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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 46ème jour de séance, 122ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 21 JANVIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      SÉCURITÉ INTÉRIEURE (suite) 2

      APRÈS L'ARTICLE 17 UNDECIES 2

      AVANT L'ART. 18 10

      ART. 18 17

      APRÈS L'ART. 18 22

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 22 JANVIER 2003 24

La séance est ouverte à vingt et une heures.

SÉCURITÉ INTÉRIEURE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, pour la sécurité intérieure.

APRÈS L'ARTICLE 17 UNDECIES

M. André Gerin - L'amendement 152 tend à améliorer la protection des victimes de la traite des êtres humains et la lutte contre la prostitution.

Je partage les idées qui ont été exprimées cet après-midi. Les propositions qui ont été énoncées vont pour l'essentiel dans le bon sens. J'aurais simplement aimé que l'on puisse parler de la prostitution mondaine - peut-être cela sera-t-il possible à l'occasion d'un autre texte de loi - ainsi que de la prostitution économique, qui accompagne la paupérisation.

M. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois - Cet amendement répond à notre souci de trouver un équilibre entre dimension humaine, réponse sociale et mesures répressives. Son objectif est louable, et il complète utilement l'amendement 414 qui va être proposé par le Gouvernement concernant les hébergements de réinsertion des victimes de la traite. Avis favorable.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Vous instaurez l'obligation pour l'Etat de protéger et d'assister les victimes. Je ne peux qu'y être favorable. Je ferai simplement remarquer que pour reconnaître une victime, il faut qu'elle porte plainte contre son proxénète.

M. Noël Mamère - Je m'oppose à cet amendement à cause de la façon dont il est entendu par le Gouvernement. Pousser les prostitués à dénoncer les proxénètes peut rendre leur situation encore plus dangereuse. Ce n'est pas par cette voie qu'on arrivera à les sortir de leur condition, mais en détruisant les réseaux mafieux. J'attire donc l'attention de M. Gerin sur le piège qu'on est en train de lui tendre : on accepte son amendement pour mieux justifier le reste des propositions.

M. le Ministre - Je voudrais simplement préciser que c'est l'amendement de M. Gerin que le Gouvernement vient d'accepter, pas les propos de M. Mamère : qu'il ne se fasse aucune illusion !

M. André Gerin - Tout le monde connaît mon opinion sur la philosophie générale du projet, et je n'en ai pas changé. Mais en tant que maire et que député, je ne suis pas partisan du tout ou rien et je suis heureux que la proposition qui est acceptée par le Gouvernement fasse faire un pas en avant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 152, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Le Sénat a adopté un article additionnel portant sur des centres d'hébergement et de réinsertion sociale sécurisés, qui seraient réservés aux victimes de la traite des êtres humains. J'avais accepté cet amendement parce que disposer d'un hébergement d'urgence est crucial pour les personnes qui veulent sortir de leur esclavage. Mais sa rédaction posait des difficultés.

L'hébergement des victimes peut s'effectuer selon deux options. La première, choisie par l'Italie, consiste en des centres protégés par la police et qui ne regroupent que des prostitués. Nous n'y sommes guère favorables, car les victimes sont en quelque sorte désignées à la population et surtout sous la menace constante des proxénètes, qui connaissent ces centres et viennent rôder autour. La seconde solution consiste à garantir la sécurité de la victime par une insertion rapide dans le droit commun. Elles sont placées dans des CHRS ou des CADA, en compagnie d'autres personnes en situation difficile mais qui ne sont pas des prostitués et de préférence dans une ville éloignée de l'influence du réseau de prostitution. Elles y bénéficient d'un accompagnement social et d'un certain anonymat.

Le Gouvernement préfère cette solution. C'est pourquoi l'amendement 414 propose de réécrire l'article issu du Sénat, sans en modifier l'esprit.

M. le Rapporteur - Avis très favorable.

M. Noël Mamère - C'est en effet dans ce sens qu'il faut aller. Je suis heureux que vous disiez vouloir travailler avec les associations. On ne peut rien faire sans leur aide, car elles connaissent parfaitement tous les volets du problème. Nous savons que la réinsertion classique n'est pas efficace dans le cas des prostitués.

M. Bruno Le Roux - Nous partageons l'objectif de cet amendement. La réinsertion sociale est cruciale pour les prostitués, et elle est assurée par les associations. Toutefois, nous avons remarqué que si les subventions de l'Etat aux associations nationales de lutte contre la prostitution et de réinsertion sociale des prostitués se montaient à 250 000 € en 2001 et en 2002, rien n'est prévu dans le projet de loi de finances pour 2003.

Cet amendement constitue-t-il une simple déclaration d'intention ou les associations bénéficieront-elles réellement d'un surcroît de moyens ?

M. le Ministre - Le ministère de l'intérieur a fait mouvement sur ce sujet et le budget suivra. J'ai du reste été chargé par le Premier ministre de coordonner une politique interministérielle de prévention...

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. le Ministre - ...qui sera aussi dynamique que la politique de sanction que je conduis depuis plusieurs mois. Je m'en voudrais de vous décevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 414, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité.

Mme Marie-Françoise Clergeau - L'amendement 315 de Mme Royal vise à permettre au juge de prendre en urgence des mesures conservatoires de protection en faveur des femmes victimes de violences conjugales. Il s'agit notamment d'interdire à l'auteur des violences de paraître au domicile conjugal et d'attribuer à ce titre la jouissance exclusive de ce dernier au conjoint victime. Les violences conjugales doivent être reconnues dans leur juste dimension et j'observe que la plupart des pays européens ont adopté ce type de protection.

M. le Rapporteur - L'objectif est louable et cet amendement, comme bien d'autres, a fait l'objet de longues discussions en commission. A l'évidence cependant, le présent texte n'a pas vocation à modifier le code civil...

M. Bernard Roman - Rien n'empêche pourtant de le faire !

M. le Rapporteur - ...et aux termes de plusieurs articles du code civil, le juge peut déjà interdire à l'auteur de violences conjugales d'entrer en relation avec ses victimes. L'état du droit est donc suffisant et la commission a par conséquent rejeté l'amendement de Mme Royal.

M. le Ministre - Je suis un peu embêté par cet amendement qui tend en fait à instituer un référé civil en matière conjugale. Pour intéressante qu'elle soit, la démarche n'est pas assez encadrée. Interdire au mari de paraître au domicile conjugal, soit, mais pour combien de temps et de quelles voies de recours disposera-t-il ? Mais, je le répète, nous ne sommes pas en désaccord sur le principe : les violences conjugales existent, il faut en tenir compte et protéger au mieux les victimes. Mme Ameline et le Garde des Sceaux vont déposer un texte en ce sens.

J'invite par conséquent les membres du groupe socialiste présents ce soir à retirer cet amendement, au bénéfice de mon engagement qu'il en sera traité dans le texte que je viens d'évoquer. M'ayant incité à ne pas légiférer dans l'urgence et à ne pas empiéter sur les prérogatives du Garde des Sceaux, je ne doute pas que les parlementaires de l'opposition soient sensibles à mes arguments (Sourires).

Mme Marie-Françoise Clergeau - Nous maintenons l'amendement.

L'amendement 315, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Morange - L'amendement 480 rectifié tend à compléter l'article 227-15 du code pénal en disposant que « constitue notamment une privation de soins le fait de maintenir sciemment un enfant en très bas âge sur la voie publique ou dans un espace affecté au transport collectif de voyageurs, dans le but de solliciter la générosité des passants ». Il s'agit bien entendu de sanctionner le comportement inacceptable de ceux qui mettent en péril la santé de jeunes enfants pour susciter la compassion des passants.

M. le Rapporteur - Il s'agit d'un amendement de bon sens qui participe d'une politique responsable de protection de l'enfance. Il n'est que temps de se doter d'un instrument juridique adapté pour mettre fin à ces pratiques intolérables. Au reste, il ne s'agit pas d'incriminer les parents en état de nécessité absolue ne pouvant être tenus pour responsables mais les adultes qui exploitent sciemment de jeunes enfants à des fins hautement condamnables. La commission a adopté sans réserve cette proposition parfaitement équilibrée.

M. Noël Mamère - Sous une apparence de bon sens, l'amendement est dangereux. M. le rapporteur parle de protection de l'enfance. Les moyens proposés ne participent justement pas d'une bonne politique de protection de l'enfance (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Ce n'est pas en arrachant des enfants à leur famille qu'on les protège...

Mme Christine Boutin - Mais ce ne sont pas leurs enfants.

M. Noël Mamère - Il ne s'agit, une fois encore, que de stigmatiser une partie particulièrement vulnérable de la population (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Utiliser ses propres enfants - ou ceux des autres - pour soutirer de l'argent aux passants, c'est cela qui est inacceptable (M. Mamère proteste). Et je ne dis pas, Monsieur Mamère, que vous avez laissé entendre le contraire. L'amendement se borne à assimiler ce comportement à une privation de soins déjà prévue par le code pénal. Qui peut raisonnablement contester que le fait de trimballer un enfant par monts et par vaux pour le faire mendier dehors toute la journée constitue une privation de soin ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Le Gouvernement ne peut qu'approuver cet amendement de bon sens.

