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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 21ème jour de séance, 55ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 8 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
      SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION
      D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES 2

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES,
      COMMERCE ET ARTISANAT, PROFESSIONS LIBÉRALES
      ET CONSOMMATION (suite) 2

      QUESTIONS 5

      OUTRE-MER 7

La séance est ouverte à quinze heures.

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

M. le Président - En application de l'article L.O. 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication de cinq décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales.

Conformément à l'article 3 du Règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, COMMERCE ET ARTISANAT, PROFESSIONS LIBÉRALES ET CONSOMMATION (suite)

M. Jacques Brunhes - Les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat, atouts majeurs de notre économie, sont aujourd'hui confrontés à des difficultés, dues, moins aux cotisations sociales, si souvent dénoncées par certains, qu'à l'attitude des grandes entreprises et des banques, et servent trop souvent de variables d'ajustement des décisions stratégiques de la finance.

Votre budget, censé favoriser la création et le développement des PME, ne contient aucune réelle avancée en leur faveur. Au contraire, comme l'Union professionnelle artisanale l'a relevé, les crédits d'intervention baissent de 9,2 % et le dispositif de développement économique subit une nouvelle réduction de 23 %, qui fait suite à celle de 15 % subie l'an dernier. A cela s'ajoute la baisse de 6,4 % des aides à la formation, pourtant essentielle à l'efficacité des PME. Comment, dans ces conditions, cette branche pourrait-elle créer d'ici cinq ans les 500 000 emplois que lui demande M. Raffarin ?

Il faut aussi dénoncer le tour de passe-passe au moyen duquel le budget de l'Etat absorbe le produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, à hauteur de quelque 251 millions d'euros. D'autre part, l'affichage des montants attribués au FISAC et à l'aide au départ des commerçants et artisans a pour effet de gonfler le budget.

Le secteur connaît des difficultés inhérentes : insuffisance de la formation, manque d'attrait des emplois du fait des conditions de rémunération et de travail - et la suspension de l'application des 35 heures n'arrange rien. Le développement de l'emploi ne passe pas par l'allégement des cotisations sociales, dont l'échec n'est plus à démontrer, mais par une réforme de leur assiette, qui devrait intégrer les revenus financiers - dont la plupart des PME ne bénéficient pas, et par une réorientation de la politique de crédit qui, actuellement, inhibe la création d'entreprises.

Notre groupe entend protéger les PME-PMI, le commerce et l'artisanat contre les restructurations économiques et financières que favorisent le Gouvernement et la Commission européenne. Pour ces raisons, nous voterons contre ce budget.

M. Michel Vergnier - Très bien !

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Le Gouvernement place les entreprises au c_ur du projet républicain. C'est une politique de bon sens, destinée à favoriser la croissance et la création d'emplois. Tel ne fut malheureusement pas le cas ces dernières années, et notre politique rompt avec celle de nos prédécesseurs, même si, bien entendu, les crédits de mon secrétariat d'Etat ne la traduisent que partiellement.

Parmi les mesures importantes prises récemment, je citerai les allégements de charges sociales, d'un montant de six milliards d'euros annuels en trois ans, l'assouplissement des 35 heures, notamment pour les entreprises de moins de 20 salariés (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle, qui concerne 1 200 000 entreprises, l'allégement progressif de la taxe professionnelle des professions libérales, que celles-ci attendent depuis si longtemps, l'annualisation du paiement de la TVA pour les redevables soumis au régime simplifié, le relèvement des seuils d'assujettissement aux acomptes de la taxe professionnelle et de l'impôt sur les sociétés.

D'autres mesures sont en préparation. Un projet de loi visant à favoriser l'initiative économique, et en particulier la création d'entreprises, pour laquelle la France est loin derrière l'Espagne et la Grande Bretagne, vous sera présenté en janvier.

Nous entendons également, dans le même cadre, faciliter la transmission des entreprises : près d'un demi-million d'entre elles verront en effet leurs dirigeants atteindre l'âge de la retraite dans les dix ans qui viennent.

Enfin, pour que nos entreprises puissent disposer de plus de capitaux propres, nous privilégierons l'investissement direct - au moyen d'incitations fiscales - mais aussi la création de fonds d'investissements de proximité. Il s'agit, vous le voyez, d'un projet très important, qui donnera tout son sens à une politique de l'offre rénovée en renouvelant le tissu économique de notre pays, et dont la portée financière dépassera celle du présent budget, - preuve que, derrière les paroles, il y a des actes ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Un deuxième projet important vous sera soumis : il aura trait à la simplification de la vie des entreprises et à transformer le rapport de forces qu'elles entretiennent avec l'Etat en rapport de confiance. Ainsi, le silence de l'administration vaudra acceptation : ce sera une petite révolution... Nous faciliterons la vie des travailleurs indépendants, en outre, en créant le guichet social unique - revendication très ancienne qui n'a jamais pu être satisfaite - et en étendant le chèque-emploi-service aux très petites entreprises. Je salue, à ce propos, le travail accompli par vos rapporteurs, qui ont su faire preuve d'imagination et dont nombre de suggestions seront incorporées au projet.

J'en viens au budget lui-même, dont le montant passe de 60,98 à 57, 87 millions d'euros. C'est une baisse, il faut le reconnaître, mais une baisse minime en valeur absolue : 3,11 millions seulement.

Il n'y a pas lieu de s'en offusquer : nos entreprises n'ont pas besoin de subventions, mais d'un marché qui les finance et leur permette de se développer. Aucune des réductions des crédits opérées ne remet en cause l'action de l'Etat en faveur de l'artisanat, du commerce, des PME, des professions libérales - sans oublier la consommation, à laquelle j'attache beaucoup d'importance.

Je tiens à insister sur l'augmentation du FISAC, dont le montant passe de 67 à 71 millions d'euros, et je puis annoncer, avec l'aval d'Alain Lambert, que le Gouvernement veillera à ce que ces crédits ne soient pas détournés de leur objet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

A M. Michel Vergnier, qui s'inquiétait de la baisse des crédits de formation, je réponds que d'autres financements viendront relayer ceux de l'Etat.

M. Michel Vergnier - Les régions !

M. le Secrétaire d'Etat - Justement, plus les crédits sont dépensés dans la proximité, mieux le contrôle démocratique fonctionne ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Tous ensemble, nous devons être imaginatifs et vigilants pour développer l'apprentissage, la formation en alternance, ou pour revaloriser un certain nombre de très beaux métiers. Nous avons actuellement des emplois sans jeunes et des jeunes sans emploi : quel paradoxe ! Les mots sont importants : cessons de parler de « travail manuel », car je ne connais aucun travailleur dit manuel qui ne fasse avant tout appel à son intelligence et à son c_ur ! (Approbations sur de nombreux bancs) Les métiers de l'artisanat, du commerce et des services sont les métiers de demain, et je fais appel à vous pour en persuader le plus grand nombre de jeunes et de parents possible.

M. Michel Herbillon - C'est la bonne direction !

M. le Secrétaire d'Etat - S'agissant de l'utilisation des fonds du FISAC, je voudrais emprunter trois pistes. La première est l'accélération des procédures, car les subventions qui arrivent trop tard sont de mauvaises subventions ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe socialiste) Le temps de l'administration est un temps long, celui des entreprises est un temps court ; c'est à l'administration de s'adapter aux entreprises, et non l'inverse. J'entends également relever de 20 à 30 % le plafond de subventions pour les communes rurales, de moins de 2 000 habitants, car je sais d'expérience combien elles sont indispensables au montage des projets.

M. Michel Vergnier - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Enfin, nous allons, par la voie de l'expérimentation, commencer de décentraliser le FISAC. Les régions volontaires pourront ainsi mettre en _uvre de nouvelles politiques, par exemple pour la sécurisation des commerces et des ateliers, ou pour le maintien du commerce de bouche, dans les bourgs-centres.

M. Michel Herbillon - C'est une très bonne nouvelle !

M. le Secrétaire d'Etat - Je veux affirmer la confiance du Gouvernement dans les grands réseaux économiques qui animent notre territoire - tout particulièrement le réseau des chambres de métiers et des chambres de commerce, trop souvent « mises à la diète » et ainsi empêchées d'assumer leurs obligations. Nous voulons travailler en confiance avec elles, dans un souci de partenariat, qui n'exclut pas le contrôle a posteriori ; à Jean-Jacques Descamps, qui a abordé le sujet, j'annonce que nous travaillons à la réforme des chambres de commerce, qui n'a que trop tardé.

Le Gouvernement a fait de la baisse de la TVA sur la restauration une de ses priorités. Le Président de la République n'a jamais fixé de date pour le passage au taux réduit : il est trop au fait et trop respectueux des règles de l'Union européenne pour cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Je rappelle, à l'adresse des donneurs de leçons, que le gouvernement précédent avait lui-même refusé d'inscrire la restauration sur la liste des secteurs pouvant bénéficier de la TVA à taux réduit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Vergnier - Parce qu'il en avait inscrit d'autres !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous entendons traiter ce dossier en concertation avec toutes les parties intéressées, de façon que le consommateur y trouve son compte, les salariés aussi, et que l'équipement touristique de notre pays s'en trouve amélioré.

M. Charié et quelques autres ont évoqué la question des pratiques commerciales. Nous avons constaté une vraie dérive, qui n'avait guère ému nos prédécesseurs, puisque, comme j'ai pu le constater dès mon arrivée, la commission d'examen des pratiques commerciales ne fonctionnait pas. J'ai donc demandé aux parties de renouer le dialogue, afin de sortir du piège des « marges arrière », qui pénalisent les consommateurs comme les petits producteurs.

Un premier accord a été conclu entre l'Association nationale des industries alimentaires, et la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, mais je souhaite aller plus loin. C'est pourquoi je soumettrai à la concertation un projet de circulaire, qui ouvrira un chemin nouveau vers le rétablissement de pratiques plus protectrices des consommateurs, des producteurs et des entreprises, et de nature à mieux réguler le marché.

Si des abus sont constatés, ils seront évidemment sanctionnés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et leurs auteurs traduits devant les tribunaux. Sur le fond, je suis convaincu qu'il faut inverser la vapeur, et user de la concertation pour mettre au point des solutions innovantes. Telle est mon intention, et je pense aboutir au cours des prochaines semaines.

Je me rendrai sous peu à La Réunion ; j'aurai donc l'occasion d'évoquer avec M. Thien Ah Koon la situation particulière de l'île.

Quant à Madame Grosskost, je lui confirme qu'un texte relatif au statut de l'entrepreneur est en cours d'élaboration. Ce projet ambitieux traitera, en particulier, du statut des conjoints, qui doivent bénéficier de droits sociaux de même niveau que ceux des salariés. Il reprendra celles des dispositions du projet Patriat qui sont bonnes, mais nous étofferons ce texte pour lui donner plus de substance (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Je n'oublie pas, pour autant, être aussi chargé de la consommation. Il nous faudra avoir l'imagination suffisante pour trouver comment tenir compte des aspirations nouvelles des consommateurs à la qualité et à la sécurité d'une part, des implications de la mondialisation sur les productions d'autre part. Le budget de la consommation le permettra. Je souligne que le soutien aux associations de consommateurs est maintenu, et je saisis l'occasion qui m'est donnée de rendre hommage au travail de grande qualité accompli par le mouvement consumériste français.

Vous l'avez constaté : le budget qui vous est soumis permettra au Gouvernement de mener une politique nouvelle et déterminée. Après de si longues années d'attente, les entrepreneurs veulent une action rapide. L'année 2003 marquera un tournant, car ce que nous souhaitons, c'est modifier les mentalités et faire en sorte que l'esprit d'entreprise souffle plus fort en France, dès l'école et l'université. Nous avons besoin des entreprises ; c'est pourquoi le Gouvernement les épaule. Ce budget en est la preuve (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. André Schneider - Les artisans et les commerçants français sont gens de talent. Mais, outre qu'ils ont du mal à recruter une main-d'_uvre qualifiée, ils croulent sous la paperasserie. Le 3 juillet, le Premier ministre a annoncé la publication prochaine d'une ordonnance portant diverses mesures de simplification administrative. Quel est, Monsieur le ministre, l'état d'avancement des travaux sur ce point ? Les entrepreneurs s'en inquiètent, qui veulent pouvoir se consacrer entièrement à leurs missions premières : créer la richesse et l'emploi.

Quel sera, d'autre part, le calendrier des réformes attendues du statut de l'entrepreneur, qu'il s'agisse de la protection du conjoint, de la transmission des entreprises ou de la fiscalité ?

M. le Secrétaire d'Etat - A propos de la simplification, nous avons largement consulté, et recueilli des propositions qui seront transcrites dans l'ordonnance annoncée par le Premier ministre, qui a choisi cette procédure pour hâter le mouvement. L'ordonnance comprendra un volet social instituant un guichet social unique et un titre-emploi simplifié pour les très petites entreprises, mais aussi un volet fiscal et un volet juridique. Elle devrait être publiée au cours du premier semestre 2003. Je me félicite d'ailleurs de l'excellent travail réalisé, à ce sujet, par le groupe de parlementaires présidé par M. de Roux.

Quant au projet de loi relatif au statut de l'entrepreneur, prévu pour le deuxième semestre 2003, il traitera des multiples aspects de l'entreprise individuelle : retraite de l'entrepreneur et de son conjoint, formation professionnelle, accès au crédit, sous-traitance, para-commercialisme, accès aux marchés publics et au crédit-recherche, location-gérance... Ce texte ambitieux permettra aux entrepreneurs de travailler dans de meilleures conditions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Thierry Lazaro - Chaque année, un très grand nombre d'entreprises disparaissent faute de repreneurs, ce qui entraîne la perte de dizaines de milliers d'emplois. Et comme le nombre d'entrepreneurs qui vont partir à la retraite au cours des prochaines années va augmenter dans des proportions considérables, l'enjeu économique est énorme. Or, le coût d'une transmission d'entreprise, en France, est largement supérieur à la moyenne européenne. Ainsi, pour une société dont la valeur est estimée à 100 millions et dont héritent quatre ayants-droit, les droits à payer sont de 40 % contre 11 % en Allemagne, et zéro en Belgique, en Italie et en Espagne ! Encore faut-il ajouter que ces droits sont calculés après versement de l'impôt sur le revenu si bien que, le plus souvent, la solution consiste à vendre à un étranger qui n'aura pas, lui, à acquitter l'impôt ! On le voit : il est impératif de réformer le droit des transmissions et, en particulier de tenir compte des conséquences, pour la valeur de l'entreprise, de la disparition de son patron, au lieu, comme le veut la règle fiscale, de s'en tenir à la valeur vénale au jour de la mort pour évaluer les droits. Il faut, enfin, permettre l'étalement du paiement des droits sur quinze ou vingt ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Charié - Nous vous soutiendrons, Monsieur le ministre !

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement entend réformer de fond en comble la fiscalité applicable aux transmissions d'entreprises. L'une des pistes envisagées est le relèvement substantiel du seuil d'exonération des plus-values de cession...

M. Jean-Paul Charié - Il faudrait supprimer leur imposition !

M. le Secrétaire d'Etat - ...de manière que la majorité des entreprises y échappe. Le taux de 26 % actuellement appliqué explique en effet pour une bonne part la « surmortalité » des entreprises transmises. Nous voulons aussi réduire l'impôt dû par les repreneurs qui s'endettent pour mener leur projet à bien, et échelonner le paiement de l'impôt en l'alignant sur la durée du « crédit vendeur ».

Nous envisageons également d'alléger la fiscalité sur les donations d'entreprises aux salariés - y compris quand il s'agit des enfants du patron - avec l'objectif de parvenir à une exonération totale pour les entreprises valant moins de 300 000 euros.

Outre ces dispositions ambitieuses, nous souhaitons faciliter la transmission anticipée des entreprises, c'est un point essentiel.

