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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 23ème jour de séance, 60ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 13 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      LOGEMENT 2

      QUESTIONS 21

      ÉQUIPEMENT, TRANSPORTS, LOGEMENT,
      TOURISME ET MER 28

      ÉTAT C 29

      TITRE V 29

      ERRATUM 30

La séance est ouverte à neuf heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

LOGEMENT

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports, du tourisme, de la mer, concernant le logement.

M. François Scellier, rapporteur spécial de la commission des finances pour le logement - Il est légitime qu'au début d'une nouvelle législature, le Gouvernement se donne le temps de définir sa politique, d'autant plus qu'il doit gérer une situation tenant compte des priorités qu'il a définies, mais aussi de l'état des comptes laissés par son prédécesseur, ainsi que du net recul de la croissance.

L'étude du « budget logement » a été, pour le rapporteur spécial, l'occasion d'une réflexion sur l'ensemble de la « chaîne du logement ».

Sans la mise en _uvre d'une politique ambitieuse, le secteur du logement pourrait connaître des difficultés majeures.

Les ventes de logements neufs restent conséquentes, mais elles ne sauraient masquer la réalité : on ne construit actuellement en France que 300 000 logements, alors que le besoin se situe entre 320 000 et 330 000 ; le prix de revient moyen du mètre carré est passé de 1 700 € en 2001 à 2 100 € en 2002. On doit également déplorer la raréfaction et la cherté des locations, ainsi que la frilosité des investisseurs en raison de nombreuses contraintes et d'une fiscalité souvent confiscatoire.

Vous me permettrez d'insister sur quelques points qui devraient, à mon sens, guider la politique du logement au cours des années à venir. Le budget du logement concerne chaque Français. Se loger, loger sa famille dans les conditions les meilleures n'est pas un acte anodin, dès lors que les charges de logement représentent en moyenne près d'un tiers des revenus d'un foyer. Rénovation urbaine et logement social doivent être favorisés, certes, mais également l'accession à la propriété du plus grand nombre, le « placement pierre » et le marché locatif (M. Jean-Louis Dumont applaudit).

Le Gouvernement, par la voix de Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, vient de présenter un plan de rénovation qui doit permettre de lutter contre les tensions sur l'habitat urbain ; il concrétise une priorité définie pendant la campagne électorale par le Président de la République. Cet effort sans précédent devrait toucher près de 10 % de la population française. En qualité de président d'un office public départemental HLM, je l'apprécie.

Cette nouvelle offre est nécessaire, car le besoin en logements HLM reste important. Il faut construire certes, mais on peut également libérer des logements sociaux en permettant aux locataires de devenir propriétaires.

Aujourd'hui, 50 % des Français seulement sont propriétaires de leur résidence principale ; nombreux aspirent à le devenir. Il convient de favoriser fiscalement la première acquisition ; il faut également améliorer les mécanismes du prêt à taux zéro, notamment dans l'ancien, en révisant les plafonds de travaux, ainsi que ceux du prêt d'accession sociale.

M. Jean-Louis Dumont - Excellent !

M. le Rapporteur spécial - Il faut aujourd'hui aller plus loin et développer des dispositifs de location-accession en limitant les risques pour les jeunes ménages.

Il faut également mener une réflexion en partenariat avec les banques pour offrir des plans de remboursement plus longs.

Je souhaite que l'on définisse avec les organismes HLM une politique active de vente d'appartements à leurs occupants sans méconnaître les difficultés de l'exercice. On est toujours plus respectueux de son bien et de son environnement immédiat, lorsque l'on est propriétaire. Il est par ailleurs évident que la place du logement peut être prépondérante au moment de la retraite, la situation étant bien différente alors selon que l'on est ou non propriétaire d'un logement.

Le « placement pierre » n'est pas assez encouragé fiscalement, cette forme d'épargne reste même pénalisée. Ainsi, l'assiette de la fiscalité immobilière est-elle extrêmement large et concerne la totalité des étapes de la vie d'un bien immobilier : production, acquisition détention et transmission. Toutes ces charges sont cumulatives. La population la plus jeune, donc en âge d'investir, considère cette fiscalité comme beaucoup trop lourde.

A ce handicap s'ajoute une rentabilité et une liquidité faibles comparées à celles d'autres placements. Les réelles qualités qu'offre d'autre part l'investissement immobilier ne suffisent plus.

Enfin, deux problèmes se posent. Tout d'abord, les locations sont rares et chères. Les dossiers demandés par les particuliers ou les agences de location deviennent prohibitifs - présentation du livret de famille, bulletins de salaire, avertissement IRPP, caution des parents - j'en passe. Cependant le propriétaire est en situation d'infériorité face au locataire du fait notamment de la lenteur des procédures d'expulsion en cas d'impayés de longue durée. Nous connaissons tous le cas de la veuve retraitée qui bénéficie de la pension de réversion de son mari décédé. Pour compléter ses faibles revenus, elle comptait sur le loyer d'un petit appartement. Malheureusement, ses locataires ne paient pas leurs loyers et elle doit attendre dix-huit mois leur expulsion pendant lesquels elle a payé charges et impôts, sans percevoir de loyers. Il y a aussi les conditions restrictives imposées au propriétaire pour retrouver son logement, et la situation scandaleuse qu'engendrent les squats de logements privés.

Je rappelle que le précédent gouvernement a pénalisé les propriétaires en créant la taxe sur les logements vacants. Instaurée par la loi de lutte contre les exclusions, cette taxe - dont le principe est juste - s'est révélée peu efficace. Très difficile à appliquer, elle s'accompagne d'un recouvrement coûteux et parfois injuste. L'efficacité du dispositif est sujette à caution alors que, loin des 30 millions annuels attendus par l'Etat, la taxe rapporte moins de 13 millions d'euros.

M. Jean-Louis Dumont - Grave problème...

M. le Rapporteur spécial - Les aides de l'ANAH versées aux propriétaires bailleurs et les primes à l'amélioration de l'habitat permettent le développement et le renouvellement du parc privé. La loi SRU a élargi les missions de l'ANAH en prévoyant que les organismes HLM et les SEM puissent bénéficier de ses aides pour la réhabilitation, en vue de leur revente, de logements acquis dans des copropriétés dégradées faisant l'objet d'un plan de sauvegarde.

L'ANAH constitue depuis longtemps un instrument déterminant pour activer le marché du logement locatif ancien. Combien de propriétaires bailleurs n'auraient pas pris d'initiative si l'agence n'était pas intervenue pour accompagner les travaux de réhabilitation et de mise en conformité de ces logements ?

M. Jean-Louis Dumont - Tout à fait ! M. le rapporteur a raison.

M. le Rapporteur spécial - Pourtant, alors que le champ d'application des subventions n'a cessé de s'élargir, la baisse continue des autorisations de programme, qui n'est pas inversée dans le projet de loi de finances pour 2003, risque d'affaiblir l'efficacité de l'agence.

M. Jean-Louis Dumont - On assèche la trésorerie de l'ANAH !

M. le Rapporteur spécial - Au surplus, avec la réorientation de ses interventions et leur concentration vers des opérations très ciblées, il est à craindre que le logement individuel diffus fasse les frais de cette politique et que l'effet de levier soit réduit. Le nombre d'opérations subventionnées à un taux élevé - jusqu'à 70 % du montant des travaux - risque de se substituer à un nombre plus important d'opérations financées à un taux plus faible, sans pour autant conduire à la remise sur le marché d'un plus grand nombre de logements. Afin d'enrayer cette dégradation, j'aimerais que les crédits de l'ANAH pour 2003 soient au moins rétablis au niveau de 2002. Il convient que les moyens d'intervention permettent de tenir compte de l'élargissement du champ d'activité. La stagnation apparente des crédits de l'ANAH est en outre susceptible d'avoir un effet psychologique regrettable.

Etudier le budget du logement revient à s'interroger sur un rouage très important de notre économie qui concerne les professionnels de l'immobilier, du logement, du bâtiment, mais aussi les artisans, et les collectivités territoriales ; c'est également s'interroger sur un aspect symbolique de la vie quotidienne de chaque Français.

La commission des finances, sur ma proposition, a émis un avis favorable aux crédits du logement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le logement et l'urbanisme - Dans une conjoncture marquée par le ralentissement économique, le projet de budget du logement pour 2003, les mesures fiscales qui l'accompagnent comme les ressources extrabudgétaires prévues doivent assurer l'activité soutenue de ce secteur si important. Avec 7,292 milliards d'euros, le budget que vous nous présentez est un budget de consolidation, de reconduction et de transition.

C'est d'abord un budget de consolidation des efforts en faveur des ménages modestes. Les aides personnelles représentent 73 % du budget de l'urbanisme et du logement, et le montant affecté à cet objectif est reconduit.

La revalorisation rétroactive des aides et la consolidation des crédits des fonds de solidarité logement sont gages d'un renforcement de la solidarité. Six millions de ménages modestes bénéficient d'aides personnelles au logement.

C'est aussi un budget de reconduction. La ligne fongible des aides à la pierre, pour la construction et la réhabilitation de logements sociaux, augmente même de 3,2 %. Pour l'accession, le prêt à taux zéro est reconduit. Enfin, le taux de TVA sur les travaux d'amélioration est maintenu à 5,5 %, ce qui correspond aux attentes des professionnels.

Mais les crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, qui bénéficient chaque année à plus de 200 000 logements du parc privé, baissent en autorisations de programme. Cela inquiète les acteurs concernés et je considère, comme le rapporteur spécial, que la ligne devrait être abondée par amendement. Elle a, en effet, un effet de levier très important.

Ce budget diffère surtout des précédents, qui réalisaient toujours beaucoup moins que ce qu'ils avaient annoncé, par sa volonté de fixer des objectifs réalistes : la construction de 54 000 logements sociaux, contre 47 000 en 2001...

Mme Odile Saugues - Beaucoup plus en 2002 !

M. le Rapporteur pour avis - ...la réhabilitation de 100 000 logements sociaux, contre 88 000 en 2001, 12 000 démolitions et 103 000 prêts à taux zéro. L'Etat consacrera 558 millions aux actions d'amélioration du parc locatif social et 1, 241 milliard à l'aide au parc privé.

C'est enfin un budget de transition. Un budget doit pouvoir être exécuté sans perte de temps ni d'énergie. Nous sommes donc toujours intéressés par les projets qui veulent s'attaquer aux freins psychologiques, administratifs et juridiques qui retardent les actions en matière de logement, et nous serons à vos côtés pour réviser la loi SRU, qui a eu pour effet de geler de nombreux projets de construction ; pour décentraliser l'aide à la pierre et la ligne fongible, qui doivent être adaptées aux situations locales ; pour faciliter le conventionnement pluriannuel et la contractualisation financière et pour simplifier les procédures. L'idée de guichet unique est à cet égard particulièrement séduisante.

Toutes ces mesures sont autant de pistes d'avenir. Elles sont la preuve de la confiance que vous accordez, Monsieur le ministre, aux acteurs, bailleurs sociaux ou collectivités locales. Pouvez-vous éclairer l'Assemblée sur le calendrier qui va être suivi ?

Mme Odile Saugues - Les idées, c'est bien. Mais il n'y a pas d'argent.

M. le Rapporteur pour avis - Les besoins sont importants. On n'a jamais aussi peu construit de logements sociaux en France que durant les cinq dernières années : la moyenne fut de 45 000 par an, alors que les budgets affichaient des chiffres toujours plus ambitieux. Il est urgent de rehausser le rythme, d'autant que les objectifs de démolition sont élevés. Les réhabilitations sont dans la même situation, puisqu'elles n'ont été qu'au nombre de 88 000 en 2001, contre 156 000 en 1997. Vous avez annoncé un objectif de 100 000.

Reste que la modernisation et l'humanisation du parc, le remplacement des ascenseurs et les opérations de démolition demandent des efforts financiers considérables.

Vous voulez également soutenir l'accession sociale à la propriété. L'élargissement du dispositif Besson aux descendants et ascendants permettra de relancer l'investissement locatif. Si le prêt à taux zéro est un réel succès, la question de l'élargissement du prêt à l'acquisition dans l'ancien se pose. Etes-vous prêt à abaisser la quotité de travaux nécessaires dans les zones tendues ou à créer une aide pour les accédants modestes ?

Enfin, le système d'épargne a été détourné de son objectif initial, qui était de faciliter l'accession à la propriété. Entre 1995 et 2001, l'encours des dépôts est passé de 136 à 226 milliards, mais la part des fonds réellement consacrés à financer des prêts d'épargne logement est passée de 31 % à 11 %. Le Gouvernement doit améliorer l'efficacité des sommes déposées pour mieux servir la cause de l'accession.

Pour conclure, la commission des affaires économiques a voté ce projet de budget car il représente une transition réussie dans un contexte économique difficile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Janine Jambu - Les orientations du budget qui nous est présenté nous inquiètent vivement. Que devient en effet la mission de solidarité nationale de l'Etat, qui doit garantir à chacun un toit et la liberté de choisir son habitat ?

