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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 15ème jour de séance, 38ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 28 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
      POUR 2003 (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE 2

La séance est ouverte à quinze heures.

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2003 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Muguette Jacquaint - Votre projet de loi ne correspond pas aux attentes de nos concitoyens. « Budget de transition », dites-vous, mais dans quel but ? Répondre aux besoins, ou poursuivre une logique comptable dont l'échec est dénoncé par tous ? Notre groupe estime que votre texte ne peut faire, en l'état, l'objet d'une discussion devant la représentation nationale.

En 1945, la France créait la sécurité sociale. C'était une étape historique dans le domaine social et il faut absolument préserver cet acquis. Pourtant, les difficultés se sont accumulées pour aboutir aujourd'hui à une protection sociale à deux vitesses : accroissement des inégalités pour l'accès aux soins, professionnels de plus en plus désabusés, établissements hospitaliers confrontés au manque de moyens. Notre système est à bout de souffle, non pas parce qu'il serait dépassé, mais parce que la tentation grandit de jour en jour de le livrer au secteur privé. La santé est un domaine à part, touchant directement l'humain. Au nom de la construction européenne, et afin de maîtriser les dépenses publiques, les moyens nécessaires n'ont pas été accordés. Le plan Juppé n'a fait qu'aggraver la situation. La vision comptable et financière de la protection sociale a abouti au paysage sanitaire et social que l'on connaît aujourd'hui. Au cas où vous en douteriez, allez en discuter avec les professionnels de la santé et les usagers ! Votre projet de loi n'apporte pas de réponse d'ensemble à cette situation, mais il ouvre la voie à des dérives dangereuses.

Ce système, vieux de soixante ans, doit continuer à se développer dans un esprit de solidarité : égal accès pour tous à des soins de qualité. Le dérapage des dépenses de santé révèle l'insuffisance des recettes plus que l'excès des dépenses. Certes, un contrôle doit exister, mais sans porter atteinte à l'accès aux soins pour tous. La protection sociale ne doit pas être enfermée dans un budget trop restreint. L'augmentation des dépenses de santé est inéluctable : progrès de la médecine, prise en charge de la douleur, allongement de l'espérance de vie. Afin de ne pas briser cette évolution, il convient de se poser les bonnes questions : quelles sont les causes de la situation actuelle ? Quels moyens devrait-on débloquer ?

La part des dépenses de santé est-elle suffisante ? La déconnexion partielle entre le financement de la sécurité sociale et les richesses produites par les entreprises illustre le caractère idéologique de la diminution des charges et des autres exonérations. Contrairement à vous, il ne nous semble pas impossible d'augmenter les recettes de la protection sociale.

Votre projet n'aborde malheureusement aucune de ces questions, d'où notre question préalable.

La situation est fort préoccupante, et nécessite des mesures fortes avec un budget adapté. Si l'état de santé de la population est globalement positif, ce bilan est à relativiser au vu de certaines données. Ainsi, l'espérance de vie des Français est-elle l'une des plus longues du monde - 75,5 ans pour les hommes, 83 ans pour les femmes - mais cela ne doit pas masquer les écarts importants - de trois à quatre ans - qu'il peut exister selon les régions, ni la surmortalité des hommes jeunes. Les causes sont connues : les maladies cardio-vasculaires et morts violentes notamment. Or, nous manquons de cardiologues, d'ORL, d'obstétriciens, mais rien n'est prévu à l'horizon 2003.

La mortalité précoce chez les jeunes, essentiellement due aux accidents et aux suicides, est également inquiétante, mais là encore, le nombre d'infirmières scolaires, d'assistantes sociales, de psychologues est en baisse, ce qui compromet le travail de prévention. Par ailleurs, de nouveaux problèmes de santé se développent : asthme, allergies, surpoids. Quelles réponses y apportez-vous ? Le plus grand problème chez l'adulte reste celui des soins dentaires...

M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances - Les rapporteurs sont d'accord !

Mme Muguette Jacquaint - ... qui sont parmi les plus coûteux. La différence sociale fait vite le tri entre ceux qui ont les moyens de se faire soigner et les autres. Il faut donc améliorer les remboursements. Or, votre projet ne parle que de déremboursement et de « responsabilisation » des assurés sociaux. J'y reviendrai.

Si l'on est plutôt bien soigné en France en dépit des mesures de rigueur prises ces dernières années, les disparités sociales dans l'accès aux soins ne peuvent être tolérées plus longtemps. Selon la dernière étude de référence, l'espérance de vie des hommes de 35 ans est supérieure de six ans et demi pour les cadres et professions libérales à ce qu'elle est pour les ouvriers - trois ans et demi de différence pour les femmes. L'enquête décennale santé de 1991, qui prend en compte les années d'incapacité, met en évidence des écarts encore plus importants : non seulement les ouvriers vivent moins longtemps, mais ils passent plus d'années en état d'incapacité. Voilà qui pose clairement la question de la santé au travail, mais là encore nous attendons vos propositions.

Dès l'enfance, les sujets issus de milieux défavorisés connaissent davantage que les autres des problèmes de surcharge pondérale ou des troubles de langage, qui seront pourtant moins bien dépistés et soignés. Que faites-vous pour y remédier ? Votre projet de loi ne prévoit rien pour assurer l'accès des plus défavorisés à des soins de qualité. Notre système de protection sociale est peu à peu dévoyé par une ouverture insidieuse au secteur marchand. Les déclarations récentes des mutuelles sur le médicament sont à cet égard très préoccupantes. Aussi resterons-nous vigilants. La santé n'est pas une marchandise ! Au lieu de prendre ces difficultés à bras-le-corps, vous persistez à diminuer les remboursements des médicaments et à laisser les laboratoires fixer librement les prix des molécules nouvelles.

Vous n'envisagez pas de remonter le plafond de la CMU. L'attitude du Medef et des assurances ne fait qu'encourager ce petit jeu. Vos déclarations nous inquiètent au plus haut point : vous allez étudier les champs de compétences de l'assurance de base et de l'assurance complémentaire pour évaluer quelle doit être la place de la solidarité nationale, autrement dit la réduire : drôle de conception de la République ! Se profile ainsi le projet d'un « panier de soins » limité que défend le patronat. Nous sommes désolés : telle n'est pas notre vision d'un système de santé et de protection sociale moderne. Est-ce le message que vous entendez délivrer alors que la précarité décuple les risques comme le montre l'exemple du suivi de la grossesse : 15,5 % des femmes en situation précaire - contre 8 % pour les autres - n'ont pas bénéficié des sept visites prénatales réglementaires, 24 % - contre 21 % - sont hospitalisées, 7,5 % de leurs enfants - contre 5,7 % - sont prématurés et 8,1 % - contre 6,4 % - de faible poids. Le taux d'enfants exigeant une hospitalisation atteint 9,8 % - contre 7,4 %. L'évolution vers un régime assuranciel ou solidaire a minima serait catastrophique pour ces personnes déjà fragiles.

En matière de soins dentaires également, l'austérité ne ferait qu'aggraver la situation des personnes en difficulté : l'absence de soins est déjà due, pour 60 % des cas, à des raisons financières. Là encore, quelles mesures proposez-vous ?

Les mêmes insuffisances se retrouvent face aux grands problèmes de santé publique. Si la couverture vaccinale des enfants s'améliore, elle reste inégale, par exemple, pour le BCG. Quant à celle des adultes, elle est sans doute insuffisante, surtout pour les plus âgés.

Parmi les nouvelles pathologies, l'asthme n'est pas pris en charge à la hauteur des besoins. Des traitements efficaces existent, mais ils sont insuffisamment prescrits. La gravité de l'affection est d'ailleurs sous-évaluée chez 12 % des individus, et la maladie sous-traitée dans 16 % des cas, les traitements étant souvent mal observés. S'y ajoutent de nouvelles problématiques comme le comportement alimentaire. À six ans 14 % des enfants présentent une surcharge pondérale, 4 % une obésité. En vingt ans la proportion d'enfants âgés de cinq à douze ans qui en souffrent est passée de 5 à 15 %. Si rien n'est fait, ce problème lié à une alimentation trop riche et à la sédentarité s'aggravera, à l'image des Etats-Unis. Or il provoque une hausse de la pression artérielle, le cholestérol et le diabète préparant le terrain des maladies cardio-vasculaires qui sont la première cause de mortalité à l'âge adulte. Quelles mesures entendez-vous prendre avec les ministres de l'éducation et de la famille pour sensibiliser les parents à ces questions ?

D'autres méritent des efforts mais manquent à votre projet de loi : s'agissant des comportements sexuels, les mesures engagées ne doivent pas endormir votre vigilance. Si l'on note en effet une diminution du multipartenariat - source de risques de MST - les comportements de protection se relâchent.

Deux comportements à risque restent prépondérants en termes de mortalité et de santé publique : l'alcoolisme et le tabagisme. Ils exigent des réponses sans faux-fuyants. En effet, la majeure partie de la mortalité prématurée et une part considérable de la morbidité sont liées à ces comportements, et les actions de prévention restent insuffisamment développées.

Plus de 35 000 décès par an sont encore attribués à l'alcool. Selon une enquête réalisée en 2000, un cinquième de l'activité du système de soins concerne des patients présentant un risque d'alcoolisation excessive. La prévention doit d'autant plus être une priorité, que le fléau touche des très jeunes. Les représentations positives de l'alcool demeurent en effet prépondérantes, et les risques de cancer et de difficultés sociales mal appréciées.

Autre fléau, le tabac, facteur de risque majeur à l'origine d'un grand nombre de cancers - poumon, larynx, voies aérodigestives supérieures - et de maladies cardio-vasculaires. La consommation de tabac est encore responsable de 60 000 décès par an, soit plus d'un sur neuf, dont les deux tiers peuvent être considérés comme prématurés. À dix-huit ans, quatre jeunes sur dix fument régulièrement.

Il faut donc poursuivre la prévention et freiner la consommation. En 2000, les ventes ont diminué de 1,4 %. Si la hausse des prix n'y est pas pour rien, le bénéfice de ces taxes doit aller à la santé publique...

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général - Tout à fait d'accord !

Mme Muguette Jacquaint - Or l'essentiel des recettes est destiné à financer les réformes d'exonérations de charges patronales. C'est inadmissible : nous ne pouvons concevoir que les fumeurs financent ces allégements. Nous déposerons donc plusieurs amendements.

La proportion des personnes souhaitant arrêter de fumer a pourtant augmenté ces huit dernières années. Quelles chances leur donnons-nous ? Sur l'année 2000, on estime à près d'un million le nombre de personnes ayant débuté un traitement de substitution nicotinique. Cette augmentation est liée pour l'essentiel à la mise en vente libre des produits de substitution. À cet égard, nous vous proposons d'inscrire dans la loi de financement le remboursement des produits de substitution les plus efficaces. Qu'il s'agisse du recours aux drogues illicites, de la santé mentale ou des souffrances psychiques, votre approche reste marquée par une sous-estimation des besoins. Le nombre de consultations psychiatriques explose, la dépression peut être qualifiée de mal de l'époque et le suicide reste la deuxième cause de mortalité pour les 15-34 ans - après les accidents de la route. La psychiatrie infantile et juvénile reste sous-dotée par rapport aux besoins. En résumé, votre budget pour 2003 ne contient rien de tangible en faveur du traitement des pathologies mentales.

Les grandes pathologies ne sont guère mieux traitées. Certes, des mesures tendant à combattre les cancers, les maladies cardio-vasculaires, l'hépatite C ou le sida sont bien annoncées mais qu'est devenu l'engagement de l'Etat de verser 150 millions à un fonds international de lutte contre le sida ? Sans doute s'est-il perdu au gré des tergiversations entre les ministères, cependant que la pandémie progresse au rythme de 10 000 morts par jour.

Les pathologies liées au vieillissement devraient être mieux prises en compte. Qu'attend-on - et ce n'est qu'un exemple parmi bien d'autres - pour rembourser l'ostéo-densitométrie, dont l'efficacité préventive n'est plus à démontrer ?

Nous ne trouvons de réponses à ces questions essentielles ni dans votre texte ni dans vos propos. C'est pourquoi il faut adopter notre question préalable.

Vous ne proposez rien de significatif pour améliorer la démographie médicale. Pourtant, toutes les professions de santé sont confrontées à un vieillissement préoccupant de leurs effectifs. En 1983, les moins de 35 ans y étaient largement majoritaires ; ils représentent aujourd'hui moins d'un tiers des effectifs. Et le renouvellement n'est plus assuré. Certes, le nombre de médecins a triplé en quarante ans mais les départs en retraite des générations de médecins des années 1970 ne seront pas compensés par les installations. Si les cessations d'activité se maintiennent à leur niveau présent et si le numerus clausus reste fixé à 4 700 étudiants par an, les effectifs accuseront une baisse sensible, passant de 196 000 à 189 000 médecins en 2010, puis 150 000 en 2020 - soit le niveau atteint au cours de la décennie 1980, environ 250 médecins pour 100 000 habitants. Est-ce un progrès ? Puis on reviendrait en 2030 à un nombre encore inférieur - environ 135 000 médecins.

Par contre, si le numerus clausus était porté à 7 000 étudiants par an dès 2003, les effectifs - après une période de diminution autour de 2025 - reviendraient à un niveau comparable à aujourd'hui en 2050. En l'amenant à 8 000 étudiants par an dès l'année prochaine, la densité médicale serait plus élevée en 2050, qu'elle ne l'est aujourd'hui. Quelle voie allez-vous privilégier ?

S'agissant des médecins spécialistes, l'effectif global a sensiblement progressé, mais avec de très grandes différences d'une spécialité à l'autre. Le nombre d'ophtalmologues et d'ORL a progressé de 2 % à 3 % mais il y a aujourd'hui moins d'anesthésistes-réanimateurs, moins de stomatologues - 24 % de baisse -, moins de gynécologues obstétriciens qu'en 1990. Allez-vous y remédier sachant que les besoins restent immenses ? Aux inégalités disciplinaires se greffent des disparités géographiques très marquées. Il faut s'en préoccuper sans plus tarder.

L'hôpital souffre d'une pénurie de personnel imputable pour l'essentiel au dogme selon lequel la réduction de l'offre allait entraîner mécaniquement une baisse des dépenses. C'est sur la foi de cette idée fausse que des dizaines d'écoles d'infirmières ont été fermées et que le numerus clausus reste inchangé depuis dix ans. Trop souvent, le manque de moyens a été avancé pour fermer des services.

La situation est aujourd'hui des plus préoccupantes. C'est l'accès aux soins et la qualité du service rendu à la population qui sont en jeu.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général - Merci de vous en apercevoir au bout de cinq ans !

Mme Muguette Jacquaint - Les trente-cinq heures sont difficiles à appliquer du fait du manque de personnel. Il manque au moins 15 000 infirmières. Les 24 000 départs à la retraite prévus à brève échéance ne seront pas compensés par l'arrivée de seulement 18 000 nouveaux diplômés. L'échelle des âges reste défavorable pour plusieurs années encore. D'ici 2015, 37 000 départs sont à prévoir pour seulement 26 000 arrivées. Il est urgent de relever les quotas dans les filières de formation, de rouvrir les écoles qui ont été fermées en dépit du bon sens, de recruter des formateurs - et nous défendrons un amendement à ce sujet -, de revaloriser la profession et d'inciter toujours plus de jeunes à devenir infirmiers. Ce n'est pas en rappelant des retraités dans des conditions mal définies que l'on réglera le problème. Face à l'enjeu, c'est un peu court !

Autre priorité de santé publique, augmenter sensiblement le nombre de professionnels en formation. Les mouvements qui ont eu lieu au cours des derniers mois dans toutes les catégories de personnel témoignent des difficultés rencontrées sur le terrain. La pénurie de personnel qualifié porte atteinte à la qualité de l'ensemble du système de soins et ouvre la voie à un système à plusieurs niveaux, otage d'un secteur privé auxquels seuls les plus favorisés pourront accéder. Dans le milieu hospitalier, la pénurie de personnel liée à l'application de la RTT sans moyens supplémentaires, compromet les conditions d'accueil des patients, pèse sur les conditions de travail du personnel et met en cause le service public. S'y ajoute l'attitude odieuse des assureurs qui refusent de prendre en charge les risques liés à la loi relative aux droits des malades.

Il est temps de rompre avec la logique des budgets trop tendus pour être tenables. Ne persistez pas dans l'erreur de fixer un ONDAM trop éloigné des besoins ! Vous l'avez vous-même reconnu - et je le constate tous les jours à l'hôpital de Saint-Denis ! Quel intérêt y a-t-il à fixer un ONDAM ayant vocation à être dépassé ? Son taux de progression - vous le déploriez naguère - ne repose sur aucune justification sanitaire. Dès lors, pourquoi poursuivre dans la voie de la sous-estimation des objectifs de dépense ? De l'avis des professionnels, un ONDAM d'au moins 6,1 % serait justifié. Ne peut-on faire l'économie d'un nouvel échec dans la prévision et d'un collectif budgétaire pour les dépenses sociales ?

