu'un suivi attentif est nécessaire.

Les importants retards de programmes obligent, pour conserver des capacités minimales, à rénover du matériel ancien. Il aurait été bien préférable d'acheter du matériel neuf.

C'est pour l'essentiel sur l'exécution des dépenses que se portera notre attention. Les difficultés actuelles de trésorerie ne doivent pas induire un report de charges sur 2003, ce risque devant être conjuré par le collectif de fin d'année. Pour pouvoir dépenser la totalité des crédits, les services d'achat de la délégation générale pour l'armement doivent être encore renforcés. Pour dépenser mieux, des processus innovants doivent être étendus, tels que l'externalisation ou le contrôle de gestion. La nation doit mieux comprendre l'effort consenti en faveur de la défense, communauté d'hommes et de femmes qui peut souvent être citée en exemple pour ce qui est de la réforme de l'Etat.

Notre vigilance portera tout particulièrement sur la régulation budgétaire exercée par le ministère du budget. Nous ne pouvons plus accepter que des administrateurs remettent en cause, comme ils ont pris la mauvaise habitude de le faire, les crédits que les représentants du peuple accordent à la défense (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UMP). C'est une perversion par laquelle l'administration bafoue le pouvoir politique. Vous avez réussi, au cours des derniers mois, à juguler cette tendance. Nous vous assurons de notre soutien pour veiller au respect de l'expression de nos choix. J'ai d'ailleurs demandé à tous les rapporteurs pour avis de faire état chaque mois devant la commission de la défense du niveau de consommation des crédits, charge à eux d'être en contact permanent avec le ministère de la défense et avec Bercy.

Pour conclure, je voudrais redire combien les militaires ont souffert des budgets des dernières années. Leurs attentes sont à la mesure des difficultés qu'ils ont connues et leur scepticisme ne disparaîtra que devant des résultats concrets, tant en ce qui concerne la disponibilité des matériels que le règlement de certains problèmes ponctuels. J'ai déjà appelé votre attention sur le niveau des pensions de retraite des veuves de lieutenant, qui constitue une injustice manifeste. Pouvez-vous nous répondre à ce sujet ? Une solution peut être trouvée rapidement, et elle ne serait pas très coûteuse.

Le monde de la défense est toutefois déjà rassuré par la considération que lui manifeste de nouveau la nation, à travers une programmation pour six ans et un bon budget, dont la représentation nationale veillera à la bonne exécution et que je vous invite à voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - C'est un usage que le ministre du budget vienne présenter les crédits du secrétariat général de la défense nationale. En répondant au rapporteur M. Carayon, qui a insisté sur le renseignement, je me limiterai aux domaines du SGDN en laissant à Mme Alliot-Marie les sujets intéressant son ministère.

Le rapport comporte de nombreuses propositions, en particulier sur la coordination en matière de renseignement, et le Gouvernement les étudiera avec la plus grande attention. S'agissant du contrôle, je partage le sentiment du rapporteur sur la répartition des rôles entre le Parlement et l'exécutif. J'avais défendu ces positions maintes fois au Sénat. En ce qui concerne la commission de vérification, chargée de s'assurer que le reliquat des fonds spéciaux est utilisé conformément à la loi de finances, observons les résultats avant d'envisager toute évolution. En tout état de cause, l'exécutif ne doit pas être désarmé dans l'exercice de ses responsabilités au nom du peuple français.

Les crédits de paiement du SGDN pour 2003 s'élèvent à 48,23 millions d'euros, contre 39,36 millions en 2002. Pour un ministre du budget, un bon budget n'est pas nécessairement un budget qui augmente : c'est un budget qui alloue les moyens nécessaires pour garantir la performance des missions qu'il finance. La hausse du budget du SGDN illustre la priorité donnée par le Gouvernement aux questions de sécurité et de défense.

S'agissant de l'adaptation aux menaces nouvelles telles que le terrorisme, la prolifération des armes nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques, les agressions informatiques ou les menaces mobiles, le SGDN joue un triple rôle d'animation, d'impulsion et de coordination.

Le SGDN est membre de droit du Conseil de sécurité intérieure instauré le 15 mai dernier et a notamment à connaître des instructions interministérielles concernant la défense, le renseignement et la planification de sécurité.

Le Premier ministre vient de rappeler, à l'Institut des hautes études de la défense nationale, l'importance qu'il attache à la coordination des différents départements ministériels. Il a notamment souhaité une refonte de nos mesures de vigilance, de protection et de réaction face au terrorisme, refonte essentielle pour la sécurité des Français que le SGDN a été chargé de préparer.

Le budget 2003 traduit trois priorités gouvernementales : l'accroissement du programme civil de défense, pour assurer la protection des populations face au terrorisme ; l'adaptation des moyens de l'Etat aux nouvelles technologies de l'information et la sécurisation des transmissions gouvernementales, afin d'assurer la continuité de l'action des pouvoirs publics.

Le programme civil de défense comporte un volet interministériel assumé par le SGDN ; c'est un outil placé sous l'autorité du Premier ministre pour coordonner les différents programmes nécessaires à la défense civile.

Les crédits de paiement passent de 5,336 millions en 2002 à 6,881 millions, pour soutenir l'effort entrepris par ce service, avant même le 11 septembre 2001, pour développer des instruments adaptés aux risques de terrorisme.

Le programme civil de défense renforcera donc, cette année, la cohérence de chacun des programmes des ministères, notamment ceux développés fin 2001 par l'Intérieur, la Défense et la Santé. L'objectif est de couvrir toute la gamme des mesures, de la détection des risques à la réaction en cas de concrétisation d'une menace.

L'adaptation aux nouvelles technologies de l'information constitue la seconde priorité du SGDN. 10,163 millions de crédits de paiement sont désormais consacrés à la modernisation des moyens techniques de nos services, en particulier aux mutations récentes de la cryptologie.

Il paraît en effet essentiel de suivre le développement accéléré des nouvelles technologies d'information et de communication pour réagir à l'usage malveillant qui pourrait en être fait à l'encontre de la sécurité nationale. Une nouvelle tranche d'investissements devrait vous être présentée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002.

Dans le domaine des systèmes d'information, le SGDN constate que l'Etat et les services publics sont la cible d'attaques de plus en plus nombreuses et agressives. Sa mission est de diffuser, dans les services publics et dans le tissu industriel français, une nouvelle « culture de sécurité ».

C'est pourquoi le projet de loi de finances, tout en assurant la continuité des crédits de paiement de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, porte ses autorisations de programme à 1,828 million.

Dernière priorité, la sécurisation des liaisons gouvernementales se fonde sur la montée en puissance du programme de télécommunications gouvernementale Rimbaud.

Conformément aux accords passés cet été entre l'Etat et France Télécom, le SGDN prendra en charge, en 2003, la partie des coûts d'exploitation qui excède les recettes encaissées par l'opérateur au titre du réseau Rimbaud.

Par ailleurs, les moyens du centre de transmissions gouvernemental sont reconduits.

La hausse des moyens de fonctionnement du SGDN n'est due qu'en faible partie aux dépenses de personnel, qui n'augmentent que de 3 %.

Elle s'explique essentiellement par le financement du programme Rimbaud, de l'Institut des hautes études de la défense nationale et du budget de fonctionnement.

L'IHEDN doit jouir de sa pleine autonomie d'établissement public sans que s'accroissent ses dépenses de gestion. L'objectif est de mener une politique de ressources humaines appuyée sur des moyens budgétaires propres.

Un premier transfert d'emplois est donc proposé du ministère de la défense à l'Institut. La subvention de ce dernier augmente d'autant, mais le coût de la mesure est nul pour le budget de l'Etat.

Le budget de fonctionnement du SGDN atteint désormais 10,039 millions d'euros. Les mesures nouvelles sont destinées à financer la participation française aux réseaux de communication civils de l'OTAN et à l'augmentation maîtrisée des moyens de fonctionnement.

Enfin le SGDN, comme d'autres départements ministériels, prépare l'application de la LOLF sur la réforme de la nomenclature budgétaire. A cet effet, l'inscription de la masse salariale est modifiée afin de faire apparaître progressivement le concept de masse salariale globale. Cinq chapitres sont supprimés et deux créés.

Par ailleurs, un protocole a été passé cet été entre le SGDN et son contrôleur financier pour expérimenter de nouvelles modalités du contrôle financier.

Le projet de budget du SGDN illustre les efforts du Gouvernement, dans un contexte de discipline budgétaire, pour élever le seuil de la sécurité de la population sur le territoire national, moderniser sa protection et redonner aux Français pleine confiance dans l'action de l'Etat en la matière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Michel Boucheron - Madame la ministre, il serait malhonnête de dire que votre budget est un mauvais budget si on se base sur des critères stricts d'organisation de notre défense (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ce budget peut être regardé sous plusieurs facettes ; certaines donnent une image positive, d'autres une image négative, d'autres une image floue.

Pour commencer par les aspects positifs, l'augmentation de 11 % du titre V était une nécessité, un moment attendu par nos forces et par les observateurs internationaux. L'Europe de la défense, si elle veut respecter les objectifs fixés à Helsinki, doit en effet se construire. Cela implique de convaincre notre partenaire allemand d'engager les efforts nécessaires.

La nouvelle politique militaire américaine, extrêmement agressive sur tous les plans, se traduit par une hausse massive du budget de la défense et oblige l'Europe à affirmer sa présence dans les domaines clés sur le plan stratégique.

La situation internationale, la montée du terrorisme et le non-règlement du conflit proche-oriental nous imposent de nous doter des moyens d'être vigilants.

La France devait donner un signe à ses partenaires européens sur la nécessité d'accroître l'effort de défense. C'est la crédibilité et la place de l'Europe face aux Etats-Unis qui sont en jeu.

Mais votre budget a aussi de nombreux aspects négatifs.

Est-il sincère ? Le monde de la défense se pose la question. Est-il réaliste ? Là, personne ne pose la question et pourtant la loi de finances est fondée sur une hypothèse de croissance de 2,5 % qui ne correspond nullement à la réalité. Le déficit est important et à un moment ou un autre, un clash budgétaire va se produire (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste ; « Non ! » sur les bancs du groupe UMP).

