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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 24ème jour de séance, 63ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 14 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET
      SOLIDARITÉ, ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE 2

La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET SOLIDARITÉ, ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances pour le travail - Doit-on penser qu'en matière d'emploi, ainsi que le déclarait François Mitterrand, on a tout essayé ? Ce projet de budget démontre que non. Il réoriente en profondeur les dispositifs de soutien à l'emploi, en donnant la priorité au secteur marchand. Celui-ci bénéficiera de 66 % des dispositifs d'aide à l'emploi, contre 53 % en 2002.

Cette politique rénovée ne veut cependant pas négliger les aides au secteur non marchand, qui représentent donc 34 % du total. En effet, si une partie du chômage est directement liée au ralentissement économique ou à une inadéquation entre l'offre et la demande de travail, une autre relève de plus graves difficultés d'insertion professionnelle. Dans ces cas, la solidarité impose des moyens particuliers de traitement social, le processus de retour à l'emploi étant beaucoup plus long.

Ces mesures seront exclusivement réservées aux personnes les plus en difficulté. Le ministre n'exclut pas de procéder en cours d'année à des réajustements, en fonction de la conjoncture. On ne peut que saluer un tel pragmatisme : il ne s'agit pas là de programmer des équipements, mais des aides dans un secteur par définition fluctuant.

Ce budget est donc le signe d'une forte volonté politique, qui veut réaffirmer à la fois la valeur du travail et le rôle de la solidarité.

Les crédits du travail se montent à 15,719 milliards. Ils sont en baisse de 6,16 % par rapport à 2002. D'aucuns, persuadés qu'« un bon budget est un budget en hausse », ne retiendront que cette baisse. Je dois leur rappeler que le budget du travail ne retrace que très imparfaitement les efforts de la nation en faveur de l'emploi.

Ainsi, l'essentiel des dépenses liées aux allégements de charges sociales sur les salaires sont, depuis 2001, assurées par le FOREC. Pour l'année 2002, elles devraient s'élever à 15,56 milliards - et à 16,56 milliards pour 2003.

Il convient d'y ajouter le milliard consacré aux nouveaux allégements sur les bas salaires, que le Parlement est en voie d'adopter, la réduction de l'assiette de la taxe professionnelle, qui permettra de baisser de 1,9 milliard les prélèvements sur les entreprises, ainsi que l'augmentation de la prime pour l'emploi pour les salariés à temps partiel. Au total, les moyens mis en _uvre par l'Etat en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle augmentent en fait de 4 %.

Et je ne compte pas les mesures fiscales destinées à soutenir la création et le développement des entreprises, qui bénéficient indirectement à l'emploi. A titre d'exemple, les aides à la formation destinées aux PME, au commerce et à l'artisanat permettent de financer des stages pour les demandeurs d'emplois.

Le budget du travail ne permet donc pas de cerner avec exactitude les efforts faits en matière d'emploi. Je me félicite donc de l'engagement qu'a pris le Gouvernement de rebudgétiser, en 2004, les dépenses et les recettes du FOREC. C'est indispensable et pour la lisibilité de la politique de l'emploi et pour la cohérence de notre fiscalité. J'espère, Monsieur le ministre, que vous saurez, avec votre collègue délégué au budget, respecter cette échéance, même si je mesure la difficulté. La mise en _uvre de la LOLF ira dans le même sens.

L'analyse du budget doit s'inscrire dans la perspective de la réforme du RMI, dont la gestion doit être complètement assurée par les départements. Ces derniers sont prêts à remplir cette mission. Ils disposent de toutes les compétences requises en y ajoutant l'atout de la proximité.

Dans l'état actuel des choses, les conseils généraux ont l'obligation d'inscrire chaque année dans leur budget 20 % des crédits apportés par l'Etat pour le RMI. Mais comme ils ne maîtrisent pas l'ensemble des dispositifs, il arrive souvent que ces crédits ne soient pas consommés. Les préfets exigent cependant que la ligne soit à nouveau abondée l'année suivante, et menacent de sanctionner un manquement par la privation d'une partie des crédits du Fonds social européen !

Une autre perspective est la création des contrats d'insertion dans la vie sociale, qui permettront de satisfaire la forte demande émanant du secteur social ou humanitaire tout en aidant les jeunes qui ont des projets professionnels. Quel sera le calendrier de cette réforme ? La commission des finances vous rappelle qu'elle souhaite une action spécifique en direction des associations sportives, dans le cadre de la sortie du dispositif emplois-jeunes.

J'en viens à présent aux grandes évolutions des chapitres budgétaires. Je vous ferai grâce de l'analyse détaillée.

M. Gaëtan Gorce - C'est la misère !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Il fallait être là en commission, il n'y avait qu'un seul représentant du groupe socialiste !

M. Gaëtan Gorce - J'étais présent en commission !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Les dépenses en personnel sont marquées par la poursuite de la modernisation des carrières. Elles seront consacrées à des régularisations d'emplois précaires et à d'importantes mesures de transformation et de repyramidage d'emplois, avec pour but d'ouvrir de nouveaux débouchés internes et de créer des passerelles entre l'administration centrale et les services déconcentrés. La revalorisation indemnitaire sera poursuivie, notamment pour les agents de la catégorie C et les contractuels. En revanche, le ministère devrait supprimer soixante-quinze emplois de catégorie C, participant ainsi à l'effort national de réduction de la fonction publique.

Je note avec satisfaction l'augmentation de 6,4 % des crédits en informatique et en moyens de fonctionnement. Les crédits d'étude, qui sont en légère hausse, devraient permettre à la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques d'intensifier ses travaux, dont la qualité est reconnue.

Les crédits consacrés à la recherche sont, eux, en augmentation de 5,7 %. Cela me semble peu justifié si l'on considère l'importance des autres crédits du budget consacrés aux études.

Un véritable foisonnement de structures et d'organismes participent, à des degrés variables, à des travaux d'études, de recherche ou de réflexion. Il sera indispensable, dans un proche avenir, de les regrouper, éventuellement sous l'égide de la DARES. La nécessité d'innover en matière de politique de l'emploi ne doit pas exclure la rationalisation des crédits.

Entre juillet 2001 et avril 2002, l'ANPE a élaboré 3 627 800 programmes d'actions personnalisés. Elle a donc rempli son objectif quantitatif, ce qui constitue une véritable performance. Du point de vue qualitatif, il est trop tôt pour juger de l'efficacité des PAP en termes de retour à l'emploi et d'insertion durable. Il sera cependant nécessaire de disposer d'éléments d'appréciation pour le courant de 2003. Il faudra alors décider de l'avenir du dispositif, et je souhaite que la représentation nationale soit étroitement associée à cette réflexion.

Les propositions de formation de l'ANPE sont en forte progression. De juillet 2001 à avril 2002, elles ont augmenté de 32 %. Les aides prises en charge dans le cadre du financement des ASSEDIC, après une période de mise en place, sont elles aussi en progression. Les engagements atteignent, pour les quatre premiers mois de 2002, 76 % des crédits des ASSEDIC. En revanche, les aides à la mobilité géographique restent encore nettement sous-utilisées.

Pour 2003, la dotation de l'ANPE sera en augmentation de 1,3 %. Elle devrait permettre de poursuivre les actions du contrat de progrès entre l'Etat et l'Agence.

Parmi les dépenses d'intervention du ministère se trouvent les crédits consacrés au médiateur. Celui-ci, depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, a pour mission d'intervenir dans les entreprises à la demande de toute personne qui s'estime victime de harcèlement moral ou sexuel.

Or, les crédits destinés au remboursement du coût du médiateur pour les entreprises restent stables. Cela sera-t-il suffisant pour faire face à la montée en charge du dispositif ?

J'en viens à l'évolution de l'agrégat 3, consacré aux actions en faveur des publics prioritaires. C'est sans doute celui qui marque la plus forte rupture avec les politiques passées. La priorité est donnée à l'emploi des jeunes. L'augmentation du chômage, depuis avril 2001, a en effet particulièrement affecté les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Les contrats « jeunes en entreprise » sont entrés en application rétroactivement au 1er juillet 2002, avec pour ambition d'offrir aux jeunes peu qualifiés une insertion durable dans le secteur marchand. Pourrez-vous nous donner, Monsieur le ministre, quelques informations sur la montée en charge du dispositif ?

Le projet de budget 2003 lui consacre 200 millions d'euros correspondant à 74 000 contrats.

S'agissant de l'avenir des emplois-jeunes, je me félicite du dispositif donnant la faculté aux associations de différer une partie du versement de l'aide de l'Etat au-delà de la fin du programme emplois-jeunes et de constituer ainsi une « épargne » qui pourra leur être reversée durant les trois années suivantes. Dans ce cas, l'association bénéficiera d'une prime de 15 245 € répartie sur trois ans.

Pour les associations qui ne pourront être financièrement autonomes au terme du programme, des conventions pluriannuelles seront proposées, à la condition que les emplois créés correspondent à de nouveaux services d'intérêt général. Ces conventions, d'une durée de trois ans non renouvelable, apporteront aux associations une aide dégressive et modulable au cas par cas. Nous souhaiterions des précisions sur la nature et le montant de cette aide.

Au total, 2 781,33 millions d'euros sont consacrés au programme emplois-jeunes, dont une mesure nouvelle de 50 millions d'euros pour la pérennisation des emplois. Il s'agit de gérer la sortie d'un dispositif dont la précédente majorité avait fixé la date d'échéance, sans prendre les mesures indispensables.

Quant au programme TRACE, 14 000 jeunes en bénéficieront, contre 20 000 prévus en 2002, et les 410 postes de conseillers créés en 2002 seront pérennisés. En revanche, la bourse d'accès à l'emploi, mise en _uvre en 2002 à titre expérimental, ne sera pas reconduite : le contrat CIVIS aurait, en effet, vocation à répondre à ces besoins (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gaëtan Gorce - « Aurait » ? Au conditionnel ?

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Le ministre vous répondra.

Les contrats jeunes en entreprise devraient attirer une partie des anciens bénéficiaires de TRACE. Mais si des difficultés apparaissaient en cours d'exercice, peut-on envisager un assouplissement, notamment sur le niveau d'entrée ?

En ce qui concerne les contrats aidés en faveur des publics prioritaires, ce projet s'inscrit dans les nouvelles orientations de la politique de l'emploi, qui incluent l'harmonisation progressive des SMIC et de nouvelles règles d'allégement des charges sociales sur les bas salaires.

En conséquence, les contrats aidés seront recentrés vers les publics les plus en difficulté et les crédits passeront de 3,389 milliards d'euros à 2,270 milliards d'euros.

La baisse des crédits pour les entrées en contrat initiative emploi est due au fait qu'au 30 juin 2002, 26 792 contrats seulement avaient été conclus, alors que la loi de finances pour 2002 en prévoyait 90 000 pour l'année. Ce résultat médiocre peut être attribué au changement des règles et au ralentissement de la croissance.

Avec 279,5 millions d'euros, la dotation consacrée aux contrats emploi solidarité permettra la conclusion de 160 000 nouvelles conventions.

M. le Président - Vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - J'abrège !

La baisse de ces crédits s'explique par le choix politique d'encourager la création d'emplois dans le secteur marchand afin, comme le précise la réponse au questionnaire budgétaire, de « sortir d'une logique de gestion contracyclique des CES pour aller vers une logique de construction d'une offre individuelle de services adaptée aux besoins d'insertion ». Quelles dispositions concrètes allez-vous prendre pour appliquer ces nouvelles directives ?

S'agissant des contrats emplois consolidés, le projet propose de limiter à 30 000 les entrées dans le dispositif et de réduire à trois ans la durée maximale des CES. La dotation s'élèverait à 959 millions d'euros, soit une baisse de 40 millions.

Dans le secteur de l'insertion par l'activité économique, les taux de consommation des crédits sont particulièrement faibles, ce qui peut s'expliquer par les modalités de financement de ces structures. De plus, les conventions signées avec les entreprises d'insertion entraînent l'inscription de la totalité des crédits en loi de finances initiale, alors que les versements réels sont souvent inférieurs, selon le degré d'exécution de la convention et sa durée d'application.

Pour les stages d'insertion et de formation à l'emploi, le projet prévoit le financement de 80 000 SIFE collectifs et 25 000 individuels, soit 159,19 millions d'euros de crédits de fonctionnement et 166,15 millions d'euros de crédits de rémunération. Le nombre des SIFE individuels resterait ainsi stable, alors que celui des stages collectifs baisserait de 10 000.

Les crédits proposés pour soutenir les travailleurs handicapés sont en hausse et témoignent de la priorité donnée à l'insertion de ces personnes, qu'il s'agisse des places en atelier protégé ou en centre d'aide par le travail. Je m'interroge cependant sur le décalage entre le nombre d'entreprises concernées par l'obligation d'embauche et le produit de la taxe versée par celles qui ne la respectent pas.

Les crédits de l'agrégat 4, consacré à la promotion de l'emploi et à l'adaptation économique, sont en forte hausse, passant de 911 millions d'euros à 1,036 milliard d'euros en 2003, ce qui traduit la refonte du dispositif d'allégement des charges sociales patronales. Toutefois, cette hausse recouvre une évolution contrastée des différents chapitres. En ce qui concerne le dispositif d'exonérations dans les ZRR et les ZRU, je souligne que les allégements de charges liés aux 35 heures ont fait disparaître une partie des avantages spécifiques à ces zones ; il conviendrait de réfléchir à une nouvelle incitation.

Les crédits d'indemnisation du chômage à temps partiel s'élèvent à 30,5 millions d'euros, soit une progression de 45 %, afin de faire face à la dégradation de la conjoncture. Je rappelle à ce sujet l'attente des exploitants et des salariés des remontées mécaniques quant à une indemnisation par l'UNEDIC.

L'agrégat 5 est marqué par une forte baisse des crédits consacrés à la cessation anticipée d'activité et par la hausse des crédits correspondant à l'allocation équivalent retraite.

Je rappelle à ce sujet l'engagement pris au sommet de Stockholm, en mars 2001, d'augmenter le taux d'activité des 55-64 ans avec pour objectif de le porter, d'ici 2005, à 67 %, ce qui implique de réduire les dispositifs de préretraite.

Je terminerai en insistant sur nos attentes, concernant la mise en _uvre de la LOLF, et notamment la redéfinition des agrégats et des périmètres des programmes. On ne peut pas, par exemple, envisager qu'un programme regroupe tous les services centraux du ministère. J'invite à étudier l'expérience de déconcentration de crédits menée actuellement dans la région Centre.

En remerciant le président de son indulgence, je vous invite, chers collègues, à adopter ces crédits.

M. le Président - Vous avez parlé 27 minutes ! Si chacun fait la même chose, on va droit dans le décor ! Comment voulez-vous, ensuite, que je fasse respecter le temps de parole par M. Gremetz, par exemple ? (Sourires sur de nombreux bancs)

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - C'est le quatrième budget de l'Etat !

M. le Président - Certes, mais le débat est organisé !

Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour le travail - Ce budget est novateur et reflète bien les nouvelles orientations de la politique de l'emploi.

Premièrement, le Gouvernement s'est engagé à ce qu'un maximum d'efforts soit accompli pour réorienter les personnes sans emploi vers le secteur marchand. Ensuite, tout sera fait pour augmenter le taux d'emploi des jeunes, notamment les moins qualifiés. Troisième objectif, la baisse des charges sociales des entreprises sera poursuivie. Enfin, les dispositifs de préretraite progressive vont être resserrés, en responsabilisant davantage les entreprises.

Certains outils dont le Gouvernement entend se doter rapidement n'ont pu être intégrés dans ce budget - le CIVIS, en particulier, qui n'a pas encore été examiné par le Parlement. Cela explique pour partie que le budget de l'emploi pour 2003 semble diminuer. A structure constante, il baisse de 6,4 % par rapport à 2002 et se monte à 15,7 milliards d'euros. Mais, opérant un net changement de cap, il permettra de financer les mesures nécessaires, que le Gouvernement veut plus efficaces que par le passé.

La gestion de la politique de l'emploi est confortée et modernisée. Les dépenses d'administration générale progressent de 1,1 %. Cette hausse modérée permettra de mener à bien trois grands chantiers. Tout d'abord, le plan de régularisation des emplois précaires sera poursuivi au sein du ministère. En second lieu, la dynamisation des carrières sera accentuée. Une réforme du corps des contrôleurs du travail est en cours, visant à adapter leur statut à leurs nouvelles responsabilités qui se sont accrues ces dernières années. En troisième lieu, le fonctionnement du ministère sera amélioré.

