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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 44ème jour de séance, 117ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 15 JANVIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      SÉCURITÉ INTÉRIEURE (suite) 2

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 16 JANVIER 2003 24

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

SÉCURITÉ INTÉRIEURE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, pour la sécurité intérieure.

M. Pierre Cardo - Beaucoup de choses ont été dites, en particulier par le rapporteur. Monsieur le ministre, j'ai relu votre discours : je partage votre analyse et j'approuve votre stratégie.

On a parlé de « texte liberticide ». Je suis un peu surpris, moi qui vis depuis trente ans dans des quartiers difficiles et qui suis maire depuis vingt ans. J'ai travaillé avec André Diligent et Gilbert Bonnemaison. Si nous sommes nombreux à défendre la prévention, nous savons que celle-ci ne peut avoir de résultats s'il n'existe pas de système répressif.

Au lieu d'un discours structuré, je vous présenterai quelques exemples concrets pour justifier cette loi.

Je pense à cette dame de ma circonscription qui rentre par le train arrivant à 20 heures et qui habite à 200 mètres de la gare. A plusieurs reprises, elle n'est parvenue chez elle qu'à 22 heures, parce que des jeunes squattent sa cage d'escalier et lui barrent le passage. Or, les policiers ne peuvent rien faire. Nous en avons parlé en préparant le contrat local de sécurité. Cette dame voudrait seulement vivre tranquillement, comme beaucoup d'autres. Un jour, on apprendra qu'elle déménage, et elle sera remplacée par une famille que cette situation ne dérange pas, ou qui l'aggravera.

Savez-vous ce que m'a dit le procureur ? « La loi est faite pour les gens normaux dans des lieux normaux ». Il venait de définir les zones de non-droit. Je n'accepte pas cette résignation. Si ce projet permet d'apporter quelques réponses pour ce type de situation, alors nous retrouverons un peu de crédibilité aux yeux de nos administrés. Certains se demandent encore s'il était nécessaire de prendre une nouvelle loi. Dans ce cas de figure, c'est évident !

Autre exemple, j'ai été menacé par un jeune de quatorze ans dans une cité de ma circonscription. Pour m'avoir braqué avec un pistolet chargé, il n'a été condamné, neuf mois après les faits, qu'au franc symbolique. A quelque temps de là, il est venu jeter sur mon bureau une pièce d'un franc. Croyez-vous vraiment que sa condamnation lui a fait prendre la mesure de la gravité de son geste ? Tous ceux qui incarnent une autorité et qui se font un devoir de résister sur place avec leur famille sont régulièrement menacés et ils n'ont pas toujours le sentiment d'être soutenus par les institutions. Il n'est que temps d'y remédier en adoptant des dispositions claires pour protéger ceux qui s'efforcent de maintenir le lien social.

Troisième exemple vécu, les squats. D'accord pour donner quarante huit heures aux forces de police pour intervenir mais dans des cités où prévaut la loi du silence, sera-ce efficace ? J'ai été confronté à l'installation par un réseau organisé de quatre-vingts familles en quelques semaines. Alors que les forces de l'ordre les avaient appréhendés, les responsables ont finalement été relâchés au nom de la présomption d'innocence, faute qu'on ait pu démontrer que le pied-de-biche posé à leurs pieds leur appartenait ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Il n'est que temps de se doter d'instruments efficaces pour lutter contre les réseaux qui exploitent la pauvreté. Et il faut tout faire pour remotiver les acteurs sociaux. Dans ma circonscription, les travailleurs sociaux sont confrontés à de telles difficultés que certains sont tentés de jeter l'éponge et de refuser tout contact, même téléphonique, avec la population ! Les zones de non-droit, ce sont aussi les quartiers où le droit ne vient plus au devant des plus défavorisés. Si rien n'était fait, on verrait demain des établissements scolaires où les enseignants refuseraient de continuer d'exercer leur mission et des policiers abandonner des pans entiers de territoire. Il n'en sera rien car vous affirmez, Monsieur le ministre, une volonté politique qui est de nature à rendre confiance à ceux qui se sentaient oubliés. Votre texte n'est en rien « liberticide »...

M. le Président - Il faut conclure.

M. Pierre Cardo - ...et les acteurs de terrain ne s'y sont pas trompés. Avant même que les moyens supplémentaires n'aient été mis en place, chacun peut constater une amélioration sensible de la situation, liée au fait que les policiers se sentent désormais mieux soutenus et ont vraiment envie d'aller au devant des difficultés de la population.

Voter ce texte, c'est adresser un signe très fort à tous ceux qui se battent pour trouver des solutions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Serge Blisko - Parlons vrai, Monsieur le ministre, puisque vous avez souhaité le 13 novembre dernier au Sénat que le texte donne lieu à un débat exemplaire.

Mais le rapporteur ne vous a pas entendu, quand il déclare que « le précédent gouvernement a trop longtemps hésité entre une justification sociale de la délinquance et la mise en _uvre de timides mesures contre l'insécurité », et un peu plus loin que « l'heure n'est plus à la recherche d'une explication sociale de la délinquance mais à l'action ! ». Expliquer, étudier, débattre, ce n'est pas justifier la délinquance. Les élus de gauche sont souvent maires de communes où sévissent de graves problèmes sociaux. Il est inepte de leur prêter l'intention de justifier si peu que ce soit la délinquance ! Quant à l'augmentation des faits de délinquance, regardons la réalité en face. Elle ne date pas d'hier : depuis la fin des années 1960, la progression des faits constatés a connu une pente ascendante particulièrement préoccupante. Dès lors, il est naturel que ces questions soient entrées dans le débat public mais cela ne justifie pas d'en faire un argument de nature politicienne contre la gauche. Ce n'est pas la gauche qui a bâti la France urbaine de l'après-guerre où le lien social est particulièrement difficile à maintenir...

M. Bruno Le Roux - Il a raison !

M. Serge Blisko - ...et où le passage à l'acte délictuel est plus difficile à prévenir qu'ailleurs.

M. Manuel Valls - Tout à fait !

M. Serge Blisko - Mais voilà que les statistiques de la délinquance s'améliorent comme par miracle du seul fait de votre présence place Beauvau ! Soyons sérieux... et attentifs car que se passera-t-il lorsque vous ne serez plus là ? Tous les spécialistes s'accordent là-dessus, seules des enquêtes de victimation régulières, conduites selon des normes scientifiques, peuvent valablement retracer l'évolution de la délinquance. Le rapport Caresche-Pandraud préconisait la création d'un observatoire scientifique de la délinquance, stable et indépendant. Il faut absolument poursuivre dans cette voie.

S'agissant de la défense des libertés publiques - et pour répondre aux critiques que votre projet n'a pas manqué de susciter-, vous avez déclaré que le combat pour les droits de l'homme constituait une cause profondément respectable, pour peu que l'on ne se trompe pas d'époque, et aussi qu'il y avait autant de délinquants chez les riches que chez les pauvres. Mais il ne fait pas bon vivre sans argent dans notre beau pays. Prostituées, mendiants, gens du voyage... Qui est visé par votre politique sinon les moins favorisés ? Stigmatiser ceux que la société a déjà exclus, c'est porter atteinte aux libertés fondamentales. Et tel est bien votre propos : « nettoyer » le plus visible, rejeter aux marges ceux que le sort a déjà défavorisés (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

J'aimerais être dans l'erreur mais la remise en cause par nos collègues sénateurs du volet de la loi SRU posant obligation pour les communes de disposer d'au moins 20 % de logements sociaux n'est pas de nature à me rassurer. La majorité sénatoriale semble nostalgique de la situation de ségrégation sociale qui prévalait dans les années 1960 !

Vous prétendez, Monsieur le ministre, que votre texte n'est pas déséquilibré et que le volet prévention sera à la hauteur de l'arsenal répressif.

Las, nous attendons toujours que vous nous exposiez les mesures de prévention que vous entendez prendre ou celles tendant à lutter contre les discriminations. Or, il y a urgence. Il faut « mettre le paquet » pour aider les associations et l'Education nationale...

Un député UMP - Ça ne marche pas !

M. Serge Blisko - Et il faudrait aussi conforter ce qui existe. Or, malgré ses bons résultats, le FASP (Rires sur les bancs du groupe UMP) est mis en difficulté, de même que le comité de liaison pour l'alphabétisation - qui a déposé son bilan - et que plusieurs autres structures de coordination des interventions sociales dont l'efficacité n'est pourtant plus à démontrer. Depuis plusieurs années, je m'efforce de faire travailler en partenariat les acteurs sociaux dans le 13arrondissement de Paris et cela donne de bons résultats. Que vais-je dire à la cellule de veille éducative qui ne décolle pas depuis que le rectorat de Paris a décidé qu'elle ne figurait plus dans ses priorités ?

Monsieur le ministre, je croirai à votre politique le jour où le Gouvernement donnera au ministre de la ville de vrais moyens d'action. MM. Raoult, Bartolone et Borloo ont tous dit la même chose : sans injecter de moyens supplémentaires, la politique de la ville va dans le mur (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Je soutiendrais votre politique si le Gouvernement n'annonçait pas, au moment même où il prétend restaurer l'autorité dans nos établissements scolaires, la suppression de 5 600 postes de surveillants et la disparition des aides éducateurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous les critiquez aujourd'hui mais dans vos circonscriptions, vous les avez tous réclamés et vous ne pouvez contester qu'ils aient beaucoup apporté, en particulier dans les écoles et auprès des enfants de moins de douze ans (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Et vous ne réservez pas un meilleur sort aux classes à projet artistique et culturel, qui permettent d'ouvrir à la culture des enfants issus de milieux défavorisés et de les sortir de leurs cités. Elles sont lentement étouffées (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Laissez parler M. Blisko !

M. Serge Blisko - Bien sûr que les jeunes se réunissent dans les halls d'immeubles, mais ils manquent de salles et de place dans les logements ! Moi aussi, je visite des quartiers sensibles, et j'y vois des familles où quatre enfants se partagent une seule chambre, filles et garçons mélangés, ce qui pose problème dans certaines cultures. Comme il n'y a pas de place pour un bureau, ils travaillent allongés sur leur lit, et réussissent des examens comme cela !

M. Pierre Cardo - Qu'ont fait les socialistes pour ces logements ?

M. Serge Blisko - Nous vivons une situation à l'américaine : on se voit refuser un travail non en raison de son nom ou de sa religion, mais de son adresse...

Plusieurs députés UMP - Qu'a fait le gouvernement socialiste ?

M. Serge Blisko - Il a travaillé sur la discrimination. Nous avons besoin d'un projet de loi de grande ampleur pour l'intégration, sans quoi notre société continuera à créer de la frustration et des inégalités.