Depuis plusieurs années, l'hôpital occupe le devant de la scène. Cet été, seul l'investissement du personnel a évité la rupture. Mais au prix de combien de sacrifices et de quel niveau de fatigue accumulée ? Vous ne pouvez plus reculer : il faut donner à l'hôpital les moyens dont il a besoin pour fonctionner correctement.

Plus de douze millions de personnes se présentent chaque année aux urgences et leur nombre ne cesse d'augmenter. La situation de ces services est très dégradée et d'aucuns critiquent, avec quelque facilité, l'attitude prétendument irresponsable de la population qui s'y présenterait pour le moindre « bobo ».

Il ne faut pas s'en étonner. La plupart des urgences graves sont en effet prises en charge par les SAMU, dont la qualité est mondialement reconnue mais dont la mise en place ces vingt dernières années a masqué la dégradation de la situation des urgences hospitalières. Celles-ci ont été trop longtemps négligées par les autorités sanitaires et délaissées par les médecins. Encore aujourd'hui, dans nombre d'établissements, les médecins des urgences sont des internes, c'est-à-dire des étudiants en formation, ou des praticiens étrangers, sous-payés bien que travaillant au-delà du raisonnable. Des engagements ont d'ailleurs été pris concernant l'intégration statutaire de ces médecins étrangers, ils doivent être tenus.

Vétusté des locaux, personnel médical et para-médical en nombre insuffisant, et donc toujours épuisé, manque de lits d'hospitalisation : tel est le triste tableau des conditions de travail aux urgences. Pourtant, deux cents services, public et privé confondus, sont dans le même temps supprimés. Dramatique incohérence ! Surtout quand les médecins généralistes ne veulent plus être disponibles 24 heures sur 24, ce qui se comprend aisément quand on sait la pénibilité de leur métier, surtout dans les zones urbaines sensibles. L'hôpital est le seul lieu de soins ouvert en permanence où chacun peut être accueilli, quels que soient son origine et ses moyens.

Nous pouvons être fiers de notre système public hospitalier mais il nous faut le défendre, et non l'affaiblir. Nous y veillerons. Il est bien normal que même pour un « bobo », on préfère aller aux urgences, s'évitant ainsi une consultation chez le généraliste, lequel prescrira une radio ou des analyses qu'il faudra aller faire ailleurs avant de retourner le voir pour qu'il mette en route le traitement alors qu'à l'hôpital, les soins sont plus rapides, mieux coordonnés et moins coûteux pour le patient. L'hôpital est en outre souvent le dernier recours pour les personnes en détresse sociale.

Les malades continueront donc nombreux à venir à l'hôpital car l'urgence, c'est d'abord la détresse ressentie, qu'il s'agisse d'un bobo ou d'une urgence vitale... S'il faut éviter les abus, au demeurant marginaux, il importe de préserver la vocation de l'hôpital à accueillir tous les malades qui s'y présentent. C'est pourquoi nous ne pouvons accepter que 100 000 lits aient fermé depuis 1980, et encore 10 000 en 2001, malgré les signaux d'alerte. Des évolutions étaient certes nécessaires, du fait notamment des progrès de la médecine. Mais l'objectif n'a malheureusement été que de freiner les dépenses en réduisant l'offre de soins. On est allé si loin dans le cas des maternités que même les plus optimistes s'inquiètent, le spectre de la situation anglaise n'étant plus très loin. Ainsi en Seine-Saint-Denis, un tiers des lits de maternité ont été fermés depuis dix ans, alors que la natalité est restée stable, et les fermetures continuent quand le nombre de naissances repart à la hausse depuis trois ans !

L'instauration du budget global dans les hôpitaux, au début des années 1980 a conduit à un contrôle a priori des dépenses sans prise en compte de l'évolution des besoins. Un directeur d'hôpital a ainsi dû récemment refuser une greffe cardiaque, son budget transplantations étant épuisé. Heureusement, une solution a pu être trouvée dans ce cas précis, mais il n'en va pas toujours de même pour des problèmes moins médiatiques. Les établissements ont de plus en plus de mal à équilibrer leur budget, voilà bien la triste réalité.

La situation est tout aussi dramatique pour les investissements. Les locaux sont de plus en plus vétustes faute des travaux nécessaires, le matériel est souvent à bout de souffle. Le retard est tel que vous-même, Monsieur le ministre, avez dû reconnaître la nécessité d'un plan de rattrapage, auquel vous consacrerez 300 millions d'euros -on est loin des sept milliards promis par le Président de la République sur cinq ans ! S'y ajoutera un financement obscur d'un million d'euros pouvant provenir du privé, à l'instar de ce qui est prévu pour les prisons. Nous sommes extrêmement réservés sur cette disposition qui risque de livrer le secteur hospitalier public aux mains de financeurs privés à la vision mercantile.

Nous préférerions, pour notre part, que les hôpitaux soient exonérés de la taxe sur les salaires et de la TVA sur la restauration de leurs locaux, lesquelles représentent cinq milliards d'euros par an, soit 10 % du budget des établissements si l'on ajoute les 763 millions de surcompensation à la CNRACL. Notre proposition en ce sens, lors de l'examen du projet de loi de finances, a été repoussée de manière lapidaire. Tenterez-vous de convaincre le ministre de finances d'ici la seconde lecture ?

Il faut mettre un terme à la spirale infernale qui s'est enclenchée. La fermeture des hôpitaux de proximité, qui accueillaient notamment les urgences les moins graves, a été une erreur, provoquant l'engorgement des grands hôpitaux. Et l'on parle maintenant de créer des « maisons médicales » pour accueillir les urgences en soirée et le week-end ! Il faut évaluer les besoins par bassin de vie, département et région, et surtout associer la population à cette évaluation, de façon qu'elle ne soit pas mise devant le fait accompli comme c'est le cas aujourd'hui lors des fermetures. Il faudra prendre en compte aussi les nouveaux besoins nés du vieillissement de la population.

Mais il ne suffit pas de disposer de locaux et de lits. Il faut d'urgence former des professionnels de santé qualifiés en nombre suffisant. Il faudrait prévoir 40 000 places par an dans les écoles d'infirmières et 9000 dans les facultés de médecine. La pénurie est également criante pour les aides-soignantes : 20 % de l'effectif actuel partiront en retraite dans les cinq années à venir. Dans le secteur privé non lucratif aussi, les besoins sont considérables. Or, sur tous ces points, votre texte n'apporte aucune réponse.

Pour attirer les personnels vers ces métiers, il conviendrait de revaloriser les salaires, d'améliorer les gestions des carrières, en organisant des parcours qualifiants, de prévoir des primes d'installation et de recrutement, des aides au logement... Nous serons vigilants sur les engagements que vous prendrez à ce sujet.

En un mot, comme nous n'avons cessé de le dire, il faut en finir avec une vision comptable des dépenses de santé. Celles-ci sont des dépenses utiles, auxquelles nos concitoyens sont attachés. Malheureusement, vous ne le prenez pas assez en compte, voire pas du tout. J'en veux pour preuve la campagne de stigmatisation des professionnels de santé coupables de trop prescrire, et des assurés sociaux coupables de trop consommer. C'est, hélas, plus facile que de s'attaquer aux causes de la surconsommation de médicaments, comme les conditions de vie et de travail qui conduisent tant de nos concitoyens à prendre des psychotropes ; que de « mettre sur le gril » la politique du médicament, laquelle brille surtout par son opacité ou de remettre en question la toute-puissance des laboratoires depuis l'expert qui se prononce sur l'autorisation de mise sur le marché jusqu'au consommateur, assailli de publicités, en passant par les médecins sous l'influence des visiteurs médicaux. C'est plus facile, enfin, que de trouver de nouveaux moyens de financement garantissant le maintien d'une protection sociale solidaire.

Pour nous, nous ne nous contenterons pas de prendre acte du déficit et d'essayer de le stabiliser. Les recettes doivent être augmentées et prises là où les richesses sont créées, c'est-à-dire dans les entreprises.

Or, si en 1990 les ressources provenaient à 70,8 % des cotisations et à 2,8 % des impôts et taxes, en 2001, on en est à 56,7 et 16,7 respectivement. C'est plus de recettes qu'il faut, et non pas moins de dépenses. Il faut chercher de nouveaux financements mieux adaptés aux réalités. Nous ne pouvons pas accepter que les impôts et taxes représentent un cinquième des ressources hors transferts de la protection sociale.

Cette évolution est liée à la modification des circuits de financement et aux exonérations de cotisations prévues dans le cadre du FOREC auquel nous nous opposons car nous sommes pour la réduction du temps de travail mais contre la façon dont elle a été financée.

MM. Jacques Barrot et René Couanau - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - Jusqu'en 1999, les compensations d'exonérations de charges étaient exclusivement le fait de l'Etat et étaient retracées sous forme de transferts aux régimes de sécurité sociale. Avec le FOREC, elles sont essentiellement financées par des recettes fiscales spécifiques qui atteignaient 13,7 milliards en 2001. La part des impôts et taxes affectés au financement de la protection sociale dans le PIB est ainsi passée de 5,1 % en 1999 à 5,7 % en 2000 et à 6 % en 2001. Les cotisations ont vu leur part diminuer de plus de 8 points depuis 1995. La part des impôts et taxes est, elle, passée de 3,5 % en 1990 à 19,6 % aujourd'hui. En contrepartie, l'Etat a réduit d'autant sa propre contribution. Par ailleurs, l'évolution des cotisations est fortement dépendante de celle de la masse salariale. Ces dix dernières années, elle a aussi été le reflet de la volonté de réduire le coût du travail pour certaines catégories d'emplois.

Le déficit de la sécurité sociale s'est également aggravé par la course effrénée aux exonérations de charges. En 2000, la part des cotisations employeurs a été réduite de 0,4 %, les exonérations dépassant 5,3 milliards. De 1995 à 2000, le montant des exonérations compensées a été multiplié par 2,7, tandis que celui des exonérations non compensées augmentait, de 1944 à aujourd'hui, de 29 %, cependant que le financement public a fortement progressé.

Les droits sur les tabacs sont au premier rang dans ce financement. Sept milliards ont été destinés au FOREC en 2001. Vous vous inscrivez dans cette logique puisque vous allez augmenter ce prélèvement de 300 millions. C'est inacceptable car les besoins en termes de prévention et de substitution sont considérables.

A cette logique d'allégements des charges patronales qui n'ont pas porté leurs fruits en termes d'emploi, qui sont de vrais cadeaux au patronat, qui mettent en péril l'équilibre de la sécurité sociale comme la satisfaction des besoins et le fonctionnement de nos hôpitaux, nous opposons une autre logique : la bonification de crédits et la modulation des cotisations, associées à une taxation des revenus financiers.

La bonification de crédits vise à éteindre progressivement les dispositifs d'allégement des cotisations sociales employeurs sur les bas salaires engagés par la loi quinquennale d'Edouard Balladur, poursuivie avec la ristourne Juppé et les trente-cinq heures Aubry 2. Il s'agit aussi de promouvoir, à l'occasion d'une réduction du temps de travail, un nouveau dispositif d'incitation par l'allégement des charges financières en contrepartie de créations effectives d'emplois et de formations à des emplois plus qualifiés. Les négociations d'entreprise permettront de choisir entre ces deux allégements.

Au-delà de son efficacité pour l'emploi et pour les fonds publics, ce dispositif favoriserait la croissance. Contrairement aux exonérations dégressives de charges sociales patronales qui poussent à la généralisation des bas salaires ; contrairement à une baisse des cotisations sociales patronales dont on a pu mesurer l'inefficacité pour l'emploi et pour la formation ainsi que les effets contre-productifs pour les salaires et les comptes de la sécurité sociale, il n'inciterait pas à la déflation salariale et favoriserait une relance de la demande des ménages, pilier de la croissance. La relance de l'investissement serait également enclenchée grâce aux bonifications sélectives de crédits pour l'investissement ou la formation. Cela relancerait la demande des entreprises, aujourd'hui en panne.

Une telle disposition commencerait à orienter le système d'incitation de l'Etat et la distribution du crédit par les banques dans un sens plus favorable à l'emploi et à la formation. Êtes-vous prêts à engager une étude et à envisager son application ?

En ce qui concerne la modulation de la cotisation, une refonte du financement en prise sur le développement de l'emploi, de la croissance, des ressources humaines est indispensable pour assurer de façon pérenne de nouvelles ressources pour la protection sociale. Il s'agit de remettre en cause la fuite en avant dans les exonérations de cotisations patronales liées à la hausse des prélèvements sur les ménages. Ces exonérations tirent vers le bas l'ensemble des salaires ; elles déresponsabilisent les entreprises et privent la sécurité sociale de moyens de financement importants.

Il faut au contraire articuler le financement de la protection sociale et l'entreprise, lieu de création des richesses. Cela implique de réformer l'assiette des cotisations patronales dont la répartition actuelle fait que, plus une entreprise embauche et accroît les salaires, plus elle paye de cotisations, alors qu'une entreprise qui licencie et privilégie les placements financiers, comprime la part des salaires dans la valeur ajoutée et paye de moins en moins de cotisations. Ainsi, la part de charges sociales dans la valeur ajoutée des entreprises de main-d'_uvre, notamment du BTP, est double de celle des institutions financières, des banques, des compagnies d'assurance. Il s'agit donc bien de corriger ces effets pervers de l'assiette actuelle, l'objectif étant de lier financement de la protection sociale et croissance réelle, emploi, développement des salaires et de la formation, afin de garantir des ressources suffisantes pour faire face aux besoins nouveaux.

On pourrait moduler le taux de cotisation en fonction d'un rapport masse salariale/valeur ajoutée, de sorte que les entreprises qui limitent les salaires et licencient soient assujetties à des taux plus lourds. Inversement, les entreprises qui développent l'emploi, les salaires, la formation, seraient assujetties à des taux plus bas, afin d'inciter au développement de la croissance réelle, de l'emploi et des salaires et de dissuader le recours aux licenciements.

Nous proposons enfin de taxer les revenus financiers des grandes entreprises qui échappent à toute contribution sociale. Si les revenus financiers des particuliers sont bien mis à contribution, ceux des entreprises restent un tabou. Cela doit cesser, surtout quand on voit les richesses qui se consument au gré des aléas de la bourse. Car ce sont encore les salariés, les chômeurs et les précaires qui en font les frais.

Nous voulons inverser la tendance. Le prélèvement que nous proposons ne frapperait pas toutes les entreprises, mais seulement celles qui préfèrent les placements financiers aux investissements productifs. Cela rapporterait près de quatre milliards à la sécurité sociale tout en soutenant l'investissement et l'emploi.

L'absence de recettes nouvelles conduira à une nouvelle restriction inconsidérée des dépenses. Faute de bien mesurer la situation de notre système de santé, vous jouez sur les variables d'ajustement - ce qui est d'autant moins raisonnable que c'est la politique du médicament qui devient cette variable.

Même présentée comme transitoire, l'une des mesures phares de votre projet vise à faire supporter au médicament la réduction du déficit de la sécurité sociale. En trois ans, vous comptez supprimer le remboursement de 835 médicaments, auxquels vous accordez l'étiquette « service médical rendu insuffisant ». Quant aux médicaments de marque, s'ils disposent d'un équivalent générique, leur remboursement ne se fera plus que sur la base de ce dernier : assez d'hypocrisie !

Ces décisions feront peser tout le poids des économies sur les assurés car les médicaments visés ne seront pas retirés du circuit et nombre de médecins continueront de les prescrire. On peut donc s'attendre à une aggravation des inégalités devant l'accès aux soins qui passe encore largement par l'accès aux médicaments.

Ces mesures s'inscrivent dans le droit fil de précédents déremboursements de produits portant la fameuse vignette bleue, au motif qu'ils n'apporteraient que du confort et qui continuent pourtant d'apparaître sur les ordonnances. Les médecins le savent, s'il est destiné avant tout à guérir, un médicament présente aussi l'avantage de soulager. Les pouvoirs publics l'admettent d'ailleurs implicitement puisqu'ils n'ont pas retiré l'autorisation de mise sur le marché à ces produits. Or, si une molécule ne justifie plus son efficacité thérapeutique, pourquoi la maintenir en vente sous le label médicament ? Pourquoi laisser les laboratoires continuer à la commercialiser à grand renfort de publicité ?

Monsieur le ministre, soit un médicament est efficace et il doit être remboursé, soit il n'a pas d'effet et il doit être retiré du circuit.

Nous avons déposé un amendement visant à empêcher la dérive des prix de vente. Certains médicaments très utiles - les produits contre les dysfonctionnements érectiles, dont le remboursement a été préconisé par le comité national consultatif d'éthique, les médicaments de substitution au tabac, les produits amaigrissants pour les personnes obèses ou la pilule de troisième génération - ne sont pas remboursés, soit que les laboratoires n'en aient pas fait la demande, soit que le Gouvernement ait refusé de les inscrire sur la liste des médicaments remboursables. Le prix est donc libre. Il s'établit souvent à un niveau trop élevé pour les personnes ne disposant que d'un faible revenu. C'est ici que commence la médecine à deux vitesses. L'accès aux soins doit être le même pour tous. Nous avons donc déposé un amendement visant à rendre obligatoire le dépôt d'une demande de remboursement pour tout produit ayant fait l'objet d'autorisation de mise sur le marché. Le Gouvernement devra jouer tout son rôle à l'issue de la procédure, il devra donner rapidement son aval à l'inscription du produit sur la liste des médicaments remboursables.