Le logement doit être considéré comme un service public et le logement social, moderne et accessible à tous, comme un outil essentiel de réponse aux besoins. Or, l'essentiel de vos attentions vont au secteur privé et à la libéralisation du marché. Malgré les chiffres que vous affichez, le secteur social sera réduit à la portion congrue. La légère progression de la ligne fongible ne peut pas masquer le fossé entre les objectifs annoncés et les réalisations lorsque la volonté politique, comme le financement, sont manquants.

Les 54 000 PLA et 100 000 PALULOS programmés restent très inférieurs à la demande. On peut craindre que leur concentration, ainsi que celle des crédits de l'ANAH, sur quelques opérations spectaculaires empêche la réalisation d'autres projets. En outre, l'intégration des crédits de la remise aux normes des ascenseurs dans les PALULOS réduit la part réellement destinée à la réhabilitation des logements.

Qui va entreprendre de construire des logements sociaux alors que les conditions de financement restent les mêmes, que l'aide à la pierre est toujours aussi faible et que les prélèvements sur les livrets A perdurent ? La décentralisation telle qu'elle est menée va par ailleurs induire de profondes inégalités selon l'engagement des collectivités.

La part du logement privé dans la construction totale est passée de 55 % à 70 % entre 1995 et 2001. Le mouvement HLM, lui, après avoir changé de nom, semble vouloir changer de vocation. Où va-t-on construire des logements sociaux si les dispositions de l'article 55 de la loi SRU sont remises en cause par les sénateurs de votre majorité et des maires qui n'ont jamais admis d'avoir la moindre obligation de solidarité ?

Dans mon département des Hauts-de-Seine, les déséquilibres entre parcs privé et social sont criants. Les villes de Neuilly et Antony, dont sont issus deux ministres actuels, sont emblématiques de cette situation. Comment ces déséquilibres vont-ils être combattus ? Où M. Borloo va-t-il reloger les centaines de milliers de familles dont les logements sont promis à la démolition ? La mixité sociale prônée sans sourciller par les détracteurs de la loi SRU ne sera pas facile à appliquer...

Chaque citoyen, salarié du privé ou du public, employé ou cadre, doit pouvoir se loger dans la ville de son choix. Ce n'est pas aujourd'hui le cas. La pénurie de logements sociaux engendre des pressions importantes sur les communes et même celles qui ont un parc social important ne peuvent répondre aux demandes.

Il faut replacer le logement social au centre d'une politique nationale de l'habitat en diversifiant les produits et en réformant profondément les financements. Le Gouvernement préfère la libéralisation et le soutien au parc privé. Il multiplie les avantages fiscaux et les renforce en élargissant l'amortissement Besson. Il abroge la loi de 1948, ce qui va engendrer une nouvelle poussée spéculative et la flambée des loyers dans l'ancien. Les conséquences seront de court terme pour les personnes âgées et modestes, qui seront exclues de leur quartier.

Nous en venons à nous interroger sur l'avenir du conventionnement, d'autant que vous avez dit, Monsieur le ministre, qu'il fallait redéfinir le surloyer pour fluidifier le parc. Nous savons, pour avoir livré une bataille tenace contre le surloyer, quelles seraient les conséquences d'un retour en arrière. Ce serait d'ailleurs contradictoire avec le volonté de pérenniser là où ils existent les équilibres sociaux dans l'occupation du parc. La logique est cependant évidente avec la décision de relancer la vente du parc HLM...

Les options libérales prévalant, les temps vont être encore plus durs pour les plus démunis. Les aides à la personne stagnent alors que les loyers ont augmenté de 3 %. Les barèmes sont revus à la baisse. Les crédits du fonds de solidarité logement diminuent, sous couvert de rationalisation, et les aides aux ménages les plus en difficulté seront au bout du compte réduites.

Mme Odile Saugues - Tout à fait !

Mme Janine Jambu - Aucune mesure d'interdiction des expulsions ne semble devoir être prise, alors que celles-ci ont redoublé avant la période suspensive. Les crédits de la lutte contre le saturnisme baissent, ainsi que ceux destinés aux associations d'aide au logement. Et tout cela doit être ajouté aux conséquences de votre politique en matière d'emploi : suppression des emplois-jeunes, plans sociaux, remise en cause de la sécurité sociale et baisse du pouvoir d'achat des retraites.

En désaccord profond avec ces choix, nous proposons, pour notre part, d'augmenter les dépenses publiques utiles, au nombre desquelles bien sûr le logement, et de les financer par une autre fiscalité.

Nous sommes donc aux côtés des locataires, lesquels vont prochainement élire leurs représentants dans les conseils d'administration, pour relayer ici leurs préoccupations et leurs demandes, comme nous le sommes aux côtés de tous les mal logés.

Pour toutes ces raisons, notre groupe émettra un vote négatif sur ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Gilbert Meyer - « Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous ». Convaincu que 2003 sera bien l'an I de la nouvelle majorité, je me propose d'avoir le courage de dire ici ce qui ne va pas actuellement dans la politique du logement, tant public que privé. Mon regard sera à la fois synoptique, critique et prospectif.

Nous nous sommes trop souvent contentés par le passé de reprendre les anciennes recettes en les remettant au goût de la majorité. C'est ce qui explique que nous ayons manqué de pertinence et d'efficacité, et surtout que le fossé se soit creusé entre les réalisations et les besoins de la population.

La politique du logement est indissociable d'une politique d'aménagement du territoire. En effet, le logement, plus que jamais, est l'outil avec lequel nous pouvons maintenir et développer les services de proximité. Il appartient donc à l'Etat, garant des équilibres et de la solidarité entre les territoires, de définir le cadre de cette politique. Si celle-ci comporte plusieurs secteurs qui demandent chacun un traitement approprié, en réalité elle est une et exige une vue d'ensemble, que seul l'Etat est à même d'avoir.

Abandonner la politique du logement aux collectivités locales creuserait encore davantage les différences entre territoires, déjà considérables aujourd'hui, ce qui serait fatal à l'aménagement du territoire lui-même. Nos campagnes se videraient encore davantage au profit des villes alors même que nous dépenserions des sommes folles pour y maintenir des services de proximité.

De même, la priorité donnée au traitement des quartiers sensibles, que je ne conteste nullement, ayant moi-même engagé une très lourde opération de rénovation urbaine à Colmar, fait malheureusement oublier les autres zones urbaines. Appliqués à apposer des rustines quartier par quartier, nous négligeons les liaisons nécessaires entre les différents territoires, urbains comme ruraux, et nous dispersons nos efforts.

En voulant construire à tout prix, nous en venons à produire des logements dont les loyers sont beaucoup trop élevés pour la population. Les modes de financement actuels du logement public tout comme les aides à la personne, conçus il y a près de trente ans, ne correspondent plus ni aux enjeux ni aux attentes. Il faut repenser totalement les aides à la pierre comme les aides à la personne.

Maîtrise du développement urbain et revitalisation des campagnes, tels sont les objectifs qui doivent guider notre politique d'aménagement du territoire. Il ne faut en aucun cas exporter la ville à la campagne mais organiser la complémentarité entre ces deux espaces et rechercher leur développement harmonieux.

Nous devons nous donner les moyens de fixer à la campagne les jeunes ménages, gages de la vitalité et du dynamisme, indispensables au développement de l'initiative privée et à l'installation de services de proximité en milieu rural, lesquels n'auraient plus besoin ainsi d'être artificiellement maintenus par le biais de subventions.

Il existe désormais un secrétariat d'Etat pour la construction des prisons, mais notre politique du logement n'est pas assez clairement définie ! Vous n'y êtes pour rien, Monsieur le ministre. Vous ne pouvez guère faire plus que ce que vous faites déjà et votre expérience d'élu local est un indéniable atout. Reste à remettre à plat toute notre politique du logement, faute de quoi nous manquerions singulièrement de méthode, et à arrêter une stratégie, fondée sur les enseignements de terrain.

Il faudrait tout d'abord créer un observatoire du logement, lequel permettrait de recenser les besoins département par département, à défaut région par région, auprès des collectivités territoriales, en concertation avec les demandeurs de logement. Nous avons besoin de savoir quel type de logement et quel niveau de confort souhaitent nos concitoyens, quel loyer ils peuvent payer et quelle distance domicile-travail ils acceptent. Il faudrait aussi savoir s'ils préfèrent les logements publics neufs, déjà intégrés dans l'environnement urbain ou les logements privés conventionnés. Le pilotage de cet observatoire serait bien sûr assuré par l'Etat.

Deuxième outil indispensable : un plan national de l'habitat décliné département par département. Grâce aux renseignements collectés par l'observatoire, dont nous n'avons jamais disposé à présent, nous serions sûrs de répondre aux souhaits de nos concitoyens. Notre plan d'action concernerait aussi nos campagnes où des besoins auraient été recensés, et ainsi réaliserions-nous un véritable aménagement du territoire. Les partenaires privilégiés de cette action seraient les communes - quel maire ne cherche pas à retenir sa jeune population ? -, et, à travers les communes, l'Etat pourrait encourager l'intervention des groupements intercommunaux. Ainsi seraient clarifiées les relations entre les communes, propriétaires des sites de construction, et les bailleurs sociaux, maîtres d'ouvrage.

Il faut enfin organiser la complémentarité entre logement public et logement privé. Pour éviter la stigmatisation du premier, je propose de remplacer l'expression « logement social » par « logement public ». Cela serait de nature à faciliter l'intervention des opérateurs publics dans les campagnes, où l'on est souvent effrayé par l'idée même du logement social et réticent à en accepter. Or, des logements publics sont pourtant indispensables dans les territoires ruraux. Il faudra bien sûr privilégier les résidences à taille humaine alliant qualité architecturale et qualité des équipements.

Mme la Présidente - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Gilbert Meyer - Par ailleurs, trop de logements privés sont actuellement vacants. Il faut faire en sorte, en soutenant le secteur privé, que ces logements soient remis sur le marché. Pour rassurer les propriétaires, le partenariat public-privé est essentiel. La loi Meyer permet déjà d'agir efficacement. Il conviendrait cependant de revaloriser les plafonds de loyers et de ressources, je vous ai déjà entretenu de ce sujet, Monsieur le ministre. Ne restons pas figés dans nos habitudes, sachons innover et proposer une politique du logement résolument nouvelle !

Mme la Présidente - Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Gilbert Meyer - Mon intervention visait seulement à battre en brèche nos certitudes et nos habitudes. Nous devons mener une politique du logement répondant aux attentes de nos concitoyens.

Le groupe UMP votera ce budget. 

Mme Odile Saugues - Après vous avoir entendu présenter le 30 septembre dernier les priorités du Gouvernement en matière de logement - lutte contre l'habitat indigne, accession à la propriété, mixité sociale dans l'habitat -, nous pouvions espérer que les nombreuses réformes engagées sous la précédente législature seraient poursuivies et confortées. Or, vos choix nous conduisent à être aujourd'hui beaucoup plus réservés et à nous interroger sur la réalité des moyens que vous entendez consacrer à ces priorités.

S'agissant des aides à la personne, vous avez choisi de restaurer l'évaluation forfaitaire des ressources pour les moins de 25 ans, que nous avions précisément décidé de supprimer, après l'avoir limitée. Cette méthode, complexe, présente en effet beaucoup d'inconvénients. L'accès au logement est pourtant un premier pas essentiel vers l'autonomie pour les jeunes. Le précédent gouvernement l'avait au contraire facilité, en élargissant les conditions d'éligibilité au Locapass.

Par ailleurs, les crédits du fonds de solidarité logement (FSL) vont diminuer, ce qui est profondément regrettable. Vous le justifiez par le fait que certains départements s'étaient ainsi constitué une trésorerie importante. Certes, mais c'est une conséquence d'une décentralisation insuffisamment contrôlée. Or, la baisse des crédits du FSL va pénaliser ceux des départements qui les utilisaient pleinement. En outre, cette pratique budgétaire est contraire au projet de loi constitutionnelle sur la décentralisation, qui affirme le principe de la garantie de ressources. Est-ce cela la « nouvelle gouvernance » ?

De même, les collectivités locales les plus entreprenantes seront pénalisées par la baisse de 30 millions d'euros des moyens consacrés à la gestion des aires d'accueil des gens du voyage. Cette mesure laisse à penser que le Gouvernement se contente d'un discours sécuritaire sur ces population fragiles.

M. Michel Delebarre - C'est dommage !

Mme Odile Saugues - En ce qui concerne les opérations de démolition et de reconstruction, vous affichez les mêmes objectifs que le gouvernement précédent. Mais les crédits prévus sont inférieurs à ceux de 2002. Espérons que la procédure de déconcentration que nous avons menée à bien permettra néanmoins de poursuivre au même rythme ces opérations indispensables.

Vous avez maintes fois rappelé votre volonté de faciliter l'accession à la propriété.

M. Jean-Louis Dumont - En effet !

Mme Odile Saugues - Quelle est la réalité ? Si le nombre de prêts à taux zéro reste stable, vous en réduisez le coût unitaire faisant le pari risqué d'une baisse des taux d'intérêt ; les crédits de paiement affectés à ces prêts baissent donc de 11,79 % alors qu'il s'agit d'une mesure particulièrement intéressante, comme l'avait souligné Jean Proriol l'an dernier. Et je ne commenterai pas l'analyse sévère du rapporteur de la commission des finances...