Ce projet de loi n'est pas à la hauteur de l'enjeu. M. le rapporteur nous a expliqué que l'occupation de halls d'immeubles serait passible de six mois de prison, mais qu'un jeune ne serait évidemment pas emprisonné pour ce simple fait. Il ne s'agit que de le garder à vue pendant 48 heures. Qu'est-ce que ce système à double détente ? La sécurité est un droit à valeur constitutionnelle, tout comme la protection des libertés publiques. Et, pour paraphraser Clemenceau, la sécurité des citoyens est peut-être quelque chose de trop sérieux pour être confié à la seule responsabilité des forces de police...

M. le Ministre - Elles apprécieront !

M. Serge Blisko - Il faut aussi des juges, et vous le savez !

Ce projet va à l'encontre de ce que nous attendions. La réduction de la petite délinquance ne s'accompagne pas d'une baisse de la violence. Je ne vous en fais pas grief, il s'agit de problèmes de fond qui dépassent la discussion de ce soir. La répression ne suffira pas à renverser cette tendance lourde. Nous attendons plus de réflexion et de moyens pour le logement, l'école, la politique de la ville. Si vous délaissez la communication pour entamer une réflexion en profondeur, nous pourrons enfin travailler ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Nadine Morano - Le vote du 21 avril a été plus qu'un avertissement : un message de désarroi et d'exaspération.

M. Bruno Le Roux - Envers Chirac et Jospin !

Mme Nadine Morano - Nous avons écouté, compris et maintenant nous agissons. Depuis mai, le ministre de l'intérieur a montré sa volonté de ne plus rien laisser passer. Nos concitoyens approuvent son action.

Lundi, dans le train, un contrôleur m'a montré la photo de son visage tuméfié après une agression. Il m'a confié qu'il y a six mois, il dressait environ 50 procès-verbaux par semaine, sous les quolibets. Aujourd'hui, dans un calme presque retrouvé, il ne dépasse pas cinq. Enfin, les choses commencent à changer. Dès cet été, vous avez pris les mesures nécessaires à la sécurité fondamentale de chaque citoyen. Car, je le rappelle à ceux qui ne l'ont pas compris, la sécurité est un préalable indispensable à toute vie sociale.

M. Bruno Le Roux - Qui ne l'a pas compris ?

Mme Nadine Morano - On ne peut pas aller travailler, promener ses enfants ni aller au cinéma sans sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste). La création des GIR, le vote de moyens sans précédent, la réorganisation des forces de sécurité sur le territoire, qui n'avait pas été faite depuis 1941, vont dans ce sens, ainsi que la négociation d'accords bilatéraux pour enrayer l'immigration et la préparation d'un véritable contrat d'intégration. Le centre de Sangatte, qui n'a pas reçu la visite de beaucoup de socialistes, a été fermé.

M. Bruno Le Roux - Mais un centre de la Croix-Rouge ouvert !

Mme Nadine Morano - Le texte que vous nous proposez n'est ni de droite, ni de gauche, car il correspond à l'attente de tous les Français. Ses quelque 60 articles vont faire changer la peur de camp. Il était temps de prendre en compte ce qui exaspère le plus nos concitoyens, et notamment les plus modestes. Ce projet met en avant la culture du résultat. Il donne à la police judiciaire les moyens de travailler. La police de proximité, par sa présence sur le terrain, est un bon concept, mais qui s'est réalisé au détriment de la résolution des crimes et délits. L'efficacité de la police judiciaire doit être restaurée.

L'extension de la compétence géographique des OPJ est légitime. Quoi de plus exaspérant que de laisser filer un délinquant pour des raisons de compétence territoriale ? Le fichier des empreintes génétiques doit être élargi pour recenser tous les individus qui mettent l'ordre public en danger, comme cela se fait dans beaucoup d'autres pays démocratiques. Les policiers, dans des conditions légales, doivent pouvoir fouiller les coffres de voiture, car les citoyens honnêtes n'ont rien à craindre d'une telle mesure. J'ai aussi déposé un amendement pour que l'OPJ ne soit plus obligé de notifier à une personne en garde à vue son droit de se taire, car toute personne honnête souhaite s'expliquer. Des prostituées sont exploitées par des réseaux mafieux. Il faut permettre à ces victimes de retourner dans leur pays d'origine si elles le souhaitent, et leur donner un titre de séjour si elles participent au démantèlement des réseaux.

Ce texte renforce les libertés individuelles. Il ne jette pas l'anathème sur des catégories de population, mais combat des infractions commises par des délinquants. Il n'est plus acceptable que les forces de l'ordre n'aient pas les moyens de disperser des groupes au comportement agressif envers ceux qui rentrent chez eux. Moi, Monsieur Blisko, je sais ce que c'est que de vivre dans un HLM des cités et de venir d'un milieu modeste.

Plusieurs députés socialistes - Et alors ?

Mme Nadine Morano - Dans les années 1980, j'ai été obligée de déménager, après plusieurs agressions, parce que vous avez créé des ghettos et que vous avez laissé filer la sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Et beaucoup ont été obligés de faire comme moi. En matière de sécurité, ne donnez pas de leçon, car vous avez rencontré un fiasco total.

Oui, il est inacceptable que les propriétaires mettent des années à recouvrer leur bien envahi. Les marchands de squats doivent être traqués et les gens du voyage bénéficier de terrains d'accueil. Il n'est plus acceptable que des mendiants exercent des pressions physiques sur nos concitoyens. Il est légitime de demander un certificat médical et de consulter les fichiers de police lorsque quelqu'un demande à posséder une arme. Il est normal que ceux qui souhaitent occuper des postes administratifs sensibles fassent l'objet d'un contrôle.

Les chiffres de la délinquance baissent, mais ils restent préoccupants, d'autant qu'ils ne rendent pas compte de toutes les infractions. Les résultats obtenus depuis mai sont encourageants, mais pas suffisants. Votre texte va rassurer nos concitoyens, motiver les forces de sécurité et décourager les délinquants. Votre savoir-faire est incontestable. Vous pouvez donc compter sur mon soutien déterminé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Bruno Le Roux - Bravo !

M. Christian Philip - J'ai parfois eu du mal à comprendre ceux qui s'opposent à ce projet. Il me semble que nous ne sommes pas en désaccord sur le diagnostic : l'insécurité n'est malheureusement pas qu'un sentiment. Elle atteint chacun dans sa vie quotidienne, même si c'est à des degrés différents. Nous sommes également d'accord sur les objectifs : faire reculer la délinquance, disparaître les zones de non-droit et restaurer l'autorité de l'Etat. C'est sur les solutions que nous divergeons.

Mme Lebranchu a reconnu elle-même l'utilité de la sanction. Comment accuser ce texte d'être excessif alors que la pratique de ces dernières années, comme l'exemple des pays étrangers, démontrent qu'aucun acte délictueux ne doit rester sans réponse ?

M. Bruno Le Roux - C'est parfaitement normal !

M. Christian Philip - Mais vous dites que le texte est excessif !

M. Bruno Le Roux - Discutons du niveau de la sanction !

M. Christian Philip - Gouverner, c'est aussi écouter ses concitoyens. Les Français nous demandent de rétablir l'Etat de droit. Ce texte nous donne les moyens juridiques d'éliminer des situations que nous avons, à tort, fini par admettre comme inévitables, comme la mendicité, la détention d'armes clandestines ou la prostitution. Il ne s'agit pas d'une stigmatisation des individus !

Dans une ville comme Lyon, je connais le problème de la prostitution et le calvaire de ses victimes, mais il ne faut pas oublier ce que vivent les riverains des quartiers concernés, défavorisés ou résidentiels !

M. Bruno Le Roux - Il faut trouver une solution !

M. Christian Philip - On nous accuse d'avoir la sanction comme seul objectif, mais personne n'oublie la nécessité de la prévention. Prendre le temps de comprendre et d'expliquer ne doit pas empêcher de punir ! Mettre en place des dispositifs pour mieux sanctionner certains délits, ce n'est pas un délire sécuritaire, c'est préserver nos libertés !

Depuis huit mois, vous avez conquis la confiance des Français. Ils ont compris que votre politique ne s'arrêtait pas aux déclarations. Votre présence sur le terrain est critiquée sur certains bancs comme de la communication, mais elle est ressentie dans l'opinion comme une marque de respect et une volonté d'action.

L'état d'esprit a changé : on se convainc que l'Etat a enfin décidé de lutter contre l'insécurité et que la police est motivée. Les statistiques de la cour d'appel de Lyon font état de faits encore trop importants, bien sûr, mais qui commencent à baisser. L'amélioration des taux d'élucidation est aussi encourageante.

Vous avez réorganisé les moyens de l'Etat. Aujourd'hui vous demandez les instruments juridiques pour les rendre plus efficaces. Comment les refuser ? Je fais confiance à notre police et à notre justice pour les appliquer avec intelligence.

Il était temps d'agir, de réagir. La majorité des Français approuvent votre démarche parce qu'ils ont compris que ce gouvernement a la volonté d'obtenir des résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Juliana Rimane - L'insécurité, première préoccupation des Français, est aussi la priorité du Gouvernement. Comment ne pas souscrire à votre politique ?

Je la soutiens d'autant plus qu'elle aborde le problème sous tous ses aspects. L'insécurité est injuste et liberticide parce qu'elle frappe d'abord les plus fragiles, c'est la pire des inégalités. Parce qu'elle fait régner la peur, c'est le pire facteur de déstabilisation de la société.

Vos premières actions ont donné des résultats encourageants. Ce projet alliant fermeté et humanité, devrait rendre plus efficace le dispositif de lutte contre l'insécurité. Cependant, il conviendrait d'engager aussi des actions de prévention. Vous nous avez rassurés sur ce point.

Selon les derniers chiffres, la Guyane a enregistré un recul de la délinquance de voie publique et je m'en réjouis. Néanmoins, elle reste encore l'une des régions les plus frappées par le fléau de l'insécurité.

Les causes sont les mêmes qu'en métropole, mais elles y sont plus marquées : taux de chômage deux fois plus élevé, perte de la notion de solidarité familiale, présence scandaleuse des bidonvilles, habitat collectif inadapté aux traditions locales.

S'y ajoutent des facteurs spécifiques à la Guyane. Véritable océan de verdure limité par deux autoroutes fluviales, le Maroni et l'Oyapock, elle compte près de 1 200 km de frontières avec les Etats voisins, économiquement moins avancés. Pour les populations de ces pays, elle fait donc figure d'Eldorado.

Pour 172 000 habitants, le nombre de clandestins s'élèverait ainsi, selon certains, à 35 000.