La lutte contre le chômage bénéficie de moyens renforcés. La subvention de l'ANPE progresse de 1,7 %. Le budget de l'agence se décompose en 1 197 millions d'euros provenant du budget du ministère du travail et 500 millions d'euros provenant de l'UNEDIC. Il lui permettra de poursuivre dans de bonnes conditions la mise en _uvre du « programme d'action personnalisée pour un nouveau départ ». Le directeur général de l'ANPE nous a confirmé lors de son audition le rôle déterminant joué par les agences lors des entretiens initiaux avec les demandeurs d'emploi. Un PAPND a été proposé à tous les nouveaux inscrits depuis le 1er juillet 2001, date de mise en _uvre du dispositif, et il devait, à terme, être proposé à tous les demandeurs d'emploi. De janvier à juin 2002, 820 000 personnes ont trouvé à l'ANPE un appui individualisé sous forme d'ateliers ou d'évaluations et 260 000 ont bénéficié d'un accompagnement à l'emploi ou d'un accompagnement social. Par ailleurs, 500 000 personnes ont pu entamer une formation dans le cadre d'un programme d'action personnalisé, soit 50 % de plus que pour la même période de 2001. L'enjeu pour l'ANPE est à la fois quantitatif et qualitatif : elle a ainsi réussi à collecter 3 millions d'offres d'emplois alors qu'elle n'en collectait que 1,2 million au début des années 1990. 80 % des demandeurs d'emploi ayant bénéficié des services de l'agence s'en disent satisfaits. Des progrès restent cependant possibles. L'agence pourrait développer ses liens avec les missions locales, les Cap-emploi, compétents pour l'emploi des personnes handicapées, l'APEC, voire les collectivités locales qui s'investissent de plus en plus dans l'animation des bassins d'emploi.

Ce budget poursuit dans la voie d'une baisse des charges des entreprises. La dotation consacrée aux exonérations progresse de 19,4 % pour atteindre 873 millions d'euros contre 731 millions en 2002. Le FOREC prenant en charge la compensation aux organismes de sécurité sociale de l'ensemble des allégements à portée générale, seules les mesures ciblées d'exonérations figurent dans ce budget. Les exonérations de cotisations patronales dans les zones de revitalisation rurale, les zones de redynamisation urbaine, les zones franches et en Corse se montent à 242 millions d'euros. Les autre allégements prévus pour les DOM, la presse, les travailleurs indépendants se montent à 630 millions d'euros.

Le Gouvernement s'est engagé à remettre à plat tous les mécanismes qui se sont multipliés au fil du temps. Il convient de repenser les mesures ciblées afin d'en maximiser l'efficacité. Cet important travail devrait être mené à bien dans les mois à venir.

Ce budget permet aussi de lutter plus efficacement contre le chômage des jeunes qui a progressé de 12 % en un an. Il concerne plus particulièrement les 160 000 jeunes sans diplôme ou faiblement diplômés et les 60 000 qui n'ont aucune qualification. Par ailleurs, seuls 53 % des jeunes actifs du secteur privé bénéficient d'un contrat à durée indéterminée, contre 78 % de leurs aînés.

Partant de ce constat, le Gouvernement a souhaité agir de manière rapide et forte. Un nouveau type de contrat, dont l'objectif est de favoriser l'embauche de jeunes dans les entreprises du secteur concurrentiel, a été institué par la loi du 29 août 2002. Il vise les jeunes de 16 à 22 ans dont le niveau d'études est au plus celui du baccalauréat, sans qu'ils aient obtenu le diplôme.

Une dotation de 200 millions d'euros est prévue à cet effet en 2003. Cette aide, qui représente 2 700 € par an pour un salaire au SMIC, devrait concerner environ 300 000 jeunes en 2004-2005. Elle permettra aux jeunes peu qualifiés d'occuper très rapidement un emploi, sans passer par le chômage, et elle diminuera la précarité.

Les emplois-jeunes mobilisent encore le budget pour 2003, 2,7 milliards d'euros, bien que le Gouvernement ait décidé que plus aucun emploi de ce type ne serait créé dans les associations. La situation est différente pour les ministères de l'éducation nationale, l'intérieur et la justice. Les effectifs d'aides éducateurs ont vocation à décroître en 2003 et ceux de la police et de la justice devraient se stabiliser. Les formations et les préparations aux concours seront poursuivies pour permettre aux jeunes d'accomplir un parcours professionnel complet, sans que la seule perspective soit pour eux d'intégrer la fonction publique.

Enfin, ce budget recentre les dispositifs d'insertion vers les publics les plus en difficulté. Les crédits en faveur de ces derniers se montent à 6 378 millions de francs.

Comme l'a souligné un représentant de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère de l'emploi lors de son audition, le nombre des contrats de travail aidés, dans le secteur marchand et plus encore dans le secteur non marchand, n'a d'incidence qu'à court terme sur le nombre de demandeurs d'emploi. Les outils de traitement social du chômage ont certes leur utilité mais le Gouvernement estime qu'ils ne sauraient constituer la solution unique au problème du chômage. Il leur préfère des mesures réellement ciblées sur les personnes qui, sans ces outils, ne trouveraient pas du tout à s'employer. Cela est à la fois moins coûteux pour la collectivité et plus efficace. Ce sont en effet les jeunes les plus qualifiés, ceux qui auraient donc été les plus à même de trouver un emploi dans le secteur marchand selon les voies classiques, qui ont bénéficié des emplois-jeunes et même parfois, des contrats emploi-solidarité. Quelques chiffres.

M. le Président - Point trop de chiffres ! Il faut aller vers votre conclusion.

Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis - Les crédits affectés aux CES s'élèvent en 2003 à 279 millions d'euros pour 80 000 entrées prévues. 80 000 contrats supplémentaires devraient pouvoir être conclus grâce aux reports de crédits 2002. Plus que jamais, les CES devront être réservés à ceux qui peuvent en tirer un bénéfice réel en matière de resocialisation et d'accès à l'emploi. En outre, afin de responsabiliser davantage les employeurs, le taux de prise en charge par l'Etat est passé de 95 % à 85 % ou 65 % selon les cas depuis le 1er octobre 2002.

Les crédits affectés aux contrats emploi-solidarité diminuent également avec la création de seulement 30 000 CEC. Là encore, ne seront orientées vers les CEC que les personnes qui peuvent en tirer un réel bénéfice. Par ailleurs, la durée de ces contrats devrait être ramenée de cinq à trois ans, afin de responsabiliser les employeurs.

Les moyens prévus pour le programme TRACE en 2003 permettront de maintenir la capacité d'accueil dans le dispositif. Ainsi 14 000 jeunes seront pris en charge par les opérateurs externes. Les 410 postes de conseillers créés en 2002 dans les missions locales et les PAIO seront pérennisés.

M. le Président - Il faut conclure maintenant.

Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis - Ce budget opère une réorientation courageuse, qui vise à créer les conditions propices au développement de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gaëtan Gorce - C'est un budget indéfendable !

M. le Président - Je rappelle que les temps de parole ont été répartis entre les commissions et les groupes dans le cadre d'un débat organisé. Vous avez doublé, Madame, votre temps de parole.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances pour la formation professionnelle - La compétence devient le premier capital de notre pays, et pour l'entreprise, et pour l'individu. L'adaptation à l'emploi, l'accès aux qualifications et la professionnalisation sont autant d'éléments stratégiques déterminants pour conserver notre compétitivité et gagner de nouveaux marchés. Les entreprises françaises participent à l'effort de formation bien au-delà de leurs obligations ; à elles seules, en 2000, elles assument près de 43 % de la dépense totale de la nation qui s'élevait à 21 milliards d'euros. Elles doivent être aidées par une politique audacieuse et volontariste.

C'est ce que fait ce projet de budget, dont les crédits sont stables par rapport à 2002 ; il s'articule autour de quatre grands axes : soutien massif à la formation en alternance, plus grande cohérence dans la gestion de l'apprentissage grâce au renforcement de la compétence régionale, renforcement du dispositif de validation des acquis de l'expérience, subventions aux publics les plus fragiles avec l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

La formation en alternance constitue le fer de lance de l'action gouvernementale en faveur de l'emploi des jeunes. 375 000 contrats seront ouverts en 2003, soit 7 % de plus qu'en 2002.

En ce qui concerne l'apprentissage, 1 176 millions d'euros financeront 240 000 entrées cette année contre 225 000 en 2002. 411 millions d'euros financeront 130 000 contrats de qualification
- 10 000 de plus que l'an dernier. Nous ne pouvons que nous réjouir de cet effort. Les jeunes demandent à avoir de plus en plus de contacts avec le monde marchand avant leur entrée définitive sur le marché du travail, ce qui est une bonne chose.

Il convient néanmoins d'évoquer la suppression, à partir du 1er janvier 2004, des taxes parafiscales qui financent les centres de formation d'apprentis des secteurs du BTP, de l'automobile et des transports. Aucune solution de remplacement n'a été proposée. Certes, nous avons hérité ce dossier du précédent gouvernement, mais je souhaiterais savoir, Monsieur le ministre, quelles sont nos propositions en la matière.

S'il ne se posait, depuis plusieurs mois, un problème lié à l'interprétation d'une circulaire, les contrats de qualification pourraient être bien plus nombreux. L'application de cette circulaire, beaucoup trop stricte, exclut en effet les titulaires de baccalauréats professionnels.

Le renforcement de la compétence régionale est nécessaire pour améliorer le mode de gestion de la formation en alternance et l'adapter aux réalités du marché. A compter du 1er janvier 2003, la prise en charge de l'indemnité compensatrice versée aux employeurs sera donc décentralisée. Les régions pourront cibler leur soutien à l'apprentissage par le financement des CFA et, donc, le versement des aides aux employeurs.

La prépondérance du diplôme s'est longtemps traduite par l'exclusion de tout autre mode de reconnaissance. Axe majeur de la réforme de la formation professionnelle, la validation des acquis de l'expérience constituera un premier pas dans la reconnaissance du savoir-faire. En permettant aux salariés d'acquérir de nouvelles qualifications, ce dispositif s'inscrit dans une logique de valorisation de l'individu. Les crédits affectés, cette année, augmentent fortement.

Soutenir et valoriser la formation implique d'agir en faveur des stagiaires et des personnes les plus fragiles. Le Gouvernement consacre près de 35 millions d'euros à la revalorisation des barèmes de rémunérations des stagiaires et à la progression des dépenses de rémunération, afin de financer l'allocation de fin de formation. L'AFPA est par ailleurs confortée dans sa mission, avec un budget en hausse qui atteint 0,7 milliard d'euros.

Le Gouvernement tient à promouvoir la formation tout au long de la vie, et à travers ses orientations budgétaires, et en incitant les partenaires sociaux à reprendre des négociations. Toutefois, une redéfinition stratégique des politiques de formation professionnelle s'impose. La formation professionnelle est en effet d'une grande complexité jusque dans le budget de l'Etat dont l'éparpillement des crédits nuit à son évaluation.

Le marché de la formation est atomisé puisqu'en 2000, 70 000 organismes de formation ont été recensés, dont 46 000 seulement ont déclaré avoir une activité effective - et moins de 10 % ont fait un chiffre d'affaires supérieur à 150 000 €. La professionnalisation, devrait permettre une remise en ordre de ce marché, mais d'énormes progrès restent à faire si l'on veut que les plus petites entreprises y aient facilement accès. Ce système est déresponsabilisant - dix-huit financements différents peuvent être apportés pour une même formation !

Au fil des ans, les dispositifs se sont ajoutés les uns aux autres sans véritable vision d'ensemble. Des redéploiements stratégiques sont nécessaires afin d'anticiper les besoins du pays et d'adapter les dispositifs de formation aux enjeux de demain. Tout système qui ne respecterait pas le mérite, la compétence et l'expérience est voué à l'échec.

La France est de moins en moins compétitive. La chute est même spectaculaire puisque dans la dernière enquête du forum de Davos, parue hier, nous sommes passés du 20ème au 30ème rang mondial. L'heure n'est donc plus aux projections ou aux conflits idéologiques. Pour gagner la bataille de la mondialisation, il est indispensable que nous changions de culture dirigeante et sortions du mythe du savoir initial.

Il faut définir plus clairement le rôle de l'Etat, des régions et des partenaires sociaux. La coordination des acteurs est encore insuffisante à la charnière du système scolaire et de la vie professionnelle. Les considérations du monde marchand ne sont pas assez prises en compte, la présentation de l'entreprise en milieu scolaire est le plus souvent dévalorisante. Les responsables issus du système éducatif ont en effet tendance à valoriser la formation initiale, et le schéma académique est omniprésent.

La formation professionnelle doit favoriser l'emploi et non servir à abaisser artificiellement le chômage, le temps d'un stage.

Seule la réinsertion par le travail permet de garantir aux publics en difficulté une amélioration durable de leur situation.

Mme Catherine Génisson - Tout le monde est d'accord là-dessus !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Plusieurs points doivent faire l'objet d'une véritable révolution culturelle. Dans de nombreux secteurs - bâtiment, commerce de proximité - les entreprises éprouvent de vives difficultés à recruter des jeunes qualifiés.

Or, la France cumule la durée de scolarité la plus longue avec un taux de chômage des jeunes parmi les plus élevés. Nous devons donc rééquilibrer l'écart culturel entre cursus classique et formation professionnelle.

M. le Président - Il faut conclure.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Je termine.

Sortons d'une logique de « publics ciblés » pour développer des stratégies sectorielles ! La France doit concentrer ses efforts sur des pôles d'excellence clairement identifiés - luxe, services, agro-alimentaire, mécanique, aéronautique, chimie. Le renforcement de l'effort de formation en faveur du middle management est une nécessité afin de faire face aux évolutions économiques et démographiques.

Enfin, la politique de formation professionnelle doit pouvoir reposer sur une part d'expérimentation.

Pour conclure, la formation professionnelle est absolument stratégique pour faire face à un environnement toujours plus compétitif et sortir enfin de la culture de l'échec administré. Valorisons nos atouts, reconnaissons l'expérience professionnelle, encourageons la compétence et l'innovation dans l'entreprise ! Pour aller dans ce sens je vous invite, avec la commission des finances, à adopter les crédits de la formation professionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la formation professionnelle - Ce gouvernement était très attendu sur le terrain de la formation professionnelle, et tout d'abord pour servir la lutte contre le chômage. Puisque vous renoncez, en effet, à de nombreux outils de la politique de l'emploi - réduction du temps de travail, emplois-jeunes, contrats aidés - il était tentant de supposer que vous aviez une stratégie de rechange, et que la formation serait un axe majeur de votre politique. C'est en effet un moyen de renforcer les performances des entreprises, mais c'est aussi pour les Français un rempart contre le chômage ou la voie du retour à l'emploi.

Mais de cela, dans la loi de finances, nulle trace... Votre gouvernement tient un discours sur la compétitivité, d'ailleurs plus critique que mobilisateur ; et il a plus de leçons à donner que d'idées nouvelles - le professeur, pardon, le Premier ministre Raffarin prend son inspiration à Davos - puisque votre seule réponse, au fond, c'est la baisse des cotisations patronales. Je veux donc réaffirmer ici que la formation des salariés, leur qualification, leur compétence, l'actualisation des métiers et des savoirs sont un élément majeur de la compétitivité du pays. On ne peut prétendre durablement lutter contre le chômage sans une relance vigoureuse de la formation.

M. Jean Ueberschlag - Vous découvrez cela maintenant !

M. Christian Paul, rapporteur pour avis - Depuis juin dernier, vous avez pourtant passé plus de temps à déréglementer le travail qu'à réformer la formation avec les partenaires sociaux. Le sentiment s'installe dans le pays que, par une sorte d'« externalisation », vous déléguez la politique de l'emploi aux seules entreprises.

Si la formation doit recevoir une place plus grande, c'est aussi pour servir l'égalité sociale et professionnelle. Chacun peut bien sûr donner un contenu différent à la promesse d'égalité de la République. Mais ce dont la France a le plus besoin, c'est d'un système de formation luttant pour tous contre les passages prolongés par le chômage. Or, le système créé en 1971 s'est essoufflé, et les salariés les plus vulnérables, en particulier dans les petites entreprises, sont ceux qui accèdent le plus difficilement à la formation professionnelle. Ce dont nous avons également besoin, c'est de dispositifs ouverts, accessibles et performants pour ceux que le chômage vient de frapper. Bref, c'est d'un nouveau droit à la formation professionnelle pour tous.

Je ne peux, Monsieur le ministre, vous imputer la situation que nous observons, à laquelle plusieurs gouvernements précédents ont d'ailleurs voulu apporter des réponses. Mais mon devoir est de souligner que rien dans votre budget ne tend à y porter remède et de vous interroger sur les intentions du Gouvernement.