Quant à l'accession très sociale à la propriété, vous décidez de supprimer la prime créée l'an dernier, à titre expérimental.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Cela ne marche pas !

Mme Odile Saugues - Si, Monsieur le ministre !

M. Jean-Louis Dumont - Ça monte en régime !

Mme Odile Saugues - Ce dispositif avait permis à 500 familles très modestes de devenir propriétaires de leur logement dans plusieurs régions, grâce aux sociétés coopératives d'HLM - en particulier en Picardie et dans le Nord-Pas-de-Calais.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

Mme Odile Saugues - Croyez-vous que le supprimer au bout de quelques mois soit une mesure pertinente ? Nous proposerons un amendement rétablissant cette prime.

Le devenir de l'ANAH nous inquiète. Vous parlez d'un octroi plus sélectif des aides, alors même que les missions de l'agence ont été élargies par la loi SRU et incluent la lutte contre le saturnisme et l'insalubrité et la réhabilitation des copropriétés dégradées.

Cette coupe budgétaire inquiète les associations mais aussi les artisans. J'espère que le Parlement veillera à donner à l'ANAH les moyens de ses ambitions.

Je conclurai par trois interrogations. Nous sommes tous convaincus ici de la nécessité de réaliser la mixité sociale ; les points de vue divergent sur les moyens et je ne reviendrai pas sur les propos caricaturaux de certains lors de la discussion de la loi SRU. Mais je note qu'en 2001 les communes ayant moins de 20 % de logements sociaux ont réalisé 18 000 logements sur les 23 000 prévus : c'est un bon début !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - Très bien !

Mme Odile Saugues - Ces résultats devraient inciter le Gouvernement à ne pas céder à l'aversion de certains élus contre cette obligation de solidarité.

Le numéro départemental unique d'inscription des demandeurs de logements sociaux devait être mis en place au 1er juillet 2001. Il serait souhaitable de dresser un premier bilan de cette réforme.

Enfin, la sécurité dans le logement social implique, entre autres, une présence humaine : le gouvernement précédent avait prévu un gardien pour cent logements dans les cités sensibles. Quel est le bilan de cette mesure ?

Votre budget n'est pas à la hauteur de nos attentes, ni de vos annonces. Je n'aurai pas la cruauté de le comparer aux envolées lyriques du ministre de la ville qui oublie souvent que face à la réalité des quartiers fragiles, rien n'est pire que les annonces en trompe-l'_il...

M. Gilbert Meyer - Ça, vous savez faire !

Mme Odile Saugues - ...quand les crédits ne suivent pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Delebarre - Excellent !

Mme Odile Saugues - Le groupe socialiste votera contre ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Delebarre - Il a raison !

M. Pierre Cardo - Quel coffre !

M. Philippe Folliot - Le secteur du logement est essentiel dans notre pays. « Quand le bâtiment va, tout va », dit-on à juste titre, car cela signifie que les Français ont confiance en l'avenir, que la lutte contre la précarité gagne du terrain, et aussi que les entreprises artisanales voient leur carnet de commandes grossir.

C'est pourquoi les politiques publiques en faveur du logement restent un puissant levier de cohésion sociale et de création d'emplois. Agir sur ce levier doit être une priorité de l'Etat et le groupe UDF vous félicite, Monsieur le ministre, d'avoir su proposer une refondation de la politique du logement en France.

Les objectifs sont clairs : consolidation des aides à la personne et renouvellement du parc.

Sur le premier point, le groupe UDF constate avec satisfaction qu'une politique du logement social rationnelle va enfin voir le jour. La revalorisation rétroactive des aides à la personne, pour un coût budgétaire de 145 millions d'euros, va concerner six millions de ménages parmi les plus nécessiteux, et en Ile-de-France ils bénéficieront en outre d'une augmentation exceptionnelle de 2 %. Voilà une mesure concrète en direction des locataires, qui se concentre sur les bons circuits de financement, ceux qui ont fait leurs preuves. Il faudrait agir aussi en faveur des classes moyennes, longtemps absentes des politiques de logement, notamment dans les grandes villes.

Le groupe UDF a pris acte de vos déclarations concernant les prêts à taux zéro : la baisse des subventions ne devrait pas réduire le nombre des prêts accordés, qui resterait d'environ 100 000. On pourrait cependant faciliter l'accession sociale à la propriété par le biais de la location-accession et par une meilleure articulation entre les prêts à taux zéro et les prêts d'accession sociale qui ouvrent droit à l'APL.

Enfin, l'objectif d'accession très sociale à la propriété reste essentiel. Si les mécanismes expérimentés jusqu'à présent n'ont pas été très efficaces, il faut revoir la question car l'accession à la propriété des populations les plus défavorisées offre une perspective humaniste pour leur réinsertion et pour la reconstitution du tissu social de nos quartiers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

D'une manière générale, il est urgent d'encourager davantage l'accession à la propriété. En effet, seuls 54 % des Français sont propriétaires de leur logement alors que ce taux s'élève à 80 % en Espagne, 81 % en Irlande, 70 % au Royaume-Uni.

Le deuxième objectif a rendu l'espoir à tous ceux qui vivent ou travaillent dans les quartiers en difficulté, où les conditions de vie sont très dégradées. Les moyens suivent les annonces, puisque les crédits destinés à la construction et à la réhabilitation de logements locatifs sociaux, en hausse de 15 millions d'euros, permettront de financer 54 000 logements et 100 000 Palulos, soit 12 000 de plus qu'en 2002. Le Gouvernement témoigne ainsi de sa détermination dans ce domaine où les urgences sont multiples. Ces crédits permettront de financer 12 000 démolitions, soit 50 % de plus qu'en 2002, assurant ainsi la montée en puissance du programme de renouvellement urbain. Ce sont ces cités, et non ceux qui y vivent, qui sont indignes de notre République, et il est temps de remédier aux défauts de l'urbanisme de masse.

C'est pourquoi une loi d'orientation en matière de logement social est plus que jamais nécessaire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Il nous faut redéfinir une politique pour ces quartiers du point de vue de l'offre immobilière, déterminante, comme l'ont montré les opérations de démolition-construction dans les ZUP. Mais une inquiétude demeure : comment les 200 000 logements nouveaux, les 200 000 destructions, les 200 000 réhabilitations seront-ils financés ? Les marges de man_uvre semblent réduites dans un contexte de croissance incertain et dans un contexte politique intérieur où les priorités sont ailleurs.

M. Michel Delebarre - Il a raison !

M. Philippe Folliot - Un mot également sur les crédits de l'ANAH. La diminution de 11 % des autorisations de programme inquiète les professionnels et les acteurs du bâtiment. Même si la reconduction du crédit d'impôt pour certaines dépenses afférentes à l'habitation principale et celle du taux réduit de TVA pour les travaux d'amélioration sont de bonnes nouvelles, il est à craindre que la baisse des crédits de l'ANAH et la réorientation de ses activités vers les logements sociaux conventionnés ne se fassent au détriment du logement locatif ancien.

C'est pourquoi nous vous demandons de clarifier au plus vite - par exemple en mettant à profit vos futurs projets de loi sur le logement - les missions de l'ANAH.

On sait le rôle de verrous qu'ont joué certaines structures par rapport aux dispositions de la loi SRU. Or, vous avez affirmé votre volonté de déverrouiller la politique du logement menée par vos prédécesseurs... Tous les élus locaux, qui se perdent dans des textes trop complexes et sont ainsi réduits à l'impuissance, vous sauront gré d'aller jusqu'au bout de cette démarche. Il faut s'attaquer en priorité à la fameuse loi sur les 15 kilomètres, qui a brutalement gelé des terrains où l'on aurait pu construire des logements sociaux et des logements en accession à la propriété. Il faut remettre sur le marché cette matière première qu'est le foncier : la chaîne du logement est aujourd'hui grippée parce que les communes, faute d'un plan local d'urbanisme ou d'un SCOT, n'ont plus ni le droit de vendre les terrains ni d'en chercher pour construire. Autorisez-les à ouvrir à la construction les zones « d'urbanisation future » qui étaient délimitées dans leur POS !

Une autre cause de ce gel des terrains réside dans les lois qui interdisent de construire ou de réviser le POS tant qu'on ne dispose pas d'un plan local d'urbanisme. Sur ce point aussi, il faudra assouplir les règles, en permettant la révision anticipée des POS pour dégager si besoin des terrains. D'autres initiatives sont particulièrement attendues en milieu rural, où il convient de clarifier le financement des voiries et des réseaux...

Voici des années que le 1 % logement, outil original et efficace de solidarité professionnelle, est dévoyé de sa mission initiale pour n'être plus qu'une simple variable d'ajustement du budget de l'Etat (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Le risque est grand de voir les entreprises s'en désintéresser et ne plus le regarder que comme un nouveau prélèvement obligatoire, faute de contreparties concrètes pour leurs salariés.

Rarement un gouvernement aura programmé une action aussi lisible dans une conjoncture aussi délicate, et le groupe UDF et apparentés tient à vous en féliciter, Monsieur le ministre, en vous assurant de tout son soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Michel Delebarre - Dommage que vous ayez conclu de la sorte !

M. Jean-Louis Dumont - Ce budget, quoi qu'en aient dit les orateurs précédents, est un budget en trompe-l'_il, qui fait fi des urgences. Ainsi en ce qui concerne l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat : après avoir asséché sa trésorerie, la ramenant à - 80 millions d'euros cette année,...

M. Gilbert Meyer - Qui l'a fait ?

M. Jean-Louis Dumont - Je vais y venir, mais convenez que, lorsque j'étais rapporteur spécial de ce budget, j'ai obligé le gouvernement de l'époque à réinscrire des crédits au bénéfice de l'ANAH. Que mon successeur n'a-t-il fait de même ? N'est-ce pas parce qu'il est dérangeant, aujourd'hui, de dire que la solidarité nationale doit jouer en faveur des défavorisés et de rappeler que les aides à l'investissement, aussi minimes soient-elles, constituent un puissant levier pour les opérations de construction, de réhabilitation et de rénovation ?

Agissant aussi bien en faveur des propriétaires publics que des propriétaires privés, l'ANAH aurait dû être une de vos priorités, Monsieur le ministre.

Les fonds de solidarité logement sont victimes de la même entreprise d'assèchement des trésoreries. Mais s'il y a trésorerie, c'est que certains ne font pas leur travail et que l'on n'a pas assigné de mission précise à ces fonds. Je ne mets pas en cause les personnes, même si elles gèrent de façon administrative et tatillonne, au détriment de l'efficacité, mais - et je prends à témoins le président de l'Union sociale pour l'habitat, qui fut aussi ministre du logement, ainsi que l'intéressé, autre ancien ministre -, comment M. Périssol a-t-il réussi à construire 10 000 logements très sociaux, sinon en mobilisant les préfets ? S'agissant des FSL, il était inutile de créer une nouvelle administration : il suffisait de fixer des missions. Les organismes HLM auraient alors été capables de créer des logements pour les plus démunis, y compris pour les populations en voie de sédentarisation. Or, on est en train de gâcher ces crédits, tout comme on gâche, d'ailleurs, les crédits de la lutte contre le saturnisme, de la faute de certaines agences de bassin...

L'accession à la propriété, sous toutes ses formes - vente d'appartements HLM, accession libre, accession aidée ou très aidée - donne lieu à des expérimentations peu probantes, avez-vous répondu à Mme Saugues en commission. Cependant, depuis des années, les organismes HLM tentent de convaincre les ministres successifs de l'utilité de l'accession très sociale, en prônant un partenariat entre l'Etat, qui ne fournit d'ailleurs guère que 20 millions d'euros, les collectivités, qui apportent le terrain, et eux-mêmes, qui apportent la compétence - on pourrait même ajouter à la liste les accédants, qui peuvent apporter leur force de travail...

Mme la Présidente - Vous avez dépassé votre temps !

M. Jean-Louis Dumont - Vous m'empêchez de m'exprimer, le ministre n'accorde pas de rendez-vous, les préfets demandent trois mois avant de vous recevoir : où les élus de la République peuvent-ils s'exprimer ?

Mme Saugues et M. Folliot vous l'ont dit, Monsieur le ministre : il faut que vous soyez à l'écoute des candidats à l'accession. Celle-ci permet de constituer des patrimoines familiaux et elle joue un rôle de levier dans la société. Puisque les ministres sont invités à se rendre sur le terrain, allez donc voir les élus qui, dans l'Ouest ou dans l'Oise, ont mené voici déjà quelques années des expériences : tous sont demandeurs d'accession très sociale. Ce n'est pas affaire de crédits, mais de mobilisation pour un effort social indispensable. De grâce, faites mentir le journal qui titrait ce matin : « Dédain de la droite pour les HLM » ! Ecoutez le rapporteur spécial, faites du logement une vraie priorité au service des valeurs de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marcelle Ramonet - Ce budget était très attendu par les élus qui mènent des actions ambitieuses pour améliorer la qualité de vie de leurs concitoyens. Pour apprécier à sa juste valeur l'effort fait en faveur du logement et de l'urbanisme, il faudrait également prendre en compte la politique menée par M. Borloo, ainsi que son plan de rénovation urbaine, mais il reste que les moyens sont stabilisés à un haut niveau malgré l'effort de maîtrise des dépenses publiques, certaines dotations croissant même dans des proportions importantes.