Toute la Guyane est touchée par ces mouvements de population qui comportent des conséquences tant sur les plans scolaire et sanitaire que sur celui de la sécurité. Les communes frontalières sont soumises à toutes les formes de trafics : drogues, alcool, carburant, armes, argent et denrées de toute nature. La loi de la jungle règne aussi dans les grands sites d'exploitation aurifère, ainsi que dans les zones urbaines et périurbaines. Ces pratiques délictueuses s'accompagnent de violences croissantes.

La population, terrorisée, se barricade et s'arme. Les chefs d'entreprise, victimes d'actes de vandalisme répétés, sont prêts à mettre un terme à leurs activités. Quant aux élus locaux, ils se sentent impuissants.

Vous avez su prendre, Monsieur le ministre, un certain nombre de mesures adaptées à cette situation. Le maintien d'un escadron de gendarmerie mobile, la mise en place du groupement d'intervention régional et la création d'une unité de gendarmerie spécialisée pour les missions en forêt ont permis de multiplier les opérations de lutte contre l'orpaillage clandestin, le trafic des stupéfiants et l'économie souterraine. Le renforcement des effectifs de la police à Saint-Laurent du Maroni et à Saint-Georges de l'Oyapock améliore le contrôle aux frontières. Les Guyanais y sont fort sensibles. Néanmoins, la situation demeure inquiétante, compte tenu de l'immensité du territoire. Il conviendrait donc de s'attaquer aux racines du mal. A situation exceptionnelle, remèdes exceptionnels. Pourquoi ne pas déclarer l'état d'urgence en Guyane ?

Seule la coordination de l'action de tous les membres du Gouvernement permettrait de maîtriser l'insécurité. Elle conduirait à donner aux jeunes de meilleures perspectives en adaptant le système éducatif au contexte local, à développer les actions diplomatiques avec le Brésil, le Surinam et le Guyana pour empêcher l'immigration clandestine.

Il faudrait également mieux contrôler l'accès à notre système de protection sociale et doter les forces de l'ordre de moyens performants adaptés à la configuration physique du territoire. Il est fondamental de garantir la pleine souveraineté de la France sur le territoire guyanais.

Les Guyanais approuvent l'action que vous menez pour le rétablissement de l'état de droit sur leur territoire. La Guyane est un beau pays, mais elle serait encore plus accueillante si on pouvait y vivre en toute sécurité. Monsieur le ministre, je vous invite à venir la visiter et à rencontrer ceux qui luttent chaque jour pour cet état de droit dont vous êtes l'un des premiers garants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Christian Vanneste - Quatre millions de délits et crimes ont été recensés en 2001, alors que dans le même temps la proportion des classements sans suite et des jugements non exécutés augmentait. Selon le livre blanc élaboré par l'Union syndicale des magistrats en 2002 seuls 12 % des plaintes aboutissent à un jugement. L'impuissance de l'Etat face à la montée de l'insécurité a démoralisé ou scandalisé une grande partie des Français. C'est pourquoi le Gouvernement actuel a établi le retour à la sécurité comme la première de ses priorités.

Vous menez, Monsieur le ministre, une action exemplaire. Nous en sommes aujourd'hui à l'étape législative. Pour la resituer, tant sur le plan des valeurs que sur celui de l'efficacité, permettez-moi d'emprunter au textile, qui a tellement marqué la région du Nord, une image qui résume l'_uvre à accomplir. Nous devons faire _uvre de tisserand, ce qui implique qu'il y ait à la fois une chaîne et une trame. La chaîne, c'est celle de la continuité de l'action entre la police et la justice afin que les faits soient constatés, les investigations menées à terme et que chaque cas reçoive une solution judiciaire réellement appliquée. La création d'un observatoire national de la délinquance permettra de vérifier le bon état de cette chaîne.

De ce point de vue, le rééquilibrage entre la police de proximité et la police judiciaire est une excellente chose. Certains avaient cru répondre au sentiment d'insécurité par l'apparence de la sécurité. La multiplication de policiers aux pouvoirs limités, angoissés par le risque d'erreurs de procédure était une politique de Gribouille. Votre texte met un terme à cette dérive. Il est indispensable de permettre à la police d'effectuer son travail sans la mettre en situation d'infériorité par rapport aux délinquants, comme c'est le cas avec l'obligation de notifier le droit au silence.

Mais la sécurité c'est aussi la trame, c'est-à-dire la coopération entre tous les acteurs de terrain : forces de police nationales et municipales, personnel judiciaire et social, éducateurs, sociétés de sécurité.

Cette coopération exige un consensus républicain sur nos valeurs fondamentales. Permettez-moi, d'exprimer à cet égard une inquiétude, due à certaines auditions et à certaines manifestations, d'ailleurs peu fréquentées. Une partie de la gauche utilise certains mots, comme les droits de l'homme, la liberté ou la pauvreté comme slogans, sans la moindre analyse sérieuse.

Rappelons que les droits fondamentaux sont la liberté, la sûreté, la propriété et la résistance à l'oppression. Votre texte ne fait qu'appliquer ces grands principes puisqu'il permet de retrouver la liberté d'aller et de venir et de ne plus subir la loi des gangs de quartiers. Montesquieu disait que la liberté politique était « cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté ». Or depuis des années, certains évoquent les libertés individuelles pour affaiblir la liberté des citoyens au profit de celle des délinquants. Comme le constatait Alexandre Soljenitsyne dans un discours prononcé à Harvard, il y a dans la société occidentale un déséquilibre entre la liberté de bien faire et la liberté de mal faire.

Prétendre que ce texte fait la guerre aux pauvres est aussi un contresens. Était-il riche cet habitant d'un quartier défavorisé de Tourcoing, venu à ma permanence pour se plaindre du calvaire qu'il subissait chaque jour, humilié, bousculé chaque fois qu'il regagnait son appartement ? Sont-ils riches ceux qui demandent à quitter un quartier parce qu'ils ont eu le malheur d'observer un trafic et dont la voiture a brûlé ? Sont-ils riches ceux qu'on exploite à travers la mendicité ou la prostitution ? Non ! Les riches, ce sont ceux que ce texte inquiète parce qu'il menace leurs trafics lucratifs...

Il faut que les moyens juridiques et matériels soient donnés à tous les acteurs de terrain susceptibles de concourir à la sécurité. Je pense en particulier à la nécessaire cohérence entre les polices nationales et municipales. Votre texte accorde des capacités nouvelles aux polices municipales. Il faudrait également, dans un souci de mutualisation des moyens, faciliter la création de polices intercommunales et favoriser ainsi une synergie entre le travail de proximité des uns et le travail d'investigation et de répression des autres.

Votre action, Monsieur le ministre, commence à porter ses fruits. Entre mai et novembre 2002, la délinquance a reculé de 5,21 % dans le département du Nord. Cette action va dans le bon sens, celui qui faisait dire à Rousseau : « j'aurais voulu vivre et mourir libre, c'est-à-dire tellement soumis aux lois que ni moi ni personne n'en pût secouer l'honorable joug » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - On voit que vous êtes professeur de philosophie...

M. Manuel Aeschlimann - Permettez-moi d'avoir une pensée pour Pascale, infirmière à Asnières, décédée avant-hier des suites des brûlures atroces infligées par un individu qui, un an auparavant, avait déjà aspergé d'essence une personne pour la brûler vive mais qui, faute de preuves suffisantes, traînait encore dans les rues. Vous me direz que cet horrible fait divers a peu à voir avec l'insécurité au quotidien, mais il me semble tout de même qu'il s'inscrit dans un contexte trop longtemps marqué par le laxisme et le sentiment d'impunité que pouvaient nourrir certains récidivistes.

L'insécurité au quotidien, ce projet en traite en tout cas de façon fort efficace, n'en déplaise aux élus de l'opposition qui, ici, protestent mais qui, devant leurs électeurs, réclament plus de police et plus de vidéosurveillance - comme l'a fait hier à la télévision M. Valls. Que n'ai-je pourtant entendu de la part de la gauche lorsque la ville d'Asnières a mis en place cette vidéosurveillance !

De nombreux chercheurs font remonter le laxisme à 1981, année où les délinquants de tout crin ont commencé à bénéficier d'une oreille attentive de la part des gouvernants, qui n'ont pas compris que les bandes avaient changé de nature, passant de la révolte contre la société aux activités criminelles.

Face au désengagement de l'Etat, certains élus locaux ont tenté de réagir. Par exemple, en créant des polices municipales. La gauche a alors invoqué à grands cris les droits de l'homme, et puis elle s'y est mise à son tour. Même chose ensuite pour la vidéosurveillance, puis pour les arrêtés sur la circulation des mineurs. Faut-il vraiment que la gauche ait toujours un train de retard ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Les électeurs en tout cas l'ont jugée.

La gauche brandit toujours la prévention, mais Bruno Le Roux a lui-même reconnu, dans son rapport de 1997, que celle-ci avait échoué et ne suffisait pas.

Nous, élus de terrain, laissons de côté l'idéologie et tentons simplement de répondre aux attentes de nos administrés. Cela nous a amenés à prendre certaines mesures, qui bénéficieront désormais d'une meilleure sécurité juridique. Nous le devons au gouvernement de M. Raffarin et au premier de ses ministres. Je vous fais une entière confiance, Monsieur le ministre, et je voterai avec fierté ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Jacques Descamps - Merci, Monsieur le ministre, d'avoir enfin pris à bras-le-corps le problème de la sécurité et d'avoir redonné à notre pays le sentiment que l'insécurité n'était ni une fatalité, ni le résultat inéluctable de l'évolution des m_urs.

Les mesures que vous proposez sont bonnes. Mais une fois adoptées, il faudra qu'elles soient vraiment appliquées, en particulier par les juges...

Permettez au maire de Loches, petite ville de 7 000 habitants, modeste capitale d'un pays rural, de vous apporter son témoignage. Je constate depuis quelques mois une amplification régulière de la petite et moyenne délinquance dans ma commune. Un sentiment d'insécurité commence à gagner l'esprit d'une population venue pourtant chercher là une vie plus calme, voire une retraite tranquille. De mon côté, j'essaie de faire de la prévention mais aussi de soutenir les efforts de la police, de la gendarmerie et du Procureur de la République pour trouver les coupables et les sanctionner.

Malheureusement, nous ne disposons que de trois policiers municipaux, habitués surtout à assurer les sorties d'écoles ou les levées de corps, voire à verbaliser les stationnements illicites. Avec les 35 heures, ils ne peuvent être opérationnels ni la nuit, ni le week-end, moments privilégiés pour la délinquance. Il nous en faudrait au moins deux ou trois en plus. Nous n'en avons pas les moyens financiers et de plus, on en trouve difficilement sur le marché, si j'ose dire. Et si l'on doit recruter une personne non qualifiée, il faut d'abord la payer pendant un an pour la former avant qu'elle soit opérationnelle. C'est décourageant !