La défense en sera-t-elle victime ? Monsieur le ministre du budget, à quelle date seront annoncés les premiers gels de crédits, les premières annulations ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Par exemple, les 190 millions d'euros du BCRD risquent fort d'être pris sur le budget de l'armée de terre. Les 4,2 milliards prévus pour le Rafale seront-ils au rendez-vous du collectif ? Les 1,2 milliard de reports de charges risquent de ponctionner ce budget s'ils ne sont pas financés par le collectif (« Attendez donc ! » sur les bancs du groupe UMP).

Que devons-nous voter aujourd'hui ?

On peut approuver vos intentions, mais le risque qu'il s'agisse d'un budget leurre est très important.

M. Yves Fromion - Pour cela vous êtes des spécialistes !

M. Jean-Michel Boucheron - Il est de notre rôle de calmer des enthousiasmes qui pourraient se transformer en d'amères déceptions, en particulier chez nos partenaires européens (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Madame la ministre, vous vous appuyez sur la volonté politique du Président de la République. Mais tous les indicateurs vont dans le mauvais sens. Nous vous souhaitons de pouvoir compter sur la volonté du Chef de l'Etat tout au long de l'application de la loi de programmation militaire.

M. Yves Fromion - On peut compter sur vous aussi !

M. Jean-Michel Boucheron - Enfin, certains aspects de ce budget sont flous. Il correspond au modèle d'Armée 2015 défini en 1996 sur la base d'un livre blanc rédigé en 1994. Ces références ne sont plus à l'ordre du jour et il serait temps de revoir notre doctrine. En un an, les Américains ont élaboré trois documents majeurs qui révolutionnent la politique de défense. Ils ont annoncé leur intention de recourir à des frappes préventives pour défendre leurs intérêts et ils ont tourné le dos à l'OTAN, à l'ONU, aux traités de désarmement, à toute forme de multilatéralisme (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Les Britanniques, souvent pris comme modèle à droite, ont, eux, remis à jour leur doctrine stratégique et introduit cet été le concept de mise en réseau de tous les systèmes d'armes. Ils concentrent les nouveaux crédits sur les domaines du commandement, du contrôle, des communications et du renseignement.

Les choses changent, pas vos choix fondamentaux, et l'excuse de la cohabitation ne peut plus être invoquée pour justifier cette absence de stratégie.

M. Yves Fromion - Ben voyons !

M. Jean-Michel Boucheron - Certes un effort est fait pour les secteurs du renseignement et des communications. Mais est-il suffisant ? Notre partenaire néerlandais suffit-il à qualifier le projet d'européen ? On cherche vainement une avancée vers une politique européenne de défense. C'est chose difficile, c'est vrai ; nous connaissons les tendances atlantistes de nos amis britanniques et les tendances au désengagement de la politique allemande. Ne serait-il pas temps d'avancer des idées nouvelles, comme l'a fait Laurent Fabius dans une récente interview...

M. Yves Fromion - Nous, nous avançons des crédits, c'est autre chose !

M. Jean-Michel Boucheron - ...où il proposait une fusion progressive des défenses française et allemande et de la politique de sécurité. C'est la vraie réponse au discours de M. Fischer. En ce domaine, votre gouvernement manque un peu d'audace (« Mais vous, vous ne manquez pas d'air ! » sur les bancs du groupe UMP).

Il reste que nous devons nous prononcer sur ce budget. La défense ne se limite pas au militaire. A quoi bon adopter ce budget à l'heure où les budgets d'éducation et de recherche sont dépecés ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) A quoi bon voter une sorte de « lettre au Père Noël » ? (Mêmes mouvements) Nous connaissons les risques d'ambitions trop hautes qui ne s'appuient pas sur des moyens durables.

M. Yves Fromion - Quelle caricature ! C'est indigne de vous, Monsieur Boucheron ! Vous ne nous avez pas habitués à cela !

M. Jean-Michel Boucheron - Nous souhaitons nous tromper, mais nous devons avertir les Français. L'économique, le social, le militaire sont indissociables pour la cohésion de la nation et sa capacité de défense (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Notre groupe s'oppose donc à ce budget comme aux autres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Madame la ministre, cette analyse n'est pas une critique de votre action (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : nous jugerons sur pièces et nous savons les formidables obstacles que vous allez rencontrer.

Quoi qu'il arrive, le groupe socialiste soutiendra les efforts en vue d'une réelle modernisation de nos forces...

M. Yves Fromion - Ça, vous l'avez démontré !

M. Jean-Michel Boucheron - ...de la fidélisation des personnels et de la construction d'une défense européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Hillmeyer - Ce budget est bien un budget de rupture comme vous l'avez souligné, Madame la ministre, à l'occasion de conférences de presse.

Rupture par l'augmentation sans précédent des moyens accordés à notre défense : 7,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. Rupture surtout du long processus de démoralisation qui accable nos armées et dont on a vu en Afghanistan combien il était justifié. L'effort consenti pour rétablir la disponibilité de nos matériels doit être applaudi. Il fallait absolument mettre l'accent sur l'opérationnel, tant les taux d'indisponibilité de nos troupes et de leurs équipements sont devenus terrifiants. Vous consolidez aussi la professionnalisation de nos forces, en restaurant l'image de l'engagement militaire et en recrutant plus de 700 personnes sous contrat.

Nous saluons aussi la hausse des crédits destinés à la gendarmerie. L'Etat devait répondre à ses exigences légitimes. Les brigades pourront donc payer leurs loyers, les gendarmes se vêtir de gilets pare-balles et acquérir de nouveaux véhicules et l'augmentation de leurs effectifs restaurera le sentiment de sécurité sur notre territoire...

Mais c'est l'exécution intégrale de ce budget qui constituera la véritable rupture avec les coutumes anciennes. Ne plus considérer le budget de la défense comme une variable d'ajustement du budget de l'Etat est sans doute la révolution la plus urgente, mais aussi la plus difficile. L'espoir que vous avez fait naître parmi les professionnels oblige le Gouvernement à réussir ce pari.

Le groupe UDF constate avec satisfaction que la première annuité coïncide avec le tableau prévisionnel de la loi de programmation militaire. Nous veillerons à ce que cette programmation soit scrupuleusement respectée d'ici à 2008.

La population comprend la nécessité de ces efforts dans le climat actuel d'insécurité internationale, qui n'épargne pas la France comme en témoignent les attentats de Karachi et au large du Yémen.

Je vous suggérerai quelques pistes complémentaires pour la modernisation de notre défense.

Votre objectif est de placer la France en situation de leader en Europe et de rattraper notre retard par rapport à nos voisins britanniques. Mais une chose est de replacer la France dans une compétition légitime avec ses voisins, une autre est de lui faire jouer un rôle moteur et éclairé dans la construction d'objectifs de défense communs.

A mon sens, il manque une volonté politique claire sur ce sujet majeur. Nous avons fait l'euro auquel personne, il y a quarante ans, ne donnait la moindre chance. Le prochain défi, c'est la construction d'une défense européenne commune, pilotée par une diplomatie qui permette à nos pays de parler d'une seule voix lorsque la paix du monde est en danger comme aujourd'hui, à la veille d'un conflit probable avec l'Irak. C'est d'autant plus urgent que l'élargissement de l'Europe a lieu demain.

Il faut saluer les précurseurs de cette Europe de la défense : ceux qui ont cru dans la brigade franco-allemande, ceux du groupe aérien européen, qui a montré sa capacité d'intervention dans les conflits récents. Le corps européen est né, mais il manque la volonté de soutenir cette structure.

Tous les éléments sont réunis pour bâtir cette force européenne : 1 700 000 soldats européens contre 1 300 000 pour les Etats-Unis, un budget de 150 milliards de dollars contre 380 milliards, et pourtant nous avons seulement 10 % de leur capacité. La priorité est donc de lutter contre les gaspillages en coordonnant nos politiques de défense.

Il faudrait un budget autonome au niveau communautaire, alimenté à hauteur de 0,5 % de leur PIB par tous les Etats qui souhaiteront adhérer à la défense européenne.

Ainsi, nous ferions des économies grâce à une agence d'armement européenne chargée des acquisitions et de l'équipement des forces armées communes, tout en assurant la compatibilité des matériels. Pourquoi la France assumerait-elle seule la construction du nouveau porte-avions ? L'avenir est à la défense commune. Le Président Chirac l'a rappelé en indiquant que notre devoir, en Côte d'Ivoire, est d'assurer la sécurité des Français, et aussi des ressortissants européens. De même, pourquoi développerions nous seuls un véhicule blindé de combat d'infanterie ? Voulons-nous rejouer « l'aventure du Leclerc » ? Rappelons qu'en 2001, ces chars n'étaient disponibles qu'à 55 % et que le coût des pièces de rechange est élevé. Dans le même esprit, développons une instance de programmation stratégique qui définisse le format et les doctrines d'emploi des forces. Si nous en avions disposé, nous aurions peut-être convaincu nos partenaires de concevoir un avion de combat européen au lieu de choisir l'avion JSF américain. Proposons, enfin, un état-major commun pour unifier les modes de commandement et les normes.

Il faudra du temps pour développer ces idées, mais sans une telle vision à long terme, notre budget de la défense deviendra un tonneau des Danaïdes. Pour 2003, les crédits proposés sont nécessaires et le groupe UDF votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier - « Un budget qui augmente n'est pas forcément un bon budget » nous répète M. Lambert. Pour ce qui est du budget de la défense, il a sûrement raison !

D'abord, que cesse ce mauvais procès fait par ceux qui ne penseraient qu'à redresser notre défense à d'autres qui ne penseraient qu'à l'enfoncer.

M. Michel Voisin - C'est pourtant vrai !

M. Jean-Claude Sandrier - La loi de programmation militaire 1997-2002 a été la mieux respectée de ces 30 dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Michel - La seule exécutée entièrement.