M. Jean-Paul Charié - C'est un acte de gestion !

M. le Secrétaire d'Etat - Absolument ! La réduction fiscale pourrait atteindre 75 % dans le cadre d'un pacte familial.

Ces mesures traduisent la volonté du Gouvernement de tout faire pour transmettre notre patrimoine industriel, commercial et artisanal aux nouvelles générations. Avant de se préoccuper de créer de nouvelles entreprises, il faut préserver celles qui existent (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Warsmann - Je voudrais redire notre attachement au FISAC, qui permet de financer des opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce. Ces investissements dynamisent les entreprises, les aident à se mettre aux normes et créent des emplois.

Dans mon département, une opération de ce type a été décidée par la communauté de communes du pays sedanais. Confirmez-vous l'engagement financier de l'Etat ?

Seconde question : la communauté de communes des trois cantons de Carignan, Mouzon et Raucourt envisage également de lancer une opération d'aide à l'artisanat et au commerce et en a saisi votre délégué régional. L'Etat acceptera-t-il de cofinancer les études et les travaux ? (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Secrétaire d'Etat - Vos questions témoignent de votre attachement à l'économie de votre département !

En ce qui concerne le projet des trois cantons, l'Etat a exprimé un avis favorable à l'opération, qui sera, bien sûr, éligible au FISAC, y compris pour les études... dès que le dossier aura été constitué ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je confirme aussi l'engagement financier de l'Etat dans l'opération lancée par le pays sedanais ; les fonds proviennent du FNADT et ont été accordés dans le cadre du contrat de plan ; nous le respecterons.

M. Michel Herbillon - Tu n'es pas venu pour rien, Jean-Luc ! (Sourires)

M. Jean-Paul Charié - C'est ce qu'on appelle faire son marché !

M. Thierry Lazaro - L'article 15 du projet de loi de finances prévoit d'affecter à l'avenir au budget général de l'Etat le produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat et de prélever 154 millions d'euros sur les réserves accumulées. Or, le produit de cette taxe, créée en 1972 pour établir une péréquation entre grandes surfaces et petites entreprises, et qui a financé diverses dépenses de solidarité, dont l'aide au départ, et alimenté le FISAC, a connu une croissance importante, source d'excédents structurels, et le gouvernement précédent en a tiré prétexte pour opérer des prélèvements « exceptionnels » - d'un montant total de 430 millions d'euros en dix ans. L'opposition d'alors avait dénoncé ces ponctions et suggéré la création d'un compte d'affectation spécial pour préserver le principe de la péréquation.

Je demande que les excédents 2003 servent à abonder les crédits de l'artisanat, et en particulier le soutien aux actions des chambres de métiers et des organisations professionnelles (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Leurs crédits sont en effet insuffisants pour mener à bien leurs missions de conseil en matière de transmission des entreprises, de diffusion des procédures de certification et de mise aux normes, d'animation économique, ou encore de mobilisation autour de projets communs de développement local.

M. le Secrétaire d'Etat - Je comprends votre préoccupation.

La réforme de la TACA est inspirée par un double souci : respecter le principe de l'unicité de caisse et garantir la transparence des opérations. Jusqu'à présent, les prélèvements de l'Etat s'effectuaient en catimini et la représentation nationale n'en avait connaissance que lors de la présentation du collectif budgétaire.

Le Gouvernement a souhaité une gestion plus simple et plus transparente du produit de cette taxe. La création d'un compte d'affectation spécial ne le permettrait pas, et c'est pourquoi le ministre du budget l'a écartée. Mais l'essentiel est que les fonds soient bien affectés à l'artisanat et au commerce : je m'en porte garant, pour les trois années qui viennent, et vous constatez d'ailleurs que le FISAC a été augmenté.

M. Michel Vergnier - Comme les années précédentes !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous devons aussi rechercher les moyens de pleinement utiliser ces crédits, qui trop souvent ne sont pas consommés, en étendant les affectations du FISAC et en tirant parti de la décentralisation. La meilleure façon de bien gérer l'Etat, c'est d'utiliser les crédits ouverts, plutôt que d'augmenter des crédits qui ne seront pas consommés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Les crédits des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits de l'économie et des finances.

J'appelle néanmoins les articles 64 et 65, rattachés à ce budget.

Les articles 64 et 65, successivement mis aux voix, sont adoptés.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 10.

OUTRE-MER

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances pour les départements d'outre-mer - Le projet de budget de l'outre-mer s'établit à 1,084 milliard d'euros, soit une hausse de 0,56 % par rapport au budget voté l'an dernier. A périmètre constant, l'augmentation est de 1,5 %, des crédits de personnel de la préfecture de la Martinique ayant été transférés, à titre d'expérimentation, au ministère de l'intérieur.

En ce qui concerne l'état B, les moyens de services s'élèvent à 179 millions d'euros, soit une baisse de 0,16 %, et les crédits du titre IV, qui comprennent notamment les crédits du FEDOM - le fonds pour l'emploi -, à 630 millions d'euros, soit une reconduction des crédits votés en 2002.

S'agissant de l'état C, les crédits du titre VI, qui concernent les subventions d'investissement accordées par l'Etat, et qui comprennent principalement les crédits du logement et les subventions au FIDOM et au FIDES, s'élèvent à 268 millions d'euros.

Le budget du ministère ne représente que 11 % de l'ensemble des crédits affectés par l'Etat à l'outre-mer ; l'enveloppe globale consolidée devrait s'établir à 7,835 milliards.

S'agissant de la politique du ministère, les volets emploi et insertion mobilisent des concours très importants, qui résultent notamment de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Celle-ci a en particulier porté de 1 à 1,3 SMIC la base des exonérations de charges sociales, dont le coût devrait représenter 523 millions d'euros.

Le budget du FEDOM est fixé à 477 millions d'euros, soit une baisse apparente de 5 % mais, en réalité, à périmètre constant, de 2,84 %. Ce fonds gérait déjà les contrats emploi-solidarité, les contrats d'insertion par l'activité, les exonérations de charges sociales, les contrats de retour à l'emploi, la prime à la création d'emploi, les emplois-jeunes ; la loi de décembre 2000 a complété le dispositif en lançant le « projet initiative jeune » - aide aux projets professionnels des jeunes de moins de trente ans -, le congé-solidarité - dispositif de pré-retraite pour les salariés de plus de 55 ans, avec embauche équivalente de jeunes de moins de 30 ans - et l'allocation de retour à l'activité - aide incitatrice destinée aux bénéficiaires du RMI, de l'API et de l'allocation spécifique de solidarité.

Cette politique, qui épaule largement la lutte contre l'exclusion, poursuit l'achèvement de l'alignement du RMI sur son niveau métropolitain. Les crédits de l'action sociale et culturelle et des coopératives régionales sont abondés de 40,6 millions, dont 17,5 millions pour le passeport-mobilité, nouveauté très attendue. Les bourses en faveur des étudiants mahorais sont dotées de 333 000 €. Les crédits du fonds de coopération régionale - remplaçant l'ancien fonds interministériel - s'élèvent à 3,5 millions.

Le service militaire adapté demeure, en prenant en compte la fin de la conscription. La création de 500 postes permettra de disposer du même nombre de volontaires qu'en 1998. L'ensemble des crédits du SMA atteint 18 millions.

Dans le domaine du logement, très problématique dans les DOM, l'Etat continue de privilégier l'aide à la pierre, sous la forme de la ligne budgétaire unique, dont la fongibilité totale offre de larges possibilités d'adaptation aux besoins locaux. Les autorisations de programme s'élèvent à 287 millions et les crédits de paiement à 173 millions, en progression de 7,4 %. Cela permettra de construire 10 000 logements et d'en rénover 5 000.

Abondées par le FIDOM, les subventions aux collectivités locales s'élèvent à 37,8 millions en crédits de paiement et à 39,8 millions en autorisations de programme. L'application de la loi relative à Mayotte se traduit par la création du fonds mahorais de développement. Les crédits d'infrastructure destinés à la Guyane atteignent 1,2 million en autorisations de programme et 900 000 € en crédits de paiement.

L'emploi, le logement, l'insertion demeurent, fort logiquement, les secteurs prioritaires d'intervention, dans un contexte économique difficile, qu'aggravent encore les aléas climatiques locaux.

A l'évidence, ce budget marque une pause par rapport aux progressions de crédits des trois dernières années. Il permet cependant de tenir les grands objectifs fixés par la loi de décembre 2000.

La commission s'est par ailleurs interrogée sur le rythme parfois très lent de consommation des crédits d'investissement. Le contexte international, les difficultés rencontrées par ces pays, la climatologie expliquent une partie de ces retards, de même que l'immigration clandestine. Ainsi, la Guyane compte 30 000 étrangers en situation irrégulière en plus de ses 157 000 habitants.

La France doit faire face à ses responsabilités. Elle peut compter sur l'outre-mer, à condition de toujours y assumer ses responsabilités et de tenir ses engagements. Pour cela, il faut cesser de croire que toute nouvelle politique soit condamnée à tout reprendre à zéro, au risque de faire, en fin de compte, toujours la même chose. Il faut bâtir en s'ancrant dans une tradition et en se remémorant les succès comme les échecs. C'est à ce prix que l'outre-mer pourra réussir.

La commission des finances a, à la majorité, adopté le projet de budget des DOM.

M. Victor Brial, rapporteur spécial de la commission des finances pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie - Je salue tout d'abord l'élévation du secrétariat d'Etat à l'outre-mer au rang de ministère de plein exercice, ce qui témoigne de l'attachement de ce Gouvernement à l'outre-mer.

D'ici la fin de l'année 2002, vous aurez accompli, Madame la ministre, une étape importante de votre démarche politique en visitant les populations de l'ensemble de l'outre-mer. Vous aurez ainsi montré votre détermination, celle du Gouvernement, celle du Président de la République de donner à nos collectivités une place privilégiée dans la République.

L'outre-mer connaît aujourd'hui des mutations profondes. L'approfondissement de la décentralisation, et la prochaine loi de programmation permettront, j'en suis sûr, des réformes majeures.

Ce budget est donc un budget de transition, mais non d'immobilisme. Bien au contraire, les moyens consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie sont renforcés, et ce dans un contexte de maîtrise de la dépense publique. Le budget de l'outre-mer, dans son ensemble, augmente ainsi de 0,56 % et même de 1,5 % à périmètre constant. Au sein de ce budget plus de 12 % des crédits sont consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, soit 227,57 millions d'euros. Je rappelle en outre que l'effort global de l'Etat en faveur de l'outre-mer, tel que traduit par les crédits inscrits à cet effet au budget de chacun des ministères, s'élève à plus de 1,8 milliard, soit une augmentation de 3,2 %.

Merci, Madame la ministre, pour toutes les nouveautés importantes que finance ce budget.

Le passeport mobilité, créé en septembre 2002 et qui bénéficiera dès 2003 de 17,5 milliards, devrait concerner 11 000 étudiants et 5 000 jeunes en formation professionnelle. L'amélioration des compétences est en effet la clé de la mise en valeur économique et du progrès social dans nos collectivités.

La convention spécifique à Wallis-et-Futuna, qui permettra notamment d'améliorer la desserte inter-îles et de soutenir les chantiers de développement, devrait bénéficier de 2,5 millions d'euros en autorisations de programme et de 0,5 millions en crédits de paiement.

Ce budget illustre par ailleurs la volonté du Gouvernement de mener une véritable politique sociale et culturelle dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, près de 20 millions d'euros seront consacrés aux actions d'insertion et de formation professionnelle ainsi qu'aux bourses d'enseignement supérieur. Je me félicite particulièrement du renforcement de la formation des cadres en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

Le service militaire adapté, en profonde mutation depuis la professionnalisation de nos armées, offrira de vraies chances de formation aux jeunes d'outre-mer. Avec 92 nouveaux postes, l'effectif total atteindra 460 volontaires. Le SMA, bénéficiera pour les TOM d'une enveloppe de 17,7 millions.

L'Etat favorise aussi l'investissement par l'intermédiaire du Fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer, qui finance notamment les contrats de développement de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de Wallis-et-Futuna, ainsi que des crédits d'équipement en faveur des TAAF. Le FIDES devrait bénéficier en 2003 de plus de 46 millions d'euros en autorisations de programme et de 50 millions d'euros en crédits de paiement.

Je veux souligner votre souci d'une meilleure efficacité de la dépense publique. En effet, la suppression d'un chapitre de répartition concernant la Nouvelle-Calédonie et le redéploiement de ces crédits n'est pas une simple mesure technique. C'est une véritable amélioration, qui rend votre budget plus lisible et qui permet au rapporteur spécial que je suis d'assurer un meilleur contrôle de l'utilisation des crédits, conformément à l'esprit de la loi organique.

Améliorer la consommation des crédits est un enjeu essentiel pour l'outre-mer. Plus de 146 millions d'euros ont été mis en réserve en 2002, soit 14 % de la dotation initiale. Les projets du Gouvernement, en faveur de l'outre-mer ne prendront donc tout leur sens que si les taux de consommation des crédits se redressent.

Enfin, je demande que l'on tienne davantage compte de la situation particulière de chaque collectivité d'outre-mer, de ses propres besoins, de ses propres aspirations, spécificités que le budget doit refléter.

La commission des finances a adopté les crédits des territoires d'outre mer et de la Nouvelle-Calédonie et je vous demande, mes chers collègues, de faire de même.

Je remercie nos collègues métropolitains pour leur présence et les fonctionnaires de la commission des finances pour leur aide (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous sommes tous ici des amis de l'outre-mer.

M. Mansour Kamardine - Et vous-même tout particulièrement !

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'outre-mer - Réunies lors d'une audition conjointe, les commissions des affaires économiques et des lois ont donné à une très large majorité un avis favorable à ce budget de rupture et de transition.

Rupture, avec la politique d'affichage pratiquée trop systématiquement au cours des années récentes : plus de 423 millions d'euros ont été reportés ces dernières années, et 727 millions d'euros pour l'ensemble de la législature, soit trois années de dotations de la LBU qui finance, rappelons-le, le logement et l'insertion, ou encore deux années de dotations du FEDOM... Au total, c'est l'équivalent de près d'un budget sur cinq qui n'a pas été consommé depuis 1997 !

Rupture aussi avec la politique d'assistance qui avait été privilégiée depuis cinq ans, au détriment d'une véritable politique créatrice d'emplois.

La dépense publique doit, dès le premier euro, chercher à favoriser un véritable développement économique et non à faire vivre des dispositifs aussi artificiels que coûteux, qui ne conduisent qu'à étendre aux domaines économique et social la marginalité géographique des collectivités d'outre-mer. Certes, ces collectivités connaissent quelques spécificités, mais elles sont soumises aux mêmes lois du marché que la métropole.

Ce budget de transition marque le retour d'une politique de l'outre-mer réaliste. Un projet de loi programme pour l'outre-mer pour quinze ans sera débattu prochainement au Parlement. M. Chirac l'a déclaré à la Guadeloupe, lors de la campagne présidentielle, l'objectif est d'atteindre, après l'égalité politique et sociale, l'égalité économique, en substituant une logique d'activité à une logique d'assistanat.

Des mesures ont déjà été prises en ce sens : défiscalisation de la loi Pons en 1986, lancement du programme Poséidon en 1987, exonération de charges de la loi Perben en 1994, alignement du SMIC en 1995.

Il faut cependant aller au-delà, et sortir l'outre-mer de l'immobilisme.

Votre budget, qui s'élève à 1 084 millions d'euros, marque une progression de 0,56 % par rapport au budget 2002, et concrétise deux engagements pris par le Président de la République : d'une part l'instauration du « passeport-mobilité » qui, doté de 17,5 millions d'euros, permettra de prendre en charge les billets d'avion de milliers d'étudiants, d'autre part le rattrapage économique de Wallis-Futuna et de Mayotte qui bénéficieront de conventions de développement, à hauteur de 22,5 millions d'euros.

