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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 52ème jour de séance, 133ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 4 FÉVRIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE À DES DÉPUTÉS NOUVELLEMENT ÉLUS 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RÉFORME DE L'IMPÔT SUR LA FORTUNE 2

POLITIQUE SPATIALE 2

POLITIQUE SOCIALE 3

CÔTE D'IVOIRE 4

MARCHE DES FEMMES 5

RÉFORME DES RETRAITES 5

SITUATION DE L'EMPLOI DANS L'ARIÈGE 6

SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS 7

POLITIQUE DE L'EMPLOI 7

DÉPENSES PUBLIQUES 8

MINES DE GARDANNE 9

POLLUTION DU « PRESTIGE » 9

INITIATIVE ÉCONOMIQUE 10

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 21

QUESTION PRÉALABLE..............................................27

La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À DES DÉPUTÉS NOUVELLEMENT ÉLUS

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Annick Lepetit et à M. Georges Mothron, élus dimanche (Applaudissements sur les tous les bancs).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉFORME DE L'IMPÔT SUR LA FORTUNE

M. Michel Vergnier - Un décodeur serait parfois nécessaire pour comprendre les déclarations du Premier ministre, car on se perd dans ses déclarations... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Ainsi se dit-il opposé à toute faveur fiscale, mais il avance caché. Ainsi prétend-il se refuser à réformer l'ISF pour mieux le faire sous couvert d'une prétendue aide à l'emploi (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Mais qui pense-t-il tromper par cette politique qui sert surtout les quelques milliers de ménages qui acquittent cet impôt (Mêmes mouvements) et qui ne sauvera pas les dizaines de milliers d'emplois actuellement menacés ? C'est une singulière conception de la politique que de prêcher le sacrifice et la patience aux salariés, tout en multipliant les allégements fiscaux pour les actionnaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ce sont là de petits arrangements en famille que nous combattons résolument (Mêmes mouvements). En fait de « parler vrai », le Gouvernement applique de manière indécente la politique voulue par le Medef (Mêmes mouvements).

Le Gouvernement va-t-il cesser d'amuser les Français, et acceptera-t-il de revenir sur les amendements à ce sujet proposés par votre majorité et acceptés par la commission spéciale ? J'ai quelques doutes à ce sujet, après avoir constaté que les députés de la majorité n'ont eu de cesse de durcir encore les dispositions de votre projet, et d'exonérer davantage encore ceux qui peuvent l'être ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - M. le Premier ministre, empêché, m'a prié de vous répondre. Nous avons une politique et nous l'appliquons. Elle est fondée sur la conviction que seules les entreprises sont à l'origine du développement et de la création d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Toutes, quelle que soit leur taille, ont besoin d'un environnement administratif et fiscal favorable. C'est pourquoi toutes les mesures envisagées dans le projet relatif à l'initiative économique ont pour seul objectif de créer les conditions telles que le nombre d'entreprises rentables augmente en France. Or, il est manifeste que l'un des obstacles principaux au développement des entreprises françaises tient à l'insuffisance de leurs fonds propres. Nous avons donc tout intérêt à ce que le patrimoine de nos compatriotes trouve à prospérer en France plutôt qu'à l'étranger (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) en s'investissant dans le développement de nos entreprises (Mêmes mouvements). Ce que veut le Gouvernement, c'est faire en sorte que la France souffre progressivement moins des phases basses de la conjoncture et qu'elle profite mieux de ses phases hautes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE SPATIALE

M. Jean-Christophe Lagarde - Ma question s'adressait à Mme la ministre déléguée à la recherche, dont je sais qu'elle représente la France à la cérémonie organisée à Houston à la mémoire des astronautes disparus samedi. Je pense pouvoir dire que toute la représentation nationale, émue par cette tragédie, s'associe à cet hommage.

Avant ce drame déjà, l'avenir de la station orbitale semblait préoccupant. Mais l'Europe, elle aussi, vient de connaître un échec avec Ariane V, et cet échec se produit à un bien mauvais moment puisque l'Europe va se trouver sans capacité de lancement après le dernier tir d'Ariane IV, qui interviendra sous peu.

Les enjeux politiques et économiques sont considérables. On ne peut donc que s'indigner du manque de soutien des gouvernements européens à Arianespace : alors qu'aux Etats-Unis, 80 % des tirs ont pour origine des commandes gouvernementales, la proportion n'est que de 15 % pour Ariane ! La recapitalisation d'Arianespace est cruciale, mais coûteuse. Quelle stratégie le Gouvernement entend-il mettre en _uvre pour revivifier la politique spatiale française et européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Comme vous l'avez indiqué, Mme Haigneré représente le Gouvernement ...

Mme Martine David - ... Non ! La France !

Mme la Ministre déléguée à l'industrie - ... à la cérémonie organisée à Houston, et j'aurais préféré que vous différiez votre question afin qu'elle puisse vous répondre elle-même. Vous le savez, M. Bonnet, président de la commission de réflexion sur le secteur spatial a remis le 16 janvier son rapport à Mme Haigneré. Ce rapport est à l'étude, et Mme la ministre déléguée à la recherche fera sans doute une communication à ce sujet au Conseil des ministres en mars. Sur le plan européen, la France a demandé que la politique spatiale figure, dans la convention en préparation, au nombre des politiques de compétence partagée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE SOCIALE

M. Michel Vaxès - La marée noire de plans sociaux n'en finit pas de déferler sur la France. Tous les jours des fermetures d'usines sont annoncées, qui ont parfois lieu dans des conditions scandaleuses. En 2002 on a comptabilisé plus de 100 000 chômeurs supplémentaires, soit une augmentation de 5 % en un an... (« A qui la faute ? » sur les bancs du groupe UMP) et de nombreuses familles voient se profiler, en 2003, le spectre de la perte d'emploi. Et que fait ce Gouvernement qui se dit sans compassion pour les patrons voyous ? Il suspend la loi de modernisation sociale et supprime les emplois-jeunes, les CES et les CEC, mais aussi le contrôle des aides publiques aux entreprises. Pire : vous souhaitez alléger l'ISF tout en refusant l'augmentation des salaires, celle des minima sociaux et celle des retraites ! On ne saurait mieux dire que vous ne faites rien pour améliorer le sort des salariés, des chômeurs et des retraités. Vous prononcez des discours patelins, mais la réalité est que vous donnez tout au patronat et rien aux producteurs de richesse.

Pourtant, vous le savez mieux que quiconque, moins d'emplois signifient un moindre financement des retraites. Si des moyens nouveaux ne sont pas décidés visant à taxer la spéculation, si une véritable politique de l'emploi n'est pas mise au point, la réforme des retraites que vous préparez se traduira inévitablement par l'allongement de la durée de cotisation et par l'augmentation des cotisations, ainsi que par la réduction des pensions servies. Mais peut-être est-ce ce que vous recherchez ?

Quand sanctionnerez-vous les patrons voyous, ceux qui ont pour seul objectif d'accroître toujours davantage la rentabilité financière au détriment de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Confronté aux plans sociaux, le Gouvernement agit sans mentir aux salariés. Agir, c'est avoir la volonté de reclasser chaque salarié licencié (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) en réindustrialisant les bassins d'emplois ; ce sera l'objet du contrat de site que je présenterai au conseil des ministres mercredi en huit. Agir, c'est aussi repenser les plans de licenciement et suspendre l'inutile loi dite de modernisation sociale (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mentir, en revanche, c'est manifester après avoir gouverné pendant cinq ans avec les résultats économiques et sociaux que l'on sait (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Mentir, c'est faire le choix contre-productif d'augmenter les dépenses publiques pour multiplier les contrats aidés ou, comme l'a fait le parti communiste, proposer de passer aux 33 heures.

Face au problème du chômage, je veux bien être modeste et je suis prêt à recevoir des leçons de tout le monde, sauf de ceux qui ont chargé la barque... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Hollande - Deux millions de chômeurs de moins !

M. le Ministre des affaires sociales - ...en augmentant sans relâche les charges qui pèsent sur nos entreprises, au risque d'handicaper notre pays pour longtemps ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

CÔTE D'IVOIRE

M. Philippe Briand - Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez organisé la conférence pour la paix en Côte d'Ivoire... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), à laquelle vous avez convié toutes les forces en présence pour éviter que la guerre civile se généralise et organiser le retour à une paix durable. Aujourd'hui, la situation reste confuse et nos compatriotes installés dans le pays sont inquiets.

Dans de telles circonstances, la communauté nationale doit rester soudée et tout doit être fait pour ne pas attiser les foyers de conflit. Las, cette position ne semble pas partagée par tous les responsables politiques. Dès lors, que comptez-vous faire pour soutenir tous les efforts en faveur de la paix...

Un député socialiste - Qu'il commence par corriger ses erreurs !

M. Philippe Briand - Quelle est la position actuelle de la France ?

A quelles missions nos forces présentes sur place sont-elles assignées ? Dans quelle perspective situez-vous leur action ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - La parole est à M. de Villepin.

Plusieurs députés socialistes - Il s'est planté !

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Rappelons d'abord que la Côte d'Ivoire est un pays coupé en deux qui n'évite la guerre que par la présence de nos soldats sur la ligne de cessez-le-feu.

A Marcoussis, l'ensemble des forces politiques ivoiriennes ont participé aux discussions. L'accord a été signé à l'unanimité, avalisé par le Président Gbagbo et garanti par la communauté internationale représentée par le secrétaire général des Nations unies.

A Paris, M. Gbagbo a choisi lui-même son premier ministre et accepté de former un gouvernement d'union nationale comprenant des partenaires des forces rebelles. Ce n'est pas le choix de la France. C'est le choix des Ivoiriens. La paix était à ce prix (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Je reste convaincu qu'une solution acceptable par tous reste possible...

M. Jean-Marie Le Guen - C'est à Marcoussis qu'il fallait convaincre !

M.  le Ministre des affaires étrangères - La communauté internationale est unanime à remercier la France (Rires sur les bancs du groupe socialiste) pour ses efforts.

La communauté française de Côte d'Ivoire aime profondément ce pays et elle souhaite y rester...

Un député socialiste - Assez d'autosatisfaction !

M.  le Ministre des affaires étrangères - Nous avons décidé de renforcer le dispositif militaire déployé sur place pour sortir du blocage actuel. Nous travaillons en liaison avec l'ensemble des chefs d'Etat africains pour sortir de la crise. C'est dans cet esprit que je me rendrai prochainement dans la région (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste).

J'entends les critiques de certains mais a-t-on le droit de parler d'échec lorsque la France prend le risque de la réconciliation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Vous pouvez compter sur la France pour qu'elle reste fidèle à elle-même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MARCHE DES FEMMES

M. le Président - La parole est à M. Georges Mothron (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; plusieurs députés UMP se lèvent).

M. Georges Mothron - Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle...

M. Maxime Gremetz - C'est qui ?

M. Georges Mothron - Début octobre, la jeune Sohane était brûlée vive à Vitry-sur-Seine par un petit caïd de quartier. Face à la dégradation continue de la condition féminine dans certaines de nos banlieues, plusieurs associations ont pris l'initiative d'une marche des femmes contre les ghettos et pour l'égalité. Elles dénoncent les violences machistes dont les femmes font l'objet dans certains quartiers, où se constituent de véritables ghettos sexistes. Député de la circonscription d'Argenteuil et de Bezons (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), je soutiens sans réserve leur initiative. Ces jeunes femmes luttent pour leur dignité. Elles aspirent seulement à ce qu'on leur témoigne le respect qui leur est dû. Le Gouvernement entend-il s'associer à leur démarche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Comment ne pas être sensible à votre appel ? La marche des jeunes femmes des cités témoigne d'une prise de conscience extrêmement salutaire. Elle constitue aussi un acte de responsabilité. Je partage leur révolte. Elles attendent de la République que soient mieux prises en compte leurs légitimes revendications en matière d'égalité de droits, de respect de leur dignité et de leur liberté.

Le Gouvernement lutte avec détermination contre toutes les formes de violences et de discriminations. Il entend rétablir partout l'Etat de droit et réaffirmer en toute occasion les valeurs de la République. Nous entendons mobiliser tous les moyens disponibles pour assurer à ces jeunes filles une meilleure insertion sociale et professionnelle.

Très attentif à leur demande de reconnaissance, le Gouvernement fédérera toutes les énergies pour répondre à cette urgence sociale. Les femmes sont les premiers vecteurs d'une intégration réussie. Elles sont aussi les premières victimes en cas d'échec du processus d'intégration. Au reste le contrat d'intégration formalisera plusieurs droits, essentiels (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le député, comme vous l'avez très bien dit, il faut agir dès à présent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RÉFORME DES RETRAITES

M. Dominique Dord - Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, un consensus national assez exceptionnel est en train de se dégager sur le très difficile dossier des retraites (Vives exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Je m'étonne que le consensus gêne à ce point nos collègues de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Premier point d'accord, les Français sont très attachés à la retraite par répartition (« C'est sûr ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Deuxième évidence, ils sont inquiets car ils sont désormais bien conscients que le système est en crise. Pour surmonter cette crise, ils nous demandent de faire notre métier et de sauver le régime qui a leur préférence.

