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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 32ème jour de séance, 83ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 28 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      RAPPEL AU RÈGLEMENT 2

      PROTECTION DES ÉTRANGERS CONTRE
      LES MESURES D'ÉLOIGNEMENT DU TERRITOIRE 2

      EXPLICATIONS DE VOTE 24

La séance est ouverte à neuf heures.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le Président - Je donne la parole à M. Ayrault pour un rappel au Règlement.

M. Jean-Marc Ayrault - Force m'est de constater que si le Gouvernement est représenté par le ministre des relations avec le Parlement, ni le ministre de l'intérieur, ni le ministre de la justice ne sont là. J'y vois un signe politique, qui pose un problème de principe. La question de la double peine revêt une particulière acuité dans le débat public. Le ministre de l'intérieur a pris des positions, que je salue, et déclaré souhaitable que ce problème soit traité dans les six mois. C'est tout à fait réalisable si l'on commence à en débattre dès maintenant, et nous souhaitons prendre part à ce débat dans un esprit de dialogue, en visant à un consensus. Nous saluons d'ailleurs l'initiative de M. Pinte, dont nous sommes prêts à discuter les propositions.

Sans vouloir polémiquer, j'estime que sur des questions qui touchent à la cohésion nationale, les absences de MM. les ministres de l'intérieur et de la justice sont graves, et je vous demande, Monsieur le Président, une suspension de séance pour pouvoir me concerter avec les membres de mon groupe.

M. le Président - Je vous l'accorde, même si elle ne me paraît guère opportune en début de séance. M. Copé, chargé des relations avec le Parlement, et porte-parole du Gouvernement, représente, conformément à la tradition, le Gouvernement dans son intégralité.

La séance, suspendue à 9 heures 5, est reprise à 9 heures 10.

PROTECTION DES ÉTRANGERS CONTRE LES MESURES
D'ÉLOIGNEMENT DU TERRITOIRE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à protéger certaines catégories d'étrangers des mesures d'éloignement du territoire.

M. Christophe Caresche, rapporteur de la commission des lois - Notre proposition de loi vise à protéger certaines catégories d'étrangers des mesures d'éloignement du territoire, en raison de leurs liens familiaux et privés avec la France.

C'est un sujet douloureux et controversé. Comment ne pas être sensible à la situation de ces étrangers qui, ayant purgé leur peine, sont séparés de leur famille, expulsés vers des pays avec lesquels ils ont perdu toute attache, souvent même jusqu'au souvenir de leur langue maternelle ?

Mais comment éprouver de la compassion, diront certains, pour des personnes qui ont commis des actes de délinquance, parfois très graves ?

Au-delà de l'aspect humain et moral, je ferai, pour traiter cette question, appel au droit, et notamment à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. Respecte-t-on ce principe de proportionnalité lorsque l'on impose une sorte de bannissement à un étranger lié à notre pays ? Il s'agit bien là d'une double peine, l'expulsion s'ajoutant à la peine principale.

Mais il faut voir aussi quelle est la place des étrangers dans notre République. Ne doivent-ils pas bénéficier des mêmes perspectives de réinsertion et d'intégration que des Français condamnés, à moins que l'on ne considère le risque de récidive comme inhérent à la nationalité ?

Nous vous soumettons ainsi cette proposition, dans un esprit constructif, avec pour seul objectif de réformer une législation inadaptée. Sans doute est-il regrettable que la gauche n'en ait pas pris l'initiative plus tôt. Du moins cette proposition de loi est-elle dans la ligne de la loi de 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, et de la circulaire du 17 novembre 1997 prise à la suite du rapport Chanet commandé par Mme Guigou. Ces deux textes se sont traduits par une diminution significative du nombre des mesures d'éloignement. La réforme proposée fait d'ailleurs suite aux engagements que nous avons pris pendant la campagne présidentielle et à l'occasion des élections législatives.

Mais ce qui est nouveau, c'est la position de certains membres de la majorité et les déclarations du ministre de l'intérieur, qui semblent ouvrir des perspectives. C'est pourquoi, comme Jean-Marc Ayrault, je regrette que le ministre de l'intérieur ne soit pas présent pour débattre avec nous. C'est au Parlement qu'il appartient de modifier la loi. L'actuelle majorité a longtemps paru fermée à toute évolution et aucun de ses responsables, à commencer par le Président de la République, n'a déclaré au moment des élections vouloir revenir sur la double peine.

Le régime actuel d'interdiction du territoire est issu des lois Pasqua de 1993, qui ont modifié la loi Sapin de 1991. Il y a donc un certain paradoxe à nous reprocher de ne pas avoir modifié des dispositions adoptées par ceux qu'on retrouve dans l'actuelle majorité.

Mais les choses changent. M. Etienne Pinte appelait récemment à débattre de la double peine de façon « dépassionnée, au-delà des clivages politiques ». Nous y sommes prêts. Nous pensions même qu'il était possible dès aujourd'hui, avec notre proposition de loi et d'autres, comme celle de M. Pinte, dont on parle dans la presse mais qui ne sont pas déposées officiellement, de se mettre au travail.

Le ministre a choisi de repousser la discussion des articles et d'annoncer la constitution d'un groupe de travail interministériel. Nous verrons si cette méthode aboutira.

Notre proposition de loi vise à instaurer une protection absolue contre les mesures d'éloignement du territoire concernant certaines catégories d'étrangers qui ont un lien fort et particulier avec la France.

Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe même de l'éloignement. L'interdiction du territoire et l'expulsion ont leur justification. Mais ces décisions nous paraissent contestables lorsqu'elles concernent des milliers d'étrangers qui ont tissé des liens importants avec notre pays.

Les mesures d'éloignement prononcées à leur égard contreviennent manifestement au principe de proportionnalité de la peine et au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention européenne des droits de l'homme. La proportionnalité implique en effet que l'Etat respecte un juste équilibre entre le droit de l'étranger au respect de sa vie familiale et privée et la protection de l'ordre public.

Manifestement, cet équilibre n'est pas trouvé. La France a d'ailleurs déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme. Ainsi, dans la dossier Méhémi, jugé le 26 septembre 1997, la Cour a estimé qu' « eu égard à l'absence d'attaches du requérant en Algérie, à l'intensité de ses liens avec la France et surtout au fait que la mesure d'interdiction définitive du territoire prise à son encontre a pour effet de le séparer de ses enfants mineurs et de son épouse, ladite mesure n'était pas proportionnée aux buts poursuivis ».

Si notre législation prévoit une protection pour les étrangers qui ont un lien fort avec la France, celle-ci s'avère toute relative, qu'il s'agisse de la voie administrative - l'expulsion - ou de la voie judiciaire - l'interdiction du territoire.

L'article 25 de l'ordonnance de 1945 énumère un certain nombre de catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion. Mais l'article 26 dispose que l'exclusion peut être prononcée par dérogation à l'article 25, lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour « la sûreté de l'Etat » ou « la sécurité publique », deux notions floues et ambiguës. Cette disposition, même si elle est appliquée avec discernement, permet de contourner le principe de protection de certaines catégories, qui plus est dans une forme d'arbitraire. Ainsi, lorsque le ministre décide de revenir sur un arrêté d'expulsion pour tel ou tel étranger : pourquoi lui et pas un autre ? C'est ce qui nous conduit à vous proposer de limiter les possibilités d'expulsion aux seuls cas d'espionnage et de terrorisme et donc de supprimer la référence à l'ordre public.

S'agissant de l'interdiction du territoire français, la loi exige déjà une « motivation spéciale » du tribunal lorsque l'étranger appartient à certaines catégories. Mais, dans les faits, cette motivation est bien souvent, comme l'a rappelé la commission Chanet, une « motivation alibi ». C'est pourquoi nous vous proposons d'instaurer pour ces catégories non plus une protection relative mais une protection absolue, en faisant de nouveau une exception pour les actes de terrorisme.

Telles sont, mes chers collègues, les évolutions législatives que nous proposons à la discussion. Nous sommes, pour notre part, disposés dès aujourd'hui à contribuer à mettre fin à des situations humaines dramatiques qui choquent nombre de nos concitoyens. J'espère que ce débat nous permettra d'avancer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement - Je vous prie en premier lieu d'excuser l'absence du Garde des Sceaux, qui participe au séminaire du Gouvernement sur le développement durable. S'il n'est pas d'usage que l'opposition et le Gouvernement fassent assaut d'amabilités, vous n'étiez pas obligé de vous montrer désobligeant à mon égard, Monsieur Ayrault. Je m'exprimerai au nom du Gouvernement et c'est bien la position du Gouvernement dans son ensemble que je vais défendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Par ailleurs, votre empressement à légiférer sur cette question après avoir passé cinq ans au pouvoir a de quoi surprendre.

Le débat sur ce qu'il est convenu d'appeler communément la « double peine » est un débat ancien, particulièrement sensible et juridiquement complexe. Il s'inscrit dans une double problématique : la gestion des flux migratoires et la réponse à apporter aux actes de délinquance commis par des étrangers. Une question de cette importance ne peut être traitée que dans la sérénité.

Le groupe socialiste soumet aujourd'hui à l'Assemblée nationale une proposition de loi destinée à réformer les conditions dans lesquelles les délinquants de nationalité étrangère peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire national, soit dans le cadre de la procédure judiciaire des interdictions du territoire français, soit dans le cadre d'une procédure d'expulsion.

Deux attitudes sont possibles : l'une consiste à légiférer de façon définitive et brutale ; l'autre, qui a notre préférence, vise à nourrir le dialogue.

La faculté qu'ont les Etats d'éloigner les ressortissants étrangers qui méconnaissent leurs lois les plus essentielles, celles qui sont inscrites dans le code pénal, existe depuis fort longtemps en ce qui concerne la procédure d'expulsion. Il s'agit d'une prérogative régalienne dont le principe n'est guère contesté. Cette mesure de police n'est pas subordonnée en droit à la commission d'infractions pénales. Elle n'en est pas moins liée, généralement, à la constatation d'actes de délinquance graves ou réitérés. Elle a les mêmes conséquences pratiques que les mesures d'interdiction du territoire.

La possibilité pour les juridictions pénales de prononcer des peines complémentaires d'interdiction temporaire ou définitive du territoire français, en plus des peines principales, est en revanche plus récente. Introduite dans notre droit en 1970, elle visait au départ les personnes coupables d'infractions à la législation sur les stupéfiants. Depuis cette date, ce mécanisme, désormais dit de « double peine », n'a cessé de s'étendre. Il concerne aujourd'hui près de deux cents infractions pénales. Il faut préciser que la gauche a joué un rôle dans cette extension.

M. Guy Geoffroy - Absolument !

M. le Secrétaire d'Etat - Mais l'extension du dispositif pose des problèmes, quand, par exemple la double peine s'applique à des personnes ayant fondé une famille dans notre pays.

Sur cette question délicate, la proposition qui vous est soumise nous semble inadaptée et prématurée. Le Gouvernement a préféré suivre une démarche pragmatique, fondée sur la concertation. Nous estimons en effet qu'il faut ouvrir un débat sans complexes et sans outrance.