Malgré des délais très courts pour auditionner les partenaires sociaux, et grâce au concours actif des services de la commission, je suis en mesure de donner à l'Assemblée un éclairage sur plusieurs aspects discutables de ce budget, en quelque sorte sur sa part d'ombre. Je crains en effet que les choix du Gouvernement et ses orientations budgétaires conduisent à remettre en cause les programmes destinés à l'insertion du public le plus éloigné de l'emploi. Sous le nom pudique de « réorientation », il s'agit d'un désengagement de l'Etat, avec de nouveaux transferts de compétences aux régions qui pourraient, si l'on n'y prend garde, permettre des atteintes au droit à la formation et aux garanties collectives.

Tous aussi grave, votre politique de l'emploi, s'il y en a une, ne va pas dans le sens d'une meilleure formation des salariés. Chacun a noté, avec une exaspération croissante, votre souci de privilégier l'accès rapide plutôt que l'accès durable à l'emploi. Les contrats-jeunes, qui permettent l'embauche rapide de jeunes peu qualifiés, produiront des effets de substitution aux dispositifs aidés d'insertion du public prioritaire pour l'apprentissage, les contrats de qualification et même les contrats en alternance. Ces contrats jeunes ne comportent pour l'entreprise aucune obligation de formation : le jeune salarié aura bien du mal à user de son droit à la formation, qui restera un vain mot, en particulier dans les petites entreprises.

Le Gouvernement remet d'autre part en cause les 35 heures. La formation sera le premier droit du salarié à pâtir du relèvement du contingent d'heures supplémentaires et de la fin de la logique de cofinancement par la conditionnalité de la baisse des charges. Quant à l'insertion du public prioritaire par l'apprentissage et les contrats de qualification, CES et CEC, vos choix sont clairs et nous les contestons. Ainsi, quand 300 000 CES ont été réalisés en 2002, vous n'en prévoyez que 80 000 pour 2003 et 80 000 autres dans le collectif. C'est faire fi des 20 000 contrats par mois annoncés par le ministre, soit 240 000 au total, qui exigeraient d'ailleurs un financement supérieur de 700 millions d'euros à celui qui est prévu.

Une grande incertitude pèse sur la répartition des crédits consacrés à la validation des acquis de l'expérience et les modalités de certification. Les moyens de la validation ne suffiront même pas à compenser les frais de jury. D'autre part, comment répondrez-vous au besoin d'établir un répertoire de la certification qui permette une comparaison objective des différentes formations pour établir des équivalences sur l'ensemble du territoire français, mais aussi en Europe, et réorganiser le marché de la formation ?

Pour ces raisons, la baisse globale du budget du travail est choquante et la part de la formation, largement insuffisante, n'est à la hauteur ni des enjeux de la conjoncture, ni des besoins structurels.

Sans pouvoir être exhaustif, je note quelques orientations qui en disent long. Dans un budget du ministère du travail en baisse de plus de 5,7 %, la formation professionnelle stagne, comme le précédent rapporteur l'a reconnu du bout des lèvres. Mais les moyens de l'insertion du public en difficulté diminuent d'un milliard d'euros. Le Gouvernement sacrifie donc cette priorité.

D'autre part, il est curieux que les dotations budgétaires décentralisées diminuent alors même qu'on s'apprête à de nouveaux transferts de compétences aux régions en matière de formation professionnelle. Sur ce point, à quelques jours du grand débat sur la décentralisation, les erreurs de calendrier, de méthode et d'évaluation sont flagrantes. Problème de calendrier : on a déjà entamé la décentralisation, mais le dialogue social est à peine relancé. Problème de méthode : on décentralise sans consulter les partenaires sociaux sur la formation professionnelle ; j'ai pu les auditionner, mais j'étais un peu seul... Problème d'évaluation, enfin, qui fait cruellement défaut, y compris sur le plan budgétaire. On constate notamment dans ce budget que le montant prévu pour le transfert des primes pour l'apprentissage est de 46 millions d'euros, alors qu'on en supprime 69 au budget de l'Etat... Où a disparu le tiers qui manque ? On peut craindre que le Gouvernement ait retardé des dépenses en 2002 pour financer ainsi des dépenses de 2003. Le problème est que c'est ce montant qui servira à évaluer les besoins futurs des régions !

Vous prévoyez d'autre part une hausse de 10 % des contrats de qualification et d'apprentissage par rapport à l'exécution du budget 2002. Il est inconséquent d'annoncer des « progrès considérables » pour l'apprentissage quand on se contente de reproduire les prévisions du précédent budget.

Enfin, dans le cadre des nouvelles lois de décentralisation, les régions auront-elles la compétence de plein exercice en matière de formation professionnelle ? Plusieurs régions le revendiquent. Mais les régions n'ont pas toutes le même budget, et n'offrent pas toutes les mêmes garanties aux salariés. Un salarié travaillant à la lisière de la Bourgogne, mais demeurant en région Centre, devra-t-il suivre sa formation dans sa région de résidence ou de vie professionnelle ? Sur quels critères qualitatifs, avec quels outils d'évaluation et quels moyens budgétaires les régions pourront-elles assumer la commande publique de service de formation ?

M. le Président - Il serait temps de terminer.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis - Auront-elles, au-delà de la simple expérimentation, des compétences normatives ? Comment assurer l'équivalence de la formation entre différentes régions, et entre la France et l'Europe ? A une semaine de ce débat, je vous demande solennellement, au nom du groupe socialiste, de nous donner le point de vue du Gouvernement sur la décentralisation de la formation professionnelle. Je dois souligner la faiblesse de l'approche et le traitement inégalitaire du dossier. Or, nous parlons de politique publique. Les services de l'AFPA, par exemple, seront-ils régionalisés ? On peut certes penser que l'échelon régional est le plus pertinent. Mais beaucoup de présidents de régions, y compris de votre majorité, tiennent pour une mascarade cette décentralisation qui s'annonce sans vrai transfert de ressources.

M. le Président - Concluez...

M. Christian Paul, rapporteur pour avis - Je conclue. La commission, peut-être captive, a donné un avis favorable à l'adoption de ce budget. Vous aurez compris que mes conclusions allaient dans le sens opposé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Décidément, tout le monde dépasse son temps de parole. Mais je fais confiance à Mme Montchamp pour donner enfin le bon exemple.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale de la commission des finances pour la solidarité - Nul ne s'étonnera que j'invite l'Assemblée à suivre la commission des finances dans son vote favorable aux crédits de la solidarité, qui traduisent l'effort de l'Etat en faveur de ceux qui en ont le plus besoin.

Les quelques remarques que je souhaite faire en préambule témoignent tout simplement d'une volonté de voter avec discernement, c'est-à-dire de comprendre la cohérence des politiques publiques que nous avons pour mission de contrôler et d'évaluer.

Monsieur le ministre, je dois vous faire part de la perplexité qui a été la mienne à la lecture des documents budgétaires. J'y ai vu le souci de traduire aussi exactement que possible, en termes de crédits, les périmètres des nouveaux ministères ; mais traduire c'est trahir, et je crains que le calendrier très resserré de cet été ne vous ait empêché de vous inspirer de l'esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Ainsi, le volet complémentaire de la couverture maladie universelle, qui relevait depuis sa création de la politique de lutte contre l'exclusion, dépend désormais de votre collègue de la santé, alors qu'au sein du même chapitre budgétaire, l'aide médicale demeure de votre compétence ; les crédits de tutelle et de curatelle d'Etat, qui ressortissent manifestement aux politiques de développement social, sont désormais rattachés à la composante « famille et enfance » au sein du pôle « santé » ; enfin, les crédits d'aide sociale demeurent au sein du pôle « solidarité » bien qu'ils concernent tout à la fois personnes handicapées, personnes âgées et enfance.

En outre, il me faut déplorer le très faible taux de réponses ministérielles parvenues dans les délais prévus par la loi organique. La commission des finances a d'ailleurs adopté une observation à ce sujet. Que l'on me comprenne bien : il ne s'agit pas de jouer ici au « gendarme de la loi organique », pas davantage de vous inciter à récupérer je ne sais quels crédits perdus, mais seulement de contribuer, là où nous sommes, à la réussite de la modernisation de notre Etat.

S'efforcer de raisonner en termes de politiques publiques et non de structures ministérielles ou administratives serait un premier pas.

Déjà, j'ai plaisir à constater, dans les crédits de la solidarité pour 2003, les signes tangibles d'un volontarisme qui tranche avec le « suivisme » traditionnel. Nous nous acheminons vers des dépenses sociales moins subies que voulues.

Ce budget fait apparaître, tout d'abord, le souci d'insérer plutôt que d'assister. Avec 78,3 % de l'agrégat « intégration et lutte contre les exclusions », les crédits consacrés au revenu minimum d'insertion en métropole et outre-mer, soit 4,46 milliards d'euros, absorbent la plus grande part des marges de man_uvre disponibles. Cependant, le nombre de bénéficiaires du RMI, qui avait baissé de 4,3 % en 2000 et de 2,1 % en 2001, devrait décroître de 4,27 % en 2003, ce qui doit permettre 150 millions d'euros d'économies. Nous attendons avec beaucoup d'espoir la mise en place du « revenu minimum d'activité », tout particulièrement dans les services des départements censés réaliser l'insertion des allocataires : les crédits d'insertion des départements, qui s'élèveront à environ 750 millions d'euros en 2003, connaissent des taux de consommation très variables, et chacun reconnaît la nécessité d'une réforme ; merci de l'annoncer enfin.

Assumer, et non pas « laisser filer » : telle est la deuxième caractéristique de ce budget. Cette attitude a été adoptée dès la loi de finances rectificative du 6 août 2002, qui a ouvert 1,19 milliard d'euros pour solder les dettes de la gestion passée, laquelle avait pourtant bénéficié d'une conjoncture économique plus que favorable : 700 millions d'euros au titre du RMI, et 445 millions d'euros au titre de l'aide médicale. Sur ce dernier point, la dotation demandée pour 2003 comprend en outre une mesure d'ajustement de 172,5 millions d'euros, soit un quasi-quadruplement de la dotation initiale pour 2002, preuve que la sincérité est à l'ordre du jour.

Assumer, c'est aussi faire face à la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui grève les finances des départements.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Ô combien !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale - Le secrétaire d'Etat aux personnes âgées a récemment donné des assurances quant au maintien de cette prestation, pour un coût prévisionnel de 2,51 milliards d'euros cette année ; mais il a aussi mentionné les insuffisances prévisibles dès 2003, à savoir 1,2 milliard d'euros et 40 à 46 000 emplois à pourvoir. Nous en arrivons aujourd'hui, pour cette prestation comme pour d'autres, à un tragique paradoxe : le seul levier de contrôle réside dans l'impossibilité pour les services sociaux de faire face à l'afflux des demandes. Vous n'êtes pas responsables de cet état de fait, mais il vous incombe de l'assumer, et de préparer une éventuelle adaptation du dispositif. Nous serions heureux de connaître l'état des réflexions du Gouvernement à ce sujet.

La bonne mise en _uvre de l'APA repose aussi, pour une large part, sur la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, et sur le déploiement des centres locaux d'information et de coordination. Celui-ci sera repris en 2003, après le ralentissement intervenu en 2002 ; près de 23 millions d'euros y seront consacrés. Enfin, il faut se féliciter de la fin du blocage qui touchait, en 2001 et 2002, les opérations d'investissement pour la transformation des établissements effectuées dans le cadre des contrats de plan Etat-région.

Assumer, c'est également le choix qui a été fait à l'égard des populations en situation de précarité avec des crédits en hausse de 6,8 %. 42 millions d'euros de mesures nouvelles seront consacrés au renforcement du dispositif national d'accueil pour les demandeurs d'asile et les réfugiés. Sont également prévus 13 millions d'euros supplémentaires à l'échelon déconcentré, notamment pour la création de « pensions de famille » et l'accueil d'enfants en errance.

Au-delà de cet accueil d'urgence, les actions d'intégration et de lutte contre les discriminations seront poursuivies, et le « véritable service public de l'accueil », que préconisait dans son dernier rapport le Haut conseil à l'intégration va pouvoir être mis en place progressivement grâce à l'instauration, dans ce projet de loi de finances, d'une taxe au profit de l'office des migrations internationales.

Quant aux droits des femmes, qui reçoivent désormais toute l'attention qu'ils méritent grâce à l'installation d'un ministère spécifique, ils seront défendus à travers diverses actions d'information et de mise en _uvre des avancées législatives récentes, pour 18 millions d'euros, soit une hausse de près de 3 %.

Assumer, enfin, c'est remplir notre devoir de solidarité vis-à-vis des rapatriés. Je regrette de n'avoir pu obtenir à temps les informations que je demandais, concernant notamment le « plan harkis », arrivant à échéance à la fin de l'année ; mais j'ai appris que le Gouvernement s'apprêtait à demander très prochainement, dans le cadre du collectif, la poursuite de l'effort entrepris, et je m'en réjouis.

Troisième caractéristique de ce budget : vous souhaitez rationaliser la gestion des politiques de solidarité, plutôt que démobiliser les gestionnaires à force de laisser dériver les dépenses. Sagement, vous commencez par appliquer ces principes à votre propre administration. Avec 100 agents de moins - sur un total de plus de 15 000 - mais avec des effectifs en hausse au sein des agences de sécurité sanitaire, et surtout moins d'emplois précaires et de meilleures perspectives de carrière, vous allez démontrer qu'une meilleure gestion du social est possible. Et vous vous en donnez les moyens, avec la hausse des crédits de formation et la mise à niveau des équipements informatiques lourds - crédits en progression de 10 %. Surtout, la couverture des frais de fonctionnement courant sera permise par une augmentation des crédits de près de 14 % : jusqu'ici, les dotations initiales ne permettaient pas de faire face aux hausses de loyer et aux mesures de sécurité dans les bâtiments. Bien que plus modestes, les crédits d'études sont en hausse de 10,5 % et je souhaiterais un véritable travail d'évaluation des politiques sociales, auquel le Parlement peut apporter son concours.

La rationalisation emporte aussi certains choix politiques : la suppression du secrétariat d'Etat à l'économie solidaire entraîne logiquement une diminution de crédits, même si la dotation prévue pour les actions d'ampleur nationale est reconduite.

En résumé, à structure 2003, les crédits du pôle « solidarité » progresseront de 4,49 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002 ; ils s'inscriront en baisse de 11,39 % par rapport à la loi de finances rectificative, qui a rétabli la sincérité des comptes. Sur un total de 7,068 milliards d'euros, les crédits en faveur du développement social, y compris les dépenses en faveur des personnes âgées, s'élèveront à 310 millions d'euros, soit une hausse de 0,3 % ; les actions d'intégration et de lutte contre les exclusions représenteront 5,75 milliards d'euros, soit une hausse de 5 % ; les moyens consacrés à la gestion des politiques de santé et de solidarité se monteront à 1,010 milliard d'euros, dont 75 % de rémunérations et pensions.

La commission des finances a adopté ces crédits, et je vous demande, mes chers collègues, de faire de même. Monsieur le ministre, vous portez l'ambition de toute une législature. Bon courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Je vous remercie de cette intervention claire, dans le strict respect du temps qui vous était accordé. C'est parfait !

Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville - La commission des affaires culturelles a été appelée pour la première fois à se prononcer simultanément sur les crédits de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la politique de la ville. Cette dernière a fait l'objet d'une discussion en octobre, et je n'y reviendrai pas. J'axerai mon intervention sur la question qui est au c_ur de la problématique de l'exclusion : le RMI.

Ce premier projet de loi de finances de la nouvelle majorité est marqué à la fois par la préservation des crédits concourant directement à la politique de la ville et à la lutte contre l'exclusion et par une rupture avec la logique de reconduction systématique des actions entreprises.

Les crédits dédiés à l'intégration et à la lutte contre l'exclusion sont en augmentation de 5 %. Les économies nombreuses qui sont par ailleurs réalisées ne fragilisent en aucune manière cette politique. La plus marquante d'entre elles résulte de la baisse du nombre d'allocataires du RMI.

Les efforts concernent tous les postes de la lutte contre l'exclusion. Je citerai seulement la consolidation de 3000 places et la création de 1 718 autres en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, une mesure nouvelle de 8,1 millions pour la prise en charge des déboutés du droit d'asile - ce qui montre l'intérêt du Gouvernement pour ces questions -, la progression des moyens de l'aide médicale, le programme de création de structures pour les enfants des rues ou la création de 500 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale.

J'en viens au problème spécifique du RMI, et la réflexion dont je voudrais vous faire part est le résultat de mon expérience d'élue locale, des auditions auxquelles j'ai procédé pour ce rapport et des rencontres que j'ai pu faire durant la campagne présidentielle.