Ce consensus courageux honore et oblige chaque Français. Il fixe une exigence de solidarité entre les générations et nous exhorte à engager sans plus tarder une réforme très difficile...

M. Maxime Gremetz - Il faut faire payer les revenus financiers !

M. Dominique Dord - Plusieurs questions restent en suspens : faudra-t-il cotiser plus ? Ou plus longtemps ? Quelle part de liberté pourra être laissée à chaque salarié dans le choix de son régime de retraite ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Quelle part de progressivité est-elle envisageable ? Sur quelles bases seront calculées les pensions ? Sur tous ces points, il nous revient de faire des propositions et de trancher. Nous sommes prêts, soyez-en sûr, à apporter notre contribution mais il reste un point essentiel à déterminer. L'équilibre visé est-il attendu pour 2010 - c'est-à-dire demain ! -, pour 2020 ou pour 2040 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Le Premier ministre a donné hier le coup d'envoi de la réforme des retraites, tant attendue après dix ans de tergiversations. Et s'il est un point sur lequel s'est fait un large consensus, c'est bien sur l'urgence de cette réforme ! M. Raffarin a indiqué la méthode. Elle s'appuie sur la concertation avec les partenaires sociaux...

M. Alain Néri - A quand la négociation ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre des affaires sociales - Sur ce sujet, vous devriez conserver votre calme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs du groupe UDF)

Il revient aux partenaires sociaux de s'organiser. Nous ne précipiterons pas la concertation mais, en tout état de cause, un texte sera déposé devant votre Assemblée avant l'été (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le Premier ministre a fixé le cadre de la réforme. Il n'est pas question de revenir sur la répartition, mais d'en sécuriser les modalités autour de trois principes directeurs : équilibre des comptes - ce qui permettra notamment de garantir le niveau des retraites -, équité et liberté. J'appelle chacun d'entre vous à participer à ce grand débat national sans se réfugier dans une critique facile, qui prend la forme d'une échappatoire. Prenons exemple sur l'ouverture et sur la sérénité dont ont fait preuve les partenaires sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SITUATION DE L'EMPLOI DANS L'ARIÈGE

M. Augustin Bonrepaux - Les plans sociaux se multiplient, entre 50 et 70 000 emplois sont en jeu. Cette situation conduit à s'interroger sur l'action du Gouvernement.

Toujours douloureuses, les suppressions d'emploi deviennent de véritables séismes économiques lorsqu'elles frappent les zones rurales ou de montagne. La fermeture de l'usine Pechiney à Auzat, dans l'Ariège, va supprimer 350 emplois directs, plus des deux tiers des emplois de la vallée, et risque d'avoir des conséquences ailleurs - à Compiègne, à Aubagne, à Issoire. Pourtant, Pechiney aura réalisé en 2002 un résultat net ajusté de 211 millions d'euros ; mais il faut toujours plus de profit...

Vous avez suspendu la loi de modernisation sociale. Que faites-vous pour prévenir les plans sociaux ? Que faites-vous pour les zones rurales en difficulté ? A Auzat, toute reconversion est vouée à l'échec, surtout quand l'attractivité de Toulouse est renforcée par la création d'une zone franche. Une modernisation de l'usine est possible, et permettrait de maintenir toute la filière. Son coût est estimé à 15 millions d'euros par Pechiney. Le département et la région sont prêts à y participer. Le Gouvernement peut assurer la réussite de ce projet en attribuant à ce territoire les mêmes conditions dérogatoires que celles consenties aux zones franches, et en demandant à EDF de lui accorder un taux préférentiel.

Madame la ministre de l'industrie, l'avenir de 350 emplois et de toute une vallée sont entre vos mains. Je vous conjure de les sauver ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Vous connaissez les causes de la situation que vous évoquez. Le Gouvernement précédent porte une lourde responsabilité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Pour notre part, nous agissons dans quatre directions.

L'anticipation. A cet égard, le comportement de Pechiney a été irréprochable (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

L'accompagnement. Priorité est accordée au reclassement et à la formation.

La revitalisation du territoire (Mêmes mouvements). Vous êtes bien placé, Monsieur le député, pour savoir qu'elle est en bonne voie puisque vous êtes signataire de la convention dont nous avons pris l'initiative.

Enfin, le soutien à la compétitivité des entreprises et la relance économique. Nous espérons que la politique que nous menons à cet égard portera très rapidement ses fruits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS

Mme Béatrice Pavy - La France a lancé lundi à Rennes l'année européenne pour les personnes handicapées, priorité nationale du quinquennat. Le Gouvernement, représenté par MM. François Fillon, Luc Ferry, Gilles de Robien et Jean-François Mattei et par vous-mêmes, Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a affirmé sa volonté de s'atteler à ce dossier, notamment en matière d'éducation et d'accès au travail. L'insertion dans la société passant par une bonne intégration dans le système scolaire, il a décidé de lancer un plan pluriannuel de cinq ans en faveur de l'éducation. Pouvez-vous nous préciser ses objectifs et ses moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - D'abord un constat : la pleine intégration des personnes handicapées passe par une bonne insertion scolaire. Or, parce qu'ils sont handicapés, 10 à 15 000 enfants sont exclus du système scolaire, plusieurs milliers d'entre eux ne bénéficient que de quelques heures de scolarité par semaine et des milliers ne peuvent aller au-delà du primaire.

Ensuite une conviction : l'éducation nationale a le devoir d'accueillir tous les enfants.

Des actions concrètes, donc : dès la rentrée prochaine, le financement de 6 000 auxiliaires de vie scolaire sera assuré ; dans les cinq ans, 1 000 classes spécialisées seront créées ; tous les enseignants vont être sensibilisés au problème du handicap et ceux qui se spécialiseront recevront une formation spécifique. Cet effort de l'éducation nationale est accompagné par la décision prise par Jean-François Mattei et moi-même d'inscrire dans la loi de financement de la sécurité sociale 1 000 places supplémentaires de SESSAD - services d'éducation spécialisée et de soins à domicile.

Cet effort sera poursuivi dans les années à venir, jusqu'à ce que tous les enfants soient accueillis comme il convient au sein de l'éducation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLITIQUE DE L'EMPLOI

M. Francis Falala - Comme le rappelait encore hier soir le Premier ministre, la bataille pour l'emploi est une exigence nationale, et c'est pourquoi elle est au c_ur de la politique du Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Certes, les difficultés de telle ou telle entreprise conduisent parfois à des choix socialement regrettables mais, Monsieur le ministre des affaires sociales, vous avez décidé de vous battre là où vous le pouvez. Vous avez déjà pris d'importantes mesures en faveur de l'emploi des jeunes, qui ont été couronnées de succès puisqu'à ce jour 35 000 contrats jeunes ont été signés.

Vous avez souvent réaffirmé votre volonté de favoriser la création d'emplois en délivrant l'entreprise de nombreuses contraintes, souvent héritées de nos prédécesseurs socialistes. Pouvez-vous nous préciser vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Dans une conjoncture internationale morose, le Gouvernement agit d'abord au présent pour répondre au plans sociaux. Nous assurons aux salariés un droit au reclassement, nous faisons respecter la loi - ce qui n'a pas toujours été le cas - et nous allons mettre en place des contrats de site, que je présenterai en conseil des ministres la semaine prochaine.

Mais nous préparons aussi l'avenir, par une politique structurelle. Nous actionnons l'instrument de l'offre, avec l'assouplissement des 35 heures, avec la baisse des charges - qui a permis la signature jusqu'à ce jour non de 35 000 mais de 45 000 contrats jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) - et en facilitant la création d'entreprises - notamment à travers le texte que Renaud Dutreuil s'apprête à défendre devant vous. Nous actionnons l'instrument de la demande avec l'augmentation du SMIC en juillet prochain, avec la baisse des impôts de 6 % depuis notre arrivée. Enfin, nous allons actionner l'instrument de la formation. Le Premier ministre m'a demandé de réunir les partenaires sociaux pour en débattre, ce que je ferai au début du mois de mars (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉPENSES PUBLIQUES

M. Jean Le Garrec - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous annoncez le gel de quatre milliards d'euros dans la dépense publique. L'emploi, la formation, le logement, la ville, l'aménagement du territoire, la culture et, bien entendu, les contrats de plan vont être touchés. Le montant de ce gel est proche de 4,6 milliards d'euros de dépenses nouvelles votées en décembre dernier... Un mois et demi après le vote du budget, donc, vous proposez un plan de rigueur, puisque vous savez très bien que ce gel se transformera en annulation pure et simple des crédits.

L'investissement privé se ralentit, la consommation s'affaiblit, et vous coupez dans la dépense publique... Les conséquences seront extrêmement lourdes sur le budget de la sécurité sociale et sur le nombre des chômeurs.

Vous ne pouvez pas rejeter en permanence la responsabilité de la situation sur d'autres (Protestations sur les bancs du groupe UMP). En cinq ans, nous avons créé deux millions d'emplois (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). En sept mois, vous arrivez à 70 000 chômeurs de plus ! Ayez le courage d'assumer devant les Français la réalité de votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Permettez-moi de vous dire ce que n'est pas le Gouvernement qui crée des emplois : ce sont les entreprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Reconnaissons leur mérite ! Elles sont la chance de la France et ont besoin d'être encouragées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Il ne faut pas confondre l'application du principe de précaution et la rigueur. Le principe de précaution consiste à se mettre en état de respecter ses engagements - à l'endroit du Parlement et des Français. Les mesures de précaution qui ont été prises coûtent quelque quatre milliards d'euros : cela représente 1,5 % des crédits votés. Il s'agit de faire ce que toute personne responsable fait : quel ménage dépenserait dans la première semaine du mois la totalité de son salaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) La mesure prise par le Gouvernement est une mesure de sagesse que les Français comprendront et soutiendront (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La seule différence entre vous et nous, c'est que ce Gouvernement annonce les mesures de précaution qu'il prend et qu'il les soumet au Parlement - quand vous agissiez en catimini (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Nous ne sommes pas dans la rigueur : soutenir la croissance et l'emploi, c'est le contraire de l'austérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

MINES DE GARDANNE

M. Richard Mallié - Vendredi dernier, à Gardanne, la gendarmerie a procédé aux premières constatations, dans ma permanence de député saccagée par des voyous qui se prétendent mineurs. Même si cet acte de vandalisme est condamnable - les ministres de la sécurité intérieure et de la justice feront ce qui est nécessaire -, il n'est le fait que de quelques uns et témoigne de l'exaspération et des inquiétudes des salariés du secteur minier.

Le gouvernement précédent avait baladé les syndicats de mineurs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) pendant des années avant de faire une proposition le 2 avril 2002...

La mine de Gardanne vient d'arrêter l'exploitation du charbon deux ans plus tôt que prévu. Ce dossier présente plusieurs aspects : l'actualisation du pacte charbonnier, qui date de 1994, et la problématique environnementale.

Pouvez-vous nous informer des mesures qui seront mises en place pour assurer une bonne gestion de l'après-mine ? De nombreuses communes de France s'inquiètent du devenir des sous-sols et des conséquences environnementales en surface après le départ des charbonnages de France et la rétrocession des concessions à l'Etat. Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter les problèmes rencontrés en particulier en Moselle ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Sachez que je déplore les événements désastreux que vous évoquez, et le saccage de votre permanence.

Notre Gouvernement est très attentif à l'après-mine (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). C'est pourquoi je participais hier, à Metz, à une réunion que j'avais souhaité tenir avec les responsables des associations des victimes des dégâts miniers. J'ai pu mesurer l'intensité de leur désespoir. J'ai demandé au préfet qu'avant la fin du mois de février, des indemnisations leur soient proposées.

Le problème de l'après-mine ne se pose pas dans les mêmes conditions à Gardanne. Nous avons demandé au président des Charbonnages de France de revoir le pacte charbonnier afin d'y apporter les nécessaires adaptations.

J'accueille avec beaucoup d'intérêt les propositions de loi que M. le député Sordi et vous-même avez déposées ; elles permettront de mieux organiser la gestion des droits sociaux des mineurs.

Nous souhaitons relancer la concertation sur le plan local et sur le plan national. Aussi ai-je réactivé l'Agence de surveillance et de gestion de l'après-mine pour élargir son domaine de compétences afin qu'elle puisse faire des propositions qui manifesteront la solidarité de la nation à l'égard des mineurs. Cette profession a en effet été, pendant des années, l'un des fleurons de notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLLUTION DU « PRESTIGE »

M. Daniel Poulou - Les côtes basques et landaises ont été gravement polluées ce week-end. Le San Matteo a pêché dimanche plus d'une demi tonne d'hydrocarbure près de Biarritz.

La zone la plus menacée s'étend des plages des Landes, au Nord, à celle d'Hendaye, au Sud.

Près de 300 personnes interviennent depuis lundi et l'accès aux plages est désormais interdit au public. L'ensemble de la population, les professionnels de la mer, les bénévoles et tous ceux qui sont affectés au nettoyage nous ont fait part de leurs interrogations et de leur inquiétude sur la composition des hydrocarbures.

Quelle est la composition exacte du pétrole du Prestige ? Est-il dangereux par inhalation et par contact ?

Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Bachelot, retenue au Sénat.