C'est une question de santé publique, qui doit être prise avec sérieux.

Oui à un meilleur développement du générique, oui au générique, oui à la recherche et à l'innovation, à condition que les médicaments soient accessibles à tous les malades. Non à l'utilisation du médicament comme variable d'ajustement, non à la recherche de profit sans aucune déontologie.

Il n'y a pas d'autre issue que de rechercher de nouveaux financements, ce que votre projet ignore.

Maxime Gremetz interviendra plus longuement sur les retraites. Permettez-moi de rappeler certains principes. L'avenir de notre système de retraite constitue un enjeu fondamental pour notre société. Il s'agit de savoir si nous voulons consolider un système reposant sur la solidarité entre les générations ou si nous voulons développer l'individualisme par la capitalisation et les fonds de pension.

Les parlementaires communistes ont choisi la première voie. Nous pensons que notre système par répartition est juste et a atteint ses objectifs, même s'il faut le consolider et renforcer son financement.

Nous entendons garantir la pérennité de nos régimes par répartition, dans la concertation et dans le souci de l'équité entre les générations, sans remettre en cause les régimes spéciaux.

Nous ne pouvons être favorables à un allongement de la durée de cotisation, comme le demande le Medef. Ce serait un recul de civilisation. D'ailleurs, les Français n'en veulent pas. Au contraire, ils souhaitent abaisser l'âge du départ en retraite. A ce sujet, nous avons déposé un amendement visant à accorder le droit à la retraite dès les quarante années de cotisations validées, sans attendre l'âge de soixante ans.

Le recours à la capitalisation n'est pas une solution. D'ailleurs, les partisans des fonds de pensions s'alarment des dangers qui guettent les régimes spéciaux si on ne les aligne pas sur le privé. Or, les régimes publics sont ceux qui ont eu recours à une forme de fonds de pensions. On voit que la capitalisation met en péril les salariés. D'autre part, les fonds de pension freinent l'investissement productif et nuisent à la création d'emploi.

Enfin, nous jugeons utile que le Gouvernement poursuive la concertation avec les partenaires sociaux. Il faut écouter et entendre, c'est à cette condition que la concertation est efficace.

Pour l'avenir de notre système de retraite, nous défendrons nos propositions, comme l'indexation des pensions de retraite sur les salaires, le calcul sur les dix meilleurs années, l'ouverture du droit à la retraite dès 37,5 années de cotisation et à l'âge de cinquante-cinq ans pour les salariés ayant effectué des travaux pénibles. En outre, il faudrait prendre en compte les années d'apprentissage, voire les années d'études universitaires.

Le système par répartition est le plus juste, car il repose sur le travail des générations actuelles et à venir. On nous parle d'une catastrophe en 2040.

M. Bernard Accoyer - Ce sera bien plus tôt !

Mme Muguette Jacquaint - Mais c'est dès maintenant qu'il faut revoir le financement des retraites et taxer les revenus financiers des entreprises. Une modulation des cotisations patronales, en outre, en favorisant l'emploi, créerait de nouveaux cotisants.

Pour la branche famille, votre projet manque singulièrement d'ambition. Certes, vous créez une allocation pour les familles de trois enfants quand le dernier atteint l'âge de vingt ans. Mais pour le reste, tout est renvoyé à la conférence sur la famille. Or, des mesures peuvent être prises dès maintenant en nous appuyant sur l'excédent de la branche, qu'il s'agisse des allocations dès le premier enfant, de l'augmentation du nombre de places dans les crèches, de la garde des jeunes enfants, de l'autonomie des jeunes, ou de l'indexation des pensions sur l'évolution des salaires. Quelles sont vos propositions en la matière ?

Certaines associations familiales, comme nous, regrettent que le Gouvernement ait consacré moins de moyens pour aider les familles dans leur rôle éducatif que pour les mesures répressives. En outre, elles déplorent que la réduction d'impôt pour l'emploi d'une personne à domicile ne concerne qu'une catégorie de population. Seules les familles disposant d'un revenu mensuel supérieur à 5 000 € pourront bénéficier de cette mesure. Les familles populaires font rarement appel à des emplois à domicile. Elles auraient apprécié que le Gouvernement les aide à accéder à cette formule.

J'en arrive enfin à la branche accidents du travail. Vous achevez la séparation des branches, dans la continuité des ordonnances de 1967 et de la loi Veil. Les administrateurs seront désignés par les partenaires sociaux, ce qui permettra le retour du Medef, au détriment des droits des salariés, alors que dans le même temps cette organisation a choisi la politique de la chaise vide au conseil d'administration de la CNAM.

En outre, le rapport annexé prévoit la stabilisation du taux de cotisation, alors que le nombre des accidents et des cas de maladie augmentent. Une fois de plus, c'est la prévention des risques professionnels et l'indemnisation des victimes qui en pâtira. Nous avons rencontré les associations et avons accepté de présenter les amendements qu'elles vous proposaient en vue d'améliorer les indemnisations. Nous souhaitons qu'elles soient entendues.

Après la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le rapport du professeur Masse relatif à la réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles, le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de la branche et le rapport de M. Yahiel, le moment est venu de réformer le système d'indemnisation des victimes du travail pour garantir une réparation intégrale de tous leurs préjudices. La récente jurisprudence de la Cour de cassation du 28 février 2002 va d'ailleurs dans ce sens.

Nous condamnons l'attitude du Medef qui exerce des pressions sur les organisations syndicales et sur le Gouvernement pour imposer ses conditions. Sans doute attend-il le moment favorable pour faire triompher sa logique assurantielle dans le domaine de la protection sociale.

La concertation sur le devenir de la sécurité sociale, nous la demandons depuis longtemps. Mais nous n'imaginons pas qu'elle puisse se faire sur les bases voulues par le Medef. Nous considérons qu'une concertation s'impose pour sortir de la crise que traverse la sécurité sociale. Celle-ci est due en grande partie à la politique comptable conduite dès le début des années 1990 et qui, avec les ordonnances Juppé, a pris de l'ampleur en 1996.

Cette logique a exacerbé les tensions et cause des conflits entre la sécurité sociale et l'Etat. Elle a mis en lumière les limites d'une gestion paritaire qui fait la part belle au patronat.

Notre système de sécurité sociale a évolué sur des bases professionnelles, montrant ainsi que l'universalité des droits n'était pas incompatible avec l'existence, profondément ancrée dans l'histoire de notre pays, de régimes professionnels différenciés et maîtrisés par les intéressés eux-mêmes.

Partant de l'originalité de notre système, nous nous prononçons résolument pour une sécurité sociale fondée sur la solidarité et l'égalité. Nous rejetons par avance toute conception a minima de la solidarité qui nous conduirait tout droit à l'étatisation de la sécurité sociale et à sa privatisation, qui ne seraient pas contradictoires mais complémentaires. La sécurité sociale doit être encore plus solidaire. Elle doit ouvrir à tous l'accès à des soins de qualité. Nous nous plaçons donc dans une optique de progrès social.

Nous voulons une sécurité sociale plus solidaire, fondée sur l'égalité des droits et gérée démocratiquement. Le champ du social souffre d'un grave déficit démocratique. Dans les domaines de l'action sanitaire et sociale et de la protection sociale, les conditions du débat ont été progressivement remises en cause. Les assurés sociaux ont été mis à l'écart des choix qui déterminent leur couverture sociale et sa gestion.

Quant à la démocratisation de la sécurité sociale, il convient de réunir toutes les conditions permettant aux assurés sociaux de se réapproprier la sécurité sociale, qu'il s'agisse de leur participation aux décisions, du retour à l'élection de leurs représentants, parmi des candidats proposés par les organisations syndicales, de l'attribution des droits et moyens nécessaires au mandat des administrateurs, ou de la nécessité de revoir la composition des conseils d'administration. Les administrateurs salariés doivent redevenir majoritaires.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d'adopter notre question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - J'ai suivi avec attention votre exposé, qui traduit, sur nombre d'aspects, une vision plutôt positive, et je comprends que vous n'ayez pas voté, l'an dernier, le projet de financement de la sécurité sociale pour 2002.

M. Jean Glavany - C'est vraiment une remarque politicienne !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Au-delà du discours classique sur la taxation des grandes entreprises, des cotisations patronales, et on n'a pas parlé de Mme Bettencourt, Monsieur Gremetz...

M. le Président - N'interpellez pas M. Gremetz, on ne sait jamais comment cela peut se terminer ! (Sourires)

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Vous ne partagez pas notre point de vue sur le problème du remboursement des médicaments, ni sur la fermeture de certaines structures de soins ; vous vous prononcez contre les maisons médicales d'urgence, alors que c'est un progrès au dire même de nombreux praticiens et patients ; vous adoptez le discours « plus de recettes pour plus de dépenses », mais hormis cela, vous saluez la création de la sécurité sociale, et par là même rendez hommage au général de Gaulle...

M. Maxime Gremetz - Il n'était pas tout seul !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - J'en conviens.

Madame Jacquaint, quand vous évoquez la dégradation de notre système de santé, l'indispensable accès égal de tous aux soins, lorsque vous parlez de la démographie médicale, du numerus clausus, de la nécessité de sensibiliser par le dialogue les médecins au problème des prescriptions trop onéreuses, de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux...

Mme Muguette Jacquaint - Je suis favorable à la réduction du temps de travail !

M. le Président de la commission - Mais vous n'appréciez la manière dont elle a été appliquée.

S'agissant de l'industrie pharmaceutique, à tire personnel, j'ai coordonné les premiers essais de médicaments destinés à traiter les dysfonctionnements des fonctions sexuelles et qui sont remboursés en France pour des indications précises.

Quoi qu'il en soit, sur bien des points, nos vues convergent à 80 %...

Mme Muguette Jacquaint - Vous allez donc voter 80 % de nos amendements.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - ... Je ne comprends donc pas pourquoi vous appelez à voter cette question préalable.

M. le Président - J'ai cru un instant, Monsieur le Président, que vous alliez voter cette question préalable (Sourires).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Avant le vote, je voudrais répondre aux intervenants. C'est M. Jacob qui répondra à Mme Clergeau et à M. Dubernard, au terme de la discussion générale. C'est M. François Fillon ou M. le ministre délégué qui répondra à M. Jacquat.

Monsieur Bur, j'ai beaucoup apprécié votre intervention. Vous soulignez à juste titre le creusement de l'écart entre le PIB et l'ONDAM. Une réforme visant à renforcer le rôle du Parlement dans l'accompagnement des politiques de santé est, à ce titre, nécessaire. L'ONDAM doit être davantage médicalisé. Des progrès ont été accomplis dès cette année, mais il faut faire encore beaucoup mieux.

Monsieur Goulard, vous vous interrogez à raison sur l'inclusion de la CADES dans le champ de la loi de financement, sur la spécificité de chaque branche, sur la réduction du temps de travail qui représente un coût et un manque à gagner, sur l'augmentation - 16 % - de l'indemnité journalière. Des contrôles ont commencé d'être effectués dans ce domaine.

Monsieur Evin, je vous remercie d'avoir usé d'un ton mesuré, sans doute parce que vous savez combien il est difficile de mener de front une politique de santé et une politique de sécurité sociale. Vous revendiquez la création du fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante, la RTT dans les hôpitaux, l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, sans préciser qu'aucun financement n'était prévu, et que la charge en incombe au gouvernement suivant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) S'agissant de l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, c'est un choix que je n'ai pas approuvé mais j'ai estimé de mon devoir d'assurer la continuité de l'Etat. Vous vous êtes interrogés sur la responsabilité, notion pourtant déjà évoquée par Jacques Barrot et Simone Veil, en craignant qu'elle ne pèse que sur les seuls assurés sociaux. Parmi les quatre partenaires, l'Etat, les gestionnaires, les professionnels de santé et les patients, il me semblait que c'était au contraire la responsabilisation de ces derniers qui pêchait. Vous vous arc-boutez sur le générique et la visite, mais la société n'a pas à payer le déplacement d'un médecin quand le malade pouvait se rendre lui-même au cabinet, et, concernant le générique, il est nécessaire de faire des économies quand on manque d'argent.

M. Maxime Gremetz - Les riches pourront choisir, pas les autres !

M. le Ministre de la santé - Ceux qui prendront des génériques ne seront pas plus mal soignés. Tous vos arguments selon lesquels le forfait génériques tuerait la confiance mise dans les engagements des médecins à prescrire des génériques sont infondés. Le princeps n'a aucun intérêt à s'aligner sur le générique, car il est intéressé par le marché à l'exportation. Il n'y a là aucune atteinte ni à la solidarité, ni à la liberté des patients (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Enfin, pour ce qui est du rapprochement que vous avez fait entre l'espace de liberté tarifaire et le secteur II, vous savez qu'il n'appartient ni au ministre ni au Gouvernement de faire des choix qui relèvent de la politique conventionnelle. La discussion doit avoir lieu entre les professionnels de santé et les organismes de sécurité sociale. En revanche, je suis toujours opposé à la généralisation du secteur II, car il peut y avoir une atteinte à l'égalité dans l'accès aux soins. Du reste, durant le dernier quinquennat, l'obligation par les médecins du secteur II de dispenser 30 % de leurs actes au tarif conventionnel a curieusement disparu.

Pour ma part, je n'entends pas étendre le secteur II en l'état.

Les médecins auront un an pour faire leurs preuves sur la prescription de génériques, puisque le forfait, s'il est voté, n'entrera en vigueur que le 1er juillet prochain. Leur responsabilité sera engagée au travers de la formation médicale continue et de l'évaluation. Telle est notre stratégie : donnant donnant, gagnant gagnant.

Vous m'avez brocardé pour avoir parlé du premier ONDAM réaliste. Plutôt que de procéder à un calcul budgétaire, j'ai préféré, compte tenu de l'écart de trois points observé cette année entre l'objectif et la réalité, rattraper la tendance tout en prévoyant des économies.

M. Jean-Marie Le Guen - Lesquelles ?

M. le Ministre de la santé - Ne me faites pas croire que vous n'avez pas lu le texte !

Comment réguler le système ? Vous avez émis des doutes sur la tarification à l'activité, mais le gouvernement précédent savait que cette piste était bonne puisqu'il avait confié un rapport sur le sujet à M. Marrot. Nous avons assez de divergences politiques pour ne pas nous opposer sur des stratégies qui nous paraissent à tous de bon sens, qu'il s'agisse des médicaments à service médical rendu - SMR - insuffisant ou de la tarification à l'activité. Grâce au rapport de M. Marrot, nous pouvons en lancer l'expérimentation dès 2003 et en envisager la généralisation dès 2004. Ne cédez pas à la caricature en prétendant que je veux aligner l'hôpital de Marseille sur celui de Nantes ! Ce n'est pas cette méthode totalitaire que j'entends appliquer (Rires sur les bancs du groupe socialiste) ! Je veux simplement montrer à ceux qui gèrent moins bien qu'il est possible de gérer mieux. Rien ne se fera brutalement. Mais permettez-moi de penser qu'il y a des hôpitaux mieux dirigés et des conseils d'administration plus efficaces que d'autres ! Or, nous avons le devoir d'obtenir la meilleure gestion possible pour le même résultat.

Monsieur Evin, vous m'avez taquiné sur la CADES en me reprochant d'y avoir recours. Je vous rappelle que le gouvernement socialiste lui a fait reprendre 87 milliards de francs - soit 13,2 milliards d'euros - de dettes du régime général tout en prolongeant de cinq ans sa durée de vie, donc la perception de la CRDS. Vous avez repoussé la date d'échéance de janvier 2009 à janvier 2014 ! Nous utilisons quant à nous la CADES sans modification !

M. Pascal Terrasse - Avec quels excédents ?

M. le Ministre de la santé - Nous en faisons donc un bon usage...

M. Pascal Terrasse - Grâce à qui ?

M. le Ministre de la santé - ...alors que vous l'aviez utilisée de manière circonstancielle.

Vous avez relevé ce qui n'était pas dans le PLFSS. A mon tour de souligner ce qui ne figurait pas dans votre intervention. Permettez-moi de vous dire que vous êtes un enfant gâté de la croissance !

M. Jean Glavany - Il ne faut pas la casser !

M. le Ministre de la santé - Vous avez bénéficié de cinq années de croissance, mais le déficit était estimé à 2,4 milliards en juin, chiffres à comparer aux 2,6 milliards de prélèvements et détournements de recettes que vous avez opérés au profit de la réduction du temps de travail ! Si ce déficit s'est creusé de 900 millions d'euros entre juin et septembre, c'est parce que j'ai honoré tous les engagements pris envers toute une série de professions par le gouvernement précédent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) pour 400 millions d'euros ! Je l'assume, mais je vous donne les chiffres ! L'été a vu la masse salariale diminuer de 0,2 %, soit un manque à gagner de 300 millions d'euros. Enfin, l'augmentation des tarifs des généralistes - en principe financée par celle des génériques - représente 230 millions d'euros. Et je pourrais allonger la liste !