Le RMI a treize ans. Il constitue une avancée sociale majeure, qui assure un minimum vital à ceux qui vivent dans l'exclusion. Toutefois, son succès dénote l'aggravation de la pauvreté et l'échec du dispositif de l'insertion. Créé par la loi du 19 décembre 1988, il part de l'idée d'un droit pour tous à un revenu minimum et s'assortit d'un engagement de la part du bénéficiaire à _uvrer à sa propre réinsertion. Il ne s'agit donc pas d'une allocation à caractère universel, mais d'une prestation versée sous condition.

Le succès du RMI a démontré qu'il répondait à un besoin social évident. Le nombre des allocataires a été toujours croissant jusqu'en 2000, et il commence à remonter aujourd'hui.

M. Maxime Gremetz - C'est vrai !

Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis - Le recul du chômage entre 1997 et 2000 n'a pas réduit l'exclusion. Au contraire, les titulaires du RMI sont de plus en plus marginalisés. On peut se demander si cette prestation n'a pas paradoxalement constitué un piège à pauvreté, en poussant ses bénéficiaires à l'inactivité. C'est en tout cas le sentiment d'une partie de l'opinion française, confirmé par des études économiques.

Mme Muguette Jacquaint - Il y a des gens qui travaillent et qui sont pauvres !

Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis - En revanche, tout le monde s'accorde sur un point : l'échec du « I » du RMI, c'est-à-dire de l'insertion. L'esprit de la loi de 1988 a été détourné et cette dimension est nettement insuffisante, voire absente du dispositif. L'ensemble des personnes auditionnées et nombre de rapports le confirment, en particulier celui de la Cour des comptes.

Le RMI est-il un handicap pour retourner à l'activité ? Une chose est sûre, c'est que l'idée reçue selon laquelle les allocataires préféreraient se contenter du RMI plutôt que d'aller travailler n'est aucunement fondée (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Gaëtan Gorce - Dites-le à vos amis politiques !

Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis - L'engagement des titulaires du RMI dans la recherche d'emploi montre le contraire, et il faut se garder de toute stigmatisation (Approbations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains.)

En revanche, des facteurs objectifs défavorisent le retour à l'emploi. Le premier est que l'emploi proposé, souvent précaire et à temps partiel, contraste avec la certitude de recevoir le RMI. En outre, durant la période qui sépare la fin du contrat de travail et l'attribution du RMI, le foyer n'a plus aucun revenu, ce qui, dans des cas aussi graves, a des conséquences dramatiques. Le second est que le différentiel entre le RMI et l'activité proposée - souvent à temps partiel - est faible, voire nul. Il ne compense pas la diminution progressive de l'aide au logement et l'imposition des aides sociales.

Des mesures ont cependant été prises pour rendre l'emploi plus rémunérateur, telles que le cumul du RMI avec une activité à temps partiel, la suppression de certains effets de seuil ou l'exonération de la taxe d'habitation. Comment faire mieux ? Telle est la question qu'il faut se poser.

Le RMI, avancée sociale irremplaçable, est orienté en principe vers le retour à l'emploi. Or, il concerne des bénéficiaires de moins en moins aptes à être employés. Commençons donc par en finir avec cette hypocrisie du « I » et admettons qu'il existe des gens qui, pour des raisons diverses, ne pourront jamais retrouver du travail. Privilégions ensuite les mesures incitatives au retour à l'emploi, et enfin redonnons espoir à chacun de devenir propriétaire de son logement.

Le RMI concerne aujourd'hui deux types de population : celle qui pourra retrouver du travail à plus ou moins brève échéance et celle pour laquelle c'est presque impossible. Je propose de créer, pour cette population en très grande difficulté, un revenu minimum d'existence, fondé sur la solidarité nationale, accordé à toute personne résidant en France de façon régulière, et égal au niveau actuel du RMI. Ce droit s'assortirait du devoir d'accepter un accompagnement personnalisé pour toutes les démarches, concernant par exemple l'aide au logement, l'accès aux soins ou les aides administratives.

Parallèlement serait créé un revenu minimum d'activité, deuxième marche vers l'insertion, qui serait calqué sur le RMI et indexé sur les prix de façon à creuser progressivement l'écart avec le RME, et qui s'accompagnerait d'un devoir d'insertion par l'activité. Les titulaires bénéficieraient de l'ensemble des droits sociaux actuellement rattachés au RMI, et de nouveaux dispositifs inciteraient au retour à l'emploi. Aussi, un système d'intéressement pourrait être mis en _uvre ; une simulation serait également présentée aux allocataires, couvrant l'ensemble de leur situation et mettant en évidence le gain financier qu'ils trouveraient à exercer une activité.

La stricte limitation de l'évolution du RMA sur celle des prix aurait l'avantage de creuser le différentiel avec le SMIC, que vous avez proposé de revaloriser.

Pour améliorer le retour à l'emploi, il faudrait créer des aides à l'embauche de titulaires du RMA pour les entreprises, avec une réduction des charges patronales, et donner des moyens accrus à tous les acteurs de l'insertion. Il est très important de prendre conscience de ce qui est accompli par les travailleurs sociaux, qui ne jouissent que de peu de reconnaissance sociale et qui pourtant, par leur dévouement, assurent la paix dans notre pays. Il y a tout un travail de revalorisation à effectuer.

Je propose aussi que la gestion de ces différents revenus soit confiée aux départements, ou plutôt au niveau cantonal, qui permet un bon équilibre entre le souci de proximité et celui d'éviter le clientélisme.

Enfin je propose de redonner une espérance à tous, ce qui veut dire d'abord un logement, car sans logement, on ne peut avoir d'espérance (« Très bien ! » sur de nombreux bancs). Le logement pour tous devrait être une cause nationale !

Parmi les multiples propositions des organismes de logements sociaux, l'une mérite une attention particulière : celle de permettre l'accès de tous à la propriété, quel que soit leur niveau de ressources, en créant une nouvelle forme de SCI, dont chaque locataire acquerrait des parts en s'acquittant de son loyer mensuel. Ce serait un facteur d'intégration à la société.

Voilà l'état de mes réflexions face à ce problème de la pauvreté dans notre pays, problème que nous devons prendre à bras-le-corps.

Je vous demande, bien sûr, d'adopter les crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Je remercie tous les rapporteurs pour leur travail d'investigation, d'explication et de critique. Ils trouveront dans mon exposé la réponse à beaucoup de leurs questions, même si je propose de réserver pour la discussion générale certains thèmes importants, comme celui que vient de traiter Mme Boutin.

Ce projet de budget s'inscrit dans une stratégie gouvernementale visant à stimuler la croissance et l'emploi. Renforcement de la compétitivité de notre économie, revalorisation du travail, instauration d'une solidarité active, tels sont les axes de notre politique. Notre pacte économique et social est essoufflé ; un nouvel élan est nécessaire.

Il va se traduire par la hausse significative, au cours des trois prochaines années, des salaires les plus faibles - cette hausse compensée, pour les entreprises, par des allégements de charges -, par la priorité donnée à l'insertion dans l'emploi marchand, par le recentrage des contrats aidés sur les publics les plus éloignés de l'emploi, enfin par la volonté de renforcer la solidarité à l'égard des plus démunis, sans les enfermer dans une logique d'assistance.

Le budget du travail s'élève en 2003 à 15,7 milliards d'euros. Ce chiffre ne rend pas compte de tout l'effort en faveur de l'emploi en 2003 : les baisses de charges sur les bas salaires mobiliseront 1 milliard d'euros de plus dès 2003, 6 milliards en 2005.

Le Gouvernement entend revaloriser le travail tout en restaurant la compétitivité des entreprises. Le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi y contribuera : pour les salariés les moins qualifiés, la hausse du SMIC atteindra 6,5 % sur la période considérée, soit 2,2 % par an, alors que pour les entreprises, la hausse du coût du travail se limitera, grâce aux allégements de charges, à 2,5 % sur la même période.

Cette baisse de charges ne pèsera pas sur les comptes de la sécurité sociale, car elle sera intégralement compensée par l'Etat. Le budget pour 2003 prévoit ainsi le transfert à la sécurité sociale d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurances - 700 millions d'euros - et du produit des droits sur les tabacs - 300 millions d'euros de plus.

D'autres baisses des prélèvements pesant sur les salaires sont prévues en 2003 : amélioration de la prime pour l'emploi pour les travailleurs à temps partiel - 130 millions d'euros - et suppression totale de la part salariale de la taxe professionnelle - 1,9 milliard d'euros.

Dans les domaines de la formation et des aides à l'emploi, j'ai souhaité donner la priorité au secteur marchand, avec, pour contrepartie, le ralentissement des contrats aidés du secteur non marchand.

La politique relative à l'emploi des jeunes est emblématique à cet égard. Le contrat « jeunes en entreprises » supprimera les charges supportées par les entreprises pour l'embauche, autour du SMIC, de jeunes de niveau inférieur au bac. La campagne de communication lancée devrait permettre au dispositif de toucher 90 000 jeunes en 2003, 250 000 à terme.

La politique de l'alternance est relancée : le nombre des contrats devrait passer de 361 000 à 389 000, soit une progression de 8 % (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Il sera progressivement mis fin au système des emplois-jeunes, comme cela était d'ailleurs initialement annoncé : mal ciblé et peu valorisant, il ne fera plus l'objet d'aucun recrutement. Pour les associations dont les projets sont les plus utiles, des mesures d'appui sont prévues pendant trois ans. Je précise que les jeunes n'ayant pas retrouvé d'emploi au terme de leur contrat bénéficieront des indemnités de chômage comme tout salarié (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Alors que rien n'était prévu !

M. le Ministre - Les emplois-jeunes seront progressivement remplacés par les contrats d'insertion dans la vie sociale, centrés sur les jeunes les plus en difficulté, ce qui permettra de mettre un terme à la dérive constatée pour les emplois-jeunes, souvent occupés par des jeunes trop qualifiés. Par ailleurs, le plus grand soin sera apporté à la formation, afin d'assurer l'insertion professionnelle en fin de contrat.

La priorité donnée à la formation se traduit également par le lancement véritable de la politique de validation des acquis de l'expérience. Les crédits correspondants passeront de 3,6 millions d'euros à 18,3 millions d'euros, et financeront à la fois le dispositif lui-même et les structures d'information et de conseil du public. Cette validation sera l'une des composantes de la formation tout au long de la vie que ce Gouvernement entend promouvoir, notamment pour les salariés disposant d'une formation initiale peu élevée.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien !

M. le Ministre - Dans le même esprit, la dotation de l'allocation de fin de formation est doublée, passant de 38 à 73 millions d'euros. Cette allocation permet aux demandeurs d'emplois ayant épuisé leurs droits de continuer à bénéficier d'un revenu jusqu'à la fin de leur formation.

En ce qui concerne la promotion de l'emploi et les adaptations économiques, ce budget reflète deux priorités. D'une part, il vise à permettre aux entreprises dont l'existence est menacée de gérer très en amont les restructurations auxquelles elles doivent faire face, ce qui nous a conduits à privilégier les dispositifs en faveur des salariés des PME et des entreprises les plus en difficulté.

D'autre part, le taux d'emploi en France des plus de 55 ans est l'un des plus faibles d'Europe, ce qui s'explique en partie par les dispositifs d'aide permettant aux entreprises de se séparer à un coût faible de leurs salariés les plus expérimentés. Cette politique doit être revue. Nous avons décidé de réduire le recours aux dispositifs de cessation anticipée d'activité en en renchérissant le coût pour les entreprises, notamment pour les plus grandes d'entre elles (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Dans cet esprit, il est prévu d'augmenter la participation des entreprises aux préretraites FNE et surtout aux préretraites progressives.

Par ailleurs, pour encourager une meilleure gestion prévisionnelle des emplois dans les PME, les crédits correspondants sont décuplés, passant de 1,5 million d'euros à 14,1 millions d'euros.

Ces réformes s'accompagnent de la mise en place d'une cellule interministérielle, sous l'autorité de M. Viet, chargée de mieux coordonner les actions de l'Etat, des collectivités et des partenaires sociaux en vue d'anticiper les mutations économiques et industrielles et de mieux y répondre.

Enfin, des efforts significatifs sont consentis au profit de l'ANPE et de l'AFPA, dont les crédits progressent respectivement de 1,7 %. A l'ANPE, l'accent sera mis sur le développement du PAP, lequel sera proposé à tous les chômeurs, notamment ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi. Ceux-ci bénéficieront d'un diagnostic approfondi lors des entretiens initiaux, puis d'un suivi régulier lors des actualisations de leur PAP. L'AFPA renforcera également son appui aux bénéficiaires des PAP.

Vous l'aurez compris, ce budget du travail donne la priorité d'une part aux mesures d'insertion dans l'emploi marchand, via les baisses de charges générales, mais aussi des dispositifs plus ciblés comme le contrat jeunes en entreprises, et d'autre part aux personnes les plus en difficulté pour les contrats aidés et les instruments de soutien à la formation ou à la recherche d'emploi. Cette démarche repose sur un double souci d'efficacité de la dépense et de justice sociale. Elle nous semble de nature à affermir la situation de l'emploi dans un contexte économique difficile.

J'en viens au budget de la solidarité. Il augmente de 4,8 % pour atteindre 6 milliards d'euros. Cette progression, très supérieure à celle de l'ensemble du budget, montre la priorité accordée aux dispositifs destinés aux plus démunis.

Mon objectif premier est de privilégier l'insertion par rapport à l'assistance chaque fois que possible. Ce sera le cas pour le revenu minimum d'insertion, qui représente 4,5 milliards d'euros sur les 6 du budget. Aujourd'hui le volet insertion de ce dispositif, ainsi que vient de le dire Mme Boutin, ne donne pas satisfaction : seul un bénéficiaire sur deux signe un contrat d'insertion et les taux de retour à l'emploi sont trop faibles. Comme le Premier ministre l'a annoncé dans sa déclaration de politique générale, un débat sera organisé dans les prochains mois à l'occasion du quinzième anniversaire du RMI. Je souhaite qu'à cette occasion, toutes les pistes soient explorées. On pourrait ainsi envisager de confier davantage de compétences aux départements dans le cadre de la nouvelle étape de décentralisation ; d'élargir la palette des contrats non marchands proposés aux bénéficiaires afin de leur permettre de franchir très vite une première étape dans leur parcours d'insertion ; d'accroître les possibilités d'accès à l'emploi classique, au-delà du bénéfice à escompter des baisses de charges.

Ma seconde priorité concerne l'ensemble du dispositif d'accueil des personnes en difficulté. Un effort très important est consenti à ce titre dans le budget de la solidarité pour 2003, puisque les crédits du chapitre relatif à l'intégration et à la lutte contre l'exclusion passent de 950 millions d'euros à 1,014 milliard d'euros, en progression de 7 %.

Cinq cents places supplémentaires seront créées dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale qui assurent l'accueil, le soutien et l'accompagnement social des bénéficiaires et qui offrent déjà 33 000 places.

5 millions d'euros sont destinés à financer pensions de famille et structures pour mineurs. Les pensions de famille offriront une solution alternative entre les centres d'hébergement d'urgence et un logement plus durable. Les structures pour mineurs permettront de prendre en charge et d'accueillir de jour et de nuit les mineurs sans abri.

L'accueil d'urgence a pour objet d'apporter une aide alimentaire et d'assurer l'hébergement d'urgence des personnes sans résidence stable, et de soutenir le développement des équipes mobiles d'aide sociale d'urgence comme le SAMU social. 111 millions d'euros y ont été consacrés en 2002 et 8 millions supplémentaires sont prévus en 2003 pour financer l'accueil d'urgence des personnes déboutées du droit d'asile.

Les centres d'accueil pour demandeurs d'asile offrent un hébergement ainsi qu'un accompagnement social et administratif aux demandeurs d'asile. Avec 3 000 nouvelles places créées en 2002, le nombre de places offertes en CADA est de 9 800, 11 000 si l'on tient compte des dispositifs SONACOTRA. 1 700 places supplémentaires seront créées en 2003. Au total, les crédits consacrés aux demandeurs d'asile et aux réfugiés passent de 79 à 121 millions d'euros, en augmentation de plus de 50 %. Cette progression très importante est la conséquence de la hausse continue, ces dernières années, du nombre de demandeurs d'asile : de 20 000 dossiers déposés en 1997, on est passé à 30 000 en 1999 et quelque 50 000 en 2001. Notre intention, comme l'a annoncé le Président de la République, est d'accélérer nettement le traitement des dossiers afin de réduire ces chiffres. Cela participe de l'impulsion que nous souhaitons donner à notre politique d'intégration, notamment pour les quelque 100 000 primo-arrivants. Entre la France et les étrangers en situation régulière, nous devons créer un élan de confiance partagée.

