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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 42ème jour de séance, 112ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 19 DÉCEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
      SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION
      D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES 2

      LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002 (CMP) 2

      MARCHÉS ÉNERGÉTIQUES (CMP) 8

      ART. 11 C 13

      SUSPENSION DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE 13

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 14 JANVIER 2003 14

La séance est ouverte à vingt et une heures.

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR DES REQUÊTES
EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

M. le Président - En application de l'article L.O. 185 du code électoral, M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu du Conseil constitutionnel communication : d'une part, de quatre décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales, d'autre part, d'une décision portant annulation de l'élection législative des 9 et 16 juin 2002 dans la première circonscription de Wallis-et-Futuna à la suite de laquelle M. Victor Brial avait été proclamé élu.

Ces communications sont affichées et seront publiées à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002 (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - L'Assemblée nationale et le Sénat avaient adopté 58 articles en termes identiques ; 29 restaient donc en discussion. La CMP, qui s'est réunie ce matin, a apporté plusieurs améliorations rédactionnelles aux articles modifiés ou introduits par le Sénat, sur le détail desquelles je vous renvoie au rapport écrit.

Elle a adopté, dans les termes du Sénat, l'article 29 bis supprimant les taxes parafiscales perçues au profit de l'ANDA, et donc retenu le dispositif temporaire de lissage sur quatre ans de l'excédent de la part variable des cotisations que, Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé devant nous à mettre en place.

Elle a supprimé l'article 24 bis A, qui tendait à modifier les conditions dans lesquelles une association peut rémunérer certains de ses dirigeants. Elle a en effet considéré qu'il convenait de ne pas réduire à un enjeu strictement fiscal la question de principe du bénévolat et ses modalités pratiques ; nous nous sommes tous accordés sur la nécessité d'engager une réflexion sur les conditions d'application de la loi de 1901.

La CMP a également supprimé l'article 37 bis, relatif à l'affectation du produit des amendes de police municipale, ayant reconnu son imperfection technique - que, Monsieur le ministre, vous aviez vous-même soulignée. Il sera néanmoins nécessaire de réformer rapidement les modalités de répartition du produit des amendes, en prenant en considération la participation respective de l'Etat et des communes à l'action en faveur de la sécurité routière.

Je vous propose, mes chers collègues, de suivre les conclusions de la CMP.

Puisque nous arrivons au terme de l'année, je voudrais, Monsieur le ministre, vous remercier ainsi que vos collaborateurs de la qualité constante des relations que nous avons entretenues. Les dizaines d'amendements qui ont été adoptés sur les projets de la loi de finances et de loi de finances rectificative, prouvent combien vous avez su nous écouter. Mes remerciements vont aussi au personnel de l'Assemblée.

Nous terminons cette année avec un bilan très positif de la collaboration entre le Gouvernement et l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - En effet, Monsieur le rapporteur général, une _uvre importante a été accomplie au cours des six derniers mois.

Le collectif d'été avait rétabli la vérité des chiffres, en modifiant une loi de finances initiale aux recettes surévaluées et aux dépenses sous-estimées, et d'emblée traduit un engagement fort du Gouvernement, en amorçant la baisse de l'impôt sur le revenu. Le projet de loi de finances pour 2003 a amplifié cette orientation, en poursuivant la baisse des impôts et des charges, en faveur de l'initiative et de l'emploi ; il a, par ailleurs, été marqué par un vaste redéploiement des crédits, en faveur des priorités du Gouvernement.

Pour ce collectif d'automne, troisième pilier de notre travail commun, la réunion de la commission mixte paritaire s'achève à nouveau sur un succès. Son travail reçoit, en totalité, l'approbation du Gouvernement, qui n'a aucun amendement à y apporter, même technique.

Revenons brièvement sur les grands enjeux de ce collectif. D'abord, la sincérité budgétaire. Pour la première fois, un collectif d'hiver s'écarte des prévisions associées au budget de l'année suivante, afin de prendre en compte les dernières données disponibles. C'est un progrès qui mérite d'être souligné. Ensuite, la résolution de nombreuses questions pendantes, dont certaines très importantes : je pense notamment à la décristallisation des pensions d'anciens combattants ou à la réforme du statut et du financement de l'ANDA.

Les dispositions adoptées en matière fiscale faciliteront l'adaptation de l'administration au développement des nouvelles technologies, tout en simplifiant les formalités demandées aux contribuables : c'est le cas pour les téléprocédures de déclaration des revenus, mais aussi pour la fourniture de services via l'Internet, pour laquelle les règles de TVA sont désormais clarifiées.

Par ailleurs, les efforts de simplification engagés dans le cadre du PLF 2003 sont poursuivis, qu'il s'agisse des règles de facturation en matière de TVA, ou de la mise en place d'un interlocuteur fiscal unique au profit des entreprises.

Le Gouvernement s'est efforcé, comme vous avez eu la délicatesse de le souligner, Monsieur le rapporteur général, d'honorer tous les rendez-vous qu'il vous avait donnés lors des débats sur le collectif d'été ou le projet de loi de finances ; 93 amendements d'origine parlementaire ont été adoptés sur ce texte, dont 63 à l'Assemblée nationale. Je relève en particulier l'exonération des dons reçus par les entreprises et les particuliers victimes des conséquences de catastrophes naturelles ou de sinistres exceptionnels, souhaitée par MM. Bapt et Censi ; ou les solutions trouvées pour adapter le dispositif des chèques vacances aux entreprises de moins de 20 salariés, et pour imputer les moins-values subies en cas de dépôt de bilan d'une société. Les modalités de prise en compte des enfants à charge dans les cas de résidence alternée ont également été adaptées.