Mme Christine Boutin - M. Mamère joue les candides mais je ne puis concevoir qu'il ignore que les adultes visés par l'amendement utilisent rarement leurs propres enfants mais des jeunes drogués au valium, exposés à toutes les privations pour apitoyer le passant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - L'objet « social » de cet amendement pose bien entendu moins de problème de principe que son insertion quelque peu singulière dans un dispositif à vocation explicitement répressive. La privation volontaire de soins constitue déjà un délit. Il est tout à fait possible de poursuivre les personnes considérées sur la base des textes existants. Au surplus, la rédaction proposée n'est guère satisfaisante et je regrette que le président de la commission des lois ne soit pas là pour la défendre. La définition du délit est en effet très singulière. Qu'adviendra-t-il si un des éléments cités n'est pas réuni - par exemple, si la mendicité n'a pas lieu sur la voie publique mais à ses abords immédiats - ? Les rédacteurs se sont d'ailleurs sentis obligés d'ajouter un « notamment », ce qui n'est guère admissible en droit pénal.

Mieux vaudrait appliquer le texte en vigueur dans toute sa dureté plutôt que d'introduire des précisions inutiles et même dangereuses.

M. Noël Mamère - Répondant à Mme Boutin, M. Vidalies a aussi répondu à l'argument avancé par le ministre : si le code pénal permet déjà de sanctionner la privation de soins à enfant, pourquoi y introduire cette disposition ? L'ajout risque même de poser plus de problèmes qu'il n'en réglera.

L'amendement 480 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Bruno Le Roux - L'amendement 281 est défendu.

L'amendement 281, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bruno Le Roux - L'amendement 280 est également défendu.

M. Christian Vanneste - Comment ne pas voir dans cette proposition un hommage du vice à la vertu ? L'un des grands mérites du projet est de s'attaquer à ceux qui, eux-mêmes à l'abri des poursuites, profitent de délits commis par des personnes en état de dénuement. L'amendement de M. Montebourg tend à renverser dans ce cas la charge de la preuve et nous approuvons évidemment son esprit, en nous félicitant du revirement opéré par son auteur. Simplement, nous observons que celui-ci vise la seule association de malfaiteurs, déjà sanctionnée par la loi, et notre sous-amendement 502 tend donc à incriminer également le « proxénétisme » du terrorisme, c'est-à-dire la manipulation de croyants par des gens qui se tiennent, eux, à l'abri de toute sanction.

M. le Rapporteur - Renversant la charge de la preuve dans les affaires d'association de malfaiteurs, l'amendement contribue à rendre la répression plus efficace et, venant de M. Montebourg, l'idée ne manque pas d'intérêt !

Mme Christine Boutin - Ni de sel !

M. le Rapporteur - Cependant, le sous-amendement de MM. Léonard, Vanneste et Siffredi et de Mme Morano permet de mieux encadrer la disposition, dans l'esprit d'un projet visant à lutter contre le proxénétisme. Nous acceptons donc l'amendement sous réserve que ce complément y soit ajouté.

M. le Ministre - Comme nous ne retiendrons pas l'amendement de M. Montebourg, le sous-amendement ne pourra malheureusement être adopté, mais le Gouvernement vient de déposer un amendement 504 qui en reprend exactement les termes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le sous-amendement 502 est retiré.

M. Bernard Roman - Que reprochez-vous à l'amendement de M. Montebourg ?

M. le Ministre - L'on ne peut retenir le « Montebourg » parce que l'association de malfaiteurs est déjà punie par la loi. Le « Vanneste » vise, lui, le proxénétisme, mais ne pourra être voté. Mon amendement reprend le raisonnement de M. Montebourg, mais en en déplaçant le point d'application.

L'amendement 280, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 504, mis aux voix, est adopté.

M. Bruno Le Roux - Les amendements 282 à 285 sont défendus.

Les amendements 282 à 285, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Gerin - L'amendement 162 2ème rectification vise à combler une lacune du projet en s'attaquant au travail au noir. Celui-ci, qui porte le plus souvent sur des productions licites, élude tout prélèvement fiscal et social et va de pair avec la sous-rémunération et avec le non-respect des règles de sécurité et d'hygiène. Il est de pratique courante, et même notoire, dans le bâtiment, dans l'agriculture, dans l'habillement et le textile notamment. Des quartiers comme le Sentier comptent ainsi nombre d'ateliers clandestins. Avec la mondialisation, ce genre d'activités ne fait que se développer, en particulier dans les banlieues. Les contrefaçons ainsi produites sont écoulées grâce à des filières « parallèles », dont les réseaux mafieux sont maîtres. Cependant, cette économie de l'ombre, qui représente 8 % de l'économie européenne, n'est pas exclusivement liée au trafic de stupéfiants : elle est aussi un grand pourvoyeur de fonds pour les réseaux organisés. Pour s'y attaquer efficacement, il importe de lutter efficacement contre les employeurs clandestins. Le code du travail reconnaît bien l'infraction de travail dissimulé et il prévoit des sanctions, mais les condamnations restent relativement rares, malgré des améliorations récentes. Notre amendement vise à réprimer plus durement les auteurs de cette délinquance en col blanc.

Cette délinquance patronale... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Loin de moi l'idée de jeter l'opprobre sur tout le patronat : je n'ai pas pour habitude de faire des amalgames ! Mais il existe des patrons véreux, des patrons voyous : voyez Métaleurope ! Les sanctions prononcées à leur encontre auront valeur d'exemplarité pour la jeunesse et rétabliront un sentiment d'équité.

M. le Rapporteur - Dénonçant certaines formes d'exploitation du travail, vous rejoignez l'esprit de l'article 18 et, plus largement, de ce projet qui vise l'exploitation de la prostitution ou de la mendicité par des réseaux. La commission avait rejeté votre amendement, estimant excessives les sanctions proposées. Vous avez revu ce point et le dispositif apparaît ainsi plus équilibré. Je donnerai donc un avis favorable à l'amendement.

M. le Ministre - Le travail dissimulé compromet gravement l'équilibre de la sécurité sociale, les employeurs en cause ne payant pas de cotisations. Il est souvent le fait de réseaux qui font venir et exploitent de façon inhumaine des étrangers en situation irrégulière. Le Gouvernement n'entend pas tolérer de tels agissements : nous sommes d'accord avec vous pour les punir plus sévèrement (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 162, 2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

M. Guy Geoffroy - Les amendements 48 et 49 sont défendus.

M. le Rapporteur - L'amendement 48 est de coordination, avec l'amendement 49, que la commission a repoussé pour des raisons, non de fond, mais de forme. Il tend à rendre imprescriptibles les crimes sexuels comme seuls le sont aujourd'hui les crimes contre l'humanité.

Nous avons pris des positions très fortes pour lutter contre la cybercriminalité et les réseaux de pédophiles. Les propositions de M. Lellouche relèvent plutôt d'un texte sur la justice, même si nous partageons leurs objectifs, ainsi que ceux de Mme Royal, dans l'amendement 316. Le Parlement doit débattre sur ce sujet.

M. le Ministre - Sagesse !

Mme Marie-Françoise Clergeau - Nous avons tous été confrontés à des cas de personnes qui ne peuvent engager de poursuites car le délai de prescription est passé. Je me permets d'insister. Il est important de permettre à ces personnes de retrouver un équilibre psychologique.

M. Noël Mamère - On ne peut mettre sur le même plan les amendements 49 et 316. Le premier propose l'imprescriptibilité, alors que le second tend à allonger le délai de prescription de l'action publique des crimes commis contre des mineurs de dix ans à compter de la révélation des faits. Cet amendement me paraît recevable. Nous devrions le voter sur tous les bancs de cette Assemblée.

M. Gérard Léonard - Nous considérons tous que, s'il est un crime grave, c'est bien celui de la pédophilie. Les études scientifiques démontrent que la révélation publique des faits est tardive - d'où l'importante mesure prise sous la précédente législature, qui fait courir le délai de prescription à compter de l'âge de la majorité. Je ne suis pas sûr que l'on aille assez loin. C'est en effet autour de la trentaine que les personnes victimes de pédophiles parlent de leur agression.

Il faudrait trouver un juste milieu, mais sûrement pas à l'occasion de ce débat, car une telle disposition relève plutôt de la Chancellerie que du ministère de l'intérieur.

M. le Ministre - Bien sûr.

M. le Président - Les deux amendements ne sont pas identiques. Quelle est votre position ?

M. Gérard Léonard - L'amendement 49 ne me paraît pas adapté : l'excès est parfois contre-productif.

Je suis en revanche très séduit par l'amendement 316, mais je pense, je le répète, qu'il aurait plutôt sa place dans le texte que le Garde des Sceaux déposera prochainement.

M. Alain Vidalies - Nous avons un débat important, attendu par des gens qui connaissent de graves difficultés.

Comme il n'y a pas de limites à l'horreur, le jour où l'on aura décidé que ce type de crimes est imprescriptible, nous risquons d'être confrontés à d'autres types de crimes tout aussi graves auxquels l'imprescriptibilité pourra être appliquée. C'est toute la difficulté de l'amendement 49. Je crois que l'imprescriptibilité doit être réservée aux crimes contre l'humanité.

Nous avons voté une loi qui fait courir le délai de prescription à compter de la majorité des victimes mais, comme M. Léonard l'a souligné, cela ne répond pas à toutes les situations. En revanche, l'amendement 316 constitue un progrès car il couvrirait précisément toutes ces situations. Pourquoi ne pas le voter ?

M. le Rapporteur - Je me suis exprimé sur la forme : un texte déposé par la Chancellerie, prochainement, devrait aborder les problèmes que nous évoquons.

Sur le fond, l'imprescriptibilité des crimes de pédophilie ouvrirait la porte à d'autres débats, sur d'autres sujets tout aussi graves.

Je regrette que M. Lellouche, auteur de l'amendement 49, ne soit pas là pour répondre aux remarques qui ont été formulées. L'amendement 316 de Mme Royal constitue-t-il la solution intermédiaire que nous devons rechercher ?