Vous déplorez l'absence de réformes de structures. Mais celles-ci sont plus aisées lorsqu'on a de l'argent et des excédents qu'en période de difficultés économiques ! Je n'accepterai donc aucune critique sur ce terrain et vous renverrai chaque fois à la même question : pourquoi cela n'a-t-il pas été fait en période d'excédents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Le Guen - De la part des enfants du plan Juppé, c'est un peu fort !

M. le Ministre de la santé - La structure globale de l'assurance-maladie est la suivante : 50 % pour l'hôpital et 50 % pour l'ambulatoire, dont la moitié pour les professionnels de santé et la moitié pour le médicament. J'entends dire qu'il faut maintenir le remboursement des médicaments, payer le personnel et appliquer la réduction du temps de travail. Bien sûr. Mais comment honorer en même temps tous ces engagements du précédent gouvernement

M. Pascal Terrasse - En réformant les cotisation sociales !

M. le Ministre de la santé - Point n'est besoin de dramatiser la situation : elle est déjà assez difficile. Mais mon intention est claire. S'il était de mon devoir, lorsque je siégeais dans l'opposition, d'évoquer des solutions alternatives devant les difficultés que connaissait la sécurité sociale, je reconnais volontiers aujourd'hui que la concurrence n'a pas donné les résultats escomptés en Suisse ou aux Pays-Bas. Ce n'est donc pas la voie à suivre, et l'objectif du Gouvernement est de sauvegarder le système de sécurité sociale solidaire et juste de 1946. Mais les difficultés sont réelles. Je vous remercie, Madame Jacquaint, de les avoir énumérées...

Mme Muguette Jacquaint - Ah !

M. le Ministre de la santé - ... car, ce faisant, vous avez instruit le procès du précédent gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je ne vois pas comment, en six mois, j'aurais pu assumer la responsabilité à la fois de l'hôpital détérioré, de la démographie médicale et de la dérive des urgences ! Vous avez d'ailleurs allègrement confondu tout au long de votre intervention ce qui relève de l'Etat et ce qui relève de l'assurance-maladie. En évoquant la prévention, la santé publique, le dépistage, vous avez mis le doigt sur l'ambiguïté de ce partage des rôles. Nous entendons le préciser : oui, l'assurance-maladie est responsable des soins ambulatoires et hospitaliers, mais c'est de l'Etat que doit relever la politique de santé publique. Les problèmes de la nutrition et de la sexualité méritent évidemment d'être abordés dans la loi de programmation quinquennale sur la santé publique, mais ils ne sont pas l'objet du présent texte.

Vous vous interrogez sur les champs de compétences respectifs du régime obligatoire et du régime complémentaire. Prenons l'exemple de ce médicament que vous avez cité qui dope les fonctions érectiles. Si l'on peut s'interroger sur sa prise en charge par la solidarité nationale pour des pathologies cardio-vasculaires ou diabétiques, il n'en va pas de même pour les manques de forme et autres baisses de tonus ! Il revient dans ces cas-là à chacun d'assumer sa vie et ses choix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! Je pourrais encore parler de la démographie médicale, ou de l'hôpital - auquel je rends hommage. A ceux qui me croient un tenant de la libéralisation et de la privatisation, je rappelle que j'ai servi le seul hôpital public pendant trente ans, et que j'en suis fier ! Je veux remettre le secteur public à la hauteur de sa tâche et de ses devoirs. Mais tout reste à faire pour le relever ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mais ne croyez pas que nous ne prêterons attention qu'à l'hôpital public. Il se fait en hospitalisation privée des choses merveilleuses. Le privé fait parfois mieux et à moindre coût ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Nous voulons que les secteurs public et privé travaillent ensemble au bénéfice de nos concitoyens. Il ne sert à rien de les opposer ! C'est pourquoi nous irons plus loin dans la fongibilité des enveloppes et dans la coordination de l'offre. Nous voulons y parvenir avec tous, sans dogmatisme, sans idéologie, en reprenant le cas échéant ce que les majorités précédentes ont fait de bien... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Ce qui est bon, nous le gardons, le mauvais, nous l'enterrons ! (« Quel philosophe ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Personne ne peut dire que le système est au mieux de sa forme, que les professionnels y sont heureux ! Vous avez fait part, Madame Jacquaint, de vos inquiétudes quant au risque d'installation d'une médecine à deux vitesses. Mais c'est précisément la pénurie qui génère les systèmes à plusieurs niveaux où celui qui a des copains bien placés ou qui peut verser des dessous de table est mieux traité. Cela, nous n'en voulons pas et croyez bien que nous ferons tout pour maintenir un système cohérent, dispensant à tous une médecine de qualité (Applaudissements bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Sur la question préalable, nous en venons aux explications de vote.

M. Jacques Barrot - Madame Jacquaint, c'est précisément parce que nous prenons votre réquisitoire au sérieux que nous ne voterons pas la question préalable : il y a urgence et il faut se mettre à l'ouvrage sans plus attendre ! En évoquant les risques majeurs qui menacent le système, vous avez éveillé notre nostalgie. Nostalgie car les cinq dernières années ont été gâchées, l'assurance-maladie apparaissant vraiment dépourvue de pilote. Des programmes de soins coordonnés non financés aux retards dans l'imagerie médicale en passant par l'application brutale et improvisée des trente-cinq heures à l'hôpital, rarement une politique aura été aussi chaotique. Et le paradoxe est que cette action a coïncidé avec une période durant laquelle les recettes de la sécurité sociale n'ont jamais été aussi abondantes. N'a-t-on pas vu les dépenses augmenter de 10 milliards d'euros en cinq ans ?

Il faut se retrousser les manches et nous repousserons la question préalable pour plusieurs raisons.

D'abord, parce que vous respectez, Monsieur le ministre, l'esprit des ordonnances qui ont institué une loi de financement annuelle. Votre ONDAM, pour « volontaire » qu'il soit, se rapproche de la vérité et vous vous êtes engagé à revenir si besoin est devant le Parlement pour un collectif...

M. Pascal Terrasse - Cela ne va pas tarder mais avec quelles ressources ?

M. Jacques Barrot - Respecter les droits du Parlement, c'est aider l'ensemble du pays à prendre conscience de la nécessité de préserver notre sécurité sociale.

Ensuite, vous mettez la sécurité sociale à l'abri des pillages et incursions divers en brisant l'alambic à distiller des déficits qu'a représenté le FOREC. Vous remboursez les dettes et compensez les baisses de recettes attendues, cependant qu'une large part du produit de la taxe sur les tabacs est logiquement réaffectée à l'assurance-maladie. De tout cela, nous ne pouvons que vous remercier.

Autre motif de grande satisfaction, vous amorcez une politique d'assurance-maladie au plein sens du terme, en réactivant la vie conventionnelle, en recentrant - pour la médecine de ville - le service médical de la sécurité sociale sur le contrôle de la qualité du service rendu, en lançant - pour l'hôpital - un plan d'investissement de 300 millions et la tarification à la pathologie et en optimisant -pour le médicament - la politique du générique.

Enfin, vous avez eu le courage de lancer plusieurs chantiers de fond, qu'il s'agisse de la médicalisation de l'ONDAM, des modes de financement de la sécurité sociale ou de la « gouvernance » du système de soins.

Je me réjouis de pouvoir engager sur de telles bases la discussion de ce PLFSS. L'occasion nous sera donnée d'aborder des questions de fond, la vieillesse, la famille - et je salue la présence du ministre Christian Jacob -, les accidents du travail - au sujet desquels une réflexion prospective tendant à l'indemnisation complète doit s'engager.

Nous sommes très attachés à la solidarité et aussi bien conscients que dans les sociétés modernes, les solidarités se consolident si chacun des acteurs assume sa part de responsabilité. Chaque assuré social doit se sentir responsable du devenir du système : le bien portant par rapport à celui que frappe une maladie grave, le favorisé par rapport au plus fragile.

Monsieur le ministre, nous vous remercions pour l'ensemble de votre action (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Evin - Répondant à l'exception d'irrecevabilité que j'ai défendue ce matin, vous avez, Monsieur le ministre, salué mon ton mesuré. Pour mesurée qu'elle soit dans son expression, notre opposition à la politique que vous menez depuis six mois n'en n'est pas moins ferme. Qu'il s'agisse du devenir de la sécurité sociale ou de l'organisation de notre système de santé, les points de désaccord entre nous ne manquent pas.

Il y a, vous l'avez dit, une tendance naturelle à l'augmentation des dépenses. M. Barrot, qui nous reprochait naguère de ne pas dégager assez de moyens, la déplore aujourd'hui. Est-ce cohérent ? Oui, l'ONDAM a progressé continûment depuis cinq ans mais ceux qui plaident ici - et nous en sommes - pour une maîtrise de l'évolution des dépenses de santé n'ont jamais dit qu'il fallait diminuer la dépense.

M. Jacques Barrot - Il faut l'optimiser !

M. Claude Evin - Nous sommes attachés à un système fondé avant tout sur la solidarité. On nous parle aujourd'hui de mesures d'économie pour justifier le niveau de l'ONDAM. Où sont-elles ? Je les cherche encore dans le projet. Telle que vous la présentez, l'évolution des dépenses retrace un déficit moins important que ce qui avait été annoncé. Soit, mais comment obtenez-nous ce résultat sinon en dégageant de nouvelles recettes ? Vous allez puiser sur les ressources de la CADES et vous augmentez les droits sur le tabac. D'accord, cela répond aussi à un objectif de santé publique, mais ce n'est pas en réduisant le déficit attendu que l'on résout les problèmes de fond qui affectent le système.

Il y a bien vos mesures relatives au médicament et permettez-moi de vous dire qu'il est savoureux de vous voir jouer sur la clause de sauvegarde alors que vous nous reprochiez de le faire avec constance ! Les laboratoires apprécieront et jugeront de votre cohérence à ce sujet ! Mais hors quelques articles très marginaux, l'essentiel de l'effort - et tel est du reste l'esprit qui sous-tend votre politique depuis six mois - repose sur les assurés sociaux. S'agissant du générique - et je rappelle que nous y sommes favorables puisque c'est nous qui avons introduit la prescription en dénomination commune internationale (DCI) et le droit de substitution du pharmacien -, nous assistons depuis quelques mois à un développement encourageant du volume de prescriptions. Il reste cependant beaucoup à faire et l'assuré n'a pas à faire les frais du défaut de prescription en générique du médecin ni du défaut de substitution du pharmacien. Dans le système que vous proposez, l'assuré risque de découvrir dans sa feuille de remboursement qu'il ne bénéficie pas de la couverture maximale de ses dépenses parce qu'on ne lui a pas délivré de générique, alors même qu'il n'y était pas opposé. Vous théorisez volontiers sur la question de la responsabilisation des assurés, à laquelle nous sommes d'ailleurs favorables, mais en matière de prescription médicale, le malade et le médecin ne sont pas sur un pied d'égalité. Le malade ne sait pas de quels médicaments il a besoin ! Dans ces conditions, invoquer, comme vous le faites, la responsabilisation des assurés sociaux n'a pas grand sens.

Vous assurez être attachés à notre système de sécurité sociale solidaire, et je n'ai pas de raison de douter de votre sincérité, mais je vous mets en garde contre certaines sirènes. Vous ne pourrez certes pas ouvertement privatiser la sécurité sociale mais l'absence de maîtrise de l'évolution des dépenses en 2003 conjuguée à une prise en charge croissante des dépenses par les assurés eux-mêmes est bien la marque d'une privatisation insidieuse. C'est cela que nous condamnons et c'est pour cela que nous voterons la question préalable (Interruptions sur les bancs de la commission ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Le groupe UDF bien entendu ne la votera pas. Mme Jacquaint a dépeint une situation apocalyptique et il est vrai que les difficultés sont réelles. Mais c'est là la situation léguée par la majorité plurielle à laquelle elle appartenait. Le problème des retraites par répartition, que nous souhaitons bien évidemment conforter, n'a pas été réglé. Une véritable politique familiale reste à mener. Pour ce qui est des dépenses de santé, elles croissent plus vite que le PIB, ce qui est peut-être normal pour un bien supérieur, mais conduit inévitablement à un problème de financement. Quant aux hôpitaux, ils connaissent des difficultés de fonctionnement - que le passage sans tarder à une tarification à l'activité devrait toutefois permettre de résoudre.

J'ai été très intéressé, Madame Jacquaint, par vos réflexions concernant la taxe sur les salaires et la TVA acquittées par les hôpitaux au profit de l'Etat, ce qui en effet pose problème. Vous avez eu raison de souligner les difficultés d'organisation des urgences et de dénoncer le manque de médecins dans certaines spécialités proprement sinistrées comme l'anesthésie, la chirurgie ou l'obstétrique. Mais comment en est-on arrivé là si ce n'est parce que rien - ou si peu - n'a été fait ces dernières années pour y remédier, alors même que la croissance était forte ?

Soucieux nous aussi de défendre l'égal accès de tous à des soins de qualité, nous estimons urgent de débattre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et d'approuver des mesures qui amélioreront notre système de soins. Nous faisons confiance au Gouvernement qui s'est engagé à présenter un collectif social au printemps prochain ainsi qu'une loi sur la santé publique, a promis une aide à l'investissement et réfléchit à une nouvelle gouvernance pour notre système de soins, lequel en a bien besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - Est-il juste, Monsieur le ministre, que certains malades doivent se contenter de génériques quand d'autres pourront s'acheter des princeps ? Si les génériques ont exactement les mêmes propriétés -ce que je pense, bien que n'étant pas un spécialiste-, je ne comprends pas pourquoi on ne supprime pas tout simplement les princeps. Ceux-ci seraient pour l'exportation, dit-on. Là encore, est-ce juste ?

Sur le fond, Monsieur le ministre, vous avez insisté sur votre attachement à notre service public de santé, dont je ne doute pas. Seulement la situation dépeinte par Mme Jacquaint est bien la réalité. Nous ne cherchons pas, pour notre part, à savoir qui en est responsable.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général - Parce que cela vous gênerait ?

M. Maxime Gremetz - Pas du tout. Nous avons voté l'an dernier contre la loi de financement de la sécurité sociale.

La situation est explosive dans les hôpitaux, tant sur le plan humain que financier et sanitaire. Des parents ne peuvent pas payer à leurs enfants les lunettes ou les soins dentaires dont ils auraient besoin. Voilà ce qui nous choque.

Monsieur le ministre, je ne doute pas, je l'ai dit, de votre attachement à notre système de protection sociale mais certains, qui d'ailleurs ne s'en cachent pas, souhaitent, eux, le modifier totalement. Le Medef (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'UMP et de l'UDF) souhaite ouvertement que les entreprises ne cotisent plus que pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, ce qui serait une remise en cause des fondements mêmes de notre sécurité sociale. Attention donc, Monsieur le ministre, à ces discours !

Quant aux problèmes de financement, permettez-moi de vous dire que vous ne les abordez que par le petit bout de la lorgnette ! Ce n'est pas en recherchant quelques économies ici ou là qu'on les résoudra. Il faut des recettes nouvelles en quantité suffisante. Si l'on continue, comme on l'a fait jusqu'à présent, à exonérer les entreprises de cotisations patronales et si on laisse s'envoler le chômage, ce sont autant de recettes en moins pour la sécurité sociale et autant de charges en plus pourtant. M. Accoyer n'a cessé de nous dire par le passé : « Y a qu'à, y a qu'à... », notamment au sujet du FOREC. Eh bien, nous avons proposé lors de l'examen du projet de budget un amendement tendant à supprimer ce fonds, qui serait rendu inutile si des cotisations étaient prélevées sur les produits financiers. Que ne nous a-t-il suivis !

M. le Président - Monsieur Gremetz, veuillez conclure.

M. Maxime Gremetz - Les exonérations de charges au profit des entreprises représentent 14,8 milliards d'euros. Ce n'est pas en poursuivant sur cette voie qu'on réglera les problèmes de la Sécurité sociale. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 17 heures 25, est reprise à 17 heures 35.

M. Bernard Accoyer - S'agissant de la situation financière de la sécurité sociale, l'histoire se répète et les mêmes causes produisent les mêmes effets. Dix ans après la situation critique dans laquelle la gauche avait plongé la sécurité sociale, par négligence et par facilité, le gouvernement de Lionel Jospin et sa majorité composite ont à nouveau laissé les régimes sociaux dans une situation délicate à laquelle le gouvernement actuel doit faire face.

La forte croissance des années 1997-2001 a apporté dans les caisses de l'ACOSS plusieurs dizaines de milliards que la gauche n'a pas utilisés pour préparer l'avenir. Au contraire, elle en a profité pour s'abstenir de réformer structurellement la sécurité sociale. Pire, elle a pris plusieurs mesures non financées en détournant les recettes sociales de la nation. Cinq années ont ainsi été gaspillées. La droite et le centre ont alors dénoncé avec force ce renoncement, ce refus de regarder les réalités et, surtout, de préparer l'avenir. Aucune réforme de fond, aucune modernisation, aucune clarification n'ont été conduites.

Dans une telle situation, il fallait dire aux Français la vérité sur l'état et sur l'avenir de la protection sociale, car, sur l'assurance-maladie, les retraites, le vieillissement, ils ont été endormis à coups de mesures décalées par rapport à la réalité et démagogiques comme les trente- cinq heures. Ces mesures n'étaient jamais financées sérieusement : on se contentait d'opérer, sur le dos de la sécurité sociale, des détournements très mal dissimulés par la confusion organisée des financements.