Enfin, le collectif a permis de réaliser une réforme très attendue par nos entreprises de commerce maritime : la création d'un régime d'imposition spécifique, la taxe au tonnage.

Le débat parlementaire a, par ailleurs, permis d'améliorer le texte du Gouvernement sur divers points, et notamment le régime fiscal des biocarburants.

Par ailleurs, la CMP n'a pas retenu, pour les communes disposant d'une police municipale, le dispositif d'affectation directe du produit des amendes qu'elle inflige. Je m'en réjouis car un tel mécanisme n'était pas techniquement possible. En outre, il aurait entraîné des transferts de ressources entre communes.

S'agissant de la réforme de l'ANDA, la CMP a retenu le texte du Sénat qui comportait un dispositif d'écrêtement, de nature à limiter les transferts de charges. L'engagement que j'avais pris lors des débats à l'Assemblée nationale a donc été tenu.

La question du taux de retour a, également, fait l'objet de nombreuses interventions, tant à l'Assemblée qu'au Sénat. Elle ne pouvait être tranchée par la loi, sauf à nier le principe même de la solidarité entre filières et à instaurer une affectation de recettes juridiquement fort douteuse. En revanche, les représentants du Gouvernement au conseil d'administration de l'établissement public seront mandatés pour veiller à l'équité des interventions de celui-ci.

Le Gouvernement a donc été pleinement à l'écoute des parlementaires, de la majorité et de l'opposition. Il vous demande à présent d'adopter le texte issu de la CMP.

Je voudrais à mon tour remercier le rapporteur général de l'esprit dans lequel il a travaillé depuis que j'ai la chance de l'avoir comme principal interlocuteur, et associer à mes remerciements tous ceux qui travaillent au sein de la commission des finances - et que je connais bien. Je remercie également l'ensemble des députés, de la majorité mais aussi de l'opposition, qui chacun à leur place contribuent au bon fonctionnement de la démocratie.

Je remercie également le président de séance et ses collègues.

Parlementaire pendant dix ans, siégeant à la commission des finances, j'ai éprouvé parfois des frustrations devant l'écoute, que je jugeais insuffisante, de l'exécutif à l'égard du Parlement. J'espère marquer un progrès sur ce point, et les six mois pendant lesquels nous venons de travailler en confiance sont, à mes yeux, le prélude à une action commune au service du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Idiart - La frustration n'est pas de notre côté. Nous avons toujours joué notre rôle d'opposants. Les frustrations ne peuvent se trouver que du côté de votre majorité !

Le premier budget est toujours le plus agréable, Monsieur le ministre, ensuite, les difficultés s'accumulent, et nous vous souhaitons beaucoup de courage avec votre majorité.

M. de Courson a appelé hier l'opposition à la pénitence et à la rédemption. Mais ce collectif nous apporte plutôt une révélation. D'abord, celle de l'erreur d'orientation de votre politique économique. Cet été, vous nous indiquiez vouloir libérer les énergies rapidement, sans vous contenter de soutenir l'emploi et la croissance, comme nous avions su le faire avec un succès réel, puisque le nombre de chômeurs a diminué de près d'un million sous la précédente législature. Pour cela, vous avez multiplié les cadeaux fiscaux non financés aux personnes aisées. Or, loin d'avoir permis à la croissance de repartir, le cadeau de 2,55 milliards au titre de la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu n'aura conduit qu'à alourdir le déficit. Plus grave nous constatons que ce « rabais sur facture », selon l'élégante expression du ministre de l'économie, n'était qu'un moyen de faire payer la facture directement par les Français les plus modestes, et indirectement par l'ensemble des Français avec la remise en cause des politiques publiques essentielles. Les annulations de crédits, pour un total de 2,58 milliards, touchent l'ensemble des dépenses sociales ou d'avenir. Toutes les priorités sont abandonnées. Le budget de l'emploi perd 259 millions, celui du logement 237 millions. 33 millions sont supprimés pour l'enseignement scolaire, 56,7 millions pour les constructions et les équipement de l'enseignement supérieur.

Les dépenses d'investissement civil, en dépit des déclarations du Président de la République, sont victimes de 510 millions d'annulations nettes. De fait, l'exposé des motifs de votre projet précisait que « les annulations de crédits excèdent légèrement par leur montant le coût en 2002 de la baisse de l'impôt sur le revenu ». En première lecture, vous nous indiquiez que ces suppressions de crédits traduisaient des priorités politiques différentes de celles de l'ancienne majorité. Certes. Mais comment expliquer les annulations portant sur des actions jugées prioritaires par le Gouvernement et la majorité ? Le rapporteur général s'est inquiété de la médiocre lisibilité des annulations portant sur la sécurité routière, ou sur la sécurité maritime à l'heure où nos côtes sont menacées par la marée noire du Prestige.

Quant aux majorations de crédits, je renvoie ceux qui s'en félicitent aux mesures de régulations annoncées dans le cadre de la loi de finances pour 2003, et qui auront lieu dès le début de l'an prochain.