Les partisans d'une réforme de la « double peine » ont le droit d'être entendus. Ceux qui souhaitent le statu quo également.

On ne peut pas nier les conséquences humaines de la double peine. Mais l'éloignement des étrangers délinquants est légitime. Il obéit à une logique d'intégration. Selon cette logique, qui n'est rien d'autre que du bon sens, le respect des lois est sans doute le premier signe d'attachement à la communauté nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). D'ailleurs, toutes les juridictions suprêmes, en particulier le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme, admettent le principe de la double peine. Ils demandent seulement que l'approche soit « circonstanciée et proportionnée » - c'est-à-dire, humaine.

Ces deux points de vue doivent être pris en compte, et autant que possible, conciliés. Toutes les opinions seront donc entendues dans le cadre d'une concertation sereine, sans a priori idéologique.

Le ministère de l'intérieur, en étroite liaison avec le ministère de la justice, a engagé cette concertation depuis quelques jours. Il a notamment reçu le cinéaste Bertrand Tavernier et Bertrand Bolze, responsable de la campagne nationale contre la double peine.

Un groupe de travail interministériel réunissant les ministères de l'intérieur et de la justice, a été constitué. Il s'est réuni pour la première fois avant-hier et se retrouvera tous les quinze jours. Il s'est donné quatre mois pour procéder à un examen d'ensemble de la question et proposer, si nécessaire, des pistes de réforme.

Sur le plan technique, il faudra profiter de ce débat pour se livrer à un examen attentif des voies de réforme envisageables, qu'il s'agisse de la définition des catégories d'étrangers à protéger ou de la définition des infractions graves qui lèveraient toute protection.

Mais il y a une contrepartie à tout cela : si nous devons adopter une attitude humaine et réaliste dans les cas les plus délicats, le souci de l'ordre public nous commande la fermeté dans les autres.

M. Jean Leonetti - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Or, toutes catégories d'étrangers confondues, seulement 60 % des mesures d'expulsion et deux tiers des interdictions judiciaires du territoire sont exécutées, la proportion tombant même à un tiers pour les interdictions du territoire prononcées en raison de l'irrégularité du séjour. Ces insuffisances jettent le discrédit sur la sanction pénale, suscitent un appel d'air qui fait obstacle à la maîtrise des flux migratoires et sont à l'origine d'un sentiment d'impunité. La réflexion lancée par le Gouvernement devra donc s'attacher à y remédier, dans l'intérêt de notre politique d'intégration.

Le Gouvernement entend mener une politique à la fois ferme et humaine. La « double peine » soulève de vraies questions qui méritent mieux que des indignations sélectives ou des déclarations de principes. Or le texte proposé aujourd'hui n'apporte qu'une réponse précipitée et inadaptée.

Précipitée : la suppression de cette double peine faisait déjà partie des 110 propositions de François Mitterrand...

M. Manuel Valls - M. Caresche n'était pas né !

M. le Secrétaire d'Etat - Mais le dossier n'a pas pour autant avancé en quinze ans de gouvernements socialistes. Simplement, une fois retournée dans l'opposition, la gauche se redécouvre une passion soudaine pour le sujet !

Inadaptée : notre attachement à des notions telles que la confiance, le dialogue, le respect et la concertation s'accommode mal de cette réponse brutale, tombée d'en haut.

M. François Loncle - Brutale ?

M. le Secrétaire d'Etat - Nous préférons une méthode plus pragmatique et ouverte. Nous préférons réunir ceux qui sont favorables au statu quo et ceux qui s'y opposent, pour confronter ces points de vue (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). C'est ce qu'ont commencé à faire MM. Sarkozy et Perben, avec, toujours, le souci de concilier préservation de l'ordre public et respect de l'homme.

C'est pourquoi le Gouvernement estime qu'il n'y a pas lieu de délibérer de cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - Notre proposition serait donc inadaptée et prématurée ! Je note pourtant que vous avez eu quelque peine à justifier votre refus de notre proposition de dialogue. C'est sans doute dans la presse de ce matin, plutôt, que se trouve la meilleure explication du jugement que vous venez de porter : si, selon vous, nous sommes trop timorés, c'est parce que M. Pinte, auteur de la seule proposition émanant de la majorité, aurait élaboré un texte beaucoup plus généreux, y compris s'agissant du droit au retour. Les dispositions qu'il suggérerait seraient même d'application rétroactive et il exclurait l'ensemble des infractions, y compris les actes de terrorisme, du champ de l'interdiction de séjour... Eh bien, si telle est la position de la majorité, nous sommes tout disposés à débattre sur ces bases ! Chiche ! Notre proposition n'est pas à prendre ou à laisser et, puisque vous appelez au débat et au rassemblement, organisez-le au Parlement, qui sert à cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Nous n'en sommes qu'à la première lecture, en tout état de cause : dans les quatre mois dont vous dites avoir besoin, rien ne s'oppose à mener parallèlement l'élaboration de la loi et les discussions avec les associations !

Mais en réalité, vos propos n'ouvrent guère de perspectives et ceux qui, dans vos rangs, sont attentifs à cette question devraient même y trouver matière à inquiétude. N'avez-vous pas dit, dans cet exposé auquel vous avez sans doute apporté tous vos soins, qu'une période de réflexion et de concertation était indispensable pour déterminer si, oui ou non, des réformes s'imposaient ? Autrement dit, vous n'êtes pas encore convaincu qu'il faille modifier la loi...

M. Guy Geoffroy - Nous ne sommes pas des idéologues, nous !

M. Alain Vidalies - ... Et nous serions conviés à faire le grand écart entre une proposition isolée, qui n'a d'ailleurs pas encore été déposée mais qui sert à occuper l'espace médiatique, et une promesse de débat à des fins incertaines.

M. Guy Geoffroy - C'est cela la concertation !

M. Alain Vidalies - J'observe qu'au surplus, cette proposition dont nous serions prêts à discuter sera certainement mal reçue par la plupart des orateurs de la majorité, si j'en juge par la liste des inscrits...

Lorsqu'il commet un crime ou un délit, l'étranger qui réside en France peut être renvoyé dans son pays, soit par une décision du juge judiciaire - c'est l'interdiction du territoire -, soit par une décision de l'autorité administrative. Les deux procédures sont habituellement confondues sous l'appellation de « double peine », qui stigmatise le fait d'ajouter à la condamnation pénale cette sanction qui ne vise par définition que les étrangers.

Le principe même de l'interdiction du territoire est apparue dans notre code pénal en 1970 : il s'agissait alors de lutter contre le trafic de drogue mais son champ d'application n'a cessé de s'élargir, au point de concerner aujourd'hui plus de 200 crimes ou délits - à l'exception remarquable des délits financiers !

Notre proposition ne vise pas à supprimer purement et simplement ces deux procédures, mais à prémunir contre des situations dénoncées à juste titre par les associations. Le législateur a d'ailleurs déjà reconnu que tous les étrangers auteurs de délits ne pouvaient être traités de manière identique, distinguant notamment ceux qui sont parents d'un enfant français résidant en France, ceux qui sont mariés depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, ceux qui résident dans notre pays depuis l'âge de dix ans au plus ou depuis plus de quinze ans, ceux dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale et ceux qui souffrent d'une incapacité de plus de 20 %. L'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 protège également plusieurs catégories d'étrangers contre l'expulsion, mais l'article 26 prévoit une dérogation qui rend cette protection très aléatoire : l'expulsion peut être prononcée lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ! Or cette dernière notion n'a jamais été définie.

La même difficulté apparaît, s'agissant de l'interdiction du territoire, la protection pouvant être contournée par le biais d'une motivation spéciale. L'exception est ainsi devenue trop souvent la règle.

À ce flou juridique s'ajoute une confusion permanente entre les rôles respectifs du juge et de l'autorité administrative : ainsi, très régulièrement, même lorsque le premier n'a pas estimé nécessaire de prononcer l'interdiction du territoire, la seconde s'autorise à prononcer une expulsion, sur la base des mêmes faits ! On en arrive ainsi à des situations humainement intolérables.

La double peine entretient également dans l'opinion une confusion perverse entre le délit commis et le défaut d'intégration. Par définition, les étrangers concernés se trouvaient à l'origine en situation régulière, un titre de séjour leur ayant été accordé. Lorsque les liens les unissant à la France sont trop récents ou ne justifient pas une protection particulière, nous ne proposons pas de supprimer l'interdiction du territoire. En revanche, lorsque ces étrangers ont des liens particuliers avec la France, nous demandons qu'on passe pour eux d'une protection relative à une protection absolue. A quoi servirait d'ailleurs de distinguer dans la loi ceux qui méritent une protection particulière si celle-ci demeurait vidée de toute substance par des dispositions dérogatoires dont la rédaction et l'interprétation ne font que révéler l'absence de toute politique pénale ou administrative claire ?

Nous ne proposons pas de modifier la liste des étrangers bénéficiant de cette protection particulière, sauf à y ajouter ceux ayant conclu un Pacs ; nous proposons seulement de leur accorder un droit réel à rester en France, comme l'avait d'ailleurs prévu à l'origine la loi de 1992. La seule exception qui subsisterait concernerait les cas d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, c'est-à-dire l'espionnage et le terrorisme.

Cette modification est nécessaire au regard des engagements internationaux de la France, notamment l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au respect de la vie privée et familiale - la France a d'ailleurs déjà été condamnée sur cette base - et l'article 12-4 du Pacte international sur les droits civils.

Deuxième raison, la double peine condamne, par ricochet, le conjoint et les enfants de l'étranger à être privés de sa présence alors même qu'ils ont le plus souvent la nationalité française.

L'étranger renvoyé dans un pays avec lequel il n'a plus de liens réels n'a de cesse de revenir en France, avec tous les aléas de la clandestinité : c'est le cas, semble-t-il, de 80 % d'entre eux.

Ce constat a été dressé par le rapport Chanet, réalisé à la demande de Mme Guigou, alors Garde des Sceaux. La circulaire qu'elle a ensuite adressée a certes réduit le nombre des expulsions, mais sans changer fondamentalement les pratiques. Il faut modifier la loi et nous avons eu tort de ne pas le faire plus tôt (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). La raison en est notre crainte que l'opinion publique y voit une faiblesse dans la lutte contre l'insécurité - il faut dire que la droite, alors, n'avait pas de mots assez durs contre ce genre d'initiative...

M. Lionnel Luca - On vous a fait peur ?

M. Alain Vidalies - Admettons que les responsabilités sont partagées (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et il serait logique de partager aussi l'élaboration de la solution.

Vous ne pouvez refuser d'examiner toutes nos propositions au seul motif que nous aurions pu les voter quand nous étions majoritaires : ce serait vider de toute portée le droit d'initiative parlementaire !

Aujourd'hui les conditions d'un consensus semblent, ou semblaient, réunies puisque le ministre de l'intérieur lui-même a reconnu la nécessité de modifier la loi.

Bien entendu, notre proposition peut être améliorée par vos amendements (Rires sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - La majorité a le droit d'amender les textes de l'opposition ! Superbe !

