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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 42ème jour de séance, 111ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 19 DÉCEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI
(deuxième lecture) (suite) 2

ART. 2 (suite) 2

APRÈS L'ART. 2 6

ART. 3 7

ART. 3 BIS 8

ART. 4 9

APRÈS L'ART. 5 9

ART. 6 9

ART. 7 10

ART. 8 10

ART. 11 10

ART. 12 10

APRÈS L'ART. 12 11

EXPLICATIONS DE VOTE 11

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR 13

NÉGOCIATION COLLECTIVE
EN MATIÈRE DE LICENCIEMENTS ÉCONOMIQUES (CMP) 13

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 15

La séance est ouverte à quinze heures.

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI
(deuxième lecture) (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

ART. 2 (suite)

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 4 porte sur la définition des cadres intégrés, soumis au droit commun en matière de durée du travail, restreignant ainsi le nombre de cadres susceptibles de se voir appliquer la RTT. De surcroît, l'amendement voté par le Sénat, qui laisse aux seuls partenaires sociaux le soin de déterminer par un accord collectif les cadres susceptibles de bénéficier de forfaits journées - et qui reprend mot pour mot une revendication du Medef - nous conforte dans l'idée que l'ensemble de votre projet est bien complaisant.

Notre amendement tend à protéger les cadres contre toute remise en cause de leurs garanties. Vous ne pouvez pas faire l'impasse sur les nombreuses inquiétudes, à ce sujet, de tous les syndicats de cadres : CGC, CFDT, CGT, FO, CTCTTC.

En outre, nous voulons que les critères servant à justifier l'application du forfait horaire annuel aux salariés itinérants non cadres restent cumulatifs. Le projet prévoit en effet que la convention nécessaire à la mise en place de ces forfaits peut substituer aux règles légales des limites plus élevées, dérogatoires au droit commun. Jusqu'à présent, cette possibilité était limitée aux seuls salariés itinérants non cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. Pour nous, ce dernier critère est trop subjectif, et risque de donner lieu à des abus.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable.

Le Sénat a modifié le projet de loi afin de renforcer la confiance témoignée aux partenaires sociaux : il leur reviendra de définir eux-mêmes, par convention ou accord, au regard de l'autonomie dans l'organisation de leur temps de travail, les catégories de cadres concernés.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Même avis.

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Des durées de travail excessives mettent en cause la sécurité, et pas seulement dans le secteur du bâtiment : est-il bien raisonnable de prendre le volant pour rentrer chez soi après une journée de travail de plus de douze heures, surtout si elle fait suite à d'autres ?

Or, la législation actuelle permet que les cadres au forfait jour travaillent 13 heures par jour, 78 heures par semaine et 2 821 heures par an.

Notre amendement 5 propose de corriger ces excès en limitant la durée du travail pour ces cadres à 10 heures par jour, 48 heures par semaine et 1 600 heures par an.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. En effet, bénéficient précisément d'un forfait jour annuel les cadres dont le temps de travail en heures ne peut être décompté en heures, ni par jour ni par semaine.

L'amendement 5, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 85 est défendu.

L'amendement 85, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Le Sénat a beaucoup restreint les critères pris en compte dans la deuxième loi Aubry pour définir les catégories de cadres concernés par le forfait jour, supprimant toute référence aux responsabilités et à la nature des fonctions exercées - auxquelles sont pourtant directement liées la classification professionnelle et la rémunération - pour ne plus retenir que le degré d'autonomie dans l'organisation de l'emploi du temps. Avec ce seul critère, le forfait jour risque d'être appliqué à un maximum de cadres, signant ainsi une véritable régression sociale. Notre amendement 86 vise à revenir aux critères précédemment retenus.

M. le Président - Je rappelle à M. Gantier que l'usage du téléphone portable est interdit dans l'hémicycle...

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement qui, d'une part, remettrait en question une disposition adoptée dans un souci de simplicité et de cohérence, d'autre part, ne laisserait plus aux partenaires sociaux le soin de déterminer quels sont les cadres autonomes.

L'amendement 86, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - J'ai déjà défendu l'amendement 6 dans mon intervention précédente.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 87 vise à éviter toute dérive dans le recours au forfait jour en ajoutant un critère supplémentaire de rémunération minimale. Dès lors qu'on l'étend à l'ensemble des cadres sans considération ni de la nature de leurs fonctions, ni de leurs responsabilités, ni de leur rémunération, on détourne le dispositif novateur du forfait jour de son objet initial.

L'amendement 88 vise également à apporter des garanties supplémentaires aux cadres.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces trois amendements. Je ne reviens pas sur les arguments exposés tout à l'heure. Quant aux deux critères de l'autonomie dans l'organisation du travail et de la rémunération, ils ne peuvent être confondus. En effet, on peut être un cadre bien payé sans être autonome dans son travail, voire l'inverse aussi.

M. le Ministre - Le forfait jour pour les cadres, institué, je le rappelle, Madame Jacquaint, par les lois Aubry, n'est pas une régression sociale. Nous avons seulement voulu préciser la définition des catégories de cadres concernés par ce forfait jour. Vous ne pouvez tout de même pas critiquer une disposition que vous avez vous-même approuvée.

Les amendements 6, 87 et 88, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - Les amendements 89 et 90 sont défendus.

Les amendements 89 et 90, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 122 de M. Baguet est défendu.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 37 dit que le forfait jour peut s'appliquer aux salariés itinérants non cadres, ainsi qu'à ceux assurant le montage de chantiers. Il concerne plusieurs dizaines de milliers de salariés dont les employeurs risquent de se trouver aujourd'hui en situation illégale. Mais il est vrai que le grand jeu, dans notre pays, consiste aujourd'hui à considérer les entrepreneurs comme des délinquants et à tout faire pour les envoyer devant les tribunaux.

Il est absolument impossible de décompter en heures le temps de travail des salariés itinérants comme les réparateurs de machines à laver et autres plombiers. Hélas sans doute, des fuites d'eau se produisent même après 17 heures, et l'on voit mal ces salariés expliquer aux clients qu'ils ne peuvent pas intervenir car ils ont dépassé leur durée de travail journalière ! (Sourires sur quelques bancs du groupe UMP) La mesure que nous proposons relève tout simplement de l'intelligence, qualité qui, hélas, préside de plus en plus rarement à l'élaboration de la loi. La grande originalité dans notre pays semble en effet être de produire des lois totalement inadaptées aux réalités ! Encore une fois, refusera-t-on de prendre en compte les faits ?

M. le Rapporteur - Les itinérants non cadres bénéficient déjà de conventions de forfait heures annuels. Considérant que l'on avait trouvé pour ces salariés un équilibre satisfaisant entre contraintes de l'exercice de leur métier et impératifs de protection sociale, la commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre - J'aimerais vous donner, Monsieur Fourgous, trois bonnes raisons de retirer votre amendement. Tout d'abord, les salariés visés peuvent relever d'une convention de forfait heures sur l'année, comme vient de le rappeler le rapporteur, et le décret pris en octobre sur les contingents d'heures supplémentaires apporte encore davantage de souplesse. Ensuite, il n'est pas certain que la mesure proposée serait compatible avec la directive européenne du 23 novembre 1993 qui n'autorise les dérogations à la durée légale du travail que pour les cadres dirigeants ou les salariés ayant un pouvoir de décision autonome. Enfin, le Gouvernement s'est solennellement engagé à ne pas modifier en profondeur la législation sociale sans concertation préalable avec les partenaires sociaux. Or, tel serait bien ici le cas : nous nous étions mis d'accord avec les partenaires sociaux sur un équilibre qui excluait ce que vous proposez.