Le Sénat a durci encore le texte au détriment des intérêts du plus grand nombre, d'abord en supprimant la commission de contrôle des fonds publics alloués aux entreprises, créée sous la précédente législature dans le souci légitime d'observer certains comportements ; ensuite en abrogeant la TIPP flottante. Sur ce point vous avez exprimé hier votre confiance dans la justesse de votre analyse sur la non-pérennité de ce dispositif, dans le cadre du recours intenté par Didier Migaud. Vous avez affirmé aussi votre droit, le dispositif n'étant pas constitutionnel, d'y mettre fin par la voie législative. L'addition de ces deux arguments peut surprendre. Surtout, alors que le cours du pétrole approche 30 dollars le baril, et que la facture pétrolière pèse lourdement sur les personnes modestes, vous signifiez votre refus de tenir compte de leurs difficultés.

C'est d'une façon un peu précipitée que vous avez remis en cause l'aide médicale d'Etat, qui concerne, à plus de 95 %, des personnes en situation très difficile sur notre territoire. Vous prétextez des dysfonctionnements de ce service qui conduiraient des personnes en situation irrégulière à en bénéficier. Comme d'habitude, vous faites porter la conséquence de ces dysfonctionnements sur les usagers les plus fragiles, faisant ainsi triompher la politique de l'égoïsme. Ne vaudrait-il pas mieux contrôler plus efficacement l'accès au dispositif plutôt que de dresser brutalement une barrière financière ? Pour votre nouveau thatchérisme, il n'y a pas de trêve de Noël, et vous mobilisez Saint-Nicolas pour d'autres tâches. Nous entrons dans une période qui sera de plus en plus difficile pour les plus humbles, afin de satisfaire les instincts politiques d'une partie de votre majorité.

Aussi voterons-nous contre ce projet de loi de finances rectificative (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Bouvard - L'intervention de Jean-Louis Idiart m'incite à procéder à quelques rappels.

A l'ordinaire, la loi de finances rectificative est un simple document de régularisation. Cette fois le Gouvernement a fait preuve de transparence et de sincérité en révisant à la baisse les recettes fiscales de 2002 par rapport à la prévision associée à la loi de finances pour 2003. Cette synthèse des deux documents budgétaires va dans le bon sens.

Devant la baisse des recettes pour 2002, le Gouvernement s'est interdit le jeu facile mais nocif des budgets virtuels, qui, j'ai le regret de le dire à Jean-Louis Idiart, a pu exister dans le passé. Le collectif traduit au contraire les conséquences des moins-values tout en veillant à ne pas détériorer l'équilibre du budget 2003.

L'exécution du budget 2002 montre que la grande illusion est désormais dissipée. La situation est préoccupante. L'écart considérable entre la prévision et la réalisation n'est pas le produit d'une erreur, mais d'une stratégie délibérée du précédent gouvernement pour farder la réalité. Il nous a fallu assumer l'héritage et payer des engagements inconsidérés de dernière minute, relevés par l'audit du mois de juin. La gauche a critiqué ses conclusions, mais les chiffres sont là : la dette représentait 59,3 % du PIB en 1997, ce qui nous plaçait au quatrième rang en Europe ; le taux est aujourd'hui le même, mais nous sommes tombés au dixième rang. Voilà la réalité.

Le texte issu de la CMP maîtrise la dépense par des économies de près de 2,5 milliards. Le budget initial prévoyait une hausse de 2,26 % des recettes, le collectif de l'été a pris acte du ralentissement de la conjoncture, avec une hypothèse de baisse de 0,98 % et il a fallu encore diminuer la prévision de recettes de 1,55 milliard. L'erreur de prévision entre le collectif d'aujourd'hui et la loi de finances initiale atteint ainsi 3,8 %. Il fallait le rappeler.

Les recettes non fiscales, après avoir augmenté de plus de 18,75 % en 2002 et 11 % en 2001, ont été ramenées à un niveau plus raisonnable.

Je salue la bonne opération réalisée par le Gouvernement dans une conjoncture boursière difficile avec la cession des titres du Crédit lyonnais, vendus au mieux des intérêts patrimoniaux des Français. Parmi les 2,2 milliards ainsi encaissés, 500 millions seront affectés au fonds de réserve des retraites.

La dette de France Télécom a atteint 70 milliards, ce qui en fait l'opérateur le plus endetté du monde. Cette situation, qui conduisait au dépôt de bilan, résulte de l'entêtement du précédent gouvernement. Le plan de sauvetage présenté par le Gouvernement devrait rendre confiance aux marchés.

La CMP, ce matin, a abouti. Pour l'ANDA, un système de lissage permet de prendre en compte d'éventuels risques de dérapage des cotisations individuelles, sachant qu'on demande moins aux professions agricoles que dans le système des différentes taxes parafiscales. Le Gouvernement devra veiller à ce qu'une filière ne contribue pas pour l'ensemble des autres ; la profession viticole sera vigilante.

Je salue, enfin, la généralisation du dispositif de remboursement de TVA pour les communes sinistrées.

Monsieur le ministre, le groupe UMP est sensible à votre souci de sincérité et de transparence.

M. Jean-Claude Lenoir - C'est vrai !

M. Michel Bouvard - Il y va du respect que l'on doit au Parlement et à chaque citoyen.

On est loin du débat budgétaire de l'an dernier, quand nous avons dû examiner 150 amendements destinés à redéployer en urgence des crédits au profit de la police et de la gendarmerie.