M. Alain Vidalies - Ce n'est pas au ministre de l'intérieur de décider seul, sur la base de ses propres critères, qui pourra rester en France et qui sera expulsé. La confusion est à son comble lorsque, après une décision de justice prononçant l'interdiction du territoire, l'autorité administrative s'y oppose par une assignation à résidence avec autorisation de travailler...

Je regrette que la majorité et le Gouvernement refusent d'examiner notre proposition, en dépit des déclarations de M. Pinte. Il est vrai que le message de l'UMP était clair dès lors que son porte-parole était M. Mariani... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Excellent collègue !

M. Alain Vidalies - ...et que vous avez réservé un triomphe aux propos extrémistes de M. de Villiers !

Puisque vous invoquez la concertation à mener avant d'examiner ce texte, votez au moins un amendement décrétant un moratoire sur les expulsions et les interdictions du territoire, comme vous le faites pour la loi sur les licenciements.

M. Lionnel Luca - Quel rapport ? Vous faites fort !

M. Alain Vidalies - Alors le Gouvernement sera crédible dans sa démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Leonetti - Avant de débattre du fond, je souhaiterais souligner que le terme de « double peine » est abusif. Il laisse en effet supposer qu'un sujet subit une peine plus importante qu'un national uniquement parce qu'il est étranger. Or il ne s'agit pas de prononcer deux sanctions à l'encontre d'une personne, mais de compléter la peine par une mesure complémentaire, destinée à protéger la société. Le retrait du permis de conduire, la confiscation d'un objet ou une inéligibilité sont des mesures du même ordre. La « double peine » ne concerne que les étrangers ? Le retrait du permis de conduire ne vise-t-il pas que les conducteurs ?

M. Alain Vidalies - Ça commence bien !

M. Jean Leonetti - Ce que le titre de votre proposition ne dit pas, c'est qu'elle concerne des délinquants. Les étrangers qui respectent nos lois ne risquent pas d'être expulsés, contrairement à ce que ce titre laisserait croire.

Depuis 1970, la législation a subi de nombreuses modifications. En 1999, Mme Guigou a donné instruction aux parquets de veiller au respect de la proportionnalité entre l'atteinte à la vie familiale et privée de l'étranger et la préservation de l'ordre public.

La situation actuelle est-elle satisfaisante pour autant ? On peut en douter face à certains cas humainement difficiles et à des décisions inapplicables, voire contre-productives, car elles poussent les délinquants à la clandestinité et à la récidive.

Nous pensons seulement qu'il n'est pas opportun de légiférer pour plusieurs raisons.

La première est qu'il est mauvais de légiférer dans l'urgence, à partir de cas particuliers, si douloureux soient-ils. La loi est normative et universelle, elle s'adresse à tous et pour longtemps. Il n'est pas bon de la modifier dans un climat émotionnel amplifié par les médias. Aujourd'hui, quelques cas de drames familiaux touchent la sensibilité d'une partie de la population. Mais si un jour un délinquant étranger maintenu sur le territoire récidive, faudra-t-il à nouveau corriger le tir en fonction de l'émotion du moment et des commentaires de la presse ? Que dirons-nous aux victimes ?

Souvenez-vous de la généreuse loi sur la présomption d'innocence, que vous avez été obligés de modifier très vite !

Il faut légiférer dans la sérénité, pour longtemps et pour tous (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

La deuxième raison, c'est que nous pensons que la législation actuelle est bonne dans son principe : il nous paraît normal de renvoyer chez eux des étrangers délinquants. Qu'y a-t-il de pénalisant à rentrer chez soi ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marc Ayrault - Du moins dites-vous tout haut ce que pense l'UMP !

M. Jean Leonetti - C'est Daniel Vaillant qui le disait ! (Mêmes mouvements)

N'oublions pas que neuf fois sur dix ce sont des juges qui décident de cette mesure. Or votre proposition déséquilibre la loi et enlève au juge son pouvoir d'appréciation au cas par cas.

M. Alain Vidalies - Ce n'est pas le juge qui doit faire la loi !

M. Jean Leonetti - Il reste, bien sûr, à assurer la cohérence de la politique pénale sur tout le territoire. Nous sommes pour des instructions générales claires données aux parquets.

Dans certains cas, c'est moins la loi que l'application qui en est faite qui est contestable. Peut-être n'aurions-nous pas connu les faits dénoncés par les associations si les directives de la Garde des Sceaux avaient été scrupuleusement appliquées.

Ne critiquons pas les lois quand elles sont peu ou pas appliquées. Commençons par les appliquer avant de les modifier ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Il y a plus de panache et de retentissement médiatique à faire une loi, et éventuellement à lui donner son nom, qu'à contrôler et réguler. Mais dans notre vieille démocratie, c'est souvent par des réajustements que la loi continue à faire prévaloir l'équilibre entre respect de la personne humaine et protection de la société (M. Guy Geoffroy applaudit).

Le Gouvernement applique un méthode réaliste et empreinte d'humanité. Un groupe de travail interministériel a été mis en place pour évaluer et proposer des modifications. Les associations sont favorables à cette démarche et y seront associées. Les conclusions seront rendues dans quatre à six mois. C'est ainsi que le ministre de l'intérieur a pu déclarer que le débat était ouvert. Cette méthode est réaliste et respectueuse de chacun. Elle semble convenir à ceux qui depuis longtemps militent sur ce thème et qui, si l'on en croit leurs déclarations dans la presse, ne sont pas très favorables à l'initiative du groupe socialiste, qu'ils prennent pour un contre-feu hâtif. Ils soupçonnent les socialistes de vouloir redorer leur blason sur le dos des victimes de la double peine. Quel réquisitoire, de la part des défenseurs de la suppression de la double peine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous essayez de dire que nous sommes tous d'accord, mais ce n'est pas vrai. Dans la méthode d'abord, nous nous imposons d'aborder toutes les questions sans ostracisme et d'effectuer des choix clairs. Nous ne voulons pas d'une législation d'affichage. Mieux vaut une circulaire qui s'applique qu'une grande loi qui encombre. L'enfer est pavé de bonnes intentions !

Nous n'avons pas non plus la même conception de la nationalité. Vous avez créé un lien entre cette proposition et le débat sur le vote des étrangers. Vous dites qu'à l'heure où l'on veut créer une citoyenneté de résidence, on ne peut tolérer la stigmatisation de l'autre pour le simple fait qu'il n'a pas la même nationalité. Vous parlez des « Français de fait ». Mais qu'est-ce donc ? Vous nous avez parlé de citoyenneté locale participative et de citoyenneté de résidence. Mais pour nous, citoyenneté et nationalité sont liées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le véritable problème n'est pas que les étrangers en question soient Français de fait ou non, mais qu'ils soient étrangers de fait dans leur pays. Cela pose le problème de l'immigration, de l'intégration et des valeurs républicaines que nous souhaitons voir adopter par ceux qui viennent vivre sur notre sol. Pour nous, être Français est une démarche volontaire vers ces valeurs. Pour vous, c'est simplement être là et les étrangers, même délinquants, devraient avoir les mêmes droits que les Français !

Pour prévenir la délinquance des étrangers, il faut d'abord lutter contre l'immigration clandestine et favoriser l'adhésion aux valeurs de la République. C'est pourquoi un contrat d'intégration rappelant les droits et les devoirs peut aider les étrangers à s'insérer dans notre pays, mais aussi leur rappeler les risques qu'ils encourent à ne pas respecter nos lois. Car aujourd'hui, après avoir fait des enfants d'étrangers Français sans le savoir, vous faites des étrangers qui ne savent pas qu'ils sont étrangers en France !

M. Jean-Marc Ayrault - Vous êtes contre le droit du sol !

M. Jean Leonetti - C'est un peu facile...

M. Jacques-Alain Bénisti - Démagogie !

M. Jean Leonetti - Vous arrivez dans le débat trop tard, ou trop tôt. En tout cas, trop vite. Nous avons mieux à proposer qu'une proposition de loi mélange de remords et d'excès. Les socialistes ont le droit d'avoir des remords, mais nous ne sommes pas obligés de les absoudre.

Evaluation, dialogue, respect, action, voilà notre méthode pour ajuster une loi qui garde toute sa légitimité. Dans l'idéologie, les propositions précèdent la réflexion. Nous préférons l'inverse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Michel Vaxès - Cette proposition de loi du groupe socialiste reçoit tout notre soutien. Il est grand temps que la France revienne sur les mesures d'éloignement du territoire, qui remontent à 1970. Il n'est pas acceptable, dans le pays des droits de l'homme, que quelqu'un soit condamné une fois pour ses actes et une autre pour sa nationalité. Il n'est pas acceptable qu'un pays qui a ratifié la Convention européenne des droits de l'homme continue à en violer régulièrement les dispositions. Il n'est pas acceptable de pratiquer le bannissement d'hommes et de femmes qui ont toutes leurs attaches dans notre pays. Comment justifier que, pour le même délit qu'un Français, quelqu'un qui vit régulièrement sur notre sol soit expulsé ? Il émane de cette disposition de forts relents de xénophobie.

La double peine viole l'article 4 du protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui affirme le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois pour un même délit. Elle viole également l'article 8 de la Convention, selon lequel toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale.

M. Jacques-Alain Bénisti - Parlez-nous des victimes !

M. Michel Vaxès - La double peine punit en effet l'entourage du prévenu. Elle brise des vies, fait éclater des familles. Elle condamne des enfants, souvent Français, à vivre sans leur père et des femmes à vivre sans leur conjoint. La moitié des condamnés à la double peine ont passé plus de la moitié de leur vie en France, près d'un tiers d'entre eux y sont arrivés avant l'âge de six ans. Six sur dix ont des enfants.

On trouve dans l'ouvrage de Michaël Faure, La double peine, un racisme d'Etat, l'exemple de ce condamné à la double peine dont le père et la mère sont Français. Son père est ancien combattant, il a la croix de guerre, et son grand-père a fait la guerre de 39-45. Ses frères et s_urs sont tous Français. Mais lui, qui est arrivé en France à dix-huit mois, est Algérien... Comme beaucoup d'autres, il va être expulsé vers un pays qu'il ne connaît pas, dont il ne parle pas la langue et dans lequel il n'a aucune attache. Ils sont bannis.

La double peine n'est pas seulement injuste, elle est inefficace. L'argument principal est la protection de l'ordre public, mais la personne expulsée fera tout pour revenir en France pour rejoindre sa famille ! Une fois sur place, elle sera contrainte à une clandestinité qui rendra son amendement et sa réinsertion impossibles. La double peine crée une nouvelle catégorie de sans droits. Vécue comme une injustice par les proches du condamné, elle crée un ressentiment envers la société et ses institutions et menace la cohésion sociale.

Nous n'avons jamais cessé de réclamer l'abrogation de la double peine, comme celle des lois Pasqua. Nous avons déposé des amendements sur tous les textes en discussion, comme récemment la loi du 11mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ou en juillet la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Nos propositions n'ont jamais été retenues.