Je comprends que vous souhaitiez une modification des règles applicables aux itinérants non cadres, mais il faut attendre qu'une discussion s'engage avec les partenaires sociaux sur ce thème. Il y va de la crédibilité du Gouvernement et de la construction d'un dialogue social responsable.

M. Gaëtan Gorce - M. Fourgous a le don de transformer un problème d'arithmétique élémentaire, la fuite des baignoires, en catastrophe nationale requérant l'attention du législateur (Sourires). En défendant des positions outrageusement droitières, il rend en fait service au Gouvernement, qui souhaite paraître incarner le juste milieu.

Aussi voudrais-je rappeler quel est le fond de l'affaire : les forfaits jour ont été introduits pour offrir une solution juridique aux entreprises en ce qui concerne le temps de travail de leurs cadres, censément soumis au droit commun, avec des maxima journaliers et hebdomadaires, lesquels n'étaient que rarement respectés, et les mettraient donc en infraction au code du travail. Les forfaits jours ont permis de régulariser leur situation, mais leur instauration doit rester subordonnée à des critères stricts.

M. Jean-Michel Fourgous - Qu'on soit « bac plus douze » ou « bac moins douze », c'est la réalité des gens qui travaillent que nous devons avoir en tête. Les démonstrations intellectuelles, les séries d'argumentaires et de références, c'est merveilleux, mais cela n'impressionne plus personne ! Si les gens sur le terrain nous disent que la loi est inapplicable, c'est eux que nous devons entendre !

Cela étant, je crois que vous avez perçu mon souci et je vous fais une totale confiance. Je retire donc mon amendement 37.

L'amendement 37 est retiré.

L'amendement 122, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Depuis la loi de mai 2001, le travail de nuit doit impérativement donner lieu à une contrepartie en repos et, « le cas échéant », en salaire. Mais ce repos imposé ne correspond pas forcément au v_u des salariés. La plupart préféreraient gagner plus. Il faut en tout cas leur laisser le choix, car l'économie administrée, c'est fini, on n'en veut plus ! Il est temps que chaque parlementaire, y compris à l'UMP, en prenne pleinement conscience !

Mon amendement 36 a donc pour objet d'offrir un vrai choix aux salariés.

Mme Muguette Jacquaint - Tu parles !

M. le Rapporteur - Nous comprenons bien l'esprit de cet amendement mais la commission l'a repoussé, car elle l'a jugé flou, la contrepartie en repos n'étant pas quantifiée. Au demeurant, les partenaires sociaux ont obtenu le retrait de dispositions comparables dans l'avant-projet.

M. le Ministre - Je suis très sensible aux appels au réalisme que vous lancez, Monsieur Fourgous, ainsi qu'à la nécessité d'être attentif au terrain.

Le terrain, cela dit, se compose de chefs d'entreprise, mais aussi d'hommes et de femmes qui travaillent, et mon rôle est justement de chercher un équilibre entre la compétitivité nécessaire aux premiers - ce qui suppose une législation plus légère, moins contraignante - et la protection dont les seconds ont besoin - ce qui suppose des règles.

C'est à travers le dialogue social que nous pourrons sortir de l'économie administrée que vous dénoncez. Je suis bien conscient des difficultés que la loi sur le travail de nuit peut créer dans certains secteurs tels que l'audiovisuel, la presse, le cinéma et le spectacle - sans parler de l'hôtellerie et de la restauration. Ces branches ont commencé à négocier et je me suis de mon côté engagé à ce qu'une étude sur l'impact de la loi sur ces secteurs soit menée. Je vous confirme qu'une mission conjointe des inspections générales des affaires sociales et des affaires culturelles est engagée, à l'issue de laquelle nous pourrons ouvrir un débat pour régler cette question.

Mme Muguette Jacquaint - Nous avons déjà eu un débat très vif sur le travail de nuit lorsqu'on nous a demandé, au nom de l'égalité des sexes, de transposer la directive communautaire qui « ouvrait » aux femmes la possibilité de travailler la nuit dans l'industrie. Le groupe communiste ne considérait pas, lui, qu'il s'agissait d'un progrès. Pour ma part, je suis contre le travail de nuit, qu'il s'agisse des hommes ou des femmes, même si parfois il n'est pas possible de faire autrement.

M. Fourgous nous dit que les salariés veulent gagner plus.

M. Jean-Michel Fourgous - C'est votre électorat qui le dit !

Mme Muguette Jacquaint - Pour gagner plus, il faudra donc travailler jour et nuit ! Personnellement, je rencontre peu de salariés qui souhaitent cela. Si le modernisme dont vous vous prévalez consiste à faire travailler jour et nuit les hommes, les femmes et pourquoi pas ? demain les enfants, je suis contre, quitte à me faire taxer d'archaïsme !

M. Jean-Michel Fourgous - J'ai travaillé de nuit pour payer mes études et, vous voyez, je ne m'en porte pas plus mal. Je maintiens que les gens veulent choisir.

Mme Muguette Jacquaint - Vous choisissez pour eux en disant qu'il faut qu'ils travaillent plus pour gagner plus !

M. Jean-Michel Fourgous - Certains veulent travailler plus pour se payer une plus belle maison, s'offrir certains loisirs...Il faut leur laisser le choix. Cela étant, par sympathie et admiration envers mon éminent ministre UMP (Sourires), et compte tenu de ce qu'il a dit, je retire l'amendement.

L'amendement 36 est retiré.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 7 est défendu.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 91 aussi.

Les amendements 7 et 91, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - Les amendements 92, 93, 94 et 95 sont défendus.

Les amendements 92, 93, 94 et 95, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Le Sénat a adopté un amendement inscrivant dans le droit du travail que les congés payés pourront être convertis en argent. Cela peut conduire à des conditions de travail très difficiles pour les salariés, notamment ceux des très petites entreprises.

Je signale à M. Fourgous qu'il n'est pas le seul à connaître le monde du travail, et que j'ai passé trente ans dans de toutes petites entreprises.

M. Jean-Michel Fourgous - Nous sommes tous deux des créateurs de richesses !

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Dans un tel cadre, un employeur peut facilement demander au salarié de reporter ses vacances parce qu'il y a une grosse commande, de sorte que la cinquième semaine risque à la limite de disparaître ; en termes de vie privée et de santé, je doute que cela réponde au v_u des salariés. Notre amendement 96 tend à supprimer cet ajout sénatorial.

M. le Rapporteur - Défavorable. Nous sommes toujours dans le cadre des directives européennes et des quatre semaines de congés payés.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 96, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le Gouvernement a introduit dans son texte le principe de la valorisation en argent des éléments constituant le compte épargne-temps, ce qui est tout de même paradoxal. Ce compte a été constitué pour mettre de côté du temps - correspondant à différents droits : repos, congés, RTT - durant cinq ans, et le réutiliser ensuite pour la formation, ou des activités familiales, ou même pour partir un peu plus tôt en retraite. Or, on nous propose d'inverser complètement le sens du dispositif : si ce compte épargne-temps a vocation à être valorisé en argent, il n'a plus aucune raison d'être ; autant le supprimer.

