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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 35ème jour de séance, 93ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 5 DÉCEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

        NÉGOCIATION COLLECTIVE
        SUR LES RESTRUCTURATIONS
        AYANT DES INCIDENCES SUR L'EMPLOI (suite) 2

        ARTICLE PREMIER (suite) 2

        AR.T 2 2

        ART. 3 12

        APRÈS L'ART. 3 14

        TITRE 21

        ORDRE DU JOUR DU MARDI 10 DÉCEMBRE 2002 23

La séance est ouverte à vingt et une heures.

NÉGOCIATION COLLECTIVE SUR LES RESTRUCTURATIONS
AYANT DES INCIDENCES SUR L'EMPLOI (
suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 79 vise à ce que les règles de licenciement économique prévues par le code du travail actuellement en vigueur s'appliquent pour le licenciement des 450 salariés de l'entreprise AZF de Toulouse.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission a donné un avis défavorable à cet amendement et à tous ceux qui le suivent. Si l'on comprend l'objectif, il n'est pas possible de mentionner une entreprise particulière, touchée par une procédure transitoire, dans la loi.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Même avis, ainsi que pour toute la série d'amendements qui va suivre. Une disposition similaire, mais de portée générale, est déjà incluse dans l'article 3, qui prévoit que les dispositions du code du travail visées à l'article premier restent applicables aux procédures de licenciement en cours, sauf accord passé selon l'article 2. L'entreprise AZF se verra donc appliquer ces dispositions.

L'amendement 79, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 80 est défendu, ainsi que les amendements 82 à 95.

L'amendement 80, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94 et 95.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

AR.T 2

M. Gaëtan Gorce - Autant nous avons condamné l'article premier sur le fond, car il fragilise la protection des salariés, autant l'article 2 nous semble contestable sur la forme. Il a pour objet de permettre une négociation dérogatoire, expérimentale et encadrée.

Le champ ouvert aux dérogations est tout d'abord particulièrement flou. L'article indique qu'il est permis de déroger aux livres III et IV du code du travail, respectivement relatifs aux questions de placement et d'emploi et aux syndicats et comités d'entreprise, et qui regroupent 190 articles. Or, lorsque le législateur délègue une partie de ses compétences, il est tenu de le faire de façon précise et limitée, ainsi que cela a été par exemple le cas dans une loi de 1996. Ici, après la référence aux livres III et IV, il se borne à dire que les dérogations pourront porter sur les formalités d'information et de consultation du comité d'entreprise, à l'exception de l'article L. 321-4 relatif à l'information économique donnée au comité d'entreprise et de l'article qui touche aux procédures de liquidation.

Doit-on en conclure que la dérogation est autorisée pour tout une série d'autres articles du code du travail qui traitent de l'information et de la consultation des salariés ? L'article L. 321-1 traite par exemple de la consultation sur les critères de licenciement, l'article L. 321-2-2 de la consultation du comité d'entreprise, l'article L. 321-3 de l'organisation des deux réunions obligatoires, l'article L. 321-4-1 du contenu du plan social et l'article L. 321-7-1 du recours à l'expert-comptable. Dans le livre IV, trois articles au moins sont concernés, relatifs au principe même de la consultation, à l'annonce publique et à la saisine du comité d'entreprise.

Des questions juridiques se posent donc. Est-il par exemple possible de déroger au principe même de la consultation ? Le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 pose le principe de la consultation du comité d'entreprise sur tout projet de restructuration. Y déroger, c'est remettre en question le droit des salariés à participer à la gestion de l'entreprise, garanti par le préambule de la Constitution de 1946. De la même façon, pourra-t-on supprimer une des réunions prévues, changer l'ordre des réunions entre le comité central et le comité d'établissement ou modifier les délais prévus ?

Outre les incertitudes juridiques, des problèmes de constitutionnalité se posent, tant du point de vue de la délégation accomplie par le législateur que des droits des salariés. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat ont toujours considéré que les dérogations ne pouvaient pas diminuer les droits existants, mais apporter de nouveaux avantages aux salariés. Le Conseil constitutionnel exige à tout le moins que la loi ait prévu des garanties équivalentes, qui font totalement défaut dans la rédaction actuelle.

Le deuxième alinéa du I est tout aussi confus. De quel type d'accord parle-t-on ? Qu'entend-on par « conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi fait l'objet d'un accord » ? S'agit-il des modalités de la négociation, de l'articulation entre le plan et la procédure de consultation ou du contenu du plan, ce qui susciterait d'ailleurs beaucoup d'autres inquiétudes ?

Cette imprécision, certainement due à une mauvaise préparation du texte, fait courir des risques juridiques. La régularité de la procédure de consultation est un élément de la validité du licenciement et peut entraîner des conséquences importantes. Vous risquez de mettre les entreprises que vous défendez ardemment dans une situation difficile ! En outre, que se passerait-il si un salarié contestait un accord qui fixerait des mécanismes de consultation ou d'information moins favorables que ceux qui sont prévus actuellement ?

Tout cela montre bien que ces dispositions précipitamment élaborées ne visent qu'à revenir sur la loi de modernisation sociale, et non à ouvrir un champ nouveau à la négociation.

M. le Président - Je vous ai laissé poursuivre, ne doutant pas que vos explications valaient aussi pour la défense de l'amendement 107 de suppression, qui est identique à l'amendement 5 du groupe communiste.

M. Gaëtan Gorce - Certainement.

M. le Rapporteur - Sans doute le ministre précisera-t-il en quelles matières il sera possible de déroger aux dispositions des livres III et IV du code du travail. Pour ma part, je considère la formulation du premier paragraphe de l'article suffisamment explicite pour nous rassurer. C'est pourquoi la commission a exprimé un avis défavorable sur les amendements 5 et 107.

M. le Ministre - L'article 2 introduit des innovations importantes, sur lesquelles le Gouvernement compte pour faire évoluer les relations sociales. Je tiens à souligner que nous n'avons pas inventé les accords de méthode : même si la loi ne les prévoit pas expressément, il en existe déjà, et la plupart ont été adoptés à l'unanimité des organisations syndicales présentes dans les entreprises considérées. De ce fait, ils n'ont pas été remis en cause, bien que leur légalité soit contestable. Pourquoi le seraient-ils ? Ils ne touchent pas aux prérogatives du comité d'entreprise et concernent seulement les modalités de ses réunions et celles de l'intervention des experts. En bref, ils visent à favoriser les comportements de bonne foi plutôt que les man_uvres dilatoires. Autrement dit, il s'agit d'établir des relations de confiance entre les partenaires sociaux. Comme c'est exactement ce à quoi nous tendons, nous souhaitons donner à ces accords de méthode une base juridique. Que M. Gorce se rassure : il n'est pas question de déroger à l'ordre public social. D'ailleurs, la rédaction du premier paragraphe de l'article ne permettrait pas que les accords dérogent à l'article L. 321-4-1 du code du travail et ne supprimerait pas la possibilité de recours individuel et collectif sur le respect des prescriptions de l'article 2 lui-même. Ainsi M. Gorce sera-t-il rassuré...

M. Gaëtan Gorce - Pas complètement.

M. le Ministre - ... par une méthode nouvelle, qui permettra de faire heureusement évoluer les relations sociales au sein de l'entreprise.

M. Gaëtan Gorce - Si l'on s'apprête à revoir les modalités de fonctionnement du comité d'entreprise, le risque existe que le recours à un expert-comptable soit remis en cause par des voies indirectes. Si l'accord prévoit que le comité n'est plus appelé à se réunir qu'une fois au cours de la procédure de licenciement, à quel moment l'expert mandaté pourra-t-il lui remettre ses conclusions ? Les choses sont loin d'être aussi tranchées qu'on le dit.

Mme Jacqueline Fraysse - L'article 2 comporte un double danger et entraîne une véritable régression sociale. Alors que la protection des salariés doit être renforcée face à des déferlantes de licenciements sans scrupule, cet article détourne le sens de la négociation collective et va créer confusion et arbitraire.

La négociation collective a pour objet de conférer des droits et des garanties aux salariés et non pas d'en supprimer ! Or vous la transformez en instrument de la régression sociale en remettant en cause le principe de faveur.

Alors qu'on connaît la pression que subissent les négociateurs en cas de restructurations et de plans de licenciement, le texte donne à la négociation le rôle de déroger aux garanties légales, dans un sens défavorable aux salariés. Pour la première fois, patrons et syndicats seraient autorisés à réduire les droits des comités d'entreprise et décideraient des procédures et des modalités de licenciement. En clair, les salariés seront conduits à négocier eux-mêmes les conditions de leurs licenciements ou de ceux de leurs collègues !

Cette nouvelle atteinte, extrêmement grave, à l'ordre public social et à la hiérarchie des normes porte en germe le démantèlement annoncé du code du travail, déjà amorcé avec la remise en cause de la réduction du temps de travail.

Quelle garantie demeure si le droit de licenciement est renvoyé à une négociation d'entreprise qui n'est même plus encadrée par la négociation interprofessionnelle ou de branche ?

Les salariés sont doublement lésés. D'abord, quant à leurs droits individuels : jusqu'à présent, quels que soient les accords conclus dans le cadre des procédures de licenciement, les salariés pouvaient contester la licité du licenciement économique. Désormais, l'accord se substitue à la loi, privant les salariés du socle minimum de garanties légales.