Tous ces efforts illustrent la volonté du Gouvernement, tout en essayant chaque fois que possible de favoriser la sortie de l'assistance et l'accès à l'emploi, d'assurer que tous ceux qui en ont besoin bénéficient véritablement de la solidarité nationale.

Quelques mots, pour finir, sur les autres postes de dépenses. L'aide médicale de l'Etat s'adresse principalement aux étrangers en situation irrégulière. Depuis la réforme adoptée en 1999, le nombre des bénéficiaires de ce dispositif augmente de façon constante. La dotation de 233 millions d'euros prévue en 2003, soit près de quatre fois la dotation initiale de 2002, en tient compte : il s'agit d'une opération vérité, visant à établir la réalité de la dépense. Pour autant, nous souhaitons mieux maîtriser à l'avenir ces dépenses. A cette fin, nous menons actuellement une réflexion sur les moyens d'améliorer le contrôle des conditions d'accès des bénéficiaires.

La formation au travail social est un élément-clé de la réussite des politiques d'action sociale. Les crédits ouverts à ce titre progressent de 13 %. Cet effort permettra de former 3 000 étudiants de plus. L'augmentation du nombre de boursiers se poursuivra en 2003, pour tendre progressivement vers le taux de boursiers de l'enseignement supérieur.

La politique d'accueil, d'écoute et d'orientation des personnes âgées sera poursuivie. Les centres locaux d'information et de coordination continueront à bénéficier d'une aide au démarrage, à hauteur de 23 millions d'euros.

En matière d'égalité entre les hommes et les femmes, la dotation progresse de 2,3 % pour atteindre 18 millions d'euros. L'accent sera mis sur la parité et l'égalité professionnelle - les entreprises ayant conclu un accord collectif comportant des actions en faveur de l'égalité professionnelle auront droit à des aides spécifiques -, et sur l'accès des femmes aux droits et la lutte contre les violences, grâce au développement de partenariats avec les associations et les collectivités locales.

En conclusion, je rappelle que ce budget est celui du travail et de la solidarité. Notre pays parvient mal à conjuguer ces deux valeurs : ceux de nos concitoyens qui ne parviennent pas à obtenir un travail sont trop souvent, et trop longtemps, enfermés dans l'assistance ; ceux qui travaillent, quant à eux, ne comprennent pas la faiblesse de l'écart entre leurs salaires et les revenus tirés de l'assistance.

Notre politique doit s'adresser à l'ensemble des Français. C'est pourquoi nous voulons à la fois restaurer la valeur du travail, en augmentant les revenus de ceux qui touchent les salaires les plus bas, et conduire une véritable politique de solidarité, fondée non sur l'assistance, mais sur des outils destinés en priorité aux personnes les moins favorisées. Le recentrage des contrats aidés recentrés vers ces publics et les baisses de charges sur les bas salaires doivent y contribuer.

Il ne s'agit pas de choisir entre travail et solidarité, mais de restaurer simultanément ces deux valeurs : la restauration de notre pacte économique et social est à ce prix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 17 heures 15.

M. Maxime Gremetz - Ce projet de budget confirme que la politique du Gouvernement est contraire au développement de l'emploi et de la formation professionnelle. On peut toujours parler de « revalorisation du travail », mais il faut penser aux 2,5 millions de chômeurs !

La croissance recule, la récession menace et le Gouvernement ne fait rien pour favoriser la reprise économique. Il serait pourtant nécessaire d'agir sur la demande intérieure en augmentant les salaires, en favorisant les investissements utiles à l'emploi par une politique sélective du crédit et une réforme des cotisations sociales, en libérant des postes par la poursuite de la réduction du temps de travail.

Votre politique de l'emploi se résume à une seule orientation : la baisse des cotisations patronales - que vous persistez à appeler « charges », comme si vous étiez des comptables, et non les responsables de la politique économique et sociale du pays. Les articles 10, 20 et 30 du chapitre relatif aux compensations d'exonérations de cotisations patronales ne sont pas chiffrés. Or, les montants sont astronomiques : 23 milliards d'euros ! Et les grands groupes, qui multiplient les licenciements boursiers, en bénéficieront au même titre que les PME...

Cette politique a pourtant fait la preuve, depuis vingt ans et sous tous les gouvernements, des son inefficacité : plus les cotisations baissent, plus le chômage augmente ! Vous proposez de supprimer pendant deux ans et demi les cotisations patronales sur l'emploi des jeunes de 16 à 22 ans dans le cadre des contrats-jeunes. Or, cette mesure n'a pas de succès : vous en aviez prévu 40 000 pour 2002, mais au 1er novembre, seuls 11 000 étaient signés, si bien que vous en êtes réduits à faire de la publicité auprès des patrons pour qu'ils recrutent des titulaires de CAP, alors que ce dispositif était conçu, en principe, pour des jeunes sans qualification. Les entreprises embauchant quand elles en ont besoin et non en fonction du niveau des cotisations, vous dépensez l'argent public en pure perte ; votre politique est vouée à l'échec.

Votre dogmatisme libéral est encore illustré par la suppression des mesures de traitement social du chômage, comme par la stagnation de l'effort en faveur de la formation professionnelle - dont les crédits passent de 3,889 à 3,927 milliards d'euros, soit une progression de moins de 1 %, très inférieure à l'inflation, ce qui veut dire qu'en réalité, les crédits baissent.

Pour la troisième année consécutive, le nombre d'heures de formation dispensées par l'AFPA plafonne à 61,4 millions, contre 64,7 millions en 1998. Quant aux primes aux contrats d'apprentissage, versées directement par l'Etat, elles diminuent de 70 millions d'euros, que ne compensent pas les 46 millions versés aux régions. Le total des dotations de décentralisation aux régions pour l'apprentissage et l'insertion professionnelle des jeunes est stable, alors que les coûts augmentent. Voilà qui augure bien mal des transferts de ressources aux régions pour faire face aux dépenses engendrées par les transferts de compétences. Les besoins de formation professionnelle sont énormes ; le désengagement progressif de l'Etat est un mauvais coup porté à l'économie du pays et à l'emploi.

Les crédits des emplois-jeunes diminuent de 438 millions d'euros, première étape de leur suppression programmée.

Pourtant, de nouveaux services, de nouveaux métiers, de nouveaux emplois utiles avaient été ainsi créés. Nous avons déposé une proposition de loi comportant des mesures sérieuses pour titulariser les jeunes dans l'éducation nationale et dans le domaine de la sécurité, pour aider les collectivités et les associations.

Vous diminuez de 75 % les crédits des CES - soit 170 000 contrats en moins - et de 5 % ceux des CEC - soit 10 000 contrats en moins. Vous supprimez également 13 000 SIFE, stages destinés aux publics les plus en difficulté - et dont, depuis 1998, le nombre aura diminué de moitié. Le budget de fonctionnement des parcours TRACE diminue, lui, d'un tiers et les bourses d'accès à l'emploi passent de 75 à 30 millions.

En ce qui concerne les cessations anticipées d'activité - FNE et CATS -, le budget est globalement stable, alors que la multiplication des plans de licenciements et l'évolution de la pyramide des âges nécessitent une augmentation des financements destinés à atténuer les drames sociaux et à remplacer les départs à la retraite. Sur le plan des préretraites proprement dites, le désengagement de l'Etat se poursuit - 118 169 départs en 1997 ; 34 890 en 2003. C'est bien une politique antisociale.

Nous ne sommes pas des inconditionnels des dispositifs de traitement social du chômage, mais force est de constater que ces mesures sont largement insuffisantes, les financements bien trop faibles, les capacités de formation bien inférieures aux besoins ; que les ressources des stagiaires ne leur permettent pas de vivre décemment. Nous sommes favorables à un effort budgétaire multiplié pour la formation et l'insertion des personnes les plus en difficulté, et en particulier des jeunes sans qualification ; les emplois précaires doivent être transformés en emplois stables, statutaires et correctement rémunérés.

Vous, au lieu d'améliorer, vous détruisez. Votre gouvernement est une entreprise de démolition : 35 heures, aides aux jeunes, protection contre les licenciements, sécurité sociale, retraites... Vous ne pensez qu'à casser, à détruire. Vous prétendiez que les 35 heures n'ont pas créé d'emploi, mais une étude de l'INSEE, parue justement aujourd'hui, montre qu'elles en ont créé 300 000 !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - A quel prix !

M. Maxime Gremetz - Fin du traitement social du chômage, plans de licenciements, délocalisations... Dans les prochains mois, les travailleurs ne subiront pas une hausse du chômage, mais une véritable explosion du sous-emploi et M. Sarkozy aura besoin d'une police musclée pour tenir en laisse les jeunes dés_uvrés et désespérés !

Votre budget enrichit les riches ; il déclare la guerre aux jeunes et aux pauvres. Il répond aux injonctions du FMI qui vous recommande de réduire les dépenses publiques, de ne pas remplacer les fonctionnaires partant à la retraite, de réformer les retraites en alignant le public sur le privé et en relevant l'âge du départ, de ne pas augmenter le SMIC... Le FMI qui dit cela à la France, au gouvernement de la France, et personne ne proteste ! C'est tout un programme. Est-ce le vôtre ?

Dans le même temps, une étude récente de l'INSEE montre que, de 1990 à 1997, les ménages de salariés et de chômeurs les plus modestes ont subi une diminution de leurs revenus, pendant que ceux des ménages les plus aisés augmentaient fortement. Quant aux profits des grandes entreprises et au niveau des grandes fortunes, ils ont littéralement explosé ! Comment s'étonner alors que les inégalités n'aient cesser de se creuser ? La part des salaires a baissé dans le revenu national au profit du capital et, pourtant, le chômage est bien là.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Quel réquisitoire contre le précédent gouvernement !

M. Maxime Gremetz - M. Raffarin a fait tout un numéro sur le recul de dix places de la France au classement de la productivité. Je citerai à ce sujet une synthèse de M. Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques qui déclarait mercredi que le classement de compétitivité du forum de Davos était « un travail de lobby qui n'est pas sérieux », et même, « en contradiction avec la réalité ». Selon lui, les grandes entreprises qui patronnent le forum utilisent cet indicateur annuel de compétitivité « uniquement pour faire pression sur les pays pour qu'ils adoptent un tour plus libéral qui leur convient ». Et de poursuivre : « Il y a des intérêts économiques en jeu dans un tel classement. Cette fois, c'est tombé sur la France, peu après un changement de gouvernement. Les entreprises essayent d'agir dans leur propre intérêt, qui passe par des impôts les plus bas possibles et une plus grande flexibilité du travail ».

M. Fitoussi ajoute que « leurs revendications sont contradictoires, car elles demandent tout et son contraire : moins d'impôts et le maintien du niveau des infrastructures et de la formation, ou moins de cotisations sociales et un système de santé toujours aussi performant ». Il s'étonne également que la France soit classée trentième « alors qu'elle reste le deuxième pays européen pour l'accueil des investissements étrangers, et qu'elle a connu ces dernières années un taux de croissance supérieur à la moyenne européenne ». Voilà, ce n'est pas du Maxime Gremetz, c'est du Fitoussi ! (Sourires)

La fin, Monsieur le ministre, ne saurait justifier les moyens. Votre budget est mauvais pour la France, pour l'emploi, pour les salariés. Nous voterons contre (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Gaëtan Gorce - Il y a des symétries troublantes. En un an, le chômage a progressé de 6,7 % environ. C'est à peu près le pourcentage retenu pour la baisse de votre budget : à périmètre constant, sans y introduire les baisses de cotisations, il diminue de 6 %... Je ne saurais croire qu'il y a là indifférence à la situation, mais il y a manifestement de l'imprévoyance et de l'inconséquence. Comment justifier de tels choix alors que la situation de l'emploi ne cesse de se dégrader ? Comment comprendre que vous baissiez ainsi la garde ? Vous reproduisez dans ce budget les mêmes erreurs de jugement que vous avez déjà commises en supprimant les emplois-jeunes et en remettant en cause la réduction du temps de travail, pour bientôt ouvrir, en révisant la loi de modernisation sociale, les vannes des licenciements.

Votre budget, c'est un milliard d'euros en moins, touchant en priorités toutes les politiques d'intervention mises en place ces cinq dernières années. L'emploi des jeunes en est la première victime. Promis à disparition pour être remplacés par des contrats jeunes qui restent à ce jour fantomatiques, les emplois-jeunes voient leurs moyens amputés de 500 millions d'euros. Les crédits destinés à la pérennisation de ces emplois ou à l'accompagnement des sorties d'emploi sont insuffisants au regard des besoins comme des prévisions. Le programme TRACE est réduit de 36 % ; et les bourses d'accès à l'emploi qui le complétaient perdent 60 % de leur dotation.

Mais non content d'affaiblir les moyens destinés aux jeunes, vous en usez de même avec ceux consacrés aux publics les plus en difficultés. L'ensemble de ce chapitre subit une baisse d'un tiers, frappant en priorité les CES : ils chutent de 72,5 %, ce qui traduit une diminution de leur nombre comme de leur rémunération. L'insertion par l'économique passe sous la même toise : 18 % de baisse, pour des actions pourtant vantées en commission par les représentants de votre majorité. C'est toute la loi de lutte contre l'exclusion adoptée en 1998 qui est ainsi remise en cause. Vous allez ainsi à contresens, et même à contre-emploi. Votre budget, Monsieur le ministre, n'a pas « la tête de l'emploi », il a plutôt celle du chômage et des difficultés pour nos concitoyens.

J'entends bien qu'en réduisant ces moyens, vous entendez mettre un terme à une politique qui ne vous convient pas : mais vous jetez le bébé avec l'eau du bain, en l'occurrence toute politique de l'emploi avec le bilan Jospin ! Il est normal que vous critiquiez ce que nous avons fait, mais ce qui est grave, est que vous ne proposez aucune véritable alternative. Ce que l'on peut reprocher à votre politique de l'emploi, c'est précisément que vous n'avez pas de politique de l'emploi ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous supprimez un à un les outils mis en place depuis cinq ans, sans leur substituer aucun nouvel instrument qui soit doté, au minimum, de la même efficacité. Vous nous annoncez pour plus tard des mesures nouvelles, mais c'est maintenant que les mesures existantes sont supprimées. C'est maintenant que vous supprimez 50 000 emplois-jeunes pour à peine 5 000 contrats jeunes signés ; c'est maintenant que vous réduisez le programme TRACE sans que rien soit inscrit au budget concernant les fameux CIVIS que vous promettez ; c'est maintenant que vous diminuez les dotations des CES, que vous prétendez vouloir augmenter demain par le report des crédits non utilisés - en réalité gelés dès cette année...

Monsieur le ministre, je vous demande aujourd'hui, comme je l'ai déjà fait en juillet, où en est votre politique ? Quels sont vos objectifs ? Quelles sont vos prévisions sur l'évolution de l'emploi pendant l'année qui vient ? Et ne nous parlez pas des baisses de cotisations, qui constituent désormais l'alpha et l'oméga de votre discours : elles ne prendront effet qu'au 1er juillet prochain, alors que c'est dès maintenant que vous découragez les entreprises d'en bénéficier dans le cadre de la réduction du temps de travail !

Pour que cette politique du « tout allégement » puisse fonctionner, encore faudrait-il qu'elle s'appuie sur la confiance des entreprises, qui exige la continuité, la pérennité des mesures prises. Les allégements ne produisent leur effet que dans la durée, ce qui suppose qu'ils ne soient pas modifiés au gré des alternance. Or, vous avez supprimé les aides structurelles prévues par la loi Aubry ; puis vous avez pénalisé les entreprises déjà passées aux 35 heures, dont le niveau moyen d'allégement va baisser. Et les entreprises savent que, confronté aux difficultés budgétaires que devra surmonter le Gouvernement, vous ne pourrez pas tenir votre engagement de consacrer à terme 15 milliards d'euros à cette politique d'allégements.

Vous ne pourrez pas sans cesse esquiver ces questions et ces réalités. Vous nous dites que le propre de votre politique est de donner la priorité à l'emploi marchand et de faire confiance aux entreprises. Mais les entreprises ne créent pas des emplois pour faire plaisir à tel ou tel gouvernement : elles le font parce qu'elles y sont portées par la croissance, et parce que la politique des gouvernements a pour effet d'enrichir le contenu de cette croissance en emploi. Or votre politique ne soutient pas plus la croissance qu'elle ne soutient l'emploi. Vos marges de man_uvre budgétaires ont déjà été dilapidées par des baisses d'impôts qui favoriseront l'épargne plutôt que la consommation. Au moment où il faudrait faire preuve de volonté, vous faites l'éloge de la loi du marché et du repli de l'Etat. En un mot, vous menez une politique molle face à une croissance molle, quand il faudrait une ambition, une résolution, un engagement têtu !