C'est d'autant plus préoccupant que c'est aussi une manière de revenir, de façon rampante, sur la réduction du temps de travail, et même sur les congés payés. C'est contraire à l'objet du compte épargne-temps, créé à l'origine par les partenaires sociaux, et c'est un contournement de la durée légale du travail. Cela méritait d'être souligné et dénoncé. C'est le sens de notre amendement 97.

M. le Ministre - Nous avons sur ce point une vraie divergence avec M. Gorce. Pour nous le compte épargne-temps est un moyen d'introduire de la souplesse dans un dispositif trop rigide. Nous avions le choix : nous aurions pu aller plus loin, un peu comme l'avait fait la gauche, et récrire entièrement la loi sur l'aménagement du temps de travail. Nous avons préféré ménager des espaces de souplesse : le compte épargne-temps en est un, et je suis convaincu qu'à l'usage il fera l'unanimité.

L'amendement 97, repoussé par la commission, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 40 est défendu.

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 98 est identique et tend à supprimer le paragraphe B de cet article, introduit par le Sénat, et qui donne une interprétation particulière des accords de branche signés par les partenaires sociaux.

Le Gouvernement a relevé par décret le contingent d'heures supplémentaires à 180 heures, ainsi que le repos compensateur qui s'y attache. La logique de cette décision, c'est que le repos compensateur passe à un seuil plus élevé, au même rythme que le déclenchement des heures supplémentaires. C'est très critiquable, car les partenaires sociaux n'avaient pas prévu ce cas de figure. Ils ont pu accepter un contingent d'heures supplémentaires au-delà de 130, sachant que le seuil de déclenchement du repos compensateur à 100 % se situait toujours à 130 heures. Si l'on décide maintenant que ce sera 180 heures, on trahit la volonté des partenaires sociaux, ce qui n'est pas acceptable, y compris au regard des principes que dit défendre le ministre.

La logique voudrait plutôt, puisque les accords n'ont généralement rien prévu - et pour cause - sur le repos compensateur, que la négociation s'engage là-dessus. Les compromis qui résulteraient d'une telle négociation seraient sans doute différents : on peut penser que, dans les accords de branche, les partenaires n'ont accepté des relèvements du contingent d'heures que parce que le seuil de déclenchement du repos compensateur restait à 130.

Les amendements 40 et 98, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2

M. Gilbert Gantier - L'amendement 1 est défendu.

M. Jean-Michel Fourgous - Mon amendement 38 est identique. La célèbre loi Aubry de désorganisation du travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) s'est attaquée à la définition du temps de travail effectif. Jusqu'à cette loi, dans le BTP, c'était le temps passé sur le chantier ; le temps de trajet de l'entreprise au chantier faisait l'objet de primes forfaitaires prévues par les accords de branche, et tout cela fonctionnait bien. Puis la gauche est arrivée, et a inclus ces trajets dans le temps de travail effectif. Cela réduit d'autant la durée du travail sur le chantier, et entraîne une explosion des heures supplémentaires. Les entreprises du bâtiment ne peuvent pas accroître leurs coûts sans limites : elles n'ont pas, comme la SNCF, l'Etat pour les subventionner ! (Mêmes mouvements) En outre, la mesure est discriminatoire envers le BTP : dans les autres secteurs, le temps de trajet n'est pas inclus dans le temps de travail effectif. Laissons s'appliquer les conventions collectives, comme avant que la loi Aubry n'introduise tout ce désordre ! C'est l'objet de l'amendement 38.

M. le Rapporteur - Défavorable. Il n'est pas bon d'introduire dans la loi des dérogations pour tel ou tel secteur d'activité.

M. le Ministre - Aux termes de la législation actuelle, qui est d'ailleurs plus ancienne que les lois Aubry, le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.

Le temps de trajet n'en fait partie - la jurisprudence de la Cour de cassation est constante et explicite - que lorsque le salarié est à la disposition de l'employeur et effectue une prestation à sa demande. C'est le cas quand il est obligé de se rendre au siège de l'entreprise avant de gagner le chantier mais non pas quand il peut gagner directement le chantier. Je suis disposé à réaffirmer cette doctrine dans une instruction à mes services, ce qui devrait répondre largement à votre préoccupation.

Votre amendement, en revanche, risque de rouvrir un débat complexe sur la définition du temps de travail, ce qui ne semble pas opportun aujourd'hui. Je mesure les difficultés que rencontrent certains professionnels, du fait que la jurisprudence n'est pas entièrement stabilisée. Et le cas du BTP est en effet particulier. Mais, au stade actuel, je souhaite que cet amendement soit retiré, et que nous engagions une concertation avec les partenaires sociaux sur les dispositions à prendre. S'il se révèle ensuite nécessaire de légiférer, je vous ferai des propositions.

M. Gaëtan Gorce - Je remercie M. Fourgous d'avoir cité Martine Aubry ; je saisis cette occasion pour lui rendre hommage et souhaiter qu'elle nous rejoigne rapidement (Mouvements divers).

M. Jean-Michel Fourgous - Aux électeurs d'en décider !

M. le Président - Je comprends que l'arrivée de M. Sébastien Huyghe dans l'hémicycle ne laisse pas nos collègues sans réaction ... (Sourires)

M. Jean-Michel Fourgous - Dès lors que le ministre entend rendre la parole aux partenaires sociaux sur ce point, je ne puis que retirer mon amendement, et lui faire confiance pour passer de la déclaration à l'acte !

L'amendement 38 est retiré.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 3

Mme Muguette Jacquaint - Nous sommes opposés à ce qu'on maintienne jusqu'au 31 décembre 2005 le taux transitoire de 10 %, s'agissant de la majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de vingt salariés ou moins. En effet, ce n'est pas ainsi que vous permettrez aux salariés qui le souhaitent de gagner plus. D'autre part, si les PME rencontrent indéniablement des difficultés, les salariés désirent une réduction de leur temps de travail. Or cet article n'est pas de nature à encourager les entreprises qui ne sont pas passées aux 35 heures à le faire. D'où l'amendement 8 de suppression.

M. le Rapporteur - Rejet. Cette bonification de 10 %, qui a d'ailleurs été instituée par le gouvernement précédent et que vous avez donc approuvée, Madame, constitue une aide utile pour les PME.

M. le Ministre - Même avis.

M. Gaëtan Gorce - Puisque le rapporteur a fait allusion à la loi de janvier 2000, je rappelle que cette bonification n'avait été accordée qu'à titre transitoire, pour deux ans. Vous, vous la prorogez jusqu'à la fin de 2005 !

L'amendement 99, identique au 8, est défendu.

Les amendements 8 et 99, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Michel Fourgous - Ce sera peut-être un scoop pour certains, mais les entreprises doivent impérativement maintenir leur capacité de production. Prolonger la majoration de 10 % jusqu'au 31 décembre 2005 est une bonne chose, mais je constate que l'élément de souplesse qui consiste à n'imputer les heures supplémentaires sur le contingent qu'au-delà de la trente-sixième heure disparaîtra en décembre 2003, et que les PME perdront ainsi une quarantaine d'heures supplémentaires par an. L'amendement 39 vise donc à retenir la même date du 31 décembre 2005 pour terme de cette disposition. Les entreprises concernées auront ainsi plus de temps pour s'adapter à cette plaisanterie qu'est la durée légale de 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gilbert Gantier - L'amendement 123 de M. Baguet est identique.