M. Bernard Roman - Oui !

M. Pierre Cardo - Non ! C'est une impossibilité de fait.

M. le Rapporteur - A certains égards, il risque de faire régresser l'état de notre droit.

Le droit en vigueur fait courir le délai de prescription, qui est de dix ans, à partir de la majorité, soit jusqu'à vingt-huit ans. L'amendement de Mme Royal propose de le faire courir à compter de la révélation des faits. Dès lors, si les faits sont révélés lorsque la victime a six ans, ils seront prescrits lorsqu'elle en aura seize, soit douze ans plus tôt que dans l'exemple précédent.

Nous devons avoir ce débat ici-même, mais nous ne sommes pas en mesure de le trancher aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Roman - Le texte de Mme Royal s'ajoute au droit existant et ne remet pas en question les dispositions en vigueur. Il les complète.

M. le Ministre - Les arguments que j'ai entendus m'amènent à reconsidérer ma position. Eclairé par le débat, j'estime qu'il serait imprudent de modifier, au détour d'un amendement, le régime de la prescription, qui est l'un des plus complexes - et des plus controversés - qui soient. Le Garde des Sceaux présentera un texte sur la justice à votre assemblée au printemps : ce sera l'occasion de revenir sur cette question, qui aura mûri entre-temps. Avis, donc, défavorable aux amendements.

M. le Président - Sur l'amendement 316, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Pierre Cardo - J'aimerais dire quelques mots.

M. le Président - Chacun sait qu'il est difficile de vous empêcher de dire ce que vous voulez dire, mais nos travaux obéissent à des règles que je dois faire respecter.

M. Bruno Le Roux - Je ne comprends pas le changement de pied du ministre. M. Léonard a parfaitement décrit la situation, rappelant que nous avions beaucoup travaillé sur le sujet au cours de la précédente législature et que nous étions tombés d'accord pour dire qu'il fallait porter la date butoir à dix ans après la révélation des faits. Le ministre en était convenu, puisqu'il disait s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée. Rien, dans le débat qui a suivi, ne justifie son revirement. Certes, la disposition peut être inscrite dans un prochain texte du Garde des Sceaux, mais on peut en dire autant de bien d'autres dispositions qui figurent dans ce projet. Nous nous grandirions d'agir au plus vite.

M. le Ministre - Rappelez-vous : celui qui a assassiné les jeunes handicapées de l'Yonne n'a échappé à la prescription que parce que certains corps n'ont pas été retrouvés. Pourrait-on se satisfaire que de tels crimes, odieux, soient l'objet d'une prescription décennale cependant que d'autres, tout aussi odieux, seraient soumis à un autre régime de prescription ? Moduler la prescription selon les crimes rendrait la règle moins compréhensible et donc moins efficace. Ce n'est pas de bonne politique. Mais cela ne signifie nullement que les préoccupations exprimées doivent être ignorées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 87 voix contre 42 sur 129 votants et 129 suffrages exprimés, l'amendement 316 n'est pas adopté.

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - En conséquence, l'amendement 48 tombe. Je constate que les amendements 46 et 47 de M. Lellouche ne sont pas défendus.

M. Bruno Le Roux - Nous les reprenons.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé le 47, le 46 n'étant que de coordination. Ce n'est pas qu'elle ait été en désaccord sur le fond - la nécessité de réprimer plus fermement les crimes ou les délits commis par homophobie - mais parce que les moyens proposés doivent faire l'objet d'une réflexion commune. Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen du texte sur la justice, car cet amendement n'a pas sa place dans le projet qui nous est soumis.

M. le Ministre - L'homophobie n'a rien d'un fantasme et, malheureusement, elle se développe. J'aurais souhaité que M. Lellouche soit là pour présenter lui-même ses arguments mais puisque l'amendement a été repris, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, pour dire clairement que le Gouvernement entend lutter sans réserve contre l'homophobie.

M. Bernard Roman - Je considère - une fois n'est pas coutume ! - que cet amendement de M. Lellouche doit être soutenu. Il me semble toutefois qu'une disposition similaire a été introduite dans sa proposition de loi relative à la lutte contre la xénophobie et le racisme que nous avons adoptée à l'unanimité il y a quelques semaines. Me trompe-je ? (Sourires) Si une telle disposition n'a pas été inscrite dans la loi aggravant les peines encourues lorsqu'une infraction est commise pour des motifs racistes, il est essentiel de dire maintenant qu'une infraction commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime est une circonstance aggravante.

M. Jean-Christophe Lagarde - Tout le monde s'était accordé pour dire que cette disposition n'avait pas sa place dans un texte consacré à la lutte contre le racisme mais qu'elle devrait être reprise. Le groupe UDF votera l'amendement, car l'homophobie gagne du terrain et M. Delanoë n'en est pas la seule victime. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, trois élus ont été agressés en raison de leur orientation sexuelle.

M. Gérard Léonard - Si un sujet est susceptible de réunir un consensus sans faille, c'est bien la lutte contre toutes les discriminations et notamment contre l'homophobie. Mais, je le répète, nous traitons de la sécurité intérieure et tous ces amendements relèvent d'un autre texte. Le travail législatif, pour être de qualité, doit être cohérent. C'est pourquoi le groupe UMP votera contre l'amendement, qui trouvera mieux sa place dans le projet relatif à la justice.

M. Alain Vidalies - On peut comprendre que l'on veuille inclure des dispositions relatives à la criminalité organisée dans le texte que présentera le Garde des Sceaux, mais il s'agit bien, ici, d'une disposition qui a trait à la sécurité intérieure.

M. le Rapporteur - La commission avait eu le temps d'étudier à fond la proposition de M. Lellouche, qui apportait des réponses précises sur un certain nombre de questions. En revanche, cet amendement relatif à l'homophobie - que nous dénonçons tous - est simpliste, et de ce fait ne peut trouver place dans ce texte comme d'autres sujets touchant à la sécurité intérieure. Prenons le temps du débat et introduisons cette disposition dans le prochain texte sur la justice.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 47.

M. Bruno Le Roux - Nous parlons ici de choses très concrètes, de gens attaqués pour leur orientation sexuelle, pourchassés dans leur quartier par des bandes organisées, et qui ne sont pas moins nombreux, je pense, que des victimes de faits visés par d'autres articles. Dans ces conditions, je n'accepte pas cette espèce de hiérarchie que vous voulez introduire, et le renvoi à un texte sur la justice. Pour eux, il s'agit bien de sécurité.

M. le Ministre - Le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée et s'en tient à sa position. Mais quand il s'est agi de condamner l'antisémitisme ou le racisme, vous avez été unanimes, et cette unanimité avait valeur de symbole. Allons-nous prendre le risque de donner l'impression que la lutte contre l'homophobie ne fait pas la même unanimité ?

M. Bernard Roman - C'est pourquoi il faut voter l'amendement.

M. le Ministre - J'aurais préféré que l'accord se fasse pour en traiter dans un prochain texte. Mais à partir du moment où l'amendement a été repris, je ne voudrais pas qu'on prenne de risque et j'appelle les membres de la majorité à la réflexion (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés socialistes - Très bien !

M. le Rapporteur - La majorité et le rapporteur ont affirmé nettement leur volonté de voir s'ouvrir un débat sur la lutte contre l'homophobie qui puisse être mené en profondeur. Mais l'opposition se livre, en récupérant un amendement...

Mme Martine David - En reprenant !

M. le Rapporteur - ...en reprenant un amendement qu'elle n'avait pas proposé...

M. Bruno Le Roux - Nous l'aurions voté !

M. le Rapporteur - ...à un jeu...

Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas un jeu !

M. le Rapporteur - ...dont le but est de troubler l'opinion. Dans le même esprit que le ministre, je ne souhaite pas que la majorité fasse le jeu de l'opposition (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je propose que, calmement, nous répondions au v_u du Gouvernement.

M. Jean-Louis Léonard - Je rassure M. le Ministre. J'ai été très clair, j'ai dit combien l'homophobie était à nos yeux un crime d'une extrême gravité. Mais l'opinion ne retient souvent que le résultat d'un vote, dans sa brutalité. Dans ces conditions, au nom de l'UMP, je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 22 heures 25, est reprise à 22 heures 35.

M. le Président - Un sous-amendement 506 a été déposé par le rapporteur, portant sur l'amendement 47.

M. le Rapporteur - Sur un sujet aussi sensible, qui montre sur tous les bancs une volonté de s'engager dans une lutte déterminée contre l'homophobie, nous avons le devoir de rechercher le consensus. D'autres textes aussi sensibles en ont fait l'objet, comme la proposition de loi de lutte contre la xénophobie et le racisme.

La commission des lois n'avait pas pu examiner l'amendement de M. Lellouche. Je voudrais donc vous proposer d'y apporter des améliorations. Il s'agit de le compléter par deux paragraphes, portant sur les articles 222-24 et 222-30 du code pénal, et qui prévoient que les sanctions requises contre les viols et les agressions sexuelles autres que le viol sont aggravées lorsque les faits ont été commis « à raison de l'orientation sexuelle de la victime ».

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Gérard Léonard - Il ne me semblait pas douteux que nous considérions tous sur ces bancs l'homophobie comme un danger contre lequel il fallait lutter avec la dernière énergie. C'est pour un motif de rigueur législative que nous voulions renvoyer cette proposition au texte sur la justice, comme nous l'avons fait pour le texte sur la pédophilie. On ne peut toutefois rester insensible aux arguments du ministre, portant sur l'interprétation qui pouvait être faite de ce renvoi.

S'il n'est donc pas satisfaisant de traiter de ce point dans un texte sur la sécurité intérieure, il est politiquement plus heureux que nous votions cet amendement, ainsi bien sûr que le sous-amendement. Je tiens toutefois à souligner que nous regrettons, dans cette nouvelle optique, d'avoir voté contre l'amendement sur la pédophilie et que je m'autoriserai peut-être dans la suite de la discussion des libertés que je m'étais interdites jusqu'à présent.