M. Jean-Claude Sandrier - Et la baisse la plus forte des crédits d'armement s'est produite de 1993 à 1997.

De plus, avec une hypothèse de croissance de 2,5 % alors que le taux s'établira certainement entre 1,5 et 1,9 %, on peut douter de l'exécution du budget que vous présentez. Enfin, la professionnalisation, menée dans un délai très court, a coûté plus cher que prévu. L'augmentation de 14 % du titre III en 6 ans n'a pas été sans conséquence sur le titre V, et les opérations extérieures et intérieures dont on n'avait pas prévu l'ampleur ont également pesé.

L'augmentation de votre budget viserait d'abord à améliorer la disponibilité des matériels. Le problème est réel, mais ne provient pas du manque de crédits. Vous le savez très bien, ces matériels sont plus utilisés et une réglementation trop lourde entrave l'approvisionnement en pièces détachées. En outre la professionnalisation a entraîné une réorganisation des services du matériel et la seule armée de terre a perdu en 1999 30 % de ses effectifs.

En second lieu, cette augmentation répondrait aux défis pour notre sécurité dans un contexte international troublé et marqué par la recrudescence du terrorisme. Je ne crois pas que le budget réponde à ces défis. D'abord, les forces de dissuasion et de projection, qui reçoivent l'essentiel des crédits de paiement, ne sont pas les plus adaptées pour lutter contre le terrorisme. Et si le contexte international est troublé, c'est par qui, et pourquoi ? Il faut dire la vérité à ce sujet comme l'a demandé avec force le cardinal archevêque de Boston au Président des Etats-Unis (Rires sur divers bancs).

Plusieurs députés UMP - Amen !

M. Jean-Claude Sandrier - Le monde est malade des inégalités qui ne cessent de se creuser puisqu'en trente ans, l'écart entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres a triplé. La plus grande des causes désormais, dit Edgar Morin, c'est de « civiliser la terre ».

Dans ce monde déshumanisé, les solutions ne sont pas militaires. Aussi, l'alignement sur les Etats-Unis ne peut être un bon choix pour la France et l'Europe. L'affaire irakienne sera une leçon en ce sens.

Vous justifiez aussi ce budget par la contribution à apporter à l'Europe de la défense. Mais celle-ci n'existera que si elle est autonome, avec une politique de sécurité différente des Etats-Unis, en impulsant le dialogue des cultures et la reconnaissance mutuelle.

M. Yves Fromion - Tout à fait !

M. Jean-Claude Sandrier - Cette nouvelle politique de sécurité et de défense reposerait sur le développement et la réduction des inégalités, l'abandon de la vision américaine du monde, et une redéfinition des missions de nos armées. Celles-ci seraient en priorité d'assurer la sécurité du territoire national et européen, de mener des actions humanitaires et pour la paix sous l'égide d'une ONU démocratisée et d'intervenir dans les catastrophes naturelles.

La projection de forces ne peut être au c_ur d'une telle stratégie, et le nucléaire maintenu au niveau suffisant tout en relançant une conférence pour le désarmement nucléaire que beaucoup de pays souhaitent.

Plutôt que d'augmenter des crédits, mieux vaudrait donc les redistribuer en fonction de priorités nouvelles qui sont la protection des approches aériennes et maritimes, l'information et le renseignement, la mise à disposition de l'ONU d'une force d'intervention française et européenne, sous réserve d'une définition internationale des critères d'utilisation, la création d'un service « civilo-militaire » pour la sécurité intérieure et les catastrophes naturelles, le développement de la recherche, dans un carde européen plus économe.

J'en viens aux aspects économiques et industriels. Augmenter le budget devrait créer des emplois. Or rien n'est moins sûr. Le marché de l'armement est très concurrentiel, mais cette concurrence est souvent faussée. Comment lutter par exemple avec un pays en guerre permanente et qui bafoue les résolutions de l'ONU ? Pour autant, dire que le GIAT est trop cher ne signifie rien !

D'autre part, les restructurations industrielles ne sont pas terminées, et l'on en connaît les conséquences pour l'emploi.

De plus, on a jeté nos deux fleurons industriels dans la bataille du marché : on en sait les conséquences pour GIAT, on va les découvrir pour la DCN. GIAT, menacé dans son existence même, semble préparer un nouveau plan avec des licenciements secs.

J'ai demandé au président de la commission de constituer un groupe de travail ou une mission d'information. Il a répondu favorablement, et je l'en remercie. Mais j'aurais souhaité que tous les groupes politiques participent à cette mission, comme il est de tradition ; un seul est représenté. J'aurais souhaité également qu'elle porte sur l'avenir de l'armement terrestre en France et en Europe. Se limiter au GIAT, c'est aborder la question par le petit bout de la lorgnette.

M. le Président de la commission de la défense - Le GIAT appréciera.

M. Jean-Claude Sandrier - D'autre part, il est curieux que ce que j'avais obtenu précédemment - les cinq caesars sur camion, les commandes pluriannuelles de munitions, l'intégration de la fonction feu dans la rénovation des AMX 10 RC - ne figure ni dans le budget ni dans le projet de loi de programmation.

Quant à la DCN, si son plan de charges paraît meilleur, rien ne dit que les commandes se confirmeront et elle risque d'être écartée de certains marchés.

Il y a deux poids et deux mesures. On décrète que certains sont trop chers, mais on accorde une manne providentielle à d'autres - compétitifs puisque privés - pour financer leurs exportations.

De surcroît, l'Europe y joue sa liberté et l'autonomie de sa défense, car la loi du marché pousse les industriels européens de l'armement vers les Etats-Unis, ce qui fera de nous des vassaux plus sûrement que n'importe quel traité. Seule une industrie de l`armement européenne permettra de conserver une autonomie de décision. Il faut donc exercer sur cette industrie une responsabilité publique. L'armement n'est pas une marchandise comme une autre.

 Nous approuvons l'effort fait pour programmer l'entretien des matériels et améliorer les conditions de vie des militaires. Mais le groupe communiste et républicain votera contre ce budget (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) qui ne correspond pas aux exigences de défense pour la France et l'Europe (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Michel Voisin - Ce budget était attendu avec un peu d'inquiétude par les militaires, habitués à voir leurs crédits baisser d'année en année. Ils sont rassurés, comme le sont les citoyens attachés à notre défense, et qui pourraient être plus nombreux si l'on développait une politique d'information qui ne se résume pas à une campagne de communication sur l'action du ministre. Mais je sais, Madame la ministre, que vous avez une haute opinion de votre mission et que vous saurez éviter ce travers de certains de vos prédécesseurs.

Votre tâche n'était pas aisée, car la défense n'était pas, loin s'en faut, une priorité du précédent gouvernement, comme le prouvent les arrêtés de transfert de crédits privant de sens le vote du Parlement...

M. Jean-Yves Le Drian - Et Juppé ?

M. Michel Voisin - ...et faisant de la défense une réserve inépuisable de crédits pour d'autres actions.

M. Jean Michel - Je vous donnerai les chiffres.

M. Michel Voisin - Année après année, les moyens diminuaient. La loi de programmation militaire 1997-2002 n'a pas vraiment été mise en _uvre. Quand les crédits d'équipement ont une année de retard, que signifie encore la programmation ?

Pourtant, le Président de la République avait à de nombreuses reprises mis en garde le précédent gouvernement.

M. Jean-Michel Boucheron - Il n'a jamais rien dit !

M. Yves Fromion - Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

M. Michel Voisin - Nous-mêmes, comme députés de l'opposition, avons protesté avec vigueur contre les coupes claires opérées année après année. De nombreuses lacunes ont été accumulées entre 1997 et 2002.

M. Jean-Michel Boucheron - Et avant ?

M. Michel Voisin - La question de la création d'un second groupe aéronaval a été éludée ; certains matériels n'étaient pas entretenus ou pas remplacés, d'autres n'étaient pas commandés... Ce budget met fin à ces errements. Notre excellent collègue Jean-Michel Boucheron, d'habitude beaucoup plus pondéré, avait d'ailleurs reconnu que ce n'était pas un mauvais budget, avant de prétendre le contraire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La politique de démantèlement de nos forces armées traduisait le retour des vieux démons pacifistes.

M. Antoine Carré - L'influence de 1968 !

M. Charles Cova - Et des Verts !

M. Michel Voisin - Si l'expérience socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) s'était trop longtemps poursuivie, le mécontentement se serait manifesté davantage encore... Il est temps de reprendre le dialogue avec les militaires pour examiner avec eux les voies et moyens d'une amélioration de leur condition. Ce sont des hommes et des femmes respectables, qui sauront en formulant leurs demandes, avoir en tête le nécessaire respect des contraintes budgétaires. Dans une armée professionnelle, il est important d'assurer aux volontaires des conditions de vie et de rémunération qui, en dépit des contraintes propres au métier des armes, ne soient pas trop éloignées de celles des civils.

Dès le 11 septembre dernier, Madame la ministre, vous avez présenté un projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, qui constitue le cadre du redressement de la capacité opérationnelle de nos forces. Il a été bien accueilli par les militaires. Concernant les personnels, il vise à mieux reconnaître les sujétions statutaires et les contraintes opérationnelles.

Permettez-moi de vous appeler à la vigilance sur l'exécution des budgets que vous nous présenterez. Notre commission devra elle aussi y être attentive, et je suggère à notre excellent président de désigner parmi les commissaires un député chargé de suivre l'application du budget voté. Pour mener à bien cette mission, il pourrait bénéficier des mêmes moyens et des mêmes droits que le rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Jean-Yves Le Drian - Ça, c'est une bonne idée !

M. Michel Voisin - Trop souvent en effet, des crédits ont été gelés, annulés, transférés ou reportés. Nous comptons sur vous, Madame la ministre, pour que de telles pratiques cessent. Les crédits de la défense ne peuvent constituer durablement une variable d'ajustement du budget de l'Etat.

