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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 32ème jour de séance, 85ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 28 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

PROGRAMMATION MILITAIRE
POUR 2003 À 2008 2

ARTICLE PREMIER ET RAPPORT ANNEXÉ 19

ARTICLE 2 22

ART. 3 22

APRÈS L'ART. 3 23

ART. 4 23

APRÈS L'ART. 6 23

ART. 7 23

APRÈS L'ART. 7 24

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 3 DÉCEMBRE 2002 26

La séance est ouverte à vingt et une heures.

PROGRAMMATION MILITAIRE POUR 2003 À 2008

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

M. Charles Cova - Le projet de loi de programmation militaire adresse un double signal : à nos alliés et à nos éventuels adversaires, mais aussi à nos armées qui, à la suite des désillusions des dernières années, s'interrogent et, parfois, doutent.

Malgré de nombreux motifs de satisfaction, certaines difficultés demeurent mal vécues, en particulier sur les bâtiments et dans les unités de la marine nationale. Je les ai relevées au cours de mes déplacements auprès du monde militaire.

Madame la ministre, vos marins, loin d'être enthousiasmés par ce texte sont inquiets. Prenons garde à ne pas les décevoir.

Permettez-moi donc de vous faire part des difficultés de la marine mal prises en compte dans le projet de loi. S'agissant des investissements - substantiels - qu'il prévoit, et même s'ils s'en félicitent, les marins considèrent qu'il s'agit d'un simple rattrapage pour éviter la rupture capacitaire. L'effort prévu ramènera ainsi notre marine sur la voie du modèle 2015 et il y a tout lieu de s'en féliciter. Il y va de la crédibilité de notre flotte de combat et de la position de la France dans le monde.

L'exécution de la loi de programmation 1997-2002 faisait apparaître, dans le titre V du budget de la marine, un déficit de 3 milliards d'euros, soit le coût du Charles-de-Gaulle.

Si les nouveaux programmes de bâtiments satisfont nos troupes, leur inquiétude porte toujours sur la maintenance du matériel actuel et sur la capacité opérationnelle de nos forces navales. Le taux de disponibilité de la flotte est aujourd'hui bien inférieur à l'objectif de 80 %, puisqu'il s'établit à seulement 56 %. Une telle situation n'est pas acceptable. J'en retrace les causes dans mon rapport d'information de juin dernier.

Plus d'un tiers des indisponibilités de bâtiments sont liées à des difficultés d'approvisionnement de rechange et à des délais excessifs de passation des marchés. C'est la raison pour laquelle le SSF a été créé, sa mise en place visant aussi à remédier aux redondances de l'organisation antérieure. Autre difficulté majeure, la transformation du statut de la DCN dont toutes les répercussions fiscales ne sont pas encore connues. Nous le savons, elle ne sera plus un service administratif du ministère de la défense.

Cependant, des garanties statutaires pour les ouvriers d'Etat et pour les fonctionnaires ont été votées. Une « société de préfiguration » - DCN développement - a été créée, afin de préparer le transfert des actifs et de préciser les conditions juridiques de l'entrée en activité de l'entreprise nationale.

Le contrat pluriannuel qui doit être signé au plus tard à la fin du premier trimestre 2003 n'a toujours pas été rendu public. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Début 2003, la DCN ne sera plus soumise au code des marchés publics, qui entravait le bon déroulement de son activité industrielle. Il reste qu'elle sera soumise à la TVA et aux impôts locaux, ce qui se traduira par un surcoût de 700 millions sur cinq ans. Une stricte application du code général des impôts aux contrats en cours pourrait en outre conduire à un rappel de TVA sur la totalité de leur valeur et non sur les seuls montants restant à payer. Dans ce cas, le surcroît de charges serait supérieur à 199 millions par an. Il est donc tout à fait impératif de respecter une certaine neutralité fiscale. Nous comptons sur vous, Madame la ministre, pour l'obtenir.

Autre sujet d'inquiétude pour la marine, l'ajustement des effectifs au modèle 2015. Les recrutements destinés à rattraper les retards les plus pénalisants, n'interviendront pas avant 2005 alors qu'elle a besoin de 250 postes supplémentaires dès l'année prochaine et qu'elle doit faire face à un sous-effectif en personnels civils. 632 postes prévus par la précédente loi de programmation n'ont pas été pourvus et aucun recrutement supplémentaire n'est envisagé.

La situation des effectifs est aussi marquée par un déficit chronique dans différentes spécialités de haute technicité - atomiciens, informaticiens - ou dans des emplois de spécialistes - infirmiers, fusiliers marins.

Le fonds de consolidation permettra peut-être de remédier à ces difficultés, à condition de respecter scrupuleusement la dotation envisagée ! Il s'agit certes de sommes marginales, mais Bercy veille !

Ce fonds, qui attire la convoitise des états-majors des trois armées et de la gendarmerie, doit aussi concourir à la fidélisation des personnels militaires. C'est ainsi qu'à partir de 2004, une prime d'aide à la fidélisation pourrait inciter certaines catégories de personnels à prolonger leur engagement de deux ou trois années au-delà des quinze ans initiaux. Il pourrait de même être proposé aux spécialistes qui souhaitent quitter le service actif de servir à terre, soit comme contractuels, soit comme fonctionnaires civils. Il faut d'ores et déjà y réfléchir.

On peut comprendre qu'un officier-marinier hautement spécialisé ayant réuni ses droits à pension de retraite et souhaitant cesser de naviguer soit tenté d'aller pantoufler à EDF pour un salaire plus intéressant et dans un emploi moins contraignant !

Le problème des effectifs m'amène tout naturellement à évoquer la condition militaire. À cet égard, je suis particulièrement attentif à la prise en compte des exigences de la professionnalisation.

La dernière ligne du titre premier du présent projet annonce que « la position sociale des militaires fera l'objet d'une réflexion ». Voilà une rédaction certes trop brève pour rendre hommage à celles et ceux qui font le métier de soldat mais qui porte beaucoup d'espoirs car les militaires sont ainsi assurés de voir enfin toiletter les textes qui les régissent.

Ayant fait partie cette année du groupe de travail appelé à réfléchir sur « la position sociale des militaires », - dont le rapport de synthèse vous a été remis le mois dernier - je souhaite, Madame la ministre, vous faire partager ce qui fonde à mes yeux la spécificité du métier des armes militaire. Vous allez bientôt faire part au Conseil supérieur de la fonction militaire de vos décisions en la matière. Or, vous le savez bien, cette question est extrêmement sensible. Les personnels attendent que leur métier soit identifié et reconnu et leur position dans la société précisée. A ce titre des groupes de travail vous rendront des propositions au sujet de l'identité militaire, de la liberté d'expression et d'association, de la protection juridique des personnels, de la liberté du mariage et des garanties données aux militaires dans l'exercice de leur métier.

Mais il conviendra aussi, je vous en conjure, de traiter le problème des droits politiques et de la représentation des militaires dans les instances de concertation différentes de celles qui ont été mises en place il y a trente ans.

Au total, les moyens alloués ne seront rien sans une véritable volonté politique d'appliquer scrupuleusement les mesures envisagées, que je voterai.

Vous avez, tout comme notre Président de la République, la volonté de rendre à notre pays la place qui lui revient.

Les militaires attendent que nous leur redonnions la fierté de leur métier. Ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilbert Le Bris - Dans le domaine de la défense et de la sécurité plus qu'ailleurs, le droit d'opposition doit aller de pair avec le devoir de lucidité sur l'intérêt national.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense - Très bien !

M. Gilbert Le Bris - Critiquer certes, mais aussi reconnaître les efforts et présenter des propositions d'évolution, telle sera mon attitude.

Après une loi de programmation consacrée surtout à la professionnalisation des armées, et marquée par une volonté d'engranger un peu des dividendes de la paix, voici une nouvelle programmation, dont nul ne peut dire qu'elle est mauvaise. Elle apporte une réponse substantielle financièrement, capacitaire matériellement. Après le 11 septembre 2001, elle se situe dans le flux de hausse des budgets militaires, à commencer par les Etats-Unis dont le budget dépasse les 360 milliards de dollars, pour le Royaume-Uni, où, à l'horizon 2005-2006, l'augmentation sera la plus forte depuis vingt ans.

La programmation fait des choix importants, en particulier pour la marine nationale, avec l'indispensable deuxième porte-avions ou les sous-marins nucléaires d'attaque, renforçant ainsi ce que sera l'arme forte du XXIe siècle, celle qui offre toute la panoplie des postures. La marine nationale est devenue le moyen incontournable d'une mission mondiale assumée.

Cette loi de programme prolonge les efforts en vue du modèle d'armée 2015.

D'autres ont dit et diront mieux que moi les aspects positifs de cette loi, qui laisse subsister quelques insatisfactions. Le monde a beaucoup changé depuis la détermination des choix stratégiques datés de 1990, qui ont fondé les orientations de la loi de programmation. Le danger s'appelle aujourd'hui le terrorisme ; il est disséminé dans et hors de nos sociétés. Ce n'est plus un ennemi localisé et surveillé. Ainsi passe-t-on du concept de défense à celui de sécurité. Nous n'intégrons pas suffisamment les révisions stratégiques que vont susciter l'imprévisibilité des menaces et le nouveau contexte géostratégique. Notre commission a entendu des interventions intéressantes sur ce sujet. Ne doit-on pas dès lors s'interroger sur l'importance des sommes concernées au nucléaire stratégique ? Ne doit-on pas regretter l'absence d'avancée sur les missiles antichars ou de croisière, la faiblesse des capacités aéromobiles ? Pourquoi mettre en service le scalp naval en 2011, alors que les frégates qui le recevront seront disponibles en 2008 ? Pourquoi la place laissée aux drones est-elle si chichement mesurée ?

On sent que l'heure est davantage à un cycle de fabrication de matériels qu'à la conception. La part de recherche-développement est trop faible. Oui, le fossé se creuse entre l'Europe et les Etats-Unis. Cependant, à ceux qui aiment trop les Américains, qui dépenseront un milliard de dollars par jour pour leur défense, je rappelle que lorsqu'ils mettent un dollar pour l'aide aux pays sous-développés, ils en dépensent 38 pour leur défense. Le rapport européen est de 1 à 7. Pour faire aussi bien que nous, les Etats-Unis devraient injecter chaque année environ 50 milliards de dollars au service du Tiers-Monde. Bien dépenser pour préparer la paix, voilà aussi une obligation pour les pays développés.