M. le Rapporteur - Rejet. Dans ce projet, on a recherché avant tout la souplesse. La prorogation de la majoration de 10 % est une réponse pragmatique aux besoins des PME, mais c'est aussi un point d'équilibre entre la situation antérieure et la situation future.

M. le Ministre - Le gouvernement a choisi d'assouplir la loi sur les 35 heures en ouvrant, notamment, la possibilité de négocier des heures supplémentaires. Ce sera à la négociation de branche de fixer le contingent, porté par décret à 180 heures. Compte tenu des assouplissements déjà prévus, l'amendement n'aurait que peu de portée puisqu'il ne permettrait ni de faire davantage d'heures supplémentaires, ni d'en modifier la rémunération. En revanche, son adoption pourrait faire accroire que le Gouvernement veut régulariser la situation des PME et de leurs salariés en leur défaveur. Or cela ne se justifierait que pour un motif d'intérêt général impérieux. Autant je crois utile de prolonger la majoration de 10 % pour permettre aux PME de s'adapter aux 35 heures, autant une prolongation de la dérogation relative au décompte horaire me paraît mal fondée. Je crains même qu'elle ne nous expose à quelques difficultés d'ordre constitutionnel.

M. Jean-Michel Fourgous - Je vous ferai à nouveau confiance !

L'amendement 39 est retiré.

L'amendement 123, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

ART. 3 BIS

Mme Muguette Jacquaint - Je ne veux pas engager de polémique, mais je ne puis laisser dire que nous discuterions d'une plaisanterie, Monsieur Fourgous !

M. Jean-Michel Fourgous - La loi sur les 35 heures est même plus qu'une plaisanterie : une bouffonnerie, voire une fumisterie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Muguette Jacquaint - Faire la loi n'est pas une plaisanterie et je souhaite que vos électeurs ne vous tiennent pas pour un plaisantin !

Mme Nadine Morano - Oh !

Mme Muguette Jacquaint - Je vous vois souvent manifester votre désaccord par des mouvements de tête, Madame. Que ne l'exprimez-vous autrement ? Prenez la parole et nous saurons ainsi ce que vous pensez ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Les interpellations de collègue à collègue sont prohibées. Je demande à M. Fourgous de laisser parler Mme Jacquaint, et à celle-ci de présenter son amendement 9.

Mme Muguette Jacquaint - Cet amendement vise à supprimer une disposition introduite par le Sénat avec l'aval du Gouvernement. S'appuyant sur le projet qui a modifié la durée annuelle du travail et supprimé toute référence à la durée légale hebdomadaire prévue aux articles L. 212-8 et L. 212-9 du code du travail pour fixer cette durée annuelle à 1 600 heures, la Haute Assemblée a modifié l'article L. 212-4-2 pour annualiser également la durée de travail des salariés à temps partiel. Une telle disposition ne peut qu'aggraver la flexibilité et dénaturer encore davantage la notion de temps partiel. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Gaëtan Gorce - Mme Jacquaint a également défendu notre amendement 102, et d'excellente façon !

M. le Rapporteur - Rejet. Cet article 3 bis introduit par le Sénat permet d'harmoniser la référence à la durée annuelle du travail, s'agissant de la modulation des horaires, pour les salariés à temps partiel.

M. le Ministre - Le projet fait en cela _uvre de cohérence. La durée annuelle pour un temps plein étant fixée à 1 600 heures ou à un plafond inférieur fixé par accord collectif, il convient de prendre comme référence la même durée pour le calcul de la durée annuelle de travail des salariés à temps partiel.

Les amendements 9 et 102, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 3 bis, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

Mme Muguette Jacquaint - J'ai déjà défendu l'amendement 10, à l'occasion de l'examen de l'article 2. Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 16 heures 15 est reprise à 16 heures 20.

M. Gaëtan Gorce - Nos amendements 103 et 68 sont défendus.

Les amendements 10 et 103, repoussés par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement 68.

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 12 de Mme Jacquaint est défendu.

L'amendement 12, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 6

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 104 tend, comme l'amendement 13 du groupe communiste, à supprimer cet article. C'est peut-être l'occasion de reprendre le débat sur l'article 2B, interrompu par un petit dérapage. Le ministre pourrait-il préciser quelle a été son intention en acceptant l'amendement du Sénat créant ce nouveau paragraphe, qui relève le seuil déclenchant le repos compensateur ?

M. le Ministre - Avis défavorable aux amendements. Je répondrai à M. Gorce sur le 2B ultérieurement.

Les amendements 13 et 104, repoussés par la commission, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 14 tend à supprimer l'article 7.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 121 a le même objet.

Les amendements 14 et 121, repoussés par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 15 tend à supprimer cet article.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 23 également. En déconnectant les allégements des négociations, vous enlevez toute véritable incitation à ces négociations. En outre il est anormal que les entreprises qui travaillent 39 heures aient un régime plus favorable que celles passées aux 35 heures.

M. le Ministre - Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Je réponds maintenant à M. Gorce sur le paragraphe B de l'article 2. La question se pose du sort des accords ayant fixé des contingents d'heures sur la base de la législation antérieure. Ces accords ont souvent une formulation ambiguë, source d'insécurité juridique. C'est pourquoi le Gouvernement a accepté l'amendement proposé par le Sénat.

Le paragraphe B précise que pour le déclenchement du repos compensateur les contingents négociés antérieurement s'appliquent, dans la limite des 180 heures.

Cette clarification me semble conforme à l'intérêt des entreprises et des salariés.

M. Gaëtan Gorce - N'aurait-il pas été plus simple d'inviter les partenaires sociaux à renégocier ou à interpréter eux-mêmes ces accords ?

Les amendements 15 et 23, repoussés par la commission, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 16 est défendu.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 25 est défendu.

Les amendements 16 et 25, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 11, mis aux voix, est adopté.

ART. 12

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 17 est défendu.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 26 est défendu.

Les amendements 17 et 26, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 29 est défendu.

L'amendement 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 31 tend à favoriser la négociation, dans le respect des garanties des salariés.

L'amendement 31, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 32 est défendu.

L'amendement 32, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 12

M. Gaëtan Gorce - Dans un souci d'information et de transparence, l'amendement 34 tend à ce que le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur la mise en _uvre de la réduction des cotisations prévue à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ce rapport est déjà prévu à l'article 36 de la loi Aubry II.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 34, mis aux voix, n'est pas adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

Mme Muguette Jacquaint - Nous venons d'examiner le projet de loi dit « d'assouplissement des 35 heures » marqué, après son passage au Sénat, du sceau du libéralisme. Quelle meilleure preuve de la surdité du Gouvernement face aux aspirations de nos concitoyens ? Avez-vous seulement pris connaissance des derniers sondages de l'INSEE et de la DARES ? 59 % des salariés se disent satisfaits du passage aux 35 heures, 80 % ne voudraient surtout pas les voir remises en question, et 71 % des femmes ayant un enfant de moins de 12 ans en dressent un bilan positif.

Vous dites que ce texte était attendu. Par qui ? Par le Medef sans aucun doute, par les patrons, à qui vous faites cadeau de la remise en cause des 35 heures et de la suspension des dispositions « anti-licenciement » de la loi de modernisation sociale.