Reste l'essentiel : la politique de l'emploi et du logement. La surabondance de mesures a rendu le dispositif du FEDOM incohérent. L'éclectisme des dispositions, et la réduction drastique des contrats d'accès à l'emploi depuis quatre ans, témoignent d'une politique de l'emploi dépourvue de ligne directrice. Le présent budget rompt avec cette politique en mettant l'accent sur les contrats d'accès à l'emploi dans le secteur privé marchand et en entreprenant une réorientation progressive du FEDOM.

La réorientation du FEDOM devrait se faire progressivement. Les moyens consacrés aux emplois-jeunes - 150 millions d'euros - sont maintenus en attendant de trouver une solution de reclassement individuel, tout comme sont préservés les crédits destinés aux CES et aux CEC.

Pour faire face à la forte croissance démographique et au manque de logements, vous augmentez les moyens destinés à faciliter l'accession aux logements sociaux, en vue de lutter contre l'exclusion et la précarité.

Par ailleurs, j'appelle votre attention sur quatre points, en premier lieu la lutte contre l'insécurité. La délinquance ne cesse de croître, notamment dans des villes comme Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre. Ce problème est aggravé par une immigration clandestine importante - voyez la Guyane - et, pour les départements français d'Amérique, par la proximité des réseaux de trafics de stupéfiants. Que compte faire le Gouvernement pour remédier à cette situation ?

Deuxièmement, l'ancrage à l'Europe : l'article 299-2 du Traité d'Amsterdam reconnaît la spécificité des DOM. Madame la ministre, allez-vous, soutenue par Michel Barnier, commissaire européen chargé de la politique régionale, sensibiliser Bruxelles à cette question ?

Troisièmement, la desserte aérienne et la continuité territoriale, auxquelles le retour à un monopole d'Air France serait préjudiciable.

Enfin, le tourisme d'outre-mer, concurrencé par les archipels proches des Antilles. Quelles sont les grandes lignes du plan d'action que vous élaborez avec M. Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme ?

L'outre-mer donne à la France une dimension mondiale, et à l'Europe de nouvelles frontières, sans compter toute sa richesse culturelle.

Le présent projet de budget est en phase avec la loi constitutionnelle sur la décentralisation, et prépare une loi de programme qui, en 2003, esquissera les contours de l'outre-mer que nous voulons dans quinze ans.

C'est pourquoi, au nom de la commission des finances, je le soutiens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'outre-mer - L'outre-mer se caractérise par une économie en perte de vitesse, dépendante des commandes publiques, avec un taux de chômage qui atteint 28 % de la population, un coût élevé du travail et de l'investissement, et une forte proportion des bas salaires.

A cela s'ajoutent des conditions climatiques et un enclavement géographique peu favorable.

Or, depuis quelques années, aucun effort n'est entrepris. Le bilan de vos prédécesseurs est marqué par une sous-consommation des crédits révélatrice d'une gestion aléatoire et d'un manque d'initiative. Ainsi, sur le seul budget 2002, plus de 200 millions d'euros n'ont pas été consommés, et les reports de crédits des deux dernières années s'élèvent à 60 % du montant total.

Les résultats de cette politique sans ambition, traduisant un manque de confiance à l'égard des élus de terrain, ont été catastrophiques. Fort heureusement, votre budget, rompant avec les comportements hégémoniques antérieurs, privilégie la concertation avec les élus locaux. Il progresse de 1,5 %, soit plus que le budget général de l'Etat.

Surtout, il tient compte des besoins de la population. L'instauration du passeport-mobilité, concrétisant le principe de continuité territoriale, en témoigne. 17,5 millions d'euros permettent ainsi de répondre à l'attente de 11 000 étudiants et de 5 000 jeunes en formation.

Enfin, 22,5 millions d'euros financeront, en faveur de Wallis-et-Futuna et de Mayotte, des conventions de développement.

Un bon budget est, davantage qu'un budget en augmentation celui dont les crédits sont consommés et qui affiche ses priorités, en l'espèce le développement économique, fondé sur une incitation aux investissements productifs.

En matière d'emploi, ce budget rompt avec la politique d'assistanat du gouvernement précédent.

Mme Huguette Bello - Ce n'est pas de l'assistanat, mais de la solidarité nationale.

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis - L'incitation à la création d'emplois aidés dans le secteur public a grevé les budgets des collectivités territoriales, tout en plongeant l'économie de l'outre-mer dans une logique de non-développement et de fonctionnariat de second degré. Au contraire, vous nous proposez un soutien pragmatique, axé sur le développement de l'emploi durable dans le secteur marchand.

La réorientation significative des crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer est largement justifiée.

Je salue le renforcement de la politique d'insertion professionnelle grâce au service militaire adapté : 3 000 jeunes en bénéficieront en 2003. Je salue la sortie progressive du dispositif des emplois-jeunes - près de 15 % du budget de l'outre-mer y sont consacrés.

Le second axe majeur du budget est le logement, facteur essentiel du développement économique. 30 millions d'euros seront consacrés à la résorption de l'habitat insalubre au lieu de 27,4 millions d'euros en 2002 et de 19,8 millions d'euros en 2001. En privilégiant les aides à la pierre, regroupées sur la ligne budgétaire unique, vous garantissez la construction effective de 16 000 logements.

D'autre part, ce projet de budget tient compte de manière plus pragmatique des réalités sociales et des spécificités ultra-marines en refusant d'imposer un modèle uniforme.

Il reflète le dynamisme retrouvé du ministère de l'outre-mer. Madame la ministre, nous avons confiance en votre action énergique.

La commission des affaires économiques a approuvé votre projet de budget. J'invite l'Assemblée à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jérôme Lambert - La présentation du premier budget de l'outre-mer est l'occasion, pour un nouveau gouvernement, de fixer les grandes orientations qu'il entend privilégier pour le développement économique et social de l'outre-mer. Manifestement, ce n'est pas le cas ici.

Ce budget est présenté comme un budget de transition, mais vers quoi ? Nul ne peut le dire précisément ! Il témoigne de votre immobilisme. Comment analyser autrement vos malheureux 0,56 % ou même les 1,50 % d'augmentation que vous défendez aujourd'hui ? Nos compatriotes constateront leur évidente baisse des moyens dévolus à l'outre-mer. Oui, il s'agit bien d'une rupture avec la situation budgétaire que nous avions connue tout au long de ces dernières années, rupture de l'effort nécessaire pour donner à nos compatriotes les moyens de faire face à une situation structurelle, économique et sociale particulière.

Votre budget, sans moyens nouveaux, manque de souffle.

Bien sûr, vous prétendez, comme tous vos prédécesseurs, - je peux en témoigner en tant que rapporteur de ce budget pendant une dizaine d'années - que vous allez mieux utiliser vos crédits, autrement dit qu'avec un peu moins vous ferez beaucoup plus ! Ces déclarations d'intention manquent, en ce qui vous concerne, d'éléments probants. Je prendrai un seul exemple : après avoir déclaré « que le nombre de mesures affichées pour les contrats d'accès à l'emploi n'était pas en passe d'être réalisé », vous nous promettez d'en réaliser 5 000 en 2003, soit 11 % de plus ! Croyez-vous que les choses peuvent se décider de façon aussi technocratique, sans que la réalité des besoins des entreprises et du tissu économique et social ne soit prise en compte ? Lors de votre audition par la commission des lois, vous indiquiez que dans votre propre budget : « l'effort reste limité », en faveur de l'emploi avant d'ajouter : « J'hérite d'une situation difficile (...) la situation de l'emploi reste encore très tendue »... N'est-il pas paradoxal après avoir dressé un tel constat, de ne pas poursuivre les efforts entrepris par les gouvernements précédents ? Je vous rappelle que le budget dont vous héritez avait augmenté de près de 50 % durant ces cinq dernières années et si tous les moyens dégagés n'étaient pas toujours parfaitement utilisés, rien n'indique qu'il en ira différemment demain... Nous retiendrons la baisse de 25 millions d'euros du FEDOM, la disparition de la dotation aux agences départementales d'insertion qui fera peser des charges nouvelles sur les collectivités territoriales - lesquelles n'en ont pas besoin.

Ce budget inquiétant augure bien mal de la loi de programmation annoncée. Nous sommes loin des déclarations préélectorales.

Enfin, Madame la ministre, la situation en Nouvelle-Calédonie inspire l'inquiétude. La délivrance, par la province Sud, d'un permis de recherche à la société canadienne INCO sur le massif minier de Prony a suscité une vive émotion sur le plan local - absence de transparence, absence de concertation avec les autres provinces, absence de garantie sur le développement global des ressources minières de la Nouvelle-Calédonie, absence de garantie en matière environnementale ; cette émotion est partagée par les autorités coutumières, par les présidents des autres provinces, par les associations de protection de l'environnement. Or, l'Etat conserve une responsabilité particulière, du fait des titres miniers qu'il détient via le Bureau de recherches géologiques et minières ; quelles garanties pouvez-vous nous apporter ?

Ce projet associera-t-il l'ensemble des autorités du territoire ? L'Etat mettra-t-il tout en _uvre pour qu'il en soit ainsi ?

D'autre part, une procédure de demande de classement du récif corallien de Nouvelle-Calédonie au titre du patrimoine mondial de l'humanité avait été engagée par le précédent gouvernement ; lors des entretiens récents accordés au président de la province Nord, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ont exprimé leur intérêt pour cette démarche ; votre Gouvernement entend-il soutenir cette action avec diligence ?

Enfin, le président de la province Sud a exprimé des considérations d'ordre personnel qui ont jeté le trouble sur les perspectives de réalisation de l'usine de nickel du Nord, qui constitue un des points essentiels des accords de Nouméa : pouvez-vous démentir ses propos et apporter à la représentation nationale comme à nos compatriotes calédoniens, les apaisements nécessaires quant à la détermination de l'Etat à accompagner les efforts de la province Nord et de la Nouvelle-Calédonie dans cette action de développement économique et social ?

Le groupe socialiste soutiendra une politique de progrès économique et social, de développement culturel et de développement durable. Tel n'est pas le cas de ce budget. En conséquence, nous le rejetterons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Christophe Lagarde - Ce budget présente trois caractéristiques.

Budget de rupture, il met fin aux effets d'annonces, aux affichages de hausses vertigineuses de crédits, qui n'étaient jamais suivis d'effets. Ainsi, au cours des quatre dernières années, ce sont 727 millions d'euros qui n'ont pas été dépensés - soit pratiquement le budget des DOM-TOM pour 1997 ! C'est dire si vos prédécesseurs ont fait prendre du retard aux ultra-marins... Ce budget respecte nos compatriotes et ne cherche plus à les berner.

Budget de transition, il hiérarchise les priorités. En 2003 sera adoptée la loi de programme pour l'outre-mer attendue par les habitants des DOM-TOM et les métropolitains qui en sont originaires. Ce budget affiche des priorités claires : aide à l'emploi et à la politique du logement, ainsi que la consommation effective des crédits votés par le Parlement.

Le nombre total de mesures individuelles pour l'emploi passe de 74 825 à 80 545. Les 10 000 emplois-jeunes seront accompagnés en vue de leur insertion professionnelle ; vous réorientez en outre les fonds du FEDOM vers de vrais emplois, évidente nécessité quand on connaît les taux de chômage inégalés dans ces départements et territoires et quand on sait les conséquences sociales dramatiques qui en découlent.

Vous mettez l'accent sur l'aide au logement social - plus 7,5 % par rapport à 2002 - l'aide à l'accession sociale à la propriété, mais aussi sur la résorption de l'habitat insalubre - plus 10 % par rapport à 2002. Saluons également la hausse moyenne de 25 % de l'allocation logement pour les locataires.

Enfin, vous vous engagez vers la déconcentration des crédits, notamment en ce qui concerne les bourses étudiantes, la formation des cadres ou encore la rémunération du personnel embauché localement. Le soutien du groupe UDF sera inconditionnel, car si le rapprochement entre le lieu où l'on décide et les citoyens est utile partout en France, c'est pour les DOM-TOM une impérieuse nécessité, un gage d'efficacité. Faisons confiance aux acteurs locaux.

Troisième caractéristique : ce budget innove dans des domaines sensibles pour la jeunesse ultra-marine. Je n'en veux pour preuve que l'instauration du passeport-mobilité ; la nation prendra en charge, pour 11 000 étudiants et 5 000 jeunes en formation l'intégralité des billets d'avion lorsqu'ils souhaiteront poursuivre leurs études en métropole ou postuler à un premier emploi.

Le groupe UDF votera votre budget. Mais, à quelques mois du débat sur la loi programme que vous préparez, permettez-moi d'appeler votre attention sur trois sujets d'importance.

Tout d'abord, sur la situation extrêmement préoccupante du tourisme aux Antilles, qui subit de plein fouet une crise due à la concurrence de pays en développement qui leur sont proches. Un plan d'urgence doit être appliqué pour sauver les emplois et les entreprises du tourisme dans nos îles.

Ensuite, sur l'aggravation de la délinquance dans les DOM-TOM, en grande partie liée à une immigration clandestine qu'il faut combattre avec la dernière énergie tant par le contrôle aux frontières que par des accords de réadmission avec les pays voisins. La situation de la Guyane, qui compte quelque 30 000 clandestins sur 150 000 habitants est particulièrement préoccupante.

Enfin, la présence en métropole de dizaines de milliers de nos compatriotes originaires des DOM-TOM est une chance pour notre pays et doit nous inciter à jeter un pont par delà les océans. Aussi une radio consacrée aux ultra-marins doit-elle avoir sa place sur les ondes métropolitaines. Aussi une solution doit-elle être trouvée pour réduire le coût excessif du transport aérien qui pénalise indûment ceux qui ne sont pas des touristes comme les autres. Aussi les collectivités locales de métropole doivent-elles être encouragées à passer des contrats d'association avec des collectivités d'outre-mer, favorisant l'échange culturel, la mobilité et les échanges économiques. La ville dont je suis maire a commencé avec Saint-Louis de la Réunion, et elle poursuivra, l'an prochain, avec une ville des Antilles. Pour cela, nous aurions besoin de votre aide, Madame la ministre, car rien n'est prévu, et ce type de démarche est bien compliqué. Pourtant, alors que la pénurie de logements a été maintes fois soulignée, pourquoi ne pas contractualiser, dans ce domaine, avec des communes volontaires ?

En conclusion, je ne formulerai qu'un regret : que votre budget ne traduise que 10 % de l'effort national en faveur de l'outre-mer, les autres crédits étant répartis dans tous les ministères. Le groupe UDF souhaiterait, en vue d'une meilleure évaluation de l'action menée et des résultats obtenus, que l'ensemble de ces crédits soient regroupés dans votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jacques Brunhes - Un effort significatif a été engagé au cours des cinq dernières années en faveur des DOM-TOM, avec une augmentation de 45 % des dotations pour le ministère de l'outre-mer, et de 35 % pour l'ensemble des ministères. Votre budget rompt brutalement avec cette politique puisqu'en 2003 l'augmentation ne sera que de 1,5 %. Il s'agit donc d'une simple reconduction des crédits de l'an passé, voire d'une régression si l'on tient compte du plus fort taux d'inflation outre-mer.

Pourtant, Madame la ministre, vous connaissez l'impérieuse nécessité d'une politique volontariste et ambitieuse, s'appuyant sur des moyens significatifs pour des régions dont le retard socio-économique par rapport à la métropole demeure considérable et aggravé par une globalisation non maîtrisée.

C'était la voie engagée par la loi d'orientation votée en 2000, qui répondait aux aspirations légitimes des peuples ultramarins en réconciliant évolution statutaire et développement et en conjuguant l'égalité dans la République et le respect des identités plurielles. Si cet effort n'est pas poursuivi par la loi-programme en cours d'élaboration, l'espoir finirait en impasse.

Une des priorités de l'action publique dans ces collectivités reste toujours l'emploi. En effet, les taux de chômage restent dramatiquement élevés puisqu'ils sont de 25 % en Guadeloupe, 28 % en Martinique et 30 % à La Réunion. La précarité reste inquiétante et le nombre de foyers bénéficiaires du RMI a encore progressé de 1,8 %. Malgré cela, les dotations du FEDOM baissent de 25 millions !