Ce budget favorisera tout d'abord l'activité, grâce à la reconduction du taux de TVA réduit pour les travaux d'amélioration et du crédit d'impôt pour les dépenses afférentes à l'habitation principale.

Cette enveloppe de 7,3 milliards d'euros permettra de consolider les concours apportés aux ménages modestes, d'accroître l'offre de logements sociaux, de soutenir l'accession à la propriété et d'amplifier, en partenariat avec les collectivités, les politiques d'urbanisme et d'aménagement. Ce budget est donc essentiel pour nos concitoyens qui ont besoin des prestations de solidarité pour se loger décemment, comme pour ceux qui s'engagent dans l'accession sociale à la propriété, encouragés en cela par les prêts à taux zéro - dont 100 000 pourront être financés en 2003. Ce sont ainsi 6,5 millions de foyers qui percevront pour 13 milliards d'aides à la personne, dont plus de 5,2 milliards provenant de ce budget.

Il faut encore préciser que les barèmes de ces aides seront revalorisés avec effet rétroactif au 1er juillet 2002, et donc des rappels de prestations. Ces crédits augmenteront pour 2003 de 145 millions d'euros.

Cette action de solidarité ira vers les plus démunis, les 250 000 familles concernées par les dispositifs spécifiques de solidarité, mais aussi vers les associations hébergeant à titre temporaire les populations en grande difficulté.

Ce budget est emblématique pour l'activité économique de notre pays, pour nos dizaines de milliers d'entreprises artisanales du bâtiment. La construction est un secteur à fort taux d'emploi qui concerne plus de 1 600 000 personnes. En 2003, les aides à la pierre participeront directement à la construction de 150 000 logements, soit environ la moitié des logements construits annuellement, et à l'amélioration ou à la réhabilitation de 230 000 autres. Au total, tous types confondus, 300 000 logements environ devraient être mis en chantier dans notre pays.

Vous étiez attendu, Monsieur le ministre, sur les crédits de la construction et de la rénovation du parc social HLM. Le Gouvernement montre sa volonté d'assurer la cohésion sociale avec des crédits en augmentation pour la réalisation effective de 54 000 logements aidés et la rénovation de 100 000 autres. Il est en effet indispensable, au-delà de la construction, de sans cesse entretenir et valoriser le parc existant. Ce sera le cas, avec l'amélioration de la qualité de service dans les quartiers d'habitat social de nos villes pour 31 millions d'euros.

La synergie entre la politique du logement et celle de la ville s'exprime ici avec 60 millions d'euros de crédits s'ajoutant aux subventions automatiques du 1 % logement, permettant la démolition de 12 000 logements. Comparés aux 7 000 logements démolis en 2001, et un peu plus de 8 000 en 2002, ce chiffre est la démonstration éclatante de la volonté du Gouvernement d'engager un renouvellement urbain ambitieux. Nous sommes beaucoup d'élus à attendre cet engagement de l'Etat à nos côtés. Pour ma part, j'ai bon espoir que nous y parviendrons rapidement pour ma ville, avec le quartier de Kermoysan à Quimper.

Ce budget est une composante importante de notre politique globale de relance de la politique du logement. Vous avez d'ailleurs présenté il y a quelques semaines, Monsieur le ministre, les orientations du Gouvernement pour les années à venir. Elles contribueront à changer l'image de nos villes, à engager la reconquête d'habitats et de quartiers parfois dégradés, ou à rendre plus largement encore les Français propriétaires de leur logement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Ferry - Ce budget du logement requiert une attention particulière, tant le secteur locatif est aujourd'hui en crise, cependant que l'accession reste encore souvent inabordable aux plus modestes. La conjoncture n'est guère favorable à une politique ambitieuse. Cependant, les conditions de l'offre inquiètent les professionnels. La hausse du prix des terrains et des coûts de la construction, s'ajoutant aux difficultés de mise en _uvre de la loi SRU, créent des tensions sur les marchés du locatif et de l'accession, et la pénurie s'installe.

L'Etat doit donc soutenir le marché. Ce ne sont pas les incitations à la construction locative lancées depuis 1997 et dont l'échec est patent, qui résorberont cette carence. Le nombre des logements sociaux construits a continué à se réduire, passant en dessous du record historique des 43 000 logements financés. Les politiques publiques enregistrent ici un échec cuisant.

L'heure est venue d'une politique fiscale ambitieuse, Monsieur le ministre. L'accession à la propriété doit être le maître-mot de votre politique. Le meilleur instrument à cet égard est certainement le prêt à taux zéro, que vous avez choisi de reconduire : il a été le plus fort vecteur de progression de la construction dans notre pays, et je me réjouis qu'il soit pérennisé pour permettre en 2003 de financer plus de cent mille accessions. Je compte aussi sur la remise en vigueur de la déduction fiscale des intérêts d'emprunts pour l'acquisition d'un logement existant. Je crois nécessaire de développer une fiscalité appropriée aux logements anciens, qui fait encore défaut.

La fiscalité s'attachant à la détention d'un bien immobilier a connu une certaine simplification, mais elle reste inachevée. Les diverses déductions et réductions d'impôts pour travaux ont été avantageusement remplacées par le taux réduit de TVA, et je suis heureux que celui-ci soit maintenu jusqu'au 31 décembre 2003.

L'incitation à investir dans l'immobilier doit prendre en compte le fait qu'il s'agit d'un investissement de long terme, guidé par un souci patrimonial, avec souvent un désir de transmission, plutôt que par la recherche d'une rentabilité à court terme. On ne facilitera pas l'acquisition en multipliant les dispositifs fiscaux spécifiques et en maintenant les contraintes qui pèsent sur les propriétaires. De nombreuses réformes sont encore à faire. Je suis très attaché à la mise en place d'un système proche de la location-vente, afin de favoriser l'accession progressive des jeunes ménages. Les propriétaires immobiliers, d'autre part, ne doivent plus être les victimes de dispositifs fiscaux inadaptés. Il faut réformer la taxe foncière, supprimer la contribution sur le revenu locatif et augmenter le taux de la déduction des revenus fonciers.

Nous ne saurions nous contenter d'un système où l'investissement financier reste plus avantageux que l'investissement immobilier. Vous souhaitez, Monsieur le ministre, une harmonisation du régime fiscal des loyers, aujourd'hui soumis au barème de l'impôt sur le revenu, avec celui des placements financiers soumis au prélèvement libératoire : je compte sur vous pour convaincre votre collègue du budget. Cette équité fiscale permettrait de drainer vers l'immobilier l'épargne des particuliers.

Je ne doute pas que votre politique sera volontariste et ambitieuse, permettant un retour de confiance dans l'investissement immobilier. C'est pourquoi je voterai votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cardo - Je tenterai d'exprimer en quelques minutes ce que m'inspirent trente ans de vie avec les grandes cités... Chacun a aujourd'hui à la bouche la « mixité sociale ». Quel beau concept ! Mieux répartir le logement social : de LOV en SRU, que de textes auront tenté de donner vie à cette idée séduisante... Malheureusement, la mixité sociale, je n'y crois plus - en tout cas pas totalement et pas actuellement. Elle peut se réaliser entre classes aisées et moyennes, voire peu favorisées : elle est très difficile entre les familles qui ont une place et un avenir dans notre société, et celles qui n'en ont pas.

Ce que certains appellent aujourd'hui mixité sociale relève plus d'un éparpillement de la misère que d'un traitement du problème de fond : cela ne peut pas marcher. D'abord, pour éparpiller, il faut trouver de gentils voisins qui fassent de la place, et qui acceptent les familles trop nombreuses de nos quartiers (Mme Saugues s'exclame). Ensuite, cet éparpillement viserait plus à masquer la misère qu'à la réduire.

Je n'en suis pas moins favorable à la construction de nouveaux logements sociaux là où il y en trop peu. La loi SRU peut être assouplie, mais il ne faut surtout pas la supprimer, notamment pour les villes qui, sans raisons objectives, en refuseraient la mise en _uvre.

M. Patrick Braouezec - Très bien !

M. Pierre Cardo - Quant aux communes qui ont un fort pourcentage de logement social, elles doivent être aidées à créer leur propre itinéraire résidentiel. Sinon on risque de réduire fortement le logement social en France, et de concentrer les difficultés dans nos cités. Le plan de rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo va dans le bon sens...

M. Jean-Louis Dumont - S'il reçoit des sous !

M. Pierre Cardo - Encore faut-il qu'il en reste, des sous.

M. Jean-Louis Dumont - Il y en a. Actionnez l'épargne logement !

M. Pierre Cardo - S'il y avait tant d'argent, que ne l'avez-vous utilisé avant ? Le plan de rénovation devra être complété par une intervention sur le coût du foncier, et de petits programmes immobiliers, peu attractifs pour les aménageurs, mais importants pour la création de logements diversifiés sur les communes en restructuration. Faute de quoi, il y a un grand risque, dans nos quartiers, d'assister à une évasion des familles en ascension sociale, et la ghettoïsation menace.

Au risque de choquer, je veux dire maintenant ce que j'ai sur le c_ur. J'en ai assez de l'égoïsme des villes qui ont peu de logements et beaucoup d'argent, pendant que nous, qui avons 60 à 80 % de logements plus que sociaux, nous tirons la langue pour survivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Ce souci n'appartient pas seulement à la gauche, mes chers collègues, et nous verrons si la suite vous plaît autant. J'en ai assez, également, de me sentir coupable devant les Français de l'échec d'une élite protégée qui ne sait rien de ce que nous faisons et de ce que nous souffrons, mais qui décide pour nous de ce qui est bon, et qui de plus nous juge. Nous voyons chaque jour nos habitants vouloir fuir nos quartiers, nos écoles, pendant que, le lendemain, on veut y installer d'autres familles nombreuses, sans emploi, le plus souvent étrangères, dont on n'a pas voulu ailleurs, tandis que d'autres viennent squatter les logements déjà attribués, ou en passe d'être détruits. « Comment, Monsieur le maire, avez-vous le c_ur de refuser un toit à ces pauvres gens, une école à ces pauvres enfants ? » C'est l'élu d'une ville qui n'a pas ces problèmes qui vient nous jeter cela à la figure ! Moyens financiers dérisoires, institutions dépassées, législation inadaptée... et bientôt acteurs de terrain découragés : voilà le vrai problème du logement social.

Vous proposez, Monsieur le ministre, un budget et une politique que j'approuve. Mais ils ne sont qu'un petit élément d'une réponse bien plus globale, que votre gouvernement veut mettre en _uvre : réforme des finances locales, de l'éducation nationale, augmentation des moyens de la police pour qu'elle tienne le haut du pavé au lieu de le ramasser, sanctions à l'égard des squatters, des rackets, du trafic et de la violence, sans oublier la réforme des attestations d'accueil, la révision du droit du sol, le contrôle des regroupements familiaux, l'application effective des reconduites à la frontière, et j'en passe...

Je dirai enfin aux bien-pensants de la générosité sans frontières que je les ai rarement vus habiter nos quartiers et scolariser leurs enfants avec les nôtres. Moi je l'ai fait, et c'est ce qui m'autorise à parler au nom de tous ceux qui votent silencieusement et douloureusement dans nos cités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Auberger - La France compte aujourd'hui plus de 29 millions de logements, dont 83 % de résidences principales. Avec 486 logements pour mille habitants, elle se classe devant l'Allemagne qui en compte 451 et le Royaume-Uni qui en a 418. Malgré cela, la France connaît, depuis plusieurs années, une crise du logement. Nous souffrons d'une mauvaise répartition des logements - du fait du déplacement des populations ; les Français souhaitent habiter dans des logements plus modernes et, surtout, dans des ensembles à taille humaine, mieux desservis par les transports et à proximité des services publics ; enfin, à Paris et dans les grandes villes, le prix de l'immobilier s'établit de plus en plus selon des critères internationaux, ce qui oblige les jeunes ménages et les Français les plus modestes à habiter loin de leur lieu de travail.

Nous devons définir de nouvelles orientations ; je partage les vôtres, Monsieur le ministre, et celles du ministre délégué à la ville.

Le logement social doit être au c_ur de cette « chaîne du logement » que le Gouvernement entend promouvoir. Or, il connaît une crise quantitative, une crise qualitative, une crise financière, une crise sociale ; beaucoup de familles modestes ne peuvent se loger dans ce type de logements et vivent dans des logements insalubres. Il y a urgence.

Il faut aider à la rénovation de l'habitation dans les quartiers les plus dégradés - je puis assurer M. Jean-Louis Borloo que la Caisse des dépôts et consignation fera tout ce qui est en son pouvoir pour accompagner ce mouvement.