M. Bruno Le Roux - Cet amendement, qui n'a pas été examiné en commission, me paraissait si bien correspondre au thème du débat que je l'ai repris. Le sous-amendement ne fait que le compléter, comme il aurait pu l'être en commission, et nous y adhérons.

Le sous-amendement 506, mis aux voix, est adopté.

A la majorité de 133 voix contre 16 sur 151 votants et 149 suffrages exprimés, l'amendement 47, ainsi sous-amendé, est adopté.

M. le Président - En conséquence, je peux considérer que le vote est identique sur l'amendement 46 de M. Lellouche, qui crée un chapitre 5 quater.

L'amendement 46 est adopté.

AVANT L'ART. 18

M. le Rapporteur - L'amendement 89 est essentiel puisqu'il démontre, contrairement à ce qui a été affirmé ici ou là, que notre seul objectif est de lutter contre les réseaux de proxénètes qui exploitent la prostitution et en aucun cas de pénaliser les prostituées elles-mêmes. A cet égard, l'amendement vise à ramener de six mois à deux mois la peine d'emprisonnement encourue pour racolage. Il s'agit donc bien de signifier que l'essentiel n'est pas de prononcer une peine d'emprisonnement à l'encontre des prostituées mais que le délit soit constitué en sorte qu'il soit procédé à une garde à vue au cours de laquelle la personne prostituée peut choisir de coopérer au démantèlement du réseau qui l'exploite en désignant son proxénète, en échange de quoi elle obtiendra si elle est étrangère une prorogation de son titre de séjour ou, au bénéfice d'un amendement à venir, une autorisation de travailler sur notre territoire. Les prostituées étrangères gardées à vue refusant de participer à l'enquête seront en revanche reconduites à la frontière. A l'inverse, celles qui s'associeront à la lutte contre les réseaux bénéficieront des mesures d'accompagnement social introduites notamment par l'amendement de M. Gerin.

Il s'agit donc en résumé d'une proposition équilibrée qui tend tout à la fois à intensifier la lutte contre les proxénètes et à protéger les victimes de la prostitution.

M. le Ministre - Avis favorable.

Mme Marylise Lebranchu - Je suis extrêmement choquée par cette disposition et par les explications que vient de donner M. le rapporteur. Je ne comprends pas, Monsieur Estrosi, que l'on puisse inciter les parlementaires à créer une peine tout en expliquant qu'elle n'a pas vocation à être appliquée mais simplement à constituer un moyen de pression pour extorquer des révélations au cours de la garde à vue ! Il est terrible de tenir de tels raisonnements (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Que peuvent penser les magistrats d'un législateur qui se permet de telles libertés ? Nous tenions à faire part très solennellement de notre indignation (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

M. Noël Mamère - J'abonde dans le sens de Mme Lebranchu. Dangereuse et attentatoire aux libertés, cette disposition marque aussi un recul du droit. Or ne nous revient-il pas de faire progresser l'Etat de droit ? Tout au long de ce débat, nombre de nos amendements ont été repoussés au motif qu'ils relèveraient plutôt d'un texte sur la justice. Et voilà qu'il nous est proposé de modifier l'esprit et les modalités de la garde à vue à la convenance des pouvoirs publics, pour stigmatiser plus encore s'il en était besoin une catégorie particulière de la population ! L'amendement Estrosi est dangereux et liberticide.

M. Jean-Marie Le Guen - Stigmatisant !

M. le Ministre - Madame Lebranchu, nous avons eu cet après-midi un débat tout à fait passionnant sur toutes ces questions. Lorsque vous étiez Garde des Sceaux, le racolage actif était pénalisé et vous n'y trouviez rien à redire...

Plusieurs députés socialistes - Cela n'a rien à voir !

M. le Ministre - Nous proposons que le racolage passif soit traité de la même manière et cela devient la mesure la plus liberticide qu'on ait jamais vue !

Les prostituées ne choisissent pas le trottoir : elles y sont mises par des proxénètes. Songez en particulier aux prostituées étrangères ! Arrivent-elles par l'opération du Saint-Esprit ? Faut-il continuer à laisser les proxénètes exposer leur marchandise sur le trottoir sans que la police puisse intervenir ?

Admettrait-on que de la drogue circule au vu et au su de tout le monde sans que les forces de l'ordre y trouvent quelque chose à redire ? C'est exactement la même chose ! On laisse les esclavagistes exercer librement leur commerce. Les filles en sont-elles plus libres ? A qui cela profite-t-il sinon aux proxénètes ? Ce n'est pas une liberté que d'atterrir sur le trottoir et d'y rester sans que personne intervienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Pénaliser le racolage passif, c'est nuire à ceux qui mettent des filles et des garçons sur le trottoir pour les exploiter au-delà de toute limite.

Et peut-on parler d'Etat de droit lorsque des voitures de police passent et repassent devant des filles exposées sur la voie publique sans pouvoir intervenir ? En légiférant enfin, nous les affranchissons du joug de leurs tortionnaires. Alors six mois, deux mois, en définitive, les magistrats en décideront.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Absolument !

M. le Ministre - Ce n'est pas la longueur de la peine qui importe mais de compliquer la tâche des proxénètes. Je persiste et je signe : ce texte vise à protéger les prostituées. Laisser libre le racolage, c'est dire « proxénètes de tous les pays, venez faire vos affaires en France ! L'Etat s'en fout et il n'est pas capable de faire respecter la loi ! » (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Marylise Lebranchu - Chacun souhaite l'arrêt de la traite des êtres humains, y compris dans les filières de prostitution. Mais il est anormal de dire, comme le rapporteur l'a fait, que l'on crée une peine qui ne sera pas appliquée.

Sur le fond, vous avez, Monsieur le ministre, lu les mêmes rapports que moi : les prostituées ont plus peur de leurs proxénètes - et en particulier des représailles qu'ils pourraient exercer sur leur famille dans leur pays d'accueil si elles les dénonçaient - que de la police. Votre dispositif ne résoudra donc rien et je déplore que vous ne préfériez pas poursuivre dans la voie expérimentée dans la circonscription de Mme de Panafieu, à la porte de Saint-Ouen et qui consistait à obtenir par le dialogue des informations que l'on ne soutirera pas en exerçant des pressions sur les prostituées après les avoir ramassées sur la voie publique !

M. le Rapporteur - Madame Lebranchu, je n'ai jamais dit que la peine d'emprisonnement ne serait pas appliquée. Du reste, le débat relatif à la traite des êtres humains a eu lieu à l'occasion de l'examen de l'article 17. Nous avons très valablement confronté nos points de vue. L'amendement 89 tend à ramener de six à deux mois la peine encourue. Le juge d'application des peines...

M. Jean-Marie Le Guen - Justement pas !

M. le Rapporteur - Le juge...

M. Jean-Marie Le Guen - Mais vous ne le contrôlez pas !

M. le Rapporteur - ...décidera si la peine de prison doit ou non s'appliquer. Du reste, vos déclarations sont pour le moins contradictoires. Vous dites tour à tour que les prostituées ne parleront jamais et que l'on peut obtenir d'elles beaucoup d'informations par la seule persuasion. Il faut choisir. Notre premier souci est de toute façon de garantir la sécurité des personnes et des biens ; nous ne légiférons pas au profit de telle ou telle catégorie de la population, fut-elle particulièrement vulnérable.

Le dispositif proposé est parfaitement équilibré : soit la prostituée se tait au cours de la garde à vue et elle peut être reconduite à la frontière, soit elle contribue au démantèlement du réseau et elle bénéficiera, aux termes de la loi, d'une prorogation de son titre de séjour ou, si l'amendement que je défendrai tout à l'heure est adopté, d'une autorisation de travail lui permettant de vivre d'autre chose que de la prostitution.

Tel est en tout cas l'objet de nos propositions. Nous vous savons réticente lorsqu'il s'agit d'accroître les moyens dont dispose la police (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) mais, si nous ramenons la peine de prison encourue de six à deux mois, c'est bien pour appliquer la sanction lorsque la prostituée refusera de contribuer à faire la vérité sur les réseaux !

M. Jean-Marie Le Guen - Le débat de tout à l'heure était intéressant mais purement théorique. Nous entrons maintenant dans le vif du sujet et dans le concret, puisqu'il s'agit de voter ou non une peine de prison à l'encontre des prostituées. Or, comme cette majorité n'a pas le courage d'assumer la décision (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), elle nous explique que la sanction ne sera jamais appliquée, qu'il ne s'agit que d'un élément d'une procédure... Un législateur peut-il sérieusement adopter une telle position ? Qui d'entre vous peut parler au nom des magistrats ? Quand, il y a quinze jours, une mère de famille a été envoyée en prison par un magistrat qui la jugeait incapable d'assumer l'éducation de ses enfants, qui peut être sûr que cette disposition ne sera pas utilisée ? Le mot « étrangères » ne figurant naturellement pas dans le texte, elle vise l'ensemble des prostituées : or certaines sont mères de famille. Qui peut nous garantir que, si elles sont condamnées à deux mois de prison, leurs enfants ne seront pas envoyés à la DDASS ?