D'autre part, les droits des comités d'entreprise pourront être limités par les accords qui fixeront les conditions et les modalités d'information et de saisie ainsi que la procédure de consultation. Du même coup, la prise en charge par l'entreprise du paiement des experts disparaît.

Pour donner un semblant de légitimité à une négociation dont la seule vocation est de déréglementer, ce texte introduit la notion d'« accord majoritaire », qui nous avait été refusée lors de l'examen de l'assouplissement du temps de travail. Mais le Gouvernement se garde bien de mettre en place l'accord majoritaire pour les négociations interprofessionnelles qui doivent servir à l'élaboration de la nouvelle législation en la matière. La possibilité est donc donnée à la minorité de faire la loi.

Enfin cet article va créer la confusion et l'arbitraire. Comment faire respecter l'égalité des concitoyens devant le droit à l'emploi si chaque entreprise peut désormais fixer ses propres règles ? Si le socle des garanties légales disparaît, c'est la porte est ouverte à tous les abus.

De plus, les accords d'entreprise sont dits expérimentaux, mais sans que l'on sache ce qui se passera au terme des deux ans fixés, ce qui fait risquer l'arbitraire le plus complet.

Monsieur le ministre, vous vous engagez délibérément dans une voie dangereuse. Vous allez au devant des exigences du Medef...

M. Jean-Michel Fourgous - Vilain Medef ! Il faut le supprimer !

Mme Jacqueline Fraysse - ... au mépris des salariés menacés dans leur emploi et qui auront encore moins d'appui pour s'opposer aux agissements peu scrupuleux des grands groupes à la recherche insatiable du profit maximum.

C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 5, la suppression de cet article.

Les amendements 5 et 107, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Si assurances il y a, elles doivent se traduire dans le texte. Nous proposons donc, par l'amendement 6, de lever toute ambiguïté relative au respect de l'ordre public social, en mentionnant expressément que si dérogation il y a, elle ne pourrait contredire les dispositions de l'article L. 132-4 du code du travail. C'est bien le moins, au moment où des dizaines de milliers de salariés sont concernés par des centaines de plans sociaux.

Si l'article L. 132-4 s'applique, le principe de faveur sera respecté et les accords dérogatoires ne pourront être valables que s'ils prévoient des dispositions plus favorables aux salariés. M. le ministre et notre rapporteur nous ayant confirmé leur attachement au principe de faveur, je ne doute pas qu'ils seront favorables à cet éclaircissement indispensable. Ça ne mange pas de pain, ça ne coûte pas un sou et tout le monde sera content !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 108 rectifié est identique. Donner la possibilité de déroger sans faire référence à l'article L. 132-4 du code du travail, c'est méconnaître le principe inscrit dans le marbre de la relation sociale selon lequel la dérogation doit profiter au salarié. Il convient en outre de rappeler que les accords d'entreprise ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public.

Je ne doute pas que la commission soutienne notre démarche de clarification.

M. le Rapporteur - Prenons le temps de nous expliquer. Nous avons déjà précisé le champ, au demeurant limité, des accords dérogatoires...

M. Maxime Gremetz - Et majoritaires !

M. le Rapporteur - En effet et cela ne doit pas être pour vous déplaire ! L'article L. 132-4 du code du travail dispose que des conventions ou accords collectifs de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés. Il nous reste donc à nous mettre d'accord sur ce qui est susceptible d'être plus favorable. Allonger les délais, multiplier les expertises, solliciter des médiateurs : vous considérez - et vous en avez le droit - que cela profite systématiquement aux salariés. Nous ne sommes pas de cet avis. A nos yeux, l'essentiel n'est sûrement pas d'allonger les procédures - même s'il ne saurait être question de les bâcler - mais de faire en sorte que le salarié ne soit en aucun cas brimé dans l'exercice de ses droits - notamment en matière de formation et d'indemnisation. Il est exclu de revenir sur le principe de faveur, mais le fait que des accords dérogatoires relatifs aux modalités d'information et de consultation puissent être conclus ne peut être considéré comme défavorable par principe aux salariés. Faisons confiance aux représentants du personnel. S'ils acceptent d'alléger la procédure, c'est qu'ils auront obtenu une contrepartie. Au reste, le gouvernement précédent a pris des dispositions qui, de prime abord, pouvaient paraître moins favorables aux salariés que l'existant. Songez à l'annualisation du temps de travail...

M. Maxime Gremetz - Je n'y étais pas favorable ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Je fais confiance aux partenaires sociaux pour conclure des accords dérogatoires qui ne remettent pas en cause le principe de faveur.

M. le Ministre - Je n'ai pas grand-chose à rajouter, votre rapporteur ayant excellemment décrit l'esprit de la réforme. Il n'est pas question qu'un accord dérogatoire puisse mettre en cause l'ordre public social. Le champ de la dérogation est extrêmement précis : seule la procédure est visée. On peut imaginer qu'un accord « gagnant-gagnant » conduise à réduire les délais mais à recourir à plusieurs experts. Faisons confiance aux organisations syndicales. Le texte vise à conforter les « accords de méthode » dont le champ est nécessairement limité. Ces précisions me semblent de nature à permettre le retrait des amendements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je le maintiens, ne serait-ce que parce que la distinction entre règles de procédure et dispositions de fond ne tient pas. Certaines règles de procédure - telle la notion de « délai suffisant » - sont d'ordre public.

Au reste, nous ne posons pas le problème en ces termes. Nous souhaitons que l'article L. 132-4 soit expressément écarté du champ de la dérogation afin que le principe de faveur soit rigoureusement préservé.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, vos propos sont rassurants et nos analyses semblent convergentes. Dès lors, il ne vous coûterait rien d'adopter notre amendement puisqu'il se borne à préciser votre texte ! Ce geste témoignerait en outre de la bonne volonté du Gouvernement à l'égard de l'opposition !

M. le Président - Le débat est bien posé. Je présume que la commission et le Gouvernement maintiennent leur position (Assentiment sur les bancs de la commission et du Gouvernement).

Les amendements 6 et 108 rectifié, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 21 heures 45 est reprise à 21 heures 50.

M. Gaëtan Gorce - Pour les raisons que j'ai déjà indiquées, l'amendement 109 vise à supprimer la référence aux livres III et IV du code du travail.

Monsieur le ministre, je ne cherchais pas à être rassuré car ma question n'était pas d'ordre psychologique, mais juridique. Dès lors que des dérogations très larges sont possibles, on peut très bien imaginer qu'un accord supprime les dispositifs d'information et de consultation, par exemple le recours à l'expert-comptable. Or le fait même de permettre que l'on remette en cause de telles garanties pose un problème de constitutionnalité.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement qui me semble mal rédigé, puisque la suppression des livres III et IV permettrait en fait de déroger, ce qui n'est pas le but poursuivi...

Par ailleurs, il vous a déjà été répondu que, le champ des dérogations étant clairement délimité, on pouvait en déduire, a contrario, ce sur quoi elles ne pouvaient porter. Peut-être n'avons-nous pas été assez clairs...

M. Jean-Paul Anciaux - Si !

M. le Ministre - J'ai déjà dit à M. Gorce que ce dispositif ne présente aucun des risques qu'il évoque.

Le champ des dérogations fixé à cet article ne couvre que les modalités d'information et de consultation. On est donc bien loin d'ouvrir à la dérogation l'ensemble des livres III et IV. Il s'agit simplement de permettre que les procédures soient mieux adaptées aux caractéristiques de la restructuration et aux intérêts des salariés. En clair, il s'agira du nombre de réunions ou des conditions de l'intervention de l'expert-comptable, pas du principe même.

Je rappelle en outre qu'il ne s'agit que d'un dispositif expérimental et d'accords conclus pour une durée déterminée. Par ailleurs, la référence aux livres III et IV a été introduite à l'issue de la concertation et en accord avec la commission de la négociation collective.

En fait, cette succession d'interventions montre que vous vous interrogez sur la capacité des partenaires sociaux à assurer la défense des intérêts des salariés dans le cadre de ces procédures. On voit bien que vous n'aimez pas les accords majoritaires d'entreprise et que vous critiquez notre choix de confier aux partenaires sociaux la responsabilité de trouver un bon équilibre. Vous, vous voulez tout fixer dans la loi, encadrer l'action des partenaires sociaux et c'est sans doute ce qui explique leurs difficultés à trouver la voie de la responsabilité. Comment faire vivre le dialogue social si on le contraint ?

M. Gaëtan Gorce - Après la réponse psychologique, voici la réponse politique... Moi, je m'obstine à poser des questions de droit !

L'interprétation de cet article n'est pas aussi évidente que vous le dites et je maintiens qu'il pourrait permettre de déroger à certains principes. Or, les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat sont claires, toute dérogation doit s'accompagner de garanties équivalentes à celles auxquelles il est dérogé.

Vous voulez polémiquer sur qui aime et qui n'aime pas le dialogue social, mais il y a un moyen simple de couper court à la polémique, c'est d'énumérer les dispositions auxquelles il est possible de déroger.

Je ne suis pas hostile à ce qu'on négocie, en particulier par le biais des accords majoritaires, mais il faut le faire dans un cadre juridique précis pour éviter les contestations, voire les contentieux.

L'amendement 109, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Les amendements 111 et 112 vont dans le même sens. Il s'agit d'introduire des garanties concernant les délais : les dérogations ne sont acceptables que si elles sont favorables.