La question de la toxicité du fuel du Prestige et des risques encourus par les intervenants a été prise en compte par le Gouvernement depuis le naufrage du pétrolier.

Un groupe d'experts, constitué le 19 novembre, s'est réuni le 6 décembre au ministère de l'écologie et du développement durable.

L'ensemble des analyses disponibles confirment que le fuel du Prestige est similaire à celui de l'Erika. Il s'agit de fuel lourd, constitué par des hydrocarbures aromatiques polycycliques dont la toxicité - en particulier à long terme - est bien connue.

Ce fuel provoque des irritations en cas de contact avec la peau ou les muqueuses ; le risque d'intoxication par inhalation existe également, en particulier lors du nettoyage des rochers.

Des consignes précises ont été données aux préfets immédiatement, puis dans une circulaire du ministère de la santé le 7 janvier 2003, pour que les intervenants soient informés sur les précautions à prendre et les équipements à utiliser. Le respect strict de ces consignes permet de prévoir le risque d'intoxication (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Daubresse.

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

INITIATIVE ÉCONOMIQUE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour l'initiative économique.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Le 27 février 2002, à Saint-Cyr-sur-Loire, le Président de la République dressait ainsi le tableau économique de notre pays : « Au cours des dernières années, la France a bénéficié d'une croissance mondiale exceptionnelle. Dans ce contexte, nos entreprises, nos commerçants, nos artisans ont su créer de nombreux emplois, ce qui a permis à beaucoup de Français de retrouver du travail. Aujourd'hui, la situation économique a changé, la croissance s'est arrêtée ; au quatrième trimestre 2001 la production a même reculé. Le chômage a repris, l'investissement de nos entreprises est en baisse, la France tourne au ralenti. Porté pendant quatre années par la conjoncture mondiale, le Gouvernement n'a pas suffisamment préparé l'avenir et s'est laissé surprendre. Pour renforcer notre dynamisme, il faut mobiliser les énergies en faveur de l'entreprise créatrice d'emplois et de richesses. Pour cela, je souhaite un effort massif en faveur de la création d'entreprise.

Redresser, malgré une croissance mondiale et une conjoncture internationale incertaines, la situation économique dégradée dont nous avons hérité il y a quelques mois, préparer l'avenir en augmentant la capacité de nos entreprises, de nos artisans, de nos commerçants, de nos professions libérales de créer des emplois, en permettant à davantage d'entreprises de naître, de se développer, de se transmettre, préparer l'avenir en refondant le pacte républicain sur un dynamisme économique incontestable, pour que la France soit le moteur de l'Europe, tel est l'objectif du Gouvernement tel que l'a formulé le Premier ministre le 3 juillet 2002, dans son discours de politique générale ».

Depuis quelques mois se met en place cette politique de croissance active, volontariste, qui a foi dans le talent des Français et les invite à se mobiliser pour l'emploi, une politique qui lutte résolument contre la déflation, la récession, la morosité.

L'allégement des charges sur le travail, instrument le plus efficace pour réduire le chômage, est résolument engagé. De même avons-nous commencé à revaloriser le travail avec l'augmentation prévue du SMIC, de la prime pour l'emploi, la baisse de l'impôt sur le revenu. Nous allons agir en particulier pour faciliter l'entrée des jeunes dans la vie active. Le Premier ministre m'a chargé d'une réflexion sur l'apprentissage, le contrat jeune en entreprise est déjà un succès, et la réforme du dispositif CIVIS est en préparation. Nous agirons aussi sur la sortie de la vie active et le Premier ministre vient d'ouvrir avec lucidité et détermination le débat sur les retraites.

Chaque jour nous voyons les effets des 35 heures, non seulement sur la productivité, mais sur les mentalités. Pour un coût exorbitant et un résultat discutable, elles ont accru le stress au travail, la démotivation. Le travail de demain devra être plus créatif, plus épanouissant pour l'individu et plus efficace pour la collectivité. Ce que cherchent les Français, c'est une nouvelle conception du travail plus conforme à leurs aspirations individuelles.

Ce projet répond à cette attente. Selon l'IFOP, 27 % des Français souhaitent créer une entreprise, ce qui traduit une aspiration à la liberté et à la réussite sociale dans une société trop bloquée. Les 35 heures ont fait souffler sur le pays l'esprit de renoncement, à réformer le travail, à briguer la première place en Europe.

M. Hervé Novelli , Président de la commission spéciale - Très bien.

M. le Secrétaire d'Etat - De 1997 à 2000, des emplois ont bien été créés, mais il n'y a pas eu de politique active de l'emploi et de la croissance.

Ce projet est porté par l'esprit de réussite individuelle et collective. L'esprit d'entreprise doit se diffuser, dès l'école qui privilégie des programmes, non des projets et des métiers. Avec Luc Ferry, nous allons ouvrir largement tout le système éducatif sur l'entreprise. Une convention sera signée à ce sujet le 3 mars.

Ce projet a trois objectifs principaux qui tous concourent à créer des emplois nouveaux.

Il nous faut retrouver le rythme de 200 000 créations d'entreprises par an et assurer leur pérennité...

M. Michel Vergnier - Cela, c'est intéressant.

M. le Secrétaire d'Etat - 100 000 entreprises nouvelles, c'est 160 000 emplois dans l'année, 270 000 cinq ans plus tard.

Il nous faut développer les entreprises existantes en orientant l'épargne - 17 % du revenu disponible brut - vers l'investissement productif.

Il nous faut enfin faciliter la transmission des entreprises - 500 000 chefs d'entreprise sont concernés dans les dix ans à venir. Pour cela, le projet mobilise 300 millions d'euros (Très bien sur quelques bancs du groupe UMP). Ce projet doit beaucoup à M. Mer et à M. Lambert, étroitement associés à cette réforme. Il a été construit avec les organisations professionnelles, les chambres de métiers et de commerce, de nombreuses associations. Les forces économiques de ce pays l'ont largement approuvé.

M. Michel Vergnier - Surtout le MEDEF.

M. le Secrétaire d'Etat - Au nom du réseau Force, qui regroupe huit acteurs essentiels pour la création d'entreprises, Christian Sautter a, en commission, exprimé une adhésion aux principes essentiels du texte. La CGPME, le MEDEF, l'UPA ont dit combien il allait dans le bon sens. Selon un sondage, 57 % des Français ont entendu parler des dispositions qu'il contient ; selon le même sondage, la France se placera au quatrième rang des pays attirant la création d'entreprise... si le projet est adopté. Selon une autre étude, de la SOFRES, 80 % des entrepreneurs et porteurs de projet estiment que ce projet va stimuler la création et la transmission d'entreprises. Les mesures les plus appréciées sont la création de nouvelles sources de financement, à commencer par les fonds d'investissement de proximité, la réduction de la fiscalité sur les mutations, la transition progressive du statut de salarié vers celui de créateur d'entreprise, le différé de charges sociales, l'amélioration de l'accompagnement du créateur.

Ce texte a été élaboré sans arrières-pensées idéologiques, avec pour seul souci l'efficacité. J'ai ainsi repris et amplifié certaines dispositions de la loi Patriat, consulté beaucoup de rapports, passé beaucoup de temps avec les acteurs sur le terrain. Bien des réponses ont été apportées par ceux qui, sans a priori, voulaient faire _uvre utile.

Alors que ce projet fait donc l'objet d'un quasi consensus, l'opposition s'oppose, critique à la dernière minute - le texte est connu depuis le 7 octobre - critique même ce qu'elle proposait hier, sans pouvoir ou vouloir l'appliquer. Dans son rapport de septembre 1999 sur la création d'entreprises, M. Besson, porte-parole du parti socialiste sur ce texte, recommandait de mobiliser l'épargne locale, comme le font les Américains et les Canadiens, par des fonds de capital risque ; aujourd'hui, il s'oppose aux fonds d'investissement de proximité. Hier il trouvait nécessaire de sécuriser le passage vers la création ; aujourd'hui il s'oppose aux mesures qui le permettent comme la prolongation pendant un an de l'allocation spécifique de solidarité, de l'allocation de parent isolé, de l'allocation veuvage...

M. Eric Besson - Vous n'êtes pas de bonne foi. Ce que vous dites est scandaleux !

M. le Secrétaire d'Etat - ... ou l'extension du dispositif Eden aux demandeurs d'emploi de plus de 50 ans, sans parler des statuts de bi-activité

M. Philippe Auberger - Quelle incohérence ! (Protestations socialistes)

M. le Secrétaire d'Etat - Il rappelait que les entrepreneurs individuels voulaient protéger leur patrimoine personnel en cas d'échec : il critique la protection que nous instituons. Il se plaint des incitations fiscales à l'investissement : il s'en faisait l'avocat il y a quatre ans. Son rapport était vraiment intéressant. Dommage que le gouvernement Jospin ne lui ait pas donné suite (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). La création d'entreprise n'aurait peut-être pas stagné à 270 000 par an pendant les années de croissance.

Ce projet apporte des solutions pratiques réclamées par tous, assorties de moyens budgétaires et juridiques adaptés. On pourra discuter telle modalité, regretter que telle mesure n'aille pas plus loin. Mais avec ce texte, nous avons enfin abordé le problème de façon globale, avec une franche audace.

Je salue le travail de la commission spéciale, de son président et de ses rapporteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je la remercie des améliorations techniques et rédactionnelles qu'elle a apportées. Elle souhaite également introduire de nouvelles réformes, sur la fiscalité du patrimoine et la simplification des formalités relatives aux charges sociales ; le Gouvernement a prévu d'inscrire dans une ordonnance de simplification ultérieure le guichet social unique et le titre emploi salarié.

M. Michel Vergnier - Ce sont des reprises.

M. le Secrétaire d'Etat - A l'heure où, en doublant le nombre de zones franches nous avons l'ambition de créer 80 000 à 100 000 emplois, il faut à tout prix diminuer les embûches administratives car, comme le dit Rabelais, « les lois sont comme les toiles d'araignée : les petits moucherons s'y font prendre, les gros frelons passent à travers ».

Nous portons une attention toute particulière aux petites entreprises. Elles sont à l'origine des grandes : 40 % des entreprises les plus cotées à la bourse de New York n'existaient pas en 1960. 93,1 % des entreprises ont moins de 10 salariés, 99,8 % en ont moins de deux cents, et ces dernières emploient 56,6 % des salariés.

Ce sont les petites entreprises qui créent de nouveaux emplois. Ainsi celles qui comptent moins de dix salariés ont créé 2 millions d'emplois entre 1991 et 1998 ; dans le même temps, les entreprises de plus de cent salariés, en ont détruit 1,2 million ! La création d'entreprise a contribué pour les deux tiers aux nouveaux emplois. Qui peut dire que la loi sur l'initiative économique, dont les mesures concernent pour l'essentiel les petites entreprises, n'est pas une loi pour l'emploi ?

Le projet est tout entier consacré aux entreprises, sous toutes leurs formes. La libre détermination du capital social, la protection du patrimoine de l'entrepreneur individuel, le relèvement du seuil d'exonération des plus-values de cession - j'insiste sur cette mesure qui représente plus du tiers du coût budgétaire de la loi et qui va bénéficier aux plus petites entreprises -, l'amélioration des conditions de domiciliation chez soi de son entreprise, le différé de charges sociales la première année : autant de mesures qui sont faites pour les très petites entreprises, même si les moyennes entreprises, en particulier grâce à l'aménagement de la fiscalité sur les mutations, ne sont pas oubliées.

Le projet entend lever le principal obstacle à la création et à la transmission : le financement. Le manque de moyens financiers est le principal frein à la création d'entreprise, et c'est aussi une faiblesse pour nos entreprises. En particulier, l'insuffisance des fonds propres les surexpose aux risques de retournement conjoncturel, les rend trop dépendantes du crédit bancaire, et pénalise leur essor.

Jamais d'aussi nombreuses dispositions n'ont été prises pour drainer l'argent des Français vers la création, le développement et la transmission des petites et moyennes entreprises, qu'il s'agisse des FIP, du triplement de l'avantage fiscal lié à l'investissement direct dans une société, du doublement du seuil de déductibilité des pertes ou de l'amélioration du régime de déduction des intérêts d'emprunt souscrits pour une reprise de société. Voilà qui contribuera à favoriser la transmission, de même que les allégements de la fiscalité des donations et des transmissions. N'oublions pas que lorsqu'une entreprise est reprise, des emplois sont sauvegardés, et que lorsqu'une entreprise est vendue à des intérêts étrangers, des emplois peuvent être menacés. Il faut donc préserver la patrimonialité française de nos PME, assurance du maintien d'emplois sur notre territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). J'ajoute que le différé de charges sociales de la première année d'activité représente une aide nouvelle à la trésorerie.

Enfin, le Gouvernement a jugé utile à la création d'emplois de déposer un amendement tendant à intéresser les personnes disposant d'un patrimoine élevé au financement des PME. De ce fait, les souscriptions en numéraire au capital des PME bénéficieront d'une franchise de l'ISF. Cet aménagement est conforme à l'esprit de la loi qui est, pour créer des emplois, de transformer l'argent dormant en argent fertile. Comme le disait votre rapporteur récemment, « il ne s'agit pas de supprimer un impôt, mais d'éliminer ses effets destructeurs sur l'emploi ».