Vous n'avez pas la maîtrise de ce que vous allez voter : un texte de régression sociale qui sera source de drames, un texte liberticide et scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère - La sérénité qui a présidé à nos débats de cet après-midi semble à cette heure sérieusement écornée ! Le ministre a pris l'initiative d'ouvrir un débat politicien (Protestations sur les bancs du groupe UMP) en se lançant dans une grande envolée sur le thème : « toutes les prostituées sont dépendantes des proxénètes ». Ne voyant parmi elles que les étrangères, il a plaidé démagogiquement pour une France propre, afin de faire plaisir à ce bon peuple de France qui aurait peur de tous ceux qui ne lui ressemblent pas - mendiants, squatters, gens du voyage, prostituées, étrangers... (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP).

Le Gouvernement ne veut plus, dit-il, voir une seule prostituée sur les trottoirs ! Mais il reconnaît lui-même qu'il ne fera que déplacer la prostitution vers des lieux échappant à son contrôle comme à toute politique sanitaire et sociale. Il en va donc, au fond, de ces mesures sur la prostitution comme de votre prétendue lutte contre l'insécurité et contre la délinquance : vous trouvez votre inspiration à New York, dans une notion de « tolérance zéro » qui a pourtant montré ses limites. Cette politique de l'autruche ne touchera pas aux racines du mal !

M. Jean-Christophe Lagarde - Serions-nous dans un meeting, et non à l'Assemblée nationale ? Madame Lebranchu, Monsieur Le Guen, les magistrats de ce pays ne sont ni des débiles profonds ni des irresponsables qui vont prendre n'importe quelle décision. Et j'espère bien que nos tribunaux continueront d'échapper aux excès qui se produisent ici !

Suivant en cela notre collègue Baguet, la commission veut ramener la peine de prison applicable aux prostituées de six mois, comme le proposait le Gouvernement, à deux mois. Ce faisant, elle va plutôt dans votre sens. Pourtant, elle déchaîne contre elle une indignation... à laquelle échappait le texte du Gouvernement !

L'incrimination pour racolage actif dépend aujourd'hui d'une appréciation arbitraire de la police. Nous souhaitons donc que le racolage passif soit également réprimé, afin de permettre les interpellations nécessaires. Mais, si vous n'avez pas confiance dans nos magistrats, légiférer va devenir une tâche sacrément difficile ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Françoise de Panafieu - Je n'avais pas l'intention d'intervenir mais, puisque mon nom a été cité, je le ferai, pour répondre, non aux provocations de MM. Mamère et Le Guen, mais à Mme Lebranchu, qui s'est rendue dans mon arrondissement et qui s'est exprimée avec sincérité.

Nous souhaiterions tous trouver la meilleure solution, mais elle n'existe pas, et nous devons donc nous contenter de la moins mauvaise. Tant que l'on ne distinguera pas entre racolage actif et racolage passif, on n'arrivera à rien : la police ne pourra agir que si elle a les moyens d'interpeller les prostituées, y compris lorsque leur attitude n'est pas extrêmement provocante ni leur tenue particulièrement dénudée - comme c'est le cas sur les boulevards des Maréchaux. Si nous lui donnons cette possibilité - et nous n'avons plus d'autre choix -, elle pourra mettre le désordre dans les réseaux. En même temps, nous enverrons au-delà de nos frontières un message clair : la France n'est plus un pays où les proxénètes peuvent développer leur activité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 89, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Léonard - Aux termes de l'article 222-16 du code pénal, le délit d'agression sonore n'est constitué que s'il y a réitération, ce qui interdit quasiment toute incrimination. L'amendement 90 tend donc à supprimer cette condition.

L'amendement 90, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. André Gerin - L'an passé, on a recensé plus de 2 000 incendies de voitures dans la seule agglomération lyonnaise. Dans un tiers des cas, il s'agissait de voitures volées par des réseaux mafieux trafiquant des pièces détachées ; dans un autre tiers, d'incendies « ludiques » et, pour une partie du reste, de fraudes à l'assurance. S'attaquer à ces agissements est une nécessité impérieuse, en raison des conséquences psychologiques qu'ils ont pour les habitants de nos quartiers.

On peut toujours trouver des explications à ces actes, mais on ne saurait les excuser. Les victimes de ces incendies perdent souvent là leur seul moyen d'aller au travail, parfois même leur seul patrimoine. Et, lorsqu'elles en sont au deuxième ou au troisième véhicule brûlé, leurs problèmes sont encore aggravés du fait que les assurances refusent de les couvrir. D'autre part, la répétition de ces méfaits leur donne le sentiment d'être prises dans une machine infernale et les convainc d'une démission de l'Etat qui assurerait l'impunité aux incendiaires.

En effet, si les auteurs d'incendies sont souvent du voisinage, l'omerta règne et le Parquet, en outre, hésite souvent à engager des poursuites lorsque les peines sont lourdes.

L'amendement 161 tend à spécifier ce type de délit dans le code pénal, en prévoyant une graduation qui encouragera le Parquet à engager des poursuite et rendra donc la répression plus efficace.

J'ai entendu M. le ministre parler du rôle d'investigation de la police judiciaire ; pour faciliter sa tâche, j'ai proposé l'utilisation de caméras infrarouge, car l'on sait que les exactions se commettent très souvent aux mêmes endroits.

M. le Rapporteur - Je partage à la lettre tout ce que M. Gerin vient d'exprimer, et que nous avions nous-mêmes dit en juillet.

M. le Ministre - Exactement !

M. le Rapporteur - La nécessité de mettre fin à l'impunité, aux actes de violence quotidienne, de se doter de caméras infrarouge : nous n'avons cessé de dire tout cela, et de rappeler, comme M. Gerin vient de le dire à son tour, que les plus démunis sont les premières victimes de ces actes. Je suis heureux de voir qu'une partie de l'opposition rejoint nos positions !

Pour autant, les termes de l'amendement ne sauraient trouver place dans ce texte. Nous ne pouvons prévoir dans les moindres détails les dispositifs propres à lutter contre les incendies de véhicule, les incendies de locaux à poubelles, les bris de vitrines, les pillages de magasins... La réponse réside surtout dans l'augmentation des moyens - notamment d'investigation - de la police, dans la réorganisation territoriale de celle-ci, dans la création des GIR.

M. le Ministre - Même avis.

M. André Gerin - Ce que je dis aujourd'hui, je le disais déjà avant ! Si vous ne le découvrez que maintenant, c'est que vous me connaissez mal ! Je trouve inadmissible, par exemple, que les cinq mineurs interpellés à la suite de l'explosion du véhicule au GPL qui a arraché la jambe d'un pompier n'aient été jugés que trente-deux mois après les faits ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Je puis comprendre que mon amendement ait besoin d'être retravaillé, mais j'insiste sur le fait que les peines sont aujourd'hui si lourdes que les magistrats hésitent à les requérir et à les prononcer. Mieux vaudrait prévoir des sanctions efficaces, car pédagogiques, graduées et réalistes.

M. Pierre Cardo - Il est toujours loisible aux magistrats de prononcer des peines inférieures au maximum prévu par la loi. Quant aux mesures pédagogiques, comme les TIG, encore faut-il que les intéressés les acceptent ! Et le retrait de permis de conduire ne se conçoit, par définition, que pour des gens qui ont leur permis !

L'amendement 161, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 456 a trait au problème des peines d'emprisonnement pour toxicomanie, prévues par le code pénal, mais qui ne sont plus en usage depuis longtemps, du fait des consignes explicites données par les Gardes des Sceaux successifs, lesquels ont considéré que les toxicomanes devaient avant tout faire l'objet d'une incitation à se soigner, voire d'une injonction thérapeutique.

Il nous semble donc important de supprimer de notre code pénal une mesure qui n'est plus appliquée. Il s'agit d'une question de santé publique, et non d'action pénale.

M. le Rapporteur - Je ne suis pas surpris de voir M. Le Guen profiter de ce débat pour proposer la dépénalisation des drogues... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler et M. Bernard Roman - Il ne s'agit pas de cela !

M. le Rapporteur - Je relève par ailleurs que M. Le Guen a parlé du code pénal, alors que c'est dans le code de la santé publique que figure la disposition qu'il veut supprimer.

Nous savons quelle a été la politique du Gouvernement qu'il a soutenu pendant cinq ans : une circulaire de Mme Guigou, dès 1997 ou 1998, a institué une dépénalisation de fait, puisqu'il était donné instruction au Parquet de ne plus poursuivre les simples consommateurs de drogues. Ce faisant, on a placé les forces de l'ordre et les magistrats dans une situation épouvantable ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Je dois rappeler que l'essentiel du trafic de cannabis, en France, consiste en de petits « deals » entre individus, et non en des ventes en gros. Or, on n'a rien fait, en cinq ans, pour réprimer et réduire ce type de transactions.

Je tiens à réaffirmer que je considère la consommation de drogues comme nocive pour la santé, et notamment pour la santé des jeunes. La représentation nationale a donc le devoir de combattre la consommation de stupéfiants et je me réjouis que nous ayons adopté un texte réprimant la conduite sous l'emprise de drogues. Vous l'aurez compris : nous n'allons certainement pas céder à votre tentative subversive de dépénaliser la consommation des stupéfiants.

Je suis formellement opposé à l'amendement.

M. le Ministre - Même avis.

M. Bernard Roman - La sérénité doit prévaloir dans ce débat comme dans d'autres et rien ne sert de dramatiser. De quoi s'agit-il ? De s'interroger, à un moment où le Gouvernement redéfinit certaines infractions pénales et en crée de nouvelles, sur le caractère désuet, injuste et dangereux de quelques dispositions qui datent de plus de trente ans.

Pourquoi faisons-nous cette proposition ? Parce qu'en ce moment, en France, on traite les consommateurs exactement comme les dealers. Et pourtant ! Il me semble statistiquement improbable que, sur tous nos bancs, il n'y ait pas un père, une mère ou un grand-parent dont un enfant ou un petit-enfant, par un accident de la vie, a consommé une drogue. Personne, ici, ne dit qu'il est bon de fumer un joint ou de s'injecter de l'héroïne. Nous maintenons, en revanche, que ceux qui le font doivent être traités comme des malades et non comme des délinquants.