Avant de conclure, j'émettrai le regret de ne pas voir figurer au nombre de vos priorités les réserves. Je ne doute pas que vous trouverez d'ici à la deuxième lecture les moyens de combler cette lacune.

Ce budget, conforme à la première annuité de la future loi de programmation militaire, traduit la priorité donnée à notre sécurité. Il permettra également de marquer la considération de la nation pour toutes les composantes de l'institution militaire, qui a su accomplir ces dernières années une véritable révolution culturelle. C'est donc sans réserve que le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Lamy - Nous débattons de ce budget dans un contexte international très troublé et très mouvant. La guerre contre Al Qaida se poursuit en Afghanistan, aux Philippines ou en Indonésie, les Etats-Unis poursuivent leurs « man_uvres » destinées à déclencher un conflit préventif avec l'Irak, le conflit israélo-palestinien est à son paroxysme, l'Afrique continue à s'enfoncer dans des conflits compliqués. Sans parler de la situation dans les Balkans, où rien n'est réglé, comme l'on montré les récentes élections en Bosnie ou en Serbie.

Les crédits que vous nous proposez, Madame la ministre, doivent donner à la France les moyens non seulement de défendre son territoire et ses intérêts, mais également d'_uvrer efficacement pour la stabilité de la planète et la paix.

Mon collègue Jean-Michel Boucheron a excellemment exprimé nos craintes concernant la sincérité de votre budget. Rapporteur sous la précédente législature sur les lois de règlement, j'ai pu mesurer qu'entre les annonces en loi de finances et la réalité de l'exécution, il y a eu souvent des différences de taille. Dans les mois à venir, nous verrons si dans un contexte économique très contraint, les actes suivent les intentions.

Nous avons déjà une petite idée concernant le financement des opérations extérieures. Lors de votre audition par la commission des finances, vous annonciez avec la plus grande fermeté votre volonté que les crédits OPEX soient en grande partie inscrits en loi de finances initiale. Or, le titre V que vous nous proposez aujourd'hui sera certainement amputé au minimum des 500 millions d'euros nécessaires en moyenne chaque année pour financer les OPEX...

Il ne sert à rien de gloser sur le fameux lien armée-nation, véritable « tarte à la crème » de ces dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), si nous ne nous préoccupons pas de la façon dont nos concitoyens vont percevoir l'augmentation des crédits de la défense et s'ils ne comprennent pas les objectifs poursuivis. Nos soldats le savent et le disent : la professionnalisation implique la clarté des choix et des missions et le soutien des Français.

Or, nous n'en prenons pas le chemin. Le fameux slogan opposant les crédits pour l'éducation et le deuxième porte-avions est réducteur, comme tous les slogans. Il est pourtant significatif d'un état d'esprit et s'appuie sur un constat bien réel : le Gouvernement a choisi d'augmenter les crédits de la défense et dans le même temps, de limiter ou de diminuer les crédits de la recherche, de l'éducation ou de l'emploi.

Vous assumez, Madame la ministre, l'ensemble de cette politique. Les Français jugeront la validité de ces choix. Mais vous avez aussi l'impérieuse nécessité de créer ou de recréer le consensus sur les questions de défense. Le monde change vite, les menaces évoluent sans être clairement identifiées, il faut que le pays tout entier comprenne vos choix et que le débat s'instaure, particulièrement dans cette enceinte.

Pour l'instant, nous ne prenons pas le chemin de la clarification. Ainsi, nous votons aujourd'hui la première annuité d'une loi de programmation qui s'appuie sur le livre blanc de 1994 et sur un modèle d'armée défini en 1996, références qui ne sont plus forcément d'actualité. Qui plus est, ce texte n'a pas encore été discuté dans cette assemblée. Faut-il en déduire que le débat est d'ores et déjà clos ?

Autre exemple : la situation en Côte-d'Ivoire. Nous avions abouti lors de la précédente législature à quelques avancées en matière d'information du Parlement et, surtout, fait des propositions pour que nos soldats effectuent leur mission sans courir le risque d'être accusés après d'avoir soutenu un régime peu recommandable. Or, 1 200 soldats français sont engagés dans une opération dont les contours juridiques sont plutôt flous. Une opération de protection de ressortissants qui se transforme en une interposition entre un pouvoir légitime et des soldats démobilisés venus de l'extérieur, sur fond de luttes tribales, tout en s'appuyant sur des accords de défense ou de coopération passés il y a plus de trente ans et qui ne prévoient pas ce type de situation, nous connaissons : ce fut l'intervention NOROIT en 1990 au Rwanda. Nul ne connaît l'avenir en Côte-d'Ivoire, personne ne conteste la nécessité pour la France d'intervenir. Mais il faut que cela se fasse dans un cadre clair, avec une information et un avis du Parlement, afin que l'adhésion des Français soit pleine et entière.

Dernier exemple, vous nous proposez des crédits importants pour le maintien et l'amélioration de notre force de dissuasion. Or, le 8 juin 2001, dans un discours remarqué par les seuls spécialistes, le Président de la République a entamé une révision de notre doctrine en matière d'emploi du nucléaire. Nous glissons petit à petit d'une doctrine de non-emploi vers une doctrine d'emploi...

M. Jacques Myard - Cela s'appelle la dissuasion...

M. François Lamy - ...sans que cela ait fait l'objet du moindre débat, ni lors des élections ni au sein de cet hémicycle où, selon la Constitution, nous devrions débattre de l'organisation générale de la défense nationale, voire autoriser la déclaration de guerre. Comme le soulignait le général Kelche le 8 octobre dernier, « il est certain qu'il faudra réfléchir à une évolution de la notion de dissuasion française et mieux argumenter vis-à-vis de l'opinion publique ». Quand le ferons-nous ?

Nous sommes au c_ur du sujet : les crédits dont nous débattons doivent être mis au service de notre politique de défense dans le cadre de la défense européenne. Si vous souhaitez qu'ils ne soient pas remis en cause au fil des mois pour des raisons strictement budgétaires ou sous le poids des revendications légitimes de telle ou telle catégorie de Français, il faut que leur utilité soit portée par le pays tout entier et non par quelques spécialistes ou par un seul homme, fût-il chef des armées. La cohabitation fut un mauvais moment pour engager la réflexion. Aujourd'hui le Gouvernement a tous les atouts pour conduire ce grand débat sur nos outils de défense et sur leur finalité. Il doit se donner les moyens de recueillir l'assentiment du plus grand nombre parce que ce sont les intérêts vitaux de la France qui sont en jeu. Je ne suis pas certain qu'il l'ait compris (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Hervé Morin - On reproche au groupe UDF de se montrer parfois critique au sein de la majorité. Eh bien, je veux ici vous féliciter, Madame la ministre, pour la qualité du travail que vous accomplissez. A la différence de vos prédécesseurs, qui se contentaient souvent de parler de la grandeur de la France, vous avez su vous intéresser à la vie quotidienne de nos armées. Les militaires traversaient une crise morale profonde, cette nouvelle approche, ce budget sont en mesure de leur redonner l'espoir. Quand le matériel ne marche pas, on donne aux militaires l'impression qu'on ne les respecte pas et que la nation n'accorde pas à leur rôle et à leurs missions l'intérêt qu'ils méritent.

M. Michel Voisin - Très bien !

M. Hervé Morin - Je reviendrai dans le débat sur la loi de programmation sur les économies que l'on peut faire dans le budget de la défense.

M. Jacques Myard - On en a déjà fait beaucoup !

M. Hervé Morin - J'en viens au seul sujet que je traiterai dans le temps qui m'est imparti. Ne nous cachons pas derrière les mots, l'Europe de la défense est en panne. C'est un concept et des structures, mais sans contenu réel.

Depuis Maastricht et la reconnaissance du pilier de la politique extérieure et de sécurité commune, depuis la déclaration de Petersberg, aux termes de laquelle l'Europe doit pouvoir réaliser sous son autorité des missions d'aide humanitaire, d'évacuation, de maintien ou de rétablissement de la paix, depuis le sommet de Saint-Malo, où les Britanniques se sont tournés vers nous pour avancer résolument dans cette voie (M. Jacques Myard s'esclaffe), depuis l'installation d'un Monsieur PESC, l'Europe de la défense est toujours aux abonnés absents.

Elle a été incapable de régler elle-même les conflits qu'elle portait sur son sol : au Kosovo, en Serbie, les trois quarts des forces étaient américaines. Ne cherchons même pas à imaginer ce qu'aurait pu être notre réponse militaire si les événements du 11 septembre s'étaient déroulés sur le sol européen. Il est facile de reprocher à nos amis américains d'être les maîtres du monde. C'est nous qui sommes incapables de définir une politique étrangère commune et de mettre en commun des moyens militaires significatifs.

MM. Francis Hillmeyer, Jacques Myard, François Rochebloine, Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est vrai !

M. Hervé Morin - Les chiffres sont accablants : 3,2 % du PIB sont consacrés à la défense aux Etats-Unis, contre 1,2 % en Europe. Pire, il y a 1 700 000 hommes dans les armées de l'Union européenne pour un budget de 150 milliards de dollars, alors qu'ils sont 1 300 000 hommes pour un budget de 380 milliards de dollars aux Etats-Unis. Ce rapport consternant donne raison à nos amis américains lorsqu'ils nous reprochent de préférer notre confort personnel à l'attribution de crédits militaires nous permettant d'assurer par nous-mêmes notre défense.

M. Jacques Myard - Ils ont raison !

M. Hervé Morin - Seuls les Britanniques ont un ratio comparable à celui des Américains. Grâce à la loi de programmation, si elle est exécutée, la France va améliorer sa situation. Pour le reste des Etats européens, le constat est affligeant.

A ces carences budgétaires s'ajoute une absence de volonté politique. Nous avons désormais, au sein de l'Union européenne, des structures militaires assez comparables à celles de l'OTAN, ainsi que des forces communes à géométrie variable mais capables de mener une opération.

Il faut désormais que la France s'engage avec volonté et pugnacité pour que l'Union européenne soit dotée d'une structure complète...