M. le Rapporteur - Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 111, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 112.

M. le Président - Si vous en êtes d'accord, Monsieur Gorce, la présentation de votre amendement 110 pourra valoir défense d'une série d'amendements qui le suivent.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 110 tend à rappeler que les accords conclus doivent se conformer au principe de faveur.

Evitons les procès d'intention, économie dirigée contre économie libérée, autoritarisme social contre dialogue social. L'histoire récente montre que personne ne peut s'arroger le monopole du dialogue social. Voyons plutôt comment nous pouvons le faire progresser.

M. le Rapporteur - Le débat a eu lieu tout à l'heure. Sur le fait d'éviter les procès d'intention, je suis bien sûr d'accord et j'en accepte l'augure !

L'amendement 110, repoussé parle Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Si vous n'y voyez pas d'objection, Monsieur Gorce, nous considérerons que les amendements 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161 et 162 ont été défendus.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 152 à 162 sont successivement repoussés.

M. Gaëtan Gorce - Je vais défendre l'amendement 163, ne serait-ce que pour présenter l'esprit de ces amendements : je maintiens qu'il serait beaucoup plus simple et beaucoup plus sain de préciser l'ensemble des dispositions auxquelles les accords ne sauraient déroger. Tel qu'il est rédigé, le projet introduit en effet une incertitude juridique.

J'ajoute que les partenaires sociaux n'auront pas forcément intérêt à s'engager dans ce type de négociations.

M. le Rapporteur - Beaucoup de ces amendements sont hors du champ de l'article, lequel ne prévoit la possibilité d'accords d'entreprise qu'au sujet des modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur un projet de licenciement pour motif économique. Les risques que vous évoquez n'existent donc pas.

M. le Ministre - Il y a entre M. Gorce et nous trois types de désaccord.

Le premier, et le plus fondamental, concerne l'esprit même du texte. M. Gorce veut que nous tracions un cadre aux partenaires sociaux : nous, nous voulons qu'ils prennent l'initiative. Nous ne voulons donc pas encadrer les accords de méthode.

Deuxième désaccord : selon M. Gorce, plus on précisera les choses, plus la sécurité juridique sera grande. Je ne le pense pas du tout ; au contraire, dans le domaine du droit du travail, la sécurité juridique est assez faible parce qu'on a beaucoup écrit, et souvent assez mal.

Le troisième désaccord porte sur l'intérêt que les organisations syndicales auraient à négocier. Des accords de méthode ont d'ores et déjà été conclus ; c'est donc bien qu'il y a là un champ pour la négociation. J'ai la conviction que les partenaires sociaux sont avides de dialogue et souhaitent élaborer de nouvelles normes sociales dans le cadre d'accords « gagnant-gagnant » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - Nos différences ne sont pas forcément celles que vous dites.

Vous considérez qu'il y a urgence à supprimer un certain nombre de dispositions ; nous nous estimons que le contexte économique et social ne s'y prête pas.

Je suis prêt à croire, si vous nous faites le même crédit, que vous souhaitez développer le dialogue social ; mais cela ne veut pas dire se défausser sur lui. La logique veut que le Gouvernement donne des orientations : quand le ministre de l'éducation nationale indique ses priorités, il ne se substitue pas aux enseignants.

Il est quand même paradoxal de ne pas donner d'indications aux partenaires sociaux, et ensuite de faire le tri entre leurs propositions lorsqu'il s'agira de venir devant le Parlement.

S'agissant enfin de la sécurité juridique, il paraîtrait normal de préciser à quoi l'on peut déroger.

L'amendement 163, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Avec l'accord de leurs auteurs, je considère que les amendements suivants relèvent du même débat.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Défavorable.

L'amendement 164 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements 165 rectifié, 166 rectifié, 167 rectifié et 168 rectifié.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Avec l'amendement 169, nous abordons les dispositions en vertu desquelles les accords peuvent déterminer les conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, prévu à l'article L. 321-4-1, fait l'objet d'un accord. Le projet prévoit que les accords ne peuvent déroger aux dispositions « des onze premiers alinéas » de cet article L. 321-4-1. Nous proposons par l'amendement 169 de supprimer ces mots, c'est-à-dire d'inclure dans le champ de la non-dérogation le douzième alinéa de cet article. Que dit cet alinéa ? « Le plan de sauvegarde de l'emploi doit déterminer les modalités de suivi de la mise en _uvre effective de mesures contenues dans le plan de reclassement prévu à l'article L. 321-4-1. Ce suivi fait l'objet d'une consultation régulière et approfondie du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. L'autorité administrative compétente est associée au suivi de ces mesures. » Vous souhaitez donc que les accords puissent déroger à cette disposition. Ce qui nous conduit à demander à nouveau dans quelles conditions pourra être mis en _uvre le dispositif qui permet d'associer l'autorité administrative compétente au suivi de ces accords. Il eût été plus simple de maintenir ce dernier alinéa dans le champ de la non-négociation, préservant pour l'administration du travail la possibilité d'intervenir dans le sens de cet alinéa.

M. le Rapporteur - Nous avons toujours la même divergence. À nos yeux il n'est pas incohérent avec le reste du texte que les partenaires sociaux eux-mêmes fixent, dans le cadre de leur accord, les modalités de suivi du plan de reclassement.

M. le Ministre - J'ajoute que l'article 321-7 du code du travail n'est pas concerné par le projet dont nous débattons : il n'y a donc aucun risque que les accords puissent empiéter sur les pouvoirs de contrôle de l'administration.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dès lors que le douzième alinéa est écarté et que la dérogation est possible, comment les parties, dans la négociation, pourront-elles introduire un suivi éventuel de l'autorité administrative ? Pour que le problème soit évoqué, il faudrait qu'elle soit partie prenante, ou à tout le moins qu'on puisse la saisir. Il n'y a donc pas de solution.

M. le Ministre - Les parties ne peuvent pas négocier sur le contrôle de l'administration ; elles n'en ont ni la compétence ni la possibilité. On fantasme sur des sujets sans rapport avec le texte.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Mais dans le cadre visé ici, l'administration n'avait pas un rôle de contrôle : elle accompagnait le suivi. C'est une compétence différente de celle du contrôle, que l'administration exerce sans qu'on le lui demande. Il s'agit ici du suivi, et celui-ci ne sera pas possible si l'accord ne le prévoit pas.

L'amendement 169, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je suggère à nouveau, avec l'accord de leurs auteurs, de considérer que les amendements suivants sont autant d'illustration, du même débat, et qu'ils font l'objet de votes identiques.

M. le Rapporteur - La commission leur est défavorable..

M. le Ministre - Le Gouvernement également.

L'amendement 170 mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 171, 172, 173, 174, 175, 176, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149 et 150.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 151 est le dernier de cette longue série. Nous restons sur notre faim, non pas sur toutes les dispositions, car il était utile que M. le ministre précise certains points. Mais nous restons convaincus que l'article 2 n'apporte pas toutes les garanties nécessaires. Il ne s'agit pas, j'y insiste, d'un refus de faire confiance aux partenaires sociaux : il s'agit de fixer un cadre juridique solide sur lequel pourra s'appuyer cette négociation. Tous nos amendements, sur lesquels nous n'avons pas souhaité alourdir le débat avaient pour objet de montrer toute l'ampleur des dérogations que rendra possible un texte insuffisamment net ; nous n'avons pas jugé utile de le répéter à l'occasion de chaque amendement.

M. le Rapporteur - Je remercie nos collègues de l'opposition de nous avoir épargné ces répétitions. Je leur répète qu'il n'y a pas dans ce projet d'arrière-pensée, ni de vice caché. Tout est clair : l'objectif est de favoriser le dialogue partout où c'est possible, mais en délimitant clairement son champ d'application. Nous verrons dans dix-huit mois si nous nous sommes trompés : si des failles sont apparues, nous pourrons les corriger. Je vous remercie en tout cas pour l'excellent climat dans lequel nous avons discuté de cet article 2.

M. le Ministre - Je me réjouis également que le débat puisse avancer, et surtout qu'aucun de ces amendements n'ait été adopté ! Je vous laisse à penser, s'ils l'avaient été, ce qui subsisterait de la liberté des partenaires sociaux : ils n'auraient plus que celle de rappeler les obligations du droit du travail. Depuis le début de la législature, nous avons proposé des textes simples, qui rompent avec certaines pratiques traditionnelles. Et nous allons continuer, chaque fois que possible, à ouvrir de nouveaux espaces de liberté et de négociation aux partenaires. On jugera dans quelques années de l'efficacité de cette méthode ; ma conviction est qu'elle peut changer profondément la nature des rapports sociaux en France.

M. Gaëtan Gorce - Si nos amendements avaient été adoptés, ils n'auraient pas privé les partenaires sociaux de leur liberté ; ils auraient simplement fixé le champ des dérogations possibles. Il n'est pas sans précédent qu'on ouvre un champ de dérogation, et nous-mêmes l'avons fait à propos de la RTT. Mais c'est la première fois qu'en le faisant, le législateur donne une délégation aussi générale dans ses modalités, ce qui laisse subsister des ambiguïtés, et suscitera nombre de contentieux, car cela contribue à l'insécurité juridique. Une des raisons pour lesquelles cela ne nous inquiète pas trop, Monsieur le ministre, c'est que vous ne semblez pas penser que ces accords seront nécessairement très nombreux. S'ils le sont, et qu'ils interviennent dans les conditions que vous prévoyez, tant mieux. Nous verrons comment ils seront repris dans la loi au bout de dix-huit mois.