C'est donc bien une volonté de clarification, de sincérité, de réalisme qui guide le présent projet, qui annonce et amorce les réformes qui seront appliquées progressivement, après concertation avec les partenaires sociaux. Il s'agit donc d'un PLFSS de transition.

Malgré la forte croissance de 3 % avec des années où la masse salariale a augmenté de 6,5 %, durant toute la législature précédente, jamais la branche maladie n'a atteint l'équilibre. En 2002, le déficit du régime général sera de 3,3 milliards alors que le gouvernement Jospin affirmait il y a un an que l'excédent serait de 1,1 milliard. Et le déficit de la seule branche maladie atteindra 8,2 milliards.

Depuis 1998 le dépassement cumulé de l'ONDAM s'élève à 12,8 milliards d'euros, la marge d'erreur annuelle étant de 50 à 80 %...

Pour autant, aucune amélioration des performances de notre système de soins n'a été recherchée, aucune politique de l'assurance-maladie n'a été menée : le conseil d'administration de la CNAM a été contourné, la vie conventionnelle délibérément abandonnée, le dialogue avec les partenaires sociaux négligé, leurs avis ignorés, notamment lorsqu'il a été décidé de faire financer les trente-cinq heures par la sécurité sociale ce qui a mis fin à cinquante ans de paritarisme.

Aucune politique cohérente du médicament n'a non plus été conduite. Et le fonctionnement de l'hospitalisation publique ou privée, a été gravement compromis par l'application des trente-cinq heures, pourtant impossible !

En effet, s'il est un domaine où le temps de travail ne peut être réduit sans diminuer la qualité ou la quantité des soins c'est bien celui-là. Le manque de professionnels disponibles sur le marché du travail rendait impossible de ne pas réduire, avec le temps de travail, le temps passé au service et au chevet des malades. Malgré les milliards mobilisés en 2002 pour le seul hôpital public, la réduction du temps de travail dans l'hospitalisation restera comme un des plus mauvais coups porté au système de soins.

Pourtant, le problème était à la portée d'un élève de CE2 : sachant que les besoins en soins hospitaliers augmentent, qu'il manque déjà 20 000 infirmières et plusieurs milliers de médecins dans les hôpitaux, sachant en outre qu'il n'y en a pas sur le marché du travail, peut-on réduire le temps de travail des professionnels de santé hospitaliers de 11,34 %, sans diminuer l'offre ou la qualité des soins ?

La réponse est tellement évidente qu'on peut en déduire que le gouvernement précédent n'attachait pas grande importance au fonctionnement des hôpitaux, à moins qu'il ait été inconscient de ses responsabilités en ce domaine essentiel ?

Autre mauvais coup porté à l'assurance-maladie : le financement des trente-cinq heures. Que le gouvernement Jospin ait essayé de faire croire qu'il avait trouvé la pierre philosophale qui transformait le chômage en emplois, c'est-à-dire la réduction du temps de travail générale et obligatoire, c'était un choix discutable mais concevable par un esprit utopiste, en dépit de notre isolement international. Mais vouloir faire supporter une bonne partie du coût de cette politique par les finances sociales était une grave erreur.

Le raisonnement était qu'avec la réduction du temps de travail, le chômage diminuerait et qu'il y aurait donc plus de cotisations. Mais les cotisations attendues ne compensaient pas, même selon les hypothèses les plus optimistes, le coût de la mesure, et la réduction du temps de travail a eu des effets dévastateurs sur l'emploi.

La gauche a choisi la confusion : prétextant d'une volonté de réformer les cotisations patronales qui ne s'est jamais concrétisée, elle a créé le FOREC, à seule fin d'y attirer des recettes sociales. C'est ainsi que sont nées les tuyauteries infernales du financement de la sécurité sociale qu'il vous faudra supprimer, Monsieur le ministre, dans un but de clarification et d'honnêteté. Ce PLFSS amorce ce mouvement.

Parmi les autres mesures non financées, la CMU, dont l'opposition dénonça le caractère dangereux pour l'universalité des régimes obligatoires puisqu'elle distingue deux catégories d'assurés sociaux. Ses effets de seuils et son coût confirment que la solution proposée alors par l'opposition, celle d'une aide dégressive pour contracter une assurance complémentaire, était la bonne. Certes, elle eût été moins spectaculaire et moins démagogue. Mais elle aurait mieux répondu aux besoins, évité les dérapages et sauvegardé l'universalité de la sécurité sociale.

L'APA n'est pas davantage financée. Et le FOREC, malgré les stratagèmes de Mme Aubry, a siphonné les ressources du fonds de solidarité vieillesse, qui est maintenant déficitaire d'un milliard d'euros.

Le FOREC, par ailleurs, détient 2,4 milliards de créances sur l'Etat. A l'origine, Mme Aubry voulait faire financer les trente-cinq heures par les ASSEDIC. Devant la réaction très hostile des partenaires sociaux, elle dut reculer et annonça que le Gouvernement compenserait cette perte de recettes. Non seulement il n'en fit rien, mais Mme Guigou, dans la dernière loi de financement, a essayé d'annuler cette créance. Heureusement, le Conseil constitutionnel censura cette disposition. C'est pourquoi, à l'article 5, il est prévu que la CADES comble la moitié de cette dette. La polémique soulevée par la gauche à propos de cet article est donc un peu déplacée.

Pour dissimuler qu'il renonçait à garantir l'avenir de la retraite par répartition, le précédent gouvernement a créé le fonds dit « de réserve des retraites », censé atteindre 152 milliards en 2020.

Il devait recevoir les excédents du fonds de solidarité vieillesse que la gauche a mis dans le rouge, les excédents de la CNAV qu'elle a utilisés pour combler le déficit de la branche maladie et qui vont se tarir dans deux ans et le produit de la vente de licences UMTS qui n'ont pas été vendues faute d'acheteur. D'ailleurs, cette spéculation déraisonnable a contribué à l'éclatement de la bulle des technologies et industries de télécommunication (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

Le fonds de réserve n'atteindra jamais le montant annoncé. Même avec 152 milliards d'euros, en l'absence de réformes, on n'aurait disposé que d'un fonds de lissage pour deux années au plus.

Ce projet de loi de financement rompt avec l'opacité, l'imprécision et la confusion qui ont prévalu pendant cinq ans.

Au contraire, même si en trois mois le Gouvernement ne peut parvenir qu'à une inflexion, c'est bien le réalisme et la transparence qui prévalent.

Ainsi en est-il des hypothèses retenues réalistes, mais susceptibles d'être revues par une loi de financement rectificative si le besoin s'en faisait sentir en cours d'exercice, ce que le précédent gouvernement n'a jamais fait, montrant ainsi le peu de cas qu'il faisait du Parlement.

L'ONDAM, calculé en appliquant aux dépenses réelles de 2002 un taux de croissance de 5,3 %, s'élève à 123 milliards d'euros : c'est le plus important jamais proposé au Parlement. Il n'a pas été choisi en fonction de la conjoncture. Du reste, la sincérité de son évaluation conduit à prévoir pour 2003 un déficit du régime général de 3,9 milliards d'euros. Cet ONDAM a conduit les conseils d'administration des caisses à donner un avis favorable sur le projet de loi de financement. Pour la première fois, l'article premier qui contient le rapport annexé va être examiné, discuté et amendé avant l'examen des autres articles, ce qu'avait toujours refusé le précédent gouvernement.

Il est heureux que l'ONDAM soit enfin médicalisé et suivi analytiquement, tandis que les recettes s'appuieront davantage sur une logique de prévention sanitaire. Ainsi en est-il de la hausse des droits de consommation sur les tabacs et de l'affectation à la CNAM de cette taxe, détournée vers le FOREC par Mme Aubry.

Ces mesures sur le tabac, encore améliorées par l'excellent travail de la commission des affaires sociales, sont judicieuses puisque nul ne conteste que le tabac provoque des ravages sanitaires de plus en plus graves et de plus en plus précoces.

L'article 6, relatif aux dépenses de promotion des laboratoires pharmaceutiques, peut être encore amélioré. Nous examinerons un amendement en ce sens. En effet, la presse médicale est le principal support de la mise à jour des connaissances du corps médical. Il convient de lui rendre hommage et de la sauvegarder.

S'agissant de la branche famille, malgré l'importante avancée que constitue la prolongation d'un an de la durée du versement des allocations familiales et la majoration pour enfant, pris en charge en partie par le CNAF, la branche sera encore bénéficiaire en 2003. Ce matin, un orateur de l'opposition a critiqué la politique familiale du Gouvernement. Je rappelle le bilan de la précédente majorité dans ce domaine : réduction de l'AGEP, diminution des réductions d'impôt pour garde d'enfant, mise sous conditions de ressources des allocations familiales et limitation de l'effet du quotient familial.

M. Jean-Marie Le Guen - Au nom de la politique familiale, vous menez une politique fiscale en faveur des privilégiés !

M. Bernard Accoyer - Si nous avons pu critiquer en 2001 la prise en charge par la CNAF de la majoration de pension pour enfant, alors que la croissance était là, la situation financière actuelle de la sécurité sociale justifie cette année la mesure. Au demeurant, elle est transparente et permettra de sanctuariser cette majoration quand s'ouvrira la négociation sur la réforme de notre système de retraite par répartition. Celui-ci repose sur le renouvellement des générations, qui est le but de la politique familiale.

S'agissant enfin de la branche vieillesse, un excédent est encore attendu pour 2003, malgré la revalorisation de 1,5 % des pensions. Mais cette situation ne durera pas et il est heureux que le Gouvernement ait décidé de résoudre le problème des retraites. Quelle n'a pas été ma surprise d'entendre protester, au sujet de la correction des règles de la compensation nationale ! Certes, elle se fonde sur une situation inégalitaire, mais celle-ci l'est justement à cause de ceux qui protestent.

Je veux espérer que leur protestation signifie qu'ils sont enfin décidés à faire prévaloir le principe d'égalité, qui fait partie de la devise de notre République.

Après avoir commandé le rapport Charpin, le précédent gouvernement n'a fait que légitimer son inaction. Il n'hésita pas à commander un nouveau rapport à M. Teulade, suppléant de M. Hollande, rapport qui préconisa de ne rien faire. On sait ce que le conseil d'orientation des retraites a dit de ce rapport, qui était une vaste escroquerie. Il est malheureux d'avoir perdu cinq ans de la sorte. C'est la plus grave des dérobades du précédent gouvernement.

L'équilibre du régime général attendu pour 2003 s'établit avec un déficit prévisionnel de 3,9 milliards d'euros, dû au seul déficit de la branche maladie. Par rapport à 2002, il augmente de 600 millions d'euros en raison de la situation laissée par le gouvernement précédent, du ralentissement de la croissance, des mesures non financées et de la hausse tendancielle des dépenses d'assurance-maladie. Il fallait rétablir le dialogue avec tous les professionnels concernés, sur la base d'une politique conventionnelle fondée sur le respect de chacun, le réalisme et la transparence. Monsieur le ministre, c'est ce que vous avez fait.

Quoique de transition, ce projet est réaliste et sincère. Le groupe UMP, qui soutient activement la politique de protection sociale juste et généreuse du Gouvernement, votera donc ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Élisabeth Guigou - Me souvenant de vos critiques de l'an dernier, Messieurs les ministres, c'est avec une réelle curiosité que j'ai lu votre premier projet de loi de financement. Je m'attendais à ce que vous mettiez un point d'honneur à ne pas donner prise aux critiques que vous formuliez, en vous montrant particulièrement attentifs à la clarté des comptes, à leur sincérité, à l'importance des objectifs comme des moyens. Quelle affreuse déception ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur Mattei, vous vous abritez derrière l'héritage. Mais vous le faites avec une certaine mauvaise foi, et un art non moins certain de la dissimulation. Quelle est la réalité de cet héritage ?

Certes, le retour au déficit du régime général pour 2002 ne vous est pas, pour l'essentiel, imputable. Il résulte du ralentissement de la croissance qui pèse sur la masse salariale, et donc sur le niveau des cotisations sociales. Mais vous n'avez rien fait pour améliorer la situation, au contraire !

Votre politique économique et sociale accentue le ralentissement de la croissance et aggrave le chômage, ce qui diminue cette année les cotisations sociales.

Pour contrecarrer le ralentissement de la croissance, il eut fallu stimuler la consommation, et cela ne se fera pas en diminuant les impôts des plus favorisés. Votre politique de l'emploi va aggraver le chômage : arrêt du passage aux trente-cinq heures, arrêt des emplois-jeunes, trois fois moins de contrats emploi-solidarité dans le projet de budget 2003 par rapport à celui de 2002. M. Fillon en a budgeté 80 000 pour l'an prochain, alors que nous en avions prévu 260 000 dans la loi de finances initiale pour 2002, sans compter les 80 000 mis en place pour faire face à la dégradation de la conjoncture. Et ce ne sont pas les contrats jeunes qui vont compenser car, en période de faible activité, les chefs d'entreprise n'embauchent pas, quels que soient les allégements de cotisations sociales.

La baisse des cotisations sociales pèsera sur l'assurance-maladie comme sur les autres composantes du régime général : la branche accidents du travail, la branche famille ou la branche vieillesse.

Voilà pour les recettes !

Pour les dépenses, tout en constatant le niveau élevé des dépenses d'assurance-maladie, vous chargez la barque en augmentant la rémunération des médecins de ville sans exiger d'eux de contrepartie conséquente. Le surcoût est de 900 millions d'euros, soit le double de ce que nous avions accordé pour 2002 aux médecins, kinésithérapeutes et infirmières. Bien sûr, vous faites porter la responsabilité des comptes 2002 au gouvernement Jospin et comparez les prévisions 2003 « aux pires années du régime général en 1992-1993 ». Cependant, la pire période n'a pas été celle de 1992-1993 mais bien celle de 1995, où le déficit du régime général a atteint plus de 10 milliards d'euros, c'est-à-dire plus du triple de ce qui est prévu pour 2002. Pour la seule assurance-maladie en 1995, ce fut un déficit de 6 milliards d'euros.

M. Pascal Terrasse - Voilà la vraie vérité !

Mme Élisabeth Guigou - Heureusement, nous serons loin de ces tristes records, en 2002 comme en 2003. Même si le retour au déficit du régime général ne vous est pas entièrement imputable, reconnaissez que, depuis 1999, le régime général avait renoué avec les excédents - 2,7 milliards d'euros dont 1,1 milliard d'euros pour la seule année 2001 - et que le déficit de l'assurance-maladie a été divisé par quatre entre 1996 et 2002.

Vous chargez la barque 2002 sans pour autant formuler de prévisions réalistes pour 2003. Nous serons loin des 2,5 % en croissance prévus, mais vous ne prévoyez que deux ressources supplémentaires, dont l'une est aléatoire - le milliard d'euros attendu d'une hausse de 15 % des recettes fiscales sur le tabac, ce qui suppose que les entreprises productrices ne se livrent pas à une guerre des prix - et l'autre transitoire - le remboursement pour 1,1 milliard d'euros par la CADES de la moitié de la dette relative aux insuffisances de compensation des allégements de charges en 2000.

Enfin, rappelons le prélèvement subreptice de 850 millions d'euros sur la branche vieillesse du régime général et donc sur le fonds de réserve des retraites.

Ce projet ne clarifie rien, il est vide de mesures concrètes, et pénalise les assurés.

En effet, vous faites peser tout l'effort de l'assurance-maladie sur les assurés.

Concernant votre politique du médicament, vous poursuivez l'effort engagé par Martine Aubry, mais avec une méthode contestable. Ainsi, pour les génériques, vous demandez tout aux assurés et rien aux professionnels de santé. Que se passe-t-il si le médecin n'a pas prescrit de générique et si le pharmacien ne l'a pas proposé ? C'est le patient qui est pénalisé. Il faut responsabiliser les médecins et les pharmaciens au même titre que les patients.

Quant aux médicaments à service médical rendu insuffisant, vous êtes à juste titre prudent : service médical rendu insuffisant ne signifie pas médicament inutile puisque la question de l'appréciation du service médical rendu d'un médicament porte sur sa place dans la stratégie thérapeutique, la gravité de l'affection à laquelle il est destiné et son intérêt pour la santé publique. Les mesures de déremboursement de ces médicaments auront des effets négatifs importants, et pénaliseront en premier lieu les patients les plus défavorisés. Il y a aussi un risque de substitution à ces molécules de traitements plus onéreux mais pas forcément adaptés.

Seule la méthode contractuelle permet de préserver les équilibres complexes et fragiles de notre système de soins. Il était nécessaire de la redéfinir avec les professionnels de santé, et avec l'industrie. Pourquoi ne pas avoir, ainsi, des espaces de liberté plus importants sur les prix, notamment pour les innovations thérapeutiques, mais en échange d'engagements précis en matière d'évaluation de santé publique ou de quantité de médicaments.

Par ailleurs, votre projet pour 2003 ne prévoit pas de mesures d'amélioration des remboursements : ni relèvement du plafond de la CMU, ni poursuite du mouvement engagé pour améliorer le remboursement des soins dentaires, des lunettes, des appareils auditifs.