La discussion de ce texte intervient alors que 68 % des Français sont contre la double peine et un mois après que le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il lui semblait « difficile, même pour des gens au passé judiciaire chargé, de les mettre dehors quand ils ont créé des liens avec la France ». Nous regrettons qu'il ait fallu trente-deux ans pour que cette question soit enfin réexaminée.

Aujourd'hui, le juge n'est tenu de motiver une décision de double peine que dans quelques cas précis : lorsque le prévenu demeure en France depuis de nombreuses années ou qu'il est parent ou conjoint de Français. La proposition de loi n'interdit la double peine que pour ces mêmes cas. Il faut aller plus loin ! D'autant que cette disposition pourrait entraîner des situations ubuesques. Un étranger vivant en France depuis quinze ans et condamné pour un vol de voiture ne pourrait par exemple se voir appliquer la double peine. Mais s'il y vit depuis quatorze ans, il sera expulsé ! Est-ce justifiable ?

Nous préférons défendre une opposition de fond à toute double peine, fondée sur le principe de l'égalité de tous devant la loi, sur la démonstration de l'inefficacité de cette mesure et sur ses dégâts en termes familiaux et sociaux.

Cependant, pour ne pas perdre l'occasion de voir enfin le droit amélioré en la matière, nous avions déposé un amendement prévoyant que, dans tous les cas où le recours à la double peine n'est pas interdit, le juge devrait spécialement motiver sa décision au regard de l'infraction et de la situation familiale de l'étranger. Ainsi complétée, la proposition aurait été à la hauteur des ambitions affichées.

Hélas, cet amendement ne sera pas discuté aujourd'hui, non plus que la proposition elle-même, la commission ayant décidé de ne pas l'examiner. Nous le regrettons, et nous voterons le passage à la discussion des articles. Pour autant, nous avons certes pris acte des déclarations du ministre de l'intérieur, et nous serons extrêmement vigilants lorsque le projet annoncé sera soumis à la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Philippe Folliot - La difficulté d'application des textes en vigueur crée une situation insatisfaisante, qu'il faut corriger. Mais quand, et comment ? On constatera que le parti socialiste, pourtant au pouvoir pendant cinq ans (« Quinze ans ! » sur les bancs du groupe UMP) ne s'est pas préoccupé de faire évoluer le droit. Mais curieusement, il profite d'une niche parlementaire pour évoquer la question au moment même où le Gouvernement manifeste sa volonté d'ouverture...

Les représentants de la gauche dite morale...

M. Manuel Valls - Mieux vaut une gauche morale qu'une droite immorale !

M. Philippe Folliot - ... feraient bien de se demander pourquoi Bertrand Tavernier et Bernard Bolze se sont dits indignés par cette man_uvre politicienne !

M. François Loncle - Caricature !

M. Philippe Folliot - Il y a de quoi ! Pour dissimuler ses carences passées, l'opposition actuelle se croit autorisée à donner des leçons de morale !

M. Guy Geoffroy - La ficelle est un peu grosse !

M. Philippe Folliot - Or, non seulement les conditions d'expression proposées sont évidemment trop restrictives, mais encore la prise en compte des liens familiaux des étrangers auteurs de crimes ou de délits graves poserait problème : pourquoi seraient-ils davantage protégés que ne le seraient des étrangers célibataires ayant commis des actes moins graves ? A l'évidence, la proposition est mal formulée. Quant à prévoir qu'un étranger coupable de trafic de stupéfiants ne pourrait plus être expulsé, c'est tout simplement scandaleux, d'autant que bon nombre de trafiquants sont d'origine étrangère (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) comme le montrent les statistiques.

Il faut rappeler avec fermeté que tout étranger présent sur notre territoire a des droits mais aussi des devoirs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). D'ailleurs, il me semblerait parfaitement normal qu'un Français ayant commis, à l'étranger, un crime ou un délit grave soit renvoyé vers son pays natal.

M. Alain Vidalies - Avec une pareille majorité, mieux vaut encore que l'on s'en tienne au texte actuel ! Que le ministre de l'intérieur arrête tout !

M. Philippe Folliot - Gardons-nous d'oublier les victimes ! Le groupe UDF et apparentés considère que la fermeté doit prévaloir et qu'il faut donc réaffirmer que les étrangers, comme les Français, doivent respecter la loi au risque, pour eux, d'être expulsés s'ils ne le font pas.

M. Guy Geoffroy - Bien sûr !

M. Philippe Folliot - Mais être ferme ne dispense pas de faire preuve d'humanité. Il faut donc modifier les textes pour distinguer, parmi les étrangers auteurs d'actes criminels ou délictueux, ceux qui sont arrivés depuis peu et qui méritent d'être expulsés de ceux qui, en France depuis des décennies, n'ont plus de liens avec leur pays d'origine.

M. Jacques-Alain Bénisti - Et leur donner le droit de commettre des délits ? (M. Maxime Gremetz proteste)

M. Philippe Folliot - Le Gouvernement se penche sur la question ; laissons-lui le temps de trouver une solution...

M. Alain Vidalies - A vous entendre, on comprend qu'il lui en faudra beaucoup !

M. Philippe Folliot - ...conciliant fermeté et humanité. L'opposition, qui ne perd pas une occasion de prolonger les débats...

M. Maxime Gremetz - Pratique que vous connaissez bien !

M. Philippe Folliot - ...ne cesse de demander des renvois en commission. C'est ce qu'aurait fait le groupe UDF...

M. Jean-Marc Ayrault - Mais faites-le donc ! Ne vous gênez pas !

M. Philippe Folliot - ...pour donner à la commission l'occasion de trouver une formulation plus équilibrée. Mais le Gouvernement s'étant saisi de la question avant que la proposition ne soit présentée, le groupe UDF s'associera au projet annoncé, qui conciliera à coup sûr des principes nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Manuel Valls - Mon intervention prolongera évidemment ce que j'ai dit mardi à propos du droit de vote des résidents étrangers non communautaires puisque, dans ce cas, notre objectif est de recréer une sorte de confiance entre les étrangers et la nation.

La double peine, progressivement introduite dans notre droit à partir des années 1950, est une incohérence qui a eu pour conséquence une inégalité de traitement et donc une injustice qu'il faut supprimer.

M. Jean Leonetti - Voilà qui est clair !

M. Manuel Valls - Certains reprochent au groupe socialiste de n'avoir pas mené à bien la réforme nécessaire au cours de la précédente législature. Mais s'il fallait légiférer sur toutes les promesses non tenues, et particulièrement sur celles d'un certain candidat, plusieurs législatures n'y suffiraient pas ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Christine Boutin - C'est petit !

M. Manuel Valls - S'agissant du droit de vote des étrangers, nous aurions, nous le savions, été bloqués par la majorité du Sénat, sans laquelle aucune révision constitutionnelle ne peut se faire. S'agissant de la double peine, même si nous n'avons pas tout fait, nous avons, avec la loi Réséda de 1998, corrigé l'esprit de la loi de 1993 et, par la circulaire du 17 novembre 1999, considérablement atténué le champ d'application de cette disposition.

Le candidat Lionel Jospin, sentant que nous n'étions pas allés assez loin, avait annoncé, lors de la campagne électorale, sa volonté, s'il était élu, de supprimer la double peine.

M. Guy Geoffroy - C'est une des raisons qui expliquent qu'il ait été battu !

M. Manuel Valls - Autant dire que nous proposons aujourd'hui, dans l'opposition, ce que nous aurions fait si nous avions été reconduits au gouvernement. Notre souci est le même : garantir la dignité de tous, et en finir avec ces déchirures familiales que personne ne peut nier.

Cela ne veut pas dire que nous faisions preuve de laxisme !

M. Guy Geoffroy - Non ! D'irresponsabilité !

M. Manuel Valls - Faites-en donc le reproche à MM. Sarkozy et Pinte !

Il s'agit au contraire de garantir avec fermeté l'égalité de tous devant la loi. Le principe de la double peine est terrible, en ce qu'il crée un sous-droit pour des sous-résidents. Inhumaines, les mesures d'éloignement sont de surcroît inefficaces car les parents ou les enfants n'ont de cesse de revenir en France par tous les moyens, pour retrouver leur famille.

M. Jacques-Alain Bénisti - Ils n'avaient qu'à respecter la loi !

M. Manuel Valls - Contraints, une fois revenus illégalement, à vivre dans la clandestinité, ils retombent trop facilement dans la délinquance.

Si la restauration de l'ascenseur social, l'ouverture de la fonction publique, la lutte contre les discriminations, le droit de vote pour tous les résidents participent d'une politique d'intégration, la suppression de la double peine est un symbole fort, qui contribuerait à instaurer la confiance entre la France et ses étrangers. Pour redonner un sens au « vivre-ensemble », il faut mettre fin aux statuts de seconde zone.

On nous dit aujourd'hui que la droite et le Gouvernement seraient enclins à reprendre des thèmes dits « de gauche »...

M. Jean Leonetti - Eh oui ! C'est nouveau !

M. Manuel Valls - ...alors que nous aurions été trop timorés. Une nouvelle droite, ferme mais généreuse, serait née...

M. Guy Geoffroy - Et surtout claire et responsable !

M. Jean Leonetti - Cela vous fait mal !

M. Manuel Valls - Mais, alors qu'il serait urgent, tout ayant été dit déjà sur la question, de prendre des décisions, on se concerte, on attend, on essaie de gagner du temps...

L'opinion publique est prête aujourd'hui, comme sur le droit de vote, à entendre ce message de justice. Le sera-t-elle encore demain ? La démarche de M. Pinte ne connaîtra-t-elle pas le même sort que celle de M. Jego ? Les interventions de l'UMP et de l'UDF, ce matin, laissent craindre, hélas, que la droite la plus dure ne l'emporte. Je crois que certains, hors de l'hémicycle, ne se fassent des illusions, ayant oublié que la droite reste la droite, et que ce combat - juste - reste celui de la gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Guy Geoffroy - Ils n'ont pas changé !

Mme Christine Boutin - Ils défendent leur chasse gardée !

M. Etienne Pinte - Non content d'avoir choisi une procédure inadaptée pour un sujet aussi sensible que le droit de vote des étrangers, le groupe socialiste récidive sur le dossier, ô combien délicat de la double peine (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Pourquoi tant de précipitation, alors qu'ils n'ont rien fait pendant cinq ans ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés UMP - Quinze !

M. Etienne Pinte - Pardon ! J'oubliais les milliers d'hommes que vous avez renvoyés dans leur pays d'origine, sans distinguer entre ceux qui constituaient une menace pour l'ordre public et les autres. Vous avez brisé des familles et des couples, condamné des milliers d'enfants à devenir des orphelins sociaux.

M. François Loncle - Qu'attendez-vous, alors ?

M. Etienne Pinte - Pourquoi ce revirement ? Pourquoi tant de hâte ? Vous n'avez pas même pris la peine de consulter les associations qui travaillent depuis des années sur ce sujet, d'où votre proposition incomplète, qui reflète votre ignorance du problème. Vous découvrez aujourd'hui l'étendue des dégâts humains que vous avez causés - la responsabilité politique ne saurait connaître de sujet tabou, ni s'abriter derrière des attitudes « politiquement correctes ». C'est tout à l'honneur de la droite d'avoir eu le courage d'ouvrir ce dossier (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Saluons la CIMADE, mais aussi le cinéaste Bertrand Tavernier dont le film bouleversant nous interpelle. Saluons encore l'intelligence de M. le ministre de l'intérieur, qui a rencontré vendredi les responsables de la CIMADE, et à qui je suis heureux d'avoir pu apporter mon concours.