Au déséquilibre entre les deux continents s'ajoute le déséquilibre entre Européens eux-mêmes. Est-il normal que les Pays-Bas diminuent leurs dépenses militaires de 856 millions de dollars entre 2002 et 2006 ? Certains pays vont-il se dispenser de prendre leur part du fardeau de la sécurité collective ? Est-il sain que les pays européens lancent des programmes de drones en ordre dispersé ? L'Europe est à la croisée des chemins. Son poids économique et politique ne la dispense pas d'être aussi une puissance militaire. Les pays fournissant les efforts les plus importants doivent rapprocher leurs positions. On attend d'eux un effet d'entraînement, des autres un effort de péréquation financière. Sinon il n'y aura plus ni industrie européenne de la défense, ni crédibilité de la PESD, ni avenir pour l'Europe comme puissance. Comme la monnaie, après la réussite de l'euro, la défense apparaît comme un pilier de la souveraineté nationale ; mais sans défense européenne, il n'y aura plus pour la France que des oripeaux de souveraineté. Face à un problème qui engage la sécurité de la France, je me prononcerai par un vote de conscience et non pas d'obéissance. Vos choix ne sont pas assez novateurs. Je ne les soutiendrai donc pas. Mais je pense que l'engagement que représente cette loi de programmation est suffisamment clair et conséquent et qu'il se situe dans le prolongement d'un consensus national sur le format de nos armées. Je n'arrive donc pas à trouver cette loi suffisamment mauvaise pour voter contre. Alors il me reste l'abstention. Ce sera ma façon d'être positif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Charles Cova - On voit que c'est un marin !

M. Bernard Carayon - En tant que rapporteur spécial des crédits du renseignement, je concentrerai mon intervention sur ce point.

Le contexte stratégique traverse une profonde mutation. Les attentats du 11 septembre 2001 ont ouvert une ère marquée par l'imprévisibilité, où les nouveaux conflits ne se déroulent plus sur des champs de bataille identifiés. Nous avons désormais à faire face à des organisations très bien structurées, animées par une véritable théologie de la mort, prêtes et aptes à utiliser tous les moyens. Si le risque terroriste se renforce, il a aussi changé d'échelle, par le nombre de victimes et par les cibles choisies : enfants en Israël ou salariés de la DCN à Karachi.

La France est un pays ouvert, à haut niveau technologique et donc particulièrement vulnérable. Son rôle majeur sur la scène internationale fait de notre pays une cible. Or, il est vulnérable, du fait du tissu dense de ses infrastructures, de l'interconnexion de ses réseaux, de la prégnance des technologies de l'information et de la communication. Sans exagérer les risques, il faut que nous mesurions nos faiblesses.

Ce projet de programmation, contrairement au précédent, prend la juste mesure de la réalité. Le terrorisme international dispose de ramifications dans tous les pays, il assure son financement via le crime organisé, ses réseaux sont motivés par la haine de l'occident, et unis par une conception globale du monde d'où nous sommes éliminés.

Face à ces menaces, le Gouvernement nous propose bien plus que le précédent, qui avait curieusement délaissé le renseignement. Sur le plan du renseignement technique, dix drones multi-capteurs multimissions seront disponibles à la fin de la période de la programmation, et le satellite de communication Syracuse III sera lancé. En outre, le satellite Helios II sera lancé en 2004, en coopération avec la Belgique et l'Espagne - dont la participation reste cependant modeste, 2,5 % pour chacune. De plus la France et l'Allemagne ont signé, le 30 juillet dernier, un accord permettant des échanges de capacités entre le système radar haute résolution Sar-Lupe et Helios II. Un accord du même type a été signé avec l'Italie. Voilà qui semble esquisser une Europe du renseignement. Pour le renseignement technique sur le théâtre des opérations, 23 nacelles de reconnaissance aéroportées de nouvelle génération seront livrées. Ces matériels offriront enfin une information en temps réel, de jour comme de nuit. Mentionnons aussi le remplacement du Bougainville en 2006, par un navire d'écoute doté de moyens électromagnétiques de dernière génération.

Mais le renseignement, ce sont avant tout, des personnes auxquelles je rends hommage. Lors de la présentation du budget, je me suis félicité de la progression des crédits du renseignement de plus de 5 %, qui donne à nos services les moyens d'accomplir pleinement leurs missions.

Pour la période 2003-2008, le rapport annexé prévoit la création « d'une centaine de postes » pour le renseignement. Cet effort sera-t-il suffisant pour répondre à l'évolution des menaces et au rajeunissement des services ? Lesquels, parmi ces derniers, profiteront de la croissance des effectifs ? Sans doute la DGSE. Cependant, une part significative de ces créations de postes pourrait être absorbée par les besoins du programme de cryptologie. Veillons pourtant à maintenir la priorité au renseignement humain. Quelles sont les perspectives d'évolution de la direction de la protection et de la sécurité de la défense et de la direction du renseignement militaire ?

Si le soutien à nos services n'est pas négligeable, il semble nettement moins marqué que chez nos principaux partenaires. Les crédits des services allemands ont progressé d'environ 25 millions d'euros, soit une hausse de 6 % à 7 %. Leurs effectifs ont augmenté de 200 personnes, pour atteindre environ 5 000 personnes. De même, les Britanniques ont transféré de nombreux éléments issus des forces spéciales vers le service action MI 6. Les crédits destinés au renseignement humain ont progressé chez eux de 10 millions de livres, et les effectifs de 300 personnes, soit une hausse de 20 %. Les crédits des services de renseignement technique ont progressé par ailleurs de 3 à 4 millions de livres.

Surtout, les crédits de la CIA ont augmenté en 2002, de 1,5 à 2 milliards de dollars, soit une progression de 40 % à 60 % de ses ressources officielles ; les recrutements d'agents étrangers ont augmenté de 50 %.

Notre capacité à mener des opérations spéciales sera renforcée par l'acquisition de 10 hélicoptères Cougar Mk2 ainsi que par le lancement d'un programme d'amélioration des transmissions.

Je conclurai sur un regret, qui concerne l'intelligence économique. La prise de contrôle de l'entreprise française Gemplus, numéro un de la carte à puce, par un fonds de pensions américain étroitement lié à la CIA et à la NSA souligne notre vulnérabilité. Il conviendrait donc de définir en ce domaine une stratégie aussi bien défensive qu'offensive. Je sais que vous en êtes convaincue.

Ce thème n'est malheureusement pas abordé dans le rapport annexé, ce qui nuit à la clarification des missions de ces services - clarification dont l'actualité souligne pourtant la nécessité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Vitel - Toulon, samedi 1er décembre 2001 : le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, vaisseau majestueux, appareille, accompagné de son escorte. L'opération Héraklès a débuté et c'est un quart de sa marine que la France va déployer dans le cadre de l'opération « Liberté immuable ». La destination est la mer d'Arabie, où il s'agit d'appuyer les forces de la coalition opérant sur le sol afghan tout en empêchant toute exfiltration des dirigeants talibans et des membres d'Al-Qaida. Dans son déploiement maximum, le groupe aéronaval rassemblera 19 bâtiments de combat, 3 bâtiments de transport, deux sous-marins nucléaires d'attaque et 9 bâtiments de soutien. Cet important soutien logistique garantira la continuité de l'action de l'escadre déployée à plusieurs milliers de kilomètres de ses bases.

Le groupe aérien du porte-avions, fort de 16 Super-Etendard modernisés, de sept Rafale, de deux Hawkeye, de deux hélicoptères Dauphin, d'une Alouette-III et des Puma de l'ALAT, effectuera 777 vols opérationnels.

Du 19 décembre 2001 au 2 mars 2002, les avions du Charles-de-Gaulle ont été, avec nos Mirage-IV, les seuls avions non américains à effectuer des missions de reconnaissance et d'appui sur la totalité du territoire afghan. A partir de mars, ils ont été épaulés par les Mirage-2000 D de l'armée de l'air. A deux reprises, les Rafale, intégrés pour la première fois dans le groupe aéronaval, ont rallié par vol direct, à partir d'Istres, le porte-avions en opération, soit 7 heures 10 de vol.

Parallèlement, les hélicoptères effectuaient des missions logistiques et maritimes.

La France a joué en l'occurrence le rôle d'un allié efficace, comme le Président américain l'a reconnu publiquement le 11 mars 2002, dans son discours à la mémoire des victimes du 11 septembre.

Efficacité incontestable, donc, mais endurance incomparable également : le Charles-de-Gaulle n'est revenu à Toulon qu'au bout de 212 jours de déploiement. Aucun bâtiment classique n'aurait permis une telle opération !

M. Jean-Claude Sandrier - Donc tout va bien !

M. Philippe Vitel - De retour à Toulon le 1er juillet 2002, accueilli par le Président de la République qui, à cette occasion, réaffirma sa volonté de mettre le présent projet de loi de programmation au service d'un redressement de nos capacités de défense, il fut l'objet d'opérations d'entretien prévues de longue date et auxquelles il était impossible de surseoir.

De l'opération Héraklès, il ressort clairement que le Charles-de-Gaulle ne peut seul assurer la permanence du groupe aéronaval à la mer. D'autres périodes d'entretien s'imposent : de six mois en 2003 et de 18 mois en 2006. Si l'on ajoute à cela les périodes d'exercice, il en résulte que la marine ne pourra déployer le groupe aéronaval entre 2006 et 2008. C'est donc avec satisfaction que nous constatons que 600 millions d'euros sont prévus pour les études de faisabilité d'un second porte-avions et pour le lancement de sa réalisation, en 2005, l'entrée en service actif pouvant intervenir d'ici à 2014 pourvu qu'une décision soit prise dès l'an prochain sur les spécificités techniques et les modalités industrielles de cette construction.

Deux solutions sont d'ores et déjà envisageables : soit la construction se fera en coopération avec les Britanniques, ce qui présenterait de gros avantages financiers et démontrerait notre attachement à l'Europe de la défense, mais supposerait aussi de revenir sur les paramètres techniques retenus pour le Charles-de-Gaulle - d'où une majoration des coûts d'entretien - (M. Jean-Michel Boucheron approuve) ; soit une opération strictement française, conservant les caractéristiques du Charles-de-Gaulle, avec une variante pour le mode de propulsion - ce qui ne serait pas sans effet sur la dépense, la propulsion classique revenant à 2 milliards d'euros et la propulsion nucléaire à 2,3 milliards. Toutefois, l'expérience afghane a démontré les avantages opérationnels de cette dernière...

M. Gilbert Le Bris - Très bien !

M. Philippe Vitel - Quel que soit le choix, nous insistons pour qu'il soit décidé dans les meilleurs délais et nous souhaitons être associés à la réflexion préalable.

Notre flotte vieillissant, un programme de renouvellement est indispensable. Notre marine a, dès 2000, adopté le format « Marine 2015 », soit environ 80 bâtiments de combat et 140 aéronefs. Pour rendre ce modèle cohérent, il faudra renouveler 75 % des frégates de premier rang d'ici à 2015. Le programme de frégates Horizon répond sans conteste à cette nécessité.

L'évolution des menaces entraîne un accroissement du rôle dévolu aux forces amphibies. Les porte-hélicoptères polyvalents Mistral et Tonnerre, qui entreront en service en 2005 et 2006, correspondent à un concept moderne, et nous nous réjouissons que 163 millions d'euros y soient consacrés.

La poursuite de la modernisation des forces sous-marines est garantie par la reconduction du programme de SNLE nouvelle génération et par l'esquisse d'un programme de sous-marins nucléaires d'attaque du type Barracuda : 780 millions d'euros d'autorisation de programme et 380 millions de crédits de paiement y sont destinés.