M. Jacques Myard - Aux illusions les mains pleines...

M. Hervé Morin - ...car, aujourd'hui, une action militaire commune de l'Union européenne ne peut être menée qu'avec les moyens de l'OTAN ou à partir d'un état-major national, ce qui complique les choses.

Une telle proposition permettrait de mettre les Etats membres face à leurs responsabilités. Elle serait le moyen de signifier à la convention sur la constitution européenne la volonté de construire une véritable politique européenne de sécurité commune.

Madame la ministre, le Président de la République a montré par ce budget et par la future loi de programmation militaire que la France ne voulait pas abandonner aux Etats-Unis la responsabilité de la protection de l'Occident.

M. Michel Voisin - Heureusement !

M. Hervé Morin - La France doit sortir de cette attitude schizophrène qui consiste à vouloir la construction européenne pour porter plus haut et plus fort sa voix, tout en refusant de perdre une partie de son autonomie.

La construction européenne ne s'est faite qu'à partir d'initiatives françaises ou franco-allemandes. Le rétablissement du budget militaire nous autorise désormais à en mener de nouvelles pour que l'Europe de la défense ne soit plus une « belle au bois dormant ».

Je propose enfin au Gouvernement de prendre, à l'occasion du sommet de Bruxelles, une belle et grande initiative. Les Américains ont demandé que l'OTAN quitte la Macédoine le 15 décembre ; proposons donc que les forces qui remplaceront les forces américaines soient européennes et placées sous l'égide de l'Union européenne, et en s'appuyant sur le structures existantes.

MM. François Rochebloine et Jean-Yves Le Drian - Très bien !

M. Hervé Morin - Depuis 1991, et les opérations de déminage dans le détroit d'Ormuz menées sous l'égide de l'UEO, ce serait la première réelle action sous drapeau européen. Ce serait un beau signal pour ce début de siècle que les Européens prennent enfin leur destin sur leur sol entre leurs propres mains (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Gérard Charasse - J'ai été heureux que François d'Aubert, avec qui je ne partage souvent que la fonction de parlementaire, ait osé consacrer l'avant-propos de son rapport à l'Europe de la défense. Cela me donne l'occasion de redire ici ma conviction profonde, depuis le tout début de ma vie politique, qu'il n'y aura ni sécurité ni défense plausibles sur le vieux continent, sans des appareils de défense intégrés et une véritable politique étrangère et de sécurité commune et autonome.

Madame le ministre, vous présentez un budget en croissance après une législature qui, sous l'impulsion d'Alain Richard,...

M. Jacques Myard - Oh !

M. Gérard Charasse - ...a réussi à faire prendre à notre appareil de défense, et sans dérapage, le grand virage de la professionnalisation.

M. Yves Fromion - Vous étiez contre...

M. Gérard Charasse - Ce budget est en augmentation. C'est un acte de courage (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) car, en ces temps plus troublés qu'il n'y paraît, la République doit continuer à s'attacher à la sécurité de son territoire et de ses habitants, à soigner la capacité de sa défense à se transformer en outil de stabilisation du monde et à participer aux opérations internationales de maintien de l'ordre.

Si le monde est troublé, il se trouve paradoxalement dans nos démocraties occidentales des citoyens pour oublier que la défense, primordiale, reste la condition impérative de l'exercice de libertés que nul ne voudrait brader.

Cette augmentation résulte aussi de décisions prises dès le collectif budgétaire et auxquelles j'ai participé dans le cadre du rapport que m'a confié la commission de la défense. Je pense aux mesures en faveur de la gendarmerie, en particulier à l'apurement des dettes de loyers contractées auprès des collectivités locales.

Derrière ce budget se cachent cependant des hommes et des femmes : ceux qui participent à l'effort de défense, mais aussi ceux qui en fabriquent les matériels.

A cet égard, vous n'ignorez pas les difficultés dans lesquelles se débat le Groupement des armements des industries terrestres - le GIAT. Dans le département de l'Allier, le plan de charge de sa filiale Manurhin comporte pour 2003 moins de 30 000 heures de travail pour 450 salariés, soit moins de deux mois de travail sur cinquante semaines. Le chômage technique est déjà l'_uvre sur ce site qui est une mine de savoir-faire. Je vous ai remis six propositions sur ce sujet. Je souhaiterais qu'à l'occasion de cette discussion générale, vous nous précisiez votre position sur nos propositions de lissage des commandes, de plan pluriannuel, de commandes verticales et mixtes et d'adjonction de services. Allez-vous préférer l'Etat-actionnaire à l'Etat-providence ? L'augmentation des crédits d'équipement de votre ministère et le prélèvement important qu'elle suppose sur les Français profiteront-ils aussi à notre industrie de défense ? Je le souhaite pour ma part. Dans son approvisionnement aussi, notre défense doit garder sa part d'indépendance.

Votre réponse conditionnera le vote des députés radicaux de gauche que je représente.

M. Gilbert Le Bris - Dans les transmissions, on dit d'un message qui a été bien reçu qu'il l'a été « cinq sur cinq ». Le message que vous transmettez aux armées avec ce budget est bien sûr audible, puisque les crédits augmentent de 7,5 %. Mais il est perturbé par un fort bruit de fond, un effet écho très gênant, et des parasites. Disons qu'on vous reçoit trois sur cinq !

Le bruit de fond est produit par un contexte budgétaire dégradé avec une prévision de croissance irréaliste de 2,5 % et des choix contraires à la relance. Qui fera les frais des inéluctables gels de crédits ? Le budget de la défense ne servira-t-il pas une fois de plus de variable d'ajustement ? L'affichage sera-t-il suivi de réalisation ?

L'effet écho gênant est lié à la loi de programmation. Débattre du budget pour 2003, c'est faire écho à une loi de programmation 2003-2008 qui n'a encore été ni discutée, ni votée. N'aurait-il pas mieux valu fixer le plan général avant d'évoquer le chapitre particulier qu'est la loi de finances pour 2003 ?

Enfin, votre message est perturbé par des parasites : incertitudes quant à la dimension européenne et à la pertinence de vos choix, répercussions de la professionnalisation sur les personnels civils et militaires.

Je concentrerai mon propos sur le budget de la marine nationale. Si vous offrez à celle-ci des perspectives correctes, c'est à la lumière des conséquences de la transformation de la DCN sur les crédits des titres III et V qu'il faut les apprécier : le risque d'une diminution mécanique du pouvoir d'achat de la marine n'est pas exclu.

Les surcoûts qu'entraîne l'évolution statutaire de la DCN - augmentation de la TVA, déménagements liés aux schémas directeurs des ports, remise à niveau de l'infrastructure des ports - donnent certes lieu à 290 millions d'euros d'autorisations de programme supplémentaires. Mais pour les crédits de paiement, il faudra attendre la loi de finances rectificative. Le début de la gestion 2003 sera donc difficile pour la DCN.

Le financement du plan d'amélioration de la condition militaire de février 2002 est assuré, pour les TAOPM comme pour les indemnités d'absence du port de base. Mais si la condition des militaires a été revalorisée - encore la fidélisation des personnels n'est-elle pas garantie - celle des personnels civils n'a pas fait l'objet des mêmes attentions : 3 millions d'euros en moins pour les mesures sociales et catégorielles, un repyramidage des grilles d'avancement en baisse de 50 % pour les ouvriers des états-majors et services communs. Or la marine nationale doit également faire face à un sous-effectif en personnels civils.

Les crédits d'investissement et de subventions d'investissement des titres V et VI s'élèvent à 4 060 millions d'euros en autorisations de programme et à 3 421 millions d'euros en crédits de paiement. Ce budget ne couvrira pas l'intégralité des besoins de la marine : si l'on excepte la commande Rafale, les autorisations de programme sont suffisantes, mais on constate un déficit de 163 millions d'euros en crédits de paiement. La loi de finances rectificative devra suivre !

9 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus pour des travaux concernant les installations de l'aéronavale. J'en profite pour évoquer les nuisances sonores et vibrations que subissent les riverains de la base aéronavale de Landivisiau, installés pour certains à moins de 300 mètres de la piste principale. Les nuisances sur les bâtiments et la santé des personnes sont maximales lors des atterrissages simulés sur pont et des décollages. Le démarrage des exercices des avions Rafale le 19 août 2002 a encore aggravé la situation. Une solution rapide doit être trouvée, même s'il faut en passer par l'acquisition des maisons les plus touchées. Je suis certain que vous serez sensible à la situation de ces familles pour qui la disponibilité accrue des matériels ne constitue pas nécessairement une bonne nouvelle.

Tout concourt, dans un environnement mondial désormais imprévisible et lourd de menaces, à renforcer le rôle de l'outil naval. Il n'y a évidemment pas lieu d'admirer les Etats-Unis qui consacrent trente-huit dollars à leur défense pour un dollar à l'aide aux pays en voie de développement, quand le rapport est de 7 à un en Europe. Bien dépenser pour préparer la paix est aussi un impératif pour nos pays développés. Mais la marine est indispensable dans notre monde contemporain et j'approuve entièrement la construction d'une deuxième porte-avions. Je souhaite d'ailleurs que les dotations budgétaires correspondant à la mission de service public de la marine soient clairement identifiées.

Le major général nous le disait il y a quelques mois, se doter d'une puissance maritime suppose une vision à long terme, une volonté politique mais aussi et surtout une culture maritime. Celle-ci est trop pauvre en France Tous nos efforts doivent s'orienter en ce sens. Dans cette perspective, on peut vous entendre sur la loi de finances, on doit vous attendre sur la loi de programmation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Le Garrec remplace M. Raoult au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - En ratifiant le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, Jacques Chirac a ouvert l'ère de la simulation, moyen de garantir le fonctionnement et la sûreté des charges nucléaires.

Le programme de simulation, confié à la direction des applications militaires du CEA, consiste à reproduire en laboratoire les conditions d'une explosion thermonucléaire. Il repose sur trois outils.

D'abord, un supercalculateur. Baptisé Tera et implanté à Bruyères-le-Châtel, il est capable d'effectuer 5 000 milliards d'opérations par seconde.