La double peine consiste à ajouter à une condamnation pénale une interdiction du territoire national et une expulsion, quelles que soient l'infraction commise et l'histoire personnelle ou familiale du prévenu. J'ai été profondément choqué d'entendre M. Vaillant prétendre que la double peine n'est pas une peine supplémentaire, qu'elle n'est qu'une sanction annexe, comparable à un retrait de permis de conduire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - M. Leonetti l'a dit aussi !

M. Etienne Pinte - De telles comparaisons sont indignes lorsqu'il s'agit de la vie des hommes ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Prenez le cas, fort médiatisé de cet homme, d'origine algérienne, M. Chérif Bouchelaleg, arrivé en France à l'âge de 11 ans, marié à une Française, père de six enfants français et menacé, comme tant d'autres, d'être expulsé alors qu'il n'est accusé ni de terrorisme, ni d'atteinte à la défense nationale, ni d'espionnage, ni de crime contre l'humanité. N'auraient-ils pas droit au pardon, tous ces hommes qui sont algériens, tunisiens, espagnols, portugais, marocains, turcs, qui sont arrivés très jeunes en France, ont épousé pour la plupart une Française, ont eu des enfants français, et qui, pour la plupart, n'ont plus d'attache culturelle ou familiale avec un pays dont ils ne maîtrisent pas - ou plus - la langue ? Certes, ils ont commis des délits, mais ils ont purgé leur peine. Est-il besoin d'en rajouter ? Pensez à ces enfants que l'on prive de père, à ces femmes que l'on prive de mari ! Il n'est que temps de mettre fin à ces situations.

M. le ministre de l'intérieur a déjà mis en place des groupes de travail, en collaboration avec les associations. Il s'est engagé, de surcroît, à étudier chaque dossier, et je le remercie publiquement d'avoir accordé l'assignation à résidence à M. Bouchelaleg, alors que M. Vaillant avait refusé le bénéfice de la même mesure à M. Abidi.

Un député UMP - Eh oui !

M. Etienne Pinte - Mais il ne suffit pas d'énumérer des cas particuliers : il faut prendre des dispositions générales. Aussi déposerai-je, à l'issue de mon intervention, une proposition de loi, dont je vais vous exposer les grandes lignes.

M. le Rapporteur - Il fallait la déposer avant !

M. Etienne Pinte - Je n'avais pas du tout envie de la mêler à la vôtre, qui est incomplète et de circonstance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Je propose de supprimer la double peine pour les étrangers qui entretiennent des liens forts avec la France, et qui sont aujourd'hui menacés, après une première condamnation, d'une peine d'interdiction du territoire, prononcée par le juge judiciaire pour plusieurs années, voire à perpétuité.

Une telle peine est comparable à un véritable bannissement.

Une des spécificités du système français est de faire coexister des mesures administratives d'éloignement destinées à prévenir toute atteinte à l'ordre public, et des décisions judiciaires, l'autorité administrative exerçant dès lors un véritable pouvoir de police. L'interdiction du territoire français, introduite dans notre législation en 1970, visait à l'origine des étrangers condamnés pour de graves infractions à la législation des stupéfiants. Les socialistes l'ont étendue en 1992, à plus de deux cents infractions en matière d'atteinte aux personnes, aux biens, à la nation, à l'Etat et à la République.

Certes, le juge est obligé, en théorie, de motiver spécialement sa décision au regard de la gravité des faits et de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, mais en réalité la plupart des condamnations s'accompagnent quasi-automatiquement d'une interdiction du territoire. Ainsi, l'expulsion peut être prononcée même si l'étranger n'a commis qu'une infraction légère et qu'il vit en France depuis son enfance.

Selon le rapport Chanet, l'application mécanique du dispositif n'était pas prévue par les textes. Elle constitue un pouvoir arbitraire du juge et est contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. En outre, le droit communautaire et la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes s'opposent à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise comme conséquence automatique d'une condamnation pénale.

Il est par ailleurs difficile d'obtenir le relèvement d'une mesure d'interdiction du territoire, les articles 701, 702-1 et 703 du code de procédure pénale prévoyant des conditions de recevabilité très restrictives. Ainsi, le relèvement n'est possible que pour les peines complémentaires ce qui exclut de son bénéfice celles prononcées à titre principal ; or, le prononcé d'une peine complémentaire en guise de peine principale s'analyse comme une mesure de clémence. Qui plus est, il ne peut être fait droit à une demande de relèvement que si l'intéressé réside hors de France, à moins qu'il n'y purge sa peine ou y soit assigné à résidence. Enfin, une fois l'interdiction du territoire arrivée à son échéance, l'étranger aura les plus grandes difficultés à obtenir un visa pour revenir en France.

Je propose donc de modifier l'article 131-30 du code pénal, pour que ne soient plus passibles d'interdiction du territoire les étrangers relevant des catégories de personnes protégées, et pour que soit ouvert un droit au retour à ceux qui ont fait l'objet de telles condamnations, sauf dans les cas de crime contre l'humanité, de terrorisme, d'espionnage ou d'atteinte à la défense nationale.

Je propose aussi de revoir les articles 25 et 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour encadrer de la même manière les mesures d'expulsion. Je souhaite encore la modification de l'article 28 de cette ordonnance, afin d'assouplir le régime de l'assignation à résidence, de la limiter dans le temps et de reconnaître aux personnes assignées le droit de travailler.

Il faut enfin supprimer l'obligation de se trouver hors de France pour demander le relèvement, et rendre cette demande possible quand la mesure d'éloignement tient lieu de peine principale.

Je suis heureux que le ministre de l'intérieur nous ait promis de nous faire part rapidement du résultat de ses réflexions. Je souhaite que tous les parlementaires soient parfaitement informés avant de légiférer. C'est pourquoi je demande au Président de l'Assemblée nationale d'organiser une projection du film de Bertrand Tavernier (Interruptions sur quelques bancs du groupe UMP). Et je forme le v_u que tous ceux qui tiennent entre leurs mains le destin de familles entières entendent le message de Claude Chabrol : « Ayez pitié des enfants dont on condamne les parents ! » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - Vous êtes bien seul, Monsieur Pinte !

M. Etienne Pinte - C'est mon honneur.

M. Guy Geoffroy - Cela montre que nous sommes gens de débat ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Nous sommes nombreux à avoir été choqués par des mesures séparant deux époux ou un parent de ses enfants. Comment ne pas y voir le mépris de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit le respect de la vie privée et familiale ?

M. Jacques-Alain Bénisti - Et le respect des victimes ?

Mme Martine Billard - Comment ne pas voir là une injustice faite aux enfants ?

L'assignation à résidence a permis de faire un petit progrès, mais il s'agit d'une solution peu satisfaisante puisque la personne assignée, si elle demeure en France, y vit dans la plus grande précarité, le droit à l'emploi lui étant refusé.

L'organisation de ce débat montre que la représentation nationale ne peut plus ignorer la souffrance de ces familles qu'on sépare (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Et celle des victimes ?

Mme Martine Billard - Mais je regrette que le précédent gouvernement n'ait pas voulu légiférer (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) de sorte que nous examinons aujourd'hui au pas de course une proposition incomplète. Les modifications qu'il faudrait apporter à la loi doivent être étudiées plus finement, avec les associations, car la législation en la matière ne sera pas, nous en sommes conscients, modifiée deux fois au cours de la législature. Aussi les députés Verts s'abstiendront-ils (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Je m'inquiète par ailleurs de certains propos tenus par les orateurs de la majorité, au sein de laquelle la clarté ne règne pas (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), c'est le moins que l'on puisse dire. D'aucuns n'hésitent pas à parler d'« étrangers délinquants », alors que toute personne, française ou étrangère, ne doit plus être considérée comme délinquante une fois sa peine accomplie. A moins que les étrangers ne soient délinquants à vie ?

M. Jacques-Alain Bénisti - Vous n'êtes pas au courant de ce qui se passe ! Les peines ne servent à rien !

Mme Martine Billard - Si les directives des gouvernements sont restées sans effet depuis deux décennies, c'est bien qu'il faut changer la loi. La double peine, juridiquement présentée comme une peine complémentaire, est contraire à ce principe fondamental du droit français, qui veut qu'on ne peut être condamné deux fois pour le même délit. Comment peut-on comparer au retrait du permis de conduire l'impossibilité de mener une vie de famille ? Un peu de pudeur !

M. Jean Leonetti - Il ne s'agit pas des mêmes faits !

Mme Martine Billard - Un accident de la route est souvent la cause de décès !

La proposition que nous examinons vise à interdire le prononcé de mesures d'éloignement lorsque l'étranger est marié ou signataire d'un PACS, ce qui constitue une avancée que nous saluons. Mais il faut songer aux attaches hors mariage, ainsi qu'au mariage ou au PACS entre deux étrangers. Il ne faut pas qu'il soit possible, dans ces différents cas, d'expulser quelqu'un vers un pays qui lui est, de fait, inconnu.

Nous nous abstiendrons donc, ce qui ne signifie pas que nous ne serons pas attentifs à la suite de ce débat, dans la société et dans l'hémicycle.

M. Jean-Pierre Grand - Mardi, nous examinions une proposition socialiste sur le droit de vote des étrangers. Aujourd'hui, nous examinons une nouvelle proposition socialiste, pudiquement appelée « proposition de loi tendant à protéger certaines catégories d'étrangers des mesures d'éloignement du territoire », qui en fait vise à abolir toute possibilité d'expulsion de ressortissants étrangers ayant commis de graves délits sur notre territoire.

Vous déposez aujourd'hui ces propositions qui ont peu de chances d'aboutir alors que vous avez eu pendant quinze ans la majorité, quinze ans durant lesquels vous n'avez pas trouvé les moyens ou la volonté d'intégrer ces mesures dans votre politique. Ne soyez donc pas étonnés si les électeurs ne vous prennent plus au sérieux ! A cet égard, il est intéressant de lire dans L'Humanité, qui rend hommage au Gouvernement pour avoir ouvert le débat, cette déclaration de Bertrand Tavernier à propos de la proposition socialiste : « C'est un contre-feu hâtif pour avoir l'air de faire les malins » (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Vous proposez en fait de supprimer une sanction complémentaire, l'expulsion, que vous considérez, pour des raisons idéologiques, comme une double peine.

L'émoi suscité, l'an passé, par l'affaire d'un ressortissant algérien qui devait être renvoyé dans son pays d'origine à l'issue de sa peine de prison a relancé ce débat. Mais on oublie toujours de dire qu'il s'agissait d'un trafiquant de drogue.

Mme Martine Billard - Il avait accompli sa peine !

M. Jean-Pierre Grand - Madame, on ne peut à la fois défendre la famille et les trafiquants de drogue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Doit-on abolir cette sanction complémentaire ? Ma réponse est résolument non. S'agit-il d'une double peine ? Ma réponse est résolument non.