Dorénavant, les entreprises à 39 heures n'auront plus aucun intérêt à passer aux 35 heures. Quant à celles passées aux 35 heures, elles pourront revenir à 39, avec un coût de 10 % pour les quatre premières heures supplémentaires. autant dire rien. Quid de votre slogan électoral : « travailler plus pour gagner plus » ? Vous ne cessez de creuser l'écart entre les salariés, comme vous aggravez les inégalités entre les entreprises.

Comme d'habitude, la droite va à l'encontre des aspirations des Français. Elle ignore, au mépris des salariés, un mouvement qui est pourtant historique. Pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain votera contre ce texte.

M. Gaëtan Gorce - Loin de s'arrêter dans cet hémicycle, ce débat va se développer, nourri des problèmes nés du creusement des inégalités entre les salariés. La réduction du temps de travail correspond à une évolution inéluctable de notre société. Par ailleurs, votre texte va briser l'élan des négociations - 300 000 emplois avaient tout de même été créés grâce à la réduction du temps de travail. Du reste, nombre d'études attestent de la pertinence du mécanisme de la réduction du temps de travail - notamment pour ce qui concerne son mode de fonctionnement.

De surcroît, les systèmes d'allégement mis en place ne feront que peser sur les finances publiques sans aucune contrepartie pour l'emploi, au contraire du dispositif Aubry - d'ailleurs le moins coûteux en matière d'incitation à l'emploi.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce texte, qui ne fait que remettre en cause l'action de vos prédécesseurs. Forts de nos expériences respectives, n'aurait-il pas été plus judicieux d'utiliser notre énergie à bâtir du neuf, au lieu d'accuser caricaturalement la gauche de n'avoir pas su utiliser les perspectives de croissance ? Loin d'être dans une situation catastrophique, notre pays a conservé son rang au sein des puissances économiques. Reste la perspective des négociations. Je vous souhaite de réussir dans cette voie, même si je reste sceptique. N'avez-vous pas ainsi choisi de modifier par la loi des questions qui auraient pu être réglées par la négociation ?

M. Claude Gaillard - Ce texte respecte les engagements pris lors des élections présidentielle et législative : relèvement des salaires les plus bas, accentuation de l'écart entre les revenus de l'assistance et ceux du travail, réhabilitation et revalorisation du SMIC, lutte contre la remontée du chômage.

Pour ce qui est de la réduction du temps de travail, il convient de s'adapter à notre époque.

Avec ce texte, vous avez souhaité renouer le dialogue social et redonner toutes leurs responsabilités aux partenaires sociaux.

Vous avez aussi voulu rendre de la souplesse. L'abaissement de la durée du temps de travail pourra bien sûr continuer d'être négocié, mais en tenant compte de la diversité des situations, des salariés, des entreprises, des secteurs et des territoires. Les salariés savent désormais qu'ils pourront choisir, selon leurs besoins qui varient d'ailleurs selon les âges de la vie, entre travailler moins ou gagner plus. C'est cette liberté de choix que vous avez voulu restaurer.

Vous avez souhaité aussi tenir compte du contexte international. Il fallait en effet permettre aux entreprises employant beaucoup de main-d'_uvre à bas salaire, les plus exposées à la concurrence internationale, de s'adapter à un rythme ne les mettant pas en péril. Les 35 heures ne pouvaient tout simplement pas être appliquées à toutes les entreprises de notre pays, de manière autoritaire et uniforme,

Vous avez aussi décidé de concentrer l'effort sur les bas salaires en limitant les allégements de charges à ceux ne dépassant pas 1,7 fois le SMIC. C'est en effet dans les tranches les plus basses que la corrélation entre niveau des salaires et nombre d'emplois créés est la plus grande.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte avec confiance. Je remercie, une nouvelle fois, le ministre de sa grande capacité d'écoute (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Au terme de l'examen de ce texte en deuxième lecture, je remercie le rapporteur, le président de la commission et tous les parlementaires, de l'opposition comme de la majorité, qui ont participé au débat.

La grande leçon à tirer des lois Aubry est que, dans une économie ouverte et une société aussi complexe que la nôtre désormais, notre droit social ne peut plus être bouleversé sans concertation préalable avec les partenaires sociaux. Il est d'ailleurs significatif que nos concitoyens, même s'ils peuvent individuellement être intéressés à travailler moins, aient globalement porté un jugement négatif sur les 35 heures (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Ils ne les ont pas plébiscitées en 2002, c'est le moins que l'on puisse dire, et c'est là, Madame Jacquaint, le sondage le plus probant... Ils en ont vu les rigidités excessives, ils n'ont pas apprécié les contraintes qu'elles instituaient quand tant d'entre eux vivent dans la précarité ou qu'il est si difficile de maintenir des services publics de qualité. Ils ont compris aussi qu'elles handicapaient la compétitivité de notre industrie et risquaient, à terme, de conduire à la désindustrialisation de notre pays. En effet, la France continue de créer des emplois, mais dans les services ou le bâtiment seulement.

Nous avons, nous, choisi d'assouplir les 35 heures, d'alléger les charges sur les bas salaires - de façon massive, M. Gorce lui-même l'a reconnu -, d'harmoniser les SMIC par le haut. Je comprends que l'opposition n'insiste guère sur ce dernier point. Un responsable du parti socialiste a même prétendu qu'il y avait là tromperie... alors que les trois quarts des salariés rémunérés au SMIC verront dans les trois années à venir leur salaire augmenter bien davantage qu'il ne l'aurait fait par le biais des revalorisations ordinaires !

En renvoyant le plus largement possible à la négociation entre les partenaires sociaux, nous avons commencé d'écrire une nouvelle page de notre histoire sociale. Nous voulons réhabiliter le dialogue social et lui redonner toute son efficacité. Ce texte, avant celui que je vous présenterai en 2003 sur le sujet, y participe.

En conclusion, je me contenterai de suggérer à l'opposition de se montrer plus prudente. Ainsi avait-elle raillé le contrat jeunes en entreprise l'été dernier. Or, 32 000 de ces contrats ont d'ores et déjà été signés et sans doute en aura-t-on 35 000 à la fin de l'année... quand nous n'en escomptions pas initialement plus de 20 000 à cet horizon. Il se pourrait donc bien, Madame, Messieurs, heureusement d'ailleurs pour notre pays, que sur les 35 heures aussi, comme sur d'autres sujets, vos prévisions ne se vérifient pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - Le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement vient de me faire savoir que le texte de la CMP sur le projet de loi portant relance de la négociation collective serait examiné dès cet après-midi.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures 20.

NÉGOCIATION COLLECTIVE
EN MATIÈRE DE LICENCIEMENTS ÉCONOMIQUES (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée nationale le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la CMP - Le présent projet répond à une vraie nécessité et à une réelle urgence. Il fallait en effet suspendre rapidement les dispositions les plus nocives de la loi du 17 janvier 2002, dite loi de modernisation sociale, à savoir celles relatives aux licenciements économiques.

Cette loi a eu pour effet pervers de rendre le droit en cette matière illisible pour les acteurs sociaux et quasiment inapplicable. Cette loi de circonstance s'est d'ailleurs transformée en piège politique pour le précédent gouvernement. Suite à l'annonce de plans sociaux par plusieurs grands groupes, les pressions au sein de la majorité dite plurielle s'étaient accentuées et une série d'amendements visant à renforcer les prérogatives des représentants du personnel et le suivi des plans de sauvegarde de l'emploi furent ainsi adoptés. Sous la pression du groupe communiste, d'autres dispositions furent ajoutées : celles visant à reconnaître un droit d'opposition au comité d'entreprise et surtout celles définissant de façon extrêmement strictes les motifs économiques du licenciement.