M. le Président de la commission - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement correspond d'ailleurs à un v_u du porte-parole du groupe socialiste, M. Besson qui, dans son rapport de 1999, après avoir indiqué avoir été frappé, lors de son déplacement aux Etats-Unis, par l'importance des fonds mobilisés pour la création d'entreprises soulignait que cette forte contribution « s'explique en partie par une fiscalité avantageuse ».

Il suggérait alors de « sensibiliser les personnes disposant d'un patrimoine important à la création d'entreprise », ajoutant qu'« une telle incitation pourrait passer par un aménagement de l'ISF, l'investissement en fonds propres dans une entreprise nouvelle pourrait bénéficier d'une exonération ».

M. Charles de Courson et M. François Sauvadet - Eh oui !

M. le Secrétaire d'Etat - Réjouissez-vous Monsieur Besson, le Gouvernement vous donne satisfaction ! De fait, nombreux sont ceux qui, à droite comme à gauche ont préconisé de telles adaptations. Entre la peur superstitieuse d'un impôt et la nécessité de créer des emplois, il n'y a pas à hésiter, il faut choisir l'emploi.

Le coût budgétaire de cette mesure sera largement compensé par les ressources que l'argent ainsi mobilisé ne tardera pas à procurer : ce projet ne coûtera pas cher au contribuable, ce qu'il sème aujourd'hui produira demain bien plus qu'il ne coûte au budget de l'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, le Gouvernement veillera à développer les PCE et les PRE qui ne sont que 10 000 pour 30 000 prévus. Quant à la SOFARIS, elle a été largement dotée et continuera de l'être.

De même, le Gouvernement prendra des mesures en faveur de l'innovation, à l'instigation de Claudie Haigneré et de Nicole Fontaine, pour rattraper des années de retard technologique : dans ce cadre seront créés la société de capital-risque unipersonnelle, le guichet unique ANVAR et le statut de la jeune entreprise innovante.

Au-delà des polémiques convenues qui font couler plus de salive et d'encre qu'elles ne créent d'emplois, il s'agit de savoir si nous voulons susciter la croissance ou si nous préférons voir les emplois et les capitaux fuir notre territoire, chassés par l'excès des prélèvements obligatoires, si nous sommes capables de comprendre qu'entre la contribution obligatoire et l'investissement volontaire dans les entreprises, et donc l'emploi, c'est le second qui, bien souvent, sert le mieux l'intérêt général.

Enfin, ce projet ouvre une voie nouvelle à la réussite par l'entreprise pour tous les Français.

Notre société reste inégalitaire : c'est encore bien souvent la trajectoire scolaire qui détermine la réussite sociale. Or, cette trajectoire est largement fonction des origines sociales, chacun le sait, si bien que l'accès au savoir n'est pas équitablement ouvert à tous. De ce fait, le mérite, l'énergie, la qualité humaine de toute une partie de la population se trouvent mal reconnus. En promouvant la création d'entreprise et la réussite par l'entreprise, le Gouvernement entend élargir une autre voie de la réussite individuelle, celle de l'initiative économique. L'entreprise ne doit pas être une voie réservée à une minorité : elle doit permettre à chacun de se réaliser, quelle que soit son origine.

C'est pourquoi le Gouvernement entend améliorer la formation des créateurs, en réduire le coût et encourager l'accompagnement. Pour la première fois, nous instituons un régime juridique légal de l'accompagnement à la création d'activités économiques qui stimulera autant l'essaimage des salariés des grandes entreprises et des PME que le portage de projets très sociaux.

Dans le c_ur de nos villes, dans les quartiers où sévit l'exclusion économique, là où le Gouvernement crée des zones franches, en milieu rural, le projet offrira de nouvelles perspectives à ceux qui ont un projet ; il offrira aux territoires, grâce aux FIP, des outils de développement maîtrisés ; il permettra surtout à nos énergies, si nombreuses, de se diriger mieux et plus vite vers la création de richesses et d'emplois. D'ici à quelques jours, à Marseille, en pleine zone franche, je lancerai une campagne nationale visant à ouvrir l'initiative économique aux plus défavorisés.

Ce projet sera prolongé, à la fin de 2003 par un second projet qui traitera de sujets aujourd'hui en discussion : l'accès des PME aux marchés publics, l'apprentissage, le statut de l'entrepreneur et celui de son conjoint... En votant ce projet, en l'amendant comme vous vous apprêtez à le faire, vous donnerez à notre pays de nouveaux outils de développement, en même temps qu'un nouveau souffle, le souffle de la liberté de choisir sa vie et d'entreprendre, le souffle d'une nouvelle égalité des chances pour tous, le souffle de la croissance, le souffle qui permettra à notre pays de s'engager résolument sur le chemin de la réussite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Catherine Vautrin, rapporteure de la commission spéciale pour les articles non fiscaux - Tous les sondages en attestent : quinze millions de Français rêvent de créer leur entreprise. C'est une véritable révolution culturelle dans un pays à la tradition salariale fortement ancrée. L'entreprenariat a d'autres vertus que les seules vertus économiques : c'est un enjeu social, une réponse par la proximité à la mondialisation, et un facteur incontestable d'aménagement de nos territoires.

Près de 300 000 emplois nouveaux sont, chaque année, le fruit de création d'entreprise, et les petites entreprises jouent un rôle économique déterminant. Ainsi, entre 1997 et 2002, elles ont créé 1,2 million d'emplois, cependant que les grandes entreprises en ont perdu plus de 800 000. Au cours des dernières années, les rapports et études sur la création ou la reprise d'entreprise se sont entassés sur les rayons des bibliothèques. Le temps de l'analyse est désormais révolu, vient celui de l'action, en conjuguant volonté nationale et contexte politique. C'est dire si ce projet est opportun.

Les mesures proposées respectent les valeurs de responsabilité de l'entreprise. Elles sont fondées sur l'initiative, l'autonomie, la prise de risque et la volonté de réussite. Autant dire que l'écueil de l'économie mixte - par la multiplication des aides et des subventions - est contourné.

Pour le Gouvernement, il s'agit désormais moins d'aider que de faciliter, moins d'intervenir que d'accompagner.

M. le Président de la commission spéciale - Tout à fait !

Mme la Rapporteure - Il est indispensable de situer notre politique entrepreneuriale dans un contexte international. La politique d'aide à la création d'entreprise menée par les pays les plus ambitieux repose sur trois principes : protéger le patrimoine de l'entrepreneur, établir un système de calcul de perception des cotisations sociales, mobiliser une épargne de proximité. Le texte crée un dispositif global, visant à redonner à l'entreprise son statut d'outil de production. Il répond à une situation préoccupante. En effet, alors que notre pays a connu, au cours des dernières années, une période de croissance soutenue, la création d'entreprises est atone. Il est le malheureux paradoxe qui distingue la France de ses principaux partenaires. Et cette situation est d'autant plus malvenue que notre pays va se trouver rapidement confronté au départ de toute une génération de chefs d'entreprise qui ont apporté une contribution décisive à son développement.

Par ailleurs, les comparaisons internationales montrent notre retard par rapport à nos principaux partenaires. Ainsi, nous créons chaque année 44 entreprises pour 10 000 habitants, contre 62 aux USA, 65 en Italie ou 88 en Espagne ! La France figure parmi les pays dans lesquels la création d'entreprise est le choix professionnel le moins spontanément envisagé.

Parce que l'entreprise favorise l'expression des talents et parce qu'elle conditionne la création d'emplois, parce qu'elle irrigue les territoires et diffuse l'innovation, parce qu'elle est un vecteur d'intégration sociale et une chance de réussite, le Gouvernement a placé la création d'entreprise au c_ur de son projet économique. L'objectif est clair : permettre la création de plus d'un million d'entreprises nouvelles à l'horizon de cinq années.

Ce programme ambitieux tranche avec les atermoiements du Gouvernement précédent, lequel avait attendu les tout derniers jours de la législature pour présenter un projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il avait laissé les milieux concernés sur leur faim !

M. François Sauvadet - Absolument ! Ce fut son dernier texte ! (Sourires)

Mme la Rapporteure - Le Président de la République l'a rappelé, « la France a perdu ces dernières années en compétitivité, en attractivité et en capacité à faciliter la création de richesse. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP).

Les entreprises donnent aux chefs d'entreprise comme aux salariés les moyens d'enrichir et de diversifier leur parcours professionnel. Nous voulons mettre en avant l'entreprise et son idéal de réussite : 55 % des créateurs d'entreprise n'ont pas le bac, 43 % étaient ouvriers ou employés, voilà le véritable ascenseur social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Le texte aborde la création d'entreprise de manière concrète et lève nombre de freins à l'initiative. Il a vocation à libérer les créateurs d'entreprise des contraintes administratives inhérentes à la création ou à la reprise d'une entreprise et à offrir un dispositif social, financier et fiscal attrayant.

M. Patrick Ollier - Très bien !

Mme la Rapporteure - Pour la première fois, un projet de loi prend en compte la création d'entreprise sous ses différents aspects : d'abord, la préparation du projet, avec des dispositions d'aménagement de temps partiel pour le salarié et le principe protecteur de la bi-activité, qui ménage la possibilité d'une période transitoire entre salariat et création. Le contrat d'accompagnement du créateur, le renforcement des couveuses, constituent autant de mesures qui permettent de conforter le futur créateur dans sa démarche.

Ensuite, le temps de la création, avec une simplification des démarches, une domiciliation facilitée et une meilleure protection du patrimoine personnel du chef d'entreprise. La solution proposée constitue un progrès considérable pour les familles de petits entrepreneurs individuels, particulièrement visées par le projet ; elle permettra d'assurer au créateur et à ses proches un minimum de sécurité.

M. Patrick Ollier - Excellent !

Mme la Rapporteure - La création reste un acte risqué mais, grâce à ce texte, le risque est mieux calculé !

La commission spéciale s'est félicitée des nombreuses avancées du projet de loi et a souhaité l'enrichir encore.

Lors de la préparation du projet, les CFE conseillent très utilement le créateur ; il est donc logique de leur permettre de délivrer le Récépissé de Création d'Entreprise.

Afin que chacun mesure son risque, la commission a également souhaité renforcer la protection des personnes qui se portent caution. Elle a aussi adopté un amendement tendant à exiger l'accord des deux conjoints mariés sous le régime de communauté pour créer une entreprise individuelle engageant le patrimoine commun.

Afin de développer l'impact de la création d'entreprise sur l'emploi, la commission a retenu le principe du chèque-emploi entreprises, inspiré du dispositif du chèque-emploi service ouvert aux particulier (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF). Grâce à ce chèque, l'employeur pourra s'acquitter sans peine d'un certain nombre d'obligations et verra notamment les déclarations, le calcul et le paiement des charges sociales considérablement simplifiés. Il sera utilisable par les entreprises comptant au plus trois salariés et par toutes les entreprises, sans condition d'effectifs, pour leurs salariés employés moins de cent jours par an.

Cet amendement doit être rapproché de celui qui vise à centraliser dans un guichet unique le recouvrement des charges sociales liées à l'emploi de salariés. Ce guichet assurera pour les employeurs concernés la plupart des obligations déclaratives liées à la conclusion du contrat de travail. Il calculera en outre les charges sociales qui feront l'objet d'un versement unique.

M. Patrick Ollier - Bonne mesure !

Mme la Rapporteure - Une politique ambitieuse de création d'entreprise doit tenir compte des entrepreneurs existants et tendre à pérenniser leur activité. A ce titre, la commission spéciale a adopté un amendement affirmant solennellement la soumission du salarié créateur à une obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur. Elle a aussi souhaité préciser le régime de bi-activité, afin de prévenir tout litige et de ne pas porter atteinte à la bonne marche des entreprises.

Dans le cadre du contrat d'accompagnement, la commission spéciale a adopté deux amendements tendant à éviter une co-responsabilité inconditionnelle de l'entreprise accompagnante face aux agissements du bénéficiaire. Il est en effet important que le chef d'entreprise soit responsabilisé dans sa démarche. Dans cette logique, la commission a encouragé le passage du statut de salarié à celui de créateur d'entreprise en adoptant trois amendements.

Le premier autorise le passage à temps partiel des agents publics qui souhaitent créer leur entreprise ; le deuxième donne une base juridique au portage salarial ; le troisième revient sur l'abrogation dans la loi Aubry II de la présomption de non-salariat pour les travailleurs indépendants. La suppression de cette présomption - créée par la loi Madelin de 1994 - avait trop souvent conduit le juge à requalifier en contrat de travail la relation contractuelle entre une entreprise et un travailleur indépendant.

Les entreprises matures peuvent jouer un rôle fondamental de coaching et même d'apport de chiffre d'affaires. De même, l'externalisation est un outil de création d'entreprise qui ne doit pas être négligé.

En matière de financement, l'article 17 visait à assouplir les conditions de prêt aux entreprises, par un relèvement du taux de l'usure pour les seules personnes morales effectuant une activité économique. Cette disposition reposait sur l'idée que le taux de l'usure actuel privait de l'accès au crédit les entreprises présentant les niveaux de risque les plus élevés. Dans cette optique, le relèvement du taux de l'usure était censé permettre aux banques d'accepter de financer des projets plus risqués. L'efficacité de ce dispositif n'a pas semblé suffisamment probante au regard du risque qu'il génère de relèvement global des taux. La commission a donc adopté un amendement de suppression de l'article.