L'amendement 151, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je remercie M. Gorce, ainsi que le rapporteur et le Gouvernement, d'avoir bien posé les termes d'un débat complexe, où chacun s'est exprimé clairement.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 55 prévoit que les accords d'entreprise s'appliquent pendant deux ans même si un accord interprofessionnel est signé, contenant des dispositions contraires. Il s'agit de demander au ministre s'il compte tenir l'engagement pris d'assurer la validité juridique des accords d'entreprise par une transposition législative.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car cette précision serait redondante. Il est clairement dit que l'accord est valable deux ans. L'accord interprofessionnel, quel que soit le moment où il est signé, ne peut pas le rendre caduc.

M. le Ministre - Cet amendement est en effet déjà satisfait. Le projet de loi donne toute sécurité juridique aux accords d'entreprise qui seront signés. D'ici à deux ans, un certain nombre de négociations auront eu lieu, qui nous ramèneront dans cet hémicycle pour fixer plus précisément les règles du jeu.

M. Gaëtan Gorce - Cet amendement pose de nouveau le problème de la complexité de votre dispositif. Les salariés pourront en effet être soumis soit à la loi de modernisation sociale, pour les procédures qui sont déjà en cours, soit à la loi antérieure, pour les procédures qui commenceront après le vote du présent projet, soit à des accords interprofessionnels, sachant que dans les trois cas l'accord dérogatoire prévu à l'article 2 peut encore changer leur régime, et qu'il est valable pour deux ans même si un accord interprofessionnel est signé... La situation va devenir ubuesque et je pense que la sécurité juridique est en péril, sans parler du principe d'égalité. Mais libre à vous de construire toutes les usines à gaz que vous voulez...

M. Jean-Michel Fourgous - Je prends acte de la réponse du ministre et je retire l'amendement 55.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 7 revient sur la notion d'accord majoritaire, fondamentale dans notre démocratie. Le mois dernier, Monsieur le ministre, vous nous disiez qu'il n'était pas possible d'aborder cette question avant 2003 et la concertation avec les organisations syndicales. Comment interpréter votre revirement ? Le principe de l'accord majoritaire ne semble concédé que pour mieux porter atteinte au code du travail.

Des questions aussi importantes que les règles du licenciement économique ne peuvent être tranchées que par des accords largement représentatifs. Il faudrait que les branches impliquées représentent au moins les trois quarts des salariés. Les quelques personnes qui négocient l'accord relatif aux fabricants de chapeaux ne peuvent se substituer à la représentation nationale ! Il faudrait ensuite que les syndicats signataires soient eux-mêmes majoritaires.

L'amendement 7 vise donc à ce qu'un accord d'entreprise ne puisse être conclu que s'il exprime la volonté de la majorité des salariés concernés.

M. le Rapporteur - Cet amendement est très intéressant, mais la commission a émis un avis défavorable car il s'éloigne largement de l'objet du texte : il étend la procédure aux accords de branche alors que le projet ne s'intéresse qu'au licenciement.

Une telle évolution n'est pas inenvisageable, même si elle bousculerait nos traditions. Mais pour l'instant, elle semble difficile à mettre en place. Dans la pratique, s'il ne devait exister aujourd'hui que des accords majoritaires sur les 35 heures, ils ne seraient pas nombreux !

Mme Jacqueline Fraysse - Si !

M. Maxime Gremetz - Ils seraient meilleurs !

M. le Rapporteur - Nous devons nous habituer à la négociation et responsabiliser les partenaires sociaux, de façon à perdre l'habitude que le Gouvernement intervienne dès qu'il y a une carence dans les négociations. Ce n'est qu'ainsi que nous parviendrons à étendre la procédure des accords majoritaires. Dans l'état actuel des choses, cela semble difficile.

M. le Ministre - Il n'y a pas eu de revirement de la part du Gouvernement. J'ai indiqué dès mon arrivée que j'étais favorable à une évolution des règles de la démocratie sociale. Les dispositions que nous proposons aujourd'hui sont très limitées, ainsi que l'a dit M. Gremetz. Les accords majoritaires ne peuvent concerner que des questions précises d'information et de consultation du comité d'entreprise, de manière expérimentale et pour deux ans.

Le Gouvernement soutient aujourd'hui la même position que lors de la discussion sur l'assouplissement des 35 heures : pour étendre les accords majoritaires, il faut un consensus entre les partenaires sociaux. Il n'est pas question de modifier lors de la discussion d'un texte de loi, si important soit-il, et sans concertation les règles générales de validation des accords. D'autant que la question des accords majoritaires oblige à parler des règles de représentativité ! La nouvelle politique sociale ne peut être fondée sur un faible nombre de salariés syndiqués.

Nous allons donc nous attacher dès le début 2003 à faire émerger un consensus, mais il serait prématuré aujourd'hui d'aller plus loin.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je suis saisi par les membres du groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'article 2.

M. Maxime Gremetz - Je voudrais vous prévenir, franchement et solennellement, que le débat ne va pas continuer ainsi. Il y a des limites à ne pas franchir. Depuis le début de la discussion, pas une ligne, pas une virgule du texte n'ont été modifiés. L'opposition fait son travail pour améliorer le texte, lever des ambiguïtés, et on lui répond toujours non. Qu'est-ce que cela veut dire ? Tout simplement qu'un projet gouvernemental peut susciter des heures de discussion, mais il n'est pas question qu'on y change quoi que ce soit ! Curieuse conception du pluralisme !

On nous dit niet, niet, niet ! J'ai connu cela trop longtemps pour supporter que cela recommence !

La plupart du temps, nos positions sont divergentes. Au moins, quand nous sommes d'accord, faites un geste ! Votre stratégie, c'est « causez, causez, causez, ça n'a aucune importance » ! Dans ces conditions, autant que j'aille me coucher !

M. le Ministre - Oui !

M. Maxime Gremetz - Il n'en est pas question ! J'ai l'habitude de ces marathons, qui me maintiennent en pleine forme. Nous veillerons tard, très tard !

M. Jean-Michel Fourgous - C'est du harcèlement !

M. Maxime Gremetz - Pas du tout ! C'est que je n'admets pas la manière dont nous sommes traités.

A la majorité de 40 voix contre 12 sur 52 votants et 52 suffrages exprimés, l'article 2 est adopté.

M. Maxime Gremetz - Notre groupe doit se réunir pour examiner un important amendement du Gouvernement. Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Je suspends la séance pour cinq minutes.

M. Maxime Gremetz - Mais vous n'y pensez pas ! Il s'agit d'un amendement de fond, puisque le Gouvernement veut transférer à la sécurité sociale le financement de l'allocation équivalent retraite, cette allocation que les socialistes ont inventée pour ne pas répondre favorablement à notre proposition visant à autoriser le départ à la retraite à 60 ans des salariés ayant cotisé 40 annuités. Il nous faut plus de temps pour l'examiner.

M. le Président - Dans un esprit de conciliation, je suspends la séance pour 10 minutes.

La séance, suspendue à 22 heures 50, est reprise à 23 heures 5.

ART. 3

M. Maxime Gremetz - Cet article introduit une logique dangereuse puisqu'il sacralise la dérogation à la loi et ignore le principe de faveur en vertu duquel un accord issu de la négociation collective ne peut être de portée moindre que le code du travail. Ainsi, si un accord est conclu dans les formes et les conditions prévues à l'article 2 - et nous en avons montré le caractère aléatoire et arbitraire d'autant que le Gouvernement a refusé malgré notre accord verbal l'amendement qui visait à lever toute ambiguïté -, les principes issus de la LMS seront suspendus. Il sera donc possible, lorsqu'une procédure de licenciement sera engagée, d'appliquer directement le présent texte. L'article 3 crée donc une discrimination entre ceux qui ont respecté la loi et ceux qui l'ont violée. A ces derniers, votre projet donne du reste l'absolution ! Vous bouleversez la hiérarchie des normes en donnant la primauté à la négociation sur la loi. Ce faisant, vous ne donnez aux salariés aucun point d'appui pour contester le licenciement ou pour formuler des propositions alternatives. Tout étant renvoyé à la négociation, il ne fait pas de doute qu'il leur sera impossible d'obtenir des droits nouveaux. Or nous savons bien qu'il est impératif de fixer un cadre à la négociation et de réaffirmer de manière très volontariste que le principe de faveur doit toujours jouer. Las, vous lui tordez le cou. Ne pouvant l'accepter, nous proposons de supprimer cet article dont la philosophie s'inspire directement des positions du Medef. J'observe d'ailleurs que cette organisation a publiquement salué ce texte alors qu'elle considère d'ordinaire que vous n'allez pas assez loin ! Le fait qu'elle trouve son compte dans le présent texte n'est pas de bon augure pour les salariés ! Ce n'est pas aux petits patrons que vous donnez un gage mais au baron Seillière - et à son grand ami M. Guillaume Sarkozy ! Peut-être du reste, n'espérait-il pas de votre part un soutien aussi appuyé à sa démarche de « refondation sociale » qui consiste pour l'essentiel à prendre d'assaut tous les acquis sociaux ! Vous en porterez la responsabilité. Soyez sûr que chacun saura s'en souvenir.