Rectifier l'anomalie qui perdure serait tout à notre honneur et notre rapporteur, lorsqu'il faisait allusion à une instruction pénale de Mme Guigou, semblait ne pas savoir que ce texte était la copie conforme d'une instruction pénale d'Alain Peyrefitte qui, le premier, a eu la lucidité de vouloir éviter que, selon les parquets, un consommateur de stupéfiant se retrouve en prison ou ne soit pas poursuivi ! On le voit, la question n'est ni de droite, ni de gauche : c'est une mesure de bon sens, dont la portée serait d'autant plus forte qu'elle serait inscrite dans un texte relatif à la sécurité intérieure.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - La lecture des amendements 456 et 457 est éclairante : par le premier, vous proposez la dépénalisation ; quant au second, c'est un amendement de repli, par lequel vous supprimez l'emprisonnement mais maintenez l'amende. Inutile de dire que le premier est de trop. L'autre mérite la discussion, mais pas si vous supprimez l'incarcération sans rien lui substituer. Je considère pour ma part que la loi, même inappliquée, reste utile, en ce qu'elle symbolise l'interdit et que son abrogation serait comprise comme une permission.

Mais je ne méconnais pas les arguments de M. Mattei qui pense, comme vous, qu'il vaut mieux réinsérer qu'incarcérer. La commission a exprimé un avis défavorable sur des amendements qui laissaient transparaître votre désir de dépénalisation. Pour autant, il faudra réfléchir et substituer les soins à l'incarcération pour cette pathologie.

M. Jean-Marie Le Guen - Ce n'est pas une pathologie, ce sont des comportements à risque.

M. le Président de la commission - Je ne me perdrai pas dans cette distinction sémantique. Je constate que vous avez voulu appeler l'attention de l'Assemblée, mais qu'en l'état ni l'un ni l'autre de ces amendements ne sont acceptables.

M. Noël Mamère - Qu'appelle-t-on une « drogue » ? La majorité s'est lancée dans la lutte contre la violence routière, dont les deux causes sont la vitesse et l'alcoolisme...

M. Lionnel Luca - Et le cannabis ?

M. Noël Mamère - Les scientifiques disent qu'il n'existe aucun moyen technique de vérifier exactement les conséquences de l'usage du cannabis sur la conduite de véhicules (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP). Pourtant, vous vous concentrez sur le cannabis, tout en n'ayant rien de plus pressé que de rétablir le privilège des bouilleurs de cru ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Alors que le tabac et l'alcool créent des dépendances avérées, on voudrait nous faire croire qu'il y a un lien direct entre la consommation de cannabis et la toxicomanie. Ce n'est pas vrai ! (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP)

Suivons plutôt l'avis du nouveau président de la MILDT, qui a dit qu'il fallait revoir la loi de 1970, cette loi qui envoie en prison des gens qui n'ont rien à y faire, des toxicomanes qui devraient être hébergés dans des structures d'accueil spécialisées, celles-là même auxquelles le Gouvernement a coupé les vivres ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

En d'autres circonstances, j'ai eu l'occasion de parler de « légalisation contrôlée du cannabis »...

M. Guy Geoffroy - Quelle hypocrisie !

M. Noël Mamère - ...car je constate qu'en matière de consommation de stupéfiants comme de prostitution, on condamne les usagers et, à cause de la prohibition, on laisse courir ceux à qui profitent les trafics.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Noël Mamère - L'amendement doit être adopté, car il distingue heureusement les malades des délinquants.

L'amendement 456, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Rien ne sert de caricaturer mes propos, car je ne souhaite pas la dépénalisation...

M. le Président de la commission - Que n'avez-vous, alors, retiré l'amendement 456 !

M. Jean-Marie Le Guen - L'essentiel est d'avancer, et c'est ce que propose l'amendement 457. J'ai entendu le président de notre commission mentionner les arguments de M. Mattei. J'espère que cela signifie que l'incarcération pour consommation de stupéfiants disparaîtra du code de la santé publique. Je regrette que cela ne se fasse pas aujourd'hui, mais je comprends que le Gouvernement a besoin de temps pour convaincre sa majorité...

L'amendement 457, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Gerin - L'amendement 156 crée une cellule nationale de veille qui rassemblera toutes les connaissances et les informations sur les expériences permettant de mieux s'occuper des centaines de milliers d'enfants en danger.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, qui n'a pas de portée normative.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Gerin - La prison n'est pas la solution pour les mineurs. Lorsqu'ils y vont, ils se retrouvent sous l'influence désastreuse des multirécidivistes. L'amendement 157 propose, à la place, des mesures d'éloignement.

M. le Rapporteur - L'amendement ne fait référence ni à l'ordonnance de 1945 ni au code de procédure pénale. Evidemment, la commission l'a rejeté.

L'amendement 157, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Gerin - J'entends bien les observations du rapporteur, mais je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur une série de problèmes importants. L'errance des enfants de moins de douze ans dans les rues après dix heures du soir en est un. Notre amendement 160 a pour objectif d'aider les familles à assumer leurs responsabilités, et si nécessaire d'assurer un suivi. Dans ma ville, nous allons mettre en place un tel dispositif d'accompagnement.

M. le Rapporteur - Je souscris à l'objectif, et j'avais moi-même déposé un amendement en ce sens à la loi d'orientation pour la justice, qui a été adopté. Encore faut-il laisser le juge apprécier les problèmes. Mais de toute façon, et toujours pour des raisons de rédaction, la commission n'a pas adopté cet amendement.

L'amendement 160, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Gerin - Le groupe communiste veut lutter contre tous les trafics...

M. le Ministre - C'est un délire répressif ! (Rires)

M. André Gerin - Vous nous parlez sans cesse de moyens. L'amendement 159 appelle justement l'attention sur le fait qu'il faut toucher toute la chaîne, et avant tout les grands trafiquants. Notre réserve sur ce projet, c'est justement qu'il ne le fait pas.

M. le Rapporteur - Monsieur Gerin, notre attention est bel et bien appelée, et depuis fort longtemps, sur ces objectifs auxquels je ne peux que souscrire. Mais M. Mamère vous traitera sans doute de liberticide...

M. le Président - Ne provoquez pas M. Mamère ! (Rires).

M. Noël Mamère - Le poisson mord, en effet, quand on le ferre... Comme l'a dit M. le ministre, si nous adoptions cette série d'amendements, notre arsenal répressif en sortirait très renforcé ! Le rapporteur évoquait l'amendement qu'il a fait adopter afin de condamner les parents qui éduquent mal leurs enfants. Ce n'est pas la meilleure formule, et il nous semble qu'il y a d'autres moyens pour les aider plutôt que de les affaiblir encore plus.

M. Pierre Cardo - Cela dépend desquels, vous le savez bien !

M. Noël Mamère - Mais, comme va le dire M. Gerin à propos du travail clandestin dans l'amendement suivant, il faut lutter contre les organisateurs des trafics plutôt que contre les lampistes. Ce que nous avons demandé à la gauche, et que nous demandons aujourd'hui à la droite, c'est de ne pas renforcer seulement la répression, mais aussi le corps des inspecteurs du travail qui n'a pas les moyens d'agir.

M. André Gerin - Je n'ai pas de complexe, nous voulons nous attaquer à toute la chaîne, des petits poissons aux plus gros. Mais hélas, ce sont ces derniers qui sont le plus souvent épargnés...

L'amendement 159, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Gerin - La prison pousse au crime. Il faut donc tout faire pour la réinsertion, et la réparation des dégradations est un bon moyen, que nous proposons par notre amendement 158.

M. le Rapporteur - Monsieur Gerin, je vous prends en flagrant délit ! J'ai fait adopter dans la loi sur la justice un amendement de ce type à propos des tags. Vous vous y étiez farouchement opposé, et aujourd'hui vous proposez la même chose - mais sans rigueur juridique. Rejet.

L'amendement 158, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Gerin - L'amendement 163 est défendu.

L'amendement 163, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 18

M. Noël Mamère - Le chapitre VI consacré à la tranquillité et à la sécurité publiques, comporte des articles consacrés aux personnes prostituées, aux gens du voyage, aux jeunes, aux mendiants, aux squatters. Aussi voudrais-je faire un commentaire général sur ce chapitre, qui me dispensera d'intervenir sur ses autres articles.

Pénaliser ces populations vulnérables est tout à fait caractéristique d'un retour à l'ordre moral, garanti par la présence policière et sanctionné d'emprisonnement. En réalité, on fait la police des apparences, mais on ne se soucie pas du désordre économique ou écologique, ni du droit pénal du travail, comme le prouvent l'affaire de Métaleurop ou celle de Cellatex.

La première caractéristique de ces nouvelles incriminations, qui vont du racolage passif au squat en passant par les attroupements dans les halls d'immeuble, est la stigmatisation d'une population cible, dans une démarche de marquage social qui pourrait presque être qualifiée de réactionnaire. Par ailleurs, vous instituez une notion de responsabilité pénale collective : ainsi, lorsque le juge aura décidé en référé l'expulsion de gens du voyage occupant sans titre un terrain, son ordonnance s'étendra à tous les occupants. Cela va à l'encontre du principe selon lequel seule une personne nommément désignée peut faire l'objet d'une condamnation, jamais un groupe non identifié.

Ensuite, ces catégories de population sont considérées comme naturellement enclines à la délinquance ! Trouver une grosse voiture chez les gens du voyage laisse forcément présumer qu'elle a été mal acquise, et lorsqu'elle leur aura été confisquée, il leur appartiendra de justifier de la légalité de son acquisition !