Parallèlement, la commission a institué un système optionnel de calcul des cotisations sociales dit « de forfaitisation ». Son objet est d'asseoir le calcul sur une assiette la plus proche possible des revenus réels et de supprimer les décalages dans le temps liés au système actuel (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Enfin, un amendement tend à créer un guichet unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales applicables aux travailleurs non salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Tel que les travaux de notre commission spéciale l'ont enrichi, ce texte est marqué par la volonté d'offrir aux employeurs, aux salariés et à tous ceux qui aspirent à passer d'une catégorie à l'autre, un cadre juridique souple et efficace. En l'adoptant, nous allons redonner confiance aux entrepreneurs.

Pour nous, l'entreprise n'est ni une vache à lait ni un bouc émissaire, mais le pivot de la création de richesse d'un pays. L'esprit d'entreprise doit redevenir une valeur centrale de notre société. L'Etat peut créer des conditions favorables et tel est le sens de ce texte ; mais il faut ensuite qu'il soit relayé, par les entrepreneurs eux-mêmes - qui seuls peuvent susciter l'envie -, mais aussi par l'école, qui peut expliquer et stimuler.

Le dynamisme des entreprises est un formidable levier pour l'emploi. En associant des dispositions financières attrayantes à un volet économique conséquent, ce projet de loi constitue l'un des piliers de la politique économique du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale pour les articles fiscaux - Monsieur le ministre, vous nous présentez un excellent projet de loi. Ce texte est bon parce qu'il part d'une analyse juste des freins à la création d'emplois dans notre pays et parce qu'il prend bien en compte la place déterminante des petites et moyennes entreprises dans la création d'emplois. Vous avez su construire un texte équilibré, dans ses objectifs comme dans ses moyens.

Ainsi, vous avez tenu compte des impératifs qui s'attachent à la création d'entreprises, sans ignorer qu'il faut aussi développer les entreprises existantes. Alors que toute une génération d'entrepreneurs va arriver à l'âge où il lui faut trouver des successeurs, il était essentiel de favoriser la transmission des PME. Votre projet de loi y répond.

Equilibré, ce texte l'est aussi dans les moyens qu'il propose de mettre au service de la création et du maintien de l'activité. Outre des dispositions fiscales très cohérentes, il comporte d'importantes mesures visant à favoriser le passage d'une activité salariée à la création ou à la reprise d'une entreprise.

Mme Vautrin a présenté ces dernières mesures ; je n'y reviens donc pas.

Dans son volet fiscal, ce texte traduit un véritable effort d'allégement de prélèvements excessifs. Dans des temps budgétaires difficiles, vous avez su convaincre le Gouvernement - en particulier M. Lambert - de la nécessité de mettre l'outil fiscal au service du dynamisme à long terme de l'économie. La commission vous soutient, car il s'agit d'un bon investissement, qui va donner confiance et créer des emplois. Soutenir l'activité, c'est faire reculer l'assistanat et susciter, à terme, de nouvelles recettes fiscales ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

Les mesures financières et fiscales que vous nous proposez constituent un ensemble cohérent. L'idée de créer un nouvel instrument financier destiné à drainer l'épargne locale vers les PME a fait l'objet de nombreuses propositions. Elles trouvent aujourd'hui leur traduction avec la création des fonds d'investissement de proximité - FIP - qui permettront de mobiliser l'épargne de proximité au bénéfice du développement régional.

Les FIP auront les caractéristiques des fonds communs de placement à risque et devront intervenir dans la zone géographique régionale choisie par la société de gestion. 60 % de l'actif se fera dans les fonds propres d'entreprises implantées dans la zone régionale.

Au-delà de l'exonération des produits, plus-values et dividendes, il est proposé que les souscripteurs des fonds d'investissement de proximité bénéficient d'une réduction d'impôt égale à 25 % de l'investissement avec un plafond de 10 000 ou 20 000 €.

Le projet de loi propose ensuite de relever le seuil de recettes permettant l'exonération de l'imposition des plus-values réalisées par les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu : 250 000 €, au lieu de 152 600 € actuellement, pour les activités relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux ou encore agricoles ; 90 000 €, au lieu de 54 000 pour les titulaires de bénéfices non commerciaux. 83 % des entreprises seront ainsi exonérées. Il s'agit d'une mesure très attendue, tout particulièrement pour le maintien des commerces en centres villes ou en zone rurale, préoccupation partagée par tous nos collègues maires soucieux du bon équilibre de leur cité (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

En outre, le projet de loi propose un dispositif de lissage partiel de l'imposition, à concurrence de la moitié ou du quart, lorsque le montant de recettes dépasse le seuil d'exonération.

Le projet a enfin pour but de rendre plus attrayants plusieurs dispositifs d'allégement fiscal, notamment de réduction d'impôt, soit pour inciter les épargnants à investir dans les fonds propres des PME, soit pour faciliter la transmission d'entreprise. Je tiens à souligner tout l'intérêt d'étendre aux donations l'excellent dispositif Migaud actuellement prévu pour les successions, à savoir l'exonération de la moitié des droits d'enregistrement lorsque des engagements sont pris quant à la conservation des biens transmis et à la poursuite de l'entreprise.

La commission a cherché à améliorer le projet sans en trahir l'esprit. Dans le domaine fiscal, elle a veillé à ne pas compromettre le caractère attractif des FIP, tout en exprimant son souhait de prendre en compte la spécificité des besoins des petites entreprises ainsi que des entreprises individuelles. Nous proposons que les FIP puissent participer au capital d'organismes de caution des prêts aux entreprises et qu'ils bénéficient du même avantage fiscal à l'entrée que celui accordé aux fonds communs de placement pour l'innovation. Nous proposons également d'assouplir les conditions de sortie du plan d'épargne en action pour le financement de la création d'entreprise.

Le Gouvernement et la commission spéciale ont eu aussi le courage de s'attaquer aux effets destructeurs d'emplois de l'ISF. La réalité doit l'emporter sur les tabous de l'idéologie !

Sous l'effet d'une fiscalité du patrimoine confiscatoire, nos PME familiales, bien implantées dans nos régions, fierté de notre savoir-faire national et de nos traditions industrielles, se vendent à des multinationales le plus souvent d'origine étrangère (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le scénario est immuable : regroupement et transfert des fonctions de direction dans un premier temps, puis réduction et délocalisation des activités de production. 10 000 emplois ont été ainsi perdus ces dernières années, dans des entreprises aussi anciennes que prestigieuses, dont les noms parlent à chacun d'entre nous : biscuits Saint-Michel, jus de fruits Jocker, Eminence et Weill dans l'habillement, VMC-Pêche, le spécialiste du triple hameçon...

Ce constat accablant a une cause clairement identifiée : les actionnaires minoritaires de ces PME sont placés par l'ISF dans une situation insupportable, qui finit par provoquer la vente de l'entreprise. Leurs parts n'étant pas considérées comme bien professionnel, eux-mêmes ne pouvant tous exercer une fonction de dirigeant dans l'entreprise, ils en sont réduits à payer l'ISF sur leurs revenus personnels ; et si, pour remédier à cette difficulté, la PME verse des dividendes au moins égaux à l'ISF, elle ne peut réinvestir son bénéfice dans la recherche et le développement, ce qui en fait une proie vulnérable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Ayons la lucidité de reconnaître que cette évolution catastrophique a été accélérée par le « plafonnement du plafonnement » introduit en 1996. Il est aujourd'hui urgent d'endiguer l'hémorragie de nos emplois (Mêmes mouvements).

Un réflexe politicien consiste à invoquer la dure réalité des plans sociaux pour dénoncer toute réforme de l'ISF. Or c'est au contraire pour éviter demain des plans sociaux à l'initiative d'entreprises multinationales sur lesquelles les pouvoirs publics n'ont pas de prise - souvenons-nous des propos de Lionel Jospin devant les salariés de Lu - que nous devons tout faire pour que nos PME familiales françaises ne tombent pas sous la coupe de ces grands groupes (Mêmes mouvements).

Les amendements adoptés par la commission s'inscrivent dans la ligne des propositions figurant dans différents rapports de ces dernières années : rapport Migaud de 1998, rapport Besson de 1999, rapport Charzat.

Premier amendement : la possibilité par pacte d'actionnaires, engagement collectif de conservation d'au moins six ans, de faire bénéficier les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils se regroupent autour de 25 % ou 34 % du capital, d'une exonération de moitié de l'ISF. Il s'agit tout simplement d'étendre à l'ISF le dispositif appliqué en 2000 aux droits de succession. Didier Migaud en avait rêvé, c'est nous qui le faisons ! (Mêmes mouvements)

En second lieu, devant la singulière réticence des Français à investir dans les fonds propres de leurs PME, si bien dénoncée en 1999 par un Eric Besson touché par la grâce d'un voyage aux Etats-Unis, nous proposons que les apports en numéraire dans nos PME en développement soient exonérés d'ISF.

Certains collègues de la majorité risquent de nous trouver un peu trop suivistes par rapport à nos collègues socialistes (Sourires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Mais il ne s'agit pas ici de chambouler l'ISF, ni a fortiori, de le supprimer, seulement d'en corriger les effets pervers sur l'emploi. Le coût fiscal pour l'Etat est faible - 100 millions d'euros, à comparer aux 2,2 milliards que rapporte cet impôt -, et 10 000 emplois seront ainsi sauvegardés.

Quant à nos collègues socialistes, hier convaincus, mais aujourd'hui paralysés par leur congrès qui approche, je leur rappelle ce que Tony Blair nous avait dit ici-même : « la gestion de l'économie n'est ni de gauche ni de droite, elle est bonne ou elle est mauvaise ». L'ajustement de l'ISF que nous proposons est bon pour l'emploi.

L'ensemble de ce texte est un formidable appel d'air pour toutes nos PME. Le débat qui s'ouvre est au c_ur du projet de société que la nouvelle majorité a proposé aux Français : une société créative et généreuse, solidaire et travailleuse, pragmatique et républicaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale - Ce très bon texte arrive opportunément, au moment où la croissance économique ralentit en raison de l'incertitude internationale, où des plans sociaux sont annoncés, et où il faut se donner un « accélérateur de croissance interne ».

Depuis quelques années, la création d'entreprises stagne dans notre pays. La France accuse en ce domaine un retard par rapport à ses voisins européens. En outre, l'écart s'aggrave entre le nombre de Français qui manifestent un intérêt pour l'initiative et le nombre de ceux qui passent à l'action. Si notre pays avait une densité entrepreneuriale équivalente à celle du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, il compterait respectivement 3,4 ou 4,4 millions d'entreprises, au lieu de 2,4. 30 000 créations d'entreprise supplémentaires, et c'est l'assurance de la compensation des plans sociaux.

Dans ce texte, le créateur est d'abord reconnu, soutenu dans sa démarche.

Les premiers articles facilitent le « passage à l'acte ». En cas de succès, le créateur est récompensé par l'article 22 ; en cas d'échec, son habitation principale n'est pas saisie, ce qui lui offre une deuxième chance.

Le titre premier simplifie la création d'entreprise, le titre II facilite le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur, le titre III tend à mobiliser l'épargne de proximité, le titre IV contient des mesures d'accompagnement social, le titre V facilite la transmission d'entreprise.

La commission spéciale a donc eu à examiner un projet très complet. Elle a procédé à quinze heures d'auditions, a examiné plus de 240 amendements, en a adopté près de 80. C'est dire l'intérêt suscité par ce texte et la richesse du débat en commission.

La majorité de la commission spéciale a souhaité, en se plaçant dans la logique de ce projet, le préciser ou le compléter lorsque cela lui paraissait nécessaire. Les rapporteurs ayant détaillé les principaux amendements, je voudrais pour ma part, insister sur deux points.

S'agissant du grand chantier de la simplification, dans lequel le Gouvernement s'apprête à agir par ordonnances, la commission spéciale a considéré qu'il fallait dès maintenant afficher une ambition.

S'agissant des mesures destinées à favoriser l'investissement dans la création et le développement des PME, quatre amendements concernant l'ISF ont été excellemment présentés par Gilles Carrez.

L'un des membres de la commission spéciale a indiqué qu'il « convenait de réfléchir sur les moyens de sensibiliser les personnes disposant d'un patrimoine important à la création d'entreprise et de les inciter à investir dans ce domaine. Une telle incitation pourrait passer par un aménagement de l'ISF qui prendrait la forme d'une exonération du montant de l'investissement réalisé en faveur d'une entreprise en création...

M. Michel Vergnier - Allez jusqu'au bout !

M. le Président de la commission spéciale- ... à hauteur d'un certain plafond sur le modèle de celle applicable aux biens professionnels qui ne sont pas pris en compte dans l'assiette de l'ISF ».

La commission a fait sien ce jugement et les quatre amendements, en vertu du principe selon lequel il vaut mieux investir dans les PME, créatrices d'emplois, que de laisser l'argent dormir, par exemple dans des _uvres d'art non taxées. Ce jugement a été porté par écrit dans l'excellent rapport d'information déposé par M. Eric Besson à la fin de l'année 1999.