Par ailleurs, vous comptez très largement sur la défiscalisation pour dynamiser l'investissement et relancer l'emploi. On sait, pourtant, les limites de cette option : les politiques d'incitation fiscale créent un effet d'aubaine pour les investisseurs, qui favorisent le court terme au détriment du développement durable. D'ailleurs, la loi Pons, dont les dérives ont été largement débattues ici-même n'a permis ni le développement local, ni même de nombreuses créations d'emplois. Tout dispositif de défiscalisation suppose donc une grande vigilance.

Malgré l'abaissement du coût de travail grâce à des allégements de charges sociales et fiscales, le secteur marchand ne parvient pas à absorber la forte demande d'emplois. Il convient donc de sauvegarder les capacités d'embauche du secteur public et de pérenniser les emplois-jeunes. Qu'envisage le Gouvernement pour permettre à ces jeunes de trouver des emplois durables ?

En matière de logement, les besoins sont énormes. Quels moyens seront consacrés au logement en accession différée, mesure qui a représenté un grand progrès pour les couches sociales défavorisées ?

J'en viens aux secteurs économiques cruciaux pour les DOM, dont la vulnérabilité appelle des mesures urgentes. Ainsi, la filière de la banane est en crise. La conjonction des catastrophes naturelles et la chute continue des cours sur le marché européen ont conduit la profession au bord de l'asphyxie. Si l'amélioration de l'avance sur l'aide compensatoire et de son rythme de versement est un progrès, le problème de la revalorisation de la recette forfaitaire de référence et celui du préfinancement du solde de l'aide compensatoire à un taux d'intervention suffisant restent posés. Les groupements bananiers continuent de demander la création d'un fonds de garantie spécifique pour améliorer la trésorerie des planteurs.

Les réformes qui se profilent au niveau européen, intensifieront la concurrence pour les filières banane et canne-sucre-rhum. De plus, l'élargissement de l'Union européenne risque d'influer négativement sur les aides communautaires en faveur des DOM. Quelles démarches le Gouvernement compte-t-il effectuer pour sauvegarder, voire consolider les politiques européennes en faveur de ces régions et pour obtenir l'éligibilité automatique des DOM à l'objectif 1 ?

Par ailleurs, la crise du secteur touristique impose des mesures urgentes de redressement. Tout plan de sauvegarde devra prendre en compte, outre les aides et les investissements, la nécessité d'améliorer l'accueil et les prestations, ce qui suppose des formations adéquates.

Alors que le trafic aérien aux Antilles continue de chuter, vous avez, Madame la ministre, souligné le renchérissement du coût de la desserte aérienne de l'outre-mer. Dans ce contexte, le « passeport mobilité » est une mesure utile mais limitée. Le principe de la continuité territoriale commande que l'outre-mer soit économiquement accessible au plus grand nombre, à commencer par les personnes originaires de ces territoires. A cette fin, soutiendrez-vous la compagnie Air-Lib, qui rencontre les difficultés que l'on sait ?

Pour terminer, j'évoquerai un sujet qui me tient particulièrement à c_ur : la Nouvelle-Calédonie. Outre l'inquiétude que suscite le projet Prony au sud et l'avenir de l'usine nord, la question centrale est celle de l'application de l'accord de Nouméa qui consacre le processus historique d'émancipation et de décolonisation engagé par la France en faveur du peuple Kanak. Un point essentiel de cet accord qui, je le rappelle, a été approuvé par 72 % de la population de Nouvelle-Calédonie, concerne le gel du corps électoral, disposition modifiée par le Conseil constitutionnel qui a préféré maintenir le corps électoral glissant actuellement en vigueur. Le retour à la disposition originelle est impératif, non seulement par respect des engagements pris au terme de difficiles négociations, précisément sur cette question centrale mais aussi parce que cette disposition conditionne la réussite du processus de Nouméa. C'est pourquoi une révision constitutionnelle est indispensable. Si le Congrès devait se réunir prochainement, il devrait se saisir de cette question.

Le groupe des députés communistes et républicains votera contre ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Pierre Frogier - Madame la ministre, je vous félicite pour ce projet de budget qui, non seulement rompt avec les pratiques de vos prédécesseurs, mais encore porte la marque du nouveau dynamisme que le Président de la République a décidé d'insuffler à l'évolution de l'outre-mer français.

Décentralisation, loi d'orientation outre-mer, le Gouvernement a une vraie vision. Loin de se désengager, il s'agit bien, pour le chef de l'Etat, de permettre à chacune de nos collectivités de s'épanouir dans l'ensemble français et d'être les témoins de l'intelligence politique et de la générosité françaises.

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, nous assumons depuis janvier 2000 certaines compétences précédemment exercées par l'Etat. La loi organique a prévu le transfert de ressources financières correspondant aux charges induites. Malheureusement, à ce jour, aucun versement de l'Etat n'est intervenu.

Il n'est pas question, Madame la ministre, de vous rendre responsable de cette situation ; mais, l'an dernier, quand j'ai exprimé les mêmes griefs, je n'ai pas été entendu par vos prédécesseurs.

Autre sujet de préoccupation, le financement des collèges. En 2002, 64 % des collégiens de Nouvelle-Calédonie étaient scolarisés en province sud, dont 44 % dans les collèges publics de Nouméa et de la périphérie ; durant les cinq dernières années, les effectifs de ces établissements se sont accrus de 21 %, contre 6 % dans les autres collèges, et le mouvement va se poursuivre.

Ainsi, durant la décennie 1990-2000, la province a construit trois collèges supplémentaires, elle devra sans doute en construire huit dans la décennie à venir.

La loi organique du 9 mars 1999 confie aux provinces la réalisation et l'entretien des collèges, et fixe le montant minimum de la dotation de l'Etat affectée à cette charge.

A ce propos, je vous remercie d'avoir accéléré le versement du reliquat des dotations 2001 et 2002. Mais il faut bien dire que cette dotation est sans rapport avec les besoins réels de financement qui sont, en province sud, de 22 millions d'euros en 2002 et s'élèveront à 10 millions d'euros par an durant la prochaine décennie. Pour le seul exercice 2002, la province sud a dépensé le double de la dotation de l'Etat, ce qui grève le budget 2003. Je vous demande donc d'étudier, avec votre collègue de l'éducation nationale, l'octroi d'une dotation complémentaire. Le niveau actuel des résultats scolaires justifie qu'on donne aux collèges les moyens matériels nécessaires.

Autre difficulté, les établissements privés, qui accueillent 30 % des élèves, sont, pour certains, dans un état calamiteux et sollicitent le soutien financier des provinces.

Je terminerai en évoquant le nouveau dispositif d'incitation fiscale voté par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie pour encourager les investissements dans certains secteurs créateurs d'emploi. Il s'agit d'un crédit d'impôt consenti aux partenaires financiers moyennant rétrocession, à terme, d'une partie de cet avantage à l'entreprise calédonienne promotrice du projet. Je pose le problème de l'articulation de ce dispositif local avec celui mis en place par l'Etat : or l'interprétation restrictive du ministère des finances limiterait le cumul des deux mécanismes.

La Nouvelle-Calédonie a ouvert de nombreux chantiers pour offrir des emplois à une population très jeune. Les projets en cours dans la mine, la métallurgie, le tourisme, la pêche et l'aquaculture sont autant de raisons d'espérer dans le succès du processus de l'accord de Nouméa. Nous demandons seulement que l'Etat respecte ses engagements et accompagne ces efforts.

Notre collègue Jérôme Lambert vous a posé trois questions. Les deux premières, concernant le massif de Prony et le classement du récif corallien, sont surprenantes car M. Lambert a fait partie d'une majorité qui a voté le dispositif institutionnel rendant les trois provinces compétentes en matière d'octroi de permis de recherche et de classement du récif ! Il devrait donc inviter ses amis locaux à appliquer la loi. Je rappelle à M. Lambert que les trois provinces n'ont jamais été d'accord sur le classement du récif corallien et que la procédure qu'il a évoquée n'a pas été menée par le préfet, mais par M. Yves Cochet, qui l'a mise en _uvre avec l'espoir d'obtenir quelques voix de plus pour les Verts - avec le résultat que l'on sait.

En ce qui concerne l'usine métallurgique du nord, les élus de Nouvelle-Calédonie sont unanimes à estimer sa construction indispensable pour le rééquilibrage du pays. Néanmoins on doit s'interroger sur le réalisme du montage financier tel qu'il est annoncé. Prenons les moyens de mener à terme ce projet soutenu par tous ! Je sais que le Gouvernement est sensibilisé à cette affaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christophe Payet - L'examen de ce budget s'inscrit dans un contexte particulier marqué, à La Réunion, par le débat sur le projet de révision constitutionnelle, débat dans lequel, « certains jouent à se faire peur ». La séance d'aujourd'hui a le mérite de nous ramener à l'essentiel, c'est-à-dire aux conditions nécessaires à un véritable développement économique et social durable de l'outre-mer. C'est en fonction des résultats qu'il obtiendra dans ce domaine que le Gouvernement sera jugé.

Madame la ministre, votre premier budget présente les priorités que vous avez arrêtées et les moyens effectivement mobilisés pour respecter les engagements pris par le Gouvernement à l'égard de nos populations.

Après les déclarations d'intention, est venu le temps de la vérité. Nous partageons votre volonté de donner la priorité à l'insertion professionnelle et de créer des emplois durables dans le secteur productif. Mais il faut tenir compte de la réalité économique et démographique de l'île. Tous les acteurs locaux - y compris le MEDEF ! - vous diront que le secteur productif ne pourra pas absorber, à court et moyen terme, tous les chômeurs actuels et les jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi. Les difficultés rencontrées pour pérenniser les contrats emplois-jeunes montrent bien que notre secteur productif est limité et fragile.

C'est pourquoi, si le développement de l'économie marchande doit être notre priorité, il est indispensable d'étendre le champ de l'économie solidaire.

Concernant les emplois-jeunes, lors d'une réunion organisée à l'initiative de la région, les participants ont été unanimes à prôner la prorogation d'un an de tous les contrats arrivant à expiration en 2002 et en 2003 et la mise en _uvre de solutions pour pérenniser ces contrats. En particulier, l'extension du congé-solidarité aux journaliers communaux arrivant à l'âge de 55 ans permettrait de libérer des postes et de pérenniser des emplois-jeunes dans nos collectivités.

Compte tenu des difficultés financières de ces dernières, il conviendrait aussi de les exonérer des charges sociales patronales sur les salaires des journaliers.

Je renouvelle également ma proposition d'affecter les économies réalisées par la suppression de la prime d'éloignement au financement de ces contrats et de créer un fonds de solidarité pour le développement de l'économie solidaire.

Compte tenu du chômage qui frappe la société réunionnaise, les mesures de développement économique de l'île ne peuvent être appliquées que dans un climat social apaisé. C'est pourquoi, en attendant les résultats de votre loi-programme sur quinze ans, il convient de maintenir tous les contrats aidés : CEJ, CEC, CES et CIA.

La suppression de la dotation aux agences départementales d'insertion, qui interviennent en faveur des RMistes, ne va pas dans le sens de l'apaisement social.

En revanche, je soutiens pleinement l'augmentation des moyens destinés au service militaire adapté, qui facilite l'insertion professionnelle des jeunes.

Concernant le logement, j'appelle votre attention sur le manque de foncier aménagé pour construire des logements sociaux et sur les difficultés rencontrées pour consommer les crédits inscrits à la ligne budgétaire unique. Il conviendrait d'abonder les crédits du FRAFU - fonds régional pour l'aménagement du foncier urbain - avec ceux de la LBU. Par ailleurs, je me félicite de l'augmentation des moyens destinés à la résorption de l'habitat insalubre et à l'amélioration de l'habitat.

Pour ce qui est de la continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole, votre action semble se résumer à l'instauration du « passeport mobilité », que nous approuvons. Mais où en êtes-vous concernant la desserte aérienne de l'outre-mer et la participation de l'Etat et de l'Union européenne ?

Madame la ministre, vous avez déclaré que votre projet de loi-programme sur quinze ans viendra compléter la loi d'orientation, qui a elle-même complété la loi Perben. Avez-vous l'intention de réunir la commission d'évaluation de la LOOM, dont je suis membre, avant de le présenter au Parlement ? La tâche qui est la vôtre - la nôtre ! - n'est pas simple ; il convient donc de faire preuve d'humilité et de modestie et de ne pas jeter d'anathème.

Je veux faire preuve d'optimisme pour l'avenir, en vous assurant que vous pouvez compter sur nous pour faire en sorte que la loi-programme serve un développement économique et social durable de l'outre-mer ; mais compte tenu des insuffisances de ce budget, il ne nous est pas possible de le voter.

Mme Huguette Bello - Très bien.

M. René-Paul Victoria - Malgré une élection partielle dans ma commune, j'ai tenu à venir exprimer à cette tribune les préoccupations des Réunionnais.

Je vous remercie, Madame la ministre, d'avoir convaincu l'ensemble du Gouvernement que l'avenir des départements et des territoires d'outre-mer reste une priorité de cette législature. Ce budget, plus réaliste que les précédents, est la preuve de votre force de persuasion et de votre capacité d'écoute à notre égard.

Le grand problème des DOM reste le développement économique et l'emploi, après l'achèvement de l'égalité sociale entreprise dès 1995 par le Président de la République.

Je ne peux accepter que des jeunes Réunionnais de mieux en mieux formés restent sans perspectives d'insertion professionnelle. Merci, Madame la ministre, d'avoir créé le passeport-mobilité. Bien que l'économie réunionnaise soit très dynamique, sur les 10 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, à peine 3 000 trouvent un emploi.

La progression démographique inquiète les élus locaux car elle entraîne une explosion des besoins en tous domaines. Il faut donc prendre des mesures fortes en matière de planification familiale, en priorité en direction des plus jeunes.

Par ailleurs, il est indispensable de pérenniser certains dispositifs d'emplois aidés et que ceux-ci fassent une large place à la formation et à la mobilité. Je souhaite aussi que l'application du « congé-solidarité » soit étendue aux collectivités.

Il me paraît essentiel que, dans la nouvelle architecture de la décentralisation, la stabilité institutionnelle de notre île soit garantie. La grande majorité des Réunionnais y est profondément attachée, et elle est une condition de notre développement économique.

Celui-ci doit aller de pair avec le développement culturel, en faveur duquel je souhaite que les efforts soient amplifiés. Je vous demande de porter une attention particulière au centre dramatique de l'Océan indien, outil de rayonnement de la culture réunionnaise, française et européenne. La Réunion est devenue, au fil des siècles, le creuset de civilisations millénaires venues d'Asie, d'Afrique, d'Inde et d'Europe : c'est cette France-là, de l'intégration réussie et de la tolérance, que nous faisons vivre chaque jour.

Les élus de la Réunion souhaitent aussi une augmentation des dotations consacrées à la construction et à la réhabilitation des établissements scolaires. En ce qui concerne la sécurité urbaine et civile, nous attendons des dotations supplémentaires en moyens humains et matériels. A Saint-Denis, le contrat local de sécurité en cours d'élaboration nécessite un soutien actif de l'Etat par des mesures d'exception. Par ailleurs, il est anormal que des grandes villes comme Saint-André, Saint-Paul ou le Tampon ne disposent pas de commissariats de police permanents. La Réunion bénéficiera-t-elle des créations de postes prévues dans la gendarmerie et la police nationale par la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure ?

Enfin, le Gouvernement doit être convaincu de la nécessité pour les collectivités locales de bénéficier de dotations de rattrapage. Si nos communes et nos deux assemblées locales sont bien gérées - à preuve la confiance renouvelée dont elles bénéficient auprès des établissements financiers -, l'action qu'elles mènent en permanence pour rattraper nos retards les conduit à la limite de la rupture budgétaire.

Je souhaiterais, Madame la ministre, la création d'un fonds d'aide sociale pour nos familles dont les jeunes enfants sont hospitalisés en métropole, et qui bien souvent sont obligées d'en appeler à la générosité du public pour que le père ou la mère puisse accompagner son enfant.