M. Jean-Louis Dumont - Sur le terrain, ce n'est pas toujours évident...

M. Philippe Auberger - Je vais m'y employer. Je suis prêt à vous recevoir.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. Philippe Auberger - Notre réglementation doit être simplifiée, trop tatillonne, elle entraîne une pénurie de logements neufs et des coûts fonciers prohibitifs. Il faut donc desserrer le carcan imposé par la SRU dans les meilleurs délais. Je sais que vous vous y employez.

Il faut décentraliser la politique du logement. Les marchés locaux de l'habitat sont complexes, diversifiés, atomisés. Les acteurs locaux sont donc plus à même d'apprécier la demande et de gérer au mieux les crédits. Mais il importe de ne pas solliciter à l'excès les finances locales, qui ne peuvent satisfaire tous les besoins. Cet effort de décentralisation n'entraînera pas forcément des inégalités - c'est au contraire le système actuel, centralisé et uniforme, qui génère des inégalités : comment comparer en effet une banlieue parisienne et des villes de tailles modestes, comme celles de mon département ?

Un effort de réhabilitation des logements doit être entrepris, de même qu'une politique d'entretien du parc existant - qui se paupérise - ; une meilleure appropriation des logements par les locataires est également nécessaire - il faudrait relancer l'accession à la propriété dans les logements sociaux, accession trop longtemps freinée par les organismes HLM.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien. Mais nous vendons, dans mon organisme HLM, 150 logements par an !

M. Philippe Auberger - La mixité sociale en serait d'autant favorisée. Il faut enfin améliorer la sécurité de ces grands ensembles ainsi que les services rendus aux locataires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Je souhaite en premier lieu remercier les rapporteurs, M. Scellier et M. Abelin ainsi que les orateurs des groupes parlementaires pour la qualité de leurs interventions, constructives pour la plupart. Vos propositions me confortent dans l'idée qu'il est possible d'infléchir la politique du logement, dans la nécessaire concertation avec l'ensemble des partenaires de la filière.

Le logement et l'urbanisme représentent un tiers du budget de mon ministère.

M. le rapporteur Scellier m'a interrogé sur le taux de réponse aux questions parlementaires. Mes services m'ont assuré, le 10 octobre, avoir transmis à la commission des finances 66 réponses sur 70 questions - soit un taux de 94 % ! - J'ai néanmoins pris note de votre remarque.

M. le Rapporteur spécial - Je vous remercie.

M. le Ministre - Les moyens de paiement, stables par rapport à 2002, malgré les contraintes budgétaires de cette année, représentent près de 7,3 milliards d'euros, dont plus de 5,3 milliards pour les aides à la personne.

Les autorisations de programme - qui correspondent essentiellement aux aides à la pierre - sont de 2 milliards d'euros environ et ont été calculées pour répondre aux besoins effectifs, sans effet d'affichage.

Ce budget s'inscrit dans les trois grandes orientations du Gouvernement en faveur du logement : faire fonctionner la « chaîne du logement », contribuer à la solidarité nationale et engager une politique ambitieuse de renouvellement urbain.

Faire fonctionner la chaîne du logement signifie qu'il ne faut négliger aucun secteur pour répondre à la demande de nos concitoyens. Non seulement tous les secteurs sont complémentaires - qu'il s'agisse du locatif aidé, du locatif privé ou de l'accession sociale, de la construction ou de la réhabilitation du parc de logements -, mais ils sont aussi interdépendants, car un ménage, au cours de sa vie, essaie de suivre ce que les spécialistes appellent un parcours résidentiel. Si l'on veut libérer des places dans le parc des organismes HLM, il faut donner aux locataires qui le peuvent les moyens d'accéder à la propriété.

Ne sourions pas trop hâtivement de l'affaire des surloyers - ils peuvent constituer une incitation à quitter un HLM pour s'engager sur un parcours résidentiel.

Mme Janine Jambu - Ils ne nous font pas sourire !

M. le Ministre - Sur ce plan, la suggestion de M. Meyer - mise en place d'un observatoire national du logement - me semble très intéressante. Cela permettrait de mieux connaître les besoins, de mettre en évidence les relations existantes entre les différents segments de parc, autorisant ainsi les décideurs locaux à mettre l'accent tantôt sur le parc existant, tantôt sur le parc nouveau.

Je peux déjà vous indiquer que mes services ont déjà mis à l'étude l'évaluation des besoins en logements sur le plan régional. Comme vous, je pense qu'il ne faut jamais opposer le logement social et le logement privé, ce dernier ayant aussi un rôle social.

Premier des trois grands secteurs qui participent à la chaîne du logement : le locatif social. Mais avant de présenter les crédits, je voudrais évoquer l'article 55 de la loi SRU. Madame Jambu, le Gouvernement, autant que vous, est attaché à la mixité sociale. Mais un objectif fondé sur un engagement contractuel sera plus efficace que l'actuel dispositif coercitif.

Les crédits destinés à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux des organismes d'HLM, des SEM et des associations, augmentent de 15 millions d'euros - ils passent de 459 à 474 millions. Cette dotation permet de financer la construction ou l'acquisition de 42 000 logements grâce à des prêts PLUS ou à des PLA d'insertion. A ces 42 000 logements, il faut ajouter 12 000 logements financés par des prêts locatifs sociaux et 4 000 logements de la Foncière créée par les partenaires du 1 % logement. Au total, 58 000 logements seront ainsi financés, plus que ce qui a été fait en 2001 et que ce qui est prévu en 2002 - et beaucoup plus que la moyenne des cinq dernières années. Cette dotation permet de financer - par des PALULOS - 100 000 réhabilitations au lieu de 88 000 dans le budget 2002, soit une augmentation de 14 %.

Le gouvernement précédent avait limité dans chaque département les dépenses de réhabilitation à 30 % des crédits, remettant ainsi en cause la « fongibilité » décidée par M. Méhaignerie en 1987. Je puis vous annoncer que les crédits de construction et de réhabilitation redeviendront fongibles en 2003, permettant dans chaque département de choisir entre construction et réhabilitation en fonction des besoins qui se manifestent localement.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. le Ministre - Le retour à la fongibilité favorisera le financement des travaux de mise en sécurité des ascenseurs qui feront l'objet de dispositions dans le projet de loi qui vous sera bientôt présenté. Donner les moyens aux organismes sociaux de faire leur métier dans les meilleures conditions, c'est les assurer d'un montant de dotations suffisant pour mener leurs opérations, mais c'est aussi redéfinir les relations entre l'autorité publique et chacun des organismes. C'est pourquoi, au congrès de l'Union sociale, à Lyon, j'ai fait part de mon souhait d'engager des démarches de conventionnement global. Les conventions pourront porter sur la politique patrimoniale des organismes - construction, rénovation ou vente au locataire par exemple - mais aussi sur leur politique des loyers ou la qualité des services rendus aux habitants.

Comme l'a dit M. Auberger, cette démarche ne nous dispense pas d'une réflexion sur la situation financière des organismes HLM et l'insuffisante concentration du secteur. Sur ce sujet, il faut se méfier des généralisations hâtives. La situation financière des organismes HLM s'est améliorée depuis 1997, mais les situations sont très variables. La question de la taille critique reste donc essentielle, mais là encore, il n'y a pas lieu de normaliser : la masse critique n'est pas la même en Ile-de-France ou dans les grandes agglomérations et en zone rurale. J'ai demandé aux organismes de réfléchir à l'évolution des situations dans chaque région et d'en discuter avec tous les partenaires concernés afin que les choses bougent rapidement. Si cette phase de concertation n'aboutit pas, je n'exclus pas d'utiliser toutes les possibilités que m'ouvre la loi...

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. le Ministre - ...et de prononcer par exemple la liquidation administrative de certains petits organismes somnolents.

M. Jean-Louis Dumont - Ou alimentaires !

M. le Ministre - En ce qui concerne le décret qui a été évoqué, un rapport du conseil général des ponts et chaussées me sera remis prochainement. Les crédits de subvention pour surcharge foncière en Ile-de-France sont indispensables pour monter des opérations de construction compte tenu des prix pratiqués. Ils étaient insuffisants et j'ai dû les abonder dès 2002, j'insiste sur ce point, de 20 millions d'euros. Pour 2003, l'augmentation sera de 25 %.

Enfin, les crédits de qualité de service sont stables, Madame Saugues, compte tenu de la non-reconduction de la procédure d'appel à projets. La qualité de service aux habitants a été un des grands thèmes du congrès HLM. Ces crédits y contribueront, ainsi qu'à améliorer la sécurité. Je confirme à M. Meyer que le décret d'application de la loi qui porte son nom sera revu.

J'en viens maintenant au locatif privé. D'abord, nous voulons développer une offre locative sociale ou intermédiaire. 30 000 logements vacants sont donc remis sur le marché, et un tiers d'entre eux font l'objet d'un conventionnement prévoyant des plafonds de loyers. Cette politique doit être poursuivie et amplifiée.

La réhabilitation de l'habitat insalubre est aussi une priorité nationale. On ne peut laisser nos concitoyens dans des logements indignes de notre pays. J'ai demandé à l'ANAH d'aider les propriétaires de logements loués sous la régime de 1948. Ces logements, occupés par des personnes âgées ou à revenus modestes, ne feront pas l'objet d'un retour au droit commun.

Le troisième thème prioritaire est celui de la prise en compte du développement durable dans les logements. Les aides fiscales sont souvent très efficaces pour encourager l'investissement locatif privé. Le taux réduit de TVA est ainsi prorogé jusqu'au 31 décembre 2002. Le Gouvernement fera tous ses efforts pour obtenir au niveau européen la pérennisation de cette excellente disposition, qui a beaucoup aidé le secteur tout en réduisant le travail parallèle.

M. Philippe Auberger - Très bien !

M. le Ministre - L'extension de l'amortissement fiscal aux investisseurs qui construisent ou acquièrent un logement en vue de le louer à des ascendants ou à des descendants permettra également de créer une nouvelle offre locative, dont on ne peut encore estimer précisément l'importance.

Pour redonner confiance aux bailleurs, il faut aussi renforcer la sécurité en cas d'impayés de loyers. Le Gouvernement va travailler sur ce sujet avec les représentants des bailleurs et des locataires et la représentation nationale.

Dernier volet important : l'accession à la propriété. Aider les personnes modestes à devenir propriétaires, c'est répondre à une très forte aspiration de nos concitoyens, mais aussi alléger leurs dépenses au moment de la retraite. Cela pourrait contribuer à répondre, toutes proportions gardées, au problème des retraites qui va se poser dans les prochaines années.

En 2003, la baisse des taux d'intérêt permettra de conserver un nombre de prêts à taux zéro équivalent à celui de 2002, soit environ 100 000.

J'ajoute, pour rassurer Mme Saugues, que la non reconduction de la prime à l'accession très sociale ne remettra pas en cause l'accession sociale en France. Cette mesure avait été prise à titre expérimental et pour un an. Peut-être y teniez-vous beaucoup, mais sur les mille logements sur lesquels portait l'expérimentation, on n'a compté que 335 agréments.

M. Jean-Louis Dumont - 800 !

M. le Ministre - Le Gouvernement n'a fait que tirer les conséquences de cet échec. J'ai souhaité toutefois réfléchir aux mécanismes qui permettraient aux ménages les plus modestes d'accéder à la propriété dans les meilleures conditions de sécurité. Cela sera notre principale préoccupation dans ce domaine et j'espère que 2003 verra la mise en place de dispositifs performants.

M. Philippe Folliot - Très bien !

M. le Ministre - Une meilleure articulation entre les prêts à taux zéro et les prêts d'accession sociale serait également souhaitable, car ceux-ci garantissent certes un taux intéressant, mais comportent aussi un mécanisme de sécurisation et ouvrent droit à l'aide personnalisée au logement.

Par ailleurs, une réflexion est menée avec le mouvement HLM pour relancer la location-accession, et je serai très ferme sur ce point avec les organismes. La création de telles passerelles est le meilleur moyen, comme l'a souligné M. Auberger, d'assurer la mixité sociale à laquelle nous sommes tous attachés.

Monsieur Dumont, je vous confirme que la mise en place de la société qui doit garantir les opérations de promotion des organismes HLM est une question de quelques mois. Vous m'avez également interpellé sur les crédits non mobilisés au cours des années passées, et je trouve cela quelque peu audacieux. Mais vous m'invitez à faire aussi bien que M. Périssol, et je m'y emploierai.

Quant à la mixité sociale, vous avez, avec M. Cardo, cité un journal qui disait le « dédain de la droite » pour les HLM. J'ai retrouvé ce journal, et j'y ai lu, dans la fin de mes propos, que l'objectif de mixité sociale ne devait pas être remis en cause, car c'est l'expression même de l'unité et de la solidarité nationales. L'excellent journaliste terminait en disant que des amendements seraient examinés en séance publique. Ils ont été pour la plupart adoptés, et la majorité peut se féliciter d'avoir fixé un objectif de mixité sociale nettement plus ambitieux que l'ancien article 55, soit 24 000 logements au lieu de 18 000 ! Nous avons par ailleurs prévu de mesurer les effets de ce dispositif dans trois ans. S'il ne se révèle pas meilleur que le vôtre, nous rétablirons alors l'ancien article 55, mais ce serait vraiment à désespérer de la nature humaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

J'en viens aux aides à la personne, qui concernent près du quart des ménages. Elles comprennent l'aide personnalisée au logement et l'allocation de logement, qui bénéficient majoritairement aux locataires du parc privé. Pour tenir compte des hausses de loyers qu'ils ont connues, le Gouvernement a décidé d'augmenter sensiblement ces aides et a donc revalorisé les barèmes rétroactivement, avec effet au 1er juillet 2002.