Ensuite, un instrument de radiographie très pointu pour valider les modèles mis au point par calcul : Airix, situé dans le camp militaire de Moronvillier, assure cette fonction.

Reste la pièce maîtresse du système, le « laser mégajoule » - LMJ - dont les installations sont basées dans ma circonscription de Gironde, sur le site du CEA CESTA, au Barp. Le LMJ reproduit la dernière étape du cycle : la fusion entre deux variétés lourdes d'hydrogène, le deutérium et le tritium. Cette ultime réaction requiert une énergie gigantesque, dont la source est le laser. Doté de 240 faisceaux, celui-ci permet, en focalisant sur une cible de 2,5 millimètres de diamètre une énergie optique de 1,8 mégajoule, d'obtenir les conditions de température et de pression indispensables à l'observation du phénomène.

Ces précisions techniques donnent la mesure du défi immense que constitue ce programme de simulation, doté pour 2003, de 396 millions d'euros en crédits de paiement et 388 millions d'euros en autorisations de programme.

Parmi ces crédits, les sommes allouées au laser mégajoule représentent près de la moitié de l'enveloppe simulation, soit 160 millions d'euros. La construction du gigantesque ouvrage qui abrite le LMJ démarrera en mars prochain.

Il faut imaginer un bâtiment de 300 mètres sur 150. C'est le début des travaux qui motive l'augmentation de 14 % des crédits de paiement par rapport à 2002. L'ouvrage du LMJ devrait être achevé en 2008, il atteindra sa pleine efficacité en 2010. Le coût total estimé des installations mégajoule s'élèvera, à cette date, à 2,137 milliards d'euros.

Si le programme de simulation est capital pour la fiabilité de nos armes et la crédibilité de notre dissuasion, il est aussi un formidable défi technologique et un levier économique considérable.

Le LMJ est une réalisation majeure, dont j'ai observé personnellement les prémices de réalisation.

Afin de valider les options techniques et de préparer les expériences, on a en effet commencé par mettre au point un prototype. Il s'agit d'un modèle miniature qui comportera huit faisceaux. Et, dès à présent, il apparaît que les solutions techniques proposées offrent des résultats largement supérieurs aux attentes.

Ce projet est sans équivalent au niveau mondial, mis à part le national ignition facility qui doit être construit en Californie.

Au-delà de ses applications militaires, il offre une exceptionnelle opportunité de développement scientifique, technologique et industriel.

Plusieurs voix UMP - C'est vrai !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - La recherche sur les lasers offre une multitude de possibilités dans les domaines de l'optique, des plasmas et de l'astrophysique. Le LMJ, lorsqu'il sera opérationnel, pourra fournir des données cruciales pour maîtriser un jour le sésame énergétique qu'est la fusion contrôlée de l'atome. Le CEA, le CNRS et l'université de Bordeaux se sont donc associés pour créer l'institut laser et plasma, qui aura vocation à convertir les profits de la recherche en innovations industrielles.

On parle d'ores et déjà de Route des lasers pour désigner l'axe Bordeaux/Bassin d'Arcachon.

Il s'agit donc bien d'un projet majeur, qui place la recherche de notre pays au plus haut niveau mondial ; un projet nécessaire pour notre défense, dont les répercussions économiques sont évidentes et sans aucune conséquence environnementale. L'énergie maximale que le laser mégajoule pourra en effet délivrer pendant une infime fraction de seconde a en effet pu être comparée à celle qui est nécessaire pour faire bouillir 5 litres d'eau !

Ce budget fait bien de la défense une priorité du Gouvernement. L'exemple du laser mégajoule montre l'importance de consacrer des crédits à la recherche et au développement, pour l'innovation future. Or, ces crédits ont été littéralement sacrifiés entre 1994 et 2000 : ils ont diminué de 56 % en volume alors qu'ils se maintenaient, voire augmentaient dans les autres pays.

Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, le budget que vous nous présentez, Madame la ministre, est bien un budget de rupture, qui intègre le fait que la supériorité militaire est aussi liée à la supériorité technologique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Dasseux - Rapporteur de la loi sur les réserves en 1999, représentant de l'Assemblée nationale au Conseil supérieur de la réserve militaire, je voudrais rassurer M. Voisin : nous n'oublions pas les réserves, lien essentiel entre la nation et son armée !

Plusieurs voix UMP - C'est vrai !

M. Michel Dasseux - La prochaine loi de programmation militaire fixe un objectif de 82 000 volontaires pour 2008, sachant que les réservistes volontaires devraient être au nombre de 30 000 fin 2002. Cependant, dans le projet de budget pour 2003, la ligne « réserve » reste à son niveau de 2002, alors qu'elle devait être abondée de 10,2 millions. Cela aurait des conséquences regrettables : la dynamique observée ces dernières années - de 17 000 réservistes volontaires fin 1998 à 30 000 fin 2002 - serait brisée et la mécanique certainement difficile à remettre en route.

L'objectif de 82 000 volontaires était déjà ambitieux puisqu'il représente une progression de 8 000 volontaires par an contre 4 500 jusqu'à ce jour. Il serait de toute évidence impossible à atteindre si la première année de la nouvelle loi de programmation militaire était une année blanche au point de vue budgétaire.

Il sera en outre difficile d'emporter l'adhésion des associations de réservistes s'il apparaît qu'aucun effort n'est fait, contrairement aux années précédentes.

Cela serait la première fois qu'une loi de programmation ne serait pas appliquée dès sa première année.

Enfin, l'augmentation de 10,2 millions qui était prévue ne représente que 0,4 % du titre III et ne compromettrait donc pas l'équilibre général de ce budget.

En ce qui concerne l'externalisation appliquée aux armées, permettez-moi de souhaiter que les décisions ne soient pas prises à la hussarde.

Surtout, Madame la ministre, j'aimerais évoquer le budget de la gendarmerie, mais sans trop savoir si mes propos doivent s'adresser à vous ou à M. le ministre de l'intérieur.

Hier, lors de la discussion sur le budget de l'intérieur, le rapporteur spécial de la commission des finances a déjà « survolé » le budget de la gendarmerie, ce qui peut laisser penser qu'il n'y a plus rien à dire sur ce sujet.

Le ministre de l'intérieur a également répondu à une question au Gouvernement sur les gendarmeries. Il a notamment déclaré à cette occasion que les gendarmes n'étaient pas là pour « saluer la boulangère le matin ». Nul doute que les gendarmes apprécieront. J'ai pour ma part trop de respect pour les gendarmes, leur travail et leurs résultats pour laisser dire n'importe quoi à leur égard (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs questions se posent sur la réorganisation en cours. Y aura-t-il dévaluation des indices de solde, notamment à cause de l'attribution de la catégorie A aux officiers de la police nationale ? Qu'en est-il de la correspondance des grades entre police et gendarmerie ? Celle-ci a des incidences financières non négligeables si l'on considère par exemple la prime OPJ, les 2% de sujétion police ou les jours de RTT financièrement compensés à la police.

Certes, votre budget paraît répondre aux améliorations que le précédent ministre avait engagées...

Plusieurs députés UMP - Mais pas financées !

M. Michel Dasseux - ...mais c'est à l'exécution d'un budget que l'on juge de sa sincérité.

Plusieurs députés UMP - Vous l'avez appris !

M. Michel Dasseux - Nous la suivrons avec vigilance, ainsi que nous veillerons à la mise en _uvre des mesures très médiatisées concernant la réhabilitation des logements, le paiement des loyers aux collectivités ou le fonctionnement courant de l'article 10.

Enfin, le passage de l'escadron à trois pelotons en type quaternaire, qui est une bonne chose, a fait naître de nouveaux besoins en matériels roulants. J'ai écouté avec intérêt M. Folliot, rapporteur de la commission de la défense pour la gendarmerie, qui va dans le sens que nous souhaitons. J'espère qu'un débat sera instauré au sein de la commission, en liaison avec votre ministère, sur l'avenir de cette armée.

Madame la ministre, vous vous êtes battue pour votre budget, mais au-delà des questions purement financières, l'avenir de la gendarmerie est primordial. La gendarmerie est une armée d'élite.

M. René Galy-Dejean - Pléonasme !

M. Michel Dasseux - L'histoire des grandes nations contemporaines nous a montré la nécessité de deux forces de police distinctes. C'est pour cela que je souhaite vivement que vous défendiez avec acharnement le maintien du statut militaire de la gendarmerie et, pour cela, soyez sûre que vous nous trouverez à vos côtés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Marty - La Moselle a connu, a vécu les drames de notre histoire. C'est ce qui explique l'attachement de sa population à la présence de ces corps d'armée. J'ai la chance d'avoir quatre régiments dans ma circonscription. Il y a trois semaines, une commémoration dans le 13ème régiment de dragons parachutistes réunissait 3 500 personnes à Dieuze. Nous vivons au quotidien le lien entre l'armée et la nation. Ayant répondu à l'invitation du 1er régiment d'infanterie, qui participe au dispositif Epervier au Tchad, je voudrais dire ici que j'ai été particulièrement impressionné par le dévouement, la disponibilité et le professionnalisme de ses éléments (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Leur productivité et leurs performances me paraissent dans certains cas meilleures que celles du privé, par exemple dans le domaine de la maintenance du matériel.

Je voudrais néanmoins insister sur un point qui ne me paraît pas suffisamment pris en compte dans ce budget : l'aéromobilité. S'agit-il encore d'un concept moderne ? Certes, car elle allie mouvement, rapidité et surprise. Elle permet d'évacuer des civils, de mener les actions humanitaires et de transporter les troupes. Or aujourd'hui, on évalue la baisse de cette capacité de transport à 30 %. La loi de programmation va jusqu'à dire que les efforts en matière de projection et de mobilité consisteront à limiter la réduction inéluctable jusqu'en 2010 ! En attendant le NH 90, les Puma actuellement en service ont des capacités limitées. Le budget comporte toutefois des points très positifs, tels que l'augmentation des heures d'entraînement des équipages de 160 à 180 par an.