Nous n'hésitons pas à taxer cette politique d'imprévoyance, d'indifférence, d'inconséquence face aux difficultés à venir. Nous le disons non pour nous en réjouir, mais pour vous alerter. Il est encore temps de réagir, de prendre les problèmes à bras-le-corps plutôt que de les nier, en faisant de l'emploi une priorité, mieux, un projet de société. C'est autour d'un nouveau pacte social pour l'emploi qu'il faut aujourd'hui se mobiliser, en faisant partager cette ambition à nos partenaires de l'Union européenne, en mettant l'emploi au c_ur de toutes les politiques publiques, enfin, en améliorant la qualité et la sécurité des emplois. Ce qui veut dire : combattre le sous-emploi et notamment le temps partiel subi, faire reculer par la négociation dans les branches, la précarité, dont sont toujours synonymes nombre de CDD et de contrats d'intérim ; développer la formation tout au long de la vie pour apporter aux salariés des garanties, non contre le risque, mais contre les conséquences de la perte d'emploi ; organiser une mobilité qui tienne compte des nouveaux besoins qui s'expriment dans l'économie et des évolutions démographiques.

Mais cette politique n'est pas la vôtre, et c'est le pays qui va en payer le prix. Il est encore temps de redresser les choses. Mais cela supposerait que vous ayez pour mener votre action, une autre volonté, c'est-à-dire un autre budget ! Contre celui-ci, le groupe socialiste votera sans hésitation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Leteurtre - Dans quelle conjoncture s'inscrit ce budget ? Depuis un an et demi, le marché de l'emploi s'est fortement dégradé, et le nombre des demandeurs d'emploi s'est accru de 200 000. La France n'a pas su - et nous savons bien pourquoi - profiter de la forte embellie qu'elle a connue depuis 1997 : avec une baisse de 25 % de son taux de chômage depuis cette date, elle s'est simplement située dans la moyenne européenne ; dans le même temps, ce taux diminuait de 55 % en Irlande, de 54 % en Suède et de 45 % aux Pays-Bas. L'augmentation du PIB, qui fut de 4,1 % en 2000, n'atteindra sans doute que 1 % en 2002. Défaillances d'entreprises, licenciements économiques, plans sociaux se multiplient.

Dans ces conditions difficiles, quelle peut être notre politique de l'emploi ? Vous avez, Monsieur le ministre, fait le pari d'une croissance forte pour bâtir les grands équilibres budgétaires de 2003. Vous avez décidé ainsi de mener une politique économique contracyclique, dont il faut souhaiter qu'elle réussisse, car sa réussite conditionne l'état du marché de l'emploi. Plus la croissance sera forte, plus les entreprises créeront de la richesse, mieux se portera l'emploi.

Vous avez choisi de vous orienter vers une baisse des charges qui pèsent sur les entreprises pour favoriser l'emploi et d'aider, en priorité, les emplois du secteur marchand. Nous pensons aussi que c'est la voie qu'il faut emprunter.

Les entreprises française sont encore trop taxées au détriment de l'emploi. Les charges qui pèsent sur elles atteignent 16,8 % du PIB, contre 10,6 % en moyenne dans l'Union européenne ; les prélèvements sociaux représentent à eux seuls 11,4 % du PIB, contre 6,6 % en moyenne dans la zone euro. Les nouveaux contrats jeunes en entreprise vont dans le sens d'un allégement ; toutefois, il s'agit d'une mesure ciblée, et peut-être trop sélective. L'UDF propose de créer un mécanisme d'« emplois francs », bénéficiant d'une réduction des charges sociales patronales égale à 10 % du salaire brut pendant cinq ans ; il serait applicable à toutes les entreprises et quels que soient l'âge, la qualification et le niveau de rémunération du salarié embauché, son utilisation serait limitée à un contrat par employeur individuel, et progresserait par tranches selon la taille des entreprises.

De quelle baisse des charges vont véritablement bénéficier en 2003 les entreprises françaises, dont beaucoup n'ont pas encore absorbé les surcoûts liés aux 35 heures ? L'harmonisation des SMIC ne va-t-elle pas provoquer une hausse du coût du travail, du fait de l'effet « domino » ? La suppression programmée des allégements qui compensaient en partie le passage aux 35 heures pour les rémunérations supérieures à 1,8 fois le SMIC vont faire perdre aux entreprises 1,5 milliard d'euros en année pleine à compter du 1er juillet 2003.

Autre point essentiel : la formation, à laquelle nous consacrons chaque année plus de 20 milliards d'euros. Le monde de l'éducation et celui de l'entreprise s'ignorent encore beaucoup trop. La mise en adéquation des formations et des emplois est un chantier qui ne s'achève jamais, et sans doute un peu trop oublié dans la formation initiale. Les critères retenus pour les contrats jeunes en entreprise comportent, à terme, un risque de déqualification de l'emploi ; or, les emplois de demain seront, à l'évidence, encore plus qualifiés que ceux d'aujourd'hui (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Muguette Jacquaint - Vous n'êtes pas à une contradiction près !

M. Claude Leteurtre - Concernant la revalorisation des métiers manuels, le stage en entreprise annoncé récemment par le ministre de l'éducation nationale est une mesure de bon sens.

Quant à la formation continue, elle doit devenir un droit pour les employés et un devoir pour les entreprises. Encore faudrait-il que les organismes de formation s'adaptent aux besoins des entreprises. Il conviendra donc de les réformer, d'autant qu'ils sont beaucoup trop nombreux. Soulignons encore tout l'intérêt de la valorisation des acquis de l'expérience. Enfin, il faut insister sur les conséquences sur la formation professionnelle des jeunes, et notamment sur l'apprentissage dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, de la loi organique du 1er août 2001 qui supprimera à compter du 1er janvier 2004 certaines taxes parafiscales. Le Gouvernement doit prendre l'engagement ferme de résoudre ce problème.

L'UDF se félicite que le Gouvernement ait fait sienne l'idée de transformer le revenu minimum d'insertion en revenu minimum d'activité. Le « I » de RMI signifiant plus souvent inactivité ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Dans certains départements le taux de contractualisation est inférieur à 40 %. C'est pourquoi nous proposons qu'au bout de six mois, tout allocataire se voie proposer une activité d'utilité publique contre le maintien d'un revenu minimum.

L'emploi ne sert pas seulement à disposer d'un revenu : avant tout, il procure une reconnaissance personnelle et sociale. C'est une question de dignité. Nous n'avons donc pas droit à l'échec. L'UDF votera ce budget de transition vers une nouvelle politique de l'emploi.

M. Francis Vercamer - Très bien !

M. Jean-Pierre Decool - Je voudrais aborder le sujet de l'emploi dans le secteur associatif et les mesures en faveur des jeunes peu qualifiés.

Le secteur associatif constitue un monde dynamique, riche et en pleine évolution, fort de 900 000 associations qui emploient près de 1,3 million de personnes, soit l'équivalent de 960 000 emplois à temps plein. C'est le premier employeur de France, avec presque autant de salariés que l'artisanat. Il est donc essentiel d'y développer une politique favorable à l'embauche. votre budget, Monsieur le ministre, répond à cette nécessité.

Le dispositif du contrat-jeune, qui s'adresse aux jeunes de 16 à 21 ans pas ou peu qualifiés, fait l'objet d'une dotation de 200 millions d'euros. Les associations ont droit à une aide forfaitaire par jeune embauché en CDI ; s'y ajoute une exonération de charges patronales dégressive sur trois ans. Au terme de ce contrat, les jeunes pourront faire valoir la validation de leurs acquis.

Néanmoins, le secteur associatif va devoir faire face à la fin annoncée des emplois-jeunes, qui ont montré pour lui toute leur utilité. Outre l'aide exceptionnelle de 10 millions d'euros, inscrite dans ce budget, vous avez annoncé qu'il bénéficierait d'une prolongation de trois ans du dispositif. Cependant plusieurs questions demeurent. Quelles seront les associations concernées ? Quels seront les critères autorisant une telle prolongation ? Quelles administrations seront chargées de l'application de cette mesure ?

Quant au contrat d'insertion dans la vie sociale - qui, à la différence des emplois-jeunes, est destiné aux jeunes les plus fragiles, dépourvus de formation supérieure -, les premiers bénéficiaires en seront les associations. Quelles seront les modalités d'accès au dispositif ? Quel soutien financier envisagez-vous ? Les aides seront-elles versées aux jeunes ou à l'employeur ? Qu'en sera-t-il de la formation ?

Cette politique en faveur de l'emploi dans le milieu associatif doit être complétée par des mesures de simplification des déclarations administratives. Des mécanismes tels que le chèque emploi associatif pour les petites et moyennes associations doivent être rapidement mis en application (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Dominique Paillé - Au début du mois de juillet, j'avais publiquement émis le souhait que la politique sociale du Gouvernement n'oublie aucun de nos concitoyens, mais également que le travail soit réhabilité. Vous n'avez pas tardé, Monsieur le ministre, à lever mes craintes, à travers les mesures de revalorisation et d'harmonisation des SMIC, la politique de baisse des charges et le dispositif incitant à l'embauche des jeunes en entreprise.

Votre budget confirme ces orientations. Je saisis cette occasion de saluer votre action, mais également votre méthode, faite d'écoute et de recherche de l'équité, sans surmédiatisation mais avec efficacité.

Je bornerai mon propos à deux volets : l'emploi et la solidarité.

En ce qui concerne l'emploi, vos marges de man_uvre sont limitées du fait du poids financier des emplois-jeunes. Dans la loi de finances initiale pour 2002, les crédits inscrits à ce titre au budget du travail, qui ne représentent qu'une fraction du coût total, s'élevaient à 3,3 milliards d'euros. Or le programme n'a pas majoritairement servi à l'insertion des jeunes les plus éloignés de l'emploi, puisque 80 % des bénéficiaires ont été des diplômés. On ne peut d'ailleurs pas exclure qu'il ait eu un effet d'éviction, en créant une sécurité trompeuse qui a dissuadé certains jeunes de postuler à un emploi dans le secteur marchand (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

En outre, l'efficacité de ces emplois-jeunes apparaît très contestable du point de vue de la capacité à offrir de réelles perspectives professionnelles. A cet égard, le gouvernement Jospin porte une lourde responsabilité (Mêmes mouvements). La question de la professionnalisation et de la solvabilisation des emplois créés n'a été envisagée que très tardivement. On a oublié aussi de se préoccuper des indemnités de chômage...

Votre politique, Monsieur le ministre, marque une rupture avec celle du gouvernement précédent. Vous faites le choix d'en finir avec la logique d'assistance et d'aider en priorité les jeunes les plus en difficulté. Si les crédits du ministère du travail diminuent de 6,2 %, les moyens mis en _uvre par l'Etat en faveur de l'emploi augmentent de 4 %. D'ici à 2005, près de 9 milliards d'euros vont être consacrés à la baisse des prélèvements sur les entreprises. Les allégements supplémentaires de charges qui accompagneront l'unification des minima salariaux s'élèveront à terme à 6 milliards d'euros.

Par ailleurs, les contrats jeunes ont été mis en place dès juillet. Ils favorisent l'embauche en CDI de jeunes peu formés par une exonération de charges dégressive sur trois ans. Cela me semble une excellente décision.

Au total, la part du secteur marchand concurrentiel dans les contrats aidés passe de 35 à 40 %. Les dispositifs du secteur non marchand vont être réorientés.

Le Gouvernement a annoncé la fin progressive des emplois-jeunes, mais il respecte bien sûr les engagements antérieurement pris par l'Etat. Les contrats en cours iront donc jusqu'à leur terme, et ils représentent, avec 2,7 milliards d'euros, le premier poste de dépenses du budget du travail. Un inquiétude s'est toutefois fait jour en ce qui concerne la suppression des emplois-jeunes dans les associations. Certaines d'entre elles exercent des activités sociales importantes, et vous avez indiqué que l'aide leur serait maintenue. Ces associations, désignées par le préfet, pourront s'engager dans un programme d'épargne consolidée ou dans des conventions pluriannuelles. Les aides de l'Etat devraient être dégressives sur trois ans, pour éviter un arrêt brutal. Nous souhaiterions avoir des éclaircissements sur ce point, ainsi d'ailleurs que sur les CIVIS.

La solidarité nationale s'exprime à travers deux dispositifs : les contrats aidés et le RMI. Les dispositifs des contrats aidés, c'est-à-dire les contrats emploi-solidarité et les contrats emplois consolidés, dans le secteur non marchand, sont réorientés vers ceux qui sont le plus en difficulté. Leur efficacité en termes d'insertion sera certainement améliorée. Si le nombre des CEC baisse, celui des CES reste stable. L'attention particulière qui est portée à la formation des bénéficiaires nous semble du meilleur aloi.

En ce qui concerne le RMI et le futur RMA, nous sommes soucieux de connaître les détails de la réforme. Elle s'appuie sur de bons principes : si toute peine mérite salaire, tout salaire doit correspondre à un travail. Mais il faut garder à l'esprit que certains de nos concitoyens, pour lesquels l'insertion demeure chimérique, ne pourront entrer dans le dispositif. Ils doivent pouvoir continuer à bénéficier de ce qui existe, même si des aménagements sont nécessaires.

Au total, ce projet de budget s'inspire d'une philosophie que l'UMP partage : celle de la responsabilisation, de la revalorisation du travail, de la limitation de l'assistance à ceux qui en ont strictement besoin. Sans états d'âme, nous voterons donc pour (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Hélène Mignon - La pauvreté reste très grave en France. Alors que le chômage atteint de nouveau une cote d'alerte et que les prévisions de croissance sont revues à la baisse, vous choisissez d'amputer de plus de 17 % les crédits destinés aux personnes prioritaires ! L'arrêt des emplois-jeunes est signé, alors que 50 à 60 % de ceux qui en ont bénéficié ont trouvé un emploi stable. Le programme TRACE et les actions d'insertion sont affaiblis. Enfin, la mise à l'écart des personnes de 50 à 60 ans, qui vont s'enfoncer dans la précarité, est de plus en plus préoccupante.

Qu'on impose aux collectivités locales et aux associations des exigences accrues de formation lorsqu'elles signent un contrat d'insertion ne me choquerait pas plus que l'instauration d'un quota de CES et de CEC par rapport aux effectifs titulaires. Je trouve regrettable qu'un certain nombre de postes aient été gelés en septembre. Il est impératif d'aider les personnes en difficulté à éviter la spirale de l'exclusion ou à en sortir.

Le Gouvernement met en exergue la valeur du travail, mais il faut raison garder. Un certain nombre de nos concitoyens ne pourront pas retrouver la voie du secteur marchand sans emprunter des sas de réinsertion. C'est là que les entreprises d'insertion et que les associations intermédiaires prennent toute leur dimension. La loi de lutte contre les exclusions avait fait une priorité de l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi, en particulier les bénéficiaires du RMI et les jeunes en rupture sociale. Les structures d'insertion doivent certes leur permettre de retrouver du travail, mais aussi les accompagner à leurs débuts dans le secteur marchand : ce n'est pas au chef d'entreprise de régler les problèmes de logement, de santé ou de surendettement. Mais vous réduisez les crédits qui leur sont consacrés !

Les crédits du RMI aussi sont en baisse, alors que le nombre des allocataires repart à la hausse. Mme le rapporteur a expliqué que le RMI n'avait répondu que partiellement à ses objectifs. Il est vrai que l'obligation d'insertion - encore faut-il savoir qu'il ne s'agit pas forcément d'une insertion par le travail - n'a pas été strictement contrôlée. Les collectivités locales n'ont pas toujours joué leur rôle.

Quoi qu'il en soit, les bénéficiaires du RMI ne se complaisent pas dans leur situation. Il existe un malaise profond, un sentiment d'inutilité et d'humiliation qui rend certains inaptes à toute prise de décision. Seuls les plus forts, les mieux formés et les mieux entourés peuvent vraiment s'en sortir. Mme Boutin a proposé de scinder le RMI en RME et RMA. Cela ne va-t-il pas aboutir à stigmatiser ceux qui sont le plus en difficulté et à leur ôter tout espoir ? Le RMI doit servir de tremplin pour trouver un emploi digne et utile, et non enfermer certains dans des formes particulières d'emploi précaire.

Enfin, la lutte contre les exclusions ne passe pas par le seul retour à l'emploi. Certaines personnes intégrées dans le monde du travail peuvent tomber dans la pauvreté parce qu'elles ne trouvent que des emplois à temps partiel ou des CDD épisodiques.