M. Jean-Louis Idiart - Je croyais que nous n'avions rien fait en la matière...

M. Michel Bouvard - La majorité d'alors était bien silencieuse quand on rognait les crédits des bourses, du fonds social lycéen, des instituts de jeunes sourds, on compensait les déboires de l'UMTS par la privatisation en catastrophe d'Autoroutes du Sud de la France, quand, dans une véritable partie de bonneteau, les millions passaient du budget de Mme Guigou à celui de M. Gayssot et inversement...

Quelle différence avec la méthode très claire de ce gouvernement, qui augure bien du travail que nous ferons ensemble, y compris avec l'opposition si elle le veut, pour mettre en _uvre la loi organique sur les lois de finances et pour améliorer l'efficacité de l'Etat, grâce à la MEC.

C'est avec confiance que le groupe UMP votera ce collectif issu des travaux de la CMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Louis Dumont - La mémoire de notre collègue semble bien sélective. Son lyrisme l'entraîne à vilipender notre action et à louer, tant bien que mal celle du Gouvernement, mais les alternances politiques ont parfois été le prétexte à quelques règlements de comptes dans vos propres rangs.

M. Jean-Louis Idiart - Sarkozy et Juppé, déjà...

M. Jean-Louis Dumont - Après l'examen de deux collectifs et d'un budget, votre politique suscite bien des inquiétudes.

Le logement est une grande victime de ce collectif, avec 240 millions de crédits supprimés au détriment de l'ANAH mais aussi en AP et en CP. Vous semblez croire qu'il y a assez de logements locatifs et que le marché peut répondre à toutes les demandes, à tel point que le Gouvernement n'aurait plus vraiment l'intention de se battre à Bruxelles pour préserver le taux réduit de TVA sur les travaux.

M. Michel Bouvard - Mais si !

M. Jean-Louis Dumont - Ce serait une grave erreur, au moment où l'activité du BTP se lézarde. Cette mesure a profité à l'emploi, mais aussi à tous ceux auxquels elle a permis de se loger, il faut la proroger.

Il y a, par ailleurs, plusieurs années que je plaide en faveur d'une réorientation de l'épargne-logement en direction de l'investissement immobilier, afin de le soutenir davantage, mais aussi de mettre fin à un effet d'aubaine pour les gros épargnants.

Après avoir rejeté mes amendements, vous avez accepté une mesure bien plus drastique au Sénat, j'en cherche les raisons, d'autant plus que ce collectif est, comme l'ensemble de votre politique fiscale, destiné en priorité aux plus aisés de nos concitoyens.

M. le Président - Il vous faut conclure !

M. Jean-Louis Dumont - Quel dommage ! J'aurais aimé vous parler aussi de l'agriculture, des biocarburants, et vous dire un mot des ponts (Sourires). J'ai confiance en vous, Monsieur le ministre, car vous tenez vos engagements, mais je ne suis pas sûr que la place Beauvau soit sur la même ligne... Vous supprimez la mesure de 1981 qui permettait aux communes d'opter entre la reconstruction d'un pont détruit et une subvention pour leur voirie, égale à 50 % de la valeur du pont. C'est une mauvaise action. Il aurait au moins fallu attendre un peu pour purger les contentieux en cours.

En conclusion,... (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)

...De grâce, n'empêchez pas l'opposition de s'exprimer. Ici, la parole est libre...

M. le Président - Mais limitée ! (Sourires)

M. Jean-Louis Dumont - Nous ne voterons pas ce collectif et je vous engage à écouter l'opposition car, à force de surdité, vous risquez de perdre la mémoire et le sens des réalités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - La sincérité du Gouvernement a permis lors de ce débat de poser les vraies questions et d'aboutir à un texte de qualité. Le Parlement a été informé en temps réel des prévisions de croissance dont le Gouvernement disposait et il vote ce soir en pleine connaissance de cause.

Mais la gestion précédente a été si mauvaise qu'il reste bien du chemin à faire pour retrouver une gestion saine. Ainsi, le gouvernement Jospin avait-il sous-évalué les dépenses de 2,8 %. En dépit de sa promesse qu'elles n'augmenteraient pas de plus de 1,5 %, elles se sont accrues de près de 5 %, si l'on tient compte des annulations et des reports de crédits.

Mais le bilan des dépenses sociales et des collectivités territoriales est encore plus préoccupant, car elles ont augmenté plus vite que le PIB, du fait de l'absence de financement des compétences transférées - voyez l'APA - et du coût exorbitant des 35 heures.

Nos prédécesseurs ont également surévalué les recettes fiscales. Soyez indulgents, car ils ont été en partie victimes du ralentissement de la croissance. Mais nous allons frôler, d'ici la fin de l'année, les plafonds fixés par Maastricht. Seule une exécution rigoureuse du budget pour 2003 permettra d'éviter le pire. Malheureusement, le critère des 60 % de dette publique risque d'être atteint avec l'affaire France Télécom. Dans cette conjoncture, une gestion rigoureuse, tant du budget de l'Etat que des budgets sociaux, est indispensable, mais le redressement du déséquilibre des finances publiques passe aussi par l'accélération de la réforme des retraites, de la décentralisation, de l'assurance maladie et de l'Etat. Cela n'ira pas sans difficulté, mais nous en sommes conscients.

Votre gestion doit être ferme, mais l'on ne saurait parler de rigueur. Au contraire, elle permettra de faire reculer notre chômage structurel qui est l'un des plus élevés en Europe.