En prenant vos fonctions, vous avez indiqué, Monsieur le ministre, que vous n'étiez pas hostile à des discussions sur la démocratie sociale et sur la représentativité des organisations syndicales. Selon vous, on y verrait plus clair sur ces questions après les élections prud'homales. Nous y sommes et nous sommes prêts à ouvrir ce chantier, sans grande illusion sur les chances de le mener à bien. A partir de maintenant, nous nous battrons pied à pied avec le peu de moyens qui nous sont donnés. Quand on n'est pas respecté, il faut se faire respecter avec les moyens dont on dispose. Nous n'aimons pas ce genre de choses mais nous savons le faire et nous allons le faire. Soyez sûr de notre détermination. Nous sommes des coureurs de fond !

M. Gaëtan Gorce - Cet article rappelle que l'ensemble des dispositions de la LMS restent applicables aux procédures en cours pour aussitôt prévoir une dérogation pour ce qui concerne les accords expérimentaux signés dans les conditions de l'article précédent. Cette disposition nous semble particulièrement dangereuse. Il n'est en effet pas acquis que la négociation puisse réellement s'engager. Les syndicats n'y trouveront en effet pas forcément avantage dans la mesure où ils peuvent considérer qu'on leur demande de cautionner les licenciements auxquels ils n'ont pas été associés depuis le départ. Le chef d'entreprise n'y a pas non plus nécessairement intérêt dans la mesure où qui dit négociation sur le licenciement peut aussi vouloir dire renchérissement de la procédure, sauf à obtenir en contrepartie que l'accord signé devienne incontestable et insusceptible de donner lieu à contestation devant une juridiction quelconque. Officiellement, cela n'est pas, je le concède, dans vos intentions. Je ne doute pas que cette hypothèse ait cependant « travaillé » quelques esprits...

Demander à des partenaires de négocier sur les procédures avant que le licenciement soit engagé, c'est à la rigueur concevable. Mais leur demander de redéfinir en cours de procédure les modalités de consultation et d'information n'est pas concevable. Cela placerait les organisations syndicales qui accepteraient de s'engager dans ce processus dans une position de faiblesse. Outre sa complexité, le découplage ainsi introduit entre ceux qui continueront à relever de la LMS et ceux qui seront renvoyés à un accord expérimental n'est en rien justifié. Ce dispositif n'apporte aucune garantie. Il ne mérite pas de figurer dans ce texte.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 8 vise à supprimer cet article particulièrement dangereux.

La précipitation qui a entouré la préparation et l'adoption de la loi de modernisation a empêché de procéder à la concertation nécessaire. Je le regrette car je crois qu'elle y aurait gagné en lisibilité et en efficacité et que, si les syndicats y avaient été davantage associés, ils se battraient aujourd'hui pour défendre ces droits nouveaux qu'elle a donnés aux salariés, cette amélioration de la démocratie sociale dont elle était porteuse, ces obligations faites aux employeurs qui délocalisent et laissent le désert derrière eux de réindustrialiser les régions qu'ils abandonnent.

Pour autant, tous les syndicats s'opposent aujourd'hui aux dispositions de l'article 3, à l'exception de la CFDT qui vous demande, Monsieur le ministre, de respecter l'équilibre que vous avez trouvé avec elle et donc de rejeter les amendements de votre majorité qui ont été adoptés en commission. Je m'étonne du reste que le rapporteur et le président de la commission aient ainsi accepté ces propositions de la droite de la droite, de cette droite « médéfienne », « guillaumo-sarkozyenne » (Sourires), laissant au Gouvernement le soin de s'y opposer...

Ainsi M. Fourgous, après y avoir consacré sa journée, va passer sa nuit à retirer ses amendements. Mais s'il est incapable de défendre ses convictions, de se battre sur chaque balle, il ferait mieux d'aller se coucher tout de suite ! (Sourires)

Pour que chacun prenne ses responsabilités, je demande un scrutin public sur notre amendement de suppression et je vous fais observer, Monsieur le président, que cette annonce me dispense de vous le signifier par écrit.

M. le Rapporteur - Vous avez demandé successivement que l'on supprime chacun des articles de ce projet, mais, maintenant que les deux premiers ont été adoptés, supprimer celui-ci ouvrirait un véritable vide juridique : on ne saurait plus quel droit doit s'appliquer ni au cours des dix-huit mois qui viennent ni aux procédures de licenciement en cours, lesquelles, en l'état, relèvent de la loi de modernisation sociale.

Je comprends bien que c'est surtout la fin de l'article qui vous gêne, mais elle s'inscrit bien dans notre logique, c'est pourquoi nous sommes hostiles à cet amendement.

M. le Ministre - Je croyais naïvement que cet article aurait la faveur de M. Gremetz puisque pour garantir la sécurité juridique, il prévoit que les dispositions qu'il juge tellement efficaces continueront à s'appliquer aux procédures en cours.

À la majorité de 38 voix contre 6, sur 45 votants et 44 suffrages exprimés, l'amendement 8 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Pour ma part, je ne comprends pas pourquoi ces dispositions si nocives continueraient à s'appliquer aux procédures en cours. L'équité voudrait que le nouveau texte vaille pour toutes les entreprises. Tel est l'objectif poursuivi par l'amendement 56.

M. le Rapporteur - Contre.

M. le Ministre - Cet amendement donnerait aux syndicats le sentiment que nous remettons en cause, par un texte de circonstance, des négociations déjà engagées. Le régime juridique des actes antérieurs à la publication de cette loi en deviendrait très incertain et nous serions sans doute contraints de procéder à une validation rétroactive des actes pris en application de la nouvelle loi, ce que certains juges pourraient trouver contraire à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et que nous devrions justifier par un motif d'intérêt général.

Les précédentes lois relatives aux procédures de licenciement ont, en 1986 comme en 1989 et avec la loi de modernisation sociale, respecté les procédures en cours.

Ce que nous voulons, c'est restaurer l'attractivité de notre territoire, éviter les licenciements, favoriser les investissements. L'application du droit antérieur aux procédures en cours n'y changera rien et ne saurait donc être considérée comme un motif d'intérêt général suffisant.

Cependant l'article 3 donne aux partenaires sociaux la liberté de convenir ensemble, par un accord majoritaire, de se placer dans le cadre de la nouvelle loi.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que vous retiriez cet amendement, sans suivre les mauvais conseils que M. Gremetz ne vous donne que pour vous nuire (Sourires).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - M. Fourgous n'y va pas de main morte ! Sous une forme lapidaire, il a quand même exprimé l'idée qu'il fallait avant tout éviter toute procédure protégeant les salariés à l'occasion d'un licenciement pour motif économique. Même M. le ministre n'est pas parvenu à le convaincre de l'intérêt d'une négociation entre les partenaires sociaux.

Cet amendement est une bonne illustration des intentions d'une grande partie de la majorité concernant le processus de négociation et la suppression des garanties offertes aux salariés.

M. Jean-Michel Fourgous - Je n'avais pas compris ma propre pensée de cette façon... Cet amendement poursuivait un objectif d'équité mais, le ministre nous ayant répondu, je le retire.

L'amendement 56 est retiré.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 177.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre amendement 177 tend à supprimer les mots « sauf accord d'entreprise passé dans les conditions prévues à l'article 2 », qui aboutissent à une confusion juridique extrême puisqu'ils consacrent l'existence de trois dispositifs différents. C'est au moins un de trop : pour les procédures en cours, le dispositif ancien doit s'appliquer. C'est d'autant plus important que la possibilité d'appliquer l'article 2 risque d'être utilisée pour bloquer les procédures en cours.

M. le Rapporteur - Que les procédures en cours prennent du retard ne devrait pas vous déplaire...

Certes, la faculté d'opter, concernant les procédures en cours, pour un accord d'entreprise passé dans les conditions prévues à l'article 2 complique un peu le système. Cependant cette complexité reste fort limitée puisque les partenaires sociaux qui sont engagés dans une procédure n'auront le choix qu'entre deux solutions...

M. le Ministre - Même avis.

A la majorité de 34 voix contre 10 sur 44 votants et 44 suffrages exprimés, l'amendement 177 n'est pas adopté.

M. le Président - Sur l'article 3, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 36 voix contre 10 sur 46 votants et 46 suffrages exprimés, l'article 3 est adopté.

APRÈS L'ART. 3

Les amendements 52 et 38, 2ème rectification, sont retirés.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 106 concerne les articles relatifs au harcèlement moral que l'article 169 de la LMS a introduits dans le code du travail. On peut s'étonner qu'on en soit arrivé à voter un texte qui nie la présomption d'innocence.

Il y a présomption d'innocence pour un violeur, pour un dealer, pour un criminel : il n'y en a pas pour un chef d'entreprise ! En effet, c'est à lui de faire la preuve de son innocence. Il est impressionnant que la culture de ce pays ait pu accoucher d'une telle atteinte à la dignité, non des seuls chefs d'entreprise, mais de n'importe quel cadre dirigeant ou chef d'atelier. Sur le plan pénal on est présumé innocent, parce que les principes constitutionnels n'auraient pas permis qu'on inverse la charge de la preuve - mais sur le plan civil, pour le même fait, on est présumé coupable ! Comment peut-on accepter ce paradoxe juridique ?

Il est préoccupant que les députés aient pu fournir ainsi une base légale au chantage et à l'intimidation. Toute personne licenciée brandit maintenant la menace d'une accusation de harcèlement pour obtenir de meilleures indemnités. Faut-il que soit enracinée dans notre culture la haine de l'entreprise... Ces raisons justifient l'amendement 106.