Mme Odile Saugues - Heureusement !

M. le Ministre - Peut-être, mais cela coûtera 145 millions alors que vous n'aviez dégagé que 128 millions pour 2002, et 86 millions en 2000 !

Mme Odile Saugues - Vous supprimez l'évaluation forfaitaire des ressources !

M. le Ministre - Les paramètres relatifs aux loyers seront ainsi actualisés, avec un coup de pouce pour les personnes seules et les couples sans enfant à Paris et dans la petite couronne, où les loyers sont particulièrement élevés. Les loyers plafonds pris en compte pour le calcul de l'aide dans les DOM sont alignés sur ceux des agglomérations de la métropole, hors Ile-de-France. Enfin, le plafond de revenus pour bénéficier de l'aide est augmenté afin de maintenir l'égalité entre RMI et petits salaires.

Ainsi, pour les locataires du parc privé, qui ont bénéficié de l'alignement de l'AL sur l'APL, comme pour ceux du parc public, dont les loyers ont été gelés pendant deux ans, la part du budget consacrée au logement a été stabilisée au cours des trois dernières années.

Mme Odile Saugues - Ce sont les charges qui pèsent sur leur budget !

M. le Ministre - La solidarité nationale passe aussi par la lutte contre l'exclusion. Je puis rassurer sur ce point Mme Jambu - dont je comprends mal qu'elle veuille condamner des personnes à vivre toute leur vie en HLM... (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Les crédits prévus en 2003 sont suffisants pour répondre aux besoins. C'est vrai de ceux du FSL comme de ceux prévus pour lutter contre le saturnisme, résorber l'habitat insalubre ou aider à la création d'aires d'accueil pour les gens du voyage - qui, espérons-le, seront mieux consommés que les années précédentes, grâce aux actions menées par le Gouvernement en ce domaine. Une dernière remarque sur ce chapitre : j'avoue ne pas comprendre l'analyse de Mme Jambu selon laquelle les sommes prévues pour la remise en état des ascenseurs amputeraient d'autant les crédits de réhabilitation (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Cette remise en état des ascenseurs fait au contraire partie des travaux prioritaires de réhabilitation !

Le ligne fongible, enfin, permettra de financer des résidences sociales et ce que l'on appelle des « pensions de famille », l'idée en revenant à Xavier Emmanuelli, pour le logement de personnes en difficulté sociale.

Mon ministère contribuera largement au plan national de lutte contre l'exclusion, coordonné par Mme Versini, et qui devrait être présenté à la fin de cette année. J'ai d'ailleurs rencontré récemment, avec Mme Versini, les mouvements associatifs pour leur présenter les grandes orientations de ce plan en matière de logement.

Mme Odile Saugues - Nous n'en sommes pas moins inquiets.

M. le Ministre - Troisième priorité du Gouvernement : engager une politique ambitieuse de renouvellement urbain. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville, a choisi de donner la priorité au logement dans la politique de la ville.

M. Jean-Louis Dumont - Baratin ! Pourquoi n'est-il pas venu ?

M. le Ministre - Il a ainsi proposé, dans sa récente communication au Conseil des ministres, d'engager sur quelques sites prioritaires un important programme de démolitions, ce qui suppose autant de reconstructions pour reloger les habitants. Le budget du logement, dont quelque 250 millions d'euros sont dépensés dans les quartiers faisant l'objet d'actions particulières dans le cadre de la politique de la ville, y sera associé, je rassure MM. Cardo et Folliot sur ce point. Avec 60 millions d'euros, 12 000 démolitions seront ainsi financées en 2003, soit 50 % de plus qu'en 2002. J'espère, Madame Ramonet, que le quartier Kermoysan de votre belle ville de Quimper sera rapidement concerné.

Ces crédits sont en outre complétés par ceux du 1 % logement dans le cadre de la convention conclue ente l'Etat et les partenaires sociaux sur le renouvellement urbain. D'autres crédits seront également mobilisés à ce titre et affectés en priorité aux sites faisant l'objet d'un traitement en profondeur.

Il faut compter également avec les actions conduites sur le budget de l'urbanisme, même si celui-ci demeure modeste, cette compétence ayant été transférée aux collectivités territoriales. Pour accroître l'offre foncière, préalable indispensable à la construction de nouveaux logements, le Gouvernement entend assouplir les dispositions les plus rigides et malthusiennes de la loi SRU, qu'ont rappelées MM. Folliot et Auberger. Il présentera donc prochainement à votre assemblée, vraisemblablement le 12 décembre, puis, nous l'espérons, le 20 décembre au Sénat, un projet de loi portant diverses dispositions en matière d'urbanisme, d'habitat et de construction, qui facilitera aux communes le lancement de leurs projets d'urbanisation nouvelle. Il s'agira notamment de modifier la règle des quinze kilomètres, ainsi que celles de la participation aux voies nouvelles et réseaux, laquelle devra être clairement mise à la charge du maître d'ouvrage, et de permettre la révision des POS dans l'attente des fameux PLU.

Les crédits d'urbanisme visent d'abord à soutenir les politiques d'aménagement des collectivités, par le biais notamment des agences d'urbanisme. Deux nouvelles agences devraient être créées en 2003 (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF).

L'Etat intervient aussi dans ce domaine par l'intermédiaire des établissements publics fonciers ou, en partenariat avec les régions, dans le cadre des contrats de plan : les crédits prévus en 2003 seront abondés par les reports des années précédentes.

Avant de conclure, je souhaite insister sur l'effet qu'aura ce budget sur l'activité du secteur du bâtiment. Après des années de très forte croissance, celle-ci s'est en effet stabilisée. Participant au financement de près de la moitié des nouveaux logements et à la réhabilitation de quelque 250 000 logements, l'Etat contribuera directement au maintien de l'emploi dans le pays.

Ce budget pour 2003 se veut d'abord réaliste. Il permettra de satisfaire les besoins de logement, extrêmement divers, mais ne produira tous ses effets que si de nouvelles relations s'instaurent entre l'Etat et tous ses partenaires : collectivités locales, bailleurs sociaux et privés, associations d'insertion par le logement, et plus généralement tous les professionnels de l'immobilier. Car c'est à eux qu'il appartient de rendre efficace sur le terrain son action ainsi que celle des collectivités en permettant que tous les crédits soient utilisés au mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Patrick Braouezec - Je souhaite vous interroger sur la pénurie de logements sociaux, en particulier en Ile-de-France, et sur une de ses conséquences : la recrudescence des squats, tant dans le parc privé que dans le parc public. Rien dans votre budget ne permet que se concrétise le droit fondamental à l'accès et au maintien dans un logement décent.

Sur les 25 familles que je reçois chaque semaine, plus de 20 me font part de leurs difficultés de logement. Bien que Saint-Denis compte 18 500 logement sociaux, soit 52 % de ses logements, la ville souffre de la pénurie régionale de logements. On y dénombre 4 000 demandeurs sans compter les 2 000 demandes d'échanges, alors qu'il n'y a que 600 départs par an. Enfin, les logements privés insalubres y sont au nombre de 4 000, 740 faisant l'objet d'un protocole de résorption.

Face à cette énorme tension et en l'absence de réponse des pouvoirs publics, tant au niveau régional que national, la loi du marché l'emporte et celui-ci s'organise, y compris de façon mafieuse. On estime à 2 000, en région parisienne, le nombre de logements squattés de façon collective, lesquels accueilleraient 5 000 personnes. Outre Paris, les difficultés se concentrent dans les villes populaires, dont le patrimoine privé, ancien, est souvent dégradé, et qui ont un parc social important. Depuis plus d'un an, les municipalités de Saint-Ouen, Aubervilliers, La Courneuve, Stains et Saint-Denis appellent l'attention des pouvoirs publics sur cette situation. Leurs élus réclament la tenue d'une table ronde régionale, car aucune ville ne pourra régler à elle seule le problème.

Les familles viennent la plupart du temps d'autres villes de la région, voire de province ou de l'étranger. A ce jour, les communes assurent pour l'essentiel le travail social sans que soit proposée aucune solution, nationale ou régionale, ouvrant à ces familles d'autres perspectives que l'entrée dans un nouveau squat. Et ce n'est pas la pénalisation du squat, envisagée par le Gouvernement, qui résoudra le problème. La criminalisation de la précarité ne fera au contraire que renforcer la ségrégation.

Je souhaite, Monsieur le ministre, que vous nous informiez des conclusions du rapport Quercy, demeurées confidentielles à ce jour. Quelles suites entendez-vous lui donner ?

Les pouvoirs publics doivent s'engager, en concertation au niveau régional, à résorber les squats. Quelle est, Monsieur le ministre, votre position sur les deux propositions suivantes : l'utilisation partielle de logements réquisitionnés dans les villes ayant moins de 20 % de logements sociaux et la création, assortie de compensations, d'un réseau de logements-relais, répartis dans le patrimoine des principaux bailleurs sociaux d'Ile-de-France ?

M. le Ministre - Une mission de réflexion sur les squats en Ile-de-France a en effet été confiée en février 2002 à M. Quercy, de l'administration des Ponts et Chaussées. Son rapport met en évidence la grande diversité des squats : certains relèvent d'initiatives purement individuelles, d'autres ont un caractère revendicatif, d'autres enfin résultent d'un trafic organisé que l'on peut effectivement qualifier de mafieux. 1 800 à 2 000 logements seraient ainsi squattés en Ile-de-France.

La première proposition du rapport pour résorber le phénomène est bien sûr d'améliorer l'offre de logements. La relance de la construction de logements sociaux, avec quatre à huit mille logements de plus en 2003, y contribuera largement. Une autre proposition du rapport est de renforcer encore la lutte contre les exclusions. Le programme national présenté le 5 novembre marque à cet égard une nouvelle étape : amélioration de l'information, prévention des expulsions, renforcement du rôle du parc privé, développement des résidences sociales. Des mesures techniques, comme le murage des appartements voués à la démolition, sont bien sûr souhaitables pour empêcher le développement des squats ; des crédits pourraient être spécifiquement prévus à ce titre dans le financement des démolitions-reconstructions. Enfin, le rapport suggère de s'appuyer sur l'expérience reconnue en matière d'accompagnement social du GIP Habitat et intervention sociale pour traiter les squats existants. Les représentants de l'Etat au conseil d'administration du GIP travaillent actuellement à la définition de nouveaux objectifs pour le GIP.

Le rapport de M. Quercy devrait être présenté prochainement à la commission régionale du logement social d'Ile-de-France. D'ici là, je n'ai aucune objection à sa diffusion.

M. Claude Birraux - La situation du logement social en Haute-Savoie, en particulier dans le genevois haut-savoyard, est alarmante. On y compte en effet quelque 14 000 demandeurs !

Outre l'attractivité du département et son dynamisme économique et démographique - entre les deux derniers recensements, la population a crû de 8 000 habitants par an -, la mise en _uvre des accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne a complètement déséquilibré le marché foncier et immobilier. Le volet relatif à la libre circulation des personnes s'appliquera dès juin 2004 pour les Suisses, lesquels ont largement anticipé sa mise en _uvre, alors que les citoyens de l'Union devront patienter douze années supplémentaires pour bénéficier du même droit.

Les collectivités, au premier rang desquelles le conseil général, se sont fortement mobilisées. Un contrat a ainsi été signé avec l'Etat permettant de débloquer mille PLUS et PLA par an. Les communes et le conseil général se sont engagés à prendre en charge le surcoût foncier dans la limite de 35 € chacun par mètre carré. Comme cela ne suffisait pas, le conseil général a porté sa participation à 2 286 € par logement et les organismes HLM à 4 573 €. En dépit de tous ces efforts, seuls 800 logements devraient être mis en chantier en 2002 loin donc des 1 000 prévus dans le contrat, mais surtout loin des 1 200 nécessaires chaque année dans les cinq ans à venir, selon une étude CILSE-DDE.

Votre prédécesseur se bornait à me répéter la problématique que je lui avais exposée, mais laissait les collectivités affronter seules le problème. Pour votre part, êtes-vous prêt à envisager un changement de zone pour les financements - les prix sont aussi élevés dans la région que dans les grandes agglomérations, les appels d'offres ont ainsi flambé de 27 % en trois ans - et à mobiliser au maximum les crédits d'Etat ? Qu'envisagez-vous pour diversifier l'offre, afin d'accroître la rotation dans le parc locatif ? Permettrez-vous la construction de logements sociaux pour les fonctionnaires d'Etat et territoriaux, au-delà des 5 % légaux ?