Nul ne peut ignorer les conséquences qui s'imposent à tous, dès lors qu'une condamnation est prononcée.

L'automobiliste qui commet une faute de conduite, voire un accident, peut être condamné à une amende, à un retrait de permis et même à de la prison ferme.

L'élu qui commet un délit peut être condamné à une amende et à une peine de prison ferme ou avec sursis ; il encourt même une inéligibilité.

Il ne viendrait à l'esprit de personne de parler à ce propos de double ou de triple peine ni, a fortiori, de s'en émouvoir !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Alors n'invoquez pas M. Tavernier, qui dit le contraire !

M. Jean-Pierre Grand - Est-il juste de hurler au bannissement ou de protester contre une atteinte aux droits de l'homme lorsqu'on expulse un étranger auteur de délits graves? D'un rapport remis à Mme Guigou, il ressort qu'environ 75 % des interdictions du territoire sanctionnaient des situations irrégulières, et le reste des infractions à la législation sur les stupéfiants ou le vol et le recel aggravés. Cette réalité ne s'accommode pas de l'angélisme. Pourtant, pour refuser toute expulsion, on s'obstine à faire valoir, soit le fait que ces étrangers délinquants ont une famille et sont intégrés, soit qu'ils résident depuis longtemps en France et n'ont plus de liens avec leur pays d'origine. Mais, lorsqu'on a la chance d'avoir une famille, ne désire-t-on pas la protéger ? On évite alors de sombrer dans le grand banditisme ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Quant à ceux qui résident en France depuis de nombreuses années, que n'ont-ils sollicité leur naturalisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mais, s'agissant souvent de trafiquants de drogue, poser la question, c'est y répondre...

Il faut enfin rappeler que l'article L. 131-30 du code pénal permet aux magistrats d'apprécier l'opportunité d'une peine d'interdiction du territoire en fonction de la gravité des faits et de la situation personnelle de l'intéressé. Voter cette proposition équivaudrait à rendre quasi impossible l'expulsion d'étrangers coupables de délits graves. Nous n'avons pas été élus pour cela et je rejetterai donc ce texte par mon vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Rejetterez-vous aussi la proposition de M. Pinte ?

M. Thierry Mariani - Un ami me citait mardi un proverbe africain : « Quand, dans la forêt, tu passes deux fois devant le même arbre, c'est que tu es perdu ! ». Eh bien, vous êtes perdus : n'avez-vous pas, dans la même semaine, présenté deux propositions de loi, l'une pour donner le droit de vote aux immigrés, l'autre pour supprimer la double peine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Manuel Valls - Et quand le sage montre la lune, Mariani regarde le doigt !

M. Thierry Mariani - Espérez-vous régler quelque problème que ce soit par ces propositions médiatiques et politiciennes ? Et comment peut-on vouloir légiférer en même temps sur l'interdiction du territoire, peine prononcée à l'issue d'une procédure pénale, et sur l'expulsion, mesure administrative d'éloignement des étrangers dont la présence constitue une menace grave pour l'ordre public ? Mais puisque vous ne parlez que de « double peine » dans la presse, je ferai de même ici...

Souvent, la vérité vient de vos amis. Dans Libération, il y a quatre jours, on parlait à votre propos de « précipitation opportuniste », de tentative déshonorante, et on rapportait des propos de M. Tavernier sur l'inconvenance qu'il y a à redorer son blason sur le dos des victimes de la double peine ! Quant à Bernard Bolze, « responsable » de la CIMADE, il vous appelait à ne pas faire de cette question un usage politicien. C'est pourtant ce que vous faites ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La peine d'interdiction du territoire instituée par l'article L. 131-30 du code pénal est, faut-il le rappeler, prononcée par un tribunal correctionnel ou par une cour d'assises après une déclaration de culpabilité. D'autre part, le problème est loin d'être marginal, puisqu'en 2001, selon une réponse que m'a faite Mme Guigou, 23,4 % des personnes incarcérées en France étaient étrangères, alors que la population étrangère ne représente que moins de 7 % de la population totale. Cette proposition que vous voudriez imposer à la hâte concernerait donc potentiellement le quart de la population carcérale !

Vous parlez de peine double : nous, non ! Dans votre exposé des motifs, vous citez le cas d'un étranger coupable d'un « simple trafic de cannabis » : oubliez-vous que le trafic de stupéfiants est puni de dix ans d'emprisonnement et de 7,5 millions d'euros d'amende ? Peut-on parler de « simple trafic » à propos d'un trafic international de stupéfiants en bande organisée, puni de trente ans de réclusion criminelle ?

M. Guy Geoffroy - Pour eux, c'est une broutille !

M. Thierry Mariani - L'étranger reconnu coupable d'un crime ou d'un délit a trahi notre confiance, et c'est pourquoi l'interdiction du territoire est prononcée à son encontre. En effet, il n'a pas respecté les obligations qui lui incombent comme à tout citoyen français. Certes, en attendant le contrat d'intégration, ces obligations ne sont pas écrites, mais elles n'en existent pas moins. En venant s'installer en France, un étranger doit savoir qu'il s'engage à respecter la loi française et notre ordre public.

Cette peine justifiée, et qui n'est pas double, a été instituée par la loi du 31 décembre 1970 qui aggravait la répression du trafic de stupéfiants. Des lois postérieures en ont étendu l'application à d'autres délits : en particulier celle du 29 octobre 1981, aux cas de récidive d'infraction aux règles d'entrée et de séjour en France ! En 1991, la loi Sapin a certes empêché le prononcé de cette peine pour les étrangers ayant des liens étroits avec la France mais, le 1er mars 1994, le nouveau code pénal a porté le nombre des infractions punies de la « double peine » à plus de 200 ! Or ce code était issu des lois du 22 juillet 1992 - vos lois !

M. le Rapporteur - Des lois de 1993 !

M. Thierry Mariani - Il vous aura donc fallu dix ans pour constater qu'il y avait problème !

En août 1993, la droite, pragmatique, décide que le juge pourra prononcer une interdiction du territoire contre un étranger protégé s'il la motive spécialement. Revenus aux affaires, que faites-vous ? En 1998, vous étendez un peu plus le champ de l'interdiction du territoire. M. Jospin et Mme Guigou commandent deux rapports : le premier conduit à la loi du 11 mai 1998 qui crée deux nouvelles catégories d'étrangers protégés, et le second, le rapport Chanet, vous conduit... à prendre une circulaire ! Quelle efficacité ! Une fois de plus, vous vous serez moqués des étrangers (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Pendant cinq ans, vous n'aurez pas trouvé la moindre occasion de modifier la loi.

Pour notre part, nous évitons les effets d'annonce (Mêmes mouvements).

M. Alain Vidalies - C'est insupportable ! Vous êtes un extrémiste !

M. Thierry Mariani - Le ministre de l'intérieur a choisi de réfléchir sérieusement avant d'agir, s'entourant d'experts et constituant un groupe de travail.

M. Alain Vidalies - Et vous étiez sérieux, vous, à Bagdad ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Mariani - J'y occupais une chambre qui avait été celle de M. Chevènement, deux semaines auparavant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Loin de ce pragmatisme, votre proposition ne garde, des deux cents infractions de votre nouveau code pénal, que les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation et les actes de terrorisme ! Autant dire que vous voulez abolir l'interdiction du territoire...

Je suis résolument contre cette abolition (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais pour une application humaine de cette sanction. Cohérent avec moi-même, j'ai, sous la précédente législature, déposé une proposition visant à rendre automatique l'expulsion des étrangers condamnés pour crimes et pour trafic de stupéfiants et je la redéposerai. On ne peut en effet prétendre lutter contre le trafic de drogue et maintenir sur notre territoire les étrangers qui s'y livrent !

Je ne participerai donc pas à votre man_uvre politique. Me félicitant de la démarche constructive du ministre de l'intérieur, j'attends aussi que nous fassions respecter l'ordre républicain, avec humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Intervenant le dernier, je répéterai inévitablement certains propos et je vous prie de m'en excuser.

Si l'on peut reconnaître un mérite à cette proposition, c'est de donner une réponse à une question que tous se posaient : ses auteurs sont-ils ou non sincères ?

La question se posait en effet quand, pouvant s'appuyer sur l'une des 110 propositions de 1981, on n'a rien fait pour la traduire dans les faits pendant quinze ans, soit pendant trois législatures complètes - celles qui, en 1981, 1988 et 1997, ont succédé à trois dissolutions. Que nos collègues socialistes, après tout ce temps, décrètent l'urgence de légiférer, voilà qui est pour le moins suspect !

On peut également s'interroger sur cette sincérité lorsque, malgré un « Chiche ! » en commission, on constate que notre rapporteur n'a pas ce matin dit un seul mot des propos qu'y avaient tenus les orateurs de la majorité, ou lorsque l'on entend un orateur socialiste dire, en substance, qu'en démocratie, pour aboutir à quelque chose, mieux vaut agir immédiatement qu'ouvrir un débat ! Nous connaissions ce mot prononcé en 1981 par un hiérarque de la république socialiste naissante : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires ! ». Une autre formule fera désormais florès : « Nous avons raison parce que nous sommes socialistes, même si nous sommes minoritaires ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - C'est pitoyable ! (Protestations sur les mêmes bancs)

M. Guy Geoffroy - La sincérité des auteurs de cette proposition n'est donc pas établie. Ils ont d'ailleurs reconnu eux-mêmes que ce n'était qu'un coup politique, pour se refaire une santé, dans la foulée de la proposition sur le droit de vote des étrangers (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Dans cette affaire, il y a deux méthodes. La première, la vôtre, est pitoyable : c'est le passage en force pour contraindre d'autres à réaliser les promesses que vous n'avez pas tenues (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). La seconde, celle du Gouvernement, c'est de rechercher l'équilibre entre le respect de l'ordre public et celui de la dignité des personnes. Alors, moi aussi, je vais citer votre ami Bertrand Tavernier qui, sortant de son entrevue avec le ministre de l'intérieur, a dit : « Tout ce que nous a dit Sarkozy, c'est ce que nous aurions aimé entendre de la part du Gouvernement Jospin » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP).

Alors donnons du temps à la réflexion et à l'échange. Il ne faut pas avoir peur du débat, y compris interne.

La véritable question a été posée par l'orateur précédent : il faut régler une fois pour toutes le problème du « zapping » de nationalités. Quand on est installé en France, pourquoi avoir peur ou honte de demander la nationalité qui, seule, donne la pleine égalité de droits et de devoirs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pourquoi rester national d'un pays avec lequel on a perdu toute attache, refusant d'être national du pays qui est devenu le sien ?

L'UMP tout entière saluera, en s'opposant à l'examen de ce texte, le travail courageux et pratique du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Permettez-moi de dégager le clivage de fond entre nous dans ce débat, comme d'ailleurs dans celui sur le vote des étrangers.

Personne ne conteste les problèmes humains que pose ce qu'on a appelé, à tort, la double peine, ni que certains cas récents médiatisés ont ému une partie des Français de toutes opinions.