Tout l'effort pèse sur les assurés et donc proportionnellement, sur les plus modestes. Rien n'est demandé aux professionnels, alors même que la loi du 6 mars 2002, supprime les lettres-clés flottantes et crée un nouveau système conventionnel entre les professionnels et les caisses. Vous qui revendiquez la modestie, vous auriez pu avoir l'élégance de faire référence à la loi du 6 mars 2002 qui a supprimé la maîtrise comptable ! Il y a plus grave : vous ne donnez aucun moyen nouveau aux acteurs pour améliorer la politique conventionnelle, vous privant ainsi d'outils de maîtrise de la dépense par une véritable responsabilisation des professionnels.

Et pour l'hôpital ? Nous y avons consacré 3,8 milliards d'euros entre 1998 et 2002 vous ne prévoyez que 300 millions d'euros en 2003. Vous nous avez dit tout à l'heure : 1 milliard d'euros. Où prendrez-vous les 700 millions qui manquent ?

Quant aux cliniques privées qui se sont engagées à aligner les salaires de leurs infirmiers sur ceux du secteur public, en contrepartie de financements supplémentaires ? Allez-vous contrôler l'utilisation de leurs fonds ? Utiliserez-vous l'observatoire tripartite créé par le précédent gouvernement pour vous assurer que les fonds publics servent à améliorer les salaires des personnels infirmiers et non à gonfler les dividendes des actionnaires ?

Quels moyens accorderez-vous à la prévention ? Nous avons multiplié par 7, entre 1997 et 2002, le financement des programmes de prévention portant ceux-ci à 115 millions d'euros. Vous renvoyez à la future loi quinquennale de juin prochain. Mais que ferez-vous pendant un an des plans de santé publique contre les maladies chroniques, contre le sida et l'hépatite C, contre les maladies orphelines ? En outre, pas un mot sur la santé mentale.

Pour les familles, Mme Clergeau a dit ce qu'il fallait. Notons cependant qu'il faudra attendre la prochaine conférence de la famille en juin prochain. Là encore, un an de perdu ! M. Dubernard a proclamé son amour pour la famille avec une grandiloquence qui frisait le ridicule, prétendant que la gauche en serait dépourvue. Où sont donc les preuves d'amour dans votre projet ?

Concernant les accidentés du travail, vous poursuivez la politique d'indemnisation de l'amiante que nous avons initiée. Très bien ! M. Fillon a l'intention de procéder à la réparation intégrale des accidents du travail après les rapports Masse et Yahiel. Très bien ! Mais avec quel calendrier ? En revanche, une mesure est très précise : la désignation des administrateurs par les partenaires sociaux. Pourquoi le retour du Medef dans ce domaine seulement ? Pour peser sur le relèvement des cotisations ? Et pourquoi ne pas prévoir une représentation des associations de victimes ?

Quant à la vieillesse, il y a trois sujets d'inquiétude : tout d'abord, l'insuffisante revalorisation des pensions : 1,5 % supplémentaire, cela couvre à peine la hausse des prix prévue.

Ensuite, le report à 2006 du délai de signature des conventions tripartites sur la nouvelle tarification des établissements d'accueil pour personnes âgées sans que soient prévus des moyens supplémentaires en attendant la signature des conventions.

Enfin, l'absence d'engagement concret sur la consolidation des régimes de retraite par répartition et la dotation du fonds de réserve des retraites. M. Fillon compte doter le fonds de réserve des retraites de 16,6 milliards d'euros en 2003. Nous l'avions, quant à nous, doté de 12,5 milliards d'euros fin 2002, soit 5 milliards d'euros de plus qu'en 2001. Vous augmentez les ressources de ce fonds de 4 milliards d'euros en 2003 : soit un milliard d'euros de moins que l'an dernier.

Quant à la réforme des retraites que vous jugiez si urgente au printemps dernier, elle est renvoyée à juin 2003 ! Pourquoi n'avoir pas ouvert les négociations avec les partenaires sociaux dès votre arrivée ?

M. Pascal Terrasse - Hé oui !

Mme Élisabeth Guigou - Vous avez jugé plus urgent de vous attaquer aux trente-cinq heures et aux emplois-jeunes. À moins que ce délai supplémentaire ne traduise votre incapacité à définir une position : la semaine dernière, le Gouvernement renonçait aux fonds de pension - cet après-midi, M. Copé dément.

Entre des recettes incertaines et des dépenses condamnées à dériver notre système de protection sociale risque d'être confronté l'an prochain à des besoins de financement importants. Vous commencez la législature par une baisse de la couverture sociale des Français. En l'absence de mesures de maîtrise des dépenses, vous risquez de programmer une hausse des prélèvements sociaux. Ce projet de financement contient des risques non négligeables de déclin de la protection sociale des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Merci d'avoir respecté votre temps de parole.

M. Jean-Luc Préel - Voici donc le Parlement appelé à se prononcer sur la politique sociale de la France. Mais ce texte est de transition, en attendant les réformes prévues pour 2003.

L'UDF a la volonté d'aider le Gouvernement. Mais le contexte est délicat en raison du ralentissement économique et d'un héritage lourd.

La cigale Jospin a dilapidé les fruits de la croissance sans engager les réformes indispensables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Le « papy-boom » est à nos portes et la réforme de nos régimes de retraite n'a pas été engagée.

La politique familiale s'est transformée en politique sociale, les excédents de la branche ont été ponctionnés.

Quant à la santé, tous les secteurs connaissent une crise profonde.

Le Gouvernement escompte 327 milliards d'euros de recettes, grâce à une croissance de 2,5 % et à une hausse de 4,1 % de la masse salariale. Espérons que ces prévisions se réaliseront.

Nous approuvons l'augmentation d'un milliard d'euros des taxes sur le tabac et son affectation à 70 % à l'assurance-maladie. Cette drogue provoque encore 60 000 décès par an.

Vous maintenez le FOREC tout en promettant de le réformer. Pour avoir dénoncé avec virulence, avec mes collègues du RPR et de DL, ce « machin », usine à gaz détournant les taxes sur l'alcool et le tabac au profit des trente-cinq heures - la CNAM ne perçoit que 15 % des 10 milliards de taxes sur le tabac -, je souhaite sa suppression. L'UDF déposera des amendements en ce sens.

Je salue la promesse du Gouvernement de financer la totalité des exonérations de cotisations qu'il décide. Près de 11 % des exonérations antérieures à 1994 ne sont toujours pas financées. Il faudrait les intégrer dans cette réforme, dans l'intérêt du budget social de notre pays.

S'agissant des retraites, l'UDF est très attachée au système par répartition. Mais le « papy-boom » posera des problèmes considérables à partir de 2005, notamment pour les régimes spéciaux.

Le gouvernement socialiste n'a hélas pas profité du départ à la retraite des classes creuses et de la croissance pour poursuivre la réforme courageuse engagée par M. Edouard Balladur et Mme Simone Veil.

Nous voici donc au pied du mur.

Le projet prévoit une revalorisation de 1,5 % permettant de maintenir le pouvoir d'achat, mais aussi un prélèvement de 830 millions d'euros sur le budget de la CNAVTS au titre de la compensation démographique, que l'UDF ne juge guère opportun.

Puisque le Gouvernement s'est engagé à proposer une réforme des retraites au printemps 2003, après concertation, l'UDF rappelle qu'elle tient à conforter le principe de la répartition tout en responsabilisant les partenaires sociaux et en assurant une réelle équité, par l'autonomisation de la CNAVTS et la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires gérée paritairement.

Il faut aussi permettre à tous les salariés de compléter leur retraite par l'accès à la Préfon, et autoriser une retraite à la carte.

Manquent à ce projet des mesures en faveur des conjoints survivants. Or, il devient urgent de revoir les règles d'attribution de l'assurance-veuvage, largement excédentaire, - 27 % seulement de la cotisation spécifique est utilisé -, le cumul droits propres-pensions de réversion et la situation des polypensionnés.

Au nom de l'UDF, je déposerai des amendements auxquels j'espère que vous réserverez un accueil favorable.

Mon ami Jean-Christophe Baguet centrera son propos sur la famille. Nous attendons la simplification des prestations et la garde unique après la conférence de la famille de 2003. Nous saluons également la mesure nouvelle concernant l'aîné des familles de trois enfants atteignant vingt ans.

Mais l'UDF, qui s'était opposée vigoureusement l'année dernière, avec MM. Accoyer, Morange et Goulard, au « hold-up » sur l'excédent de la branche famille visant à financer la majoration pour enfant de la pension de retraite, dénonce le maintien de ce prélèvement dont le taux est porté à 60 %. Ce qui était néfaste en 2002 le reste en 2003, et il faut un minimum de cohérence en politique.

Nous déposerons donc un amendement de suppression de l'article 41, afin de respecter l'autonomie des branches et de consacrer l'excédent de la branche famille à une vraie politique familiale.

La santé est un « bien supérieur » dont les dépenses vont augmenter.

Notre système de soins n'échappe pas au paradoxe : reconnu par l'OMS comme le meilleur du monde, il est au bord de l'explosion.

Vous avez hérité d'une situation très difficile, et je regrette que vous n'ayez pas commandé un audit pour dresser le bilan de la situation et repartir sur des bases saines.

Je salue les mesures prises par ce projet et les promesses qui ont désamorcé les situations les plus critiques : revalorisation de la consultation et de la visite pour les généralistes, suppression des lettres-clés flottantes, des CMR, ONDAM plus réaliste, plan d'investissement hospitalier, annonce d'une loi sur la santé publique et d'une loi de financement rectificative, tarification à l'activité. Mais le chemin reste long : tous les secteurs sont en crise et les mentalités ont changé.

L'hôpital est confronté à deux problèmes majeurs. Les établissements dont l'activité augmente sont asphyxiés par le budget global. 40 % ont des reports de charges de 3 à 5 %. Cette politique de « gribouille » ne peut perdurer.

Leur donnerez-vous les moyens de soigner correctement la population et d'assumer le coût des nouvelles molécules, notamment pour les cancers ? En second lieu, les insuffisances budgétaires provoquent des retards d'investissement.

Vous proposez 300 millions d'euros conduisant à un milliard de travaux. Quelle est la capacité d'autofinancement des établissements ? Comment feront-ils face aux annuités d'emprunts ? La fédération hospitalière de France a demandé une revalorisation de l'enveloppe de 6,1 % pour la seule reconduction des moyens. Comme elle ne sera pas accordée, comment financer les annuités d'emprunts ?

Enfin, l'Etat récupère la TVA, soit 200 millions d'euros sur un milliard de travaux. Son effort final est donc modeste. Ne pourriez-vous obtenir 300 millions d'euros net ?

D'autres problèmes affectent les hôpitaux : les urgences - avec un afflux croissant qui pose des problèmes d'accueil, de personnel et d'organisation - et la démographie médicale avec des spécialités sinistrées, problème aggravé par l'application inconsidérée des trente-cinq heures, le principe du repos compensateur...

M. Jean-Pierre Blazy - Il existait avant nous !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous l'avez accepté en 1994 !

M. Jean-Luc Préel - ...et l'intégration des gardes dans le temps de travail. Comment assurer la continuité des soins ? Il faudrait réformer le statut du praticien hospitalier pour prendre en compte la responsabilité et la pénibilité, et aller vers des contrats.

Reste à redéfinir le rôle du conseil d'administration des établissements pour encourager l'autonomie et la responsabilité.

Les établissements privés connaissent des difficultés financières et une pénurie de personnel aggravée par le différentiel de rémunération avec le public. Ils redoutent surtout, à l'instar des spécialistes, de ne plus pouvoir s'assurer en 2003, ou alors avec des surprimes considérables.

Monsieur le ministre, vous recherchez une solution acceptable pour tous. Nous l'attendons.

La crise est tout aussi profonde dans le secteur ambulatoire : désabusés, lassés, les praticiens n'acceptent plus d'être désignés comme boucs émissaires. Vous avez heureusement renoué le dialogue, car aucune réforme ne se fera sans - et a fortiori contre - eux.

Vous avez entendu les généralistes. Que proposerez-vous aux spécialistes, dont les rémunérations sont bloquées depuis sept ans, et aux infirmières pour l'acte de soins infirmiers et les frais de déplacement ? Ces améliorations sont-elles intégrées dans l'ONDAM ?

L'UDF est très attachée à la création des ordres des masseurs-kinésithérapeutes, des pédicures-podologues et des infirmières. Allez-vous y procéder ? Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Vous nous proposez un ONDAM de 5,3 % plus réaliste que les années précédentes. Pouvez-vous préciser la répartition des enveloppes entre secteurs ?

Selon quels critères les enveloppes régionales seront-elles définies ? Allez-vous amplifier la correction des inégalités ?

Vous prévoyez un déficit de 6 milliards d'euros en 2002, pour l'assurance-maladie, 8 milliards d'euros en 2003, voire davantage. Si la croissance est moins forte que prévu et si les dépenses, notamment de médicaments sont supérieures. Comment financerez-vous ce déficit ?

S'il est plus réaliste, l'ONDAM n'a pas encore été médicalisé. J'en viens donc à la question de la gouvernance de notre système de santé, qui est notre préoccupation pour 2003.

Il faut bien sûr renforcer le dialogue social et le paritarisme dans son domaine de compétence, c'est-à-dire ce qui est lié au travail et financé par des cotisations salariales et patronales : chômage, accidents du travail, retraite.

Mais la santé commence à la naissance et va jusqu'à la mort. Elle n'a donc aucun lien avec le travail. Il n'y a plus de cotisations salariales, mais la CSG sur l'ensemble des revenus.

Quelle est donc la légitimité du paritarisme dans le domaine de la santé ? L'UDF est opposée à la privatisation comme à l'étatisation. Celle-ci est pourtant quasiment achevée, et sans contrôle démocratique.

Nous voulons que l'Etat soit responsable de la santé publique et de l'équité, mais aussi qu'il s'engage dans une réelle régionalisation, pour rendre chacun acteur et responsable et promouvoir une politique de santé de proximité.

Grâce aux travaux des conseils régionaux de santé élus par collèges, le Gouvernement présentera au printemps une loi fixant les priorités de santé dont le financement sera voté à l'automne. Nous devrions ainsi avoir un ONDAM médicalisé partant des besoins et décliné ensuite entre les régions selon des critères objectifs.

Enfin, il faut aller vers une réelle maîtrise médicalisée, en s'en donnant les moyens : codage des actes et des pathologies. Le recueil des données doit être effectué par un organisme indépendant - l'INSEE santé. Enfin, il faut développer les bonnes pratiques médicales et le bon usage du médicament.

Vous pouvez compter sur l'UDF pour vous aider à regagner la confiance des professionnels et à préparer l'avenir. Tenons nos promesses et construisons une société de responsabilisation.

Vous nous annoncez pour 2003 de grandes réformes pour les retraites, la famille et la santé. Faisons preuve d'écoute et de dialogue, puis de volonté et de persuasion. Rien n'est plus exaltant que d'aider notre société à résoudre les problèmes pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.

Bon courage, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Mme Guinchard-Kunstler remplace M. Le Garrec au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Mme Jacqueline Fraysse - S'il est agréable d'entendre de la part du Gouvernement un discours plus réaliste que par le passé - notamment pour ce qui concerne le caractère inéluctable de la hausse des dépenses du fait de l'allongement de l'espérance de vie -, nous ne trouvons dans ce texte aucune mesure concrète permettant de commencer de surmonter les difficultés. Vous l'avez relevé à juste titre, Monsieur le ministre, et nous n'avons jamais cessé de le répéter : le système souffre d'un manque de recettes et les innombrables mesures de restriction des dépenses prises au cours des dernières années - loin de rétablir l'équilibre des comptes - n'ont eu pour effet que de le pénaliser plus encore en amenant la pénurie de médecins et de personnel soignant. Il est normal que les dépenses augmentent ; anormal que les recettes demeurent insuffisantes.

Dans ce contexte, on peut estimer que la société ne peut plus prendre à sa charge de telles dépenses ou choisir de dégager de nouveaux moyens en répartissant autrement la richesse nationale - laquelle progresse aussi du fait du progrès technique. Le choix est politique : à qui doit profiter le surcroît de richesse et selon quelles modalités ? Je mesure la difficulté de ce choix pour un ministre de la santé, praticien hospitalier dont l'humanisme ne fait de doute, qui appartient à un Gouvernement qui se fait le champion d'un libéralisme cruel tout entier dirigé vers la satisfaction des flux favorisés. Pouvez-vous admettre que l'on demande à certains, parmi les plus modestes, de renoncer à certains soins ?

Certes, le changement de ton et de vocabulaire nous agrée mais rien n'est prévu pour augmenter valablement le niveau des recettes. Vous persistez à fixer une enveloppe de nature essentiellement comptable, très en deçà des dépenses constatées cette année et manifestement sous-évaluée. Et votre engagement à la corriger si besoin est dans un collectif « social » de printemps ne résout rien sur le fond !

Ainsi, les cotisations employeurs restent assises exclusivement sur les salaires, ce qui ne manque pas de favoriser les entreprises à faible intensité de main-d'_uvre et de pénaliser celles qui recrutent le plus...