Face à ces enjeux, le Gouvernement trouvera dans le groupe UDF un soutien sans faille. Grâce à votre ouverture d'esprit, vous avez su instaurer, Monsieur le ministre, un climat de confiance, et je vous en rends hommage. Vous avez prêté attention aux divers amendements et aux interventions des parlementaires. En donnant suite à certaines de nos propositions, vous avez montré que vous étiez un homme de parole. L'opposition elle-même l'a d'ailleurs reconnu.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera le collectif budgétaire pour 2002.

Mme Muguette Jacquaint - Permettez-moi de revenir sur plusieurs dispositions discriminatoires et antisociales de ce texte. D'abord, la suppression de la gratuité de l'accès aux soins pour les personnes majeures bénéficiant de l'aide médicale d'Etat. Accordée aux étrangers percevant moins de 560 € par mois, celle-ci prend en charge la totalité des soins hospitaliers ainsi que la médecine de ville pour les sans-papiers résidant depuis trois ans en France. Ils devront maintenant s'acquitter du forfait hospitalier ou du ticket modérateur, ce qui représente pour eux une somme considérable au vu de leurs ressources.

Ensuite, le report de l'ouverture des droits à la CMU au premier jour du mois qui suit la décision d'attribution au lieu de la date de la décision administrative. Loin d'assumer vos responsabilités, vous limitez l'accès de nos concitoyens aux soins, et faites payer l'addition aux plus pauvres plutôt qu'aux entreprises.

Enfin, vous abrogez au Sénat la loi portant sur le contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, et votée à l'initiative de Robert Hue.

Avec la suppression des emplois-jeunes, la mise en pièces de la loi de modernisation sociale et des 35 heures, et bientôt l'ouverture du marché du gaz à la concurrence, le Gouvernement s'engage dans une politique résolument libérale et antisociale, - ouvrant la voie à la dictature des marchés et de la rentabilité financière. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre votre projet de loi de finances rectificative pour 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

L'ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, mis aux voix, est adopté.

MARCHÉS ÉNERGÉTIQUES (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée nationale le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur de la CMP - Nous voici réunis pour l'acte final d'adoption du projet de loi sur les marchés du gaz et de l'électricité qui permettra à la France de tenir ses engagements en transcrivant la première directive gaz avant le 31 décembre.

La CMP, réunie le mardi 17 décembre, a rédigé un texte proche de celui adopté par notre assemblée en première lecture. Nos collègues sénateurs se sont ralliés avec enthousiasme au dispositif tendant à pérenniser le fonds d'amortissement des charges d'électrification par une réforme de ses modes de financement. En dehors de quelques modifications mineures, les principaux changements sont les suivants. En matière gazière, réintroduction de la liste des critères au vu desquels le régulateur décide d'accorder ou non des dérogations au droit d'accès aux réseaux en raison des difficultés rencontrées par une entreprise intégrée du fait de contrats take or pay.

La CMP a, par ailleurs, estimé nécessaire de maintenir la nomination d'un des membres de la commission de régulation de l'énergie par le président du Conseil économique et social, et ainsi porté à de six à sept le nombre de ceux-ci.

En troisième lieu, la CMP n'a pas retenu le dispositif adopté à l'article 20 terdecies B sur la participation aux frais de raccordement à la charge des demandeurs. Plusieurs de nos collègues étaient inquiets de l'articulation de ce mécanisme avec celui de la participation pour voies nouvelles et réseaux, régie par le code de l'urbanisme et qui devrait être modifiée par le projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

En revanche, la CMP n'a malheureusement pas retenu la limitation du champ au raccordement des seules installations de production. Je le regrette, car cette question est sans lien avec la participation pour voies nouvelles et réseaux : la traiter dans le présent projet ne posait donc pas de problème d'articulation, et plusieurs de nos collègues ont souhaité la voir traitée dans le cadre du projet de loi relatif à l'urbanisme. Je souhaite vivement que cela soit le cas.

La CMP a par ailleurs modifié l'article 20 septdecies qui vise à concilier l'implantation des éoliennes et la protection de l'environnement. Elle a décidé de porter de douze à vingt-cinq mètres la hauteur à partir de laquelle une éolienne ne peut être implantée sans une enquête publique préalable. Elle a également décidé de permettre aux régions qui le souhaitent d'élaborer un schéma éolien, indiquant les secteurs géographiques les mieux adaptés à l'implantation d'aérogénérateurs. Enfin, la CMP a précisé que les exploitants d'éoliennes sont responsables de leur démantèlement et de la remise en état des sites à la fin de l'exploitation, et doivent constituer à cette fin les garanties financières nécessaires au cours de l'exploitation.

Telles sont les principales modifications apportées par la commission mixte paritaire. Nos collègues du Sénat ont approuvé ce texte cet après-midi. Je vous invite à faire de même, afin que ce projet de loi puisse être promulgué avant la fin de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Je veux d'abord me féliciter de la célérité avec laquelle la CMP a pu parvenir à un texte commun. La transposition de la directive gazière était urgente, et je me réjouis que le travail conjoint du Gouvernement et des assemblées ait permis de faire en quatre mois ce qui n'avait pu être fait en quatre ans. Je réaffirme mon engagement à publier au plus vite les décrets d'application.