En attendant, il nous faut faire confiance à la seule gendarmerie, qui certes se réorganise mais cela ne fera quand même que deux gendarmes de plus par rapport à la situation antérieure, et cela pour une population de 50 000 habitants répartis sur un vaste espace. Comment, dans ces conditions, contrôler efficacement la délinquance, en particulier la nuit et le week-end ? Comment éviter les cambriolages, tags, destruction de voitures et de mobilier urbain, qui sont un jeu d'enfant pour des bandes organisées, très mobiles ? Il faudrait modifier certaines habitudes de travail.

Nous faisons aussi de la prévention et nous avons par exemple créé un service jeunesse. Mais je ne vous cache pas qu'il est bien difficile de mobiliser les enseignants, les juges, les parents et autres acteurs sur des actions de cet ordre.

Un mot enfin sur les gens du voyage, qui posent un problème aigu dans nos zones rurales. Nous avons créé une aire de stationnement, elle a déjà été démolie deux fois. Nous devrons en créer d'autres, proches des centres bourgs, ce qui sera sans doute mal accepté par les populations, compte tenu des nuisances qui en découleront.

Les mesures que vous proposez sont bonnes, Monsieur le ministre, mais il en faudra beaucoup plus pour changer les comportements, responsabiliser les uns et les autres, améliorer l'efficacité des forces de gendarmerie et de police. Tout cela demandera du temps et des efforts qui dépassent votre seul ministère. Mais les députés-maires que nous sommes ont confiance en vous et sont prêts à vous aider à poursuivre dans la voie que vous avez ouverte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Paul-Henri Cugnenc - Au printemps dernier, nombreux ont été les Français qui ont manifesté leur rejet d'une société où les plus élémentaires sécurités et solidarités ne sont pas assurées.

Nous sommes tous ici les représentants, les témoins, les avocats de la France réelle, de ces commerçants, de ces personnes âgées ou isolées qui se sentent démunies face à un sentiment d'insécurité qu'ils osent à peine exprimer.

Avant même de prendre vos responsabilités actuelles, vous aviez dit, Monsieur le ministre, que votre priorité serait la lutte contre cette injustice que nous ressentons tous et qui est encore moins supportable pour les plus faibles, les plus démunis, les plus âgés d'entre nous. Aujourd'hui, vous faites ce que vous aviez annoncé.

Ce texte nous donne l'occasion de dresser un premier bilan de votre politique. M. Dray pense que six mois, c'est un peu court pour se livrer à cet exercice, mais cinq ans, de 1997 à 2002, pour se mettre simplement d'accord sur la façon de gérer - ou plutôt de ne pas gérer - la sécurité, c'était un peu long...

N'en déplaise au dernier quarteron dangereux de théoriciens idéalistes qui pourfendent un texte prétendument répressif et dangereux, ...

M. Bruno Le Roux - Il n'y a pas eu de quarteron depuis les généraux, c'est scandaleux !

M. Paul-Henri Cugnenc - ... il s'inscrit dans la continuité de votre politique dont les résultats ont été récemment rendus publics. La baisse des crimes et délits de mai à décembre montre que votre action a été bien engagée. La France oubliée, celle des grands ensembles, des lotissements, des campagnes isolées, des quartiers dangereux, a pris conscience que vous étiez leur premier interlocuteur, en prise directe sur leurs préoccupations.

Le nombre d'élucidations a progressé de 5,42 % par rapport à 2001. La délinquance de voie publique est en recul et, si des points noirs subsistent, les Français ont repris espoir et le moral des forces de l'ordre s'améliore.

Dans la circonscription de police de Béziers, où vous viendrez le 30 janvier, une des plus difficiles de France, le taux de criminalité a baissé de 8 % en un an. Si on y regarde de plus près, on s'aperçoit qu'il avait augmenté de 1,5 % au premier semestre, avant de diminuer fortement au moment de ce que Serge Blisko a qualifié de « miracle de la place Beauvau »... Depuis votre nomination, on est passé de 9 500 à 8 700 crimes et délits. Ce chiffre encourageant demeure trop élevé.

Dans le cadre du redécoupage de la circonscription de Béziers et des environs et des restructurations qui verront la police républicaine prendre sous sa responsabilité une population et un territoire plus importants, nous vous demandons de veiller à l'équilibre des effectifs et à l'attribution de moyens à la hauteur de nos objectifs et de nos ambitions.

Abandonner certains jeunes à leur triste sort, fermer les yeux sur leurs éventuelles exactions, les laisser prendre leurs aises avec le civisme le plus élémentaire, c'est de la non-assistance à personne en danger ! Ce combat est idéologique, au bon sens du terme, car il vise à redonner des repères à nos concitoyens les plus égarés. Vous êtes en train de le gagner !

Je souhaite que ce texte permette de renforcer la protection des médecins et des infirmières appelés à intervenir à des heures délicates dans des quartiers difficiles. Tel est le sens de l'amendement que nous avons déposé à l'article 20, qui prévoit des sanctions plus sévères dans ces cas.

Ce projet est un premier chapitre mais un chapitre important de votre politique. Les Français ne s'y trompent pas puisqu'ils sont 69 %, de gauche comme de droite, à juger votre action efficace et positive. « La plupart des mesures envisagées suscitent l'adhésion des électeurs de tous bords », soulignait récemment un quotidien de gauche. Le fiasco des manifestations de samedi en témoigne.

Défenseur des plus modestes, vous êtes en train de réunir les suffrages du plus grand nombre. En faisant reculer le sentiment d'impuissance, vous redonnez ses lettres de noblesse à l'action politique. Au-delà du soutien de la grande majorité des Français, vous emportez l'adhésion de la France des oubliés. C'est pourquoi je soutiendrai votre action avec raison et avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Bernard Carayon - Il est rare que l'insécurité soit la préoccupation première des Français ; il est rare aussi qu'un ministre de l'intérieur soit aussi populaire dans un pays volontiers frondeur. C'est pourtant votre cas, Monsieur le ministre, et j'y vois une évolution profonde de notre société, que la gauche n'a pas perçue.

Après les interventions juridiques de mes prédécesseurs, je souhaite traiter du caractère idéologique des questions de sécurité.

Les politiques policières et judiciaires françaises ont longtemps été marquées par l'idéologie. Quand la gauche vous reproche d'éluder l'explication de la délinquance et de privilégier la répression, elle commet l'erreur de s'en tenir aux déterminants sociaux de la criminalité. On deviendrait délinquant ou criminel parce que la société vous y aurait en quelque sorte contraint. Cette vieille idée relayée par les philosophes matérialistes du XIXe siècle, dénie toute responsabilité à l'individu. En apparence généreuse elle n'est pas démocratique : elle tourne le dos à tout notre héritage spirituel occidental, des penseurs de l'antiquité aux rédacteurs de la déclaration des droits de 1789, en passant par les religions du Livre.

Il n'y a de responsabilité que personnelle parce que la dignité humaine repose sur un postulat : le libre-arbitre. A chaque fois que des responsabilités collectives ont été recherchées, nous nous sommes rapprochés des systèmes totalitaires et nous avons tourné le dos à l'efficacité. La gauche commet aussi l'erreur de stigmatiser la répression, ainsi que tous ceux, policiers, gendarmes, magistrats, dont c'est le métier : c'est oublier qu'une société n'acquiert la paix qu'au prix de la force de l'Etat et du respect de la loi. Curieusement, la gauche française est la seule en Europe qui ait réservé la force de l'Etat à la régulation économique et qui ait relativisé le respect de la loi. Chacun se souvient de la dénonciation de la « force injuste de la loi » par l'une des grandes figures du Panthéon socialiste... Caution apportée aux casseurs censés faire bouger le « vieux monde », indulgence émue pour l'extrême-gauche, défense de toutes les marginalités sociales : les illustrations de cette propension à attiser la violence contre le droit sont nombreuses.

M. Bruno Le Roux - Provocateur !

M. Bernard Carayon - On prétend que la « guerre contre les pauvres » serait engagée. Mais c'est en réalité la paix pour les honnêtes gens que nous recherchons, sans considération de leur niveau social, car la paix se nourrit du rassemblement plutôt que d'une culture de la fracture.

On nous dit que la « stigmatisation » et la « discrimination » seraient les fondements de votre action. La gauche est habile à diaboliser l'adversaire, et à s'ériger en Eglise avec ses dogmes, ses saints et ses excommunications. Mais la sémantique ne remplace pas le bon sens et une politique guidée par l'efficacité et la volonté de protéger les plus vulnérables. Plutôt que les mots, vous avez choisi l'action. A l'excuse sociale, vous préférez la responsabilité de la personne. C'est à ce prix que notre pays tournera le dos à des dizaines d'années d'idéologie qui avaient divisé les Français, stérilisé la pensée, dévalorisé l'Etat et méprisé les aspirations à la paix publique du peuple.

Monsieur le ministre, deux mots encore : merci et bravo ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Christian Decocq - Je veux ici rendre compte de ce que j'entends autour de moi, qui me convainc que cette loi est une bonne loi, qui vise à réduire l'insécurité et qui participe, en outre - ce n'est pas son moindre mérite - à la reconstruction de la relation entre les politiques et les citoyens, qui sont désormais écoutés et compris.

Sur le terrain, toutes les réactions vont dans le même sens : « lui, il a compris ». Vous l'avez deviné, Monsieur le ministre, « lui », c'est vous... (Sourires) Quand les citoyens ressentent que les politiques les comprennent, ils les élisent. Et c'est parce que nous savons pourquoi nous avons été élus que nous mesurons combien ce projet répond aux attentes des Français.

Vous avez compris que la lutte contre l'insécurité ne pouvait s'enfermer dans une posture idéologique mais qu'elle s'organise par des mesures pragmatiques ; que la sécurité intérieure suppose une relation renouvelée entre la nation et les policiers ; que le souci des victimes doit prévaloir sur toutes les autres considérations.

L'idéologie n'est plus aux commandes. « Il est aussi inutile qu'absurde d'opposer la prévention et la répression, les deux étant indissociables », avez-vous d'emblée déclaré ici-même. Parce qu'il combine les deux aspects, ce projet est profondément républicain.

Quand, sur le terrain, les gens prennent connaissance des dispositions relatives à la visite des véhicules ils s'étonnent « N'était-ce donc pas possible auparavant ? » Ils jugent ces contrôles naturels.

Vous avez compris aussi qu'il était grand temps de renouveler la relation entre la nation et ses forces de police car nous étions tout près du délit d'uniforme...

Plus de considération, plus de moyens, plus de résultats : c'est un contrat de progrès qui est contenu dans le titre premier du projet.