On ne peut réfléchir sur le retour à l'emploi sans aborder les questions du logement et de la santé. La première condition pour poser sa candidature à l'embauche, c'est de donner une adresse. Or les aides au logement ne sont pas suffisantes. Et pour occuper un emploi, il faut être en bonne santé. Or, malgré la CMU, trop d'individus n'accèdent encore pas aux soins. Certains, des SDF par exemple, ne font pas la démarche nécessaire. Il faut donc aller à leur rencontre, ainsi que le font déjà les caisses du Calvados et de la Manche. D'autres, trop proches des seuils, ne pensent pas y avoir droit.

Un amendement gouvernemental voté mardi soir tend à désigner les bénéficiaires de la CMU comme des fraudeurs éventuels. La stigmatisation est en marche : les bénéficiaires du RMI refusent de travailler et ceux de la CMU trichent... Le poids des mots est terrible. L'exclusion est assez difficile à vivre, n'encourageons pas certains de nos concitoyens à la montrer du doigt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) .

M. Francis Vercamer - Ce projet de budget s'inscrit dans un contexte difficile. Au plan international, l'instabilité du monde pèse sur le moral des investisseurs. Au niveau national, la gestion calamiteuse des finances publiques par le précédent gouvernement nous laisse peu de marge face au ralentissement économique, qu'il nous faut impérativement anticiper.

Je voudrais aborder le sujet des salariés de plus de 55 ans. En 2002, 7 200 ont bénéficié de l'allocation spéciale du fonds national de l'emploi, échappant ainsi au chômage de longue durée qui les attendait. 7 000 personnes devraient entrer dans le dispositif en 2003, pour un coût de près de 80 millions. Le 4 novembre, vous avez affirmé votre volonté de réduire le recours aux préretraites, que vous considérez comme une catastrophe pour le régime des retraites. Mais les défaillances d'entreprises sont de plus en plus fréquentes.

Ainsi, l'agglomération de Roubaix devrait voir 1 000 à 1 500 suppressions d'emplois pour le seul secteur textile dans les mois qui viennent. Dans cette même agglomération, plus de 100 dossiers de préretraite sont déposés. Ce chiffre, que vos services connaissent bien, est préoccupant. Les directions d'entreprise n'ont souvent de choix qu'entre mettre leurs salariés les plus âgés à la préretraite ou les licencier.

Il serait illusoire de vouloir se passer des dispositifs de préretraite sans procéder à une diminution globale des charges sociales. Mais nous ne pouvons laisser les entreprises s'en servir pour se séparer d'une main d'_uvre considérée comme trop coûteuse et insuffisamment productive. Avec les salariés les plus âgés, c'est la mémoire de l'entreprise, son expérience et son savoir-faire qui s'en vont.

Le 12 septembre 2001, la Commission européenne avait invité la France à limiter le retrait précoce des travailleurs de la vie active, par le biais d'une approche plus globale. A ce jour, la France connaît toujours le taux d'emploi le plus faible de l'Union européenne pour les 55-64 ans.

Il était de 29,7 % en 2001 contre 37 % en moyenne en Europe.

Les plus de 55 ans ont leur place dans l'entreprise. Les exemples de la Finlande ou des Pays-Bas, où le temps partiel est proposé aux seniors, sont intéressants. Pour réduire le coût de la main-d'_uvre, c'est une politique globale d'allégement des charges pour les salariés de tous âges qui est nécessaire.

Il nous appartient de favoriser le recours à l'emploi qualifié et expérimenté dans l'entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Le budget pour 2003 ne répond pas aux attentes de l'époque et nous regrettons le décalage entre les affirmations du Premier ministre - « La formation professionnelle, ce sont les emplois de demain » - et les moyens dégagés.

Pourtant, le constat est unanime sur la nécessité de réformer notre système de formation professionnelle. La loi de 1971 a fait son temps. Les mécanismes sont de plus en plus complexes et en retard sur les besoins réels, en particulier sur le fait que la formation ne concerne plus seulement les salariés en postes mais est une nécessité particulièrement criante dans les périodes de chômage.

Dès lors que vous appelez à la reprise des négociations collectives sur la formation professionnelle et confirmez le droit à la formation tout au long de la vie, il faut avancer sérieusement sur cette question. Le monde du travail est en pleine évolution, sous l'effet de plusieurs facteurs qui ne sont pas pris en compte par votre budget. Ainsi nous contribuerons, par nos propositions, à une véritable politique de l'emploi et de la formation permanente. Et nous nous réjouissons que d'autres membres de l'opposition nous rejoignent sur cette question essentielle pour l'emploi de demain.

C'est aussi le moyen d'avancer vers l'égalité professionnelle. La France s'est engagée, lors du sommet européen de Lisbonne, à faire passer le taux d'emploi des femmes de 55 % aujourd'hui à 60 % d'ici 2010. La seule intervention de l'Etat n'y parviendrait pas. Il faut donc davantage responsabiliser les partenaires sociaux, en particulier les entreprises.

Les inégalités salariales demeurent importantes - 25 % en moyenne. L'égalité de traitement est devenue, par la loi du 9 mai 2001, un objectif de la négociation collective. Mais peut-être faut-il confier au législateur le soin de définir les bases et les objectifs de ces négociations.

Certes les femmes représentent aujourd'hui 45,6 % de la population active et 80 % des 25-49 ans travaillent. Dans la dernière décennie, la hausse de l'emploi féminin a été dix fois plus forte que celle de l'emploi masculin, entraînant de profondes mutations et la progression du temps partiel. Mais l'écart de rémunération demeure et il y a près de 80 % de femmes parmi les personnes gagnant moins que le SMIC.

C'est d'autant plus paradoxal que l'on constate un niveau scolaire et universitaire supérieur chez les filles. Bon nombre de professions de prestige se féminisent - avocat, médecin, etc. - mais les femmes constituent 80 % des employés.

Plusieurs facteurs expliquent ces différences salariales. Le travail des femmes se concentre sur les postes les moins qualifiés du tertiaire : sur les 31 catégories socioprofessionnelles de l'INSEE, six regroupent 61 % des emplois féminins. Les femmes prédominent aussi dans les postes à temps partiel. Enfin l'accès aux postes de responsabilité reste inégal dans les entreprises - les femmes ne représentent que 7 % des cadres supérieurs des 5 000 plus grandes entreprises - mais aussi dans la fonction publique, où elles constituent 57 % des agents, mais seulement 13 % des directeurs, ambassadeurs, préfets et inspecteurs généraux.

La contradiction entre l'égalité formelle et l'inégalité réelle est révélatrice des discriminations en matière d'embauche, de statut, de carrière. J'ai bien peur que les projets du Gouvernement ne correspondent pas à l'importance de l'enjeu : pourtant 63 % des Français reconnaissent qu'il faut parvenir à l'égalité de traitement. Il y a encore beaucoup d'efforts à faire, y compris en direction des organisations syndicales, pour que le droit soit appliqué.

Le groupe communiste et républicain s'attachera à faire évoluer les consciences et la législation en ce sens. Votre budget n'est guère encourageant à cet égard. Certes, vous annoncez que vous allez présenter 25 propositions. Mais seront-elles à la hauteur des attentes de notre société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Ueberschlag - Alors que certains se plaisent à accuser le Gouvernement de s'en prendre aux pauvres, je m'inscris en faux contre ces assertions et salue votre action, Monsieur le ministre.

Car enfin, qui lutte contre la pauvreté, si ce n'est ce gouvernement ? Qui remet la jeunesse dans le circuit de l'économie en la tirant de cette force pernicieuse de marginalisation qu'étaient les emplois-jeunes ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Qui a rompu l'engrenage des SMIC et des sous-SMIC concocté par Mme Aubry ? Qui, en dépit de l'état déplorable des finances publiques, a le courage de conserver les dispositifs des contrats aidés ? Qui prépare un véritable contrat d'insertion pour les immigrés, auxquels nous avons si peu offert depuis 1997 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je regrette que votre budget soit prisonnier de certains héritages - ce n'est pas faute d'avoir tiré la sonnette d'alarme - sous quels sarcasmes ! - lorsque j'étais dans l'opposition.

La formation professionnelle est le meilleur moyen de lutter contre l'exclusion. Le ralentissement de la croissance a privé les entreprises des marges nécessaires pour absorber le coût des 35 heures, les obligeant à gagner en productivité et là où on annonçait une avancée sociale, on constate un durcissement des conditions de travail, moins de temps pour l'insertion professionnelle des jeunes et aucune progression de l'embauche car les qualifications nécessaires ne sont pas disponibles.

Il est impératif de ne pas reproduire cette erreur. La voie à suivre est celle d'une stratégie d'insertion généralisée par l'alternance. Ce budget confirme que l'Etat ne se dérobe pas à sa part de responsabilités en ce domaine. Les crédits pour l'emploi des budgets 2001 et 2002 étaient quasiment des crédits de fonctionnement.

Nous subissons encore les contraintes de ce lourd héritage. Aussi M. Paul et Mme Jacquaint étaient-ils bien peu fondés à déplorer un décalage entre les intentions du Gouvernement et leur traduction budgétaire.

Sur les 15,7 milliards d'euros de votre budget, un quart est consacré à la formation professionnelle. Ce n'est pas rien, et il faut se féliciter que dans le contexte mis en lumière par l'audit des finances publiques de juin dernier, ce budget fasse mieux que maintenir l'effort. Le financement des contrats en alternance est en effet renforcé, celui des autres actions de formation à la charge de l'Etat est préservé, et la participation de l'Etat aux dépenses de formation des régions est accrue. Votre objectif est clair : vous souhaitez privilégier l'insertion dans l'emploi marchand par le biais notamment des contrats en alternance, alors que les contrats aidés du secteur non marchand seront, eux, légitimement recentrés sur les publics les plus en difficulté. Il faut surtout éviter de reproduire l'erreur commise par les socialistes entre 1997 et 2002, lesquels n'ont alors mis en _uvre aucune politique de formation et de promotion sociale pour soutenir l'emploi.

La promotion sociale passe par la garantie d'un droit réel à l'emploi et à la formation professionnelle. Ni l'Etat ni les partenaires sociaux ne peuvent se désintéresser de la formation professionnelle, d'autant que maints secteurs souffrent d'une grave pénurie de main-d'_uvre qualifiée. Il appartient à l'Etat de renforcer les interventions institutionnelles dans ce qu'il considère, à juste titre, comme une ardente obligation nationale, et de mieux affirmer la liaison emploi-formation, si souvent prônée mais si souvent négligée.

Réduction du temps de travail, emplois-jeunes et allégements de charges ont certes eu des effets sur l'emploi, mais au prix d'une augmentation de la dépense publique qui a vraisemblablement atteint ses limites au regard des critères de gestion fixés par l'Union européenne.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Tout à fait !

M. Jean Ueberschlag - Le coût de ces mesures qui absorbe durablement une part importante du PIB nuit à terme à la création d'emplois. Et surtout, ces mesures ont quelque temps masqué la nécessité d'une réforme en profondeur de notre dispositif de formation professionnelle, lequel date tout de même de 1971. On a trop longtemps privilégié le traitement social du chômage et négligé la logique même du métier.

Comment remédier à ce contresens social et économique ? Il faudrait tout d'abord prévoir dans le contrat de travail lui-même la double obligation pour l'employeur de former son salarié et pour celui-ci de se former. Cette obligation réciproque devrait figurer dans le code du travail. Cette nouvelle responsabilité partagée ouvrirait la voie au développement de l'alternance tout au long de la vie. Des droits de tirage « formation » devraient pouvoir être cumulés et transférés si besoin d'une entreprise à une autre. Par ailleurs, dans le cadre de la réforme de l'Etat qui va être engagée, un seul grand ministère de la formation initiale et de la formation continue devrait voir le jour. En un mot, emploi et formation devraient conclure un mariage d'avenir et de raison par le biais de l'alternance.

Trop d'argent public a été gâché depuis le début des années 1980 dans des actions pour l'emploi et la formation professionnelle inefficaces. Le gâchis atteindrait la moitié du total !

Notre pays souffre de multiples handicaps en ce domaine. Deux tiers des hommes et trois-quarts des femmes de moins de 25 ans, mais aussi deux cinquièmes des hommes et un tiers des femmes de plus de 54 ans, sont exclus de l'emploi. Alors que notre système éducatif n'a jamais autant délivré de diplômes, jamais nos jeunes n'ont eu autant de difficultés pour s'insérer rapidement et durablement sur le marché du travail. Jamais la pénurie de main-d'_uvre n'a été aussi forte dans certains secteurs alors même que le taux de chômage est très élevé.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean Ueberschlag - Je solliciterai de votre part la même indulgence que celle dont a bénéficié Mme Jacquaint.

Chacun sait désormais qu'au cours d'une vie professionnelle, il lui faudra vraisemblablement changer de qualification, voire de métier. D'où l'importance d'une assurance formation tout au long de la vie et d'une dynamique emploi-formation. On voit là quelle chance s'offre à l'alternance.

Cela étant, tout cela ne servirait à rien si n'était pas parallèlement engagée la décentralisation de la formation. Le futur projet de décentralisation doit être l'occasion d'ouvrir le chantier de la réforme de la loi de 1971, si souvent remis à plus tard par vos prédécesseurs.

L'Etat ne peut se désengager de la formation. Mais sur la trentaine de pôles qui se penchent aujourd'hui, à des titres divers, sur le thème de la formation, une vingtaine le font au niveau national et seulement quatre au niveau régional. C'est pourtant un contresens que d'animer « par le haut » un système dont la vocation est de répondre aux besoins de métiers et de qualifications exprimés « par le bas ». Avec ce fonctionnement pyramidal inadéquat, la décision politique perd en pertinence et en rapidité.

Je me suis attaché dans cette intervention à développer quelques pistes, à moyens constants, dans le triple souci d'une réforme de l'Etat, d'une véritable modernisation sociale de notre pays et de l'ouverture d'un grand marché du travail européen. Décentralisation de l'intervention publique en matière d'emploi et de formation, mise en place de l'assurance formation, généralisation de l'alternance, votre tâche, Monsieur le ministre, est immense. En approuvant ce premier budget, nous exprimons un vote autant de confiance que d'encouragement à votre égard (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Charles Taugourdeau - Ce gouvernement a décidé à la fois de revaloriser le travail et d'en abaisser le coût. Il le fallait car le 21 avril dernier, nos concitoyens ont aussi exprimé le souhait de gagner davantage et surtout de gagner davantage en travaillant qu'en restant chez soi. Ce budget de l'emploi pour 2003 apporte de premières réponses sur ces deux points, et je m'en réjouis. En revanche, je regrette qu'il ne comporte aucune mesure particulière visant à la « déprécarisation » du travail.

Les 35 heures, véritable hold-up opéré sur nos entreprises, ont réduit leur compétitivité et rendu notre territoire moins attractif, comme en témoigne d'ailleurs l'augmentation du volume des importations, sans pour autant avoir d'incidence nette sur la création d'emplois puisque notre pays ne se classe qu'au septième rang en Europe à ce titre. Il était donc urgent, comme vous l'avez fait, d'assouplir les 35 heures. Il n'était pas possible que plus de 11 % des dépenses de personnel d'une entreprise soient ainsi transformées en repos et que les salariés voient de ce fait même leur pouvoir d'achat bloqué, voire amputé, ce qui les amène d'ailleurs à faire grève. Les 35 heures ont eu des conséquences financières désastreuses. Des mesures ont commencé d'être prises, d'autres seront nécessaires. Leur effet a également été néfaste sur le plan psychologique et sur le plan des relations entre salariés et employeurs, notre pays se classant à la soixante-dix-neuvième place sur quatre-vingts de ce point de vue.

Il conviendra également d'accorder de manière plus équitable que ne l'avait fait le précédent gouvernement les aides destinées à alléger le coût du travail. En effet, certaines entreprises ont bénéficié d'aides pour passer aux 35 heures alors que d'autres ont dû le faire sans aucune aide, notamment lorsque la mesure a été généralisée aux entreprises de moins de vingt salariés. Il ne faudra pas non plus oublier le cas particulier des entreprises saisonnières, secteur que je connais bien.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien !

M. Jean-Charles Taugourdeau - Les travailleurs saisonniers sont exclus du bénéfice de la seconde loi Aubry tout en ayant les plus grandes difficultés à obtenir un CDI, puisqu'ils coûtent alors plus cher à leur entreprise. L'une des mesures envisageables dans le budget pour 2004 pour favoriser la signature de CDI dans les entreprises à activité saisonnière serait d'encourager les groupements locaux d'employeurs, notamment mixtes, s'appuyant à la fois sur le régime général et le régime agricole. C'est un outil formidable pour offrir aux travailleurs saisonniers un contrat à durée indéterminée, pour peu que les activités des entreprises du groupement soient complémentaires dans la répartition annuelle de la charge de travail et qu'on ne confonde pas les vrais groupements d'employeurs dont la vocation est de créer des CDI, et ceux qui gèrent des fichiers de saisonniers sans leur offrir aucune perspective d'emploi. Pour développer ce dispositif, peut-être pourrait-on accorder un allégement de charges pour les salariés en CDI dans ce type de groupement ?