M. Pierre Morange - Le législateur a instauré des sanctions pour lutter contre le harcèlement moral, mais l'une des grandes difficultés pour la victime réside dans l'établissement de la preuve du harcèlement. La législation européenne a pris en compte cette difficulté, puisque la directive du 29 juin 2000 propose un aménagement de la charge de la preuve favorable à la victime. Cependant le précédent gouvernement, dans le cadre de l'article 69 de la modernisation sociale, est allé au-delà de ce que préconisait la directive en ne demandant au salarié présumé victime que de présenter « des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement », le défendeur devant « prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 12 janvier 2002, a émis sur cette disposition de fortes réserves d'interprétation, rappelant qu'elle « ne saurait dispenser la partie demanderesse d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants ». Nous proposons donc par l'amendement 39 de revenir à une rédaction conforme à la directive européenne en matière de partage de la charge de la preuve, préservant ainsi les intérêts des salariés et offrant plus de garanties contre les recours abusifs.

M. le Rapporteur - Peut-être M. Fourgous pourrait-il retirer l'amendement 106 si nous retenions le 39, dont la rédaction me semble plus précise. Certes M. Fourgous essaie de donner une définition juridique du harcèlement, ce qui n'est pas facile. En la matière nous devons avoir pour but de nous conformer le plus possible à la directive européenne. L'amendement 39 - que la commission a accepté - récrit à la marge l'article L. 122-52 du code du travail. La principale différence est que, dans la LMS, « le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement », alors que dans l'amendement il « établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement »... L'amendement semble plus précis. Notons qu'il ne modifie pas la fin de l'article L. 122-52 : « Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ». Dans ces affaires délicates, qui mettent en jeu la dignité des personnes, le juge, heureusement, garde le dernier mot. L'amendement 39 a été accepté par la commission - qui a repoussé le 106.

M. le Ministre - Ces amendements traitent de deux aspects de la question du harcèlement moral. L'amendement 106 vise à modifier la définition même du harcèlement, quand le 39 tend à rééquilibrer la charge de la preuve. Sur le premier point, Monsieur Fourgous, il ne me semble pas que votre rédaction modifie réellement la définition du harcèlement moral, qui est la suivante dans l'article 170 de la LMS : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Il y a là une définition claire, qui du reste, dans l'état actuel de la jurisprudence, ne semble pas soulever de grosses difficultés.

Il y a en revanche un vrai problème sur la charge de la preuve, et je suis sensible aux arguments de M. Fourgous et de M. Morange sur ce point. La LMS est allée au-delà de nos obligations communautaires, puisqu'elle permet à la victime supposée de saisir le juge sur la seule base « d'éléments de fait laissant supposer » la réalité du harcèlement. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement 39, c'est-à-dire à un retour strict au texte communautaire.

M. Maxime Gremetz - Cet amendement tend à remettre en cause la définition du harcèlement moral que nous avions fait adopter au prix d'un combat acharné. Il va bien au-delà de l'objet du projet de loi, et constitue donc un cavalier législatif ; le Conseil constitutionnel en jugera. Il y a deux ans, quand nous avons déposé une proposition de loi sur le harcèlement, nous étions déjà convaincus de la nécessité de légiférer au plus vite, car le harcèlement moral était devenu un élément quotidien des relations de travail. Le phénomène revêtait une importance telle qu'il devenait un sujet d'inquiétude majeur pour les Français. La représentation nationale ne pouvait continuer à l'ignorer.

C'est pourquoi il eût été inconcevable que la loi de modernisation sociale ne comporte pas un dispositif de lutte contre le harcèlement moral. J'en profite pour adresser une pensée amicale au doyen de l'Assemblée, Georges Hage, qui a conduit l'ensemble de la réflexion sur ce dossier, malgré le scepticisme de beaucoup, entendu les spécialistes et mené les réunions. Mes collègues de la droite peuvent en rire, mais il leur faudra encore bien de l'expérience et bien des séances de nuit pour arriver à sa cheville !

Les propositions de M. Hage s'organisaient autour de trois idées. D'abord, il fallait définir précisément le harcèlement moral pour identifier les comportements à sanctionner, qu'ils émanent de cadres ou de non-cadres, car le harcèlement se retrouve à tous les niveaux des rapports professionnels.

M. Jean-Michel Fourgous - C'est vrai, mais cela n'implique pas que votre solution soit la bonne !

M. Maxime Gremetz - Contrairement à vous, nous ne pensons pas que le harcèlement soit toujours le fait des chefs d'entreprise !

Ensuite, il fallait prendre des mesures de prévention. Enfin, il fallait prévoir des sanctions civiles, mais aussi pénales pour les cas les plus graves. Personne ne doit être à l'abri.

La définition du harcèlement moral, pierre angulaire de notre dispositif, devait être juridiquement parfaitement opérationnelle. Celle que nous avons adoptée était le fruit d'un long travail, au sein de la gauche mais aussi d'une partie de l'opposition de l'époque. Elle était fondée, grâce aux juristes que nous avions consultés, sur des notions fermement établies par la jurisprudence. Le harcèlement moral était défini comme la dégradation délibérée des conditions de travail.

Cette définition prend appui sur l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, que nous avons également intégrée dans le code du travail. Les pressions exercées sur le salarié sont considérées selon ce seul critère. Les dégradations des conditions de travail peuvent être légitimes, même si on peut les déplorer, si elles visent à une bonne application du contrat de travail. Mais si elles n'ont pour but que de nuire au salarié, il n'est pas admissible qu'elles ne soient pas sanctionnées !

Nous tenons beaucoup à cette définition, et les députés communistes s'opposeront aux amendements qui la remettent en cause et ne font ainsi que rendre les salariés plus vulnérables en les soumettant en toute impunité à des pressions illégitimes.

M. le Président - Monsieur Gremetz, veuillez conclure.

M. Maxime Gremetz - Le sujet est assez grave ! La prochaine fois, nous demanderons à nous exprimer sur tous les amendements !

Prenons donc l'exemple, fréquent, d'un salarié qui fait l'objet d'une insidieuse mise à l'index. Il n'a plus aucune tâche à accomplir et ses collègues ne lui portent plus aucune considération. Le harcèlement moral est indubitable. Mais avec vos amendements, il ne sera sans doute pas sanctionné ! L'article L. 225-14 du code pénal n'a en effet jamais permis de lutter contre le harcèlement moral.

Les députés communistes partagent votre souci de ne pas donner une définition trop large du harcèlement, afin de ne pas reporter systématiquement sur le juge le soin de réguler les comportements sociaux. Mais la définition de la loi de modernisation sociale n'avait pas ce défaut. D'autre part,...

M. le Président - Monsieur Gremetz, je vous demande de conclure.

M. Maxime Gremetz - D'autre part, vous inversez la charge de la preuve, qui incombait au défendeur. Comment la loi pourrait-elle être appliquée s'il revient au salarié de faire la preuve des comportements dont il est victime ?

M. le Rapporteur - Mais ce n'est pas le cas !

M. Maxime Gremetz - Si le présumé coupable n'a rien à se reprocher, pourquoi vous appliquez-vous à faire en sorte qu'il n'ait pas la charge de la preuve ?

J'appelle solennellement le ministre à ne pas donner son aval à de telles propositions sans en discuter avec des spécialistes, et à ne pas tolérer ce genre de cavaliers.

Mme Catherine Génisson - Je ne m'exprimerai pas sur l'amendement 106, qui relève de la pure provocation, mais sur le 39, qui remet en cause les dispositions relatives à la charge de la preuve. Le régime institué par la loi de modernisation sociale n'avait nullement inversé la charge de la preuve. Il était parfaitement équilibré et, de surcroît, conforme à la jurisprudence établie par la Cour de cassation. Le régime retenu dans la proposition de loi de lutte contre les discriminations, notamment en matière d'accès à l'emploi, est identique. Or cette proposition avait été également votée par une partie de la droite. Voilà qui montre bien que cette définition est raisonnable et qu'elle ne doit pas être modifiée.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

M. Patrick Bloche - Les dispositions qui sont remises en cause ont été promulguées au début de l'année, et leurs conséquences n'ont pas été encore mesurées ! Par ailleurs, je suis choqué que les parlementaires qui défendent ces propositions mettent en avant leur qualité professionnelle de chef d'entreprise. Cela donne à ces amendements un petit côté de revanche sociale, qui n'apparaît d'ailleurs pas pour la première fois.

M. Jean-Michel Fourgous - Cela vous va bien, de dire des choses pareilles !

M. Patrick Bloche - Le rapporteur et le ministre n'ont heureusement pas retenu l'amendement 106, mais l'amendement 39 compromet l'équilibre que nous avions trouvé en séance et qui était fondé sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Sans remettre en cause la charge de la preuve, il permettait de la rééquilibrer.

Je vous rappelle que nous vivons en République et qu'il appartient au juge de former sa conviction après l'instruction. Le salarié doit pouvoir bénéficier de toutes les ressources du droit pour prouver qu'il est bien victime de harcèlement moral. Nous avions fait il y a un an _uvre utile, et il est dommage de tout déséquilibrer.