Troisième caractéristique : vous créez un délit d'impression, ou d'apparence, qui n'est fondé sur aucun élément matériel, mais relèvera de la subjectivité du policier et de l'attitude du délinquant, quand bien même aucun préjudice n'aurait été subi. Ainsi, la notion de racolage passif, déterminée par la tenue vestimentaire, dépendra de l'heure et du quartier considérés et relèvera d'une interprétation morale de la décence ; la mendicité agressive se déduira de la présence d'un chien dont la dangerosité sera appréciée par la jurisprudence ; le simple rassemblement de jeunes sera interprété comme une menace de violence.

Le sentiment d'agression suffira donc à caractériser le délit, même en l'absence de victime. Le sentiment d'insécurité suffit à transformer notre droit pénal en collection d'incriminations floues dépendant du regard du policier : la notion, très mal définie, de bande organisée permettra ainsi, dans le projet de M. Perben, les pires atteintes aux droits de la défense.

Enfin, ce texte marque la réapparition dans notre code pénal de délits emblématiques de l'ordre moral du XIXe siècle, comme le racolage passif. Le chapitre VI est bien au c_ur des intentions du Gouvernement et nous déposerons de nombreux amendements pour essayer d'y réintroduire un petit peu de nuances et de libertés.

M. Jean-Pierre Le Ridant - N'ayant pas eu la possibilité d'intervenir dans la discussion générale, je voudrais m'associer à tous ceux de mes collègues qui soutiennent ce projet de loi. Rétablir la sécurité, ce n'est pas faire de la démagogie, mais répondre à la préoccupation majeure de nos concitoyens.

L'article 18 est relatif à la prostitution qui, depuis dix ans, a explosé dans nos agglomérations, et celle de Nantes n'y échappe pas. Nous connaissons une arrivée massive de prostitués d'origine étrangère, soumis à un véritable esclavage de la part de réseaux mafieux. Ces prostitués sont bien sûr les premières victimes, mais il ne faut pas oublier d'autres victimes, je veux parler des habitants des quartiers concernés. Comment ne pas tenir compte, par exemple, des 1 800 pétitionnaires d'un quartier de ma circonscription, exaspérés par l'inaction des pouvoirs publics ?

Nous ne pouvons plus nous satisfaire d'arrêtés municipaux qui déplacent le problème vers un autre quartier, ni du renforcement de l'éclairage des rues ou de la fermeture de certaines impasses ! Nous ne pouvons pas plus nous résoudre à la solution proposée par un élu de ma ville, ancien parlementaire, selon lequel la seule lutte contre la prostitution qui tienne, c'est la hausse du niveau de vie et la libéralisation des m_urs ! Nous connaissons les piètres résultats de ce genre d'angélisme.

Ne nous trompons pas de débat : l'article 18 ne s'attaque pas aux prostitués, mais à ceux qui les prostituent. Leur présence sur la voie publique constitue la partie émergée de réseaux mafieux, et c'est la lutte contre ces réseaux qui est la priorité absolue. Aujourd'hui, la prostitution est ce qui rapporte le plus, au moindre risque pénal ! Il est donc urgent de donner un signal fort. La transformation du racolage en délit contribuera sans doute à tarir un trafic fort lucratif, et qui est à l'origine de nombreuses autres activités criminelles.

Par ailleurs, distinguer entre racolage actif et passif est une hypocrisie. Les policiers se heurtent à une définition ambiguë du délit : ici la justice condamne, là elle relaxe, ailleurs elle ne poursuit pas. Les mesures que propose le Gouvernement ne régleront pas tout, mais elles constituent une étape incontournable vers une solution plus globale, impliquant notamment la collaboration internationale des polices. Elles devront par ailleurs être assorties de mesures d'accompagnement social, mises en _uvre par les associations. Si la solution est forcément incomplète, nous ne pouvons pour autant fermer les yeux, et serions coupables de ne pas agir.

M. André Gerin - Nous avons pointé nombre d'insuffisances de ce texte, concernant par exemple les trafics, les marchands de sommeil, les négriers des temps modernes, les délinquants en col blanc, les profiteurs du système et même les patrons voyous... Mais, fidèles à l'esprit qu'ils ont montré depuis le début de la discussion, les députés communistes et républicains veulent rester positifs. Je pense, avec le rapporteur, que le débat qui est aujourd'hui lancé ira bien au-delà de ce projet de loi.

Nous avons ainsi avancé l'idée de cellules départementales de veille pour les enfants en danger de délinquance. C'est très important, de même que les aires de stationnement pour les gens du voyage. A ce sujet, tout le monde se renvoie la patate chaude depuis trente ans ! La loi Besson commence à s'appliquer mais seules des mesures très directives en vue de la création d'aires de voyage dans tous les départements permettront de régler le problème, sans quoi on va transformer les gens du voyage en SDF !

Je rappelle aussi qu'il est nécessaire d'aider les collectivités à la mise en commun des missions de tranquillité publique, non seulement au niveau municipal mais aussi intercommunal. Enfin, une école de médiation permettrait de former des hommes et des femmes à participer à la politique de sécurité et de tranquillité. Sur toutes ces questions, nous n'avons pas l'intention de baisser les bras.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'article 18 porte en particulier sur la prostitution de rue, sujet vaste et sensible, qui entraîne des atteintes inadmissibles à la dignité humaine, des conditions de vie dégradées pour les habitants de certains quartiers, sans compter les ravages d'une économie souterraine tristement florissante. Il est donc temps d'agir et de faire cesser les hypocrisies.

Parce que ce dossier touche d'abord à la détresse humaine, il exige du législateur une attitude à la fois humble et lucide. L'expansion de la prostitution, incroyable développement de l'esclavage moderne, vient notamment du fait que nos sociétés occidentales sont trop généreuses, ou trop naïves. Il faut reconnaître que l'activité contrainte des victimes directes de la prostitution en engendre d'autres, certes bien différentes, mais dont la liberté est pareillement atteinte. La prostitution, avec les nuisances et les trafics qui l'entourent, pèse en effet sur les habitants des quartiers, et comme ce ne sont pas les prostitués qui peuvent s'exprimer, ce sont les riverains qui nous alertent.

Comment protéger les uns et les autres ? Pendant des années, nous avons voulu aborder ce sujet difficile. De questions orales et écrites en lettres aux ministres, en passant par le dépôt de propositions de loi, nous nous sommes heurtés à un mur durant toute la législature précédente. A court d'arguments, le Gouvernement s'interrogeait seulement pour savoir s'il conviendrait d'agir par voie réglementaire ou législative !

C'est seulement à la toute fin de la législature que la majorité d'alors a fini par accepter la création d'une mission d'information commune sur l'esclavage aujourd'hui, et c'est en toute fin de session que la proposition de loi découlant du rapport a été inscrite à l'ordre du jour. L'émotion suscitée par les différents témoignages était telle que je vous remercie très sincèrement, Monsieur le ministre, de vous attaquer aujourd'hui au fond du problème. Il n'est que temps d'envoyer un signal fort à tous les réseaux mafieux et esclavagistes, qui doivent être empêchés d'agir dans le pays des droits de l'homme.

Or, malheureusement, il semble que ce signal ne puisse passer que par la sanction, et celle-ci frappera en premier lieu leurs victimes. C'est pour moi un déchirement mais je me vois contraint d'en accepter le principe. Cela dit, s'il faut tarir la source de profit des chefs de réseaux, il faut aussi savoir accueillir leurs victimes.

A ce propos, Monsieur le ministre, l'Etat ne peut plus se contenter de soutenir avec quelque fébrilité - et un peu hypocritement - quelques associations ici ou là alors qu'il encaisse des produits fiscaux non négligeables. 26 millions d'euros de subventions alors que le chiffre d'affaires de la prostitution dépasse le milliard : c'est trop peu pour tant de souffrances ! On est loin des engagements pris en 1960, et notamment de celui de créer une maison-refuge par département.

C'est pourquoi je soutiens pleinement les propositions sociales présentées par la délégation aux droits des femmes. Les sanctions que vous nous proposez permettront ainsi aux forces de police de retrouver les moyens d'agir efficacement, aussi bien pour les victimes elles-mêmes que pour les riverains. S'agissant des victimes, j'espère que les interpellations et gardes à vue éventuelles serviront avant tout à les réconforter et à créer un premier contact en vue de favoriser leur réinsertion. Quant aux riverains, vous apportez enfin des réponses à une attente qui ne pouvait durer plus longtemps. Pensons à nombre de nos concitoyens qui vivent des situations de malaise, ne serait-ce que pour rentrer chez eux ou en sortir ! Nous ne pouvions plus justifier notre totale impuissance à pacifier leur environnement ; aujourd'hui, nous leur manifestons un soutien sans équivoque.

S'il ne règle pas tout, votre texte a le mérite de proposer des solutions concrètes dans lesquelles nous plaçons tous nos espoirs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Claude Viollet - Nous avons beaucoup parlé de prostitution ce soir et l'on ne peut que se réjouir de la qualité des débats. Au-delà des mesures techniques, il convient de poser ce débat difficile en tenant compte de la triple approche - abolitionniste, prohibitionniste ou réglementariste - qui peut en être faite. En ratifiant la convention internationale de décembre 1949, la France a retenu l'approche abolitionniste, au motif que la prostitution est une forme moderne d'esclavage.

Selon l'approche prohibitionniste, l'acte de prostitution est un délit devant être sanctionné en tant que tel ; selon l'approche réglementariste, en revanche, la prostitution est un mal nécessaire qui doit être « organisé ».