Deux menaces se profilent : à la faveur des suppressions d'emplois, il ne faudrait pas adopter une attitude anti-entrepreneuriale. Je rappelle que l'entreprise est le lieu unique de création de richesses et d'emplois ; le petit entrepreneur doit être reconnu comme l'une des figures de proue de notre société : il incarne la prise de risque, la sanction économique en cas d'échec, et la rétribution méritée en cas de succès. Ce texte le reconnaît.

La deuxième menace consisterait à rester au milieu du gué.

Face à ces deux menaces, vous avez décidé de mener l'offensive en vous appuyant sur les 14 millions de Français qui veulent créer leur entreprise, sur les 300 000 emplois créés chaque année dans ce domaine.

Face au ravage créé par les funestes lois socialistes - les 35 heures, la loi de modernisation sociale, la loi sur les nouvelles régulations économiques -, vous misez sur les millions de Français qui déclineront, demain, les beaux mots de liberté et de création (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Eric Besson - Nous sommes réunis pour débattre de ce que nous appellerons dans quelques semaines ou dans quelques mois la « loi Dutreil ». Tout ministre aime à avoir une loi qui porte son nom ; on suppose que l'honneur est d'autant plus grand que le ministre est jeune, et vous l'êtes - je me permets cet hommage à votre jeunesse puisque vous avez choisi d'y faire une allusion, au demeurant ambiguë.

Mais pensez-vous que, dans quelques mois, vous revendiquerez cette _uvre ?

M. le Secrétaire d'Etat - Oui.

M. Eric Besson - Croyez-vous que vous vous réjouirez de voir votre patronyme accolé à un texte partiel, inachevé, bancal, contraire, dans ses excès d'exonérations fiscales, à nos principes républicains, contraire même à la cause juste qu'il prétend défendre ?

J'ai passé ces derniers jours à discuter avec des créateurs d'entreprises ; j'ai parfois entendu des échos positifs, notamment sur l'étalement des cotisations sociales, le guichet unique, avancées préparées par vos deux prédécesseurs, Marylise Lebranchu et François Patriat, mais qui ne figuraient pas dans votre texte. Nous en avions déploré l'absence ; nous avons préparé des amendements que votre majorité a préféré réintroduire elle-même. Remerciez donc les députés de la majorité pour avoir donné un peu de chair à une carcasse bien nue...

Mais j'ai surtout entendu des déceptions, et un grief majeur : vous donnez le sentiment, avec la masse des exonérations fiscales consenties et votre entreprise de démolition de l'ISF, que la création d'entreprises est affaire de fortune, alors qu'elle concerne, en France, de petites ou très petites entreprises créées avec moins de 15 000 € d'apport.

Ces petites entreprises, les artisans, les commerçants, sont les grands oubliés de votre texte. Pierre Bédier, en octobre dernier, annonçait dans son langage ampoulé et supposé « communicant », « une grande loi sur l'attractivité de la maison France ».

Nous l'attendions avec curiosité et gourmandise.

Curiosité de voir comment un Gouvernement se réclamant du libéralisme allait prétendre transformer par une loi une attractivité dont nous pensons qu'elle est le fruit complexe d'une alchimie où la qualité de l'éducation, de la formation, la sécurité juridique, les investissements publics jouent, à côté de la compétitivité des entreprises, un rôle majeur.

Votre conception de la compétitivité est aussi réductrice que nous le pensions : moins de charges, moins d'impôts, moins d'Etat, moins de règles...

M. Xavier de Roux et plusieurs députés de l'UMP - Oui !

M. Eric Besson - Vous confirmez ce que je dis !

Votre texte illustre cette « ligne de pente » de la course au moins-disant fiscal et social. Mais la pente est de plus en plus raide.

M. Pierre Méhaignerie - Ce que vous dites est idiot.

M. Eric Besson - Monsieur Méhaignerie, nous vous avons connu plus nuancé.

M. Pierre Méhaignerie - Je suis attaché à l'entreprise.

M. Eric Besson - Très bien, mais n'utilisez pas des adjectifs qui pourraient vous être retournés dans d'autres domaines.

Nous attendions votre texte avec gourmandise.

Nous pensions que vous nous présenteriez un bilan, un diagnostic sur la situation économique française ; nous pensions que vous délaisseriez les approximations de la campagne électorale et les propos de café du commerce - « plus personne ne travaille en France », « notre pays est confronté à une hémorragie permanente de capitaux et de talents ».

M. Nicolas Forissier - C'est la vérité !

M. Eric Besson - L'exercice était délicat, il est vrai, car aucun rapport sérieux ne vient étayer ces thèses. Vous n'auriez pu prétendre accorder le moindre crédit au classement sur la compétitivité proposé par le forum de Davos - classement dont tous les économistes, y compris de droite, ont noté le ridicule - et que nous aurions pu comparer avec les rapports plus crédibles de l'INSEE ou de l'OCDE.

Vous auriez dû nous expliquer pourquoi la France a créé davantage d'emplois et connu, de 1997 à 2002, une croissance plus soutenue que ses partenaires européens, alors qu'elle avait fait moins bien qu'eux de 1993 à 1997.

Vous auriez dû nous dire pourquoi l'année 2000 fut exceptionnelle en matière de croissance, d'investissements étrangers en France et d'emplois créés - 500 000, soit le record du siècle !

M. Charles de Courson - Vous n'y êtes pour rien !

M. Eric Besson - Mais les faits ne vous importent guère. Vous préférez jouer sur des sentiments.

Lorsque nous parlerons d'exonérations fiscales, d'impôt sur la fortune, vous ne nous fournirez ni preuves, ni chiffres, ni étude d'impact.

Mme la Rapporteure - Si !

M. Eric Besson - Vous nous direz que vous êtes persuadés - sans pouvoir le démontrer - que des milliers d'entreprises et des dizaines de milliers d'emplois quittent la France. Vous nous direz que vous n'êtes pas capables d'évaluer vraiment le coût budgétaire des exonérations. Vous essaierez de nous convaincre qu'il est faux de penser en termes de coût budgétaire et qu'il conviendrait plutôt de parler d'investissement rentable tant vous êtes habités par la conviction - pour ne dire la foi - que la croissance et l'emploi vont être dynamisés par ces exonérations accordées aux plus riches.

Votre majorité essaie de nier que la création d'entreprises se porte un petit peu mieux en France depuis quelques années et, singulièrement, depuis 1997 !

Depuis la fin des années 1980, le nombre de créations d'entreprises a chuté, passant de 200 000 à 166 000 en 1997. Depuis lors, la courbe s'est à nouveau inversée, et la France a créé 175 000 emplois en 2002 - 180 000 aux dires mêmes du président de la commission. Il n'y a certes pas de quoi pavoiser et notre devoir est de faire mieux, mais je veux ainsi vous rappeler que, si vous niez l'action de vos prédécesseurs, dans nombre de domaines, vous mettez vos pas dans les leurs.

Revenons à votre projet de loi. La montagne aura accouché d'une souris pour la création d'entreprise, mais aussi d'un énorme rat fiscal. La loi Dutreil coûtera très cher ! Le coût de votre projet a été estimé par le rapporteur général de la commission des finances à 350 millions d'euros, sans compter les amendements divers créateurs de nouvelles exonérations - 50 millions d'euros - ni la réforme de l'ISF - 100 millions d'euros.

Même en s'appuyant sur ces chiffres, sans doute volontairement sous-estimés, le coût de votre projet s'élève à 500 millions d'euros, ce qui est beaucoup pour une loi qui ne changera rien au quotidien de 95 à 98 % des créateurs d'entreprises.

Vous êtes du reste conscient, Monsieur le secrétaire d'Etat, du caractère inachevé de votre copie, puisque vous avez annoncé, en commission spéciale, une nouvelle loi sur le développement des entreprises, et des mesures de simplification administrative, auxquelles vous procéderez par voie d'ordonnance. Une loi sur le développement de l'entreprise et sur le statut de l'entrepreneur ? Comment distinguer ainsi la création et la transmission de l'entreprise de son développement ? Comment prétendre respecter le Parlement tout en procédant à des simplifications administratives par ordonnance ? Vous méfieriez-vous de votre majorité pléthorique, ou de l'ardeur de quelques députés libéraux, réformateurs, et qui ont au moins le mérite de la cohérence et de la franchise ? Vous partagez leurs idées, mais craignez de l'afficher.

M. Jean-Pierre Balligand - M. Novelli s'est reconnu.

M. Eric Besson - Il n'était pas le seul ! Vous ne faites que décridibiliser votre projet en reportant à d'autres textes des dispositions dont la place était ici, sans parler de certains ministres qui, eux aussi, annoncent des mesures sur l'innovation et la recherche, la sécurité financière, l'aménagement du territoire.

Pourquoi cette hâte à déposer un projet inachevé ? Pourquoi manquer une telle occasion pour la création d'entreprises ? Pourquoi enfin ce projet de loi alors que la plupart de ses dispositions, s'agissant d'exonérations fiscales, relevaient davantage de la loi de finances pour 2003 ?

Là sans doute est la réponse. Vous aviez besoin d'emballer vos cadeaux fiscaux d'un papier politiquement correct - moteur pour la croissance et l'emploi, outil de lutte contre les plans sociaux. Comment pouvez-vous garder votre sérieux, alors que certains sourires, au sein même de votre famille politique, laissent penser que la ficelle est un peu grosse.

Votre texte est une coquille vide, au design et à l'ergonomie soignés pour y accueillir votre réforme de l'ISF. Pardon d'avoir utilisé ce gros mot. Loin de réformer l'ISF, il ne s'agirait, selon le Premier ministre, et la majorité, que de toiletter, adapter, aménager, voire alléger et même « flécher » pour M. Novelli. M. Raffarin nous annonçait, à cette tribune, à grand renfort de formules boursouflées, le temps de la réforme et de l'action, le temps de l'audace. Voici, en fait le temps de la réforme niée, de la réforme camouflée, de la réforme honteuse.

Vous tentez de justifier votre hypocrisie en prétendant briser un tabou. En fait de tabou, il s'agirait plutôt de la réaction de nos concitoyens face à la suppression de l'ISF voulue par MM. Chirac et Balladur. Loin d'être pour nous un tabou, l'ISF fait naître des questions simples. Est-il juste ? Oui, en ce que chacun doit contribuer aux charges publiques à proportion de son patrimoine et de son revenu. Est-il rentable ? Il rapporte plus de 2 milliards par an, soit quatre fois le coût de votre loi, et a été institué par Michel Rocard pour créer le RMI. Le nombre de RMistes aurait-il reculé depuis six mois ? Est-il indispensable de vous priver de cette recette fiscale, alors même que vous multipliez les acrobaties pour masquer que vous avez dépassé le seuil des 3 % de déficit rapporté au PIB ? Est-il judicieux de vous attaquer à l'ISF au moment où vous réduisez de 6 % le budget de l'emploi, gelez les crédits votés il y a six semaines, et vous révélez incapables de gérer le CIVIS ? l'ISF a-t-il des effets pervers ? Vous avez abondamment cité les rapports de MM. Migaud et Charzat...

M. le Président de la commission spéciale - Et Besson !

M. Eric Besson - Je regrette que vous n'en ayez fait qu'une lecture partielle, voire partiale, omettant certains de ses passages dont je ne retrouve ni l'esprit, ni la lettre dans votre projet.

M. Michel Vergnier - C'est une lecture sélective !

M. Eric Besson - Nos deux collègues, MM. Migaud et Charzat, suggéraient de suivre les propositions du conseil des impôts qui consistaient à réformer les modalités de calcul de l'ISF, mais sans affecter son rendement. On est loin de la caricature dressée par la droite. Par ailleurs, vous décidez de réformer l'ISF au moment même où le chômage augmente et où nos concitoyens sont frappés par une avalanche de plans sociaux.

M. Gérard Hamel - Cinq ans de socialisme !

M. Eric Besson - Vous trouvez le rapprochement incongru, mais, mis bout à bout, la baisse de l'impôt sur le revenu, la suspension de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale, les coupes dans les emplois aidés, la création des contrats jeunes en entreprises - « contrats sans formation » - dessinent une politique davantage dictée par des a priori idéologiques que par les nécessités de l'économie française, qui a surtout besoin d'un surcroît de travail soutenu par la consommation. N'oubliez pas que la politique est faite de signes et de symboles, et qu'il peut être indécent de faire la fête devant une maison touchée par le deuil, tout comme il est indécent de s'attaquer à l'ISF quand se profile le spectre du marasme social.

En ramenant la création d'entreprises à une simple affaire d'exonérations fiscales, vous commettiez déjà un erreur et un contresens. En y ajoutant la réforme de l'ISF, vous commettez une erreur politique majeure doublée d'une faute de goût.

Vous auriez dû vous intéresser davantage à l'accompagnement des porteurs de projets et à leur financement. Rappelons deux chiffres essentiels : un créateur sur dix déclare avoir été aidé par un réseau d'accompagnement, et avoir bénéficié d'un crédit bancaire.

En matière de financement, vos deux prédécesseurs avaient créé deux outils qui tenaient compte de la difficulté du financement de la petite entreprise en France : le prêt à la création d'entreprise et le prêt à la reprise d'entreprise. Vous n'en parlez absolument pas.