En matière d'aéromobilité, il faut une décision politique. Le général Kelche, chef d'état-major des armées, a dit devant la commission que la maquette de l'armée de terre était sous-dimensionnée et qu'il n'était pas possible de revenir sur ce déficit. Ce débat est ancien. Lors de la réduction des forces notamment, on a réduit toutes les composantes sans essayer de se demander quelles étaient les fonctions à privilégier. Nombreux sont ceux qui pensent qu'il manque un quatrième régiment à l'aviation légère de l'armée de terre. C'est une décision politique, et je vous fais confiance pour analyser cette demande et accorder une meilleure place à l'aéromobilité.

Je conclurai en saluant le côté très positif du budget pour 2003, qui permet à notre pays d'assurer sa sécurité et de faire respecter ses intérêts dans un monde difficile. Il s'agit d'une rupture avec l'angélisme qui avait cours. Nous ne parlons plus des dividendes de la paix et ne nous servons plus du budget de la défense comme variable d'ajustement. Ce budget redonne espoir aux femmes et aux hommes qui se sont engagés au service de la France. Madame la ministre, le groupe UMP soutient totalement votre démarche claire et volontaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jacques Myard - N'en déplaise aux naïfs imbéciles - ils se reconnaîtront - l'Histoire ne s'est arrêtée ni après la bataille d'Iéna ni après la chute du Mur de Berlin : nous serons toujours dans l'Histoire, avec ses furies et ses foucades. Voilà pourquoi soldats et diplomates marcheront toujours ensemble pour sauvegarder l'indépendance de la France, c'est-à-dire notre liberté.

Madame la ministre, vous reprenez un ministère sinistré (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). Avec le changement de gouvernement, la France se dote enfin des moyens de défendre sa sécurité et de maintenir son rang. Il était urgent de donner un démenti cinglant au professeur américain qui écrivait en 1992, dans une revue de stratégie, que la guerre du Golfe avait démontré la faiblesse militaire de la France et que la France de Louis XIV, de Napoléon, de Clemenceau et de Gaulle ne reviendrait plus jamais.

Le redressement que vous avez voulu, Madame, se lit dans les chiffres, un budget de 31 milliards d'euros, en hausse de 7,5 % pour les crédits d'équipement et de 11 % pour les crédits de fonctionnement, ce qui permettra l'entretien des matériels et la remise à niveau de nos capacités opérationnelles. Il permet à notre pays de faire jeu égal avec le Royaume-Uni en portant l'effort à 2,2 % du PIB contre 1,6 % l'an passé. Il faudra veiller, cependant, à ce que les gnomes comptables ne le remettent pas en cause ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

L'honnêteté intellectuelle commande de ne pas se faire d'illusion en matière de défense européenne. Il y a eu certes de timides progrès dans la défense en commun de l'Europe. Mais si la coopération est nécessaire pour certains programmes, force est de constater que nos partenaires sont aux abonnés absents : l'A400M connaît un sort incertain du fait des atermoiements de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, le système Galileo marque le pas, nos partenaires nous donnent des leçons d'Europe, mais achètent américain. Et leurs réticences ne se limitent pas à l'armement : en matière d'emploi des forces, aucun d'eux ne conçoit d'action européenne en dehors de l'OTAN ou des opérations de police que sont les missions de Petersberg. Telle est la réalité. L'identité européenne de défense risque de rester longtemps une idée d'avenir...

La France doit donc compter d'abord sur elle-même : plus elle sera militairement forte et indépendante, plus elle entraînera ses partenaires et plus l'Europe aura une chance de se faire entendre. Moins la France sera indépendante et plus l'Europe sera militairement américaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est la réalité et tout le reste n'est qu'illusion.

La défense, ce sont des moyens, des crédits, mais aussi une stratégie et d'abord un esprit. Or, une dangereuse indifférence à l'égard de la défense se développe dans notre jeunesse. Nos forces, même bien équipées, ne pourront pas faire face à toute les menaces, notamment intérieures. Voilà pourquoi, je propose de réfléchir à la mise en place, dans chaque département, d'une garde nationale qui constituerait une réserve. Elle pourrait être conçue sur le modèle des pompiers volontaires qui renforcent les professionnels de la protection civile.

Madame la ministre, vous êtes sur la bonne voie. Ce budget traduit un sursaut, un réveil. Il était grand temps car toute nation désarmée est une nation méprisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Je voudrais d'abord remercier le président de la commission de la défense, les rapporteurs et les orateurs pour la qualité de ce débat. Vos propos montrent que votre assemblée a compris toute la signification et la portée de ce projet de budget.

Le redressement de notre effort de défense est une nécessité et une priorité décidée par le Gouvernement à la demande du Président de la République. Il en va de notre sécurité et de la crédibilité de notre pays.

Notre sécurité, parce que loin de toucher les « dividendes de la paix » comme nous l'espérions après la chute du Mur de Berlin, nous voyons se multiplier les crises locales qui peuvent avoir un impact international - dans les Balkans, en Afghanistan, au Proche-Orient, en Côte-d'Ivoire...

A cette insécurité généralisée s'ajoute le spectre du terrorisme de masse. Nous, en France, n'avons malheureusement pas attendu le 11 septembre pour y être confrontés : c'est d'ailleurs pourquoi le modèle d'Armée 2015 est toujours d'actualité, il intégrait déjà cette réalité.

Nos concitoyens ont compris que nul n'est à l'abri de ce qui s'est passé à New York ou à Bali. C'est pourquoi ils sont 70 % à estimer justifié un effort supplémentaire pour notre défense.

A côté de la sécurité de tous, la crédibilité de notre pays est en jeu. La France revendique depuis des années un rôle de premier plan dans la construction de l'Europe et sur la scène internationale. C'est une ambition légitime ; c'est un rôle parfois difficile à tenir, comme le démontre l'actualité.

C'est vrai que la construction d'une Europe de la défense est un élément indispensable de la construction de l'Europe toute entière (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF). C'est vrai aussi qu'il ne faut pas se gargariser de mots, mais passer aux actes et je le rappelle souvent à nos partenaires. Bien des gouvernements prônent une Europe de la défense mais leurs efforts militaires sont-ils à la hauteur de leurs intentions ? Nous avons là un rôle essentiel à jouer et, dès mon arrivée au ministère, j'ai décidé de le tenir à l'égard de mes collègues européens : il n'est pas de réunion où je ne les invite à mettre en cohérence leurs actes et leurs déclarations, notamment en réalisant le processus C4 qui permettra de déterminer et combler les capacités militaires de l'Europe.

Cela implique d'augmenter les budgets de la défense. J'ai demandé à nos partenaires qui y consacrent moins de 1 % de leur PIB si c'est là un choix politique ou si cette décision est liée au souci de respecter le Pacte de stabilité, auquel cas il faudrait peut-être revoir la chose et privilégier la sécurité plutôt que l'équilibre comptable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe socialiste).

Si on veut construire une Europe de la défense, il faut savoir mettre en place des industries d'équipement communes et privilégier les matériels européens (Mêmes mouvements). C'est ce que je dis aussi à mes collègues, en regrettant qu'à qualité égale, le choix se porte parfois sur des équipements non européens.

En ce qui concerne l'opération en Macédoine, elle correspond aussi à un besoin de visibilité de la construction de l'Europe de la défense. Depuis Saint-Malo, nous avons avancé dans le processus C4 et dans la mise en place d'un système de commandement européen. La Macédoine pourrait être l'occasion de montrer notre existence en tant que telle puisque l'OTAN ne prolonge sa mission que jusqu'au 15 décembre. Or si la situation en Macédoine s'est améliorée, elle n'est pas encore stabilisée. Une telle opération serait bien à la dimension d'une Europe de la défense. Mais nous sommes gênés actuellement par un différend gréco-turc. Javier Solana essaye de le surmonter. S'il n'y parvenait pas, il nous faudrait cependant trouver une réponse européenne adaptée pour réaliser cette opération en Macédoine (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Cela étant, pour jouer un rôle dans l'Europe de la défense, il faut être crédibles . Force est de constater que la dégradation de son effort de défense ces dernières années a entamé la crédibilité de la France (« Eh oui ! sur plusieurs bancs du groupe UMP). Mais dès que j'ai pu annoncer à nos partenaires notre volonté de faire cet effort, grâce à la loi de programmation militaire, et leur dire que nous attendions ce même effort de leur part, j'ai vu leur attitude se modifier profondément, de même que celle de nos partenaires américains. Cette crédibilité est liée aussi à ce que nous pouvons annoncer pour l'Europe de la défense.

M. Yves Fromion - Très bien !

Mme la Ministre - La loi de programmation 2003-2008 vous sera présentée dans quelques semaines. Je regrette moi aussi que les choses se présentent dans cet ordre, mais je ne saurais imposer au Parlement de bouleverser ses habitudes budgétaires... (Sourires). Avec le projet de budget, elle constitue la preuve de notre volonté dans ce domaine, en confirmant le modèle d'Armée 2015. Certains se demandent si ce modèle est encore pertinent car les analyses du livre blanc sur lequel il repose sont anciennes. Sous réserve de changements toujours possibles, il le reste, car nous avions pris en compte les éléments qui prennent de l'importance, c'est-à-dire la multiplication des crises locales et le terrorisme, auquel nous-même avions déjà été confrontés.

La loi de programmation est la deuxième étape du modèle 2015, après la professionnalisation. Celle-ci a été pratiquement accomplie et sera consolidée par le fonds de consolidation. Nous devons saluer tous les personnels, qui ont totalement joué le jeu. Mais dans le même temps, les crédits prévus dans la loi de programmation 1997-2002 ont baissé de 20 %. Cet abandon d'une année entière explique certaines difficultés d'entretien et le risque de ruptures de capacité en raison du retard de commande.