M. Maxime Gremetz - Très juste !

Mme Jacqueline Fraysse - Le rapport Chadelat préconisait dès 1998 de moduler le niveau des cotisations en fonction de la valeur ajoutée et de la masse salariale. Que ne s'engage-t-on dans cette voie ? Est-il devenu tabou de proclamer que l'entreprise doit être au c_ur de la solidarité nationale ? Nous proposons aussi de faire cotiser l'ensemble des revenus à la sécurité sociale car, contrairement à ce que vous avez déclaré à la télévision mardi dernier, le système n'est plus juste. S'il l'était toujours, les revenus des placements financiers des entreprises qui encouragent une spéculation financière stérile contribueraient aussi à l'effort social national. De surcroît, alors même que l'emploi continue de se dégrader, la loi Fillon prévoit de consentir cinq milliards d'exonération de cotisations aux entreprises en plus des 120 milliards déjà accordés sans contrepartie ! Vous favorisez toujours davantage les entreprises privées tout en refusant d'exonérer les hôpitaux de la taxe sur les salaires qui grève leur budget !

Autre disposition du texte parfaitement injuste, l'extension des missions de la CADES, alors même qu'il serait désormais possible d'envisager sa suppression. Une fois de plus, c'est sur l'argent des salariés que seront financées les exonérations de cotisations offertes aux patrons. C'est un comble !

Vous augmentez la taxe sur les tabacs en espérant que cela aura un effet dissuasif pour le consommateur. Peut-on croire sérieusement que l'on financera la sécurité sociale avec de telles mesures ? D'autre part, il est impératif de bien distinguer ce qui relève de la santé publique et les problèmes de financement de la protection sociale. Si l'on veut lutter plus efficacement contre le tabagisme, remboursons mieux les « patchs » de sevrage, particulièrement onéreux pour les patients.

Quant au FOREC, il est maintenu pour financer les exonérations de cotisations patronales alors qu'il est établi que celles-ci n'ont eu aucune incidence sur le niveau de l'emploi dans notre pays.

À défaut de mesures significatives pour stabiliser le financement de l'ensemble du système, on aurait pu s'attendre à trouver dans ce projet des dispositions susceptibles de répondre aux attentes de chacune des branches. Il n'en est rien.

S'agissant de la branche maladie et, en premier lieu, du médicament, la réduction du taux de remboursement des médicaments disposant d'un équivalent générique est de nature à pénaliser les assurés, qui, chacun le sait, ne choisissent pas la prescription qui leur est faite. Si l'on veut encourager la production de génériques, il faut contraindre les laboratoires à baisser les prix du princeps dès lors que le brevet a expiré et que les coûts de recherche sont amortis. Et pourquoi « dérembourser » des médicaments inefficaces ou dépassés - voire dangereux ? Il faut tout simplement les retirer du marché ! Quant à l'autorisation laissée aux laboratoires de fixer librement le prix des médicaments innovants jusqu'à l'aboutissement des négociations, on peut en imaginer les conséquences désastreuses pour les hôpitaux dont les budgets pharmacie sont notablement insuffisants. Préjudiciable pour les hôpitaux, l'opération sera juteuse pour les laboratoires. Je vous laisse imaginer l'effet produit au moment où vous acceptez la fermeture du centre de recherche Aventis de Romainville !

Pour ce qui concerne les effectifs, la situation est de plus en plus préoccupante ; certes, vous n'êtes pas un magicien et l'on ne peut vous reprocher de ne pas embaucher des médecins ou des infirmières qui n'existent pas ! Mais où sont vos mesures d'urgence pour inverser la tendance ? Le relèvement du numerus clausus - porté à 5 100 étudiants - reste bien timide puisque le conseil de l'Ordre estime que c'est 7 000 jeunes qu'il faudrait accueillir chaque année dans nos universités pour compenser les départs en retraite ! Quant aux infirmiers, des mesures plus audacieuses s'imposent pour favoriser leur formation. On ne pourra se contenter de recourir aux heures supplémentaires ou de rappeler des retraités pour faire face aux 28 000 départs prévus en 2010 !

S'agissant enfin des relations hôpitaux-cliniques, vous proposez de rapprocher les modes de tarification. Pourquoi pas ? Cependant, la tarification à la pathologie n'a pas fait l'unanimité. Pouvez-vous donner des précisions sur la tarification « à l'activité » qui semble avoir votre faveur ? L'ensemble des missions de l'hôpital public seront-elles prises en compte ? Comment l'activité sera-t-elle évaluée ? Si les mêmes outils restent en place - et je pense notamment à l'évaluation à partir de groupes de malades homogènes - ne faut-il pas craindre une standardisation - ou même un tri - des malades ? La répartition de l'activité de chirurgie entre le public et le privé à but lucratif est déjà très déséquilibrée : qu'allez-vous proposer pour empêcher la disparition de certaines activités dans le secteur public ?

S'agissant des autres branches, vous ne proposez rien de significatif hors le versement d'une allocation forfaitaire pour compenser la diminution des allocations familiales lorsque l'aîné d'une famille de trois enfants atteint sa vingtième année.

La revalorisation de 1,5 % des pensions de retraite reste inférieure à l'évolution des prix estimée à 2,2 %. Les retraités les plus modestes en souffriront. Au reste, votre projet ne dit quasiment rien au sujet des retraites. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour cette branche ? Il semble que vous soyez décidé à renoncer aux fonds de pension - sans doute l'affaire Enron vous incite-t-elle à la prudence. On a pu lire également que vous envisagez d'allonger la durée de cotisation des fonctionnaires et agents publics - en commençant par ceux d'EDF et de GDF au moment de la privatisation. Un tel nivellement par le bas est, vous le savez bien, très contesté. Avez-vous oublié que le puissant mouvement social de 1995 trouve son origine dans un projet analogue ? Pouvez-vous nous préciser vos intentions ?

Enfin, vos projets en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles sont modestes et, lorsqu'ils existent, peu rassurants. À la demande de la FNATH, nous défendrons plusieurs amendements tendant à renforcer la prévention et la réparation. Je rappelle que tous les groupes de notre assemblée se sont déclarés favorables à la réparation intégrale. Je gage qu'ils s'en souviendront au moment de voter nos propositions en ce sens d'autant que le Gouvernement a décidé de stabiliser les taux de cotisation alors que l'augmentation à tous égards préoccupante du nombre d'accidents du travail devrait naturellement conduire à les relever. Je conçois qu'il soit difficile de satisfaire à la fois les accidentés du travail et le Medef : il faudra bien choisir !

Non seulement ce texte ne nous donne presque aucun motif de satisfaction mais il soulève bien des inquiétudes pour l'avenir. En effet, vous vous bornez à constater le déficit. Vous parlez de budget de transition. Faut-il comprendre que vous avez décidé de laisser filer le déficit pour mieux nous expliquer dans quelque temps que notre sécurité sociale est dépassée et qu'il faut réduire le périmètre de l'assurance-maladie obligatoire au profit de l'assurance complémentaire, voire de l'assurance privée, pour couvrir les dépenses élégamment qualifiées de « laissées aux usagers »...

Ce PLFSS préoccupe le groupe communiste et républicain tant pour le présent que pour l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre Morange - Ce projet intervient à un moment crucial pour l'avenir de la santé des Français. Malheureusement, ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement de droite doit faire face à un déséquilibre des comptes de l'assurance-maladie inquiétant dans un contexte budgétaire par ailleurs difficile.

Certes, d'après les études internationales, notre système de santé demeure l'un des plus performants au monde. Notre pays a pu par le passé, grâce aux efforts et à la passion de ceux qui se sont engagés à soigner leurs concitoyens, répondre aux premières menaces pesant sur notre système de santé. Mais celui-ci doit aujourd'hui relever des défis d'une ampleur sans précédent. En effet, les dépenses de santé dans les pays développés vont croître en raison de l'allongement de la durée de vie, du coût des nouveaux traitements, de la prise en charge de maladies chroniques et d'un désir sans cesse croissant de bien-être. Or, nous n'avons pas été préparés à ces défis. Le précédent gouvernement n'a pas voulu engager des réformes de fond pourtant cruciales alors même que le contexte économique international était extrêmement favorable. Jean-François Mattéi a la lourde tâche de les engager aujourd'hui pour que tous les Français puissent continuer d'être excellemment soignés tout en garantissant aux professionnels de santé la possibilité d'exercer dans les meilleures conditions.

C'est au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qu'il appartient donc d'assumer les conséquences des mauvais choix du précédent gouvernement. Le premier de ces mauvais choix a été de persister dans une approche strictement comptable de la maîtrise des dépenses de médecine de ville, bien que cette méthode ait vite montré ses limites. Le second a été d'imposer la réduction du temps de travail à l'hôpital sans prendre en compte les conséquences de cette décision pour les équipes médicales. Que dire enfin de l'absence d'objectifs sanitaires et de décisions face à l'inquiétante évolution de la démographie médicale ?

Ce PLFSS marque incontestablement une rupture. Certes, il ne peut être qu'un outil de transition puisqu'il sera suivi dans les prochains mois par une ambitieuse loi de programmation. Il n'en permet pas moins une nouvelle approche de la politique de santé en France, dont les maîtres-mots sont vérité, confiance en la responsabilité des acteurs de santé, pragmatisme et réalisme.

Première rupture avec le passé : la sincérité des comptes. La situation financière de l'assurance-maladie est très préoccupante. Le déficit a continué à se creuser au cours des dernières années, mais l'excédent résultant de la très bonne conjoncture économique de ces dernières années l'a masqué. Avec la diminution des cotisations résultant du net ralentissement économique, le déficit de la branche maladie devrait atteindre 6,1 milliards d'euros en 2002 selon la commission des comptes.

Jamais casser le thermomètre n'ayant fait baisser la fièvre, Jean-François Mattéi a fait le choix de la vérité en médicalisant l'ONDAM, lequel pourra ainsi être réaliste. Il s'agit d'un premier pas, dans l'attente d'autres outils nécessaires à l'analyse des besoins de santé, comme la tarification à l'activité, dont l'expérimentation est prévue dans les hôpitaux dès cette année.

La progression de 5,3 % de l'ONDAM en 2003 apparaît donc comme un objectif réaliste. Il intègre le rythme actuel de croissance des dépenses d'assurance-maladie de 7,2 %, tout en tenant compte de la responsabilisation des acteurs du système de santé. Il permet de surcroît un correctif budgétaire si cela est nécessaire.

Seconde rupture : la démarche engagée pour rétablir la confiance avec les professionnels libéraux de santé.

Voir en 2002 les gendarmes faire face aux policiers dans la rue n'était pas déjà banal. Mais réussir à obtenir qu'une grande partie des médecins libéraux suive un mouvement de grève n'est sans doute pas le moindre des exploits du précédent gouvernement ! Les causes de ce mouvement étaient multiples, mais au-delà de la revendication pécuniaire, celui-ci avait pour origine la défiance dont les médecins étaient victimes depuis la régulation comptable des dépenses de l'assurance-maladie. Il faut remercier le Gouvernement d'avoir, dans ce domaine comme dans d'autres, choisi la voie du pragmatisme et de la concertation et d'avoir permis à notre système de santé de retrouver la sérénité.

Vous avez choisi de faire confiance aux professions de santé. Ce choix s'est traduit par des majorations de tarifs, l'abandon des lettres-clés flottantes et des comités régionaux médicaux, qui avaient fait la preuve de leur inefficacité mais surtout de leur injustice.

Votre choix a été aussi celui d'une confiance réciproque, chacun allant être associé à la maîtrise médicalisée des dépenses.

Après avoir été considérés comme de mauvais élèves qu'il convenait de punir dès qu'ils dépassaient la ligne blanche, sans prendre en compte la spécificité de chaque cas, les praticiens dialogueront désormais avec les caisses. L'objectif est de signer de nouvelles conventions d'ici à la fin de l'année afin de respecter l'objectif réaliste de progression de l'ONDAM. Cette confiance mutuelle se traduit également par la réforme du service de contrôle médical de l'assurance-maladie. Les médecins conseils seront désormais chargés d'une triple mission d'information, d'accompagnement et de promotion du bon usage des soins. Dans le même esprit, le fonds d'aide à la qualité des soins de ville voit ses missions élargies au financement d'évaluations des pratiques.

Vous avez également, Monsieur le ministre, pris en compte la situation dramatique de la démographie médicale. Ce PLFSS rompt enfin avec la croyance, totalement erronée, selon laquelle la réduction du nombre de praticiens permettrait de limiter la progression des dépenses de santé.

M. Jean-Pierre Blazy - Qui a répandu cette idée ?

M. Pierre Morange - Nous portons peut-être notre part de responsabilité, mais nous avons eu le courage de rompre avec cette philosophie alors que vous n'avez rien fait ces cinq dernières années.

La fin du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité a été avancée au 1er juillet 2003. Par ailleurs, le numerus clausus des étudiants en médecine a été augmenté de 8,5 %. Enfin, est prévue une incitation à la reprise d'activité à temps partiel pour les médecins et les infirmières libérales en retraite.

Les mots clés de ce PLFSS sont donc sincérité et confiance. Cette approche courageuse se traduit plus particulièrement dans trois domaines.

Tout d'abord, la prévention.

Il serait certes injuste de ne pas reconnaître les actions menées par le passé dans ce domaine. Notre système de santé demeure néanmoins essentiellement porté vers le curatif. Il convient donc de saluer tout particulièrement les trois chantiers ouverts par le Président de la République lors de son allocution du 14 juillet. Pour la première fois, la santé publique figure au premier rang des préoccupations de l'Etat. Ainsi en va-t-il de l'insécurité routière dont on n'évoque pas assez les conséquences en termes de santé publique. C'est d'ailleurs pourquoi le projet de loi visant à réprimer le cannabis au volant se devait d'être approuvé à l'unanimité - cette drogue serait à l'origine de plus de 15 % des accidents de la circulation.

La lutte contre le cancer est une autre priorité. Plus de la moitié des cancers trouvent leur origine dans des facteurs sur lesquels il est possible d'agir préventivement.

La lutte contre le tabagisme est un autre axe du combat. C'est dans cet esprit que doit être comprise la hausse des droits sur le tabac. Le prix élevé des paquets doit être dissuasif pour les jeunes consommateurs, mais aussi pour les fumeurs plus âgés.

Nous devons donc réorienter notre politique de santé publique en faveur de la prévention.

À ce titre, le groupe UMP soutient pleinement l'amendement présenté par le président de la commission des affaires sociales, visant à créer un office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.

Ce PLFSS engage ensuite un courageux plan médicament.

Chacun le sait, la France fait figure de mauvais élève en Europe en matière de consommation de médicaments. Celle-ci continue de croître à un rythme très élevé, encore de 10 % en 2000. Et ce alors même que vont arriver sur le marché de nouvelles molécules coûteuses, car elles intègrent les coûts de la recherche, et que la durée des traitements va s'accroître en raison de la prise en charge de pathologies chroniques et de l'allongement de la durée de la vie.

Le premier volet de votre action vise à accroître la part des génériques dans les prescriptions. Le forfait de remboursement pour tous les médicaments d'un même groupe générique semble être le seul outil en mesure de modifier durablement les habitudes. Il conjugue bonne gestion et responsabilisation des patients : en effet, ces derniers demeureront libres de conserver leurs médicaments princeps mais la collectivité ne supportera plus le surcoût lié à la marque.

Le second volet de votre action, moins médiatisé, représente pourtant une autre source importante d'économies pour la collectivité sans pour autant porter atteinte à la qualité des soins. Il s'agit de l'amélioration des procédures d'achat de médicaments à l'hôpital, conformément aux recommandations de la Cour des comptes.

Enfin, vous avez choisi d'engager une vaste réflexion sur le service médical rendu des médicaments. Il le fallait, afin de prendre en compte l'arrivée de nouveaux traitements. Nous nous félicitons que cette mesure soit mise en _uvre sur trois ans, afin de permettre aux patients et aux médecins de modifier leur comportement, et qu'une réforme de la fiscalité spécifique pesant sur les laboratoires pharmaceutiques permette à ces derniers de s'adapter et de réfléchir à la prise en charge assurantielle.

Enfin, le PLFSS intègre les premières mesures de l'ambitieux plan Hôpital 2007. Notre système hospitalier, qui a longtemps été source de fierté pour notre pays, traverse malheureusement une crise sans précédent. En sus des difficultés structurelles, auxquelles des réponses auraient dû être apportées - je pense notamment à la pénurie de praticiens -, les structures hospitalières, publiques et privées, ont dû appliquer la réduction du temps de travail alors que celle-ci n'avait été anticipée ni au niveau financier ni en matière de ressources humaines. Mais ce n'est pas surprenant de la part de la majorité d'hier qui a créé des droits nouveaux sans en mesurer les conséquences, plutôt que de traiter les problèmes au fond. Cela lui a permis de se donner le beau rôle, mais elle s'est fait rattraper par la réalité. La mise en _uvre des trente-cinq heures à l'hôpital figurera ans doute parmi les décisions publiques les plus irrationnelles que l'on puisse imaginer. S'il ne s'agissait de la santé des Français, nous pourrions en sourire. Malheureusement, c'est bien de celle-ci dont on s'est joué pour prouver que l'on pouvait étendre dans le public une mesure idéologique qui n'avait pourtant pas obtenu des résultats escomptés dans le privé. Votre prédécesseur, Monsieur le ministre, l'a lui-même reconnu.