En commission, nous avons adopté un amendement visant à supprimer l'obligation faite aux policiers de notifier aux personnes interpellées qu'elles avaient le droit de garder le silence. Cette disposition était particulièrement mal comprise.

L'exigence de résultats est conforme à la volonté de nos concitoyens.

Enfin, vous avez bien vu qu'il était essentiel de se préoccuper des victimes. Il faut donner priorité à la victime sur le délinquant. Parce qu'il vise à faciliter l'élucidation des affaires, ce projet répond à cette exigence de justice.

A nous, élus de la droite républicaine, ce projet nous rend la parole. Pendant trop longtemps, nous nous sommes censurés, victimes d'un certain terrorisme intellectuel : se préoccuper de sécurité, c'était, comme je l'ai entendu à Lille, « se complaire dans les coups de menton ». Nous sommes délivrés de cette idéologie selon laquelle l'insécurité est une fatalité. Ce projet, mis en _uvre avec responsabilité, aura des effets réels sur la vie quotidienne, et comme le disait Tocqueville, vous aurez démontré que « le champ du possible est toujours plus grand qu'on le pense » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Delnatte - Sur la question difficile de la prostitution, je tiens à souligner la qualité du travail réalisé par les délégations parlementaires aux droits des femmes, au Sénat comme à l'Assemblée nationale.

L'explosion de la prostitution ces dix dernières années, l'immobilisme des pouvoirs publics, l'hypocrisie de la société nous obligent à commencer à traiter le problème par une certaine forme de répression. Il est plus que temps de donner des limites à l'inacceptable.

La prostitution est un sujet sensible et douloureux. Je ne crois pas qu'elle soit une activité librement choisie, même si certaines prostituées l'affirment : c'est de leur part une réaction légitime et, pour elles, la seule façon de sauvegarder leur dignité. Or la prostitution est avant tout une situation de violence et de domination. Elle est une atteinte à la dignité de la personne humaine. L'explosion de la prostitution, son internationalisation, ont accentué son caractère esclavagiste.

Dans la prostitution, les acteurs sont multiples. Ce sont d'abord plusieurs milliers de femmes, mais aussi des hommes, et même des enfants, qu'une situation de détresse a conduit à vendre leur corps, après avoir quitté leur pays sur des promesses illusoires.

La prostitution, ce sont les proxénètes qui, abrités par la distance ou par les lois plus laxistes d'autres pays, retirent de ce trafic des profits considérables. Il est anormal que ce marché, aussi lucratif que celui des stupéfiants, soit moins dangereux, en l'absence d'un contrôle efficace.

Le troisième acteur de ce marché, le demandeur de services sexuels, est resté trop longtemps tabou, ignoré du code pénal. Il faut mettre le client en face de ses responsabilités. La loi du 4 mars 2002 a apporté un début de réponse en pénalisant le recours à la prostitution d'un mineur. Je me félicite que le projet prévoie aussi des sanctions, lorsque le client a recours à la prostitution de personnes particulièrement vulnérables.

Cependant, il faut aussi prendre en compte ceux, trop souvent oubliés, qui doivent subir quotidiennement le spectacle de ces personnes se prostituant et de leurs clients, ceux qu'on a appelés « la majorité silencieuse ». Ces adultes, ces enfants surtout, l'Etat se doit de les protéger.

La protection de l'ordre public, assurée par les fonctionnaires de police, doit se faire dans le respect de la personne prostituée. En particulier, il est de la plus grande importance que l'application des mesures incriminant le racolage soit conforme au code de déontologie, afin de protéger les personnes les plus vulnérables.

Contrairement à ce qu'on a pu entendre, ce projet ne se limite pas à son volet répressif. Son objectif est bien la protection : celle des victimes de la prostitution et celle de la tranquillité publique.

La France a choisi une approche abolitionniste et le projet s'inscrit dans cette ligne. A la différence d'autres pays européens, nous avons choisi de parier sur l'efficacité de politiques sociales à long terme, de prévenir la prostitution, plutôt que de la réglementer.

C'est pourquoi la lutte contre les proxénètes revêt la plus haute importance. Leurs réseaux, de dimension internationale, sont de plus en plus organisés et mobiles. Ils ne peuvent être combattus que grâce à une coopération avec les pays concernés, ce qui nécessite une véritable politique européenne.

La coopération doit aussi se faire avec ceux qui connaissent les proxénètes : les témoins, les prostituées, qu'une protection insuffisante a jusqu'ici dissuadées de porter plainte. Le projet prévoit ainsi la délivrance d'un titre de séjour provisoire aux personnes ayant accepté de témoigner. La commission propose d'autoriser ces personnes d'exercer une activité professionnelle. Le Sénat a complété ces dispositions en prévoyant, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, la délivrance d'une carte de résident.

Certes, on peut regretter que la lutte contre la prostitution doive passer par une pénalisation du racolage. Ce n'est pas le moyen idéal. Cela pourrait encourager la clandestinité, créer des situations de plus grande violence et rendre plus difficile le travail d'aide aux prostituées. Mais il n'existe pas de remède miracle et il faut bien agir. Il faut qu'une norme claire soit posée, qu'un signal soit envoyé au client et au proxénète, en France mais aussi à l'étranger.

Je salue votre engagement, Monsieur le ministre, pour garantir aux prostituées une sécurité maximale lorsqu'elles retournent dans leur pays. Il faut en outre prévoir des mesures d'accompagnement social, de prévention, d'accueil et de réinsertion, en liaison avec les associations. Je souhaite que le Gouvernement se donne les moyens de prendre de telles mesures.

Dans la lutte contre la prostitution, ce projet est une étape importante. La France, enfin, reprend l'initiative. Le débat devra se poursuivre. Vous l'avez vous-même demandé, Monsieur le ministre. Nous comptons sur vous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Cabal - Si j'ai bien compris, la criminalité est le fait des délinquants. Comme certains ne sont pas identifiés, ils sont tentés de récidiver. Élucider les affaires semble donc la méthode la plus logique, mais elle nécessite des moyens.

Or, les ressources de la police scientifique et technique n'ont pas été suffisamment utilisées. Je pense en particulier à l'identification par les empreintes génétiques. Ces cinq dernières années aux Etats-Unis, 123 personnes - dont deux dizaines de condamnés à mort - ont été innocentées et libérées grâce à cette technique. Il y a quatre jours, George Ryan, gouverneur de l'Illinois, a gracié 167 condamnés à mort à cause du risque d'erreur judiciaire.

Chaque année, par ailleurs, des dizaines de milliers de coupables sont identifiés par cette méthode, qui consiste à rapprocher les traces génétiques des données contenues dans les fichiers informatisés.

En France, le retard est considérable et l'utilisation de cette technique se heurte à des oppositions étonnantes. Qui contesterait l'utilité du fichier des empreintes digitales ? Personne ! Mais nombreux sont ceux qui discutent l'opportunité d'étendre le système des empreintes génétiques.

Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques, que Marc Le Fur a évoqués. Je vous renvoie à son rapport ainsi qu'à celui que j'ai rédigé au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

L'efficacité de cette méthode est prouvée, s'agissant de l'analyse de l'ADN nucléaire. Je rappelle que celui-ci est différent de l'ADN mytochondrial, qu'on trouve par exemple dans les cheveux. Certains ont eu la tentation de dénigrer cette technique en confondant l'un et l'autre, à propos de la Corse notamment. Mais s'il est vrai que, dans une population qui s'est peu mélangée, les risques de coïncidence entre deux personnes sont d'un sur dix mille pour l'ADN mytochondrial, ils sont d'un sur un milliard pour l'ADN nucléaire, excepté le cas de vrais jumeaux. Il n'y a donc pas d'erreur d'analyse à craindre.

La technique des empreintes génétiques n'est qu'un des éléments qui servent à apporter la preuve d'une culpabilité. Si on prévoit des procédures strictes, il n'y aura pas d'erreurs.

C'est également sans fondement qu'on été invoqués des arguments éthiques. Les éléments analysés n'étant pas codants, on ne peut pas identifier autre chose que le sexe et les éventuelles pathologies de l'individu.

Il fallait redéfinir le cadre dans lequel on peut recourir à cette technique et étendre les cas où sa mise en _uvre est autorisée. Il faut que le fichier national ne recense pas seulement des condamnés, mais aussi des suspects, comme le prévoit ce projet. Il faut en outre qu'on ne puisse pas refuser le prélèvement.

Les moyens matériels et financiers mis à la disposition des équipes chargées des prélèvements, des laboratoires et des services responsables de la logique des fichiers doivent être à la hauteur de l'enjeu. La technique n'est efficace qu'assortie de moyens suffisants, mais je vous fais toute confiance, Monsieur le ministre, pour les mettre en place (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Rudy Salles - Je veux exprimer ma très vive satisfaction de voir notre assemblée se saisir enfin de ce texte courageux et énergique qui tend à rétablir l'ordre public républicain et la cohésion sociale. Alors que l'insécurité connaissait une expansion galopante, nous avons fait progresser les idéologies les plus extrémistes en nous voilant la face et en refusant de briser certains tabous. Il n'était que temps de réagir. Vous nous permettez de le faire sans plus tarder.

Je souhaite m'attarder sur le fléau que constitue la prostitution. Toutes les statistiques attestent l'explosion du phénomène : plus de 15 000 prostituées « exercent » aujourd'hui sur l'ensemble du territoire. Au delà des problèmes de tranquillité publique et de morale, cela pose un problème majeur de santé publique, car la prostitution concourt de manière non négligeable à la propagation des MST (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP). Tout doit donc être fait pour combattre cette forme particulièrement odieuse d'esclavage moderne.

Dans les Alpes-Maritimes, 80 % des personnes prostituées sont originaires des pays de l'Est et issues de filières organisées. L'article 29 du projet est donc particulièrement bienvenu en ce qu'il introduit une logique « gagnant-gagnant ». Dotées d'un titre de séjour provisoire, les personnes qui acceptent de témoigner contre leurs proxénètes auront un intérêt direct à le faire. J'aurais souhaité qu'elles puissent même déposer sous X, et je plaide pour une coopération internationale renforcée sur ces questions, à l'instar de celle que vous avez mise en place avec la Roumanie. Les caïds d'envergure internationale qui tiennent les réseaux ne seront réellement menacés qu'avec l'avènement d'un espace de police judiciaire européen.