Avec ce budget 2003, nous engageons la prochaine loi de programmation, ce qui est une épreuve de vérité d'autant plus importante que nous devons rattraper l'insuffisance de crédits de ces cinq dernières années. Hors pensions, il s'élève à 31,07 milliards, dont 13,64 milliards de crédits d'équipement, 3,45 milliards pour le fonctionnement et 13,98 milliards pour les rémunérations et charges sociales. M. Boucheron entre autres a douté de sa crédibilité. Mais notre volonté s'appliquera pour des raisons techniques, puisque la loi de programmation est exprimée en crédits de paiement, et pour des raisons politiques, car c'est la volonté de la nation, du Président de la République et du Gouvernement - volonté commune cette fois, ce qui n'était pas le cas au temps de la cohabitation. M. Boucheron est coutumier du doute, ce qui m'a permis de gagner deux paris avec lui. Il était persuadé que je n'aurais pas la loi de programmation, je l'ai eue, persuadé aussi que le budget ne suivrait pas la première année, il suit. Jamais deux sans trois pour la suite ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Ce projet correspond aux quatre priorités de la loi de programmation, rétablir les disponibilités des matériels, moderniser les équipements et préparer l'avenir, consolider la professionnalisation des forces et poursuivre la modernisation du ministère.

Pour restaurer la disponibilité des matériels, nous allons dépasser les 3 milliards d'autorisations de programme, ce qui permettra de réparer les défaillances que plusieurs ont soulignées et d'améliorer l'entraînement des militaires et par conséquent leur moral. Dans un certain nombre de cas, les crédits du titre V avaient été grignotés au profit du titre III et par le non-remboursement des dépenses liées au OPEX, situation à laquelle nous avions mis fin dès le collectif de cet été.

Plusieurs députés socialistes - C'est vrai.

Mme la Ministre - Bien entendu, inscrire des crédits n'est pas tout. Il faut veiller à leur bonne consommation et à ce que le travail soit bien fait par le services et les industriels. Je vais y veiller personnellement, et ce sera l'objet d'un de mes prochains déplacement à la SIMMAD à Bordeaux. En ce qui concerne le renouvellement des équipements, les livraisons de matériels seront importantes en 2003. L'armée de terre recevra 45 chars Leclerc, 2 hélicoptères Tigre, 285 véhicules de l'avant blindés motorisés, 88 véhicules blindés légers, 9 000 lance-roquettes anti-chars légers. La marine recevra un avion Hawkeye, un bâtiment hydrographique et océanographique, 5 vedettes F 70 remises à niveau, 4 chasseurs de mines, 50 torpilles MU 90. L'armée de l'air recevra 3 avions CASA 235, 41 missiles Apache, 60 missiles Scalp-EG. La gendarmerie recevra pour sa part 3 hélicoptères et 3 000 véhicules...

M. Jean Michel - Merci la gauche !

M. Gilbert Meyer - Mais c'est nous qui payons.

Mme la Ministre - ...42 000 gilets pare-balles. Enfin, le satellite Syracuse III sera lancé à la fin de l'année prochaine. 2003 sera aussi une année importante pour les commandes, qui avaient pris du retard. Les rapporteurs s'en sont inquiétés et je peux les rassurer : les autorisations de programme pour le Rafale seront bien inscrites dans le projet de loi de finances rectificative pour cette année. Il y sera inscrit 4,4 milliards qui permettront de faire un certain nombre d'opérations.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Excellent.

Mme la Ministre - Grâce à 19,7 milliards d'autorisations de programmes, nous pourrons commander pour l'armée de terre la valorisation de 70 canons automoteurs et de 15 systèmes Roland, la rénovation de 55 AMX 10 RC et de 88 véhicules blindés légers ; pour la marine, 13 Rafale et 250 missiles MICA ; pour l'armée de l'air 46 Rafale et 430 missiles MICA. S'agissant de l'A400M, les commandes de la France sont déjà passées et hier mon collègue allemand m'a confirmé que l'Allemagne restait dans le programme (« ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Les crédits sont déjà inscrits pour 40 A400M et le complément le sera d'ici février.

Plusieurs députés UMP - Bonne nouvelle !

Mme la Ministre - Plus de 3 600 véhicules et d'autres gilets pare-balles sont commandés pour la gendarmerie. Enfin pour préparer l'avenir, 1,24 milliard d'euros seront consacrés à la recherche, soit une augmentation de 4,2 %, ce qui permettra de développer la politique de démonstrateurs technologiques. Ces crédits ne doivent pas être inscrits dans le budget de la défense et ne le seront plus l'an prochain. Pour cette année, il y aura un montant équivalent pour le BCRD inscrit au collectif à titre de compensation .

J'en viens au troisième grand objectif qui est de consolider la professionnalisation. Pour cela il faut d'abord garantir aux armées les effectifs nécessaires, en quantité et en qualité - or il est difficile de recruter ou de fidéliser des éléments dans certains secteurs de pointe en raison de la concurrence du privé. Il faut aussi assurer aux personnels un environnement professionnel et social motivant.

Les évolutions d'effectifs de ce budget correspondent aux priorités retenues dans le projet de loi de programmation : armée de terre, qui est la plus sollicitée par les OPEX, service de santé, gendarmerie, renseignement.

La gendarmerie relève du ministère de la défense pour son statut et pour son environnement, d'où l'inscription des crédits dans ce budget ; mais que l'emploi de cette force soit désormais placé sous l'autorité de mon collègue de l'intérieur permet de gagner en efficacité.

Plusieurs intervenants ont parlé du volontariat et des réserves.

S'agissant du volontariat, il est vrai que les armées, et plus particulièrement l'armée de terre, ont des difficultés pour recruter. Nous devons nous interroger sur l'attractivité des postes proposés, et sans doute en réexaminer le contenu. Ce qui nous renvoie à vos propos sur l'externalisation, Monsieur d'Aubert : je souhaite que les personnels du ministère se recentrent sur les missions premières. J'ai sauté au plafond en voyant qu'on me demandait d'ouvrir un concours pour recruter un jardinier ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Concernant les réserves, le taux de satisfaction des objectifs est de 66 % pour les officiers ; il est bien inférieur pour les sous-officiers et tombe à 18 % pour les hommes de troupe. Cela signifie qu'une remise à plat est nécessaire : il serait prématuré d'inscrire des crédits supplémentaires sans avoir mené de réflexion préalable.

M. Robert Pandraud - Absolument !

Mme la Ministre - Il nous faut travailler tous ensemble pour déterminer comment rendre la réserve attractive. Pour cette année, je me suis contentée de reconduire le budget de l'année dernière, tout en faisant un effort sur la communication ; mieux vaut reporter nos moyens d'action sur les années suivantes.

Le fonds de consolidation de la professionnalisation, dont j'ai demandé la création pour la période 2003-2008, va être doté dès 2003 de 11 millions d'euros. Il permettra de recruter et de fidéliser les militaires dont les armées ont besoin.

Le personnel civil, qui a toute sa place dans la démarche de professionnalisation, ne saurait être oublié. Le léger sous-effectif actuel résulte principalement des gels antérieurs sur le recrutement d'ouvriers d'Etat, mais aussi du manque d'attractivité de certains postes. C'est pourquoi ce projet de budget comporte un plan de reconnaissance professionnelle du personnel civil. Il sera doté de 13,5 millions d'euros, montant supérieur au total des mesures prises en faveur du personnel civil de 1995 à 2001 - 11,2 millions d'euros en sept ans !

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Bravo !

Mme la Ministre - L'environnement professionnel et le cadre de vie des personnels font également l'objet d'un effort très significatif. Il en va de même pour l'entraînement. L'accroissement des crédits d'infrastructures permettra notamment de financer la construction ou la réhabilitation de 1 500 unités-logement au profit de la gendarmerie.

Nous sommes conscients que la nation fait un effort extrêmement important au bénéfice du ministère de la défense, afin de lui permettre de répondre à ses missions et afin de reconnaître le travail extraordinaire accompli par ses personnels qui devrait être un modèle pour la modernisation de l'Etat. Notre responsabilité est d'utiliser avec la plus grande efficacité possible les moyens qui nous sont ainsi consentis. La Défense poursuivra donc la modernisation de sa gestion.

L'effort portera notamment sur le partage des prestations de soutien entre les armées et sur la dématérialisation des procédures d'achat. Je m'attacherai tout particulièrement au renforcement du contrôle de gestion et à l'amélioration des circuits administratifs, dans la perspective de l'application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

Par ailleurs, nous devons réfléchir aux possibilités d'externalisation et de financements innovants, sans aller aussi loin que nos partenaires britanniques - qui, par exemple ont quasiment externalisé leur service de santé. J'ai fait inscrire un crédit de 40 millions d'euros pour faciliter cette externalisation.

S'agissant de la DCN, Monsieur Cova, je vous confirme le principe de la neutralité fiscale de la réforme, qui interviendra au début de l'année 2003 et qui sera une grande chance pour elle, en lui permettant d'accroître son efficacité et de développer des partenariats. Il y aura recapitalisation. S'agissant du GIAT, beaucoup d'erreurs ont été commises ces dernières années ; nous sommes en train d'écouter les différents partenaires. Je rencontrerai tous les élus concernés, tous les syndicats, et nous essaierons ensemble de trouver enfin une solution d'avenir. Nous le devons aussi au personnel qui ne peut pas rester dans une situation d'incertitude (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Les choses ne sont pas faciles, mais ce qui importe c'est de donner une réelle perspective et de cesser les bricolages des années précédentes.

Telles sont les grandes lignes de ce budget que je suis fière de vous présenter, comme je suis fière d'être à la tête de ce ministère qui est certainement le plus beau car s'y rejoignent les technologies les plus performantes, une qualité humaine et une éthique de vie que je n'avais jusqu'ici jamais rencontrées.

Ce budget me réjouit car il marque une reconnaissance envers ces hommes et ces femmes qui sont prêts à faire beaucoup de sacrifices pour permettre à leurs concitoyens de vivre en sécurité et à leur pays de tenir son rang dans le monde. Je vous demande donc de voter ces crédits pour leur dire que vous avez compris ce qu'est leur engagement pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures 15.

La séance est levée à 13 heures 15.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


© Assemblée nationale