Dans le même temps, rien n'a été entrepris pour lutter contre le vieillissement du parc immobilier des hôpitaux ni de leurs équipements techniques, ni offrir des solutions aux services d'urgence dépassés par les nouveaux modes de consommation médicale de certains patients. Là encore, Monsieur le ministre, vous avez été pragmatique et courageux en annonçant tout d'abord un plan quinquennal d'investissement en 2003. Mais cet effort serait insuffisant sans une réflexion sur l'organisation interne des établissements de santé, laquelle incombera à la mission d'audit et d'expertise créée par le PLFSS.

Par ailleurs, nous sommes particulièrement heureux que ce PLFSS permette d'expérimenter dans les établissements volontaires le principe de la tarification à l'activité. Cette démarche, qui devra être généralisée dès 2004, permet en effet de responsabiliser les acteurs et de réaliser des comparaisons entre les différentes structures, tout en prenant en compte les missions spécifiques des hôpitaux publics.

Dans tous les domaines, la rupture avec le passé est flagrante. Nous ne pouvons que vous féliciter, Monsieur le ministre, d'avoir réussi non seulement à redonner confiance aux personnels de santé, en leur montrant clairement les seules voies qu'il sera possible de suivre, mais aussi à ouvrir les portes pour préparer l'avenir. Les engagements ont été tenus, dans un contexte particulièrement difficile, et il faut aussi vous en féliciter. C'est pourquoi les députés UMP soutiennent avec enthousiasme ce PLFSS (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Le Garrec - Nous poursuivons ce soir, Monsieur le ministre, un débat que nous avons engagé il y a cinq ans. J'avoue que j'aurais préféré que nos places soient inversées... Mais ainsi va la démocratie.

Vous avez dit à M. Evin qu'il avait été un enfant gâté de la croissance. Il est vrai que nous en avons bénéficié, mais nous avons aussi su l'épauler. Vous, alors que vous avez d'emblée annoncé craindre un retournement, vous n'avez rien fait pour épauler la croissance. Mais c'est un autre débat budgétaire...

Lors de la discussion de l'an passé, vous aviez eu des mots aimables pour moi, je vous les retourne volontiers. Vous m'aviez aussi envoyé une petite vacherie, prétendant que la foi me rendait aveugle. Cela m'a un peu troublé car je croyais que, selon Saint Marc et Saint Jean, la foi rendait au contraire la vue à l'aveugle... (Sourires) Mais c'est aussi un autre débat, théologique celui-là...

J'en viens donc enfin au présent débat pour saluer une certaine continuité républicaine : vous financez le FIVA que nous avions créé - j'espère que le barème sera définitif ; vous semblez adhérer à l'idée que les modes de financement ne soient pas seulement liés à l'acte ; vous poursuivez la politique de prévention pour laquelle ma région a été pionnière.

Il y a aussi un certain nombre de points d'accord entre nous, par exemple sur l'échec tant de la vision étatique des systèmes de santé, comme au Royaume-Uni, que de la vision purement libérale, comme aux Etats-Unis.

Nous sommes aussi d'accord pour relever la grande complexité de notre système. Je dirai même qu'il est presque ingérable. Pourtant, il est géré et je pense même qu'il est le moins mauvais possible. Mais, pour résister - je récuse pour ma part l'expression « à bout de souffle » -, il est indispensable de définir les responsabilités qui, pour l'instant, se confondent.

M. le Président de la commission des affaires culturelles- C'est vrai !

M. Jean Le Garrec - Ainsi l'Etat est le garant des politiques publiques de santé et c'est contre lui qu'on se retrouve à chaque fois que quelque chose va mal. Les démonstrations de force des corporations médicales ou paramédicales sont toujours organisées avenue de Ségur, jamais devant la CNAM...

Bien sûr, il faut réactiver le paritarisme, mais cela pose un problème de représentativité. Or les dernières élections à la sécurité sociale datent de 1982 ou 1983, sous le gouvernement Mauroy que je soutenais activement. Nous ne les avons plus organisées depuis, nous avons eu tort. Comment assumer une responsabilité si l'on n'est pas représentatif ? La question se pose pour les syndicats comme pour le Medef.

Je trouve d'ailleurs malvenu de réintroduire ce dernier au sein de la commission des accidents du travail, comme vous le faites par l'article 38, sans traiter dans le même temps la question essentielle de sa participation à la CNAM. Ce sont en effet des sujets sur lesquels on prend trop peu en compte la réalité du travail. Vraiment, vous auriez dû poser au Medef la question de sa participation à la gestion paritaire de la CNAM.

M. le Ministre de la santé - Cela a été fait.

M. Jean Le Garrec - Je le pressentais. Le refus que vous avez essuyé est grave : le Medef montre ainsi qu'il poursuit d'autres objectifs que le maintien du paritarisme, pourtant essentiel.

J'ai beaucoup de respect pour les professionnels de santé qui font un métier difficile car c'est de la condition humaine, de la vie, de la douleur, de l'angoisse, de la mort qu'il s'agit. Mais ils sont aussi, et c'est le paradoxe de l'emploi du mot « libéral », ordonnateurs de dépenses publiques. Il faut qu'ils assument cette contradiction et que nous les y aidions. Il s'agit de la seule profession libérale dont le financement soit assuré par la collectivité publique. Vous en êtes d'ailleurs conscient quand vous évoquez le développement excessif des indemnités journalières. Si nous ne posons pas clairement ce problème, c'est tout le système qui risque d'être remis en question, alors que les médecins eux-mêmes y sont profondément attachés. J'ai assisté au Grenelle de la santé. Avant que le président de la commission des affaires sociales et la ministre interviennent, nous avions entendu 56 discours des professionnels de santé et paramédicaux, souvent, je le dis sans acrimonie, bien corporatistes.

Après l'échec du plan Juppé, une commission a fait dix propositions et nous avons fait adopter, en février 2002, une proposition, cosignée par Jean-Marc Ayrault, Claude Evin et moi-même, qui définissait un nouveau cadre conventionnel, applicable non seulement aux accords cadres mais aussi aux professionnels exerçant en ville, et qui mettait en avant des engagements collectifs et individuels par profession. Ce texte a été promulgué en mars, bien tard, j'en conviens. Mais il ne me paraît pas possible de poser le problème de la nouvelle gouvernance sans s'appuyer sur cette approche, qui définit un ensemble de relations complexes en posant la question des droits et des devoirs. C'est une démarche difficile, mais c'est la seule qui permette de dépasser la contradiction dont j'ai parlé.

J'en viens à la maîtrise. La santé est un bien premier et il y a une tendance normale à demander plus de dépenses et plus de services de santé. A l'approche sociale s'ajoute donc une approche économique. Mais il faut aussitôt se demander quelles ressources la collectivité nationale peut allouer à la santé et quel taux de croissance de ces dépenses est supportable pour nos concitoyens. Comme vous, je pense qu'il n'est pas certain qu'une croissance non maîtrisée des moyens soit garante d'une amélioration de la politique de santé. N'ayons donc pas peur d'employer le mot « comptable ». Si on ne compte pas, il y a toujours quelqu'un qui paye, et en général c'est le plus faible, le plus fragile.

C'est l'effet des politiques qui augmentent les cotisations et baissent les taux de remboursement. Comme M. Evin, je trouve déséquilibrée votre décision de ne rembourser que certaines visites, ou de ne rembourser les médicaments qu'à la hauteur du générique. Dans cette logique en effet, c'est le patient qui paie, alors qu'il subit l'influence du médecin qui seul a autorité pour prescrire.

Pour réduire les inégalités régionales, nous avons réussi à mettre en place une péréquation, qui a profité aux régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Poitou-Charentes. En cinq ans, nous avons ainsi amélioré l'offre de soins. C'est une politique qu'il faut poursuivre.

Je m'interroge par ailleurs sur les méthodes de gestion des CHU, qui ne sont peut-être pas à la hauteur des enjeux. Certains économistes de santé considèrent que les trente-cinq heures auront eu le mérite d'obliger à regarder en détail le fonctionnement de ces grosses machines.

On ne pourra pas éviter une réflexion sur la carte sanitaire et la démographie médicale.

Monsieur Mattei, je conclurai sur une phrase que vous avez prononcée en 2000, pendant l'examen de la loi de financement pour 2001 : « Il y a une profonde antinomie entre le prétendu statut de profession libérale et le contrôle de l'Etat. Il n'est pas sain que les médecins soient prisonniers d'un monopole qui leur impose des règles d'exercice ».

Je ne crois pas et vous ne croyez pas que la sécurité sociale soit un monopole. Il s'agit d'une création collective et c'est pourquoi il revient légitimement à l'Etat d'imposer des règles d'exercice. C'est même nécessaire pour protéger ce progrès historique que constitue la sécurité sociale.

J'espère donc que cette phrase était de circonstance.

Il nous faut avoir un débat clair pour que nos concitoyens aient conscience des enjeux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - La parole est à M. Lemoine.

M. Maxime Gremetz - Non ! C'est mon tour ! (M. Gremetz monte à la tribune)

Mme la Présidente - Je respecte la liste que j'ai sous les yeux. Pour que vous puissiez prendre la parole, il faudrait que M. Lemoine y consente.

M. Jean-Claude Lemoine - J'y consens.

M. Maxime Gremetz - Madame la Présidente, vous avez modifié l'ordre prévu. Mais je cède la place (M. Gremetz descend de la tribune).

M. Jean-Claude Lemoine - Messieurs les ministres, votre tâche est bien difficile, compte tenu de l'importance des déficits et du nombre des dysfonctionnements. Notre système de sécurité sociale est en outre le plus généreux du monde et la santé coûte de plus en plus cher. Les Français doivent pouvoir profiter des progrès scientifiques, même si les nouvelles thérapies sont onéreuses.

Si la santé n'a pas de prix, elle a un coût. Pour que les Français continuent à bénéficier d'un bon système de protection sociale, il faut mettre de l'ordre.

Ce projet de loi de financement marque un tournant décisif. Il précède le projet de loi de programmation quinquennale qui définira le rôle de chaque acteur et répartira les charges entre la collectivité et les citoyens.

Pour éviter les dérives et réussir les réformes, il est impératif de rétablir la confiance. Les professionnels de santé doivent prendre part au grand débat qui s'annonce.

La tâche est difficile, mais vous avez commencé et vous êtes en passe de réussir. La suppression des lettres-clés flottantes et des comités régionaux a été bien accueillie par les intéressés. Mais il faut que leur professionnalisme soit reconnu par de justes rémunérations.

Vous savez que nous manquons de médecins et de professionnels paramédicaux. Dans mon seul département, cinquante généralistes sont partis en retraite sans avoir trouvé de successeurs. Une clinique chirurgicale et une maternité ont dû fermer faute de praticiens, si bien que l'hôpital local est engorgé, d'autant qu'il manque lui-même de personnel.

Vous avez pris des mesures utiles et augmenté le numerus clausus, ce qui n'aura malheureusement d'effets que dans une dizaine d'années.

En modifiant légèrement les études médicales, ne pourrait-on pas envoyer les étudiants arrivés en fin de cycle en stage obligatoire chez des praticiens, dans les mêmes conditions qu'un remplacement ? En améliorant l'offre dans le secteur libéral, on ferait faire des économies considérables à la collectivité.

Par ailleurs, le numerus clauses se justifie-t-il encore ? On voit des jeunes empêchés de faire le métier dont ils rêvent sans que leurs compétences soient en cause, alors que nous faisons venir des médecins de l'étranger. En outre, il n'est pas établi que limiter le nombre des praticiens revient à limiter les coûts ; on pourrait certainement prouver le contraire.

Vous avez commencé à responsabiliser les citoyens. D'importantes économies peuvent être réalisées de la sorte. La sécurité sociale n'a pas vocation à rembourser tout et n'importe quoi.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général- Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine - La solidarité nationale n'a pas à intervenir en cas de risque volontaire ou de choix pour convenance personnelle. Est-il normal de rembourser au tarif des spécialistes des actes qui pourraient être prescrits par un généraliste ? Chacun doit conserver sa liberté de choix, mais il faut instaurer un remboursement plancher. Est-il normal qu'un patient s'autoprescrive des consultations de radiologie ? Celles-ci ne devraient être possibles que sur prescription médicale, dans l'intérêt du patient lui-même.

Il est difficile d'établir la part de responsabilité du tabac ou de l'alcool dans l'état de santé d'une personne. En revanche, la pratique de certains sports comme l'escalade ou le ski constitue clairement une prise de risque volontaire, qui peut se traduire par des traumatismes variés. Est-il normal que la solidarité nationale intervienne ? Je ne le crois pas. L'individu doit s'assurer lui-même. C'est à la portée de tous : s'assurer pour une semaine aux sports d'hiver ne coûte pas plus cher qu'un paquet de cigarettes.

On peut faire des économies considérables tout en améliorant la qualité des soins. Des réformes sont nécessaires. L'hôpital engloutit une part importante de notre budget. Certes, la tarification à la pathologie aura des effets bénéfiques mais, au vu des observations de la Cour des comptes, on doit aussi s'interroger sur la gestion de ces établissements. Les dysfonctionnements qu'on y observe n'existent pas dans les hôpitaux militaires, dont la gestion est confiée à des directeurs formés à cet effet, qui sont aussi médecins.

Cela suffit-il à expliquer le manque de projets d'établissement de nos hôpitaux publics ? De même, autant le tremplin hospitalier mis en place par le professeur Debré a amélioré la qualité des soins, autant sa généralisation dans tous les hôpitaux me paraît excessive, onéreuse et inapplicable.

Excessive, car vingt lits occupés en moyenne dans un service hospitalier ne justifient pas l'emploi à temps plein de deux ou trois praticiens.

Onéreux, car des temps pleins coûtent plus cher que des temps partiels.

Inapplicable, car nous manquons de médecins. La participation des médecins de ville à l'hôpital facilitera la complémentarité entre les systèmes privé et public. Vous proposez une mesure susceptible d'engendrer des économies dans le domaine pharmaceutique. On pourrait aller plus loin en permettant la délivrance de médicaments à l'unité, comme cela se fait dans d'autres pays, évitant ainsi de nombreux gaspillages ? Telles sont les quelques réflexions d'un ancien praticien.

Attendant beaucoup de vos réformes, je voterai avec enthousiasme votre projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - La parole est à M. Maxime Gremetz (« Ah ! » sur divers bancs).

M. Maxime Gremetz - Permettez-moi quelques remarques sur la réforme des retraites. Après avoir parlé d'abandonner le principe des fonds de pension, le Gouvernement, à travers une déclaration de M. Copé, semble revenir sur sa position, tout en précisant qu'aucun calendrier n'est prévu. Au regard des expériences vécues à l'étranger, il ne me semble pas opportun de mettre en place ce dispositif. L'affaire Enron montre comment l'Eldorado annoncé peut s'effondrer comme un château de cartes. Les fonds de pension sont incompatibles avec les retraites par répartition...

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général - Et la  Prefon ?

Mme la Présidente - Monsieur Bur, laissez parler M. Gremetz... (Sourires)

M. Maxime Gremetz - N'invoquez pas la Prefon qui est un système très particulier et très limité.

Un grand débat national devrait s'engager sur ce problème qui implique un choix de société. Les Français devraient être consultés par référendum.

Sur le poids de la démographie, je fais mienne la conclusion du conseil d'orientation sur les retraites : ce problème existe, mais il n'est pas insurmontable. Il faut réformer, mais pas en reculant l'âge de la retraite jusqu'à soixante-trois ans, comme il a été envisagé à Barcelone.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général- Par M. Jospin !

Mme la Présidente - Monsieur Bur...

M. Maxime Gremetz - Et par M. Chirac. Vous proposez aussi d'allonger les annuités de cotisation. De 37,5 annuités sous le gouvernement Balladur, on est passé à 40, et on nous propose de continuer sur cette voie, sous peine de voir diminuer les prestations. Dans ce domaine, la pensée unique règne, sauf chez vous (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Il faudrait au contraire affirmer l'égalité par le haut : retour à 37,5 annuités pour tous les salariés, ceux du privé comme ceux du public. Par ailleurs, certains songent à s'attaquer aux régimes spéciaux. Je leur souhaite bien du plaisir ! Les salariés concernés n'accepteront pas la destruction de ces régimes qu'ils ont édifiés au fil de l'histoire. Je vous préviens, ça ne passera pas. Enfin, il faut assurer des pensions dignes de ce nom. Comment peut-on juger suffisant le pouvoir d'achat des retraités, alors qu'il a baissé de 12 % ces dernières années. J'ai là les chiffres officiels... Vous ne proposez qu'une augmentation inférieure à l'inflation ! Il y aura donc une nouvelle perte de pouvoir d'achat, et je rappelle qu'il y a quelques millions de retraités très pauvres. Pour notre part, nous entendons participer au grand débat national qui permettra à nos concitoyens de prendre conscience des enjeux, et de faire le choix de société qui s'impose (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 40.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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