M. le Ministre - La pression foncière qui existe actuellement en Haute-Savoie est le résultat du dynamisme de ce département et des mouvements démographiques qui y sont enregistrés.

Un effort a été consenti au niveau de la région Rhône-Alpes, les dotations ayant été portées de 38 à 45 millions d'euros dont 4,3 millions pour votre département.

L'effort doit être poursuivi et il le sera. Les propositions du comité franco-genevois vont être examinées, avec pour objectif d'adapter et de mieux articuler les différents zonages. En effet, depuis 1978 le classement des communes pour les aides de l'Etat au logement repose sur des critères démographiques, réactualisés en avril 2002 : il paraît souhaitable d'y ajouter d'autres critères pour certains bassins d'habitat confrontés à des situations particulières, comme votre département.

La question foncière reste déterminante. La création d'un établissement public foncier local sera une avancée importante, mais il serait également opportun que les communes facilitent la réalisation de logements sociaux par leurs documents d'urbanisme et le recours au droit de préemption.

M. Jean Proriol - La pénurie de logements n'est plus à démontrer. Les mesures que vous avez programmées - aménagement de la fiscalité locale, extension du dispositif Besson aux ascendants et descendants, suppression progressive de la loi de 1948, maintien du taux réduit de la TVA - devraient améliorer la situation.

Mais l'ANAH est aussi un outil très efficace pour activer le marché du logement locatif ancien : la hausse de 13 % des crédits de paiement qui lui sont affectés dans ce budget conforte la baisse des autorisations de programme. Je m'interroge cependant sur l'utilisation de ces subventions : les professionnels de l'artisanat s'inquiètent de la réorientation des investissements vers des opérations d'envergure, au détriment d'opérations plus modestes et plus nombreuses, financées à un taux plus faible. Comment comptez-vous éviter ce risque de dérapage ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs)

M. Jean-Louis Dumont - Il a raison !

M. Jean Proriol - Comme d'habitude ! (Sourires)

M. le Ministre - Je comprends votre crainte, mais je veux vous rassurer.

Les subventions à taux élevé visent à mieux cibler les priorités de l'ANAH : il est indispensable que les logements privés réhabilités puissent être loués à des loyers conventionnés ou intermédiaires. J'ai maintenant bon espoir qu'à la suite des débats à l'Assemblée et au Sénat, et des demandes répétées de vos commissions, les crédits de l'ANAH soient abondés (Applaudissements sur divers bancs).

Plusieurs députés socialistes - C'est une bonne nouvelle !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - Monsieur le ministre, le mois dernier, vous avez fait part à notre commission des affaires économiques de votre volonté de présenter un budget sincère. L'intention est louable, car il est vrai que la consommation des crédits affectés au logement social est souvent inférieure aux prévisions.

Pour autant, cette volonté de sincérité ne doit pas servir de prétexte à des coupes budgétaires discrètes. Je vous citerai l'exemple d'un important office d'HLM de la Haute-Vienne, qui attend toujours le versement d'une subvention d'un million d'euros sur des programmes déjà engagés, et qui vient en outre d'apprendre que la dotation d'Etat pour 2003 ne porterait que sur 185 réhabilitations, alors que 817 logements sont en attente de telles opérations. Des décisions concrètes sont ainsi bloquées par la remise en cause des financements annoncés. Compte tenu des propos tenus par le rapporteur spécial, se félicitant de ce budget en tant que président d'un office HLM, je me demande si tous les offices sont traités de la même manière...

Cette remise en cause porte aussi préjudice aux entreprises du bâtiment, d'autant que les crédits de l'ANAH sont également affectés, comme l'ont souligné Mme Saugues et M. Proriol. Quelles sont vos intentions, Monsieur le ministre, en ce qui concerne la politique de réhabilitation du parc public et privé et le financement du logement social en général ?

M. le Ministre - Je prends note du cas que vous me signalez et je demanderai à mes services de s'en occuper.

M. Gilbert Meyer - Ces retards sont une situation ancienne !

M. le Ministre - Ancienne ou pas, il faut y remédier !

Je rappelle que le nombre des réhabilitations PALULOS sera supérieur en 2003 à celles réalisées en 2002 - 100 000 - et en 2001 - 80 000. C'est donc bien une priorité.

Si l'on y ajoute la généralisation de la TVA à taux réduit sur les travaux d'amélioration réalisés par les organismes d'HLM et la possibilité, nouvelle pour eux, de demander un prêt sans subvention à la Caisse des dépôts et consignations, ils disposeront en 2003 de moyens très importants pour entretenir leur parc. Je connais même le cas d'un organisme qui a contracté auprès d'une banque un emprunt à de meilleures conditions qu'à la Caisse des dépôts !

M. Jean-Louis Dumont - Vous nous donnerez l'adresse ! (Sourires)

M. le Ministre - Compte tenu de ces moyens potentiels, il appartient aux organismes d'HLM de définir une stratégie globale, et le Gouvernement les incite à se doter de plans stratégiques de patrimoine qui pourront être subventionnés jusqu'à 50 % : ces plans permettent notamment de définir les priorités et d'arbitrer le choix entre réhabilitation et démolition.

Mme Annick Lepetit - Quand nous interrogeons M. Borloo sur la mixité sociale, il nous répond que la position du Gouvernement a été clairement exposée par vous-même et que la mixité sociale n'est pas remise en cause. Or, ce budget n'en dit mot.

Pourtant vous avez vous-même pratiquement reconnu que la loi SRU avait facilité la réalisation de logements sociaux. Alors pourquoi vouloir supprimer un dispositif qui fonctionne bien, comme l'a fait le Sénat cette nuit ? Que faites-vous de l'avis défavorable du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées ? Vous abandonnez la PATS, vous diminuez les prêts à taux zéro. Comment allez-vous, dans ces conditions, encourager la mixité sociale et respecter le droit au logement des plus pauvres ?

M. le Ministre - Je veux vous rassurer. Le Haut Comité avait exprimé des craintes par rapport à une proposition de loi qui n'avait pas encore été débattue. A cinq heures ce matin, tout le monde pouvait être rassuré : le Sénat a non seulement réaffirmé que la mixité sociale était un principe républicain essentiel, mais il a recherché, avec l'accord du Gouvernement, le dispositif le plus efficace pour la garantir. Le système actuel pénalise en effet d'emblée les nouveaux élus de 2001 et leur fait payer - ou plutôt en faisant payer aux contribuables locaux - une situation dont ni les uns ni les autres ne sont responsables. Nous, nous préférons faire confiance aux élus locaux et leur proposer une démarche contractuelle.

Les communes ne seront pénalisées - et encore à terme - que si elles n'atteignent pas les objectifs fixés. A la contrainte, nous substituons donc le contrat. Je vous donne rendez-vous dans trois ans pour constater les résultats de ce dispositif, inventé par le Sénat mais que le Gouvernement s'attachera sans doute à améliorer. Pour ma part, je ne doute pas qu'à faire ainsi confiance aux élus, on soit toujours récompensé ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Mme Nathalie Gautier - Vous allez réduire de 11 % les autorisations de programme allouées à l'ANAH, ce qui entravera la mobilisation du parc privé à vocation sociale et la lutte contre l'insalubrité, et vous privera d'un important levier en faveur de l'emploi. Les dotations destinées à aider les ménages en détresse baisseront de même, qu'il s'agisse des fonds de solidarité pour le logement, de l'aide aux associations logeant temporairement des défavorisés ou de l'aide aux organismes de médiation sociale. Tout cela ne peut qu'aggraver encore le « mal-logement ».

Les aides de l'Etat aux opérations d'amélioration de l'habitat, notamment le soutien à la maîtrise d'_uvre urbaine et sociale, diminuent elles aussi, ce qui ne manquera pas de ralentir le rythme d'engagement de ces OPAH, si ce n'est de remettre en cause certaines. Or la loi SRU a élargi les compétences de l'ANAH à l'ensemble du parc privé, afin de développer le conventionnement, de traiter les copropriétés en difficulté et de mobiliser les logements vacants.

Le précédent gouvernement a institué le droit à un logement décent : comment comptez-vous donner corps à celui-ci si vous réduisez de la sorte les crédits d'investissement ?

M. le Ministre - Ce qui distinguera notre politique de celle menée en 2002, c'est que nous avons privilégié les crédits de paiement, estimant qu'ils permettent de faire aussi bien, et souvent mieux, que des autorisations de programme qui peuvent être pharaoniques mais sont fréquemment sous-utilisées.

Les fonds de solidarité logement et les aides à la médiation locative ne sont pas remis en cause, puisque nous avons prévu le reversement des trésoreries disponibles. En d'autres termes, les départements seront avisés qu'ils ne peuvent espérer de nouveaux crédits tant qu'ils n'auront pas utilisé ceux qu'ils ont en caisse !

Je pense vous avoir déjà rassurée en ce qui concerne l'ANAH. J'ai bon espoir d'obtenir un complément de crédits, grâce aux efforts des commissions des deux assemblées, à votre ténacité et aux économies réalisées ici ou là dans cette loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Louis Dumont - Il faut que ce soit avant le 25 décembre ! (Sourires)

M. le Ministre - Nous préserverons ainsi cet outil merveilleux, qui a des effets bénéfiques pour l'emploi et permet de sauver bien des logements, en ville comme à la campagne.

M. Francis Hillmeyer - Je souhaite apporter ma contribution à la fois à votre ministère et à celui de l'environnement ! Dans le cadre du protocole de Kyoto, la France s'est engagée à réduire l'émission de gaz à effet de serre et à privilégier l'« électricité verte ». La part des énergies renouvelables dans la consommation d'électricité devrait ainsi être portée de 14 à 22 % d'ici à 2020. Un rapport parlementaire préconise de privilégier le solaire thermique pour la fourniture d'eau chaude et pour le chauffage, qui représentent 85 % de la consommation dans le secteur résidentiel. Or vous prévoyez de réaliser, en 2003, 54 000 logements locatifs, à quoi s'ajouteront les 40 000 financés par le 1 % logement. Ne pourrait-on soumettre le déblocage des crédits nécessaires à l'obligation d'utiliser des énergies renouvelables ou de réaliser des constructions bioclimatiques ?

Des expériences ont déjà été menées en ce sens, notamment dans des HLM de Lagarrigue, en Lot-et-Garonne, et à Surieu, dans l'Isère, où des cellules photo-voltaïques permettent d'alimenter en électricité l'ensemble des parties communes d'un bâtiment cependant que des capteurs solaires, installés sur le toit, fournissent 25 % de l'eau chaude. A Castres, 100 mètres carrés de capteurs produisent 60 000 kWh par an, chauffant 5 000 litres d'eau et réduisant de 30 % la consommation énergétique. Un tel équipement sera rentabilisé en dix ans ! Mais des quartiers pilotes existent aussi en Allemagne, à Fribourg.

Ces installations pourraient être pré-financées par des emprunts à taux zéro, remboursés grâce aux économies réalisées sur les charges locatives. L'Etat étant en mesure d'imposer ce recours aux énergies propres dans les logements sociaux, ne serait-ce pas un excellent moyen de tenir nos engagements environnementaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. le Ministre - Développer les énergies renouvelables peut en effet contribuer à réduire l'effet de serre tout en permettant de mieux maîtriser les charges locatives. La prochaine version de la réglementation thermique applicable aux bâtiments neufs, qui sera publiée au premier trimestre de 2003, autorisera à prendre en compte la contribution d'installations solaires thermiques dans le calcul de la consommation globale d'énergie. A la fin de 2003, il est prévu d'y ajouter la contribution des cellules photo-voltaïques.

En outre, un projet de directive prévoit pour les bâtiments neufs de plus de 1 000 mètres carrés la réalisation systématique d'une étude de faisabilité pour l'installation de systèmes alternatifs de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire, systèmes pouvant faire appel aux énergies renouvelables ou aux réseaux de chaleur notamment.

S'agissant du logement social, l'Etat peut majorer l'assiette de subvention pour les opérations où la consommation d'énergie sera inférieure de 8 à 15 % à la consommation correspondant au niveau réglementaire. D'autre part, un décret en préparation portera de 15 à 20 ans la durée de l'exonération de taxe sur le foncier bâti lorsque les opérations satisferont certains critères environnementaux. Enfin, un label sur la maîtrise des charges locatives est en cours d'élaboration, en liaison avec l'Union sociale pour l'habitat et avec mon ministère.

Vous le voyez, le développement durable est bien un souci du Gouvernement dans le secteur du bâtiment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Gilles Artigues - J'ai dans ma circonscription, à Saint-Etienne, une copropriété particulièrement dégradée qui porte pourtant le beau nom de « Tour Plein Ciel » ! Or il existe en France beaucoup de tours « Plein Ciel », cumulant tous les handicaps et dysfonctionnements... A la demande du préfet, une commission du plan de sauvegarde s'est réunie afin de venir en aide à cette copropriété et elle doit bientôt trancher entre démolition et réhabilitation. Lorsque le choix sera fait, nous solliciterons évidemment l'ANAH et les collectivités locales, mais aussi le 1 % logement. A ce propos, j'aimerais connaître les missions que vous assignez à ce fonds. Dans l'hypothèse d'une démolition, pourrait-il intervenir dans le relogement des propriétaires ? Et comment, dans ce cas, éviter qu'il n'y ait aubaine pour des investisseurs privés qui loueraient leurs logements à des ménages particulièrement fragiles ?