M. Bruno Le Roux - Tout à fait !

M. Rudy Salles - Je défendrai également des amendements tendant à réprimer les outrages faits au drapeau tricolore et à l'hymne national. J'ai déposé sous la législation précédente une proposition de loi en ce sens et les graves incidents survenus au Stade de France ont remis ces questions sur le devant de la scène (« Absolument ! » sur les bancs du groupe UMP). Il faut faire respecter les symboles républicains et dissuader tous ceux qui seraient tentés de les souiller de le faire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Attentif aux droits des victimes et susceptible de redonner sens aux valeurs fondamentales de notre démocratie, ce texte constitue une étape essentielle. Nous le soutenons sans réserve car il nous fixe les combats que nous aurons à mener ensemble (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Monsieur le Président, nous sommes très sensibles à votre présence à cette heure avancée et je tiens à vous remercier personnellement de présider cette séance consacrée à des sujets que vous connaissez si bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Plusieurs députés socialistes - N'en faites pas trop !

M. le Ministre - Je suis sincère et je pense tout ce que je dis. Certains risquent du reste d'avoir à le regretter ! (Sourires)

Monsieur le rapporteur, j'aurai l'occasion, au cours de l'examen des articles, d'évoquer le travail que nous avons accompli ensemble. Le professionnalisme et la passion qui vous ont animé dans la préparation de ce texte appellent toute ma gratitude. Mes remerciements vont à l'ensemble de la commission des lois et à son Président.

Madame Zimmermann, vous avez donné avec beaucoup d'humanité l'avis de la délégation aux droits des femmes sur les dispositifs ayant trait à la prostitution, et je vous en suis également très reconnaissant.

Une chape de plomb pèse depuis trop longtemps sur le drame de la prostitution. Trop longtemps, la compassion l'a emporté sur l'action. Mais l'action, qui seule force à choisir, ce n'est rien d'autre que de la compassion qui s'engage. Vous avez du reste appelé à une compassion active, tendant à aider les associations à réinsérer les prostituées qui souhaitent s'en sortir. Vous avez posé la question récurrente et difficile de l'abandon des poursuites fiscales ; des mécanismes de remise gracieuse sont prévus dans le Livre des procédures fiscales en faveur des prostituées désireuses de se réinsérer socialement, et je suis extrêmement favorable à leur application ; un consensus devrait pouvoir se dégager sur ces questions. S'agissant des clients, merci d'avoir noté que nous proposons de sanctionner pénalement ceux qui recourent à des prostituées particulièrement vulnérables.

Cela ne réglera pas tout, mais sortons, de grâce, de cette maladie française qui veut que, pour être acceptée, la réforme doit être totale et parfaite : avec de tels raisonnements, on se condamne à l'immobilisme ! L'exemple de la réforme fiscale - M. Migaud pourrait en témoigner - est là pour nous le rappeler... Je n'ai pas le droit de commenter la décision de justice relative au délit d'exhibition, dont a fait état M. Perruchot, mais il y a là, me semble-t-il, une voie qu'il sera extrêmement utile d'approfondir pour répondre à certaines situations.

J'aurais voulu pouvoir débattre avec M. Braouezec mais il n'a fait que passer ! Il n'aura eu que le temps de donner des leçons à tout le monde, et de m'accuser tout à la fois de conduire une politique d'illusion et d'attenter aux droits de l'homme. Il faut choisir : soit mon action n'est qu'illusion et elle est alors parfaitement inoffensive, soit elle est attentatoire aux libertés ! M. Braouezec n'a pas su choisir. Cela ne témoigne pas d'une grande rigueur dans le raisonnement !

M. Léonard, qui fut rapporteur de votre loi, Monsieur le Président, connaît, si j'ose dire, le ministère de l'intérieur de l'intérieur... (Sourires) Je le remercie donc tout particulièrement de son soutien à la modernisation de l'outil statistique, sur laquelle les orateurs de l'opposition sont d'ailleurs restés bien discrets. Que n'aurais-je entendu si je ne l'avais pas lancée ! Et quant à ceux qui me demandent de forcer l'allure, pourquoi devrais-je faire en moins de huit mois ce qui n'a pas été fait en cinq ans ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) L'instrument statistique doit être mis à l'abri de tout risque de polémique (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste). J'ai lu avec attention le rapport Pandraud-Caresche et nous aurons l'occasion d'en reparler. Notre objectif doit être de disposer d'un instrument parfaitement fiable. C'est l'intérêt de tout le monde, tant il est vrai que l'alternance concerne tout le monde...

Vous avez eu raison, Monsieur Léonard, de dire qu'il faut prendre en compte les aspirations du peuple sauf à faire preuve de mépris à son égard. Le mot de mépris me semble particulièrement bien choisi : au nom de quoi serions-nous autorisés, nous autres qui avons été élus, à faire le tri entre celles des aspirations de nos concitoyens qui nous conviennent et celles qui ne mériteraient pas d'être prises en considération ? Pour un chef d'entreprise, gagner des clients, c'est noble. Pour un journaliste, convaincre de nouveaux lecteurs, c'est formidable. Pour un artiste, faire salle comble et vendre des millions de disques, c'est épatant ! Eh bien, pour un responsable politique, être à l'écoute de ses électeurs et tout faire pour en gagner de nouveaux, c'est tout aussi noble, et je ne vois pas au nom de quoi des gens qui n'ont jamais été élus viennent nous donner des leçons à ce sujet. Gagner des électeurs et les garder, c'est la noblesse de la fonction politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Il n'y a aucune démagogie dans cette démarche, mais au contraire le souci de tenir notre rôle. M. Léonard a parlé d'une responsabilité historique : le mot n'est pas trop fort. Si nous échouons, qui portera l'espoir du rétablissement de la sécurité des Français ? Qui fera barrage à l'extrême droite ? C'est bien une responsabilité historique que de tenter de faire revenir à nous les électeurs du Front national. La France de 2002 n'est pas l'Allemagne de 1932, celle de la montée de la peste brune et de la fascination pour le fascisme. Les électeurs de l'extrême droite sont des gens abandonnés, qui votaient auparavant pour la droite ou le centre : c'est à nous de les récupérer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Notre refus constant de toute alliance avec le FN n'aurait d'ailleurs aucun sens si nous ne cherchions à convaincre ses électeurs qu'ils ont toute leur place dans nos formations républicaines.

Enfin, Monsieur Léonard, je suis le premier conscient que nous n'en sommes qu'au début du travail. Je ne me satisfais pas des premiers résultats, mais je ne peux m'empêcher de penser à ce que j'aurais entendu, de la part de l'opposition, s'ils avaient été inverses ! Je ne sais pas s'il y a un miracle, Monsieur Blisko, ni qui va gagner la guerre, mais je sais qui l'aurait perdue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) En attendant, ces résultats ont au moins le mérite de vous retirer un argument contre le Gouvernement ...

J'ai été très sensible à votre discours, Monsieur Lagarde, et à l'expression de votre soutien : oui, c'est vrai, les milieux populaires attendent ce texte. Vous avez pris l'exemple d'une femme de votre circonscription : ce n'était ni démagogique ni caricatural, c'était simplement émouvant. Certains préfèrent que les responsables politiques se complaisent dans le domaine des grands principes et se montrent totalement déconnectés de la réalité, et lorsqu'un parlementaire vient donner le témoignage d'un de ses électeurs, ils crient à la démagogie, alors qu'il ne fait ainsi que démontrer son enracinement dans sa circonscription.

Oui, Monsieur Lagarde, il vaut mieux défendre les victimes que les coupables. Mais puisque vous dites que des artistes engagés à gauche soutiennent ce texte, je dois préciser que c'est aussi le cas d'élus de gauche ! Ainsi, le maire socialiste de Montpellier a dit que si son parti avait fait, au pouvoir, le dixième de ce que je fais, il aurait gagné ! Quand on a des bons auteurs, il faut les citer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Le maire socialiste de Mulhouse ne m'a pas donné l'impression de condamner si peu que cela soit ma politique ! Et le maire de Lyon, qui est aux prises dans sa ville, avec la prostitution, n'a pas l'air de considérer que mon projet de loi soit inutile !

Mme Martine David - Il ne le soutient pas !

M. le Ministre - Je ne veux gêner aucun de ceux qui sont présents ici, mais je n'hésite pas à faire une place, dans la droite républicaine, à ces compagnons de route prestigieux... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Ils ont beaucoup péché, ils se sont beaucoup trompés, ne les condamnons pas à l'erreur à perpétuité ! (Rires sur les mêmes bancs) Quant à vos amendements et à ceux de l'UDF, Monsieur Lagarde, j'y serai très attentif.

Monsieur Teissier...

Mme Martine David - Il n'est pas davantage là que ne l'est M. Braouezec !

M. le Ministre - Mais il m'a prévenu de l'obligation qui l'en empêchait.

Il existe, M. Teissier a raison, des microsociétés qui vivent de l'argent de la drogue. Julien Dray a dit que le calme était parfois trompeur. Dans certains quartiers, en effet, lorsque le calme prévaut, c'est que le caïdat fait régner la terreur. Ce phénomène est une de nos préoccupations constantes, et les GIR sont notamment destinés à le combattre. Depuis vingt ans, nous subissons un discours qui, à force de tout vouloir expliquer, a fini par tout excuser. C'est un problème typiquement français, que nos voisins n'ont pas connu.

Madame David...

M. Manuel Valls - Elle est là !

M. le Ministre - Et j'en suis heureux ! Elle a en effet parlé avec beaucoup de justesse et de sincérité. J'ai apprécié son plaidoyer vibrant contre l'insécurité, même si ses ambitions pour y remédier me semblent trop modestes. Elle a reconnu que vous n'aviez pas fait assez, que vous vous étiez trompés et que l'insécurité régnait. J'attendais qu'elle tire les conclusions du constat qu'elle avait si bien dressé, mais deux points d'accord sur trois, ce n'est déjà pas si mal ! (Sourires)

Vous nous reprochez, Madame, de ne pas avoir voté les moyens spectaculaires que les ministres de la gauche avaient obtenus. Est-ce pour cette raison que vous n'avez pas voté la LOPSI ?

Plusieurs députés socialistes - Nous avons voté l'article 2 !

M. le Ministre - Votre position est d'autant plus incompréhensible que M. Dray a reconnu que je donnais aux forces de police et de gendarmerie plus de moyens que vous ne l'aviez fait vous-mêmes ! C'est une nouvelle erreur de votre part, Madame, mais il ne vous en sera pas tenu rigueur...

En revanche, vous avez dit que les Français ne voulaient pas d'une police « incontrôlable » ; qui en voudrait ? Pourquoi la gauche instruit-elle sans cause un procès en sorcellerie à la police ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Les policiers sont des fonctionnaires comme les autres, à ceci près qu'ils sont les seuls à risquer leur vie tous les jours, et les propos comme ceux que vous tenez sont extrêmement blessants pour les gendarmes et les policiers.

Mme Martine David - Vous sortez un seul mot d'une phrase entière !