Le renouvellement des appareils aéronautiques embarqués, l'actualisation permanente des armements complètent ce projet de loi de programmation par lequel nous nous donnons enfin les moyens d'assurer la sécurité de nos concitoyens et de respecter nos engagements internationaux. Notre crédibilité opérationnelle sera rapidement restaurée.

Ce projet traduit donc la volonté de retrouver une France sûre d'elle-même, respectée de tous et participant à la construction de l'Europe de la défense. Nous serons donc fiers de vous soutenir, Madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jérôme Rivière - Je constate que plusieurs orateurs socialistes se désistent. L'adage « qui ne dit mot consent » aurait-il raison ?

M. Jean-Michel Boucheron - Ne rêvez pas !

M. Jérôme Rivière - Dans cette loi de programmation, appelée à devenir un pilier de la présente législature, deux éléments méritent à mon sens une attention toute particulière : en premier lieu, les réserves.

Je me réjouis que le projet fasse toute sa place à cette composante essentielle de notre défense que sont les hommes et les femmes au service de la sécurité de notre pays, mais il ne faut pas oublier qu'aux côtés des professionnels, les réservistes sont indispensables à nos armées. Ils leur apportent un complément de moyens au moment où la professionnalisation réduit leur format. A cet effet, la réserve s'est progressivement ouverte aux civils, spécialistes aptes à soutenir les opérations menées à la frontière du civil et du militaire. Le rôle des réserves se révèle indispensable, notamment sur les théâtres extérieurs, mais aussi sur le territoire national, dans le cadre du plan Vigipirate. La diversité de leurs missions appelle donc un concept d'emploi spécifique : la défense du territoire pourrait être leur mission à titre principal, la participation aux opérations extérieures leur mission à titre secondaire.

Mais, plus encore, les réserves sont précieuses pour fortifier le lien entre nos armées et la nation, lien que la suspension du service national a fortement distendu. Les réservistes peuvent en particulier promouvoir l'esprit de défense. C'est la raison pour laquelle une attention particulière doit leur être portée dans cette loi.

Il paraît d'abord souhaitable de renforcer l'interdiction de licenciement pendant les convocations. A cette fin, un accord entre le réserviste, son employeur et les services de la défense devrait permettre de clairement définir les termes de l'engagement et de donner un véritable statut aux volontaires. Il est facile de montrer aux entreprises qu'une telle expérience valorise celui qui la vit et que le réserviste lui apporte souvent une véritable valeur ajoutée. Pour les fonctionnaires, on pourrait instaurer une obligation de décharge au profit de ceux qui souhaitent effectuer une période dans la réserve. Mais afin de renforcer le lien avec la nation, il est nécessaire que toutes les professions aient accès à la réserve. Je suggère donc un système de remplacement et de compensation financière au profit des professions libérales.

Enfin, ne serait-il pas utile d'imposer une obligation de service dans les réserves aux personnels des entreprises d'armement, afin de les familiariser avec un contexte opérationnel ?

Les menaces terroristes, comme les catastrophes naturelles, exigent que nous disposions de réserves bien entraînées et fortement motivées, à l'instar de la garde nationale déployée aux Etats-Unis.

M. Jacques Myard - Excellent !

M. Jérôme Rivière - Les armées ne pourraient-elles proposer une formation prémilitaire aux jeunes gens qui souhaitent servir dans les réserves, pendant les vacances scolaires et au cours de stages d'été ? Après une année, le jeune volontaire pourrait prolonger sa formation par un stage en unité, lequel pourrait déboucher sur un engagement.

Il faudrait aussi prévoir une formation militaire supérieure pour les étudiants, ainsi que des bourses en contrepartie d'une obligation de servir dans la réserve pendant 5 ou 10 ans par exemple.

En dépit de ces éléments qui militent pour une forte mobilisation de volontaires, il se révèle difficile d'atteindre les objectifs, en particulier en ce qui concerne les militaires du rang. Dans un souci de réalisme, la loi de programmation revoit les objectifs à la baisse puisqu'on passera de 100 000 réservistes, dont 50 000 dans la gendarmerie, à 82 000, dont 32 000 dans cette même gendarmerie. Est-il opportun de maintenir des effectifs inchangés quand on sait qu'en 2003 l'état major des forces terrestres, par exemple, n'espère réaliser que 15 % des droits ouverts pour les militaires du rang ?

L'échec des années précédentes s'explique en partie par l'insuffisance des crédits alloués dans la programmation 1997-2002, mais il faut reconnaître que les armées n'ont pas manifesté d'intérêt fort pour les réserves et qu'en dehors des opérations extérieures, les emplois proposés aux réservistes étaient peu intéressants. Par votre visite à Nancy, à l'occasion de la journée nationale des réservistes, Madame la ministre, vous avez marqué toute l'importance que vous attachez à la réserve militaire à laquelle vous entendez faire jouer tout son rôle.

Diverses mesures favoriseraient le recrutement et la fidélisation des réservistes : compensation financière intégrale pour ceux dont la rémunération militaire serait inférieure au revenu civil, maintien de l'allocation chômage pour les réservistes qui la percevraient au moment de leur convocation, incitations matérielles non fiscalisées, primes d'engagement... d'autres mesures sont moins coûteuses : on pourrait marquer la reconnaissance de la nation à l'égard de ceux qui la servent le plus longtemps en leur accordant des décorations identiques à celles des militaires d'active.

J'en viens à l'avenir de la politique européenne de sécurité et de défense, qui me paraît lié à l'effort de défense de la France.

Il est malheureux de constater que désormais, les sommets occidentaux institutionnalisent la désunion entre Européens et Américains. Le sommet de l'OTAN de Prague a confirmé cette tendance, qui s'est développée avec l'administration Bush depuis le 11 septembre 2001.

Or, l'industrie européenne d'armement s'oriente vers une coopération transatlantique, souvent douteuse au regard des intérêts européens et contradictoire avec l'orientation politique européenne. Sans base industrielle et technologique, comment l'Europe aura-t-elle les moyens de s'affranchir de la tutelle des Etats-Unis ? L'intervention du monde politique dans les échanges d'armements est indispensable d'où l'importance de cette loi de programmation. Les premiers tests à cet égard sont la question du JSF en Europe et la réalisation effective des objectifs du programme A400M.

L'avenir de l'Europe de la défense passe par un renforcement de l'axe Paris-Londres, le plus crédible sur le plan militaire et budgétaire et de l'alliance franco-allemande, plus solide politiquement que militairement. Le désaccord stratégique profond qui oppose la France au Royaume-Uni, et la faiblesse durable de notre partenaire allemand doivent nous inciter à rénover sans tarder notre outil. La loi de programmation militaire va nous permettre de défendre nos intérêts tout en contribuant à donner à l'Europe une capacité de défense crédible.

Encore faut-il pour cela qu'elle soit intégralement et scrupuleusement respectée. Vous pourrez, Madame la ministre, compter sur notre vigilance, loi de finances après loi de finances.

Je terminerai par une question. Vous nous avez déclaré lors de votre audition en commission au sujet du second porte-avions, qu'un groupe de travail serait chargé de déterminer la meilleure solution concernant la propulsion. Pourriez-vous nous éclairer sur ses travaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Sainte-Marie - Ce projet engage la France dans une politique de défense certes ambitieuse mais dans la continuité de celle menée par le précédent gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La modernisation de notre outil de défense et la réforme des armées ont en effet été largement amorcées depuis 1997, et même si la dernière loi de programmation n'était pas parfaite, son taux d'exécution - 80 % - reste exemplaire.

Ce projet semble satisfaire à peu près les industriels du secteur de la défense, comme j'ai pu le constater en Aquitaine, du fait des retombées économiques des programmes. Le Gouvernement entend faire de la maintenance l'une de ses priorités, et je me réjouis que 2,4 milliards d'euros soient affectés à l'entretien programmé des matériels. Mais j'appelle votre attention sur le maintien en condition opérationnelle dans l'armée de l'air car le constat est unanime d'une baisse de disponibilité globale des avions d'arme.

Le service de la maintenance aéronautique doit conforter son avenir et celui des trois ateliers industriels de l'aéronautique qui en dépendent - Clermont-Ferrand, Bordeaux et Cuers. Si l'augmentation des crédits affectés à la maintenance peut soutenir les plans de charge de ces établissements, en revanche il faudrait répondre à leurs besoins en termes de moyens humains. Des embauches supplémentaires sont nécessaires puisque 450 départs sont prévus ces prochaines années. Pour 2003, le besoin a été évalué à 150 personnes.

Notre politique de défense ne doit pas paraître céder aux sirènes du libéralisme... Pourquoi augmenter les crédits d'entretien si, dans le même temps, on laisse se délocaliser la maintenance des équipements ? L'exemple du marché des Hercule C130 est à cet égard éclairant. Assuré par la Sogerma depuis quinze ans, il est passé à l'entreprise portugaise OGMA, après mise en concurrence dans le cadre du nouveau code de marchés publics. Malheureusement, les quatorze C130 sont aujourd'hui immobilisés sur la base d'Orléans, la société portugaise, prétendument plus compétitive, se retrouvant dans l'incapacité technique, ou du moins financière, d'assurer sa mission.

Pour parer au plus vite à ses défaillances, des militaires français travailleraient actuellement à la remise en état de vol de certains de ces avions... Madame la ministre, comment expliquez-vous cette situation parfaitement anormale ?

M. Jean-Michel Boucheron - Bonne question.

M. Michel Sainte-Marie - Pouvez-vous nous éclairer sur la stratégie du Gouvernement ?

Par ailleurs, au vu des perspectives de croissance et de la politique fiscale engagée, l'espoir de voir se réaliser l'ensemble des mesures annoncées semble bien faible... Pouvez-vous nous assurer qu'il n'y aura pas de gel de crédits dès 2003 ?

A ce sujet, j'adhère pleinement à la proposition du président de la commission de la défense de constituer une structure du contrôle de l'exécution de la loi de programmation. Celle-ci ne doit pas relever de la simple déclaration d'intention : nous y veillerons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Ménard - Madame la ministre, permettez-moi d'appeler votre attention sur le service de santé des armées qui, privé du vivier essentiel que constituaient les appelés, confronté au problème de la féminisation, mais aussi à la multiplication des OPEX, va néanmoins poursuivre sa mission, selon le principe de prise en charge sanitaire globale.

La mixité avec le secteur civil n'est pas viable et l'externalisation a eu des résultats catastrophiques en Grande-Bretagne où les hôpitaux militaires ont été fermés. Alors, quels remèdes proposer ?

Si la mutualisation est certainement la solution à privilégier dans le cadre d'une future armée européenne, elle ne peut se concevoir à court terme en raison de la différence d'approche entre nous et nos voisins anglo-saxons, en matière de secours et de soins sur les théâtres d'opération. Tout au plus, cette possibilité pourrait-elle être envisagée dans l'immédiat pour les transports sanitaires, sous forme d'alertes alternatives, notamment avec nos collègues allemands qui ont démontré leur savoir-faire lors de l'attentat de Karachi.

Plus grave est le problème de la féminisation.