Les élus attendent des réponses à ces questions qui ne s'étaient guère posées jusqu'ici, le phénomène des copropriétés dégradées étant relativement nouveau en France (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Ministre - Phénomène qui s'accélère, cependant. Bien souvent, il faut à la fois redresser la situation financière et traiter des cas sociaux, ce qui rend la réhabilitation très délicate à réaliser. C'est précisément pourquoi ont été créées les commissions de plan de sauvegarde, présidées par les préfets, et les OPAH « copro ». Ces commissions sont en outre chargées de veiller à ce qu'il n'y ait pas les effets d'aubaine que vous évoquiez.

Je suis déterminé à mobiliser tous les moyens disponibles, y compris ceux de l'ANAH et ceux du 1 % logement. Dans le cadre de la convention du 11 décembre 2001, ce dernier peut en effet contribuer au financement de la démolition de copropriétés dégradées, ainsi qu'au relogement et même aux travaux d'amélioration (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - En Ile-de-France, le nombre des demandes de logements sociaux est estimé à 300 000. Elles ne peuvent à l'évidence être toutes satisfaites grâce aux seules opérations de rénovation urbaine, en particulier de démolition-reconstruction. Mais la réalisation de logements neufs, si elle constitue la réponse la plus adaptée, se heurte à des contraintes financières et foncières complexes. Le précédent gouvernement avait donc élaboré un plan de relance contractualisé, impliquant les bailleurs sociaux. L'Etat tiendra-t-il les engagements pris à ce sujet ?

D'autre part, le fonds d'action régionale devrait être crédité de 80 millions d'euros en 2003, comme en 2002, contre 100 en 2001. Quatorze mille logements sociaux seront réalisés cette année, mais il faudrait porter le rythme annuel à 20 000 logements uniquement pour éviter que le nombre de demandes croisse : dès lors, ne conviendrait-il pas de doter le fonds de 115 millions d'euros ?

M. le Ministre - Je vous l'ai dit, les chiffres pour 2003 sont en nette augmentation : 54 000 logements, plus 4 000 grâce au 1 %. A plus long terme, on ne peut démolir un nombre croissant de logements sociaux sans en construire au moins autant - et plus si possible - pour accroître l'offre.

En Ile-de-France, un effort a été fait pour subventionner la surcharge foncière, puisque nous avons ajouté 25 % de crédits en 2003. A Paris, ce sont 3 500 logements qui doivent être réalisés conformément à la convention : les engagements de l'Etat seront tenus.

M. Serge Janquin - Une question concerne l'égalité d'accès des demandeurs de logements sociaux et le développement de la capacité d'intégration des populations qui vivent dans cet habitat. La loi de lutte contre les exclusions a prévu la mise en place, au 1er juillet 2001, d'un numéro unique départemental d'inscription, instrument de transparence nécessaire. Un an et demi plus tard, a-t-on une bonne connaissance de la demande dans chaque département et chaque bassin d'habitation ? Quels enseignements peut-on en tirer pour la programmation, la mixité sociale, la lutte pour des logements décents ? De la qualité de ces procédures dépend en partie la résorption des squats.

Il ne suffit pas d'avoir un logement : il faut y vivre dans de bonnes conditions. Le décret du 28 décembre 2001 prévoyait un gardien pour 100 logements, ce qui devait être réalisé dès 2002 dans les zones urbaines sensibles. Le rapport de l'inspection générale des ponts, prévu pour la mi-2002, est un peu en retard. Or, la qualité de la vie sociale dépend beaucoup de celle des relations humaines assurées par la prestation de services entre bailleurs et locataires.

Concernant l'habitat minier cédé par Charbonnages de France à l'EPINORPA, je souhaite que vous puissiez confirmer que les conventions passées en juin entre cet établissement et l'ANAH, permettront de garantir l'amélioration des taux d'intervention de l'agence et l'augmentation de l'enveloppe globale.

J'évoquerai enfin l'article 55 de la loi SRU. Je vous donne acte, Monsieur le ministre, de vos intentions personnelles quant à l'impératif de mixité sociale, que vous faites vôtre. Mais beaucoup de membres de votre majorité ne sont pas en phase avec votre position : ils considèrent la procédure contractuelle que vous mettez en place comme une échappatoire, pour obtenir progressivement l'abrogation de l'article 55, qu'ils n'ont pas obtenue en une fois.

Nous apprécierons donc votre politique contractuelle à ses résultats.

M. le Ministre - Je ne peux que vous suivre pour affirmer la nécessité d'une vigoureuse réhabilitation, associant démolition et reconstruction. Je suis en plein accord avec M. Borloo pour affirmer que, lorsque dans un quartier il n'y a plus d'autre solution que des opérations vigoureuses de démolition et de reconstruction, cela libère aussi du foncier : on peut transformer une barre de 300 logements en 100 ou 110 logements individuels, parfois avec de petits jardins, mieux adaptés à la demande. Ces opérations sont très lourdes, mais utiles. Il ne faut toutefois pas les généraliser, et voir dans chaque barre une barre de trop : il y a des barres où l'on vit bien, notamment celles qui ont été réhabilitées.

Quant aux gardiens, je ne crois guère à une règle uniforme - j'allais dire « socialiste » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) mais je suis prêt à retirer ce qualificatif... (Sourires). Dans certains cas, il suffit d'un gardien pour 130 logements : ailleurs, il en faut un pour 50. Je crois davantage à l'adaptation du gardiennage à la situation, et aussi à l'amélioration du statut des gardiens. Ils inspirent le respect pour autant qu'ils sont perçus comme détenteurs d'une parcelle de la puissance publique : il leur faut un statut qui leur rende cette autorité. Le locataire qui agresse un gardien doit encourir une sanction plus sévère que s'il s'attaquait à un citoyen « ordinaire ».

Nous invitons les organismes HLM à se doter de plans de patrimoine, pour avoir une vision à long terme de l'évolution de leur parc et ne pas s'en tenir à une politique de replâtrage. Par ailleurs, avec nos partenaires du 1 %, nous avons prévu de diversifier l'offre de constructions nouvelles dans ces quartiers, où l'intervention de l'association foncière permettra, à moyen terme, de réaliser 7 000 logements par an, pour une plus grande mixité sociale.

Le numéro unique fonctionne, je crois, dans tous les départements et de façon satisfaisante. Il fournit des informations sur la demande, qui permettront de mieux orienter la programmation.

Pour ce qui est, enfin, de l'EPINORPA, je confirme les engagements du gouvernement précédent. A l'établissement, maintenant, de monter les dossiers (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et plusieurs bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Nous en avons terminé avec les questions.

M. Jean-Louis Dumont - Avant de passer au vote sur les crédits, je souhaite faire un rappel au Règlement. Le président de notre commission des finances, je le sais, manie l'article 40 avec discernement et diplomatie, et il est soucieux du droit d'expression des parlementaires. Reste que, sur l'article 37, trois amendements avaient été déposés, proposant des réductions de crédits - chacun comprend qu'il s'agissait d'amendements d'appel, pour ouvrir le débat et attirer l'attention du Gouvernement sur l'accession et ses modes de financement -, et qu'un seul viendra en discussion. J'en prends acte, Madame la Présidente ; je souhaite simplement que vous permettiez à plusieurs orateurs de s'exprimer sur cet amendement. D'autant que le ministre vient de répondre plutôt favorablement sur l'ANAH, montrant qu'il avait écouté l'ensemble des parlementaires. Je souhaite donc que le débat sur l'amendement puisse se dérouler de façon tout à fait démocratique.

Mme la Présidente - Le nombre d'orateurs qui peuvent s'exprimer sur un amendement est fixé par le Règlement, que vous connaissez comme moi.

ÉQUIPEMENT, TRANSPORTS, LOGEMENT, TOURISME ET MER

Les crédits inscrits aux titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ÉTAT C

TITRE V

Mme Odile Saugues - En présentant l'amendement 133, je souhaite plaider une dernière fois pour l'accession « très sociale » à la propriété. L'expérimentation lancée en 2002 avec le mouvement HLM nous semble réussie : huit cents dossiers ont été montés, dont deux cents en zone urbaine sensible, et cinq cents familles de condition modeste ont pu ainsi accéder à la propriété. L'expérience mérite d'être prolongée, et je souhaite que M. le ministre réexamine notre demande.

M. le Rapporteur spécial - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, je n'y suis pas favorable.

M. le Ministre - Le Gouvernement ne peut l'être non plus. Je comprends bien qu'il s'agit d'un amendement d'appel, mais il a le défaut rédhibitoire de réduire les crédits d'études, ce qui mettrait en péril les observatoires - dont vous êtes tous satisfaits. Ensuite, l'objectif du dispositif lui-même, soit mille logements, n'a été réalisé qu'à 38 %. Je vous félicite d'avoir tenté l'expérience, mais ses résultats ne sont pas de nature à justifier qu'on le pérennise. Je suis plutôt favorable à l'accession très sociale par le biais de la location-accession dans les HLM, qui me paraît pouvoir concerner non pas cinq cents ou mille logements, mais des dizaines de milliers, dont les locataires aujourd'hui n'espèrent même pas devenir propriétaires... C'est de cette façon que nous renforcerons la cohésion sociale dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Louis Dumont - Comme vous l'avez compris, cet amendement est en fait un appel au Gouvernement. Depuis plusieurs années, l'aide à la pierre diminue. Le prêt à taux zéro a donné d'excellents résultats, mais pour le maintenir dans des enveloppes budgétaires limitées, les critères d'attribution ont été resserrés, si bien que le nombre de prêts accordés est passé de 111 000 à 102 000 en deux ans, ce qui signifie qu'un certain nombre de candidats accédants ne bénéficient plus de cette aide.

Quelqu'un disait tout à l'heure : il n'y a pas assez d'argent ! Mais si ! Il reste beaucoup de moyens inutilisés ! Ainsi, on pourrait mobiliser mieux l'épargne logement. Certes, les banques, qui ne perdent pas de vue leurs intérêts, nous mettent en garde contre les risques que comporterait une réforme trop brutale de ce produit d'épargne, mais c'est une piste à explorer.

Une seconde piste consisterait à se servir du fonds de garantie de l'accession sociale, dont la masse financière, ainsi que l'a souligné le rapporteur général, est à la fois énorme et - heureusement, car cela prouve que les accédants sont solvables - sous-utilisée. Après avoir sécurisé les accédants, il faut aller plus loin en sécurisant les organismes.

De grâce, ne créer pas un nouveau « machin » dont le seul intérêt sera de permettre à quelques hauts fonctionnaires de changer de « job » ! (Sourires) Faites plutôt mieux, et à de meilleurs coûts avec l'argent disponible qui, actuellement, n'est pas utilisé. Cela fait six ans que nous le répétons, les PLATS sont un levier appréciable, et les expérimentations menées ont été un succès, si bien que cette année, contre l'avis de Bercy, nous avons réussi à faire inscrire 20 millions d'euros pour les zones urbaines et rurales sensibles, et que plus de 1 000 prêts, à ce jour, ont été accordés. Modifiez, si vous voulez, le nom de la formule, éventuellement les conditions d'accès, mais n'abandonnez pas l'accession très sociale à la propriété, car c'est un élément essentiel du lien social !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - En tant qu'ancien président d'un grand organisme de logement social de la région parisienne, je m'étonne que l'on remette en cause un dispositif sans lui avoir laissé le temps de faire ses preuves ? Le temps est un facteur déterminant, tous les bailleurs sociaux, tous les opérateurs du secteur le savent. Vous-même, pour les dispositifs que vous proposez, vous prévoyez - et vous avez raison - une évaluation après trois ou quatre ans. Pourquoi refusez-vous ce délai à un dispositif de votre prédécesseur ?

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. le Ministre - Nous ne raisonnons pas à la même échelle : vous vous satisfaisez d'un système qui a permis de financer 387 opérations en un an ; nous voulons, nous, en financer des dizaines et des dizaines de milliers par an, que la proportion de Français propriétaires de leur logement passe de 52 % aujourd'hui à 60 % ou 70 % en cinq ans, et que toutes les familles puissent réaliser ce rêve indépendamment de leur revenu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

L'amendement 133, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Ministre - Je vous remercie, Madame la Présidente, de la courtoisie avec laquelle vous avez su présider cette séance. Je remercie également les rapporteurs pour la qualité de leur travail, et l'ensemble des participants à la discussion pour la tournure élevée des échanges - ainsi qu'il est de coutume, je l'ai souvent observé, lorsqu'il s'agit du budget du logement, sur lequel la passion et la compétence de chacun trouvent à s'exprimer au-delà de tout esprit partisan ou polémique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer concernant le logement.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mardi 12 novembre 2002.

Page 26, rétablir comme suit le début du 5ème paragraphe :

« M. Jean-Marie Le Guen - Votre budget... (le reste sans changement) »


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