M. le Président de la commission spéciale - Si !

M. Eric Besson - Les créateurs d'entreprise apprécient beaucoup le PCE, mais disent leur difficulté à y accéder. Effectivement, 11 000 ont été accordés en 2002 pour 30 000 financés. Pourquoi certaines banques ne jouent-elles pas le jeu alors que le système de garantie limite leur risque ? Vous ne proposez aucun diagnostic, aucune amélioration, vous en remettant aux vertus supposées de l'exonération fiscale.

Pourquoi ne rien dire des réseaux d'entreprise, qu'il faut rationaliser et renforcer ? Ils sont nombreux, mais mal répartis, peu complémentaires ; nul part ailleurs en Europe, il n'existe un tel enchevêtrement.

Vous prenez souvent vos exemples aux Etats-Unis. J'y suis allé pour des raisons professionnelles et comme rapporteur, et je n'ai pas été touché par la grâce, Monsieur Carrez...

M. le Rapporteur spécial - Ce n'est pas ce qui ressort de votre rapport.

M. Eric Besson - J'y ai vu des choses intéressantes, mais mon appréciation du libéralisme américain et de ses méfaits est certainement distincte de celle que vous en avez. Inspirez-vous plutôt du volontarisme de la Small Business Administration : vous verrez que, contrairement au libéralisme que vous professez, l'Etat fédéral américain est interventionniste pour la création d'entreprise lorsqu'elle est le fait des « minorités ». Je ne propose pas d'importer la « discrimination positive », mais au moins les Américains, contrairement à vous, essaient-ils de transformer une liberté formelle en liberté réelle.

En comparaison, votre texte a des aspects caricaturaux. Vous acceptez des amendements qui exonèrent de l'ISF des héritiers fortunés, propriétaires d'entreprise dans lesquelles il ne travaillent pas, bref des rentiers, et dans le même temps vous transformez en avance remboursable les malheureux 40 000 francs de prime que perçoivent les jeunes exclus et les chômeurs créateurs d'entreprise au titre du dispositif Eden ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Vergnier - On ne prête qu'aux riches !

M. Eric Besson - C'est avec gêne et après bien des hésitations que les députés UMP ont refusé, en commission, mon amendement visant à établir les modalités de la prime du dispositif Eden. J'espère que cette faute sera corrigée en séance, tant le projet heurte le principe républicain d'égalité devant les charges publiques.

S'il est irrecevable, selon nous, c'est en effet qu'il n'est pas conforme aux articles premier, 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme, relatifs à l'égalité des citoyens et à l'égalité devant la loi, en particulier devant l'impôt. Depuis l'arrêt Chomel du 29 décembre 1911, le Conseil d'Etat a constamment réaffirmé son attachement à ce principe. Or, l'article 8 du projet le méconnaît en instituant un traitement différent entre salariés entrepreneurs et indépendants.

Par ailleurs dans sa décision du 27 décembre 1973, le Conseil constitutionnel a sanctionné une rupture d'égalité devant la loi fiscale ; exonérer les biens professionnels de l'ISF rompt également cette égalité.

Quant au principe d'égalité devant les charges publiques, reconnu maintes fois depuis l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 novembre 1923, l'article 14 du projet l'enfreint en conférant des avantages fiscaux particuliers.

Enfin, vous ne respectez pas le principe de proportionnalité par rapport à l'objectif. Les avantages fiscaux excessifs que vous instituez, notamment pour l'investissement dans les FIP, ainsi que les déductions fiscales pour pertes, sont des dispositions somptuaires, sans rapport direct avec la création d'entreprise.

Ce projet rompt l'égalité républicaine. Il est irrecevable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Luc-Marie Chatel - M. Besson fut plus convaincant dans son rapport que dans cette motion. Encore ne l'a-t-il pas été suffisamment, puisqu'il n'a guère convaincu le gouvernement qu'il soutenait. Lorsque, donc, il parle de projet incomplet, c'est l'hôpital que se moque de la charité ! Mieux vaut une loi qu'un rapport sans suite (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Sur un sujet aussi essentiel, on pouvait espérer une participation plus constructive de l'opposition. Cette démarche procédurière est quelque peu insultante pour tous ceux qui, victimes de la situation économique, attendent des élus une mobilisation sans faille. L'emploi, cette priorité humaine, ne peut être l'objet de petits jeux politiciens.

Mais il est vrai que, pour notre part, nous séparons économie et idéologie. Nous ne pensons pas, comme M. Le Garrec, que « nous » avons créé 2 millions d'emplois, ou comme M. Besson que « nous » avons battu un record... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Eric Besson - C'est la France qui l'a battu !

M. Luc-Marie Chatel - Pour nous, l'emploi ne se décrète pas artificiellement par la loi.

M. Maxime Gremetz - Alors, il ne faut pas proposer cette loi !

M. Luc-Marie Chatel - Il résulte de l'activité économique. Le rôle de la collectivité est de créer les conditions du bon développement économique et de simplifier l'environnement administratif qui étouffe l'initiative. Sans entrepreneurs, il n'y a pas d'emploi.

Vous nous proposez de faire confiance à l'initiative, à la responsabilité individuelle, et non plus à l'assistanat, trop souvent érigé en modèle pour la France. II s'agit de créer de vrais emplois, non des emplois au rabais ou des emplois virtuels. Vous avez choisi de faire confiance aux créateurs, trop souvent découragés, parfois même contraints à l'exil (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Je rends hommage à votre pragmatisme - qui propose à chacun une solution adaptée à son projet propre -, à votre sens de l'écoute car vous avez consulté plus de 4 000 acteurs de terrain -, à votre audace enfin. Sur de nombreux sujets, maintes fois évoqués dans des rapports sans suite, il fera date.

Ainsi on pourra désormais créer une entreprise en un jour, en un lieu, avec un capital libre. La résidence de l'entrepreneur individuel sera désormais protégée en cas d'échec professionnel. La pluriactivité sera facilitée pendant un an. C'est un message fort pour les salariés, dont un sur trois rêve de créer son entreprise. Grâce aux FIP, vous mobiliserez l'argent qui dort au profit des entreprises locales sans de multiples intermédiaires. Vous faciliterez la transmission d'entreprise, y compris de façon anticipée, pour éviter que chaque année 50 000 entreprises disparaissent faute de repreneur.

Ce projet n'a rien de bâclé. Le Gouvernement l'a annoncé depuis des mois, il a été largement discuté et la commission spéciale a procédé à de nombreuses auditions.

Ainsi qu'il a été beaucoup rappelé : le nombre des créations d'entreprises à chuté en France, et notre pays a fait moins bien que ses voisins alors que la croissance y était plus forte !

Ce projet a une double dimension : économique et sociale...

M. Michel Vergnier - En quoi est-il social ?

M. Luc-Marie Chatel - ... puisqu'il tend à créer de la richesse au service de l'emploi. Avec les 35 heures et les lois de régression sociale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), vous avez inoculé un virus aux entreprises. Le Gouvernement, quant à lui, s'attache à leur donner de l'air.

M. Maxime Gremetz - De l'air vicié !

M. Luc-Marie Chatel - Bien entendu, le groupe UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Paul - En présentant ce texte, le Gouvernement affiche sa volonté d'aider à la création de très petites entreprises. En réalité, il s'offre l'occasion de faire de nouveaux cadeaux à ceux que la chance a déjà beaucoup gâtés. Il va sans dire que si votre objectif réel était celui que vous décrivez, nous vous suivrions sans hésiter ; seulement, ce dont il s'agit, c'est de grignoter encore un peu plus le code du travail. On note d'ailleurs que rien, dans ce projet, n'empêchera la mainmise des donneurs d'ordres sur les sous-traitants, qu'ils continueront de pressurer. Quant à proclamer votre compassion envers les salariés victimes du chômage tout en multipliant les allégements d'ISF qui profitent précisément à ceux qui provoquent ces licenciements...

A dire vrai, il n'y avait rien d'autre à attendre d'une droite qui fait allégeance au MEDEF et qui ne pense qu'à privilégier les riches au détriment de tous les autres. Nous voterons évidemment l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. François Sauvadet - Les propos caricaturaux de notre collègue Besson m'ont semblé ceux d'un amnésique. Dois-je vraiment lui rappeler qu'à la fin de la précédente législature nous avions à peine terminé la première lecture d'un texte qui n'était qu'un projet de loi d'orientation - à notre grand dam ? Si l'on avait voulu marquer une volonté réelle d'encourager la création et la transmission d'entreprise, il aurait fallu le faire en début de législature ! C'est ce que nous faisons, en examinant et en amendant le projet. La commission a ainsi adopté 80 amendements, qui visent notamment à mieux prendre en compte la situation particulière des artisans et des commerçants. Et le débat n'est pas fini !

Je me souviens vous avoir entendu évoquer, comme une litanie, tous les emplois créés, mais sans dire que des dizaines de milliers de jeunes gens voyaient approcher avec angoisse le moment où leur emploi prendrait fin sans qu'ils aient de solution de rechange, et sans dire, non plus, que le RMI déstabilise le monde du travail ! C'est bien pourquoi le groupe UDF se bat, et continuera de se battre pour un travail à la fois mieux rémunéré et moins coûteux pour les entreprises.

Mais le comble de l'hypocrisie a été atteint avec l'allusion à la croissance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Oserai-je rappeler qu'au plus fort de la croissance, la France occupait la troisième place sur quinze, au sein de l'Union européenne, en matière de chômage ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Qu'avez-vous donc fait de la croissance ?

M. Maxime Gremetz - Ces chiffres sont scandaleusement faux ! Voyez ceux de la DARES !

M. François Sauvadet - Vous prétendez encore que les capitaux ne s'enfuient pas. J'en viens à me demander si nous vivons dans le même pays ! Personne, ici, ne songe à remettre l'ISF en cause (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), mais je peux vous donner des exemples précis de capitaux bourguignons qui se sont exilés ! Que l'on en rapproche donc le montant de celui qui est consacré au versement du RMI !

M. Maxime Gremetz - Ils ont trouvé à se loger à Monaco ou au Luxembourg !

M. François Sauvadet - Ce projet offrira à nos entreprises un environnement stable ; comment ne pas s'en féliciter ?

Je note enfin, sur le plan juridique, que rigoureusement aucun élément pouvant justifier l'irrecevabilité n'a été évoqué par M. Besson. Pour cette raison, et pour toutes les autres, le groupe UDF ne votera pas l'exception (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Michel Vergnier - J'ai été surpris par la virulence du ton de M. Sauvadet...

M. Bernard Schreiner - Il n'a fait que dire la vérité !

M. Michel Vergnier - ... après que le ministre a cru bon de citer des parties de rapports sorties de leur contexte. A ce petit jeu-là nous pouvons jouer aussi, et la seule conclusion devrait être que la modestie doit prévaloir et que personne n'a de leçons à donner à personne.

Il me faut cependant faire respectueusement observer au ministre qu'il a énoncé quelques contrevérités. Pour commencer, comment oser parler de « revalorisation immédiate de la prime pour l'emploi », alors que le Gouvernement l'a refusée pour 2003 ? Ensuite, sur quels chiffres se fondent le Gouvernement pour affirmer que les allégements de charges - on remarquera au passage qu'il ne parle jamais de « cotisations » - sont l'outil le plus efficace en faveur de la création d'emplois ? Et puis, pourquoi ne pas reconnaître, comme l'honnêteté le commande, l'exploit que fut, sous la précédente législature, la création d'un million d'emplois, qui a permis à un million de salariés de retrouver leur dignité ? Si l'action du gouvernement de Lionel Jospin n'explique pas tout, elle a participé pour beaucoup à ce résultat...

M. Gilbert Meyer - On l'a vu lors de l'élection présidentielle !

M. Michel Vergnier - Notre collègue Besson l'a très justement souligné : ce projet n'est rien d'autres qu'un catalogue d'exonérations, il est injuste et il évoque de petits arrangements entre amis. En fait de « donner de l'air » aux entreprises, vous allez créer des courants d'air en favorisant la création d'entreprise à tout prix - ou, plus exactement, à tous prix. Car, on le voit bien, tous les créateurs d'entreprise ne seront pas logés à la même enseigne. A cet égard, les travaux en commission ont été riches d'enseignements, puisque l'on y a vu la majorité refuser aux créateurs d'entreprise les plus vulnérables toute autre aide qu'une aide remboursable. Qu'au moins on revienne sur cette disposition ! Mais c'est sans doute que tous les créateurs d'entreprise n'intéressent pas autant le Gouvernement...

Le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité contre un texte injuste et inégalitaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste une question préalable, déposée conformément à l'article 91, alinéa 4, de notre Règlement.

M. Maxime Gremetz - Je vous préviens d'emblée : les chiffres que je citerai sont incontestables, et je tiens mes fiches à disposition de qui les veut ! J'adore les chiffres...

M. François Goulard - Le Guépéou aussi !

M. Maxime Gremetz - Quinze millions de Français, nous dit-on, voudraient créer leur entreprise. Puis-je faire observer que cent pour cent des joueurs de loto voudraient gagner le gros lot, et qu'autant de nos concitoyens préféreraient être riches et en bonne santé que pauvres et malades ? (Sourires) Plus sérieusement, la quasi-totalité de nos concitoyens voudraient réussir leur vie de travail, à l'exception d'une petite minorité qui vit très bien en exploitant le travail des autres, ou qui choisit la délinquance.