Vous avez su mettre fin aux nombreux SMIC légués par la loi Aubry en proposant une harmonisation par le haut. L'augmentation du pouvoir d'achat des salariés sera substantielle
- mais il ne faudrait pas que cette mesure coûte trop cher aux entreprises.

Il est également urgent que les salariés les moins qualifiés puissent mieux gagner leur vie que ceux qui ont choisi de ne rien faire. En France, afficher sa volonté de travailler apparaît comme un anachronisme. Le RMA permettra de s'occuper de ceux qui ont vraiment besoin de la solidarité nationale. Permettre à certains de choisir de ne pas travailler, de cumuler les aides, de gagner plus que ceux qui travaillent et plus qu'un agriculteur en retraite, est-ce là l'image que l'on a souhaité donner de la France ?

Ce budget, novateur, réoriente la politique de l'emploi, opère un recentrage des dispositifs d'insertion pour les demandeurs d'emploi.

La baisse des charges des entreprises était nécessaire, de même que la remise à plat de tous les mécanismes qui, au fil du temps, se sont multipliés au point que plus personne ne s'y retrouve, laissant trop de place à l'interprétation personnelle de l'employeur, de l'employé, ou de l'inspecteur du travail.

Je souhaite que l'on continue d'explorer toutes les mesures permettant de mettre en _uvre une politique optimale de l'emploi, car la meilleure façon de « faire du social », c'est de donner du travail à tout le monde.

Monsieur le ministre, je voterai sans état d'âme votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La discussion générale est close.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Plusieurs remarques ont été faites sur le retard des réponses au questionnaire parlementaire. Le ministre n'a pas d'excuse. Il doit répondre à toutes les questions posées par l'Assemblée nationale, et je me suis efforcé de répondre à cette exigence, inscrite dans la loi organique. Tout ce que je peux dire, c'est que le taux de réponse a été nettement meilleur en 2002 qu'en 2001. Le taux de réponses envoyées le 9 octobre, aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat était de 79 % pour le secteur solidarité et de 68 % pour le secteur emploi : au 18 octobre, ce taux s'élevait à 85 % tous secteurs confondus. En 2001, le taux était à la même date de 35 % et de 45 % au 22 octobre. Nous allons faire tous les efforts possibles pour que l'année prochaine, le taux soit de 100 % (Sourires).

M. Bouvard, M. Fourgous et Mme Montchamp m'ont interrogé sur la mise en _uvre de la loi organique. Je vous ferai la même réponse que M. Mattei, mardi dernier : nos deux ministères se sont dotés d'une méthodologie, d'une organisation, d'une structure de programme.

Il s'agit d'anticiper l'échéance du projet de loi de finances pour 2006, en étant en mesure de rédiger des projets de performance en milieu d'année 2003. Des propositions concrètes pourront ainsi être élaborées pour le PLF de 2004. Certes, nous aurons à travailler sur les indicateurs de résultats.

Je souligne qu'il ne faut pas confondre la liste des agrégats et des chapitres proposés pour le PLF 2003 avec la liste définitive des programmes, au sens de la loi organique. Le PLF pour 2003 n'est qu'une étape préliminaire. Le ministère engagera un dialogue constructif avec le Parlement pour mettre en _uvre la loi organique d'ici 2006.

M. Fourgous, M. Paul et M. Ueberschlag ont évoqué le compte-formation. En décembre 2000, les partenaires sociaux avaient décidé d'engager des négociations sur la formation professionnelle, et en particulier sur l'instauration d'un compte-épargne formation permettant aux salariés d'accumuler du temps rémunéré pour suivre des formations décidées conjointement avec l'entreprise. Mais les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord ; les négociations ont été suspendues le 23 octobre 2001. Les divergences portaient sur l'équilibre entre le salarié et l'employeur dans la prise en charge des coûts de la formation et sur la juxtaposition des dispositifs de co-investissement. Le Gouvernement souhaite que le compte personnel de formation soit rapidement mis en place ; c'est d'ailleurs un engagement du Président de la République. Il n'y a pas d'autre solution qu'un accord entre les partenaires sociaux ; je leur ai donc demandé, par un courrier du 22 octobre dernier, de reprendre les négociations ; et je ne considère pas que la perspective des élections prud'homales constitue un obstacle. Le Gouvernement, en liaison étroite avec le Parlement, fera alors des propositions.

J'ai bien noté que M. Paul me reproche de ne pas avoir prévu, dans ce budget, une réforme profonde de la formation professionnelle. Nous avons eu six mois et vous cinq ans pour le faire ! Je ne suis pas sûr que vous ayez apporté aux partenaires sociaux tout le soutien dont ils auraient eu besoin.

M. Paul, notamment, a évoqué le financement de l'alternance : la dotation inscrite en 2003 pour l'apprentissage s'appuie sur la réduction du nombre de contrats d'apprentissage enregistrée au cours des neuf premiers mois de l'année - moins 7 % -, et sur une prévision de 240 000 nouveaux contrats d'apprentissage conclus en 2003, avec une reprise des flux d'entrée. De même, les dotations arrêtées pour 2003 au titre des contrats de qualification jeunes et adultes prennent en compte la diminution du nombre de contrats de qualification jeunes en 2002 - moins 11 % - et la stagnation du nombre de contrats de qualification adultes au niveau atteint en 2001. En 2003, 135 000 nouveaux contrats de qualification jeunes devraient être conclus, compte tenu des besoins des entreprises en personnel qualifié. Ainsi pour ces différents types de contrats, nous prévoyons une augmentation des entrées par rapport à ce qui aura été constaté en 2002. La dotation du projet de loi de finances permettra d'y faire face.

M. Bouvard a évoqué la mise en _uvre du CIVIS. Le contrat d'insertion dans la vie sociale rompt avec les logiques de l'assistance. Contrairement aux emplois-jeunes, il ne vise pas à subventionner un secteur d'activité, mais à venir en aide aux jeunes qui en ont le plus besoin pour en faire les acteurs de leur propre insertion. Le CIVIS repose sur une logique de responsabilité et d'engagement réciproque entre le jeune et la collectivité. Il s'articule autour d'un projet d'insertion élaboré à l'issue d'une phase d'écoute et d'orientation. L'ensemble des moyens d'appuis prévus par le programme TRACE seront ensuite mobilisés dans la phase de mise en _uvre du projet. Les missions locales joueront un rôle essentiel. Le volontariat civil pourra constituer une voie d'insertion. Les jeunes pourront être employés dans des associations à vocation sociale ou humanitaire.

Il y aura continuité parfaite, contrairement à ce que j'ai entendu, entre la décrue du dispositif des emplois-jeunes et la mise en _uvre du CIVIS - qui sera présenté au conseil des ministres avant la fin de l'année, débattu à l'Assemblée nationale au début de 2003, appliqué dès juillet 2003.

M. Decool a évoqué la politique du Gouvernement à l'égard des associations. Je ne peux que souligner avec lui le dynamisme de notre vie associative. Les associations jouent un rôle essentiel pour mettre en évidence les besoins des plus déshérités et pour y apporter des réponses adaptées. Le Gouvernement est soucieux de donner aux associations les moyens de remplir leurs missions. Il tient à simplifier les démarches administratives auxquelles elles sont astreintes. Les embauches, dans les petites structures, en seront ainsi favorisées. La proposition de M. Decool - création d'un chèque-emploi associatif - a été adoptée par l'Assemblée nationale ; elle doit être adoptée par le Sénat avant d'être mise en application en liaison étroite avec les partenaires sociaux.

M. Vercamer a évoqué la place des plus de cinquante-cinq ans dans l'entreprise. Je veux le rassurer, sur la permanence dans le budget des moyens permettant de faire face aux situations les plus difficiles, mais aussi lui dire combien il est important qu'à ce sujet nous changions de philosophie. Il faut désintoxiquer la société française de cette drogue que sont les retraits anticipés d'activité, que les grandes entreprises, notamment, utilisent comme un mode classique de gestion des effectifs. Très peu de grandes entreprises se livrent à une gestion prévisionnelle des âges, alors qu'elles en auraient les moyens. Il est vital, pour notre pacte social comme pour notre économie, de renverser les priorités. Cela passe par une refonte du système de formation professionnelle, mais aussi par un renchérissement du coût des préretraites.

Il existe aujourd'hui trois systèmes : les préretraites ASFNE liées aux plans sociaux des PME, les CATS, autrefois les préretraites du secteur automobile, enfin les préretraites progressives, avec passage à temps partiel dans un premier temps. La hausse des contributions pour 2003 portera essentiellement sur les préretraites progressives, pour lesquelles le taux moyen passera de 3,6 à 10 %, soit un quasi-triplement. Pour les ASFNE, le taux va augmenter aussi, mais l'effort pèsera en priorité sur les plus grandes entreprises et sur les départs dérogatoires à 56 ans au lieu de 57. Les critères d'attribution ne sont pas modifiés : les secteurs, publics et bassins d'emploi en difficulté, et les PME. Il faut noter d'ailleurs que la plupart des ASFNE sont attribuées dans le cadre de PME en liquidation judiciaire, donc sans contribution des entreprises. Quant aux CATS, il n'est pas prévu de réforme en 2003, mais le problème devra être abordé en 2004.

Mme Montchamp m'a interrogé sur les attentes de nos concitoyens rapatriés et harkis. Nos prédécesseurs avaient significativement réduit les crédits et s'apprêtaient à mettre fin à un certain nombre de mesures. Pour montrer sa volonté de régler les situations les plus difficiles, le Premier ministre a mis en place une mission interministérielle aux rapatriés. Les crédits demandés au titre de ce projet de budget s'élèvent à 14 millions d'euros, soit à peu près le niveau de 2002. Mais ils seront abondés en outre, dans la loi de finances rectificative, par une forte dotation supplémentaire de 19 millions d'euros. Ce qui devrait permettre de faire face à certaines priorités. Tout d'abord la commission nationale d'aide aux rapatriés réinstallés dans des professions non salariées doit pouvoir traiter les nombreux dossiers en instance : 24 millions d'euros seront affectés au plan d'apurement des dettes et 4 millions aux situations les plus difficiles.

L'hommage solennel que le Premier ministre a rendu le 25 septembre aux harkis va être prolongé par une mesure de reconnaissance matérielle : à partir de janvier 2003, la rente viagère, attribuée sous conditions de ressources à la moitié environ des harkis et de leurs veuves de plus de soixante ans, sera étendue à l'ensemble de cette population, ce qui représente un effort de 5,5 millions. La clôture du « plan harki », prévue au 31 décembre 2002, apparaît d'autre part prématurée : 2,2 millions viendront permettre la poursuite de ses mesures.

Mme Montchamp, Mme Boutin, M. Paillé ont soulevé la question de l'insertion des bénéficiaires du RMI. La dotation prévue pour le RMI en loi de finances initiale pour 2002, qui était de 4,4 milliards d'euros, est apparue insuffisante de 300 millions. L'ouverture, dans le collectif de l'été, de 700 millions d'euros a permis de remédier à cette insuffisance, ainsi qu'à celle de l'exercice 2001. La dépense réelle du RMI en 2002 a été d'environ 4,7 milliards. La dotation en loi initiale pour 2003 est de 4,46 milliards. C'est dire que nous devrons mettre en _uvre en 2003 des mesures permettant à certains bénéficiaires de sortir du RMI. Nous partons d'un constat : le volet insertion n'est pas satisfaisant. Une bien faible part des allocataires accède à l'emploi : sur cent bénéficiaires de 1996, un quart seulement avait un travail cinq ans plus tard. Un bénéficiaire sur deux seulement a signé un contrat d'insertion. L'obligation légale annuelle pour les départements de consacrer au volet insertion 17 % de la dépense RMI est très inégalement respectée ; au plan national, les reports cumulés de crédits départementaux d'insertion s'élèvent quasiment à une demi-année.

Que faire ? Vous avez évoqué les difficultés qui naissent de la discontinuité des ressources des personnes qui alternent entre RMI et activité. Pour favoriser le retour à l'emploi, il faut certes maintenir un différentiel suffisant entre revenu de solidarité et revenu d'activité ; mais il faut aussi assurer une évolution sans à-coup des revenus en cas de retour à l'emploi. Certaines mesures existent déjà : la possibilité de cumul RMI-salaire, le maintien temporaire de certains droits connexes liés au RMI en cas de reprise d'emploi. Mais une autre piste à poursuivre est celle qu'a ouverte en 2002 un plan de redynamisation du volet insertion, avec une comparaison entre les résultats obtenus et des objectifs précis, ainsi que le recensement et la diffusion de bonnes pratiques en matière d'insertion. Toutes les mesures existantes dans ce domaine devront être maintenues et renforcées.

Mais je ne crois pas qu'elles soient suffisantes pour produire un changement de dimension dans l'insertion. Il semble donc opportun d'envisager une vraie réforme du dispositif, avec deux orientations. La première est une décentralisation réelle du RMI. Aujourd'hui, l'allocation est gérée par l'Etat et les crédits d'insertion par le département, ce qui crée une confusion des responsabilités. Si le département gérait l'ensemble, il pourrait mieux mettre en _uvre une vraie politique d'insertion pour les publics les plus éloignés de l'emploi. Cette question sera traitée dans le cadre du grand chantier de la décentralisation ; pour ma part, je souhaite un transfert complet du dispositif en 2003.

D'autre part, deuxième volet de cette future réforme, nous réfléchissons à la possibilité d'élargir l'offre de contrats aidés pour les bénéficiaires du RMI, notamment à travers le revenu minimum d'activité dont le Président de la République a souhaité la création. Il s'agirait de proposer aux bénéficiaires un contrat dans le secteur non marchand - associations, collectivités, établissements publics - avec un supplément de revenu. Ceci ne serait qu'une étape, le retour à l'emploi classique restant l'objectif à long terme.

Ces réflexions sont en cours, et les modalités seront débattues - les remarques de Mme Boutin, notamment, contribueront utilement à la réflexion du Gouvernement. Mais l'objectif est clair : faire que le RMI, conformément à l'intention de ses créateurs, ne soit pas seulement une allocation, mais une voie vers l'insertion et l'emploi.

Mme Mignon a eu raison de souligner que la démarche d'insertion dépend autant de la qualité de l'employeur que des motivations de la personne. Même pour les CES, la valorisation du travail est possible, et il ne peut s'agir d'une main-d'_uvre d'appoint à bon marché. C'est pourquoi nous voulons nous appuyer sur des structures associatives qui savent construire la transition vers l'emploi classique.

Enfin, sur la question de l'égalité professionnelle, je laisse la parole à Mme Ameline (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Je remercie tout d'abord Mme Montchamp d'avoir souligné la détermination du Gouvernement en matière d'égalité professionnelle. J'ai bien entendu Mme Jacquaint, et je dois lui donner raison sur le constat : un écart persiste, s'il ne s'est creusé, qui traduit la persistance d'inégalités professionnelle entre les femmes et les hommes. Vous avez évoqué les différences de rémunération, et l'inégalité dans la progression au sein de l'entreprise ou de la fonction publique. Il est donc clair que nous devons donner une nouvelle impulsion à cette politique. J'ai décidé, à l'initiative du Premier ministre, de refaire de l'égalité professionnelle un principe actif de l'organisation sociale de notre démocratie. Et cela non seulement pour d'évidentes raisons de justice, mais parce que la mixité et l'égalité professionnelle sont, j'en suis convaincue, une véritable chance pour notre économie et notre société.

Nous avons donc proposé un plan d'action dont les 25 propositions s'organisent selon quatre axes : encourager résolument la mixité professionnelle dès l'orientation scolaire, soutenir le déroulement des carrières des femmes y compris pour l'accès à la formation continue, réduire les écarts de rémunération, mieux articuler les temps sociaux entre vie professionnelle et vie privée. Vous avez évoqué la nécessaire contrainte législative. Je crois qu'il est moins temps de contraindre que de convaincre, et de rendre toute sa place au dialogue social. Il est indispensable pour l'efficacité même de cette démarche que les partenaires sociaux se la réapproprient. Dans cet esprit je réunirai le 19 novembre le conseil supérieur de l'égalité professionnelle, et j'ai proposé pour le 19 décembre une table ronde que présidera M. Fillon.

Je tenais simplement à rappeler l'engagement et la détermination du Gouvernement, et ma détermination personnelle, face aux difficultés qui font persister l'écart entre l'idéal proclamé et la réalité de chaque jour (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La suite du débat est renvoyé à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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