La CMP, après votre assemblée, a encore amélioré le texte, et j'en remercie M. Gonnot, le président Ollier et tous les membres de la commission. Outre les améliorations rédactionnelles, je veux indiquer quelques amendement significatifs. La nouvelle rédaction de l'article 4 sur les dérogations pour les opérateurs de transport, celle de l'article 11 A sur le service public et son découpage en trois articles, sont particulièrement opportuns. Le nouvel article 11 C sur la sécurité traduit l'acuité d'une préoccupation exprimée par de nombreux orateurs et à laquelle le Gouvernement entend répondre. La scission de l'article 11 A en trois articles a toutefois eu pour effet, involontairement, de supprimer le décret en conseil d'Etat, pourtant indispensable pour définir les modalités d'application du diagnostic en cas de vente d'un bien immobilier. Je vous proposerai donc de le rétablir.

Dans le domaine électrique, l'article 20 bis sur les modalités de participation des autoproducteurs aux charges du service public va dans le bon sens, tout comme la modification de l'article 20 septies qui précise utilement la composition de la commission de déontologie. Le Gouvernement comprend, par ailleurs, que les assemblées aient préféré renvoyer au débat sur la loi SRU les dispositions relatives au financement du réseau électrique.

Pour ce qui est des éoliennes, la CMP a souhaité compléter le dispositif de l'Assemblée, en prévoyant l'obligation pour l'exploitant de constituer des garanties financières pour la remise en état des sites, et en introduisant l'idée de schémas régionaux éoliens désignant les secteurs géographiques les mieux adaptés. Sur ce point je vous proposerai de modifier la rédaction, pour la rendre plus conforme à l'organisation des pouvoirs au niveau régional. Toutes ces mesures sont utiles, et le Gouvernement s'emploiera à les mettre en _uvre rapidement, et à rendre les délais d'instruction des dossiers d'implantation d'éoliennes compatibles avec le développement de celles-ci, indispensable pour que la France tienne ses engagements européens sur la part des énergies renouvelables dans la production globale d'énergie.

Le Gouvernement se félicite du travail accompli. Il ne propose que deux amendements mineurs. Je vous remercie pour l'excellente coopération entre le législatif et l'exécutif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Lenoir - Je veux tout d'abord vous remercier, Madame la ministre, pour avoir su convaincre le Premier ministre de l'urgence de ce texte, et redonné ainsi du crédit à la France. Le dépôt de ce projet répondait à la nécessité de tenir un engagement pris par d'autres au siècle dernier - en 1998... Presque cinq ans plus tard, la France tient enfin cet engagement d'un gouvernement qui n'a jamais fait entériner à Paris ce qu'il avait signé à Bruxelles, au motif qu'il n'y avait pas pour cela de majorité dans la majorité plurielle... Je veux aussi remercier notre rapporteur, qui a contribué, avec le président Ollier, à ce que nous soyons bien éclairés sur les enjeux de ce projet. En quelques jours nous avons pu ainsi parvenir à un résultat satisfaisant. J'en remercie aussi les services de l'Assemblée et du ministère de l'industrie.

Le texte issu des travaux de la CMP nous donne globalement satisfaction, ce qui signifie qu'il n'est pas totalement satisfaisant sur certains points. J'estime ainsi - à titre personnel et sans avoir pu consulter mon groupe - que l'augmentation du nombre de commissaires régulateurs n'est pas une bonne chose. Dans certains pays, la régulation est confiée à une seule personne, comme aux Etats-Unis ; dans la plupart, à deux ou trois. Une autre question sur laquelle je donne rendez-vous au Gouvernement est celle du financement des réseaux électriques. Il eût été préférable d'accepter l'amendement 91 du rapporteur, qui permettait de régler immédiatement ce grave problème engendré par l'application de la loi SRU. Il a été décidé de reporter ce débat. Comme représentant du monde rural, j'affirme qu'il eût mieux valu le régler aujourd'hui, et que bien des maires en eussent été reconnaissants à la représentation nationale. Je serai attentif aux propositions que nous fera le Gouvernement dans quelques semaines. J'entends bien, en effet, que la représentation nationale fasse reconnaître son point de vue, fût-ce au détriment de celui de l'administration.

Un mot enfin sur les éoliennes.

Mme Voynet avait fondé sur elles une grande partie de son projet. Sur de nombreux bancs, on reconnaît aujourd'hui que leur importance a sans doute été surestimée.

La place accordée aux éoliennes va maintenant être réduite. Ceux qui les fabriquent, les propriétaires de terrains qui en attendaient quelque profit et les maires qui en espéraient un peu de taxe professionnelle le regretteront peut-être, mais je crois que le bon sens l'a emporté en cette affaire et que beaucoup le comprendront ainsi.

Je remercie le président Ollier qui nous a grandement aidés à bâtir un texte pragmatique. La loi que nous allons voter est une grande loi car elle confirme la place et l'importance du service public dans l'organisation de notre système gazier et électrique. L'UMP est attachée aux valeurs qui fondent ce service public : sécurité, équité, solidarité. Qu'elles soient désormais inscrites dans la loi fait notre fierté. De même, nous nous réjouissons de voir confirmées les obligations et servitudes de service public, qu'il s'agisse de la sécurité de l'approvisionnement, de notre indépendance énergétique ou de la continuité de la fourniture d'électricité, car il y va de l'aménagement de notre territoire.