L'article 18 tend à sanctionner le racolage passif. Toutes les formes de racolage seront ainsi réprimées. Or, ce faisant, nous nous attaquons à la personne prostituée. J'ai bien entendu les explications du Gouvernement sur la motivation de cette mesure mais cette orientation pourrait faire craindre un glissement de la position de notre pays vers le prohibitionnisme, encore qu'il nous faudrait aller au bout de la logique en pénalisant aussi le client.

Je ne doute pas, Monsieur le ministre, de l'attachement de la France à la logique abolitionniste. C'est la raison pour laquelle je souhaite que vous puissiez nous préciser quelles suites vous entendez donner à la loi du 30 juillet 1960 et à l'ordonnance du 25 novembre de la même année, qui visaient à prévenir l'exercice de la prostitution et à favoriser le reclassement des personnes prostituées. Quelles suites donnerez-vous, en particulier, à l'article 5 de l'ordonnance précitée, lequel tendait à créer dans chaque département un service social spécialisé ? Cinq, seulement, on vu le jour ! De même, peut-on relancer l'application de la circulaire du 10 août 1970 créant dans chaque département une commission chargée d'étudier les problèmes liés à la prostitution ?

M. André Gerin - L'amendement 164 tend à supprimer l'article.

M. Bruno Le Roux - Je retire l'amendement 288.

L'amendement 164, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 91 est rédactionnel. Il permet d'affirmer que les prostituées sont d'abord des victimes des proxénètes.

L'amendement 91, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. André Gerin - L'amendement 392 est défendu.

M. Bruno Le Roux - Le 289 est identique. Il s'agit de supprimer le premier alinéa de l'article car le législateur reste en deçà de ses prérogatives et ne définit pas le délit avec assez de précision. Il convient aussi de veiller à l'incidence qu'auront ces nouvelles dispositions sur le développement de la prostitution clandestine, par nature plus difficile à accompagner sur le plan sanitaire et social.

En outre, tel qu'il est rédigé, cet alinéa exclut-il de manière explicite toute mise en cause du client ? Je suis loin d'en être persuadé et j'attends la réponse du Gouvernement.

M. Noël Mamère - Notre amendement 332 vise également à supprimer le premier alinéa de l'article car, en pénalisant le racolage, on rejette les personnes prostituées vers la clandestinité. M. le ministre l'a du reste reconnu et ses justifications ne m'ont pas convaincu (Murmures sur les bancs du groupe UMP). La clandestinité fait obstacle au travail remarquable d'associations telles que « Le Nid ». Ne pouvez-vous au moins, Monsieur le ministre, donner instruction aux préfets de réunir les commissions départementales chargées des questions de prostitution, qui ne se sont plus réunies depuis bien longtemps ?

Nous en sommes intimement convaincus : plutôt que de les incriminer, il faut accompagner les personnes prostituées, d'autant qu'elles ne sont pas toutes sous la tutelle de proxénètes ou de réseaux mafieux.

M. le Rapporteur - La rédaction actuelle du code pénal et la jurisprudence constante sont, Monsieur Le Roux, sans ambiguïté. L'article, tel que rédigé, ne pourra conduire à une mise en cause du client. Le tribunal correctionnel de Bordeaux a confirmé récemment cette interprétation.

M. le Ministre - Il n'y a en effet pas d'ambiguïté sur ce point. S'agissant des commissions départementales, mises en sommeil depuis fort longtemps pour des raisons qui m'échappent, je m'apprête à signer une circulaire donnant instruction aux préfets de les réunir et d'y associer au premier rang les associations dont le travail irremplaçable doit être salué.

Vous voyez donc bien que notre texte est équilibré. Nous réprimons les proxénètes en vue de les éradiquer ; nous réactivons les commissions départementales de prévention et d'accompagnement social afin d'aider à la réinsertion de leurs victimes. Sur ce point, je donne donc suite, Monsieur Mamère, à votre demande sans aucune réserve.

M. Bruno Le Roux - Je pense que, quelle que soit l'interprétation des magistrats, il appartient au législateur de dire que cet article ne s'appliquera pas aux clients. Pour le reste, le groupe socialiste constate que vous rendez encore plus difficile la tâche des associations - à moins que la police ne se concerte avec elles pour organiser la prise en charge des prostituées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Quatre des associations les plus importantes participent au groupe de travail mis en place par le ministère. Au demeurant, si vous avez pour elles tant de considération, pourquoi avoir omis de réunir les commissions départementales durant les cinq ans où vous étiez au pouvoir ? J'hérite d'une situation qui est ce qu'elle est, et vous ne pouvez dire que je rends le travail des associations plus difficile puisque j'ai annoncé que, par circulaire, j'allais tirer ces commissions du sommeil dans lequel vous les aviez laissées plongées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les amendements 289, 332 et 392, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère - L'amendement 333 est un amendement de repli, visant à supprimer la notion de racolage passif, afin d'éviter de criminaliser la prostitution et de mettre des entraves au travail des associations.

L'amendement 333, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Avant l'article 18, nous avons institué une peine de deux mois d'emprisonnement, à l'émoi bien incompréhensible de l'opposition. L'amendement 92 vise à rendre cette sanction applicable au racolage passif comme au racolage actif.

L'amendement 92, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

L'article 18, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 18

M. Patrick Beaudouin - Cosigné par trente députés, l'amendement 149, 3ème correction, vise à gêner, à tout le moins, les activités des proxénètes. Depuis quelques années, ceux-ci recourent de plus en plus à des camionnettes, caravanes ou camping-cars pour organiser la prostitution dans les lieux publics : ainsi, dans le bois de Vincennes, le nombre de ces véhicules en passé en quatre ans d'une dizaine à près de 200 ! Pour la quasi-totalité, ils sont utilisés par des jeunes femmes - et même maintenant des mineures - se trouvant sous le contrôle total de réseaux et provenant de Madagascar, du Sierra Leone, du Kosovo ou de l'Est de l'Europe. Grâce à toute une logistique, elles peuvent travailler pratiquement selon le régime des « trois-huit » : il existe un service de ramassage pour les amener sur place, un service de nettoyage, un service de réparation, un service de protection - et même un service de nettoyage des vitres, afin que les clients puissent mieux voir et choisir ! Bref, nous avons affaire à une véritable industrie, à une sordide commercialisation de l'être humain.

Des procès récents ont révélé que certaines rues ou allées du Val-de-Marne étaient placées sous le contrôle d'anciennes prostituées. Odieuse par son caractère ostentatoire et par les risques qu'elle fait courir à la santé publique, la prostitution recourant aux véhicules motorisés est en outre particulièrement pernicieuse en ceci qu'elle permet aux proxénètes d'échapper à l'incrimination d'outrage à la pudeur comme aux dispositions réprimant le proxénétisme hôtelier. Dans le bois de Vincennes, une place pour une camionnette se loue de 1 000 à 2 000 € la semaine ! Ces véhicules sont de plus utilisés dans des conditions sanitaires déplorables et les maladies sexuellement transmissibles y trouvent donc un terrain propice : près de 50 % des prostituées contrôlées sont séropositives.

Il est plus que temps d'agir. Notre amendement tend donc à étendre aux personnes mettant des véhicules de toute nature à la disposition des prostituées les peines applicables au proxénétisme hôtelier.

M. le Rapporteur - Ces faits sont aussi dramatiques qu'inadmissibles. La commission avait repoussé une première version de l'amendement, mais celui-ci a été revu dans le sens que nous avions suggéré, et j'émets donc un avis favorable.

L'amendement 149, 3ème correction, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 393 de M. Jean de Gaulle est défendu.

L'amendement 393, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Gerin - Afin de lutter contre le travail dissimulé, il convient de sanctionner pénalement ceux qui hébergent dans des conditions insalubres les salariés travaillant sur des chantiers ou dans des ateliers clandestins. D'où l'amendement 165.

M. le Rapporteur - Il est déjà satisfait par les dispositions des articles 17 et 17 quater, qu'il affaiblirait plutôt d'ailleurs. En outre, on peut contester l'usage fait de « notamment »...

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 165, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Le ministre vient d'annoncer qu'il allait relancer par circulaire l'activité des commissions départementales, « enterrées » depuis plus de cinq ans. Par l'amendement 342, MM. Lagarde et Perruchot suggèrent que, pour éviter un nouvel oubli, notre mémoire soit rafraîchie chaque année grâce au dépôt sur le bureau des deux Assemblées, à l'ouverture de la session ordinaire, d'un rapport sur la situation démographique, sanitaire et sociale des prostitués ainsi que sur les moyens financiers dont disposent les associations et organismes d'aide.

La mission commune d'information sur l'esclavage moderne nous a beaucoup apporté, mais cet amendement faciliterait la recherche d'un juste équilibre entre fermeté et aide à la réinsertion, en nous permettant de faire régulièrement le point avec les associations.

M. le Rapporteur - L'amendement conforte l'équilibre de l'article 18 et je ne puis donc que confirmer l'avis favorable de la commission.

M. le Ministre - Même avis : cet amendement a le mérite d'introduire ici la notion d'évaluation. Le Gouvernement ne prétend pas détenir la vérité et une réflexion sera sans doute à nouveau nécessaire pour compléter ou modifier ces dispositions : le rendez-vous que vous organisez entre lui et le Parlement le permettra.

L'amendement 342, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui se tiendra ce soir, mercredi 22 janvier, à 21 heures.

La séance est levée à 0 heure 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 22 JANVIER 2003

A VINGT-ET -UNE HEURES : SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 381), pour la sécurité intérieure.

M. Christian ESTROSI, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (Rapport n° 508.)

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (Rapport d'information n° 459.)


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