En effet, la proportion des jeunes filles admises au concours des écoles du SSA dépasse les 50 % depuis 1998. Quant aux MITHA, ils sont composés à plus de 78 % de femmes. Sachant que la majorité de ces femmes, en raison de leurs contraintes familiales, ne pourront exercer à plein temps, nous devons dès à présent revoir le numerus clausus.

Entre autres priorités, nous devrons tout mettre en _uvre pour fidéliser notre corps infirmier et lui permettre l'accession aux grades d'officier. Il n'est pas normal que des infirmiers anesthésistes, de niveau bac+5, n'aient aucun profil de carrière et soient soumis aux ordres de personnes à bac+2. Par ailleurs, un statut MITHA unique devra être envisagé afin d'offrir un meilleur profil de carrière aux intéressés.

Les études médicales offrent l'occasion de restaurer ce lien perdu avec la culture militaire depuis la suppression du service national, en développant l'accueil des étudiants dans les hôpitaux militaires, mais aussi en créant, dans le cadre du nouvel internat, un module optionnel validant de médecine militaire.

La réforme de ces études nous amènera à revoir le projet de suppression des trois années obligatoires de passage en unité pour les futurs médecins spécialistes, qui leur ferait perdre tout sens de la réalité militaire.

Enfin l'un des défis majeurs qu'aura à relever notre service de santé des armées sera celui des risques d'attentats terroristes, qui mériteraient une collaboration plus intense avec les services civils et justifieraient l'embauche de nouveaux chercheurs, ainsi qu'une mission d'expertise.

Dix années difficiles s'annoncent pour ce pôle d'excellence qu'est ce service. Sachons le rendre attractif pour éviter qu'il disparaisse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Viollet - La loi de programmation militaire 1997-2002 aura été la première traduction de la refonte de notre outil de défense, lancée en 1996. Elle aura permis de réussir la professionnalisation de nos armées et de restructurer en profondeur notre outil de défense, d'engager la modernisation de nos équipements tout en consolidant notre base industrielle et technologique, d'avancer dans la construction d'une politique de défense européenne. En continuité avec l'_uvre ainsi engagée, le présent projet de loi de programmation militaire 2003-2008 est une deuxième étape vers la réalisation de notre modèle d'armée 2015.

Comme chacune des armes, la gendarmerie nationale participe à cette évolution. Ses effectifs, qui se sont accrus de 5 665 personnes entre 1997 et 2002 devraient encore progresser de 7 093 hommes et femmes au cours des cinq ans à venir. Ses équipements, profondément renouvelés pendant la loi de programmation précédente, devraient encore être améliorés ces cinq prochaines années. Les conditions de travail et de logements de ses personnels, sensiblement améliorées depuis cinq ans, devraient l'être encore.

Ainsi, la gendarmerie sera-t-elle en mesure de remplir sa double mission de défense et de sécurité intérieure, c'est-à-dire être pleinement actrice d'une défense globale, dans l'esprit de l'ordonnance de 1959, encore présent dans le livre blanc sur la défense de 1994, dans la loi de programmation 1997-2002 et dans le présent projet.

Mais la gendarmerie s'acquittera d'autant mieux de cette double mission qu'elle aura su évoluer d'une conception territoriale statique de son maillage à une conception dynamique, afin de prendre en compte l'évolution des bassins de vie, des moyens techniques et humains, des menaces auxquelles elle doit faire face, délinquance sous toutes ses formes, mais aussi terrorisme et autres situations de crise.

Pour atteindre l'objectif de garantir la présence de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire tout en assurant une meilleure adéquation entre les effectifs et les besoins, le redécoupage des zones de police et de gendarmerie, et la réorganisation de la gendarmerie elle-même me semblent incontournables.

Le redécoupage des zones doit permettre, grâce à un travail en réseaux, de mieux assurer la sécurité périurbaine. La sectorisation doit aussi être poursuivie, avec la création dans les secteurs à plus faible activité, de brigades de secteur et de brigades annexes, dites « de présence ».

Cette organisation permettrait de consacrer plus de temps et d'énergie aux missions opérationnelles ; de disposer de plus de personnel pour les interventions et les opérations de police judiciaire ; de maintenir la totalité des brigades, qui devraient être dotées en matériel moderne, notamment de communication, pour garantir l'efficacité du maillage. Bien entendu, cette adaptation suppose une montée en puissance de la réserve, qui doit intégrer l'ensemble des missions. Ceci nécessite bien évidemment qu'elle voie ses effectifs augmenter conformément aux prévisions, ce qui n'est pas chose acquise, et qu'elle dispose des moyens indispensables à son bon fonctionnement, ce qui ne semble pas encore le cas.

Pour une plus grande proximité, des moyens nouveaux tels que les postes mobiles avancés et les points publics permettraient d'assurer une présence ponctuelle dans les communes dépourvues de brigade. Cette idée relève du débat plus large sur la réforme de l'Etat.

On pourrait aussi fidéliser, dans nos régions militaires, les escadrons de gendarmerie mobile, comme les compagnies de CRS qui y sont implantées.

La gendarmerie a toute sa place dans ce débat, parce que, si le décret du 15 mai 2002 l'a rattachée au ministre de l'intérieur pour le strict exercice des missions qui lui sont dévolues, vous gardez, Madame la ministre, pleine autorité sur la direction générale de cette arme. C'est à ce tire que je souhaiterais que vous puissiez éclairer la représentation nationale sur votre position quant aux évolutions à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - « La situation évolue rapidement, dans un sens que je ne connais pas ». C'est en ces termes que l'un de nos ambassadeurs en Amérique latine informait le ministre des affaires étrangères à la suite d'un coup d'Etat... (Sourires)

La formule peut prêter à sourire mais en existe-t-il de meilleure pour caractériser la situation internationale actuelle ? Qui peut dire ce qu'elle sera dans quelques mois, dans quelques années, même si le pire n'est pas certain ?

Il y a encore une dizaine d'années, les choses étaient simples : il y avait les bons, c'est-à-dire nous, les démocraties, et en face, derrière un rideau de fer, surarmés, il y avait les méchants... Mais aujourd'hui ces derniers ne sont plus là ! Mieux, la Russie, ayant bu le communisme comme le buvard l'encre, est redevenue un partenaire voir un allié potentiel. Nous avons été trahis par l'ennemi ! (Sourires) Certains en ont tiré des conclusions définitives, mais chacun sait que, la surprise d'un instant passée, l'histoire a repris ses droits et seuls les naïfs imbéciles ont pu croire à la « fin de l'histoire » et aux dividendes de la paix éternelle...

A l'évidence, nous sommes passés d'un affrontement frontal mais rationnel entre l'Est et l'Ouest à un choc des cultures avec son lot d'irrationnel et son cortège d'inégalités Nord-Sud. A l'opposition entre deux systèmes d'alliance interétatiques, qui parlaient le même langage, celui de la dissuasion nucléaire, donc de la rationalité, s'est substitué l'insaisissable fanatisme engendré par un monde peut-être à la dérive mais qui porte aussi en lui l'énigme de la foi, indéchiffrable à la raison pure, donc souvent incompréhensible.

C'est le plus grand défi que nous avons à relever et il n'est pas simplement matériel, il est aussi intellectuel, voire spirituel. Ce défi est au c_ur de notre politique étrangère et donc au c_ur de notre politique de défense, l'une n'étant rien sans l'autre.

La réponse à ces défis qui montent du sud n'est pas une mais globale. Elle passe par une politique étrangère active en Méditerranée, au Proche et au Moyen Orient et en Afrique, par une politique étrangère active de dialogue, de coopération, mais aussi d'engagement en faveur des forces qui se dressent contre l'intégrisme religieux.

Pour mener cette politique ambitieuse, il faut aussi des moyens militaires, afin de montrer à tous qu'il faudra compter avec nous et que nous ne serons pas des spectateurs face aux entreprises de déstabilisation, quelles qu'elles soient.

Cette loi de programmation militaire marque indéniablement le retour de la France sur la scène internationale. La modernisation de nos forces, le renforcement de leur mobilité, de leur capacité de projection sont des facteurs de stabilité dans un monde qui va à la dérive et peut devenir la proie de toutes les aventures. A ce titre, au-delà du niveau même de nos équipements, nous devons connaître et évaluer à tout moment la situation. Le renseignement devient un enjeu stratégique et politique pour maîtriser les crises et, surtout, pour les prévenir. La réalisation des satellites Helios de deuxième génération va dans ce sens.

Toutefois, au-delà du renseignement électronique, il faut connaître les hommes, leur culture, leur démarche intellectuelle, leurs objectifs. Pouvez-vous nous indiquer à grands traits l'action que vous souhaitez mener dans ce domaine ?

La coopération européenne est nécessaire, mais ne nous trompons pas, elle ne compensera jamais notre propre faiblesse, surtout à un moment où le pacte de déstabilisation prétend enfermer l'histoire dans une vision comptable - quelle dérision ! Les dépenses militaires sont des investissements, n'en déplaise aux grincheux monétaristes. Ne transigez jamais sur notre avenir, Madame.

Notre soutien vous est acquis pour la paix, pour la souveraineté de la France, fondement de notre liberté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Geneviève Levy - Lors de votre conférence de presse du 11 septembre dernier, vous avez déclaré, Madame la ministre, que ce projet « organise l'indispensable redressement de notre effort de défense, conformément aux exigences de notre sécurité et de notre défense ».

En tant que membre de la majorité et qu'élue de Toulon, je ne peux que vous féliciter d'une telle ambition.

Vous ne vous étonnerez pas que mon intervention porte sur la marine. Le Président Jacques Chirac a déclaré à Toulon qu'il « faut améliorer le maintien en condition opérationnelle des bâtiments de la marine ». Aussi, cette loi de programmation fait-elle du rétablissement de la disponibilité de nos matériels un objectif prioritaire.

L'établissement toulonnais de la DCN a pour vocation première l'entretien de la flotte, de l'aéronautique navale et des munitions. De 1989 à nos jours, il a vu revenir ses effectifs de 7 900 à 2 200 personnes. Je souhaite que cesse cette hémorragie ! Pouvez-vous nous indiquer quels seront les effets des augmentations de crédits sur le plan de charge, donc sur les effectifs ?

Ma seconde question porte sur le deuxième porte-avions.

Je me félicite que sa construction ne remette pas en cause le nécessaire renouvellement de notre flotte de surface et de nos sous-marins nucléaires d'attaque. Un second porte-avions est nécessaire si la France ne veut pas être considérée comme une puissance aéronavale à mi-temps, tous les politiques lucides en sont conscients.

Je sais que vous envisagez de créer un groupe de travail avant de prendre une décision, aux alentours de juin 2003, sur les possibilités de coopération avec la Grande-Bretagne. Mes craintes sont de deux ordres. Elles portent d'abord sur l'opportunité d'une coopération avec la Grande-Bretagne, car son retrait du programme de frégate Horizon est un précédent fâcheux. D'autre part, l'avion américain JSF choisi par la Grande-Bretagne et l'avion français Rafale peuvent-ils utiliser une même plate-forme ?