M. le Ministre - J'ai cité la phrase entière, qui était que « les Français ne veulent pas d'une police incontrôlable ». Pour le reste, j'ai apprécié votre ton et votre esprit d'ouverture, notamment en ce qui concerne le débat sur la prostitution. A ce propos, je dois souligner le décalage qui existe entre ce que l'on trouve dans la presse et ce que j'ai entendu ici : la quasi-totalité des orateurs ont reconnu qu'il y avait un grave problème. C'est pourquoi j'examinerai avec la plus grande attention les amendements, y compris socialistes, sur le sujet.

M. Perruchot a montré que la montée de l'extrême droite était nourrie par le sentiment d'impunité et d'immobilisme, alors que la sécurité est le premier des droits de l'homme. Il nous a appelés à renforcer l'action en faveur de la réinsertion des prostituées. Les amendements du groupe UDF seront les bienvenus.

M. Zuccarelli, dans une intervention extrêmement sincère et honnête, a reconnu qu'il fallait associer prévention et répression. Il a souhaité au Gouvernement de réussir, et je ne peux que regretter que ce souhait ait été absent des interventions de ses amis politiques, qui auraient pu au moins se réjouir de la baisse des statistiques ! M. Zuccarelli a également expliqué qu'il ne pouvait pas à la fois me demander de lutter contre les attentats en Corse et voter contre l'ouverture des coffres de voiture. C'est lumineux, et j'attends de ceux qui ont voté pour cette mesure lorsqu'elle était proposée par un ministre socialiste fassent de même lorsque c'est moi qui la propose...

M. Le Fur a évoqué la police scientifique. Je me suis, moi aussi, rendu à Ecully, pour y rencontrer les 1 500 fonctionnaires qui y travaillent, et j'ai ressenti une immense émotion en écoutant cette femme qui avait écouté les 26 dernières secondes de la petite suppliciée de la Somme, enregistrée alors qu'elle appelait, de son portable, les services de secours. Cette femme m'a expliqué qu'en 18 ans de police, c'est la première fois qu'elle avait pleuré. Elle a mis 24 heures à se ressaisir, et n'a pu réécouter l'enregistrement. Elle a voulu venir travailler à Ecully pour aider à retrouver les coupables. C'est cela, Ecully : ce ne sont pas des professeurs Tournesol ou de simples techniciens, mais des hommes et des femmes aussi impliqués dans les enquêtes que ceux qui travaillent sur le terrain, et qui accomplissent un travail remarquable. Tous, j'y insiste, attendent nos décisions sur les fichiers et les mesures techniques. Je vous propose d'organiser une visite dans leurs services : ils vous diront mieux que moi ce qu'ils en pensent. Pour ma part, j'attache plus d'importance aux demandes de ces personnels qu'aux craintes de professionnels de la posture, qui n'ont aucune idée de ce qu'est une enquête criminelle. C'est pour moi l'occasion de rendre un hommage vibrant à ces hommes et à ces femmes qui sont l'avenir de la police comme de la gendarmerie : le renforcement de leur moyens est la seule façon, je le dis à l'opposition, de sortir de la culture de l'aveu, qui n'est que trop fortement ancrée dans notre pays. J'espère vous avoir démontré, en disant cela, que cette mesure va bien dans le sens des droits de l'homme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je ne répondrai pas à M. Montebourg : compte tenu de ce que j'ai à lui dire, il vaudrait mieux qu'il soit là ! (Rires sur divers bancs)

M. Jean-Pierre Blazy - Vous m'avez oublié !

M. le Ministre - Je vous ai si peu oublié que je vais venir vous voir ! (Mouvements divers)

Monsieur Mariani, j'apprécie votre soutien et je serai particulièrement attentif à la question des rave-parties, comme à celle des gens du voyage.

Madame Lebranchu, je ne crois pas que rien n'ait été fait auparavant, et si je l'ai dit, je m'en excuse. Mais puisque M. Jospin à lui-même reconnu que les résultats n'ont pas été au rendez-vous, de deux choses l'une : soit vous n'avez rien fait, soit vous vous êtes trompés de méthode ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Est-ce à dire que vous avez tout faux ? Non, ce serait injuste. Mais l'un des problèmes, c'est que, pendant cinq ans, les arbitrages ont été rendus systématiquement au détriment de la sécurité des forces de police et de gendarmerie. Certains, parmi vous, ont parfaitement compsis la gravité de la situation, mais ils n'ont pas été entendus.

Vous m'appelez, Madame Lebranchu, à respecter l'équilibre entre répression et prévention, entre justice et police. Je dis oui à cet équilibre, mais non au déséquilibre antérieur : tout pour la procédure pénale, rien pour l'interpellation ! Il suffit d'interroger les syndicats de police, ils vous diront tous, même ceux qui ne sont pas de droite, qu'ils ont été les oubliés de cette période ; d'ailleurs certains d'entre vous l'ont reconnu.

Sur un point, je suis d'accord avec vous : les moyens de la psychiatrie sont insuffisamment développés en France. La question des délinquants sexuels devrait être traitée de façon beaucoup plus sérieuse - je pense notamment à l'horrible pourcentage de récidivistes parmi ces personnes, qui sont d'abord des malades. On ne peut pas les relâcher sans un soin judiciaire et médical. Le Gouvernement est prêt à en débattre et un consensus devrait être possible sur ce sujet. Mais le « politiquement correct » voulait qu'on ne parle pas des questions dont parlent les Français...

Au sujet des gens du voyage, vous avez dit avec humour que si l'on confisque les voitures, les caravanes resteront. Mais tous ceux qui connaissent les gens du voyage savent l'importance qu'ils attachent à leur moyen de déplacement, et la seule idée qu'on puisse le saisir aura un effet très dissuasif.

Monsieur Leonetti, merci de votre soutien déterminé. C'est vrai qu'il y a eu échec collectif : nous avons tous sous-estimé la gravité du problème et refusé, moi comme les autres, d'en parler à la télévision et à la radio...

M. Gérard Léonard - Sauf notre président !

M. le Ministre - Notre président est, comme toujours, un exemple hors du commun ! (Sourires) Le Gouvernement est, comme vous, soucieux de préserver l'équilibre du projet.

M. Pajon a déclaré partager nos objectifs et je l'en remercie. Le problème, c'est qu'il n'en tire aucune conclusion. Qu'il s'en explique devant ses électeurs : « oui, l'insécurité existe, oui, on l'a sous-estimée, on a décidé de rester assis sur la partie la plus confortable de notre anatomie, à réfléchir, à commenter et à colloquer ! » (Rires) Eh bien, je ne suis pas sûr que les Français nous aient élus pour colloquer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Merci, Monsieur Fenech, de ne pas avoir vu dans ce texte une attaque contre le pouvoir judiciaire. Venant d'un ancien magistrat, le compliment fait mouche ! Merci d'avoir rappelé à l'opposition que, huit mois après avoir amené les policiers, les magistrats et les gendarmes à manifester dans la rue, il est un peu risqué de se présenter comme les défenseurs de ces professions !

M. Dray est certainement le premier, à gauche, à avoir tiré la sonnette d'alarme. Il se demande si l'effet des mesures Sarkozy sera durable. Mais, le fait même qu'il se pose la question est déjà un hommage ! (Sourires) J'aurais au moins réussi à créer un doute dans son esprit, et ce n'est pas rien : cela prouve que les Français peuvent être convaincus, eux aussi, qu'il n'y a pas de fatalité !

M. Dray me reproche cependant de n'avoir prévu aucune disposition contre le trafic de stupéfiants. Mais c'est pour lutter contre ce trafic que nous avons créé les GIR, et il sait très bien que, si les perquisitions de police ne débouchent sur aucune saisie, c'est parce qu'aujourd'hui, dans les banlieues, on ne stocke plus la drogue : à peine arrivée du Maroc via l'Espagne, elle est distribuée par une multitude de revendeurs. C'est pourquoi nous avons décidé de changer complètement de technique d'intervention et de passer par la voie fiscale et financière : comment se fait-il que des gens qui n'ont jamais travaillé possèdent des voitures, des comptes en banque, des appartements, des commerces ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) On peut être contre les GIR, mais on ne peut pas dire que nous ne faisons rien contre l'économie souterraine.

M. Dray a également parlé de « paix des lâches ». C'est une belle expression, mais ce n'est pas la politique de ce Gouvernement. Si le nombre de policiers et gendarmes blessés a nettement augmenté en 2002, c'est parce qu'ils ont été au contact des malfaiteurs. Il y avait « paix des lâches » en revanche, quand les policiers n'avaient plus le droit de mettre les pieds dans des zones entières ! Et si nous avons aujourd'hui des ennuis au Mirail, à Pau ou dans certaines banlieues parisiennes, c'est justement parce que la police a décidé de réinvestir le terrain qui avait été trop longtemps abandonné.

Je développerais plus longuement l'idée que ce texte rompt avec la culture de l'excuse si Mme Boutin, qui en a parlé, était là pour que je lui réponde.

Mme Bousquet me reproche de privilégier «le sécuritaire » sur la sécurité. Qu'a-t-elle voulu dire ? Même après réflexion, je ne comprends toujours pas... (Rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Elle a dit aussi qu'avec ce projet, tous les citoyens allaient être soumis à l'arbitraire. Cela prouve que l'on peut être à la fois élue et excessive... Qui peut penser une seconde que les soixante millions de Français seront les premières victimes de ce texte ? Enfin, si la situation des prostituées la préoccupait tant que cela, que n'a-t-elle poussé le gouvernement précédent à agir ? Mme Bousquet me demande de lutter contre les réseaux ; j'ai annoncé le doublement des effectifs. Elle me demande d'agir en faveur de l'insertion ; j'ai dit que je ferai plus et mieux. Elle me demande de responsabiliser les clients ; il me semble en avoir parlé...

M. Cardo a été l'un des premiers, ici, à se préoccuper des questions de sécurité, avec à la fois acharnement et mesure. Son propos résonnait comme un réquisitoire envers ceux qui, pendant si longtemps, n'ont rien fait.

Monsieur Blisko, je vous ai trouvé sévère...

Plusieurs députés socialistes - Mais juste !

M. le Ministre - ...avec le gouvernement Jospin (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP). Sévère mais juste, en effet... (Nouveaux rires sur les mêmes bancs) La description que vous faites d'une France où règnent l'injustice et le racisme, où l'on n'a pas d'éducation, pas de logement, pas d'avenir est terrible. Mon Dieu, comme vous avez dû souffrir pendant cinq ans ! (Mêmes mouvements)

M. Dray m'avait flatté en parlant d' « effet Sarkozy ». Vous êtes allé plus loin en parlant carrément d'un « miracle ». Venant de vous, j'apprécie à sa juste valeur le compliment...

Vous vous êtes plaint, néanmoins de la politique de sécurité que je mène à Paris.