Deux remarques avant de conclure. La première : je voudrais que tous mes collègues ici présents se joignent à moi pour demander au Président de l'Assemblée nationale et au Gouvernement d'organiser le débat sur le budget de l'outre-mer un meilleur jour que le vendredi...

La deuxième : nous sommes aujourd'hui le 8 novembre ; cela fera donc trente-deux ans demain que le Général de Gaulle nous a quittés.

Madame la ministre, c'est avec enthousiasme et conviction que je voterai votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je constate une amélioration : le débat sur le budget de l'outre-mer a lieu l'après-midi, et non plus en séance de nuit comme c'était l'habitude il y a quelques années. Espérons qu'à l'avenir il pourra être organisé un autre jour, mais le vendredi est parfois un peu plus favorable aux dépassements de temps de parole... (Sourires)

Mme Huguette Bello - Le premier exercice budgétaire d'une nouvelle équipe est toujours révélateur : il renseigne sur les priorités du Gouvernement et sur le sens qu'il souhaite donner à son action. Force est de constater que l'outre-mer n'échappe pas à la rigueur budgétaire : en dépit de son cortège de difficultés et de retards, son budget fait partie de ceux qui sont censés contribuer à la réduction des déficits publics.

L'emploi demeure la priorité mais, contrairement aux années précédentes, le montant du FEDOM, diminue. Entre arbitrages financiers et subtilités comptables, on trouvera toujours des justifications à cette diminution, mais des milliers d'hommes et de femmes en sentiront immédiatement les conséquences. Le vrai réalisme, c'est de se préoccuper avant tout de ces effets-là, même s'ils se traduisent difficilement en ratios et en pourcentages, même s'ils se disent dans le malaise, la peur ou la violence.

Le secteur de l'emploi dit « aidé » va connaître de grands bouleversements puisque les dispositifs d'insertion vont presque tous être redéfinis.

Il y a, d'abord, la fin programmée du dispositif emplois-jeunes. A La Réunion, il a permis à près de 9 000 jeunes de trouver un emploi. Baisse du chômage, satisfaction de nouveaux besoins, missions de proximité : personne n'en conteste le bilan positif. Comment alors expliquer aux jeunes que sa suppression est décidée « pour leur bien », pour qu'ils aient des emplois durables ? Pensez-vous qu'ils le croiront ? Ils savent que le secteur marchand de La Réunion, pourtant dynamique, ne pourra procurer un emploi à chacun. Ils ont compris que l'économie solidaire fait partie intégrante du devenir de La Réunion et qu'à vouloir trop l'opposer au secteur concurrentiel, on ne fait qu'accroître l'exclusion et la précarité.

La jeunesse réunionnaise ne se reconnaît pas dans le débat idéologique entre emplois aidés et emplois marchands. Ces derniers, au demeurant, n'étant pas moins aidés que les autres : je pense notamment aux exonérations de charges sociales. Un aide-éducateur disait récemment avec bon sens : « L'emploi n'a pas de couleur politique ».

S'il est vrai que les solutions d'insertion prévues par la loi d'orientation n'ont pas toutes été utilisées, il est toutefois surprenant que la conséquence de cette sous-consommation soit une réduction des crédits consacrés au projet initiatives jeunes, à l'allocation de retour à l'activité et au congé-solidarité.

La consolidation de l'économie solidaire à La Réunion est indispensable. Non seulement la population active augmente plus vite que la création d'emplois mais de nouvelles menaces pèsent sur les secteurs traditionnels. A titre d'exemple, la filière sucrière aura à affronter, tout à la fois, la renégociation de l'OCM-sucre, l'initiative européenne « Tout sauf les armes », et les attaques du Brésil et de l'Australie contre le régime sucrier européen.

Face à ces évolutions liées à la mondialisation, la question du désenclavement aérien se pose plus que jamais. La continuité territoriale, qui est un des engagements forts du Gouvernement, se limite pour l'instant au seul passeport-mobilité. Ni votre budget, ni celui du ministère des transports ne laissent entrevoir l'application effective de ce principe, seul à même de garantir, dans des conditions équitables, la libre circulation des hommes, des productions et de l'information.

La deuxième priorité du budget de l'outre-mer est toujours le logement. Comme chaque année, il nous faut déplorer le paradoxe du logement social à La Réunion : alors que les besoins sont évalués à plus de 5 000 constructions par an et que la LBU augmente régulièrement, les promoteurs sociaux ont de plus en plus de difficultés à les utiliser. Ce blocage tient notamment aux difficultés financières des collectivités locales pour aménager et équiper les terrains en sorte de les rendre constructibles, à un système de construction devenu trop rigide et à des modalités de financement inadaptées. La loi-programme pourrait être l'occasion de remédier à ces difficultés. Nous comptons sur votre détermination, Madame la ministre.

Nous comptons aussi sur votre énergie pour mettre un terme à une inégalité due au mode de calcul de l'allocation logement : alors que le forfait charges représente 70 % des charges locatives réelles en métropole, il n'est que de 30 % outre-mer. Cette distorsion pénalise lourdement les locataires et rend encore plus difficile l'accès au logement social.

Il est aussi grand temps que le problème des journaliers communaux trouve enfin une issue favorable.

Cette discussion budgétaire est un trait d'union entre le débat sur la décentralisation et la future loi-programme c'est-à-dire entre les passions et les attentes. Elle n'aura pas été vaine si elle permet de faire avancer l'idée que le véritable développement passe aussi par une décentralisation économique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Louis-Joseph Manscour - J'ai salué l'esprit d'ouverture et de dialogue qui a présidé aux premières rencontres que vous avez organisées, Madame la ministre, sur des dossiers majeurs tels que le projet de révision du titre XII de la Constitution, l'approfondissement de la décentralisation et la future loi-programme pour l'outre-mer. C'est donc avec responsabilité et franchise que je commenterai ce budget

Il intervient dans un contexte de crise dans les secteurs de la banane, du tourisme, du BTP, de la santé et de l'éducation nationale, après une grève de 15 jours en Guadeloupe. De plus, il doit prendre en compte les engagements que le Président de la République a pris auprès des populations, des socioprofessionnels et des responsables politiques de nos régions.

Je regrette donc que ce budget n'augmente que de 0,5 % alors que l'inflation atteint 1,8 %. Cela traduit un manque d'ambition et de perspectives. Entre 1997 et 2002 le gouvernement de Lionel Jospin l'avait fait progresser de plus de 6 % par an ! La sous-consommation des crédits n'explique pas tout !

Je déplore le manque de lisibilité du document que votre ministère nous a transmis, auquel il manque un tableau récapitulatif par type de collectivités, qui aurait mis en relief les priorités que le Gouvernement accorde à chacune des collectivités d'outre-mer.

Les crédits affectés à l'administration centrale augmentent tandis que ceux affectés aux services déconcentrés diminuent. Au titre III, la seule satisfaction vient des efforts consentis pour le service militaire adapté dont il faut saluer l'efficacité pour l'insertion des jeunes peu qualifiés.

Alors que nos taux de chômage sont deux à trois fois plus élevés qu'en métropole, les dotations en faveur de l'emploi diminuent de plus de 25 millions d'euros.

Et si les crédits réservés au financement des contrats emploi-solidarité, au développement du dialogue social, à la préformation dans les DOM, augmentent de façon non négligeable, c'est pour masquer le démantèlement des dispositifs de la LOOM qui ont pourtant montré leur efficacité pour l'emploi, comme les contrats d'accès à l'emploi, les primes à la création d'emploi, les PIJ, le congé solidarité, l'allocation de retour à l'emploi et, surtout, les emplois-jeunes. Faute de ces derniers, près de 15 000 emplois-jeunes domiens, dont 4 000 pour la seule Martinique, risquent de se retrouver à la rue en fin de contrat. Qui plus est, je n'ai pas vu trace, dans ce budget, du dispositif emplois-jeunes en entreprises, que le Parlement a récemment adopté.

Les crédits affectés au logement et à l'urbanisme chutent de 255 à 160 millions. La sous-consommation de la LBU, qui pourrait expliquer cette baisse, devrait inciter le Gouvernement à simplifier les mesures administratives plutôt qu'à diminuer les crédits car la situation du logement est dramatique et a de graves conséquences sur l'échec scolaire et la délinquance.

La baisse considérable des autorisations de programme et l'absence totale de crédits de paiement au titre des aides exceptionnelles accordées aux agences des cinquante pas géométriques, pour traiter l'habitat précaire accentuent encore ces difficultés.

Madame la ministre, vos ambitions ne se traduisent pas dans les faits. Votre budget manque de lignes directrices fortes. Ses quelques mesures éparses ne pourront renforcer les politiques de développement de nos régions. Il augure mal de l'approfondissement de la décentralisation que l'outre-mer attend pour prendre en main la gestion de ses affaires locales. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Victor Brial - Madame la ministre, je veux appeler votre attention sur quelques dossiers importants, qui préoccupent les populations de Wallis-et-Futuna et leur serviteur en ces lieux.

La situation bancaire à Wallis-et-Futuna n'est pas satisfaisante. Il est temps que l'Etat, en association avec le territoire, la fasse évoluer. La banque, qui a un guichet permanent à Wallis, ne dispose pas de représentation à Futuna. Elle n'y assure qu'une seule représentation en fin de mois pour distribuer les salaires.

Les taux qu'elle pratique sont à la limite de l'usure. C'est inacceptable et il faut trouver une solution pour répondre aux besoins des Wallisiens et des Futuniens, en premier lieu des plus modestes.

D'autre part, l'agence de santé de Wallis-et-Futuna a 11 millions de dettes envers le centre hospitalier de Nouvelle-Calédonie, la compagnie la Calédonie internationale et la CAFAT.

Les promesses que votre prédécesseur avait faites, lors de son passage, fin 2001, n'ont pas été suivies d'effet. Je vous demande donc, en liaison avec les ministres de la santé et du budget, de trouver rapidement une solution pour que cet engagement de l'Etat soit honoré.

Enfin, Madame la ministre, je souhaite que vous dotiez en fonctionnaires les services de la préfecture. A ce jour, le service de l'équipement cherche toujours un chef de bureau. Cette situation dure depuis huit mois, et il faut y mettre un terme, pour que les travaux prévus soient menés à bien et pour que les crédits soient effectivement consommés.

M. Alfred Marie-Jeanne - M. Samot a dû regagner la Martinique à la suite d'un décès, il vous prie de l'excuser.

Madame la ministre, votre budget stagne, voire régresse, et je ne me fonde pas uniquement sur les chiffres. Avez-vous amélioré les conditions d'utilisation des crédits ? Pourquoi avoir supprimé certaines dispositions en faveur des jeunes et des nécessiteux ? Etes-vous bien certaine d'utiliser les exonérations et la défiscalisation pour relancer la production et créer des emplois ?

D'un côté, on prodigue sans obligation de résultat, et de l'autre on endigue la montée de revendications essentielles, et l'émergence d'un véritable pouvoir politique martiniquais devrait vous interpeller.

En quatre ans, nous sommes passés de 20 000 journées de grève à 1 800 : est-ce là l'instabilité dont vous avez peur ? Par contre, il ne faut pas le nier, la conjoncture extérieure est défavorable. Le trafic aéroportuaire voit le nombre de passagers chuter de 18,9 % tandis que les tarifs augmentent de 15 %. On annonce par ailleurs la suppression d'une centaine d'emplois au sein de la compagnie Air Lib, ce qui conduira peut-être à fermer les escales de Guadeloupe et de Martinique, après celles de Guyane.

Où en est alors le principe de continuité territoriale, quand on sait que le trafic maritime chute de 13,4 %, et que l'hôtellerie et la banane connaissent une crise sans précédent ? Résultat, hausse du chômage et de la précarité. 60 000 personnes vivent aujourd'hui au-dessous du seuil de pauvreté, 15 % de la population active sont interdits bancaires, et 18 % émargent au RMI. Et que dire de la couverture maladie universelle qui exclut les bénéficiaires des minima sociaux à sept euros près !

Enfin, une agence de mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques a été créée et nécessite d'importants moyens. Qu'avez-vous prévu à cet effet ?

Voici donc un état des lieux plutôt sinistre. Il vous reste à démontrer que votre budget de 1,084 milliard d'euros répond aux nécessités de l'heure.

Mmes Huguette Bello et Christiane Taubira - Très bien !

M. Victorin Lurel - J'avais préparé un beau discours, mais beaucoup a déjà été dit. Je voudrais être indulgent avec vous, Madame la ministre, puisque c'est votre premier budget, mais, il est mauvais.

Avec une augmentation de 0,5 % au mieux, et en tenant compte de l'inflation, votre budget régresse. Quand je vois mes bons amis de Guadeloupe s'en contenter avec bonheur, je me réjouis de ne pas appartenir à la majorité. Cela viendra peut-être... (« Rien ne presse ! » sur les bancs du groupe UMP).

Je l'espère, mais j'espère aussi que je garderai ma liberté d'esprit. Comment croire que la diminution de 25 millions d'euros du FEDOM permettra de réorienter ce fonds ? Comment croire que la prorogation d'un an du dispositif des emplois-jeunes suffira à leur assurer un avenir radieux ?

Comment croire que ce budget donne la priorité à l'emploi quand, après cinq ans de progrès, force est de constater la régression ?

Les artifices de langage ne parviennent pas à masquer la médiocrité d'un budget qui ne comporte que deux mesures : le passeport-mobilité et le contrat de développement pour Wallis-et-Futuna et pour Mayotte. Malheureusement, le passeport-mobilité se limite aux étudiants et aux jeunes en formation, déjà pris en charge par les conseils généraux et régionaux, alors qu'on aurait pu l'étendre aux personnes âgées, aux chômeurs de longue durée, et aux personnes handicapées.

Les producteurs de banane, de melon, de rhum ont besoin d'être rassurés. Ils demandent un fret compétitif. Or, ce projet est envoyé aux calendes guadeloupéennes, pires que les calendes grecques ! (Sourires)

Quels sont les résultats de la réunion de Bruxelles sur la banane ? Quid de l'aide à accorder aux planteurs dont 50 000 tonnes de canne à sucre sont restées sur pied ? Quant à Saint-Martin, nous attendons la mise en place d'un plan d'urgence.

Nul aveuglement sectaire et idéologique de notre part. L'insécurité explose en Guadeloupe ; il faut un commissariat à Pointe-à-Pitre, une maison d'arrêt à Saint-Martin ; il faut rénover la prison de Basse-Terre.

En matière de transport intérieur, vous m'avez rassuré en commission : votre politique ne se réduit pas à l'article 22 de la loi d'amnistie ; la décentralisation permettra d'engager des mesures spécifiques. J'espère que l'Etat accompagnera cette modernisation et ne se contentera pas de déléguer, peut-être en violant le principe fondamental du droit français qu'est l'égal accès aux marchés publics. Que l'on ne fasse pas de l'outre-mer une enclave de corruption !

Quelques mots sur les retraites agricoles. Comment admettre dans la République que des citoyens ne bénéficient même pas du minimum vieillesse ? Je vous demanderai, ainsi qu'à vos collègues ministres de l'agriculture et des affaires sociales, de mensualiser les retraites des agriculteurs, d'harmoniser les retraites des fonctionnaires entre Mayotte, la Réunion et les départements français d'Amérique.

Je crois que vous commettez un petit péché idéologique en prétendant que le seul secteur marchand est moteur du développement. Vous êtes devenue une évangéliste du marché, une ayatollah, une fondamentaliste de l'offre et de la demande ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

J'espère que vous réussirez ; nous serons vigilants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. André Thien Ah Koon - Je déplore que, dans cette assemblée, certains manquent de décence. Après avoir fait les pires conneries de la terre (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), ils veulent nous faire porter leurs péchés. Qui a assommé la France avec les 35 heures - la droite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le code des marchés publics ne permet plus aux artisans de travailler ; les collectivités territoriales, les lycées, les collèges, les hôpitaux, les communes n'ont plus le droit de les faire travailler. Les petits commerçants ne sont pas protégés - à cause de la droite ? Vous avez été au pouvoir pendant dix ans, et vous venez nous insulter ! Qui, outre-mer, a favorisé les monopoles ? Qui a donné les plus grosses affaires aux plus grandes familles ? La gauche !