Par ailleurs, je m'inquiète du calendrier de la mise en service, qui devrait avoir lieu au plus tôt en 2012 et en tout cas avant 2015. Pouvez-vous m'indiquer la date à laquelle la construction du bâtiment ne pourra plus être remise en cause ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Georges Siffredi - Comme le montre le projet, le Gouvernement a tenu compte de la nouvelle menace que constitue le terrorisme de masse, dont les attentats du 11 septembre 2001 sont la plus violente manifestation. L'intégration du terrorisme et de la criminalité organisée dans la politique de défense remonte au début des années 1980 et le livre blanc sur la défense de 1994 avait officialisé cette évolution.

A présent, bien que la distinction entre terrorisme interne et terrorisme international s'estompe, une fracture demeure entre le champ de la défense et celui de la sécurité intérieure. Cette dualité n'est pas sans conséquences, qu'il s'agisse de législation ou d'efficacité de la lutte contre ce fléau.

Ainsi, après les attentats du 11 septembre, certains spécialistes ont comparé la situation des Etats-Unis à celle qu'ils avaient connue après le bombardement japonais de Pearl Harbour, le 7 décembre 1941. Une telle analyse est surprenante, car elle revient à légitimer une revendication fondamentale des terroristes, être considérés comme des combattants.

Autant le « terrorisme politique » considéré comme le fer de lance d'une revendication nationaliste et territoriale peut, dans certaines circonstances, être appréhendé dans une dimension militaire, autant la situation est complexe lorsqu'il s'agit de revendications dont le fondement n'est plus territorial.

Je suis conscient des menaces qui planent sur la France comme sur les autres pays occidentaux, particulièrement visés par les réseaux terroristes. C'est pourquoi je me réjouis que notre défense tienne toute sa place, en termes de prévention et d'action, dans la lutte contre ce fléau.

Pendant toute la guerre froide, la doctrine de défense était fondée sur une course à la technologie nucléaire et spatiale qui exigeait des moyens considérables, si bien que seules quelques grandes puissances y étaient impliquées.

Mais le coût du terrorisme, et en particulier du bio-terrorisme, est bien plus faible, et la technologie facilement accessible. Je me réjouis donc de voir renforcés les moyens de protection militaire et de sécurité civile.

Je ferai, pour conclure, deux propositions : en premier lieu, élaborer un Livre blanc européen analysant les menaces terroristes communes. Ensuite, mettre en place, dans les meilleurs délais, le système de réserve opérationnelle prévu pour appuyer les interventions de la gendarmerie.

La défense nationale est redevenue une priorité nationale, et ce projet traduit la volonté gouvernementale de lui rendre toute sa crédibilité et toute son efficacité.

C'est pourquoi, contrairement à mon collègue Boucheron, je voterai en toute confiance cette loi de programmation militaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Axel Poniatowski - Le projet lance la deuxième étape de la professionnalisation de nos armées et traduit les engagements, à cet égard, du Président de la République.

Je me félicite particulièrement de l'effort consenti en matière de recherche, car les crises récentes ont montré l'absolue nécessité de la supériorité technologique. Le renseignement, le contrôle et les télécommunications doivent être les axes stratégiques de notre recherche.

Une autre heureuse nouvelle tient aux moyens destinés à la modernisation des équipements, indispensable pour assurer la sécurité des Français et la défense de leurs intérêts dans le monde. L'acquisition de nouvelles capacités de défense suppose que la France se dote en particulier d'équipements pouvant contrer la menace aérienne et de missiles de croisière - ces missiles que nous n'avons toujours pas alors que les Etats-Unis en sont équipés depuis vingt-cinq ans.

La modernisation renforcera notre industrie de défense et, par là même, notre économie, tant l'effet multiplicateur induit est déterminant pour nos exportations.

L'Europe de la défense est une de nos priorités, mais nous n'en sommes qu'aux prémices. Le chemin est ardu...

Un député socialiste - Le plus tôt sera le mieux !

M. Axel Poniatowski - ...mais il faudra bien parvenir à mener à bien de grands programmes européens. Le Gouvernement a donc raison de poursuivre les projets engagés dans le domaine spatial, les plus complexes et les plus coûteux. Les économies réalisées grâce à cette coopération permettront de renforcer les capacités de nos forces de projection. Mais il faudra aussi décider l'intégration effective des forces, car chacun sait qu'une armée européenne serait plus efficace, à budget constant, que les armées nationales additionnées. Encore la volonté politique d'y parvenir doit-elle se manifester. Mais l'enthousiasme de nos voisins à l'idée d'une force de réaction rapide dans le cadre de l'OTAN alors qu'un corps du même type est en gestation en Europe montre que le chemin à parcourir est encore long...

La France doit être le fer de lance de la défense européenne. Je suis de ceux qui, au sein du groupe UMP, soutiendront avec enthousiasme ce projet, tout en m'attachant avec vigilance à prévenir la répétition des amputations de crédits trop souvent constatées dans le passé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Je remercie tous les orateurs de leur apport constructif à une discussion qui, parce qu'elle concerne la défense de la France, nous concerne tous.

La question a été posée, sur tous les bancs, de savoir comment la loi de programmation militaire s'insérait dans l'actualité. La situation est incertaine et complexe, car la menace terroriste augmente. Mais, parce que le terrorisme prend des formes multiples, les réponses doivent l'être aussi. On peut en effet avoir affaire à des terroristes individuels - et l'élue du Pays basque que je suis sait bien que le péril demeure - mais aussi à un terrorisme de masse qui est malheureusement en phase de généralisation. De plus, cette forme particulière de terrorisme pourrait s'exercer avec d'autres types d'armes que celles qui ont été utilisées à ce jour, et en particulier les armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires. Préparons-nous aussi à ce type de risques.

N'oublions pas non plus le terrorisme hors réseaux. Les discours extrémistes qui se développent peuvent conduire certains déséquilibrés à agir isolément. À l'évidence, le terrorisme peut prendre des formes diverses. Il convient donc de prévoir des réponses variées, d'ordre militaire, policier, financier et humanitaire. Le terreau du terrorisme, c'est l'écart de développement entre les différents pays du monde. C'est pourquoi le Président de la République plaide sans relâche pour un effort supplémentaire en faveur des pays les moins avancés. De même tout doit être fait pour casser les réseaux de financement du terrorisme. À ce titre, la lutte contre les réseaux de drogue doit s'intensifier. C'est bien souvent l'argent de la drogue qui finance le terrorisme et ce n'est pas un hasard si Ben Laden s'est installé dans un pays qui est l'un des plus gros producteurs de pavot. Il faut donc agir dans tous les domaines pour préserver la sécurité de nos concitoyens contre ces nouvelles menaces. Un effort tout particulier doit être accompli en faveur du renseignement, qu'il s'agisse du renseignement électronique - via les satellites et les drones - qu'ont évoqué notamment MM. Carayon, Myard et Poniatowski - ou du renseignement humain, élément essentiel s'il en est ...

M. Jacques Myard - Il est indispensable !

Mme la Ministre - Cela implique que nous renforcions nos moyens linguistiques et des postes seront créés à cet effet. Au titre de la prévention, les plans Vigimer, Vigiair et Vigipirate ont vocation à protéger l'ensemble du territoire et, en particulier, les sites sensibles.

La recherche doit nous permettre de disposer à l'avenir de nouvelles armes pour prévenir les menaces et réagir aux agressions. Elle est bien prise en compte dans le présent projet.

Si le terrorisme représente une donnée nouvelle de notre environnement géostratégique qu'il est essentiel de prendre en compte, les autres menaces n'ont pas disparu. Notre capacité à les prévenir et à les traiter doit donc rester intacte. Et il n'est pas responsable de préconiser - comme certains n'ont pas hésité à le faire - la disparition de notre force de dissuasion nucléaire. M. Voisin a eu raison d'y insister : nous devons conserver nos capacités de dissuasion nucléaire.

M. Patrick Ollier - Elle a raison !

Mme la Ministre - La dissuasion nucléaire, c'est la force de protection ultime du territoire. De la même façon, il est irréaliste de prétendre, comme l'ont fait certains sur les bancs de l'opposition, que nous n'avons plus besoin de forces de projection (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP). Ne sont-elles pas intervenues pour le plus grand profit de tous en Côte d'Ivoire ou en Afghanistan, pour rechercher le terrorisme à sa source ? Elles seules nous permettront d'intervenir sans attendre que la négociation diplomatique - avec le rythme qui lui est propre - aille à son terme et d'obtenir, là où c'est nécessaire, de poser nos avions. Nous avons incontestablement besoin d'une capacité de projection-action telle que la prévoit la loi de programmation.

Nous évoluons dans un système mouvant. Le livre blanc qu'a évoqué M. Donnedieu de Vabres développait une vision très en avance sur son temps puisqu'il faisait une large part à la menace terroriste. Les faits ont malheureusement confirmé la pertinence de ces analyses. Dans ce contexte, nous ne pouvons lâcher aucun des éléments de protection dont nous disposons. Nous devons augmenter et diversifier notre protection en fonction des éléments nouveaux qui sont susceptibles d'intervenir.

Telles étaient les questions qu'ont évoqué Mme Adam et MM. Hillmeyer, Fromion, Boucheron, Siffredi, Voisin, Le Bris, Carayon, Myard et Poniatowski.

Autre élément sur lequel vous avez été nombreux à intervenir, l'Europe de la défense. M. Myard considère qu'elle est nécessaire mais pas suffisante ...

M. Jacques Myard - Elle ne masquera pas nos faiblesses !

Mme la Ministre - Elle doit être complétée par l'effort national, lequel est, lui aussi, nécessaire mais pas suffisant puisque nous avons aussi besoin de nos partenaires européens. Les questions soulevées par le président Teissier, par MM. Donnedieu de Vabres, Poniatowski, Bocquet, Hillmeyer, Boucheron, Charasse, Rochebloine, Rivière et Deflesselles concernaient d'abord la vitesse. Aux yeux de nombre d'entre vous, l'Europe de la défense avance trop lentement. M. Donnedieu de Vabres estime même qu'elle piétine. J'observe cependant que l'Europe de la défense va tout de même plus vite que l'Europe monétaire. Elle progresse donc et dans des domaines très concrets.

S'agissant de la détermination des capacités, MM. Hillmeyer, Charasse et Deflesselles ont estimé que le rythme d'avancement n'était pas assez soutenu. Le processus ECAP qui nous a permis de prendre conscience ensemble de nos lacunes capacitaires est cependant en voie d'achèvement. Dès le mois de mai, nous serons en mesure de tenir une réunion européenne - c'est en tout cas le souhait de la présidence grecque - pour dresser le bilan des lacunes capacitaires européennes. À la demande de la France, nous embrayerons immédiatement sur des groupes de projets pour passer à la phase suivante.

De la même façon, vous avez parlé de la force d'intervention rapide européenne. Elle va prendre corps en 2003 et l'OTAN a pris modèle sur elle (« Exactement ! » sur les bancs du groupe UMP). Au reste, l'initiative européenne est plus large que celle de l'OTAN puisqu'elle concerne 60 000 hommes - contre 20 000 hommes - susceptibles d'être projetés très rapidement et de rester sur place très longtemps.