Vous n'êtes pas, Monsieur le rapporteur, tombé dans le piège de passer d'un extrême à l'autre et vous avez reconnu que la proposition devait être nuancée. Je vous en donne acte.

Mais au-delà de la question de savoir où on place le curseur, l'aspect fondamental qui nous distingue, c'est votre volonté politique de rapprocher le statut des citoyens le plus possible de celui des nationaux, alors que nous, nous estimons que la nationalité doit rester le meilleur, que dis-je, le seul facteur d'intégration réelle...

M. Jean Leonetti - Très bien !

M. le Président de la commission - ...sinon c'est la voie ouverte à tous les communautarismes.

La différence de fond entre vous et nous, ce n'est pas que les uns seraient généreux et les autres insensibles, c'est que, comme Mme Chanet dans son rapport, vous parlez des « Français de fait » et voulez rapprocher les deux statuts. Votre approche est cohérente : elle consiste à ne pas traiter ces étrangers différemment des Français, sauf dans quelques cas très graves.

Notre approche est différente, ce n'est pas une question d'humanisme, mais de philosophie : pour nous, il n'y a pas de « Français de fait ». Il y a des étrangers qui viennent vivre sur notre territoire et que nous espérons voir s'intégrer au point de devenir français. Vous, vous considérez comme moral que des étrangers s'installent en France pour des durées très longues, sans devenir français, et qu'à terme, qu'on le veuille ou non, ils créent ainsi des communautés : cela ne correspond pas à la tradition républicaine de la France. Notre tradition républicaine...

Plusieurs députés UMP - ... C'est l'assimilation !

M. le Président de la commission - ... C'est effectivement l'intégration.

C'est cette vision des choses qui distingue fondamentalement la gauche de la droite et il semble qu'aujourd'hui la majorité des Français pense comme nous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Rapporteur - Je souhaite apporter quelques précisions en réponse aux propos des orateurs.

Je rappellerai d'abord la chronologie des lois concernant les mesures d'éloignement du territoire, ce qui permettra de clarifier les responsabilités des uns et des autres et d'écarter une certaine forme d'amnésie consistant à oublier que la gauche n'a pas été seule à gouverner depuis vingt ans... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Ce dont nous parlons aujourd'hui, c'est tout simplement des lois Pasqua de 1993, qui sont revenues sur la protection absolue accordée par la loi Sapin de 1991 à certaines catégories d'étrangers. Nous ne proposons rien d'autre que de revenir à la loi votée par la gauche en 1991, et remise en cause par votre majorité en 1993 : Monsieur Pinte, vous aviez voté cette loi Pasqua ! (« C'est un rappel utile ! » sur les bancs du groupe socialiste) Qu'avons-nous fait depuis ?

Plusieurs députés UMP - Rien !

M. le Rapporteur - En 1998, Mme Guigou, ministre de la justice, s'est saisie de la question et a demandé à Mme Chanet un rapport qui a été beaucoup cité ce matin. C'est au vu des conclusions de ce rapport...

M. Éric Raoult - ... que M. Vaillant n'a rien fait !

M. le Rapporteur - ... Ce rapport a montré que certaines dispositions n'étaient pas respectées par les juridictions, notamment l'obligation de motiver spécialement les mesures d'éloignement touchant certaines catégories d'étrangers, et a présenté des recommandations. Ces recommandations ont été suivies d'effet puisque Mme Guigou a adressé aux parquets une circulaire (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), qui a effectivement fait baisser le nombre d'interdictions du territoire et d'expulsions administratives (Mêmes mouvements), même si je reconnais volontiers qu'on aurait pu aller plus loin.

On constate, en effet, qu'un certain nombre de cas ne sont toujours pas réglés. C'est bien pourquoi le ministre de l'intérieur, comme son prédécesseur, est contraint de s'en saisir.

M. Éric Raoult - Ce que vous n'avez pas fait !

M. le Rapporteur - Nous n'avons pas modifié la loi parce que son application n'était pas bien assurée.

M. Guy Geoffroy - Vous avez mis quinze ans à vous en apercevoir !

M. Manuel Valls - Vous ne vous en étiez pas aperçus non plus !

M. le Rapporteur - Et aujourd'hui, la situation impose de légiférer rapidement. Lorsqu'un étranger qui a toutes ses attaches en France est frappé d'une peine d'expulsion, cela soulève une émotion légitime. Le ministre de l'intérieur revient alors sur l'expulsion, au profit par exemple d'une assignation à résidence. Mais cette méthode, si elle marque un certain progrès dans le discernement, n'est pas satisfaisante, car il y a là une forme d'arbitraire, et l'étranger dont la situation aura eu un impact médiatique est bien mieux traité que celui qui reste anonyme.

Il est donc temps de changer la loi. Vous nous avez dit que le débat était prématuré. Il semblerait donc qu'on puisse discuter de cette question partout, sauf dans cette enceinte !

M. Guy Geoffroy - Que ne l'avez-vous fait depuis quinze ans !

M. le Rapporteur - L'idée de M. Pinte de faire projeter au Palais Bourbon le film de Bertrand Tavernier est excellente. J'aurais une autre suggestion : que la commission des lois crée en son sein un groupe de travail sur cette question.

Plusieurs députés UMP - Le ministre vient de le faire !

M. le Rapporteur - Tous les éléments qui doivent alimenter la réflexion sont désormais connus. Le débat peut donc avoir lieu. Mais la vérité, c'est qu'il existe un désaccord profond au sein de la majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - C'est la réflexion qui est profonde !

M. le Rapporteur - Le discussion de ce matin l'a montré : entre M. Leonetti, qui conteste jusqu'au terme de double peine, et M. Pinte, il y a un gouffre ! S'il vous faut du temps, c'est d'abord pour vous mettre d'accord entre vous...

M. Guy Geoffroy - Nous avons eu le courage de lancer le débat !

M. le Rapporteur - Nous continuerons donc à nous tenir à votre disposition pour avancer sur cette question (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'Etat - Le président de la commission des lois a parfaitement expliqué les différences philosophiques qui existent entre la majorité et l'opposition, qui ont d'ailleurs été apparentes tout au long de la discussion. Pour nous, le critère de la nationalité est essentiel. C'est celui qui correspond à une intégration réussie. C'est à l'évidence un des points qui nous séparent.

En écoutant M. Vidalies, j'ai mesuré toutes nos différences. Sur la méthode d'abord, il trouverait tout à fait légitime qu'on puisse à la fois mener une concertation et adopter un texte à l'Assemblée. Ce n'est pas dans cet esprit que nous envisageons la concertation et je viens de comprendre pourquoi, en d'autres domaines et en d'autres temps, le dialogue social avait eu tant de mal à fonctionner (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Glavany - Alors que maintenant...

M. le Secrétaire d'Etat - Il nous semble indispensable d'écouter tous les avis avant de soumettre un texte de loi à la représentation nationale et de consacrer tout le temps qui semblera nécessaire au dialogue.

Sur le fond, ensuite, nous considérons qu'un sujet aussi compliqué ne peut souffrir qu'une approche pragmatique et non systématique. Les réflexions doivent être ouvertes et ne se référer en aucun cas à des a priori idéologiques, sinon le débat perd en sérénité et en qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Leonetti a raison : il n'est pas bon de légiférer dans l'urgence. C'est une des objections majeures que nous opposons à cette proposition de loi. Il faut concilier une attitude réaliste et humaine avec la grande fermeté qu'exige la protection de l'ordre public. C'est pourquoi la réflexion doit à l'évidence précéder la décision.

Les propos de M. Vaxès montrent combien la matière qui nous occupe est mal connue. Il a donné l'exemple d'une double peine prononcée à l'occasion d'un vol de véhicule. Or le code pénal ne l'autorise que pour des vols avec violence. Cette nuance montre combien le sujet est complexe et pousse à faire des amalgames. Elle illustre tout le bien-fondé de notre méthode, qui consacre le temps nécessaire à la réflexion avant l'action.

M. Jérôme Lambert - A la saint-glinglin !

M. le Secrétaire d'Etat - Comment pouvez-vous parler ainsi, alors que cette proposition figurait en 1981 dans le programme du candidat Mitterrand ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Folliot a tenu des propos de grande qualité, soulignant à juste titre que ce texte présente un caractère excessif et systématique. Il nous faut réaffirmer le principe de l'autorité publique pour tous. La démarche du Gouvernement ne peut réussir que parce qu'il a affirmé sans ambages sa détermination dans ce domaine. Trop longtemps, nos concitoyens nous ont parlé d'impuissance et d'impunité, et les pouvoirs publics n'ont pas voulu entendre cette désespérance. C'est parce que le principe du respect de l'autorité publique est clairement affirmé par le Gouvernement depuis le premier jour de son action que nous pouvons aujourd'hui ouvrir le débat sur la double peine (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Il est également vrai qu'on ne peut mettre sur un pied d'égalité l'étranger récemment arrivé en France et celui qui n'a plus aucun lien avec son pays d'origine. Il faut trouver la juste mesure, et c'est justement l'objet de la concertation.

Monsieur Valls, qui peut penser que la suppression pure et simple de la double peine va rétablir un socle de confiance avec les étrangers résidant sur notre sol ? Qu'ils possèdent la nationalité française ou non, ils attendent de la République qu'elle applique des règles claires quant à leurs droits et à leurs devoirs. L'ambiguïté nuit beaucoup à la solidité du socle républicain.

Je crois que vous vous êtes montré sincère en disant que vous n'étiez pas allé au bout de votre logique lorsque vous étiez au pouvoir. Cet acte de contrition me semble louable dans une période que je sais difficile pour votre famille politique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous avons, nous aussi, connu l'alternance politique. Comme beaucoup de ceux qui ont perdu les élections de 1997 du fait d'une triangulaire avec le Front national, j'ai mesuré qu'il fallait tout reprendre à zéro. Je n'avance plus qu'avec des doutes. J'ai mis de côté toutes les certitudes qui nous ont fait tant de mal.

M. Jean Glavany - Vous ne donnez pas cette impression !

M. le Secrétaire d'Etat - Je me permets de vous dire respectueusement qu'il en est d'autres que le démon des certitudes avait touchés, et c'est pourquoi nous avions pu parler, en ce qui vous concerne, de dépôt de bilan (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Derrière le regret exprimé par M. Valls, il y a une réalité profonde : pendant cinq ans, vous avez été victimes d'une forme de « ni-ni ». Sur le problème de la sécurité comme sur celui de l'immigration, il y avait au sein de la défunte gauche plurielle tant de doutes qu'elle n'a finalement pris aucune décision. Elle s'est trouvée prise dans une logique infernale, ballottée par des conflits internes forts. Chaque point de vue est respectable, mais ce qu'on peut vous reproche, c'est que ces conflits aient été exclusivement idéologiques (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Ce qui nous distingue, c'est qu'il nous semble que pas une seule des idéologies du XXe siècle ne peut répondre aux problèmes que nous connaissons aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

C'est pourquoi nous privilégions une écoute pragmatique, dans l'intérêt de la France d'aujourd'hui et de celle de demain.