M. Jacques Brunhes - Me permettez-vous de vous interrompre ?

M. André Thien Ah Koon - Je ne le souhaite pas. Vous parlez d'aventure. Nous, les Réunionnais, nous ne voulons pas d'aventure idéologique. Vous voulez, demain, une assemblée territoriale indépendante ? Pas nous.

L'examen de ce projet de budget nous permet d'exposer nos problèmes.

La réélection de Jacques Chirac a suscité à la Réunion un fort élan d'espoir. Les Réunionnais attendent de votre grande expérience de l'outre-mer des mesures qui permettront le développement de notre île.

Permettez-moi, d'évoquer avec vous quelques points qui me tiennent à c_ur : l'emploi, le monopole aérien et le monopole commercial.

Malgré l'héritage du précédent gouvernement vous avez assumé avec courage le dossier des emplois-jeunes à la Réunion. La commission d'accompagnement et de reclassement a vu le jour grâce à vous. Personne ne sera abandonné sur le bord du chemin. Vous avez confirmé un grand élan de générosité - et ceux qui nous accusent de tous les maux nous reprochent de ne pas être à la hauteur de notre mission...

Dans un contexte de croissance économique en régression - à cause de la gauche - la stabilité des dotations de l'Etat en matière d'emplois aidés - CES, CEC, CIA - est un exploit. Au nom des jeunes de notre île, je vous exprime toute notre satisfaction.

Avec un taux de chômage de 42,1 %, la Réunion est le département français le plus touché par le problème de l'emploi. La gauche n'a pas fait régresser le chômage. On nous a promis des emplois ; nous avons surtout eu des départs en préretraite par milliers. La loi d'orientation a été vidée de sa substance.

Vous envisagez, Madame la ministre, de placer les jeunes dans des entreprises privées avec un système de tutorat qui leur permettra d'accéder à une qualification professionnelle. Un tel dispositif favorisera leur insertion sur le marché local et national de l'emploi.

Le chômage des jeunes illustre l'échec des formations proposées par l'éducation nationale. Il est urgent de repenser notre politique de formation professionnelle. Il est paradoxal que la Réunion connaisse un tel taux de chômage alors que nous manquons de plombiers, de soudeurs, d'électriciens, de carreleurs, de maçons, - et par la faute de la gauche. On ne peut envoyer tout le monde à l'université !

Une telle situation témoigne de l'incompétence de l'administration précédente à faire face à ses responsabilités.

Le déficit démographique de la population française nécessitera dans les quinze prochaines années la venue en métropole de plus d'un million de travailleurs. Nous sommes confiants ; le chômage se résorbera grâce aux mesures que vous mettrez en _uvre en faveur des Réunionnais.

Vous avez mis en place le passeport-mobilité. Vous permettez ainsi à des enfants pauvres de continuer leurs études. Il est de notre devoir de vous remercier. Ce dispositif donne une première dimension concrète au principe de continuité territoriale. La Réunion, les départements d'outre-mer sont partie intégrante de la France.

Comment favoriser cette mobilité si la compagnie nationale Air France matraque la population en imposant des prix prohibitifs ? Cette compagnie mène une politique de voyous, organisée par M. Spinetta. Elle continue de considérer la Réunion comme un territoire colonial. Il faut mettre fin au monopole d'Air France. Le comportement de cette compagnie nationale est intolérable. Il met non seulement l'économie de notre île en péril, mais il conduit, d'un point de vue humain, à des situations dramatiques en provoquant le déchirement des liens familiaux.

Beaucoup trop de familles restent ainsi plusieurs années sans pouvoir se rencontrer et de nombreux Réunionnais sont privés du droit ultime de finir leurs jours sur la terre qui les a vus naître parce que M. Spinetta a décidé de pratiquer des tarifs discriminatoires et abusifs.

Dans ce combat, je vous demande de vous engager à mes côtés, avec M. le ministre des transports. Seule une décision politique nationale peut y réussir. Dois-je rappeler que l'Etat est actionnaire à 53 % de cette compagnie.

Savez-vous que des accords commerciaux sont en cours entre Air France et une grande compagnie régionale de l'océan indien visant à démanteler le trafic aérien entre la Réunion et l'Europe ? Les prédateurs continuent leur politique colonialiste !

Chacun sait que la Réunion dispose d'une position incontournable comme portail de l'Europe dans l'océan indien. Plus qu'en Corse, cette situation justifie la mise en place du concept d'île franche pour nos entreprises tournées vers l'exportation. La Réunion servirait ainsi de port d'éclatement vers les autres pays de la zone, à l'instar de nos proches voisins, et notamment de l'île Maurice où 10 000 emplois ont été créés ces deux dernières années.

Les monopoles doivent faire l'objet d'une réglementation dans le transport aérien mais aussi dans le commerce et l'industrie.

La Réunion ne doit pas appartenir à quelques personnes. Il faut maintenir une saine concurrence pour sauvegarder le commerce traditionnel et conserver un équilibre des forces pour protéger le pouvoir d'achat des consommateurs. Il est donc urgent de limiter les parts de marché des grands groupes et de mettre un terme à leur entreprise de désertification de nos quartiers, de nos campagnes, et de nos centres-villes.

Aucune dérogation à l'obtention d'une autorisation d'exploitation commerciale ne doit être accordée dès lors que le projet dépasse le seuil de 25 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes d'un secteur donné dans un périmètre à définir.

La grève d'un seul distributeur en situation de monopole provoquerait la rupture de l'approvisionnement et une réaction en chaîne allant des émeutes à la prise d'otage de la population et de l'Etat. Il faut donc un renforcement de la réglementation.

Madame la ministre, je sais que votre projet de loi-programme donnera un souffle nouveau à notre département.

Je sais pouvoir compter sur votre courage et votre détermination. Vous pouvez compter à travers moi sur le soutien de la population réunionnaise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jacques Brunhes - Rappel au Règlement. Nous entendons avec intérêt notre collègue Thien Ah Koon, dont nous avons apprécié l'appui lors du vote de la loi d'orientation ou de la loi sur les emplois-jeunes. Je n'en déplore que plus vivement la tonalité qu'il a donnée à son intervention d'aujourd'hui. L'insulte n'est pas de mise dans cet hémicycle, et le débat d'idée doit se tenir dans la dignité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste).

M. Eric Jalton - Ce budget dit « de transition » appelle quelques interrogations. Tout d'abord, l'augmentation exacte des crédits est difficilement appréciable si l'on se rapporte à l'exécution des budgets précédents, qui montre que 727 millions n'ont pas été consommés au cours des quatre dernières années, ce qui est un montant effarant quand on sait l'ampleur des besoins et le retard accumulé. J'approuve donc sans réserve l'annonce d'un contrôle de gestion mensuel de l'exécution de notre budget, Madame la ministre. Le souci de transparence et d'efficacité dans l'utilisation des ressources disponibles doit en effet guider nos pas.

Quelles doivent être les priorités de l'action publique en outre-mer ? L'emploi des jeunes, la cohésion sociale et la continuité territoriale. A cet égard, le budget présente bon nombre de dispositions intéressantes, telles que le passeport-mobilité - dont les modalités d'attribution pourraient être améliorées -, l'accent mis sur la résorption de l'habitat insalubre, le renforcement des moyens alloués au service militaire adapté ou encore l'augmentation des contrats emploi-solidarité. Quant aux mesures, bienvenues, de prolongation des emplois-jeunes, elles gagneraient à être prolongées le temps nécessaire et, en tout cas, au-delà de la fin 2003.

Il me semble en revanche qu'il aurait été de meilleure pratique de créer un dispositif diversifié, mieux adapté à son objet, plutôt que de réduire les crédits consacrés aux projets « initiative-jeunes ». Prenons acte, toutefois, qu'il s'agit d'un budget de transition, et que la loi programme sera orientée vers les emplois durables dans le secteur marchand. Il est vrai, d'autre part, que ce budget ne peut être évalué sans prendre en compte toute l'action publique de l'Etat outre-mer, dont le montant est estimé à 7,8 milliards.

J'ai retenu votre proposition de saisir l'ANT « ressuscitée » de la question du logement des étudiants des DOM qui viennent suivre leurs études en métropole. Il faudrait envisager des conventions pour obtenir, en leur faveur, des quotas dans le parc immobilier financé par l'Etat.

S'agissant de la continuité territoriale, pourquoi ne pas financer les mesures annoncées par le redéploiement des crédits européens à mi-programme ?

Je tiens encore à appeler l'attention sur la situation préoccupante de Marie-Galante, dont l'économie est injustement pénalisée par le coût élevé du fret entre l'île et le continent. Il faut, de toute urgence, appliquer la convention signée entre les acteurs de la filière canne-sucre-rhum, et garantir l'avenir de l'usine de la Grande-Anse.

Je salue vos efforts, Madame la ministre, en faveur de la filière banane, mais il reste beaucoup à faire pour relancer durablement un secteur qui fait vivre, tant bien que mal, 15 000 Guadeloupéens, et leurs familles. Il serait bon, pour commencer de revoir le fonctionnement de l'ODEADOM.

Pour terminer, je me félicite de votre volonté déclarée d'intervenir auprès de vos collègues pour faire appliquer, outre-mer, les dispositions relatives à la justice, à la sécurité et au contrôle de l'immigration qui tiennent particulièrement à c_ur, aussi, à « la France de là-bas ».

En attendant la loi-programme, en attendant, surtout, qu'une évolution sensible de nos institutions, voulue par la population, nous permette, au sein d'une République décentralisée et d'une Europe solidaire, de mieux maîtriser notre destin, je voterai ce budget de transition, sans bonheur particulier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alfred Almont - C'est avec fierté que j'apporterai mon soutien à un gouvernement qui, à l'évidence, tient ses engagements, en dépit de la situation difficile dont il a hérité, et qui veut réduire les handicaps de l'outre-mer. Je mesure, Madame la ministre, ce que nous devons à votre engagement personnel ; il est vrai que vous connaissez bien les dures réalités des départements et territoires dont vous avez la charge.

A ce sentiment de fierté s'ajoutent des motifs de satisfaction car je constate une progression réelle des moyens consacrés à l'outre-mer, qui tranche avec l'évolution virtuelle des budgets précédents. Ce que vous nous présentez est un véritable budget d'exécution, et donc un bon budget, d'autant qu'il traduit le souci de calmer nos préoccupations majeures.

On se félicitera ainsi de la réorientation des crédits du FEDOM vers de vrais emplois. Je précise que, contrairement à ce qui a été affirmé tout à l'heure, le secteur marchand martiniquais a déjà procédé à l'évaluation de ses besoins en main-d'_uvre et sait combien de contrats d'accès à l'emploi il peut absorber. Il est bon que, dans le même temps, les crédits consacrés aux emplois-jeunes soient préservés jusqu'à ce que des solutions de reclassement soient trouvées, et que les moyens alloués à la formation soient renforcés.

La garantie des financements consacrés au logement social est une autre bonne mesure. Je me réjouis aussi que des moyens supplémentaires renforcent l'aide au développement, et de la déconcentration des crédits du FEDOM et de la RHI. Quant au passeport-mobilité, il n'aura que des avantages.

Votre budget est donc un bon budget. Cependant, nous attendons tous l'élaboration de la loi programme sur quinze ans à laquelle vous travaillez, et qui sera la réponse véritable au défi d'un développement durable. Les mesures attendues devront permettre de relancer vigoureusement l'investissement, car c'est sur le terrain économique et social que se joue l'avenir d'une région où la croissance ne repose, hélas, que sur une politique de transferts sociaux.

L'action est urgente, notamment en Martinique. Vous connaissez les divers problèmes que nous affrontons ensemble et qui nécessitent un traitement énergique, voire dérogatoire du droit commun. Je veux parler de l'état très préoccupant de nos hôpitaux - difficultés de trésorerie, manque de personnel, vétusté des établissements. Je veux parler aussi de la situation de plus en plus angoissante de l'agriculture, qui fait vivre 25 000 familles. La mauvaise tenue des cours de la banane confronte les planteurs à des difficultés de trésorerie insupportables. L'augmentation de l'aide compensatoire négociée à Bruxelles est insuffisante, compte tenu de la surproduction des pays tiers, et de l'accord passé entre l'Union européenne et les Etats-Unis, qui autorise le transfert des quotas ACP à ces pays.

Quant à la filière ananas, il importe de poursuivre dans la direction que vous avez prise et d'obtenir les agréments nécessaires à la pérennisation des petites exploitations et à la valorisation des produits frais et transformés.

S'agissant de la sécurité, le contrôle de l'espace maritime côtier doit impérativement être renforcé pour lutter contre les trafics. Des accords de coopération avec les pays voisins amélioreraient la coordination des efforts en ce domaine.

Pour les transports aériens, je sais que vous vous attachez à trouver les réponses nécessaires, avec la conviction que la concurrence doit prévaloir sur le monopole et que la baisse des tarifs est une priorité. Il serait intéressant d'informer l'Assemblée du travail en cours dans ce domaine. La réduction du coût du transport du son et de l'image est également une priorité quand on sait que les nouvelles technologies sont fortement génératrices de valeur ajoutée.

Enfin je voudrais souligner la nécessité de mettre à niveau les finances locales, incapables aujourd'hui de répondre aux besoins. La commande publique est en baisse, mettant en péril les entreprises du bâtiment, et les délais de paiement des travaux ne cessent de s'allonger. La solution consiste non seulement à relancer la politique d'investissements et à mettre en place des emprunts-relais, mais aussi à adapter le code des marchés publics à la situation de nos départements.

Je sais que vous entendez apporter des réponses à toutes ces préoccupations et je voterai ce budget lucide et audacieux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Christiane Taubira - M. Beaugendre nous a annoncé un budget-vérité, en écho à vos déclarations sur la sous-consommation des crédits. C'est un zèle bien compréhensible en début de législature, nous en reparlerons l'an prochain... Car je doute que l'exécution de votre budget échappe aux inerties et pesanteurs, à moins que vous ne nous précisiez ce que les services de l'Etat n'ont pas fait ou mal fait et quelles mesures de rappel à l'ordre vous envisagez.

Je préfère retenir votre formule de « budget de transition », compte tenu de la future loi de programme, du projet de décentralisation et du fait que ce budget comporte 80 % des crédits reconduits et ne représente que 12 % des crédits destinés à l'outre-mer. Certains y trouveraient une raison de le traiter à la légère, mais ce serait un tort car au-delà des crédits, il y a les orientations, les priorités et leurs effets sur le moral de ceux qui créent des activités, de ceux qui enseignent, de ceux qui soignent, de ceux qui ont déjà renoncé, sur le dépeuplement des communes, sur la déshérence d'une jeunesse redevenue nomade par nécessité.

Vous martelez votre volonté de créer des emplois pérennes. Nous verrons si vous parviendrez à le faire avec le seul FEDOM, avec la défiscalisation pour seule politique de financement de l'économie, sans accompagnement vigoureux de l'artisanat, sans effort déterminant sur le transport et le fret.

Un des rapporteurs a déclaré que les emplois-jeunes ont été un dispositif dispendieux. Les jeunes qui ont trouvé là un emploi, une formation, tous ceux qui se souviennent qu'avant 1997 aucun dispositif n'avait été mis en place à leur intention, tous ceux qui ont vécu les jobs, les bouche-trous, la grande précarité, tous ceux-là apprécieront et seront heureux de savoir que Zorro est arrivé (Sourires). Le rapport justifie la réduction notable des crédits pour les projets initiative-emploi par leur sous-consommation. Au lieu de s'interroger sur les causes de cette faible mobilisation, sur la fluidité de l'information, sur la qualité de l'accompagnement, on diminue les crédits. Les mêmes qui nous expliquaient, au bout de dix ans de loi de défiscalisation sans création significative d'emplois, qu'il fallait encore donner sa chance à cette loi, nous disent aujourd'hui, au bout d'un an seulement de dispositif PIJ, qu'il n'est pas fiable.