M. le Président - Il me semble nécessaire de demander à M. Fourgous s'il maintient son amendement.

M. Maxime Gremetz - Courageusement, il va le maintenir !

M. Jean-Michel Fourgous - M. Gremetz est un de mes meilleurs soutiens ! Mais l'amendement 39 me semble plus précis et mieux adapté. Je retire donc le 106, en espérant fortement que le 39 va être adopté. Ce n'est pas votre haine du chef d'entreprise qui doit prévaloir...

M. le Président - Monsieur Fourgous, je vous en prie.

M. Jean-Michel Fourgous - C'est l'ensemble des responsables d'entreprises qui sont concernés. Dans les procédures de licenciement,...

M. le Président - Monsieur Fourgous, je vous interromps pour annoncer que je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'amendement 39.

M. Jean-Michel Fourgous - M. Gremetz bénéficie de temps de parole illimités, mais on me coupe la parole alors que je retire un amendement sans faire d'autre commentaire !

A la majorité de 36 voix contre 10 sur 46 votants et 46 suffrages exprimés, l'amendement 39 est adopté.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 195.

M. Pierre Morange - La procédure de médiation instituée par la loi de modernisation sociale en cas de harcèlement moral ou sexuel n'est pas contestable, mais son application suscite des difficultés qui contrarient sa finalité : rapprocher les parties. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 195, que le choix du médiateur fasse l'objet d'un accord entre les parties.

M. le Rapporteur - La commission l'a accepté.

M. le Ministre - Avis favorable.

Mme Catherine Génisson - En premier lieu, je propose de supprimer la référence au harcèlement sexuel car, dans de tels cas, il ne peut y avoir de procédure autre que judiciaire et c'est une erreur de notre part d'avoir laissé une telle mention dans la loi initiale.

S'agissant du harcèlement moral, nous savons tous combien il est difficile de légiférer en des matières aussi délicates, et nous avons d'ailleurs attendu l'avis du Conseil économique et social avant de nous prononcer. L'important est évidemment d'éviter, autant que faire se peut, une procédure judiciaire. Si l'on y parvient grâce à une médiation interne, c'est bien, mais il arrive souvent que le problème se règle plus aisément grâce à une médiation extérieure, lorsque les parties en conflit ne sont pas soumises à la pression de l'entreprise.

Un député UMP - C'est vrai.

Mme Catherine Génisson - C'est pourquoi l'amendement n'est pas acceptable. Non seulement le premier paragraphe supprime la possibilité d'une médiation extérieure à l'entreprise, mais le deuxième, en supprimant trois alinéas de l'article L. 122-54 du code du travail, supprime du même coup, de manière incompréhensible, l'obligation de discrétion faite au médiateur sur la santé des personnes concernées.

M. Pierre Morange - Je propose de rectifier l'amendement en supprimant les mots « ou sexuel ».

M. Patrick Bloche - S'il ne s'agissait effectivement que de rapprocher les parties, nous pourrions vous suivre, mais notre collègue Catherine Génisson vient de démontrer qu'il s'agit de bien davantage. Je fais miennes ses observations, et j'ajoute qu'en disposant sans nuance que « le choix du médiateur fait l'objet d'un accord des parties », les auteurs de l'amendement prennent le risque d'aboutir à un résultat inverse à celui qu'ils souhaitent car, faute d'accord, tout le monde se retrouvera directement chez le juge ! D'évidence, l'amendement devrait être réécrit d'ici à la deuxième lecture. Le mieux serait donc qu'il soit retiré.

Mme Catherine Génisson - Je tiens à préciser que je souhaite voir disparaître la référence au harcèlement sexuel dans le cadre de la médiation, mais nullement dans le reste de la loi.

A la majorité de 34 voix contre 10 sur 44 votants et 44 suffrages exprimés, l'amendement 195 rectifié est adopté.

M. le Président - L'horloge m'incite à appeler tous les orateurs à la concision.

Mme Jacqueline Fraysse - Les salariés précaires, le plus souvent employés dans des conditions illégales, sont ceux qui subissent le plus les effets des suppressions d'emplois. Il s'agit de salariés dont les contrats devraient le plus souvent être requalifiés. Mais, espérant toujours l'embauche, ils n'engagent pas les procédures à cette fin. Une modification de la législation est donc impérative. C'est ce que nous proposons par l'amendement 11, qui permettra que la législation, actuellement détournée de son objet par les grandes entreprises, soit enfin respectée.

Je précise que notre amendement ne vise que la précarité motivée par de prétendus surcroîts d'activité, sans affecter les possibilités de remplacement des absents ni les emplois saisonniers.

Quant au pourcentage de 5 %, il s'agit d'une moyenne annuelle qui constitue un seuil maximal, non un droit.

Le recours excessif au travail précaire n'est pas une vue de l'esprit ; la DARES en apporte la preuve, en signalant qu'en une seule année, 1,9 million d'inscriptions à l'ANPE s'expliquent par la fin de CDD et de missions d'intérim.

M. le Rapporteur - Un amendement analogue avait été défendu lors des discussions ayant abouti à l'adoption de la LMS et je reprends volontiers les arguments qui avaient prévalu pour le repousser. Il n'y a pas lieu de fixer un quota arbitraire puisque les CDD conclus dans des conditions abusives sont requalifiés en CDI. En outre le dispositif proposé est trop complexe.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Maxime Gremetz - Prenons garde à ne pas poursuivre dans la voie actuelle. Elle est dangereuse pour la démocratie. Il faut lire les études qui démontrent que ce sont les précaires qui travaillent en moyenne environ trois mois par an qui sont les premiers à être licenciés. La DARES l'atteste : sur une période d'un an, on enregistre 1,9 million d'inscriptions à l'ANPE liées à des fins de CDD ou de missions d'intérim. Je rencontre chaque semaine, dans le bassin d'emploi d'Amiens, des centaines de jeunes - et souvent de jeunes qualifiés, ouvriers qualifiés, techniciens, techniciens supérieurs - qui se désespèrent d'être employés sous statut précaire sur des postes permanents pour, dans le meilleur des cas, un SMIC qui ne correspond pas du tout à leur niveau de qualification ! Au plan technique, les solutions que nous proposons ne sont peut-être pas les plus pertinentes mais il faut faire quelque chose car la précarité grandit. Chacun le sait : huit embauches sur dix sont réalisées en CDD. L'exception aujourd'hui, c'est le CDI ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP) On a inversé la donne et cela crée une insécurité juridique, professionnelle, familiale qui débouche souvent, dans nos quartiers, sur l'insécurité tout court. Comment des jeunes à qui l'on n'offre aucune perspective pourraient-ils envisager de fonder une famille ou, simplement, de vivre leur vie ? Il n'est que temps de mettre un terme au recours abusif et illégal au CDD et à l'intérim, qui est le plus souvent le fait d'une stratégie délibérée des grands groupes et non des PME. Monsieur le ministre, réagissons car si rien n'est fait, le coup de gueule que ces salariés condamnés à un présent terrible et privés de perspectives d'avenir nous ont adressé il y a peu - en exprimant un vote contre lequel nous avons du nous rassembler - ne restera pas sans suites.

L'amendement 11, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Chantal Bourragué - L'article L. 434-3 du code du travail dispose que l'ordre du jour du comité d'entreprise est arrêté conjointement par le président et par le secrétaire. Or cette procédure est souvent utilisée pour retarder - voire pour bloquer - les consultations du CE, notamment pour ce qui concerne les licenciements économiques. Ces dispositions placent donc les entreprises dans des situations difficiles. L'amendement 40 vise à résoudre le problème et à éviter d'encombrer les juridictions des référés. Elle préserve l'obligation d'une concertation préalable entre le président et le secrétaire du CE en vue d'arrêter l'ordre du jour des réunions.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 57 est identique. Son adoption permettra en outre une harmonisation avec la législation européenne. Les plans sont très pénibles à vivre pour les entreprises. Ajouter des blocages supplémentaires en utilisant les procédures à mauvais escient ne fait qu'envenimer le climat social.

Le sous-amendement 197 tend à étendre l'amendement aux comités centraux d'entreprise.

M. le Rapporteur - La commission a accepté l'amendement. Elle n'a pas examiné le sous-amendement mais j'y suis favorable à titre personnel.

M. le Ministre - Je souhaite le retrait des deux amendements identiques et du sous-amendement. La fixation de l'ordre du jour du CE incombe à la fois au président et au secrétaire. Cette disposition est aujourd'hui considérée comme la pierre angulaire du fonctionnement du comité. Elle provoque toutefois de vraies difficultés et je comprends bien l'esprit dans lequel ces amendements ont été déposés. Il existe en effet des pratiques dilatoires auxquelles il convient de mettre un terme. Gardons-nous cependant d'envoyer un signal négatif sur le rôle et sur les attributions du CE. Il est préférable d'inviter les partenaires sociaux à nous proposer des solutions pour sortir de l'impasse où nous nous trouvons sur ce sujet. Quel que soit le résultat de la négociation nationale qui va s'engager sur ce point, je m'engage à le réexaminer à la faveur de la seconde loi. Si malheureusement la négociation n'aboutissait pas, je vous proposerais alors une nouvelle rédaction mais laissons d'abord les partenaires sociaux y travailler.