A Prague, tous les intervenants ont fait part de la volonté européenne d'écarter tout risque de double emploi ou de préemption entre les forces OTAN et européennes.

Il reste un domaine sur lequel vous êtes fondés à continuer de vous interroger, c'est celui de l'industrie européenne de la défense.

Pour ce qui concerne les programmes, l'Europe de la défense commence à se constituer. Reconfirmé par l'Allemagne, le programme A400M sera finalement tenu conformément à la commande initiale - soit 180 appareils - et il en va de même de Météor, de Galiléo ou des frégates multi-missions. Certes, la pression - pour ne pas dire le lobbying - des Etats-Unis a été très forte et certains de nos partenaires, estimant sans doute que la France n'allait pas assez de l'avant en la matière, ont été tentés de céder aux sirènes américaines. Ces temps sont révolus... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - C'est beau l'optimisme !

Mme la Ministre - ...mais les atermoiements passés et le refus de s'impliquer financièrement de manière peu volontariste dans l'Europe de la défense nous ont coûté cher.

En réactivant NH 90 alors que l'hypothèse avait été enterrée il y a six mois, nous redonnons confiance à nos partenaires. Ils ne doutent plus désormais de notre volonté de construire l'Europe de la défense.

La fiabilité est une autre question qui a retenu l'attention sur tous les bancs. Me croyez-vous ou non quand je vous dis que cette loi engage une véritable programmation qui sera réellement exécutée. M. Boucheron a déjà perdu deux paris avec moi, voici qu'il va en perdre un troisième ! La loi de programmation militaire est transparente comme l'est la loi de finances qui vient la concrétiser. Nous avons procédé au « débourrage ». Le budget de la défense était en effet bourré - c'est l'expression consacrée - par certaines charges annexes comme la Polynésie et le BCRD. La Polynésie a été retirée de mon budget, et les crédits du BCRD ont été inscrits dans le collectif pour 2002. Lorsque le ministère de la défense estimera avoir des besoins de recherche, il précisera lesquels, et ne financera que ceux-là. La recapitalisation de certaines entreprises comme GIAT et la DCN sera financée par le budget général, et non pas par celui de la défense. De même, la TVA induite par le nouveau statut de DCN ne sera pas à la charge du budget de la défense. Cet ensemble de décisions contribue à la transparence du budget de mon ministère.

A ceux qui contestent que la volonté exprimée au plus haut niveau de l'Etat suffise à assurer que la programmation sera exécutée, je rappelle la garantie fournie par le vote du budget 2003. Les crédits correspondants y figurent, alors que, M. Boucheron l'a souligné, les lois de programmation militaire n'étaient pour la plupart pas exécutées dès la première année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Fromion - Pari perdu, Monsieur Boucheron !

Mme la Ministre - Pour preuve que la programmation ne serait pas exécutée, certains ont rappelé que les crédits supplémentaires inscrits en août dans le collectif budgétaire avaient été en partie gelés. Je puis vous annoncer que la totalité des crédits gelés a été dégelée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). 300 millions de crédits de paiement, on l'a rappelé, ont été annulés. Je précise que c'est à ma demande. En effet, j'ai constaté que, d'ici à la fin de l'année, le ministère de la défense n'avait pas besoin ou n'était pas en mesure d'utiliser certains crédits de paiement. Un ministre responsable doit savoir aider le Gouvernement en période difficile. J'ai donc écrit le 26 novembre au Premier ministre que je n'avais pas l'usage de 300 millions avant mars prochain, et que je les mettais à la disposition du Gouvernement, en lui demandant de me les restituer en mars. Le Premier ministre l'a accepté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Vous voilà rassurés !

M. Michel Voisin - C'est de la bonne gouvernance !

Mme la Ministre - Les personnels ont fait l'objet de plusieurs questions. Les matériels, c'est vrai, ne suffisent pas à assurer la défense. Ils ont besoin de personnels nombreux, motivés et compétents. Je compte procéder l'an prochain au toilettage du statut militaire, en insistant sur le c_ur de ce statut : les militaires sont soumis à des contraintes découlant de la mission qui leur est confiée par la nation. Mais certaines de ces contraintes sont aujourd'hui dépassées.

Nous allons nous saisir du problème du recrutement. L'armée professionnelle a de plus en plus besoin de spécialistes, entrant ainsi en concurrence avec le secteur privé. Le fonds de consolidation de la professionnalisation permettra de compenser certaines contraintes ou de redresser des distorsions. Fidéliser les personnels requiert des efforts de notre part, y compris pour la gendarmerie. Nos militaires attendent des matériels en état de marche, mais aussi la reconnaissance que leur doit bien la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur Carayon, la situation des agents de renseignement me préoccupe. Ils ont souvent l'impression d'être mal considérés, ce qui n'est le cas ni aux Etats-Unis ni en Grande-Bretagne. Ces hommes, qui accomplissent un travail indispensable, qui prennent des risques parfois sérieux, méritent d'être pleinement reconnus. Il nous appartient de faire comprendre aux Français qu'ils doivent être fiers de leurs services de renseignement.

Monsieur Ménard, vous avez raison de vous préoccuper du service de santé qui, je l'ai mesuré sur le terrain, répond à une nécessité absolue. Nous possédons un service de santé remarquable, auquel d'autres armées font fréquemment appel. La loi de programmation comporte la création de nombreux postes, mais rien ne dit qu'ils seront pourvus facilement. Là encore, il faut attirer et fidéliser les personnels et tirer les conséquences de la féminisation. Des contraintes jugées excessives dissuadent en effet de nombreuses femmes de s'engager.

Les réserves, dont il a été beaucoup question, constituent un complément indispensable à l'armée professionnelle. Elles n'ont pas seulement un rôle supplétif : elles représentent une importante capacité d'expertise et assurent le lien entre l'armée et la nation. L'objectif était fixé à 100 000 réservistes en 2015, à 82 000 pour 2008. Nous sommes en retard, surtout pour les sous-officiers et plus encore pour les hommes du rang, avec un taux de 18 % par rapport à l'objectif. Avec la commission de la défense, nous aurons à réfléchir en 2003 sur la façon d'informer, de rendre attractif et de fidéliser. Le problème n'est pas seulement financier, mais aussi juridique. Il faut également convaincre les entreprises. Je vais faire savoir aux entreprises travaillant pour la défense nationale qu'il n'est pas admissible qu'elles ne fassent pas la promotion de l'esprit de réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mais il faut sans doute élargir le champ et, notamment, obtenir de nos collectivités et de nos administrations publiques qu'elles aussi se sentent concernées. Enfin, il conviendra de rendre les réserves plus attractives et d'accomplir un effort de proposition. Vous avez fait des propositions : sur cette base, nous devrions pouvoir définir toute une gamme d'actions d'ici à la fin de l'année prochaine.

J'en viens aux matériels, c'est-à-dire à nos industries de défense. S'agissant d'abord de la DGA, Monsieur d'Aubert, des progrès, parfois même des progrès sensibles, ont été enregistrés au cours des cinq dernières années, grâce au rapprochement intervenu avec les états-majors et à la réforme qui a recentré la Direction sur son « c_ur de métier », c'est-à-dire sur les programmes plus que sur la fabrication. Mais d'autres progrès sont indispensables, en particulier pour clarifier les responsabilités : cela éviterait le renouvellement des déboires que nous avons connus avec le VBCI, par exemple, car nous gagnerions en efficacité et en rapidité.

M. Yves Fromion - Très bien !

Mme la Ministre - Le plan à moyen terme de la DCN inclut des éléments de programmes tels que les SNA Barracuda, le quatrième SNLE de nouvelle génération, la troisième frégate Horizon et les frégates multi-missions. Le plan de charge est donc relativement important, comme le prévoyait d'ailleurs la loi portant transformation de la DCN.

A ce propos, Monsieur Cova, je vous précise que le passage au nouveau statut devrait intervenir au début de 2003.

S'agissant de GIAT, je serai brève car je dois réserver certaines annonces aux représentants des personnels. L'entreprise se trouve indéniablement dans une situation difficile, en raison de la fin du plan de charge des Leclerc et, surtout de plans sociaux et de réformes fondés sur des projections surévaluées et ne correspondant pas aux besoins. Cependant, nous tenons à préserver cette réserve de compétences et d'expertise, afin de ne pas abandonner cette ressource stratégique à l'étranger. J'ai donc demandé aujourd'hui au président de GIAT de présenter des propositions, et ce à trois égards. Il faut d'abord un projet économique viable, et non à la petite semaine : nous le devons aux personnels, désespérés par les plans sociaux. En second lieu, il faut donner à ces hommes et à ces femmes une réponse sociale, en leur garantissant une prise en compte individuelle de leurs besoins. Enfin, nous devons ouvrir des perspectives pour les sites en situation difficile, donc nous soucier de l'aspect aménagement du territoire (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous avez raison, Monsieur Fromion : le report de plusieurs programmes oblige à prolonger la vie de certains matériels. Ces coûts supplémentaires vont-ils amputer les crédits inscrits pour les nouveaux programmes, tel l'AMX10P ? Certes, les coûts d'entretien vont passer de 10 à 15 millions d'euros par an, mais l'augmentation considérable des crédits de MCO suffira à couvrir la prolongation de la vie des matériels sans préjudice aucun pour les nouveaux programmes.

Monsieur Sainte-Marie, le contrat d'entretien des C130 avait déjà été conclu à mon arrivée : l'appel d'offres a été lancé en décembre 2001. On pouvait relancer la procédure, certes, mais, pendant six mois, ces matériels n'auraient pas été entretenus ! J'ai donc laissé les choses en l'état. Aujourd'hui, six C130 sont de nouveau opérationnels. Le décalage n'a été là que d'un mois et n'était d'ailleurs pas imputable à l'entreprise portugaise.

Il est de fait qu'un seul porte-avions ne peut suffire à assurer la permanence de notre groupe aéronaval à la mer. Dans une dizaine d'années, le Charles-de-Gaulle va se trouver arrêté pour deux ans et demi. Il nous faut donc deux porte-avions pour en avoir toujours un. Reste maintenant à faire le choix de la propulsion : soit nous donnons un petit frère au Charles-de-Gaulle, soit nous optons pour la propulsion classique. Nous manquons actuellement des données techniques qui permettraient de trancher et j'ai par conséquent décidé que, dès que la loi de programmation serait votée définitivement, un groupe d'experts serait chargé de recenser les avantages et les inconvénients de chacun des deux systèmes.

Une coopération avec les Britanniques serait évidemment un élément en faveur de l'Europe de la défense, et elle reste encore possible après le choix qu'ont fait nos voisins pour leur avion. Mon homologue m'a d'ailleurs informée que son pays avait opté, pour ses porte-avions, en faveur d'un système de tremplin qui n'est pas incompatible avec le catapultage : la voie reste donc ouverte pour une collaboration.

Pour lever tout malentendu, je précise qu'il ne s'agit pas de construire un porte-avions commun : les Britanniques souhaitant se doter de deux de ces bâtiments et nous d'un, nous avons seulement pensé que des économies en ligne étaient possibles si nous mettions en commun les crédits d'études.