Je rappelle à ce propos la conclusion du Conseil constitutionnel, dans sa décision du 12 janvier 2002 : « Loin de satisfaire à l'exigence constitutionnelle qui s'attache à la sauvegarde de l'emploi, la loi aurait desservi cette exigence. »

Nous considérons quant à nous que le formalisme et l'allongement des délais de procédure ne constituent pas une garantie pour les salariés, mais pénalise au contraire leur avenir, et ce d'autant plus que la profusion de normes et de procédures n'a nullement été souhaitée par les partenaires sociaux mais imposée d'en haut. La loi de 2002 nie les réalités vécues dans les entreprises qui sont contraintes de licencier. Notre démarche, très différente, consiste à encourager les partenaires sociaux à poser les bases d'un accord national interprofessionnel à partir duquel une nouvelle législation pragmatique pourra être élaborée.

La loi de 2002 s'inscrivait dans une perspective axée sur la confrontation plutôt que sur le dialogue social entre partenaires responsables. Cette vision de l'employeur comme un délinquant en puissance, qui cherche forcément à entraver le bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel et à contourner la législation, est pour le moins datée et peu constructive. Retarder des licenciements indispensables aux restructurations ne présente aucun intérêt ni pour les entreprises ni pour les salariés eux-mêmes. Cela ne peut en effet que fragiliser davantage l'entreprise et mettre en péril l'emploi de l'ensemble des salariés concernés.

Il y a une certaine hypocrisie à prétendre défendre les intérêts des salariés en jouant simplement sur la date de réception de leur lettre de licenciement, car en fin de compte les licenciements finiront bien par intervenir mais les salariés n'auront pas pu être reclassés et se sentiront donc, à juste titre, floués. Mieux vaut permettre aux représentants des salariés de négocier avec l'employeur sur des bases réalistes et accroître ainsi les chances de reconversion laissées aux salariés concernés.

Il faut bien voir que l'objectif fondamental d'un plan de sauvegarde de l'emploi est d'éviter, dans toute la mesure du possible, les licenciements secs et qu'un chef d'entreprise ne procède jamais à des compressions d'effectifs légèrement et de gaîté de c_ur. Ce dernier doit donc être considéré comme un partenaire et non comme un ennemi. C'est cette logique de partenariat qui prime dans le présent projet.

Plusieurs amendements importants ont été adoptés en première lecture.

A l'article premier, le champ des dispositions dont l'application est suspendue a été étendu à l'article 96 de la loi du 17 janvier 2002, dit amendement Michelin, qui conditionne la possibilité de présenter un plan de sauvegarde de l'emploi au fait d'avoir conclu un accord sur les 35 heures ou d'avoir entamé des négociations en ce sens, et à l'article 100, qui oblige à informer le comité d'entreprise avant toute annonce publique ayant des incidences importantes sur l'emploi.

Rappelons que les articles 2 et 3 ont été adoptés par l'Assemblée sans modification.

L'Assemblée a souhaité en revanche modifier certaines dispositions des articles 168 à 180 de la loi du 17 janvier 2002 relatives au harcèlement moral, qui judiciarisaient à l'excès les relations dans l'entreprise. C'est ainsi qu'à l'article 4 du projet - voté sans modification par le Sénat - l'Assemblée a rééquilibré les conditions d'établissement de la preuve, en écrivant : « dès lors que le salarié concerné établit les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement ».

L'Assemblée a également modifié l'article L. 122-54 du code du travail sur la médiation en cas de harcèlement : cette procédure ne peut être utilisée qu'en cas de harcèlement moral, et non plus sexuel. M. Morange avait rectifié son amendement en ce sens à la demande de Mme Génisson. La procédure peut être enclenchée par l'une ou l'autre partie, le choix du médiateur devant faire l'objet d'un accord entre elles. Tel est l'objet de l'article 5, introduit par l'Assemblée en première lecture, tout comme l'article 6. Ce dernier a un objet technique : il s'agit de permettre la prise en charge par le fonds de solidarité vieillesse de certaines cotisations en faveur des bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite.

En première lecture, le Sénat a voté conformes les articles premier à 6. Il a introduit trois articles additionnels après l'article 6.

L'article 7 complète l'article L. 122-1-1 du code du travail qui traite des cas de recours aux contrats à durée déterminée. Désormais, il sera possible de recourir à un CDD s'il faut remplacer un chef d'exploitation agricole ou son conjoint dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole. Cette intervention législative est nécessaire, car une décision de la Cour de cassation du 26 mars 2002 est venue restreindre fortement ces possibilités de remplacement, qu'il convient au contraire de ne pas limiter car il y va de la pérennité des entreprises concernées.

L'article 8 complète le deuxième alinéa de l'article L. 122-3-4 du code du travail relative à la prime versée aux salariés détenteurs d'un CDD ou intérimaire, afin de compenser la précarité de leur situation. Cette prime représente aujourd'hui 10 % de la rémunération totale brute due aux salariés. Il est prévu que, par accord de branche étendu, ce taux soit ramené à 6 % pour les salariés sous CDD, comme c'était le cas avant la loi de modernisation sociale. En outre, des contreparties devront leur être offertes sous la forme d'un accès privilégié à la formation professionnelle, dont ils sont le plus souvent exclus.

L'article 9 permet de valider les actes pris par la commission supérieure du personnel et des affaires sociales du service public des postes et télécommunications entre le 1er janvier 1991 et le 18 juillet 1995. En effet, le Conseil d'Etat a annulé dans un arrêt du 2 juillet 1993 les dispositions d'un décret de décembre 1990 portant statut de La Poste et France Télécom, prévoyant que ladite commission soit composée exclusivement des syndicats représentatifs au niveau national, ce qui excluait en pratique un syndicat comme SUD. Le fait que la composition de cette commission ait été jugée irrégulière entache d'illégalité tous les actes pris par elle. Il faut donc prévoir une validation législative, sous réserve, naturellement, des décisions de justice passées en force de chose jugée.

Ces trois ajouts du Sénat me paraissent utiles et je propose d'en rester à la version qu'il a adoptée en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Je n'ai rien à ajouter à l'excellente présentation du président Dubernard. Nous sommes en présence d'un texte équilibré, que les amendements adoptés n'ont pas profondément remis en cause. Il importe de l'adopter au plus tôt, pour mettre fin à une menace qui pèse sur de nombreuses entreprises, et plus généralement sur l'image de notre pays, à l'heure où nous avons besoin d'y relancer l'investissement. Je suis convaincu des bons effets qu'aura la méthode que nous avons adoptée, consistant à renvoyer aux partenaires sociaux le soin de préparer la réécriture de ces dispositions. Nous revenons ainsi à une tradition ancienne, qui a connu sa dernière expression en 1986 à propos de l'autorisation administrative de licenciement. C'est une bonne disposition, qui vient nourrir la démarche du Gouvernement en matière de dialogue social.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une exception d'irrecevabilité.