Pourtant, M. Delanoë ne me reproche rien, lui, et il a même été assez fier d'annoncer que la délinquance parisienne avait baissé en 2002, et je n'ai vu aucune condamnation de ma politique dans sa captation intelligente et subtile de ce résultat.

J'en déduis donc que tout le monde est content, sauf le maire du 13ème arrondissement. J'en tirerai toutes les conséquences lors des arbitrages, et la population du 13ème en sera informée...

Vous avez terminé en disant que la sécurité est chose trop sérieuse pour être confiée aux forces de sécurité. Les responsables syndicaux apprécieront... Comptez sur moi pour me faire le propagateur d'un message aussi original ! (Rires sur les bancs du groupe UMP).

Mme Morano a parlé du triptyque entendre-comprendre-agir. C'est ce que nous essayons de faire. Je vous remercie, Madame, de ce que vous avez dit à propos de Sangatte, et j'en profite pour rendre hommage au maire communiste de Calais et au maire socialiste de Sangatte...

M. Jean-Marie Le Guen - Ce n'est plus une ficelle, c'est une corde à n_uds !

M. le Ministre - Vous ne devriez pas parler ainsi, car ce n'est pas vous, ni moi, qui avons supporté pendant trois ans et demi ce qu'ils ont supporté...

M. Jean-Marie Le Guen - Ce sont maintenant les Parisiens qui supportent les exclus de Sangatte. Allez voir sur la dalle des Olympiades !

M. le Ministre - Ne vous inquiétez pas, je m'occuperai aussi de vous, et vous aurez aussi votre cadeau de début d'année... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Pendant trois ans et demi, les élus locaux concernés n'ont pas reçu la visite d'un seul ministre, alors que le ministre des affaires sociales était pourtant élue de la région... On avait fini par en conclure que le problème était sans solution. Oh, je ne prétends pas que la fermeture du centre de Sangatte règle le problème de l'immigration : mais je dis seulement que ce centre était une honte et qu'il fallait le fermer.

M. Philip nous a fait part de son expérience lyonnaise. La ville est confrontée à des problèmes de prostitution et d'immigration qui vont nous amener à prendre des mesures particulières, car la situation ne peut pas durer.

Mme Rimane a parlé avec beaucoup de talent de la Guyane, où l'insécurité sévit avec une violence que l'on ne connaît que peu en métropole. Nos compatriotes d'outre-mer ont droit à la même sécurité qu'en métropole, et c'est avec plaisir que je répondrai à son invitation à me rendre sur place.

J'ai apprécié la différence qu'a faite M. Vanneste entre le réflexe, qui n'est que posture, et la réflexion, qui marque l'humanité d'une action. M. Aeschlimann a évoqué Pascale et il a bien fait, car il est temps que l'on parle ici des victimes. Pour Pascale, il est hélas trop tard, mais il faut penser aux autres, qui endurent une double souffrance : celle de l'agression et, ensuite, celle de rester seuls face à leur détresse, avec le sentiment que tout le monde s'en fiche... Toutes les associations de victimes m'ont dit à quel point la considération portée aux personnes était importante.

M. Descamps a brossé le tableau d'une ruralité qui connaissait naguère paix et tranquillité, et qui est désormais confrontée, elle aussi, à l'insécurité. Il nous invite à réformer les méthodes de la gendarmerie et à lui rendre confiance : c'est un chantier prioritaire pour moi. Ce que nous avons fait pour la police, nous allons le faire, en 2003, pour la gendarmerie.

Les gendarmes ne demandent qu'une chose : être fiers de leur uniforme et de leur travail. Ils vivent en casernement avec leurs familles, et leurs premiers spectateurs sont, en quelque sorte, leurs conjoints et leurs enfants. Croyez-moi, ils sont malheureux de ce qu'ils subissent depuis des années, et ne souhaitent qu'une seule chose : être toujours plus efficace.

M. Descamps a également parlé des gens du voyage. Je me battrai pour qu'on leur trouve des places, car ils ne doivent pas être exclus du territoire national. Ils doivent certes, respecter nos lois mais nous devons aussi leur faire la place à laquelle ils ont droit.

Oui, Monsieur Cugnenc, nous mettrons en _uvre la politique pour laquelle nous avons été élus. Chaque fois que nous avons oublié de le faire, la sanction a été immédiate. Nous avons compris la leçon.

Vous avez mille fois raison de dire qu'il faut protéger les personnels de santé. Pas seulement quand ils se déplacent, mais aussi dans les hôpitaux mêmes, notamment dans les services d'urgence, où il est anormal qu'ils aient à affronter violences et bagarres, alors qu'ils sont là pour soigner et soulager.

M. Carayon a parlé de « popularité », mais qu'on ne s'y trompe pas : ce n'est pas le ministre qui est populaire, c'est l'action menée. A l'instant où elle s'interromprait ou dévierait, il ne resterait rien de cette popularité. Je suis d'accord avec lui quand il déplore les ravages causés par le trop fameux « il est interdit d'interdire ». Trente-cinq ans après, nous en payons encore le prix, tant il est vrai que s'il suffit de quelques mois pour détruire les effets d'une bonne décision, ceux d'une mauvaise se font parfois sentir pendant des décennies. Des générations entières ont souffert de l'affaiblissement des valeurs éducatives.

Oui, Monsieur Decocq, il faut reconstruire la relation entre le politique et le citoyen, car nous avons tous perdu l'écoute des classes populaires. Celles-ci ne s'intéressent pas aux débats intellectuels infinis, mais voient tout de suite, et brutalement, si ça va mieux ou pas. Or, elles ont trop souvent constaté que le discours n'était pas suivi d'effet.

M. Delnatte a très bien parlé de la prostitution et de la nécessité d'une coopération internationale. Un des réseaux de prostitution actif à Paris vient d'être démantelé. Toute la famille s'y mettait : la grand-mère faisait tous les quinze jours le voyage avec l'argent liquide vers la Roumanie, les fils frappaient et « protégeaient » les malheureuses prostituées, les petits-fils réservaient les chambres d'hôtel sordides où elles vivaient avec leurs geôliers. Pas un centime ne restait dans notre pays. Eh bien, nous avons pris contact avec le gouvernement roumain et une évolution de la législation roumaine devrait bientôt nous permettre de faire saisir les biens des proxénètes exerçant en France. On le voit : sans collaboration internationale, on ne pourra éradiquer les réseaux de proxénétisme.

Oui, Monsieur Cabal, la France est en retard sur la question des fichiers, dont vous avez parlé avec humanité et technicité. Vous avez raison, l'aspect budgétaire est essentiel. J'ai cru comprendre que vous nous soutiendrez, et c'est une bonne nouvelle.

Monsieur Salles, je crois, moi aussi, ce texte courageux. Maintenant qu'on voit qu'il est compris par une grande partie de nos concitoyens, l'exercice est moins difficile, mais au début, les conseils n'ont pas manqué : « attention, ne va pas trop loin » ; « laisse tel ou tel problème de côté ». Si j'avais écouté ma propre administration, ce cercle technocratique qui entoure chaque ministre, je serais venu devant vous sans un grand nombre des mesures qu'il comporte, et qui sont désormais plébiscitées par nos concitoyens.

Eh bien, j'en tire la conclusion, Monsieur Blazy, que l'essentiel, c'est la primauté du politique, et que le drame des années récentes, c'est qu'il y a eu primauté du technique. Les techniciens ont un rôle indispensable mais ce n'est pas à eux de fixer le cap, de déterminer la stratégie, de choisir entre les sujets de préoccupation des Français.

Nous voulons tous la sécurité. La seule façon de la rétablir, c'est que les politiques fassent de nouveau leur travail. Je me réjouis que nous ayons, vous et nous, quelques jours devant nous pour répondre à l'attente de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Bruno Le Roux - Rappel au Règlement ! Nous représentons tous, à égalité de droits, une partie du peuple français et du territoire de la République. Nous ne pouvons accepter de légiférer sous l'intimidation (Protestations sur les bancs du groupe UMP), d'entendre des propos comme « vous aurez vos cadeaux de Noël » ou « j'irai vous rendre visite et vous verrez... » (Mêmes mouvements).

M. le Président - Je n'ai pas eu le sentiment, de là où je suis, que votre sécurité ait été menacée... (Sourires)

J'ai veillé à ce que chacun puisse s'exprimer. La liberté règne dans notre Assemblée et nos sommes tous des représentants de la nation.

M. le Ministre - Dans un aparté, M. Blazy s'était plaint, à juste titre, des effectifs dans son département, c'est pourquoi je lui ai proposé de venir sur place le constater afin de tenter d'y remédier. Ce n'était pas une menace que je brandissais, mais un service que je lui proposais. J'ai d'ailleurs constaté, lors de mes déplacements, que les élus socialistes ne se plaignaient guère que je sois à leurs côtés...

Quant à M. Le Guen, que je connais depuis longtemps, je connais sa capacité de résistance et son sens de la polémique, et je me réjouis donc des nombreuses heures que nous allons passer ensemble...

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 16 janvier, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 16 JANVIER 2003

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion du projet de loi (n° 251) autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part (ensemble huit annexes et six protocoles).

M. Loïc BOUVARD, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 373.)

(Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du Règlement)

2. Discussion du projet de loi (n° 252) autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part (ensemble sept annexes et cinq protocoles).

M. Loïc BOUVARD, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 373.)

(Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du Règlement)

3. Discussion du projet de loi (n° 228) autorisant l'approbation du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique.

M. Jean-Jacques GUILLET, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 505.)

(Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du Règlement)

4. Discussion du projet de loi (n° 239) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part.

M. Jean-Claude GUIBAL, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 506.)

(Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du Règlement)

5. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 271), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative au raccordement de la Suisse au réseau ferré français, notamment aux liaisons à grande vitesse (ensemble une annexe).

M. Bernard SCHREINER, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 457.)

(Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du Règlement)

6. Discussion du projet de loi (n° 337) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu'en matière de contributions des patentes et de contributions foncières, du 21 juillet 1959, modifiée par l'avenant du 9 juin 1969 et par l'avenant du 28 septembre 1989, signé à Paris le 20 décembre 2001.

M. Gilbert GANTIER, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 522.)

(Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du Règlement)

7. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 273), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la responsabilité civile au titre des dommages nucléaires du fait de fournitures en provenance de la République française destinées à des installations nucléaires en Fédération de Russie.

M. René ANDRÉ, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 523.)

(Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du Règlement)

8. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 269), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative à la coopération administrative.

M. Henri SICRE, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 524.)

(Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du Règlement)

9. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 381), pour la sécurité intérieure.

M. Christian ESTROSI, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (Rapport n° 508.)

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (Rapport d'information n° 459.)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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