Je n'ai toujours pas compris, je dois l'avouer, les positions adoptées par nos partenaires de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je dis bien : partenaires, car nous élaborons tous ensemble la loi ! Vous êtes les représentants d'un mouvement que je respecte mais dont le responsable avait signé à Bruxelles un texte qu'il a refusé ensuite de soumettre au Parlement. Aujourd'hui, vous auriez pu vous faire, sinon repentants et contrits, du moins discrets. Or, vous avez été arrogants et provocateurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez voulu faire croire que nous renoncions aux valeurs de service public ! Comment ne pas dénoncer ce comportement, quand nous confirmons, par une loi de la République, l'engagement pris à Bruxelles par le gouvernement précédent ? Nous mettons, nous, notre fierté à agir en faisant fi des considérations politiciennes, en ne considérant que l'intérêt de la France et de l'Europe !

Pour conclure, je tiens à vous remercier, Madame la ministre déléguée, pour votre contribution à ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Bataille - Je me félicite que, grâce au président de la commission, au rapporteur et à la ministre déléguée, nos échanges soient restés sur le terrain de la courtoisie - ce qui n'excluait pas la fermeté du propos. Je conserverai ce ton, comme l'a fait M. Lenoir, notre collègue et non notre partenaire car, au moins en cette occurrence, nous défendons des idées très différentes.

Je commencerai par redire notre désaccord, face à un texte qui ne peut que conduire, de façon subreptice mais inéluctable, à la privatisation d'EDF et de GDF. Déjà, le Gouvernement se prononce clairement pour une ouverture du capital et pour une ouverture à la concurrence. Mais, dans quelques années, attendez-vous à ce que l'Etat reprenne la main, comme cela a été le cas en Grande-Bretagne avec British Energy !

Reste que nous traversons une phase très négative pour le service public. M. Jospin, lui, avait retiré ce texte de notre ordre du jour car il avait le sentiment que l'affaire était mal engagée, et il avait bien fait. De même, j'approuve ceux de nos collègues qui, un instant éblouis par les feux du libéralisme, se sont ensuite repris. Le présent gouvernement, au contraire, donne satisfaction aux libéraux de Bruxelles qui demandent à la France de renoncer à un important levier de sa politique industrielle. Mais sans doute, Madame la ministre déléguée, n'avez-vous plus envie de mener une politique industrielle. Sans doute considérez-vous que ce qui, sous les gouvernements de gauche comme sous les gouvernements gaullistes, était l'affaire de l'Etat a cessé de l'être, pour devenir l'affaire des entreprises...

Ce projet nous laisse donc bien perplexes. De plus, je le répète, il offre largement matière à un recours devant le Conseil constitutionnel, l'indépendance nationale sombrant dans le grand large libéral. Ce texte remet en cause le droit de la propriété publique et viole le préambule de 1946 qui a valeur constitutionnelle - mais sans doute certains ne l'ont-ils pas lu, à moins qu'ils n'y voient qu'archaïsme... Quant à l'article 20 bis, qui limite le montant des redevances dues par certains producteurs d'électricité, il est à l'évidence contraire au principe d'égalité, de sorte qu'il ne passera certainement pas la barrière du Conseil constitutionnel.

Nous participerons bien sûr à la discussion que vous avez promise sur notre politique énergétique et nous avancerons des propositions. Peut-être les défis du marché mondial nous pousseront-ils à nous rassembler cette fois, car il importe que nous préservions notre niveau actuel d'indépendance énergétique, que nous ne tombions pas sous la coupe de Gazprom par exemple. Le présent projet nous y prépare mal mais, après tout, rien n'interdit d'espérer que le Gouvernement se ressaisira et imitera le Premier ministre précédent pour nous proposer enfin une autre politique énergétique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilbert Gantier - Il faut rendre hommage au Gouvernement qui, malgré un calendrier parlementaire encombré, est parvenu à nous soumettre cette transposition de la première directive « gaz ». La France pourra ainsi honorer ses engagements européens, jusqu'ici restés stériles en raison des états d'âme de la gauche plurielle.

Il ne s'agissait pourtant de rien moins que d'une nécessité à la fois juridique, économique et stratégique. En effet, le gaz naturel est, non seulement une ressource d'avenir, mais un atout pour notre compétitivité industrielle et pour le bien-être des Français. Nous devons donc veiller à la continuité et à la diversité de nos approvisionnements, ce qui implique de nous doter d'une capacité de stockage stratégique équivalente à celle de nos voisins.

Fidèles à nos convictions, nous avons défendu, mes collègues Dionis du Séjour et Lassalle et moi, une approche ambitieuse, permettant à la fois davantage de concurrence et plus de service public. Sans une instance de régulation forte, il ne peut y avoir de libéralisation réussie, en particulier dans les industries de réseau. Le marché exige une autorité qui garantisse l'accès équitable de tous les tiers à ces réseaux et aux services auxiliaires. Il conviendrait par conséquent de renforcer rapidement les pouvoirs de la commission de régulation de l'énergie, pour en faire l'instance de décision en matière de tarifs en même temps qu'une véritable instance d'appel en cas de litige.

Nous devons dès maintenant prendre en compte la décision de la Commission en date du 25 novembre, qui évoque l'ouverture totale des marchés pour 2007 et annonce une séparation légale des activités de transport et de fourniture. Cette séparation est la condition sine qua non d'une ouverture à la concurrence réussie, et il conviendrait donc de la préparer par une véritable séparation managériale, comme on l'a fait pour EDF avec la création de RTE.

L'UDF sera attentive à ce que le service public du gaz ne connaisse pas de recul dans les années à venir, concernant en particulier la desserte des territoires isolés et des DOM-TOM, la sécurité et les dispositifs contre la précarité.