L'emploi est un enjeu trop important pour servir une guérilla partisane !

Votre deuxième priorité est le logement. Lors du congrès des HLM à Lyon, vous avez exposé vos intentions en matière d'accès au logement, de qualité et sécurité des immeubles, d'allégement fiscal pour les travaux de réhabilitation. On sait néanmoins que le rythme des constructions est insuffisant. En Guyane le logement social n'a pas atteint son rythme de croisière et il ne l'atteindra pas si la pression artificielle sur le foncier n'est pas desserrée, si le ruses bureaucratiques continuent à freiner les projets, si les maires traînent les pieds par peur des réactions des résidents, si on ne débloque le processus de cession des terres. En matière de logement, la seule ambition acceptable est la propriété pour tous, comme le disait déjà Victor Hugo en 1848.

Enfin, on nous annonce les grands axes de la loi-programme : un développement durable fondé sur l'activité, et non plus sur l'assistanat. Voilà donc revenus les poncifs insultants ! Le précédent gouvernement avait pourtant pris la précaution d'enlever le mot « assistanat » de son vocabulaire pour ne retenir que la solidarité, sans doute par égard pour la vitalité de l'économie informelle, pour l'échange inégal entre les emplois subalternes offerts aux ressortissants d'outre-mer en France et les postes surrémunérés offerts aux fonctionnaires détachés outre-mer, par égard aussi pour ceux qui ont été frappés par les ordonnances d'exil de 1960, qui ont subi des procès d'exception et des emprisonnements.

Madame la ministre, si vous développez l'assistance à la jeunesse en danger, aux malades du sida, aux personnes âgées, ce ne sera pas de l'assistanat, mais une réponse à la hauteur de la générosité de ceux qui chaque jour affrontent les croche-pattes de la vie, ont accumulé des connaissances, créé des arts, préservé des patrimoines et développé des relations avec les pays voisins qui donnent à la France reconnaissance et influence dans cette région du monde. Nous ne sommes pas des assistés et nous exigeons honneur et respect (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bertho Audifax - Madame la ministre, vous avez voulu dès ce projet de budget privilégier non pas l'affichage, mais l'exécution, et surtout affirmer des priorités - emploi, formation et insertion professionnelles, logement social.

Des esprits chagrins vous diront qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Certes, mais dans le passé, ce soleil nous a éblouis de promesses non tenues. Pour que demain les difficultés ne cèdent pas la place au désespoir, nous choisissons ensemble le langage de la vérité.

Je voudrais souligner l'importance pour nous de la formation et de l'insertion professionnelles. A la Réunion, chaque année, 8 000 jeunes sortent du système scolaire, et nous créons au prix de gros efforts 3 500 emplois. La loi-programme devrait, par des mesures spécifiques, porter ce nombre à 4 500 ou 5 000, mais il restera donc encore chaque année 3 000 à 3 500 jeunes sans perspective professionnelle.

Cependant, nous sommes les seuls dans notre zone géographique à bénéficier d'un système de formation égalitaire, moderne et cohérent. Nous pouvons donc prétendre demain aider nos voisins dans leur développement. De plus, se profile en Europe, avec les nombreux départs à la retraite, un besoin de relève.

Notre région Réunion doit donc devenir la région de la formation. C'est une extraordinaire expérimentation que peuvent entreprendre ensemble l'Etat et les collectivités locales réunionnaises : faire des jeunes Réunionnais, non pas des prétendants aux emplois aidés mais des femmes et des hommes aptes à prendre, dans le monde et surtout en Europe, toute leur place dans le monde du travail. Quel formidable défi !

Former, aider à la mobilité, voilà tout l'enjeu des prochaines années. Il est symbolique, Madame la ministre, que votre première grande mesure ait été le passeport mobilité. La loi-programme devra confirmer demain notre ambition commune.

Nous aurons à vaincre ensemble les difficultés de rattrapage du système scolaire, à améliorer les mesures d'accompagnement de la mobilité, à résoudre les problèmes de logement en métropole pour les originaires des DOM. Ainsi, nous permettrons aussi à la France, à l'Europe, de disposer d'un vivier de jeunes Français ouverts aux autres car nés du métissage, compétents et courageux.

Parce que je crois en cette action, Madame la ministre, je suis entièrement à votre disposition pour l'élaboration de votre loi-programme et j'invite mes collègues à approuver votre projet de budget, tout en vous rappelant qu'avec le ministre de la santé, il serait urgent de résoudre les difficultés créées par l'application sans aucune précaution de la CMU dans les DOM (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Joël Beaugendre - Je me félicite que ce gouvernement ait fait une large place à nos régions en dotant l'outre-mer d'un ministère de plein exercice. Le budget 2003 donne la priorité non pas, comme ces dernières années, à des études, mais à la réalisation des engagements du Président de la République et à l'action dans le domaine de l'emploi et du logement.

Ce budget, qui est en progression, est en rupture avec la politique précédente de sacrifice de nos régions. Il satisfait l'attente de nos populations et de nos élus, qui souhaitent une politique nouvelle d'essor économique, que définira la loi de programme.

En commission, Madame la ministre, vous nous avez rassurés au sujet de la revalorisation de l'allocation-logement, de la dotation globale de fonctionnement communale et de la régularisation de la dotation globale de décentralisation. Vous nous avez aussi fait part de la mauvaise mise en _uvre de la CMU. J'espère qu'une solution sera trouvée pour en limiter les conséquences fâcheuses sur les budgets des communes de la Guadeloupe, pénalisées par un contingent d'aide sociale loin de la réalité de l'action sociale, mais ayant eu pour but l'apurement de la dette d'une autre collectivité locale.

Par ailleurs, Madame la ministre, l'actualité m'amène à vous interroger sur votre action en faveur des producteurs de la banane antillaise.

Depuis 1993, ils ont subi une perte sèche de 147,48 millions d'euros, soit près d'un milliard de francs. Outre les conditions climatiques, ils sont confrontés à une baisse des prix sans précédent, due à la concurrence des pays ACP et de la banane dollar. La concurrence est d'autant plus rude et injuste quand elle vient de l'Europe.

Le prix du kilo de bananes en provenance des Canaries est de 47,2 centimes d'euros, alors que celui du kilo de bananes de la Guadeloupe et de la Martinique plafonne à 22,9. L'avance sur l'aide compensatoire de 19,3 centimes d'euros ne porte le kilo de banane antillaise qu'à 42,7 centimes, alors que le kilo de bananes des Canaries passe à 67,1.

Cette disparité est inadmissible, d'autant que le prix de référence fixé par Bruxelles s'en trouve totalement faussé. Le coût de production n'est couvert qu'à 96 % aux Antilles, alors qu'il l'est à 134 % en Grèce et à 104 % aux Iles Canaries et à Madère. Une revalorisation de l'aide compensatoire est donc indispensable et urgente. Les groupements de producteurs sont révoltés ; ils ne comprennent pas que l'on ne puisse pas résoudre ce problème, qu'ils dénoncent depuis de nombreuses années, et condamnent le mauvais suivi du comité de gestion de Bruxelles.

Aujourd'hui la filière est menacée de disparition, ce qui aurait des conséquences sociales catastrophiques. Que comptez-vous faire, Madame la ministre ? Je vous remercie des réponses que vous pourrez m'apporter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Mansour Kamardine - Je veux dire d'abord mon émotion au moment de monter à cette tribune où m'ont précédé tous ceux qui ont bâti cette République si diverse et ouverte, tous ces hommes qui ont permis à toutes nos populations d'avoir leur place au sein de la nation.

Mmes Huguette Bello et Christiane Taubira et MM. Jacques Brunhes et Victorin Lurel - Et les femmes ?

M. Mansour Kamardine - Les femmes n'appartiennent pas à la gauche,...

Mme Christiane Taubira - Elles appartiennent à elles-mêmes !

M. Mansour Kamardine - ...mais à l'humanité.

Je suis heureux aussi de vous voir à cette place, Madame la ministre, vous que nous avons connue sur le terrain.

L'examen du budget de toute collectivité est un moment important dans sa vie politique parce que c'est ce qui permet d'améliorer le bien-être de nos concitoyens et de vérifier la conformité des actions aux engagements pris devant le corps électoral. Important aussi, s'agissant du budget de l'outre-mer, car ce débat permet de préciser la place de nos contrées ultramarines dans la politique économique, sociale et culturelle du pays. Important surtout car le présent budget marque une rupture nette avec la politique de ces dernières années, où le verbe et l'incantation avaient pris le pas sur l'action. Important enfin, car c'est le premier budget d'application des engagements que le Président de la République a pris à l'endroit des populations d'outre-mer.

En cinq mois seulement, l'action du Gouvernement force l'admiration, d'autant qu'on sait dans quelle situation vous avez trouvé les pays d'outre-mer, au soir du 8 mai dernier : une immigration clandestine de grande ampleur ; une insécurité grandissante, à tel point que la peur avait gagné toutes les couches de la société et que les gens n'osaient plus aller la nuit aux fêtes traditionnelles ;...

M. Pierre Hellier - Eh oui !

M. Mansour Kamardine - ...une crise économique sans précédent dans le bâtiment et dans la grande distribution ; une tension sociale extrême dans la fonction publique ; des biens de première nécessité les plus chers du territoire national.

C'était un véritable champ de mines de promesses non financées ! C'était la politique du paraître et de l'incantation ; la politique du virtuel.

Ainsi, le comité de suivi de l'accord du 27 janvier 2000 ne s'est plus réuni depuis novembre 2000, et ce n'est pas faute par la partie mahoraise de demander sa convocation. Ainsi, le XIIe contrat de plan n'est exécuté qu'à hauteur de 7 % malgré la promesse de plusieurs milliards. Croyant en la parole de la France, Mayotte a même préfinancé des opérations relevant de l'Etat dans les domaines de l'environnement, de l'assainissement ou du cadastre, sans jamais être sûre d'être remboursée.

La loi du 11 juillet 2001 n'a pas connu un sort meilleur puisque le gouvernement d'alors n'a pas pris le décret relatif à l'intervention du FCTVA, pourtant attendu avec impatience par les communes mahoraises dont la situation budgétaire est des plus préoccupantes. Et le remboursement par l'Etat à la collectivité départementale des frais de fonctionnement de ses missions régaliennes est à verser dans le même panier des engagements virtuels.

A Mayotte, on est loin du plan hôpital 2007 !

Le centre hospitalier de Mayotte, qui a une vocation régionale, se bat pour équilibrer son budget dont le déséquilibre chronique date de sa création en avril 1997. L'élaboration du schéma territorial d'organisation de la santé et le rattachement des dispensaires à l'hôpital ne sont pas davantage financés. Malgré la pauvreté de l'offre locale de soins, le projet de clinique privée à but non lucratif, complémentaire du Centre hospitalier, n'a pas reçu les autorisations administratives de la DASS pour des raisons inexpliquées. Les médecins de cet établissement attendent d'être reconnus dans leur statut de praticiens hospitaliers. Les postes vacants sont peu attractifs, et l'on assiste à une sous-médicalisation des services et à une forte rotation des personnels. Cette situation ne peut plus durer, sauf à accepter de graves dysfonctionnements et des mouvements sociaux. C'est tout le système de santé mahorais et ses médecins qui sont malades et qu'il faut soigner en urgence !

Voilà comment vous avez trouvé Mayotte : une île française depuis 1841 aujourd'hui classée parmi les régions les moins avancées. Sans tarder, vous avez défini votre méthode : aller à la rencontre des populations pour les écouter et les comprendre et n'annoncer que les choses décidées. Elle est révélatrice de la haute idée que vous vous faites de la place de l'outre-mer dans la France et dans la République.

Six mois seulement et déjà les résultats sont là : passeport-mobilité pour les jeunes ; continuité territoriale ; lutte contre l'insécurité grâce au groupement d'intervention de Mayotte dont les résultats rompent avec le laxisme passé. Je salue, à ce propos, l'action conduite localement par les gendarmes et par les policiers. Tous me disent combien ils sont heureux de recevoir enfin des instructions claires et précises.

Dans le même temps, vous avez ouvert d'importants chantiers dont la réforme institutionnelle outre-mer et le développement économique. Avec la construction de l'Aérogare de Pamandzi, du deuxième quai de Longoni et du marché territorial de Mamoudzou, vous renouez avec la politique des grands travaux nécessaires au décollage de l'économie.

Une seule voie vous guide, celle tracée par le Président de la République et qui doit se traduire à terme, après l'égalité sociale dans les DOM, par l'égalité économique fondée sur une logique d'activité et de responsabilité et non d'assistance.

M. André Thien Ah Koon - Très bien !

M. Mansour Kamardine - Mayotte y aspire fortement. Elle ne peut plus accepter d'être considérée à part, au nom de la « spécificité », terme barbare et sans saveur utilisé pour justifier les discriminations dont Mayotte est l'objet depuis de nombreuses années. Je souhaite que le Gouvernement utilise davantage celui « d'intégration ».

Nous savons pouvoir compter sur votre engagement personnel pour faire avancer tous les dossiers en retard : décrets d'application des ordonnances relatives au droit du travail, à l'emploi et à la protection sanitaire et sociale ; reprise de l'ordonnance relative à la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale ; ordonnance sur la péréquation tarifaire dans le domaine électrique.

Réussir le développement de Mayotte suppose aussi la réalisation en urgence de la piste longue d'aviation permettant l'accueil de gros porteurs. Vous vous êtes engagée à mener les études de faisabilité avant la fin du prochain semestre, nous en attendons les résultats avec impatience.

L'Etat ne peut non plus faire l'économie du financement du réseau à haut débit pour relier Mayotte au reste du monde sauf à considérer que l'avenir économique, éducatif et culturel de l'île est entièrement à part des enjeux de la nation. Ne pourrait-on y consacrer les crédits inutilisés du contrat de plan ?

Nous sommes très attachés à ce que Mayotte bénéficie au plus tôt du statut de région ultrapériphérique malgré la lourdeur de la procédure.

Enfin, la participation de Mayotte aux prochains jeux des îles, à Maurice, ne saurait être remise en cause, comme l'a rappelé le Président de la République lors de sa venue à Mayotte.

La première raison d'être de la République, disait notre cher Président, est d'assurer l'égalité des citoyens, sans distinction de race, d'origine ou de religion, distinction qui est la négation même de l'idée de démocratie et surtout de l'idée de République. C'est cette égalité, revendiquée par les Mahoraises et les Mahorais, qui guide l'action du Gouvernement. A travers mon vote favorable à votre budget, je veux vous redire, Madame la ministre, notre confiance et notre gratitude (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Juliana Rimane - L'outre-mer doit au Président de la République, dont tout le monde connaît le profond attachement à ces régions lointaines, d'être à nouveau considéré comme une chance et un atout incontestable pour la France. La transformation du secrétariat d'Etat en un ministère de plein exercice, la nomination d'un élu d'outre-mer au sein du Gouvernement et l'élaboration d'un projet de loi-programme sont les signes forts de ce changement radical. Cette nouvelle orientation doit permettre de modifier l'image abusivement répandue dans l'opinion selon laquelle ces collectivités d'outre-mer ne sont que des « danseuses de la République » aussi inutiles que dispendieuses. Le précédent gouvernement a montré, par son inertie, combien il se désintéressait de l'outre-mer.

Votre budget progresse malgré une conjoncture économiquement difficile. Il prépare la future loi-programme pour l'outre-mer, qui recevra une traduction budgétaire dans la loi de finances rectificative pour 2003 et surtout dans le budget 2004.

Le chemin du développement est long. Après avoir rénové les infrastructures et équipements de base, il faudra stimuler la croissance par des mesures sociales et fiscales et enfin responsabiliser les hommes, en mettant fin à l'assistanat.