M. Gaëtan Gorce - N'oublions pas qu'en parlant de l'entreprise, on parle aussi des salariés. Nous le disons depuis le début : ce texte n'est pas fait pour faire évoluer le droit du licenciement mais pour supprimer les garanties indispensables qui ont été données aux salariés. La négociation ne servira en réalité que de prétexte. Le ministre l'a dit à l'instant « nous reviendrons sur vos amendements lors du débat que nous aurons dans dix-huit mois »... Peut-être le moment sera-t-il un peu plus propice ! J'observe en effet qu'au regard de ce qu'il avait présenté, et plus encore de ce qu'avait adopté notre commission, le Gouvernement est forcé de faire marche arrière. Jusqu'où ne pas aller trop loin ? Voilà la question qui vous est posée. Au regard des réactions à vos premières tentatives et à celles - sans nul doute concertées - de l'UMP, vous avez constaté, Monsieur le ministre, que vous étiez allé trop loin et qu'il serait de meilleure politique de tenter votre chance un peu plus tard !

Au reste, j'aimerais bien que Mme Bourragué nous dise pourquoi elle a retiré son amendement tendant à remettre en cause la jurisprudence Samaritaine et pourquoi le président de notre commission, qui n'est pas une personnalité sans importance, l'avait cosigné ! Il est temps que la vérité affleure un peu et que vous cessiez de nous mener en bateau sur ce que sont vos intentions réelles ! Vos amendements sont à cet égard des plus explicites, mais vous les retirez systématiquement pour vous donner le temps de préparer de nouveaux coups contre notre droit du travail !

J'ai bien compris qu'il y avait dans l'UMP des sensibilités différentes, que M. Fourgous n'intègre pas forcément le courant qu'animera M. Fillon (Sourires) mais enfin ! Je n'ai pas le sentiment que pour celles et ceux qui participent à nos travaux, les différences soient si nettes. J'ai même eu le sentiment qu'il y avait parfois, comme l'a dit M. Dord, un sentiment partagé. Alors, un peu de franchise ! Allez au bout de vos engagements et nous pourrons discuter. Quant au discours que vous tenez sur notre prétendu archaïsme, nous pourrons vous le renvoyer comme un boomerang car en réalité, ce qui anime une large part de cette majorité - et M. Bloche l'a bien dit -, c'est un esprit de revanche contre tout ce qui a été fait pendant les cinq dernières années. Vous avez consacré les cinq derniers mois à une démolition systématique de tous les textes que nous avons défendus. Vous ne les remplacez par rien sinon par des dispositions favorables au Medef. Ce n'est pas ainsi que vous ferez progresser notre société !

Mme Chantal Bourragué - L'insécurité juridique ne protège pas les salariés ! Nous restons donc attachés à notre objectif de simplification et nous faisons confiance à la négociation entre partenaires sociaux.

Cela étant, je retire l'amendement 40.

M. Jean-Michel Fourgous - Le nombre de référés montre bien que ce texte n'est pas adapté au fonctionnement des entreprises, qu'il n'est ni intelligent, ni respectueux des hommes et qu'il faut donc le modifier.

C'est par prudence et par modestie que nous ne le faisons pas ce soir et je trouve donc bien excessif qu'on nous accuse de vouloir prendre notre revanche et casser tout ce que les socialistes ont fait.

Je retire le sous-amendement 197 et l'amendement 157.

M. le Ministre - Je prie l'Assemblée de bien vouloir excuser le dépôt tardif de l'amendement 196 rectifié. Cet amendement très technique vise à corriger une malfaçon de la loi de finances pour 2002, qui n'a pas tenu compte de la transformation de l'allocation spécifique d'attente en allocation équivalent retraite et qui n'a donc pas prévu la prise en charge des cotisations des 25 000 bénéficiaires.

Le Gouvernement vous propose donc d'en faire supporter le coût au fonds de solidarité vieillesse, pour un montant de 3,9 millions d'euros.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, je propose à l'Assemblée de le voter.

M. Maxime Gremetz - La suspension nous a permis de vérifier le contenu de cet amendement dans sa version rectifiée. Vous aurez au moins pu constater que rien n'échappe à notre vigilance quand il s'agit de défendre les salariés...

M. Gaëtan Gorce - Pensez-vous vraiment, Monsieur le ministre, que ce soit là la seule malfaçon de ce texte ?

M. le Ministre - Vous travestissez la vérité : cette malfaçon provient de la loi de finances pour 2002, que vous aviez préparée et votée...

L'amendement 196 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Les dispositifs existants semblent insuffisants pour éradiquer le fléau du travail dissimulé, dont sont victimes les salariés, les organismes de protection sociale et les entreprises qui respectent les règles.

Nous proposons donc par l'amendement 12, sur le modèle de ce que prévoit la loi d'orientation pour l'outre-mer, de majorer de 10 % pendant 3 ans les cotisations patronales des entreprises en infraction.

M. le Rapporteur - Cet amendement est un cavalier.

M. Maxime Gremetz - Non, car le travail dissimulé entraîne des licenciements.

M. le Rapporteur - Ce qui en entraînerait, c'est la majoration des cotisations patronales que vous proposez...

Le travail dissimulé est déjà sévèrement réprimé par le code du travail, qui prévoit même des peines d'emprisonnement. Cela me semble assez dissuasif.

M. le Ministre - Cet amendement est irrecevable car, en application de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, il relève des lois de financement.

Je suis en outre hostile à ce que les cotisations sociales soient détournées de leur vocation de financement des comptes sociaux pour en faire des instruments de sanction contre les employeurs.

M. Maxime Gremetz - Nous avons, en effet, une conception différente des cotisations : pour nous il ne s'agit pas de charges mais de ce qui nous permet, à la différence des autres pays, d'avoir une belle et grande sécurité sociale. Sans ces cotisations, seuls pourraient donc se soigner ceux qui auraient accès aux fonds de pension.

Sur tous ces sujets, le Gouvernement ne cesse de lancer des ballons d'essai. Vous, Monsieur le ministre, vous n'avez pas de frère pour ce faire, mais quand vous parlez retraites, M. Raffarin en parle après vous... Voilà des mois qu'on nous dit « les retraites, ça ne va pas », et M. Sarkozy-Guillaume... a jeté le masque en affirmant qu'il faudrait travailler sept ans de plus pour que le système n'explose pas. D'autres disent qu'il faut élever le niveau des cotisations - qu'on appelle des charges lorsqu'elles sont payées par les employeurs, mais pas lorsqu'elles pèsent sur les salariés...

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté.

TITRE

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Mon amendement 41 tend à modifier le titre, un peu trop technique, pour le rédiger ainsi : « Projet de loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques ».

Le mot « relance », ouvert sur l'avenir, est un mot d'espoir ; et nous savons, Monsieur le ministre, à quel point vous êtes attaché à la « négociation collective ».

Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous féliciter de la manière dont vous avez conduit ces débats, et de féliciter également le rapporteur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est quand même extraordinaire : c'est à la fin de ce débat qu'on essaye de nous dire sur quoi nous avons discuté pendant trois jours ! Il y a là, en réalité, une bonne illustration de ce qui s'est passé pendant cette discussion.

En une heure de temps, nous avons eu un résumé des intentions du Gouvernement et de la majorité et des rôles attribués à chacun. L'amendement 38 de Mme Bourragué, qui avait reçu un avis favorable de la commission, a été retiré parce qu'on ne voulait pas faire trop de vagues, mais demain, on reviendra à la charge ! Comptez sur nous pour le dire aux salariés. Même sort pour l'amendement 40, qui remettait en cause les fondements du comité d'entreprise. Et maintenant, on essaie de dissimuler le fait que pendant ces trois jours, on a tenté de porter atteinte aux droits des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - La commission est favorable à l'amendement.

Monsieur Le Bouillonnec, vous vous êtes laissé entraîner par votre passion, mais sachez, comme je viens moi-même de l'apprendre, que les titres sont toujours discutés à la fin.

Je remercie tous ceux qui nous ont permis de mener ce débat dans de bonnes conditions.

Monsieur le ministre, le groupe UMP est très heureux d'avoir contribué à travers ce titre à préciser vos intentions (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - C'est en tant que rapporteur que vous devez vous exprimer !

M. Maxime Gremetz - Là, il y a faute !

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

La réaction du groupe socialiste me paraît surtout marquer son dépit : il attendait que nous sortions du cadre qui a fait l'objet d'un accord avec les partenaires sociaux, et il est donc déçu. Au lieu de cela, nous avons ouvert de grands espaces de négociation. Le dialogue, j'en suis convaincu, permettra à notre pays de trouver les voies de l'apaisement des relations sociales et de la conciliation entre compétitivité et protection des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

L'amendement 41, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons achevé l'examen des articles.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi auraient lieu le mardi 10 décembre, après la prestation de serment des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République.

Prochaine séance mardi 10 décembre, à 9 heures.

La séance est levée ce vendredi 6 décembre à 1 heure 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 10 DÉCEMBRE 2002

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion de la proposition de loi (n° 350) de MM. Pierre LELLOUCHE et Jacques BARROT visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste et à renforcer l'efficacité de la procédure pénale.

M. Pierre LELLOUCHE, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Rapport n° 452)

2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au gouvernement.

2. Prestation de serment devant l'Assemblée nationale des juges titulaires et des juges suppléants de la Haute Cour de justice ainsi que des juges titulaires et de leurs suppléants de la Cour de justice de la République.

3. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi.

4. Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 382).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n° 444)

M. Axel PONIATOWSKI, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense et des forces armées.

(Avis n° 448)

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


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