Le service public a besoin de solides garanties concernant le financement de ses obligations ; nous souhaitons donc pour le secteur gazier un équivalent du fonds de financement des charges du service public de l'électricité.

Gaz de France garde vocation à être l'un des acteurs majeurs du marché européen du gaz. Pour cela, il devra ouvrir son capital, ce qui suppose une réforme profonde de son régime de retraites.

Madame la ministre, le groupe UDF, certain de la compatibilité entre la concurrence et le service public, considère que votre texte va dans la bonne direction, même s'il est parfois un peu timide. Il le votera donc avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Jacqueline Fraysse - On aura débattu en un temps record de ce projet, pourtant capital, puisqu'il marque la première remise en cause des services publics par le Gouvernement. Un large débat public aurait été nécessaire, d'autant que le texte va bien au-delà d'une simple transcription de la directive gaz. Relevant d'une pensée dogmatique ultra-libérale, il ne constitue qu'une première étape vers l'ouverture du capital d'EDF et de GDF, la remise en cause du statut des salariés et la péréquation tarifaire. Il va détruire les liens entre EDF et GDF au lieu de les conforter. L'ouverture à la concurrence, dans laquelle le rapporteur de l'Assemblée nationale voit une « conséquence mécanique » de la libéralisation, annonce une guerre des prix au bénéfice des gros consommateurs et au détriment des ménages.

Nous voulons, au contraire, créer des convergences, construire un pôle public de l'énergie s'appuyant aussi bien sur le binôme EDF-GDF que sur des partenariats avec d'autres groupes. Nous tenons également à l'élargissement des droits des salariés, des usagers et des élus afin qu'ils puissent se prononcer sur les enjeux stratégiques. C'est pourquoi le groupe communiste maintiendra son vote contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire - Je voudrais d'abord remercier le Gouvernement d'avoir saisi le Parlement de ce texte et de nous avoir permis d'avoir un débat très satisfaisant. Mes remerciements vont aussi au rapporteur et à l'ensemble de la majorité. Je suis reconnaissant au porte-parole du groupe UMP d'avoir indiqué qu'il parlait en son nom personnel sur un point, car le groupe n'aurait sûrement pas été d'accord là-dessus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous n'avons pas voulu mettre un terme au développement des éoliennes, mais simplement empêcher qu'il se fasse de manière anarchique, en provoquant diverses nuisances. Nous sommes favorables aux énergies renouvelables, à condition qu'elles se développent de manière équilibrée.

Madame Fraysse, notre excellent rapporteur n'a jamais tenu les propos que vous dites concernant la hausse des tarifs. Au contraire, par ailleurs, notre débat n'a vraiment pas été expéditif, puisque nous y avons consacré vingt heures en séance publique.

Monsieur Bataille, je remercie votre groupe de la manière dont il a participé à ce débat. Nous ne sommes pas d'accord, mais vous avez respecté les règles de la démocratie et nous avons eu des échanges constructifs. En réalité, nous avons simplement achevé le travail que vous aviez commencé : vous devriez donc nous dire merci (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Mes remerciements vont enfin à la présidence pour la conduite de ces débats. Je n'oublie pas non plus les administrateurs, qui ont fait un travail excellent, et l'ensemble du personnel.

A tous, je souhaite un joyeux Noël et de bonnes fêtes de fin d'année. Chers amis de l'opposition, nous aurons plaisir à vous retrouver pour d'autres débats tout aussi importants en janvier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Président - Conformément à l'article 113, alinéa 3, du Réglement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

ART. 11 C

Mme la Ministre déléguée - Le texte établi par la CMP ayant scindé l'article 11 du projet en trois articles, un décret d'application doit être pris pour chacun de ceux-ci, et donc en particulier à l'article 11 C : c'est la précision que l'amendement 1 tend à apporter. Je réitère mon engagement de faire en sorte que les décrets d'application soient pris dans les meilleurs délais.

L'amendement 1, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - L'amendement 2 tend, s'agissant de l'élaboration du schéma éolien, à mieux respecter l'organisation administrative régionale en retenant la rédaction suivante : « Les services de l'Etat peuvent concourir à l'élaboration de ce schéma à la demande du conseil régional ».

L'amendement 2, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Ma collègue a exposé les raisons pour lesquelles le groupe communiste votera contre le texte. Je remercie à mon tour les administrateurs et les personnels de l'Assemblée, qui nous apportent une aide considérable. Avec mon groupe, je leur souhaite de bonnes fêtes et une bonne année 2003 (Applaudissements).

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des textes inscrits à notre ordre du jour.

Dans l'attente des résultats des travaux du Sénat, je suspends la séance.

La séance, suspendue à 22 heures 45, est reprise à 23 heures 10.

SUSPENSION DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE

M. le Président - J'ai été informé que le Sénat avait adopté définitivement les textes dont il était saisi.

Je vous rappelle que, sur proposition de la Conférence des présidents, l'Assemblée a décidé, en application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution, de suspendre ses travaux pour les trois semaines à venir.

En conséquence, et sauf séance supplémentaire décidée en application de l'article 28, alinéa 3, de la Constitution, la prochaine séance aura lieu le mardi 14 janvier 2003, à 9 heures.

La séance est levée à 23 heures 10.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 14 JANVIER 2003

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions orales sans débat.

2. Fixation de l'ordre du jour.

À QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 381), pour la sécurité intérieure.

M. Christian ESTROSI, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Rapport n° 508).

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

(Rapport d'information n° 459).

À VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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