Mme Muguette Jacquaint - Je veux tout d'abord exprimer le mécontentement du groupe communiste et républicain face au déroulement de nos travaux. Alors que ce projet concerne la vie et l'emploi de centaines de milliers de salariés, vous expédiez le débat. Au Sénat, le texte a été examiné en cinq heures seulement. Et aujourd'hui, alors qu'il n'était même pas inscrit à notre ordre du jour, voilà qu'il arrive de façon précipitée, empêchant toute discussion sérieuse - à croire que tout est réglé d'avance...Vous affichez ainsi un comportement désagréable envers les salariés, les chômeurs, et aussi la représentation nationale, dont fait partie l'opposition.

Les parlementaires n'ont été informés du changement de programmation de la CMP que la veille après vingt heures. Puis, hier matin, c'est par une dépêche de l'AFP que nous apprenons que le texte nous sera soumis avant la fin de semaine, alors qu'il n'en avait pas été question en Conférence des présidents et que notre ordre du jour ne prévoyait que des navettes diverses. Pourquoi ne pas avoir clairement prévu une éventuelle CMP sur ce texte ? Je pose la question. Hier matin ni le ministre chargé des relations avec le Parlement, ni les services de notre assemblée - dont chacun connaît la diligence et la disponibilité - ne pouvaient nous informer sur le déroulement de la fin de nos travaux. Et voilà que vous bouleversez encore l'ordre du jour.

Tout cela n'est pas sérieux. C'est manifester de la suffisance envers l'opposition, comme envers les services de l'Assemblée. Nous n'avons eu le texte de la CMP que dans la journée, notre groupe n'ayant pas de représentation dans les commissions paritaires. Le rapport vient de sortir. Comment travailler sérieusement sur un sujet de cette importance ? C'est quasiment sans précédent. Alors que vous ne cessez d'invoquer la concertation, le dialogue, le respect des partenaires, vous bouleversez l'organisation de nos travaux pour faire passer ce texte en catimini. Pourquoi ? S'il est si bon, pourquoi précipiter le débat au détriment de sa qualité ? Profitant de votre écrasante majorité, vous présentez un projet sur lequel nous n'avons pas tout le recul nécessaire pour en apprécier pleinement les enjeux. Quel gâchis ! Quelle colère nous anime, quand on sait que des centaines de milliers de licenciements sont en jeu ! Et quelle rage pour les salariés, livrés aux plans de licenciement avec moins de droits.

Nous rejetons ce projet inspiré par le Medef, tout comme votre façon de procéder. Je veux dire solennellement, Monsieur le ministre, que nous sommes attristés par la tournure des événements, et que nous n'en serons pas complices. Pour ces raisons, nous ne prendrons part ni au débat ni au vote. Ce qui n'enlève rien à notre hostilité aux dispositions de ce texte qui ne fait que répondre à l'injonction du Medef - voilà peut-être une explication à ce simulacre de démocratie que vous organisez.

En cette fin d'année, où il est de bon ton de se souhaiter joyeux Noël, tous les salariés d'Alcatel, d'Aventis, de Daewoo, et tous ceux qui comme eux attendent leur lettre de licenciement, apprécieront le texte que la majorité va adopter. Ils apprécieront également l'assouplissement des 35 heures, et l'abrogation de la loi Hue sur le contrôle des fonds publics. Cette dernière est particulièrement scandaleuse. En 2001, au titre des mesures d'ordre général et des dispositions ciblées pour l'emploi, ce sont 30 millions d'euros de fonds d'Etat qui ont été dépensés... pour créer 23 000 emplois directs. Autrement dit, pour chaque emploi, 1,3 million d'euros sont versés aux entreprises sans contrôle et sans évaluation ! Et on vient nous dire que les chômeurs sont trop indemnisés !

Après l'adoption de ce texte, le baron Seillière et son dauphin Guillaume Sarkozy sabreront le champagne sous l'arbre de Noël : le petit soulier du patron des patrons déborde déjà de cadeaux, tombés de la hotte de M. Raffarin ! Leur fierté de licencier et de délocaliser aura sa juste récompense...

Je vous souhaite un joyeux Noël, Monsieur le ministre !

Mme Jacqueline Fraysse - Très bien !

M. le Ministre - Je ne puis vous laisser ainsi travestir la vérité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Si ce projet vient en dernière lecture un tout petit peu plus tôt que prévu, c'est que le débat au Sénat a été plus court que nous ne l'attendions. Nous avions prévu deux jours de discussion et un seul a suffi, en l'absence d'une véritable opposition - n'étaient présents que deux ou trois sénateurs communistes et un ou deux socialistes ! Notre discussion s'en trouve avancée de quelques heures, ce qui ne justifie pas vos propos indécents (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). N'oubliez pas que nous avons consacré trois journées à la première lecture de ces neuf articles, qui ont ainsi pu être examinés de façon beaucoup plus transparente que la loi de modernisation sociale, objet, elle, de transactions secrètes entre les groupes de la majorité d'alors ! C'est sans doute à ce péché originel qu'elle doit d'être, de l'avis de tous, inapplicable et de s'être en définitive retournée contre ceux qu'elle était censée protéger.

Les centaines de milliers de licenciements que vous avez évoqués sont d'ailleurs la preuve que cette loi n'a eu aucun effet, car c'est sous son empire qu'ils ont eu lieu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous avons, nous, le souci de relancer notre économie tout en tenant nos engagements. Nous respectons vos choix, mais n'essayez pas de faire croire aux Français que nous voudrions imposer ce texte à la va-vite : ce serait manquer de respect pour le Parlement et c'est contraire à la vérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme Chantal Bourragué - Ce texte traite d'un sujet ô combien difficile et sensible : les licenciements collectifs. Travaillant dans le même esprit que l'Assemblée, le Sénat l'a peu modifié. Les licenciements sont en effet autant de drames humains, surtout lorsqu'ils frappent des salariés âgés, dont les chances de retrouver un emploi sont faibles. Le législateur porte donc une responsabilité importante : il a le devoir d'assurer un juste équilibre entre les garanties offertes aux salariés et la prise en compte des contraintes de l'entreprise.

Il nous faut tenir un discours responsable : nier l'existence des licenciements économiques, c'est nier la réalité de l'économie de marché, c'est refuser aux entreprises la possibilité de s'adapter à l'économie de marché. En adoptant ce texte de circonstance qu'était la loi de modernisation sociale, la précédente majorité s'est trompée d'objectif et elle a trompé les salariés.

Elle s'est trompée de cible en se focalisant sur les grands groupes, négligeant les licenciements qui interviennent dans les PME, où les garanties de reclassement et de reconversion sont nulles. Or 85 % des licenciements économiques se font dans ces PME.

Plus grave : la majorité a trompé les salariés. En multipliant les consultations et en rallongeant les procédures, elle a créé une insécurité accrue pour les entreprises sans parvenir à interdire les licenciements économiques et à mieux protéger les salariés. Au contraire, sa loi a eu un effet dissuasif sur l'embauche et sur l'investissement, au détriment de notre compétitivité et de l'attractivité de notre territoire. Elle a favorisé les délocalisations et nous a isolés de nos partenaires européens.

Le présent projet est au contraire équilibré et pragmatique. Nous ne sommes animés d'aucun d'esprit de revanche sociale : nous nous bornons à modifier une loi qui n'a pas réussi, mais cela sans porter atteinte aux droits propres des salariés. Les syndicats eux-mêmes s'étaient d'ailleurs montrés très réservés sur la loi de modernisation sociale et l'opposition ferait donc bien de se montrer plus prudente dans ses critiques. Le Gouvernement ne relève-t-il pas le SMIC tout en procédant à une harmonisation ? Ne favorise-t-il pas l'accès des jeunes à des contrats de durée indéterminée - 27 000 ont déjà bénéficié de ce dispositif ?