Je demanderai au groupe de travail de me remettre ses conclusions en juin et, naturellement, j'en informerai la commission. Nous devrions être en mesure de lancer la réalisation dès 2005, le processus devenant irréversible à partir de 2008, Madame Levy.

J'espère n'avoir négligé aucune de vos questions et je vous remercie de m'avoir permis de préciser certains points (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du gouvernement.

ARTICLE PREMIER ET RAPPORT ANNEXÉ

M. Pierre Lellouche, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Tout d'abord, je vous prie d'excuser mon arrivée tardive, Madame la ministre : l'Assemblée s'est tellement passionnée pour la réforme constitutionnelle que tous nos débats en ont été décalés. De ce fait, au moment fatidique, je me trouvais à Moscou...

M. Yves Fromion - Mais les Tchétchènes ne l'ont pas détourné !

M. Jacques Myard - Nous n'aurions pas payé la rançon !

M. Pierre Lellouche, rapporteur pour avis - Cet article premier me donne l'occasion de vous dire, Madame la ministre, tout le bien que je pense de ce projet, qui permettra de sortir d'une situation préoccupante par des engagements fermes dont je ne doute pas qu'ils seront tenus, et qui marque une inflexion majeure de votre doctrine à travers quatre objectifs clairs - prévention, dissuasion, projection et protection de notre territoire.

Concernant le rattrapage capacitaire, n'en déplaise à Jean-Michel Boucheron, si Jacques Chirac en 1996 avait voulu une armée de métier, Lionel Jospin, avec le déclin des crédits militaires, en avait fait une armée de moitié...

En matière industrielle, la prise de contrôle de l'ensemble de l'industrie européenne d'armement par les Etats-Unis est très préoccupante. J'aimerais, Madame la ministre, que vous nous donniez votre point de vue sur la stratégie à adopter car les grands programmes européens ne vont pas bien.

Enfin, je souhaiterais avoir votre opinion au sujet de la protection du territoire, que le terrorisme international nous oblige à réinventer. Le projet fixe des principes, mais j'aimerais avoir des précisions. Comment pensez-vous articuler cette mission avec la sécurité intérieure d'une part, les missions de projection d'autre part ?

Ce projet ne permettra pas de rattraper en cinq ans la Grande-Bretagne - qui consacre à sa défense 2,4 % du PIB -, mais de boucher les principaux trous, notamment en matière d'équipements. Tous les amendements que je défendrai au nom de la commission des affaires étrangères visent à sanctuariser vos crédits. En effet il ne s'agit pas seulement ce soir de voter un texte-cadre, mais de prendre l'engagement politique que ces crédits seront préservés.

Permettez-moi, Madame la ministre, de saluer votre travail et de vous souhaiter « bon vent » pour l'exécution de cette loi ; nous veillerons à ce que les crédits de la défense ne servent pas, comme par le passé, de variable d'ajustement : pour financer telle ou telle dépense sociale à la mode.

M. le Président - Nous en arrivons aux amendements au rapport annexé.

M. Guy Teissier, président et rapporteur de la commission de la défense - L'amendement 17 tend à supprimer la table des matières du rapport annexé, dont la cohérence risque d'être remise en cause lors de la publication du texte au Journal officiel.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Lellouche, rapporteur pour avis - Je défends les amendements 5, 6, 7 et 8 en même temps. Ils ont simplement pour but, Madame la ministre, de vous amener à clarifier les choses concernant les crédits de la gendarmerie, ce qui me permettrait de les retirer.

En effet l'article 2 précise qu'aux crédits d'équipement prévus s'ajoutent, pour la gendarmerie nationale, ceux que prévoit la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Je souhaite que vous le confirmiez car à divers endroits du rapport annexé, des formules ambiguës pourraient laisser penser le contraire.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements car, s'il est vrai que le rapport annexé n'est pas toujours clair, ils suggèrent à tort une dissociation des crédits de la LOPSI et de ceux de la loi de programmation militaire. En outre, leur adoption serait un bien mauvais signal à l'adresse des gendarmes, qui restent très attachés à leur appartenance à la communauté de la défense. L'amendement déposé par M. d'Aubert à l'article 2 résoudra le problème.

Mme la Ministre - Je concède très volontiers que la rédaction n'est pas parfaite. Je me rallierai à celle qui exprimera le plus clairement que les crédits d'équipement de la gendarmerie prévus dans la LOPSI entrent dans le champ de la LPM.

M. François d'Aubert, rapporteur pour avis de la commission des finances - Il se pose en effet un problème de synchronisation entre la LOPSI, qui est sur cinq ans, et la LPM, qui est sur six ans. Les amendements 1 et 2 de la commission des finances tendaient à mettre le rapport annexe en conformité avec le dispositif de l'article 2, mais je les retire au profit de l'amendement 23 à l'article 2, afin qu'il soit bien précisé que les crédits de la LOPSI entrent bien dans le périmètre de la LPM sans pour autant être inclus dans l'enveloppe de 14,64 milliards d'euros prévue, en moyenne annuelle, pour les dépenses en capital.

M. Pierre Lellouche, rapporteur pour avis - Je retire les amendements 5, 6, 7 et 8.

L'amendement 9 traduit un v_u unanime de la commission des affaires étrangères qui a en quelque sorte rendu hommage à François Léotard et aux analyses du livre blanc de 1994, lequel a servi de base à la professionnalisation et à la politique militaire de Jacques Chirac.

La situation a toutefois beaucoup évolué depuis et, compte tenu de ce qui s'est passé le 11 septembre 2001, de l'accélération des mesures terroristes, de la prolifération nucléaire il nous est apparu nécessaire, si ce n'est de préparer un nouveau livre blanc, du moins d'actualiser celui-ci. A l'heure où un livre blanc européen est en préparation, nous pourrions ainsi cadrer les concepts de notre politique de défense et faire _uvre pédagogique en direction des Français.

M. le Rapporteur - La commission de la défense a estimé que le livre blanc de 1994 était largement obsolète et qu'il conviendrait non de l'actualiser mais d'en rédiger un nouveau.

Il lui est toutefois apparu que la rapidité des évolutions géopolitiques et géostratégiques empêchait désormais de graver dans le marbre une doctrine de plus en plus flexible.

Elle a donc donné un avis défavorable à cet amendement, même si rien n'empêche le Président de la République d'engager à tout moment, s'il le jugeait utile, une nouvelle réflexion stratégique.

Mme la Ministre - Dans un environnement extrêmement mouvant, il ne me semble pas que soient remises fondamentalement en cause les analyses du premier livre blanc, qui intégrait déjà le terrorisme de masse.

Je suis prête à me rendre devant la commission des affaires étrangères comme devant celle de la défense pour débattre avec vous, au fur et à mesure, des évolutions de notre stratégie, mais il ne me semble pas indispensable de figer les choses.

Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Jérôme Rivière - La référence au livre blanc de 1994 me va droit au c_ur puisque j'étais alors petite main au cabinet de François Léotard. Force est toutefois de constater que le contexte et les défis ont changé. Il me semble néanmoins que la procédure prévue à l'article 7 d'un débat parlementaire tous les deux ans est moins lourde que la réécriture du livre blanc que propose l'amendement (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Pierre Lellouche, rapporteur pour avis - Je remercie la ministre pour son ouverture d'esprit.

Je suis en revanche un peu surpris par les arguments de mes collègues. L'Europe a engagé la rédaction d'un livre blanc. Or, au regard de la faiblesse des budgets de la défense de nombre de nos partenaires et des divergences qui sont apparues sur des sujets aussi importants que l'Irak, il m'apparaît d'autant plus nécessaire que la France précise ses propres concepts, comme l'ont fait ses principaux partenaires - Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada.

Nous pourrions ainsi mettre notre action en perspective, prendre en compte les changements intervenus depuis 1994, permettre au ministre de cadrer ce qui est fait en matière d'armement, nourrir le dialogue avec nos concitoyens, qui savent qu'ils sont devenus vulnérables.

Si mes collègues le souhaitent, je suis prêt à rectifier l'amendement pour demander la rédaction, au cours de la période de la programmation, d'un nouveau livre blanc.

M. le Rapporteur - Ces arguments sont intéressants mais ils ne changent rien au fait qu'il appartient au Président de la République de prendre une telle décision et qu'il n'y a donc pas lieu de l'inscrire dans la loi de programmation.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 18 remplace une référence au « modèle actualisé » par celle, plus explicite, du modèle d'armée 2015.

Mme la Ministre - Cette rectification est tout à fait bienvenue.

L'amendement 18, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 19 et repoussé l'amendement 10 de la commission des affaires étrangères.

En effet, s'il est louable de vouloir préciser les modalités de financement des opérations extérieures, leur caractère imprévisible empêche de les inscrire totalement en loi de finances initiale. Nous proposons donc d'y inscrire la moitié de la somme calculée à partir de la moyenne des cinq années précédentes et de faire figurer le solde en loi de finances rectificative.

M. Pierre Lellouche, rapporteur pour avis - Sur un sujet aussi important, nous sommes naturellement aux pieds de la commission de la défense. Nous nous sommes contentés d'avoir l'idée, vous serez l'architecte d'une réforme que la communauté de défense attend depuis des années, grâces vous en soient rendues !

Nous avons simplement souhaité mettre fin à ce scandale que constitue le fait de reprendre, ex post, dans le budget d'investissement de la défense, les sommes utilisées pour les opérations extérieures. De telles opérations sont devenues systématiques. Il y en a eu une centaine depuis la fin de la guerre froide, pour un coût moyen de 4 à 5 milliards à chaque fois, et tout indique que nous allons continuer de la sorte.

J'ai bataillé longtemps pour obtenir satisfaction à ce sujet lorsque j'étais dans l'opposition, et mon opinion n'a pas varié. Mais la commission des affaires étrangères retire volontiers l'amendement 10 au bénéfice de l'amendement 19 dont la rédaction convient mieux, si ce n'est que, connaissant les services de Bercy, vous aurez le plus grand mal, Madame la ministre, à obtenir le versement du solde qui devrait vous revenir...

M. François d'Aubert, rapporteur pour avis - Ces deux amendements, dont le point de départ est excellent, ont pour seul inconvénient de n'avoir aucune valeur normative. Pour avoir plus d'effet qu'une simple pétition de principe, ils devraient figurer dans la loi de finances. Quant au mode de calcul, il peut prêter à contestation ; ce qui est fâcheux. Des travaux sont en cours sur cette question, dont les conclusions doivent être rendues sous peu. Mieux vaudrait attendre qu'elles le soient, et s'en inspirer pour formuler une proposition normative, plus efficace.

Mme la Ministre - Il me paraît tout à fait anormal, comme à vos rapporteurs, que le financement des OPEX soit prélevé sur les crédits inscrits au titre V, en loi de finances rectificative.

Je suis donc en plein accord sur le principe mais, je préférerai que les conclusions de l'étude en cours me soient remises avant qu'une formulation ne soit retenue.