La Guyane n'a pas encore franchi la première étape.

Les retards qui la frappent dans des domaines aussi essentiels que l'éducation, la santé, la culture ou la communication accentuent les inégalités avec la Métropole et les autres DOM, et à l'intérieur même du territoire, entre la zone côtière et les autres communes. Le chef d'une communauté traditionnelle déclarait même préférer l'installation du téléphone à une école ou une clinique ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Quand nous donnerez-vous les moyens de rattraper notre retard en matière de communication ?

La Guyane est aujourd'hui confrontée à une montée de la violence, exacerbant un sentiment de peur, les occupations sauvages et illégales de terrains imposent de régler rapidement le dossier foncier. Quant aux exploitations aurifères, elles sont de plus en plus victimes de la violence des bandes organisées. Quels moyens accorderez-vous à la Guyane ?

Enfin, la Guyane en raison d'un système de protection sociale avantageux doit affronter une immigration clandestine massive - la population étrangère est même supérieure à la population guyanaise.

La seule répression ne peut suffire à cause de la perméabilité des frontières. Mieux vaudrait s'appuyer sur la coopération régionale, ou mener une politique de prévention. Pourquoi ne pas doter, comme cela a déjà été proposé, le centre hospitalier de Saint-Laurent du Maroni d'un statut international ?

La future loi-programme devrait permettre de franchir la deuxième étape du développement, à condition toutefois d'avoir mis à niveau les infrastructures et équipements publics, sinon cela reviendrait à « charrier di lo que pan yen », « transporter de l'eau dans un panier percé ». En tout état de cause, il convient de consolider le tissu économique. Deux secteurs sont en crise : l'activité spatiale et la pêche. Quelles mesures sont prévues ?

L'adoption de la réforme constitutionnelle pourrait faciliter le passage à la troisième étape, en offrant aux guyanais la possibilité d'adapter lois et règlements aux réalités locales.

Le développement économique de la Guyane a longtemps été perçu comme l'Arlésienne...

Votre projet de loi-programme et celui de la réforme constitutionnelle permettront enfin à l'outre-mer de sortir du marasme. Votre parfaite connaissance des dossier, Madame la ministre, vous a permis de prendre des décisions rapides et efficaces. Pour ces raisons, je voterai votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Béatrice Vernaudon - J'associe à mon intervention M. Michel Buillard qui vous prie d'excuser son absence. Le projet de loi de finances pour 2003 traduit la volonté du Gouvernement de soutenir le développement économique et social de la Polynésie française. Si les crédits destinés à la Polynésie ne représentent que 5,5 % du budget du ministère de l'outre-mer, ceux consacrés par l'ensemble des ministères progressent de 5,2 % par rapport à 2002.

Le financement de l'enseignement scolaire et supérieur représente à lui seul 44 % des crédits. De même 150 nouveaux postes de fonctionnaires sont créés : 100 pour l'éducation, 15 pour la justice et 49 pour les services propres de l'Etat.

Il faut poursuivre dans cette voie, notamment pour la justice et la sécurité qui manquent de moyens. En effet, la justice est confrontée à un contexte géographique difficile, avec de nombreuses îles isolées, et à un droit décalé par rapport à la réalité sociale et culturelle, notamment dans le domaine foncier. En outre, elle doit faire face à une montée de l'insécurité routière et à une délinquance de plus en plus jeune.

Il faut se réjouir des efforts apportés à la formation et à l'insertion de notre jeunesse par la mise en place du passeport-mobilité et par le renforcement des moyens affectés au service militaire adapté. Mais surtout, vous inscrivez 150 millions d'euros aux charges communes au titre de la dotation globale de développement économique qui remplacera, à compter du 1er janvier 2003, le fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française.

Ce fonds, créé en 1996 pour maintenir les flux financiers du centre d'expérimentation nucléaire, nous a permis de renforcer le parc de logements sociaux, le nombre d'emplois aidés, et surtout nos communications, par la constructions de ports, routes, aéroports. Assurés de la pérennité, nous lancerons de grands chantiers pluriannuels : construction d'un nouvel hôpital, d'un port à 76 kilomètres de Papeete qui permettrait le stockage d'hydrocarbures, et de flottilles de pêche. J'en profite pour saluer Mme Taubira, marraine d'un crevettier guyanais construit au chantier naval de Papeete.

Nous allons déplacer toutes ces structures dans ce nouveau port construit à 60 kilomètres de Papeete ; nous doublerons la route qui va de Papeete au sud de l'île afin d'éviter les embouteillages.

Certains penseront que la Polynésie est privilégiée mais le Premier ministre l'a affirmé en signant le mois dernier la nouvelle convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française : « la solidarité de la nation à l'égard de la Polynésie française est un hommage à la contribution qu'elle a apportée à la défense et à la sécurité de la France pendant trente ans ».

L'égalité territoriale a un coût mais elle n'a pas de prix lorsqu'il s'agit de permettre à nos petites communautés de pouvoir continuer à vivre sur leurs terres, tout en favorisant leur développement, afin que leurs enfants puissent vivre du tourisme, de la pêche, de la perliculture, de l'agriculture ou de l'artisanat.

Ce budget comprend également les crédits destinés à l'application des différentes conventions issues de la loi d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie, dont le contrat de développement.

Vous n'ignorez pas que 2003 est la dernière année d'exécution de ces conventions, il faudra donc rapidement examiner les modalités de leur renouvellement afin de permettre la poursuite des constructions scolaires, des logements sociaux, le développement de la protection sociale généralisée, de la gestion de notre environnement ou de nos ressources propres.

J'appelle votre attention et celle du ministre des affaires sociales sur la nécessité de développer l'aide au logement sans laquelle les logements sociaux deviendront inaccessibles aux familles les plus modestes.

2003 sera une année de grands chantiers législatifs : après la loi constitutionnelle qui confortera notre statut d'autonomie au sein de la République, viendront la loi organique puis la réforme des communes et le statut de la fonction publique communale.

Les 5 000 personnels communaux attendent le statut annoncé depuis trente ans et élaboré depuis dix ans. Certes, il aura un coût mais la Polynésie de demain passe par la modernisation de ses 48 communes. Qu'il me soit permis de vous rappeler le retard préjudiciable du versement de la participation de l'Etat au fonds intercommunal de péréquation - soit 15,8 millions d'euros pour les années 2001 et 2002.

La réforme de la défiscalisation est essentielle à la poursuite de notre développement économique et à la création d'emplois. Nous avons un dossier en instance à Bercy pour acheter un nouvel Airbus - après Air Lib, Corsair nous a abandonnés. Or, nous avons besoin des touristes. Nous avons également des dossiers concernant les thoniers ; des projets moins ambitieux pour améliorer la qualité des services.

En matière d'équipements communaux, nous avons un grand retard à rattraper.

Vous connaissez notre ambition : dans un pacte de confiance avec la France, grâce à la solidarité nationale et à notre statut d'autonomie, nous voulons ancrer la Polynésie sur la voie d'un développement durable et harmonieux, respectueux de notre environnement et de notre culture, témoin des valeurs d'humanisme et de solidarité de la métropole. Nous puisons cette confiance dans les valeurs de communauté et de partage de notre société pluriculturelle.

Je vous exprime, Madame la ministre, toute notre reconnaissance pour le travail accompli et nous vous accordons toute notre confiance pour développer et révéler la richesse que représentent, pour la République française, ses « outre-mers ».

Sans réticence, je voterai ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gérard Grignon - Je partage l'avis des rapporteurs et des collègues de la majorité qui se sont exprimés ; je ne reviendrai donc pas sur ce budget, d'autant qu'il s'agit d'un budget de transition qui sera abondé en loi de finances rectificative des crédits nécessaires à l'application des dispositions de la loi programme pour l'outre-mer. J'évoquerai donc quelques dossiers relatifs à Saint-Pierre-et-Miquelon, et particulièrement la situation budgétaire de la collectivité territoriale.

Différents rapports ont constaté que, dès 1990 voire avant, le budget local était en difficulté et que sa marge d'autofinancement était négative jusqu'à atteindre environ moins 2,6 millions d'euros en 1993 et moins 2,1 millions d'euros en 1994.

Cette situation s'est aggravée en raison de l'échec de l'arbitrage frontalier de New York, l'arrêt des activités de pêche industrielle, ainsi que l'obligation, pour la majorité locale arrivée en 1994 de faire face au financement du nouvel aéroport - le marché ayant été signé trois semaines avant les élections locales de 1994.

Malgré ces handicaps, une mission d'inspection du ministère des finances soulignait en septembre 99 : « la spectaculaire politique de restauration de la marge d'autofinancement de la collectivité territoriale » ainsi que « la politique d'assainissement des comptes qui étaient marqués par un endettement important... ». De 1994 à 1999, la gestion fut rigoureuse.

Vous le savez, l'arrêt des opérations de transbordement douanier en juillet 1999 a anéanti les efforts déployés depuis 1994.

Le poids de la dette aéroportuaire est lourd pour une collectivité qui ne compte que 2 000 foyers fiscaux. Ce n'est pas à coup de subventions exceptionnelles, préélectorales et vite dilapidées - comme l'a fait votre prédécesseur - que l'on réglera le problème.

Je demande donc que tout ou partie de la dette - et en tout cas la part correspondant aux emprunts du nouvel aéroport - soit prise en charge par l'Etat, afin de redonner au budget local une marge d'autofinancement et aux élus de la majorité les moyens de mener leur politique - si tant est que ces élus aient une gestion responsable et une politique soucieuse de l'intérêt général.

Or, l'attribution de plus en plus orientée des marchés de la collectivité territoriale et du centre hospitalier, le rôle de la SODEPAR, les menaces physiques et les démarches d'intimidation à l'endroit de chefs de service soucieux de faire respecter la transparence et la légalité dans l'attribution des marchés, et, surtout, les événements graves de la semaine dernière, montrent à l'évidence que le favoritisme est le plus souvent la règle, l'intérêt général l'exception.

C'est pourquoi j'ai demandé au Premier ministre que dans les meilleurs délais, une mission des services compétents de l'Etat vienne enquêter sur les modalités d'attribution des marchés publics de la collectivité territoriale, du centre hospitalier, ainsi que sur la légalité des actions menées par la SODEPAR.

Je suis convaincu qu'à défaut d'une telle clarification, le nouveau préfet ne sera pas en mesure de répondre à la mission que le Gouvernement vient de lui confier.

Un mot sur la protection sociale. Certaines dispositions étendues à l'archipel par la loi d'orientation ne sont pas encore applicables - car les décrets ne sont pas encore pris. Je pense à l'assurance vieillesse des mères de famille ayant un enfant handicapé, au régime d'invalidité, à la coordination des régimes d'assurance maladie des ressortissants de la caisse locale, aux conditions d'application d'affiliation des fonctionnaires à la caisse locale. Quand ces textes paraîtront-ils ?

D'autre part, afin d'améliorer son action en faveur des personnes âgées, la caisse de prévoyance sociale a demandé la modification de l'arrêté interministériel qui établit son taux de prélèvement sur les cotisations. Le Gouvernement y est-il favorable ?

Le progrès social passe aussi par la mise en place de prestations - inexistantes localement - telles : l'allocation logement, l'allocation jeune enfant, l'allocation de rentré scolaire. Une proposition de texte de loi a été remise aux ministères compétents ; je souhaiterais qu'elle soit rattachée à la loi-programme dans un titre spécifique à l'Archipel. Je souhaiterais que le Gouvernement se penche enfin sur les problèmes spécifiques des retraités de l'Archipel.

Le régime d'assurance vieillesse, à Saint-Pierre-et-Miquelon, ne fut instauré qu'en 1987. La presque totalité des retraités ne perçoit que le minimum vieillesse. Les retraites sont augmentées comme en métropole, aux mêmes date et au même taux, mais l'inflation est beaucoup plus forte qu'en France hexagonale. De 1997 à juin 2001, le coût de la vie a augmenté de 20,6 % à Saint-Pierre-et-Miquelon mais seulement de 6,4 % en France métropolitaine. La perte de pouvoir d'achat, sur cette période, est de 14 %.

La loi de 1987 dispose clairement que les retraites du secteur privé peuvent faire l'objet d'une revalorisation supplémentaire en cas d'évolution supérieure du coût de la vie dans l'Archipel par rapport à celui de métropole. Mais cette disposition doit être décidée à Paris et faire l'objet d'un arrêté conjoint du ministre des finances et des affaires sociales. Autant dire qu'elle est inopérante.

Je demande donc la modification de la loi de 1987 afin que l'augmentation réelle des retraites dans l'Archipel soit décidée certes au même moment qu'en métropole et au même taux mais revalorisée par arrêté local selon un indice différentiel d'inflation établi par les services compétents et après avis du conseil d'administration de la caisse de prévoyance sociale.

Cette disposition serait également appliquées aux personnes de l'ENIM, des collectivités locales et de l'hôpital dont vous connaissez les revendications. Y êtes-vous favorable ?

Ne pourrait-on pas inclure ce type de dispositions dans la loi-programme pour l'outre-mer ?

Une question relative à la desserte aérienne de l'Archipel - j'ai interrogé votre collègue des transports, Dominique Bussereau et je l'ai rencontré hier à ce sujet. J'estime que dans le contexte actuel, il est vain de parler de diversification économique - s'il nous faut exporter - ou de développement touristique. Si les choses restaient en l'état, la construction de cet aéroport moderne serait une véritable ineptie.

Je demande donc la mise à plat des modalités de la desserte aérienne de l'Archipel afin que les Saint-Pierrais et les Miquelonnais puissent voyager à des coûts raisonnables dans le cadre de la continuité territoriale à laquelle est attaché le Président de la République.

Partagez-vous ce point de vue ?

Quant à la desserte maritime, je sais que vos services s'emploient à trouver une solution aux problèmes actuels.

Je voudrais vous interroger sur un point précis.

Lors de la discussion budgétaire de l'an passé, j'avais indiqué que l'étroitesse de l'Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon n'offre pas toujours, dans certains secteurs économiques, en particulier le transport - qu'il soit aérien ou maritime -, suffisamment de place pour deux. J'avais ajouté qu'une concurrence, même momentanée, est souvent indispensable pour faire entendre raison à certains titulaires de monopoles devenus trop gourmands, soucieux de défendre leurs intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général, plongés dans une léthargie bien confortable pour eux, confondant la notion de subvention d'équilibre dans le cadre de la continuité territoriale avec celle de rente.

A la longue, tout cela est préjudiciable au développement économique, à l'intérêt général tant des contribuables que de la population de l'Archipel. Et cela a été préjudiciable, aussi, aux marins saint-pierrais et miquelonnais embarqués sur le Shamrock, navire qui assure la liaison maritime Halifax-Saint-Pierre dans le cadre de la continuité territoriale subventionnée par l'Etat.

Ces marins français ont en effet été licenciés et remplacés par des marins extra-communautaires !

Une telle attitude est d'autant moins acceptable que le responsable de l'armement est conseiller économique et social !

Je souhaite donc connaître les dispositions que compte prendre le Gouvernement pour préserver l'emploi des marins saint-pierrais et miquelonnais dans le cadre d'une desserte subventionnée par l'Etat.

Dans un tout autre domaine, celui des emplois-jeunes, essentiellement employés par les associations sportives et culturelles, j'aimerais que vous nous précisiez également les mesures que vous prendrez.

Faute de temps, je n'ai pas abordé certains dossiers fondamentaux pour l'avenir de l'archipel, mais nous avons abordé ces questions plusieurs fois au cours du dernier mois et je sais que vous en mesurez l'extrême importance. Aussi, je ne doute pas que vous répondrez à nos attentes lors de votre visite dans l'archipel, à la fin de ce mois.

C'est donc sans état d'âme, Madame la ministre, que je voterai votre budget. Vous savez, aussi, que vous pouvez compter sur mon soutien total (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La séance reprendra ce soir sous la présidence effective du président Jean-Louis Debré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 20 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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