Monsieur Pinte, vous avez exprimé vos convictions, d'autant plus respectables que nous connaissons tous votre combat. Il faut, en effet, engager le débat sans a priori ; et tel est bien l'esprit dans lequel le groupe de travail _uvrera, le Garde des Sceaux vous l'a indiqué dans le courrier qu'il vous a adressé.

Avec une sincérité troublante, voire touchante, Mme billard a fait part de ses doutes sur l'action de l'ancienne majorité plurielle...

M. Éric Raoult - L'ingrate ! (Sourires)

M. le Secrétaire d'Etat - ... Je la renvoie à cette belle maxime de Jean-Pierre Raffarin : « La route est droite, mais la pente est forte » (Sourires).

Mme Martine Billard - On vous attend au bout !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Grand a rappelé les jugements sévères de MM. Tavernier et Bolze sur cette tardive proposition, et a dit préférer la démarche engagée par le Gouvernement.

Quant à M. Mariani, il a souligné avec raison que la précipitation ne se concevait pas quand il s'agissait de traiter de questions d'une telle importance. Tel est bien l'avis du Gouvernement, convaincu que l'Etat est d'autant plus fort qu'il est juste. M. Mariani a aussi souligné que le chemin sinueux suivi par la gauche, sur le sujet, depuis les 110 propositions de François Mitterrand, montrait qu'elle n'avait pas réussi à surmonter ses paradoxes. Sans doute la complexité des problèmes à résoudre explique-t-elle pour partie ces zigzags ! Pour ce qui nous concerne, nous tenons à concilier la préservation de l'ordre public et le respect de l'homme.

M. Geoffroy a rappelé avec sagesse que le défi à relever est de réussir l'intégration, et nous savons sa détermination à aboutir, ainsi que l'action remarquable qu'il conduit sur le terrain.

Votre rapporteur, enfin, a dit vouloir en revenir à la situation qui prévalait avant 1970 ; que n'y a-t-il songé avant ?

Sur pareil sujet, un débat de trois heures, aussi dense soit-il, est trop court, et d'autant plus court que la proposition a été présentée à la va-vite, dans les conditions que l'on sait. Il faut, comme le veulent le Garde des Sceaux et le ministre de l'intérieur, privilégier le dialogue pour obtenir l'adhésion de tout notre pays car la nationalité, le respect de l'autorité publique et celui des droits de l'homme sont au c_ur de notre combat en faveur de la préservation du pacte républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - La commission des lois n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition ne sera pas adoptée.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Étienne Blanc - Tout le monde l'a compris, la proposition tend à instituer la protection absolue des étrangers vivant en France en réduisant considérablement la possibilité donnée aux juges de prononcer des expulsions. Le groupe UMP, évidemment hostile à ce texte, votera contre le passage à la discussion des articles.

La ficelle est par ailleurs un peu grosse ! Si le groupe socialiste voulait, comme il le dit, réformer le dispositif institué en 1970, que ne l'a-t-il fait en 1981, en 1985, en 1991 ou en 1998 ? Jamais, pourtant, alors que les occasions lui étaient offertes et qu'il avait la majorité, il n'a envisagé de faire ce qu'il propose aujourd'hui !

Le procédé est si peu reluisant que Bertrand Tavernier ne cesse de gronder contre « l'incroyable lâcheté » d'une gauche qui « se déshonorerait » en croyant ainsi « redorer son blason » ! Quant à Bernard Bolze, il parle d'une démarche « inconvenante » - ce qu'elle est tant par sa forme que par son fond.

Comment justifier la procédure choisie, qui conduirait à prétendre régler, sans préparation, une question capitale?

Ainsi, on modifierait le c_ur de notre droit sans avoir évalué l'ensemble des conséquences juridiques du texte ? Pour commencer, s'agit-il vraiment d'une double peine ? Nous ne le pensons pas, et si le débat s'engage sur ce point, cela signifie qu'il faudra revoir tout le volet de notre droit pénal relatif aux peines complémentaires !

M. Jean-Marc Ayrault - Mais non !

M. Étienne Blanc - Et qu'en sera-t-il du PACS, puisque personne ne contrôle la réalité du lien qui unit les partenaires ? Que dire encore de la notion de « Français de fait » ou de celle de « citoyenneté de résidence » ? Comment peut-on imaginer de substituer à la notion d'ordre public celle, parfaitement floue, d'« intérêt fondamental de la nation », comme si l'ordre public n'était pas de l'intérêt de la nation.

Il aurait, de plus, été judicieux de se livrer à quelques études de droit comparé. Cela aurait au minimum permis aux auteurs de cette proposition de constater que le Royaume-Uni, si attaché à l'habeas corpus, applique le même système que nous.

Le groupe UMP refusera ce texte politicien et soutiendra sans réserve les initiatives du Gouvernement tendant à privilégier le dialogue avant de légiférer avec pragmatisme sur un sujet qui touche au fondement des valeurs de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Michel Vaxès - Je ne reviendrai pas sur le fond, sinon pour rappeler qu'il existe bien des vols de voitures avec violence... J'ai entendu votre message, Monsieur le ministre : vous demandez que les articles de la proposition ne soient pas discutés au motif qu'une plus longue concertation serait nécessaire.

Entendez donc celui du groupe communiste et républicain : faites valoir le même argument auprès du Premier ministre pour qu'il organise une véritable concertation, voire un référendum, sur un sujet aussi important que la décentralisation, qui mérite mieux que la précipitation dans laquelle il est abordé ! Vous ne pouvez vous prévaloir de principes à géométrie variable, et refuser à un texte ce que vous accordez à un autre.

M. Maxime Gremetz - Le ministre ne vous écoute pas !

Mme Christine Boutin - Mais si, il écoute !

M. Michel Vaxès - Sur le fond, vous me permettrez de douter aussi de la sincérité de la posture du Gouvernement, qui se dit disposé à revoir une législation dont il porte lui-même la paternité initiale : n'est-ce pas dans les années 1970, puis avec les lois Pasqua de 1993, que l'on a ouvert la voie aux dérives que l'on connaît aujourd'hui ?

Pour toutes ces raisons, nous voterons le passage à la discussion des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je suis saisi, par le groupe socialiste, d'une demande de scrutin public sur le passage à la discussion des articles.

M. Philippe Folliot - Si la proposition de loi a le mérite de nous permettre d'aborder une question importante, les trois heures que nous venons d'y consacrer n'auront pas suffi à en prendre la bonne mesure, malgré la qualité des débats.

J'userai, si vous le permettez, d'une métaphore « rugbystique » : alors, que pendant cinq ans, la majorité avait la balle en main, elle n'a pas su constituer le groupe pénétrant qui lui aurait permis d'aller à l'essai (Sourires).

Aujourd'hui, alors que la majorité est gardée derrière le pack gouvernemental, et que le ministre de l'intérieur, avec la fougue qu'on lui connaît...

M. Manuel Valls - Mariani le plaque ! (Sourires)

M. Philippe Folliot - ... s'apprête à faire une percée décisive vers l'essai, vous recourez à des man_uvres coupables pour écrouler le « maul »... Vous serez doublement sanctionnés : par la majorité qui refusera votre proposition de loi, et par une partie de vos supporters qui applaudissent l'initiative du Gouvernement.

En réalité, il est essentiel de réaffirmer deux principes : fermeté - on doit respecter les règles du pays dont on est l'hôte - et humanité.

M. Maxime Gremetz - Avec des cagoules et des matraques ?

M. Charles Cova - Arrête ton cirque, Maxime !

M. Philippe Folliot - Il faudra prendre le temps nécessaire pour résoudre ce problème en toute égalité et équité, en tenant compte de l'histoire personnelle des intéressés. Aussi le groupe UDF votera-t-il contre cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Marc Ayrault - M. Folliot vient de trahir l'hostilité de son groupe, en fait, à toute réforme de la double peine...

Je regrette le ton polémique...

Mme Christine Boutin - De vos amis !

M. Jean-Marc Ayrault - ...de nombreuses interventions de la majorité. Il ne nous est donné que rarement - deux fois par an - de pouvoir inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée une proposition de loi. Nous l'avons fait dans l'espoir que le débat serait serein et apporterait des solutions au douloureux problème de la double peine.

M. Claude Goasguen - Il fallait le faire avant ! Vous aviez vingt ans pour cela !

M. Jean-Marc Ayrault - J'ai salué, tout à l'heure, les initiatives de M. Sarkozy et de M. Pinte, qui ont fait preuve d'ouverture. Nous aurions souhaité que ce débat soit mené jusqu'au bout ; vous l'avez refusé. Notre proposition de loi n'était pourtant pas à prendre ou à laisser : il vous était loisible de l'amender.

Monsieur Pinte, je ne doute pas de la sincérité de vos positions, mais avouez qu'elles ont évolué depuis l'époque des lois Pasqua, que vous avez votées. Il est bien normal, en une matière aussi délicate, de souhaiter prendre la mesure des choses, mais il ne faudrait pas pour autant décevoir les espoirs de ceux qui _uvrent sur le terrain. Il ne faudrait pas, à force de renvoyer la question à des groupes de travail, à des commissions, voire à des projections de films, qu'on en oublie l'essentiel : la suppression de ce système injuste.

C'est vrai, en notre temps, nous avons essayé d'autres voies, comme, en 1998, avec la circulaire Guigou relative aux droits des étrangers, mais elles se sont révélées insuffisantes et il faut, sans tarder, aller plus loin (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Je le dis haut et fort, le débat doit avoir lieu à l'Assemblée nationale, siège de la représentation nationale, et le dialogue doit se poursuivre avec les associations. Pour autant, il y a un vrai risque politique. Nous avons déposé, cette semaine, deux propositions de loi - droit de vote des étrangers aux élections locales et suppression de la double peine - et force est de constater que, depuis 1997, où nous voulions réformer le code de la nationalité, vous n'avez pas changé, et exploitez encore le thème de l'insécurité liée à l'immigration (Protestations sur les bancs du groupe UMP), et qu'une bonne partie de la droite, qui est très à droite, imposera l'immobilisme.

M. Claude Goasguen - Comme vous !

M. Jean-Marc Ayrault - Vous avez préféré polémiquer et éviter tout débat sur le fond, pour ne pas avoir à nous exposer vos positions.

M. Claude Goasguen - Gardez ça pour le congrès du PS !

M. Jean-Marc Ayrault - Vous ne pouvez nous empêcher de déposer une proposition de loi (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), ce que nous ferons à nouveau en mai prochain si, malgré les engagements du Gouvernement, rien n'est fait jusque là ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Nous voulons réussir l'intégration républicaine, qui passe par le droit de vote des étrangers aux élections locales, et par la suppression de la double peine ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) La République a le devoir de lutter contre toutes les formes de discrimination, à l'emploi, et au logement notamment.

M. Claude Goasguen - Débranchez-le !

M. Jean-Marc Ayrault - On aurait pu espérer une République plus généreuse !

La communication, c'est bien, mais les actes, c'est mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

A la majorité de 87 voix contre 39 sur 128 votants et 126 suffrages exprimés, l'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 15.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


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