M. Michel Voisin - Conformément à la suggestion de M. d'Aubert, pourquoi ne pas déposer l'amendement en deuxième lecture de la loi de finances ?

M. Pierre Lellouche, rapporteur pour avis - L'argument de mon collègue d'Aubert est fondé, mais il faut aussi faire passer le message politique que nous souhaitons, et qui est que nous ne voulons plus que les OPEX soient financées comme elles l'ont été jusqu'à présent.

M. Jérôme Rivière - Une rédaction qui ne serait qu'une pétition de principe ne serait pas satisfaisante.

Mme la Ministre - Je propose de rectifier l'amendement 19 qui se lirait ainsi : « 1.5 Le financement des opérations extérieures. Une ligne budgétaire spécifique aux opérations extérieures sera créée en loi de finances initiale ».

M. le Rapporteur - Avis favorable à cette rectification.

L'amendement 19 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 10, 2 et 8 sont retirés.

M. François d'Aubert, rapporteur pour avis - L'amendement 3 est rédactionnel.

L'amendement 3, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier et le rapport annexé amendé, mis aux voix, sont adoptés.

ARTICLE 2

M. François d'Aubert, rapporteur pour avis - l'amendement 23 a déjà été défendu.

L'amendement 23, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 11 tombe.

M. le Rapporteur - L'amendement 24 n'a pas été examiné par la commission. Je le présente à titre personnel par souci de clarification et pour éviter toute ambiguïté.

Nous devons éviter qu'une lecture hâtive de l'article laisse croire aux personnels de la défense que les moyens dégagés par la LOPSI sont compris dans la loi de programmation militaire, diminuant d'autant le rattrapage budgétaire annoncé en faveur de nos armées.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable à toute clarification !

L'amendement 24, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. François d'Aubert, rapporteur pour avis - L'amendement 4 est rédactionnel. Seules les lois de finances peuvent créer des emplois. Il convient donc de parler d'emplois prévus.

L'amendement 4, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 14 vise à créer un service à caractère civil et militaire sur la base du volontariat. Il s'agit, pour compenser les effets de la professionnalisation, de consolider le lien aujourd'hui distendu entre l'armée et la nation, de donner aux volontaires une formation militaire de base, d'épauler la sécurité civile - notamment en cas de catastrophes naturelles - et de conforter la réserve et les sapeurs pompiers.

M. le Rapporteur - Le service civil qu'il nous est proposé d'instituer a été créé par la loi du 14 mars 2000 relative au volontariat civil. Par ailleurs, les armées accueillent toujours des jeunes volontaires pour une durée d'un an pouvant déboucher sur un engagement de cinq ans. L'amendement est donc sans objet.

Mme la Ministre - Créer une nouvelle forme de service relèverait d'une loi spécifique et non du présent texte. Si je suis favorable à toute réflexion visant à renforcer le lien entre l'armée et la nation, je considère comme votre rapporteur que cet amendement est sans fondement.

L'amendement 14, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

M. Michel Voisin - Avec les articles 4 et 5, nous sommes au c_ur du défi majeur qu'a représenté la révolution culturelle de la professionnalisation des forces, voulue par le Président de la République. Rapporteur de la défense en 1996, j'ai insisté à l'époque sur la nécessité d'accompagner cette réforme fondamentale de mesures appropriées. Certaines présentaient un caractère temporaire. Il y avait donc lieu de les reconduire et vous l'avez prévu. L'article 4 est également très bien venu puisqu'il tend à favoriser la fidélisation, le recrutement et la reconversion. Je suggère que l'évaluation de ces mesures très positives fasse l'objet de communications à la commission de la défense (Assentiment de Mme la Ministre).

L'article 4, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 5 et 6.

APRÈS L'ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 20 vise à étendre aux armées et aux services du ministère de la défense les dispositions bénéficiant à la justice, à la police et à la gendarmerie en vertu de l'article 3 de la LOPSI. Il s'agit de moderniser la gestion immobilière en introduisant des dispositifs dérogatoires - aménagement du code des marchés, possibilité de crédit-bail - pour permettre d'engager plus rapidement et dans de meilleures conditions les projets immobiliers. Il n'est que temps d'accélérer les procédures. La rénovation de certaines casernes est bloquée depuis vingt ans !

M. François d'Aubert, rapporteur pour avis - La commission des finances ne l'a pas examiné mais elle soutient toutes les formules de financement réellement novatrices. Je suis donc favorable à cette excellente initiative qu'il eût été intéressant d'étendre aux opérations d'équipement.

Mme la Ministre - Notre ministère veut être à la pointe de la modernisation de l'Etat et je suis personnellement favorable à tout ce qui va dans ce sens !

M. Dominique Caillaud - Elu d'une circonscription où la caserne appelle rénovation depuis vingt ans, je ne peux que me réjouir de cette évolution. Je déplore cependant que les projets immobiliers ne soient pas actualisés. L'architecture envisagée date de vingt ans. Les attentes des personnels - et de leurs familles lorsqu'il s'agit de logements - ont évolué. Il faut en tenir compte d'autant que la vie de caserne est déjà lourde de sujétions.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Jean-Claude Sandrier - S'agissant du service civil, je croyais avoir lu dans la presse que Mme la ministre en proposait la création. Il m'est répondu aujourd'hui qu'il existe déjà. Qu'en est-il ?

L'amendement 15 vise à ce qu'un débat soit organisé au Parlement tous les deux ans sur les conditions de la sécurité en France et dans le monde, sur l'évolution du contexte stratégique, sur les orientations des politiques de défense française et européenne et sur les choix en matière d'industrie d'armement. Demandeurs de longue date d'un débat annuel sur ces thèmes, nous apprécions l'avancée que réalise le texte mais nous souhaitons que le champ de la discussion s'élargisse pour prendre en compte tous les nouveaux enjeux de la politique de défense.

M. le Rapporteur - Avis défavorable car la rédaction proposée n'améliore pas sensiblement le texte du Gouvernement. De plus, nous présenterons après l'article 7 des amendements tendant à renforcer le contrôle du Parlement dans le sens que vous souhaitez.

Mme la Ministre - Dans la mesure où les amendements de vos commissions de la défense et des affaires étrangères visent à préciser le champ de ce débat, j'invite M. Sandrier à retirer le sien puisque ses préoccupations seront satisfaites.

M. Jean-Claude Sandrier - C'était donc un bon amendement !

Mme la Ministre - La rédaction retenue par vos commissions correspond mieux à l'esprit de la loi de programmation.

M. Jean-Claude Sandrier - Dans ces conditions, je le retire !

L'amendement 15 est retiré.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 16 corrigé vise à ce que la France s'engage à relancer l'ensemble des conférences sur la paix et sur le désarmement, en particulier pour ce qui concerne les armes nucléaires et de destructions massives. Force est de constater que nous avons collectivement levé le pied de manière coupable depuis la réorientation des choix stratégiques américains. Or on ne peut conduire une politique de défense sans agir parallèlement pour le désarmement, notamment en matière d'armes de destructions massives.

Je vous précise, Madame la ministre, que personne ici n'a demandé de mettre fin à la dissuasion ni de supprimer la projection.

La prolifération est le plus grand danger qui nous guette. Croire qu'on la conjurera en montrant du doigt deux ou trois pays, qui d'ailleurs ne sont pas les plus dangereux, serait une erreur. Ce serait l'honneur de la France et de l'Europe de relancer la bataille pour le désarmement et de proposer avec d'autres de reprendre au plus haut niveau les conférences pour la paix et le désarmement. Faire apparaître notre volonté sur ce point dans la loi de programmation serait un signe fort.

M. le Rapporteur - Il est inutile d'inscrire dans un article particulier de la LPM l'engagement constant de la France en faveur du désarmement. Le rapport annexé indique que « La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, continuera de soutenir le rôle des Nations unies ainsi que les processus et engagements multilatéraux, dont la crédibilité reste un élément-clé de la stabilité internationale ».

Nos efforts constants ont contribué à obtenir la signature par 93 Etats d'un code international de conduite contre la prolifération des missiles balistiques à La Haye le 26 novembre. C'est un pas supplémentaire vers un meilleur contrôle du développement des armes de destruction massive.

Notre pays est le seul à avoir détruit la totalité de ses stocks d'engins balistiques à courte portée, en particulier les missiles Hadès, ainsi que son armement chimique. Faites-le remarquer dans les réunions internationales auxquelles vous assistez et où d'autres pays ne consentent pas le même effort.

Mme la Ministre - La France est partie à la quasi-totalité des traités de désarmement existants. A la conférence du désarmement de Genève, elle joue un rôle actif. Elle participe aux efforts tendant à renforcer les traités de non-prolifération. Plus récemment, elle s'est engagée en faveur de la convention pour l'interdiction des armes biologiques et du traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Elle intervient chaque fois que nous sommes en contact avec des pays qui n'ont pas encore adhéré à l'un de ces traités. Conséquente avec elle-même, la France a mis fin en 1995 aux essais nucléaires.

Votre amendement, Monsieur Sandrier, n'ajoute rien à une politique qui fait honneur à notre pays. Je vous suggère de le retirer.

M. Jean-Claude Sandrier - Notre amendement n'est pas dirigé contre la politique de la France. Mais, au niveau international, tout le monde a un peu levé le pied sur la question du désarmement. Le texte de loi devrait relancer cette exigence. Je n'ai pas compris l'allusion du rapporteur à mes prétendus contacts internationaux.

L'amendement 16 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Lellouche, rapporteur pour avis - L'amendement 13 appartient également à la série boîte à idées. La commission de la défense l'a heureusement complété. C'est donc dans une démarche commune que nous demandons au Gouvernement de déposer chaque année un rapport d'exécution, qui donnera lieu à un débat ici.

M. le Rapporteur - Avis favorable à l'amendement. Le dépôt de ce rapport complétera utilement le système de contrôle trimestriel de l'exécution. L'article 4 de la LPM de 1997-2002 prescrivait le dépôt annuel d'un rapport. Il faut en affirmer l'importance. C'est l'objet du sous-amendement 21, qui tend à assortir le dépôt du rapport de l'organisation d'un débat au Parlement. Les commissaires compétents pourront faire état des résultats de leur contrôle sur l'utilisation des crédits votés. Nous verrons ainsi si les engagements pris ont été tenus.

Mme la Ministre - Comment résister à une demande conjointe présentée de façon si séduisante ?

Le sous-amendement 21, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 13 ainsi modifié.

M. le Président - Nous avons achevé l'examen des articles. Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet auront lieu le mercredi 4 décembre, après le vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.

Prochaine séance mardi 3 décembre à 9 heures.

La séance est levée ce vendredi 29 novembre, à 0 heure 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

ORDRE DU JOUR

DU MARDI 3 DÉCEMBRE 2002

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

    1. Questions orales sans débat.

    2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

    1. Questions au Gouvernement.

2. Débat sur l'avenir de l'Europe avec la participation de M. Valéry Giscard d'Estaing, président de la Convention sur l'avenir de l'Europe.

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 375) relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi.

M. Dominique DORD, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Rapport n° 386)


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