En matière d'emploi, mieux vaut éviter la caricature et le simplisme. Ainsi, selon la presse, la majorité aurait renversé la charge de la preuve, en matière de harcèlement moral ! Rétablissons la vérité : nous n'avons fait que prendre en compte les fortes réserves émises par le Conseil constitutionnel, soucieux de faire respecter les droits de la défense et d'éviter les recours abusifs. Notre amendement, qui reprend la directive européenne, maintient un régime favorable aux salariés, mais est simplement plus rigoureux quant aux faits que ceux-ci doivent présenter ou établir.

Ce projet obéit à une démarche originale en suspendant certaines dispositions pour dix-huit mois. Le souci du gouvernement est de rapprocher les parties, de favoriser la négociation sociale. La loi ne peut en effet être la cause des licenciements ni ne peut créer des emplois : elle est là pour favoriser le dialogue. Nous redonnons toute leur place aux partenaires sociaux en les invitant à une négociation interprofessionnelle. « Concertation » est ainsi le maître mot de cette réforme. Chacun doit assumer ses responsabilités : aux partenaires sociaux de négocier, au Gouvernement de transformer l'accord en loi.

La négociation ne saurait se limiter aux questions de procédure. Le débat a montré l'importance d'une approche préventive, reposant sur la reconnaissance d'un droit à la formation et à la reconversion.

La concertation aura lieu dans les entreprises aussi et le projet permet de valider les accords de méthode. A titre expérimental et pour une période limitée, les partenaires sociaux pourront décider de règles dérogatoires au droit commun, à l'exception de tout ce qui touche à l'ordre public social ou à la protection des salariés. Cette disposition préfigure un passage du droit imposé au droit négocié. Elle redonne légitimité aux représentants du personnels, ce qui est bien nécessaire, la participation aux élections prud'homales invitant à revoir les règles de la négociation collective. Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait accepté d'ouvrir le débat sur ce sujet dès le début de l'année prochaine.

En votant ce projet, nous tenons nos engagements en faveur de la réforme sociale. Avec la loi sur les contrats jeunes, l'assouplissement des 35 heures, l'harmonisation des SMIC et l'allégement des charges, cette loi participe d'un programme cohérent visant à réhabiliter le travail, à ouvrir de nouveaux espaces de négociations et à mieux protéger les salariés. C'est donc en toute confiance que le groupe UMP la votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Bataille - Ces journées de fin d'année et de retour de CMP sont toujours quelque peu compliquées à organiser, mais celle-ci a été perturbée à l'excès, de sorte que M. Néri a été empêché de faire entendre la voix du groupe socialiste, comme il était prévu, et que je dois le suppléer.

Les dispositions entrées en vigueur le 17 janvier 2002 ont fait l'objet de critiques d'autant plus injustes qu'en quelques mois, elles n'ont pu faire sentir tout leur effet. Il est vrai que les dépôts de bilan se sont accrus entre-temps, mais nous divergeons sur l'analyse du phénomène. Pour notre part, nous y voyons le résultat de l'abandon d'une politique sociale volontariste, qui avait permis de faire reculer le chômage, avec le renfort de la reprise économique. Nous observons en effet un recul sur ces deux fronts : vous revenez sur les mesures en faveur des jeunes et des sans-emploi, cependant que le contexte économique a de quoi inquiéter.

Votre projet opère un véritable détournement du droit de la négociation collective : il prévoit qu'un accord national interprofessionnel pourra modifier la loi, prendre le contre-pied de la jurisprudence et réduire les garanties des salariés en matière de licenciement économique. Et non content de cela, le groupe UMP a adopté des amendements qui aggravent les effets du projet initial : à l'article 96, vous avez supprimé la disposition résultant de l'amendement dit « Michelin », qui obligeait les employeurs à négocier une réduction du temps de travail avant de mettre en place un plan social ; à l'article 100, vous avez aboli l'obligation d'informer les représentants du personnel avant toute annonce publique de licenciements.

Ces dispositions ont suscité un tollé général des syndicats, y compris de ceux que vous considérez comme les plus modérés, comme la CFDT et la CGC. Ils ont dénoncé ce texte et aussi la méthode du Gouvernement qui, d'un côté, négocie avec les syndicats, de l'autre fait voter des textes sans les en informer.

Nous réitérons notre opposition à cette remise en cause des garanties légales minimales en matière de licenciement et de la consultation des représentants des salariés. A terme, c'est la remise en cause du code du travail lui-même que vous programmez.

M. Gilbert Gantier - En juillet dernier, vous déclariez, Monsieur le ministre, que la loi de modernisation sociale avait accéléré plutôt qu'empêché les dépôts de bilan. Le groupe UDF partage cette analyse et vous soutient dans votre volonté de revoir cette loi. Combinée avec les 35 heures, elle a eu un impact particulièrement négatif sur l'attractivité du territoire français pour les investisseurs étrangers. Les règles applicables en matière de relations du travail sont devenues pléthoriques et complexes : il était temps d'élaborer un nouveau code du travail, plus simple et plus cohérent, par respect pour les justiciables eux-mêmes.

En ce qui concerne les licenciements économiques, il convient de distinguer le cas des entreprises qui ont le couteau sous la gorge et jouent leur survie de celles qui licencient pour dégager de nouvelles marges financières. Il me semble illogique de les traiter de façon identique. Les licenciements « de confort » devraient obéir à des règles strictes et respecter des procédures longues ; pour les entreprises en réelle difficulté, l'allongement des délais met en péril les emplois et le dispositif doit être plus souple. A l'avenir, je souhaite que vous observiez cette double approche.

Ce projet laisse place à un dialogue social plus libre : je salue cette orientation qui rend aux partenaires sociaux leurs légitimes responsabilités. Lors de la dernière campagne électorale, la majorité actuelle s'était engagée à revoir la loi de modernisation sociale, que les partenaires sociaux eux-mêmes ne jugent pas bonne. Elle avait été élaborée par le gouvernement précédent dans la précipitation, au mépris des règles élémentaires de concertation, sous la pression d'une partie de l'opinion publique : il s'agissait, dans un contexte électoral, de contrecarrer l'attitude de quelques entreprises procédant à des restructurations et délocalisations dans le seul but d'augmenter leurs profits. Mais ce texte pénalise de multiples entreprises connaissant de réelles difficultés, au point de les contraindre au dépôt de bilan. Il convenait donc de revoir ces dispositions controversées.

Je salue la suppression d'articles supplémentaires à ceux initialement prévus, même s'il eût été préférable de soumettre à la négociation interprofessionnelle la totalité des règles de licenciement.

Au-delà de ce texte, le groupe UDF souhaite l'ouverture du chantier sur le dialogue social, comme vous vous y êtes engagé. Nous attendons aussi le projet de loi annoncé par le Premier ministre sur l'assurance emploi-formation. Nous avons tous en mémoire le cas Moulinex : comment espérer retrouver un emploi quand on a passé trente ans sur la même chaîne ?

Prévoyons des dispositifs encourageant la gestion prévisionnelle des effectifs, comme c'est le cas dans d'autres pays. J'espère que la cellule de veille sur les plans sociaux saura les anticiper et proposer des solutions.

Le groupe UDF votera le texte de la CMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 18 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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