J'ai déclaré qu'il fallait créer un délit pour poursuivre les patrons voyous. Le Président de la République a repris ma proposition - sans en citer l'auteur ! - en se bornant à considérer qu'il fallait effectivement prendre des mesures législatives. C'est bien ce que nous allons faire en déposant une proposition de loi. Et d'ailleurs, M. Raffarin a, lui aussi, déclaré, hier, qu'il fallait prendre des mesures car on ne pouvait tolérer ce qui se passe aujourd'hui ! Oui, il faut poursuivre les patrons qui abandonnent leur entreprise après avoir empoché les aides publiques - dont le Gouvernement vient d'ailleurs de supprimer le contrôle. Ça vous gênait tellement qu'il y ait une loi sur le contrôle de l'utilisation des fonds publics ? Evidemment, le MEDEF n'était pas content, et vous n'avez eu de cesse de lui donner satisfaction en disant aux patrons « faites ce que vous voulez, ces pauvres Français d'en bas ne verront rien ! ». Eh bien, ce qu'ils voient, c'est qu'ils paient une fois de plus les conséquences de décisions dont ils ignorent tout !

Pour mesurer la sincérité de votre démarche, on ne peut éviter de situer votre projet dans l'ensemble des mesures prises depuis le mois de juin dans le domaine économique et social.

Vous aviez promis que, grâce à votre politique, les entreprises allaient pouvoir créer de nombreux emplois. On se souvient que M. Fillon - que j'ai été obligé, tout à l'heure, de quitter plus vite que prévu pour vous rejoindre alors qu'il nous donnait audience pour discuter de la réforme des retraites - a toujours refusé, et pour cause, d'avancer un chiffre. Il eut fallu en effet qu'il reconnaisse que ce chiffre serait proche de zéro ! Et il aurait fallu donner plutôt une estimation des suppressions d'emploi prévisibles ! Je rappelle que, selon le BIT, - j'ai la fiche en mains (Sourires) - le chômage a progressé de près de 5 % en un an. Et encore ces chiffres ne prennent-ils pas en compte, j'y insiste, la multiplication des plans de licenciements boursiers qui fleurissent depuis quelques semaines. Chaque jour apporte à cet égard son lot de mauvaises nouvelles.

En décembre 2002, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 17 700 pour atteindre 2 306 800. Le nombre de chômeurs de longue durée a progressé de 3,5 % en un an ; l'année écoulée a vu les jeunes subir de plein fouet la dégradation des conditions de l'emploi avec une hausse de 6,2 % des demandeurs d'emploi de moins de 25 ans.

Plusieurs députés UMP - C'est votre bilan !

M. Maxime Gremetz - Quant au chômage des plus de cinquante ans, il a crû de 2,7 % et on dit aujourd'hui « il faut les mettre au travail pour préserver notre système de retraites » (Murmures sur les bancs du groupe UMP), mais vos amis, les patrons des multinationales, les jettent comme des kleenex ! C'est ça la vérité ! Quelle contradiction entre vos belles déclarations et la réalité !

A vous entendre, avec la suppression des emplois-jeunes, le chômage allait diminuer. Résultat : il augmente. Grâce à l'assouplissement des 35 heures, le chômage allait diminuer. Résultat : il augmente. Grâce à la diminution des cotisations sociales - entendez patronales -, le chômage allait diminuer. Résultat : il augmente. Grâce à l'abrogation des dispositions anti-licenciements boursiers de la loi de modernisation sociale, le chômage allait diminuer. Résultat : il augmente, et les plans de licenciements se multiplient !

M. Guy Geoffroy - Même M. Brard a été licencié !

M. Maxime Gremetz - Vous supprimez tout ce que le gouvernement précédent a fait de bien mais préservez tout ce qu'il a fait de négatif, notamment les allégements de cotisations patronales à hauteur de 130 milliards de francs sans contreparties en termes d'emploi ou de formation, ou encore les privatisations, dont on nous a dit, encore tout à l'heure, que leur produit viendrait abonder le fonds de réserve des retraites parce qu'on ne veut pas toucher aux profits et aux revenus financiers.

Encore faut-il relever que les statistiques ne mesurent qu'une partie de l'aggravation du chômage. Les radiations à l'ANPE - je tiens la fiche à votre disposition - en cachent une partie et les délais d'inscription une autre. Mais vous n'allez pas pouvoir masquer la réalité encore longtemps...

M. Yves Simon - Vous avez fait la même chose entre 1999 et 2001 !

M. Maxime Gremetz - Les chiffres sont là ! Les radiations administratives explosent depuis novembre 2001...

M. Yves Simon - Précisément, depuis 2001 !

M. Maxime Gremetz - Interrompez-moi si vous voulez mais je ne vous entends pas...

M. le Président - Poursuivez votre motion, Monsieur Gremetz. Vous étiez parti dans une belle démonstration !

M. Maxime Gremetz - Je permets aux interrupteurs de prendre la parole pour m'apprendre ce que je ne sais pas. Encore faut-il que je les entende ! (Sourires)

Les radiations administratives ont augmenté de plus de 58 % en un an, pour atteindre le niveau record de 29 700 en novembre 2001. Sur les onze premiers mois de 2002, 335 000 personnes sont sorties par ce biais des listes de l'ANPE.

M. Gérard Hamel - C'est votre bilan !

M. Maxime Gremetz - Cela fait suite à l'institution du PAP et du PARE, auxquels nous nous sommes opposés. Dans 95 % des cas, les demandeurs d'emploi sont radiés pour une seule absence à une convocation de l'ANPE (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président de la commission spéciale - Alors, ce n'est qu'une suspension, pas une radiation définitive.

M. Maxime Gremetz - Quand on a été « suspendu », il faut du temps pour être réinscrit ! En attendant, avec quoi mange-t-on et paie-t-on son loyer ? Je suis curieux que vous me l'expliquiez. Vous êtes riches, vous, d'accord, mais tout de même ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président de la commission spéciale - Pas d'agression ! (Sourires)

M. Maxime Gremetz - C'est pour moi un plaisir de m'entretenir avec vous mais reconnaissez que vous représentez plutôt les riches ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il faut aussi penser à ceux qui n'ont rien.

La radiation entraîne la suspension de l'allocation ASSEDIC pour les ménages qui en ont le plus besoin. Déjà frappés dans leur dignité par la perte de leur emploi, voilà qu'on leur supprime l'essentiel.

L'aggravation du chômage découle de l'ensemble de votre politique. Les mesures que vous avez déjà prises commencent seulement à produire leurs effets néfastes. Ainsi, vous avez abrogé la loi de modernisation sociale à la demande expresse du MEDEF. Pour la première fois dans l'histoire de ce pays, un Premier ministre se rend chez M. Seillière. Et vous nous dites à présent que vous ne vous souciez pas de lui donner satisfaction. Avouez qu'il y a là une belle contradiction ! Vous avez dit aux patrons qu'ils pouvaient « se lâcher », et ils ne se font pas prier, d'où les plans de licenciement que nous voyons fleurir aujourd'hui ! Vous leur avez donné le la ! Et ils n'ont pas attendu pour suivre le mouvement.

Quant à vos réformes des retraites et de la protection sociale, elles ne vont qu'aggraver la situation... si toutefois les Français vous laissent faire ! J'étais à la manif samedi et j'ai vécu un moment formidable...

Plusieurs députés UMP - Comme dimanche à Argenteuil !

M. Maxime Gremetz - ... car j'y ai senti souffler l'esprit du début du mouvement de 1995. J'ai aussi là un sondage qui vous intéressera. Lorsqu'on demande aux Français s'ils approuvent ces manifestations pour la défense de leur retraite, sept sur dix répondent oui. Méditez ce résultat ! Il va falloir vous accrocher très solidement à votre fauteuil !

M. Guy Geoffroy - Comme Robert Hue !

M. Maxime Gremetz - Et comment le ministre des affaires sociales peut-il oser dire qu'il est en phase avec les manifestants parce qu'ils veulent comme lui réformer les retraites, alors que les travailleurs veulent une réforme exactement à l'opposé de celle voulue par le MEDEF et son gouvernement ?

Ce qui compte dans les réformes, c'est leur contenu ! J'ai combattu la réforme Balladur sur le calcul des retraites, et j'ai eu raison ! Il y a des réformes qui font progresser, d'autres qui font régresser...

Que dire du financement de la protection sociale, quand on constate que les cotisations patronales représentent 130 milliards de francs, tandis que les profits financiers atteignent 179 milliards de francs ?

M. Gérard Hamel - Vous avez une fiche là-dessus ?

M. Maxime Gremetz - Qu'on m'apporte mon dossier ! (On apporte à M. Gremetz ses documents). C'est dans le rapport du conseil d'orientation des retraites. Je vous donnerai la référence.

Vous dites que vous n'avez pas de chance parce que la conjoncture n'est pas bonne. Comme si la conjoncture, c'était la faute au voisin, une punition divine, ou une maladie contre laquelle on ne pourrait rien !

La conjoncture, c'est vous, ce sont les dirigeants des grandes puissances capitalistes, les décisions prises dans les conseils d'administration des multinationales, la mise en application des dogmes de l'ultralibéralisme, la course au profit, les privatisations - mais on ne peut brader qu'une fois les bijoux de famille (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) -, la déréglementation, les délocalisations, la dictature des marchés financiers. Dans ce contexte, quelle crédibilité avez-vous lorsque vous parlez de réussite sociale par le travail ?

Les cinq parties de votre projet peuvent être regroupées en trois thèmes.

Vous proposez tout d'abord de simplifier les formalités liées à la création d'une entreprise.

Si vous vous en étiez tenus à cette volonté de simplification, nous aurions pu voter votre projet (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

Mais vous voulez aussi accorder de nouveaux cadeaux fiscaux à ceux qui disposent de revenus très confortables - titres III et V - et faire baisser les revenus des travailleurs et en les baptisant « travailleurs indépendants ».

Sans entrer dans le détail des cadeaux fiscaux, je relève qu'un couple marié avec deux enfants qui gagne 84 000 € par an, et qui doit donc, normalement, acquitter 15 000 € d'impôt sur le revenu, pourra grâce à votre texte ne plus payer d'impôt du tout. Pourtant, 84 000 € par an, cela fait 45 000 F par mois... Ce sont donc les 1 % de Français les plus riches qui profiteront de vos cadeaux, et surtout les plus fortunés d'entre eux. Il ne vous avait pas suffi de baisser, à l'automne, l'impôt sur le revenu !

Aux cadeaux aux spéculateurs, vous ajoutez les exonérations sur les plus-values en cas de cession d'entreprise et l'exonération de droits de mutation en cas de cession à titre gratuit à un salarié. Mais les généreux donateurs sont rares : le salarié en question, c'est l'épouse, ou le fils, ou la fille du patron, à qui on fait un bulletin de salaire. Belle manière de détourner la fiscalité des successions ! Lorsque le logement est intégré dans l'entreprise, l'héritier sera même dispensé de tous droits de mutation. Mais les héritiers d'un salarié propriétaire de sa maison devront, eux, continuer à payer... C'est ce que vous appelez l'équité !

Comme si tout cela ne suffisait pas, votre majorité parlementaire a décidé de diminuer l'ISF. J'en tombe raide ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Alors que le chômage augmente, alors qu'il faudrait soutenir la consommation populaire, vous persistez à soutenir ceux qui nuisent à l'emploi et au développement économique. La réforme de l'ISF est l'expression d'un mépris pour la « France d'en bas » - si injustement qualifiée -, c'est un scandale sans nom. Jusqu'à présent, vous n'aviez pas osé !

Vous allégez la fiscalité des plus riches, et vous demandez aux autres de payer : aux salariés, en augmentant leurs cotisations sociales et en diminuant le remboursement des soins, aux chômeurs - 40 % seulement d'entre eux sont indemnisés -, aux familles en ne revalorisant pas leurs allocations.

Sous prétexte de libérer l'emploi, vous persistez à diminuer la fiscalité des entreprises et leur participation à la solidarité nationale, mais l'effet est inverse. Voyez Magnetti Marelli à Amiens : des profits faramineux, des salaires terriblement bas, des femmes qu'on surexploite et qu'on jette (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), avant de retourner en Italie, non sans avoir préalablement profité de 320 millions de fonds publics.

M. Jean Auclair - Pourquoi retournent-ils en Italie ?

M. Maxime Gremetz - Parce qu'ils ont épuisé les avantages dont ils pourraient bénéficier en France ?

M. Jean Auclair - Parce qu'avec les 35 heures, vous avez tué toutes les entreprises !

M. Maxime Gremetz - Ne vous énervez pas, restez calmes ! Combien rapporte l'ISF ? Pouvez-vous me donner un chiffre ? Je vais vous le dire : 2,6 milliards, alors que les fortunes ont explosé (M. Gremetz montre un tableau chiffré).

L'ISF augmente tout doucement, pour arriver - je cite Les Echos - à 2,3 milliards d'euros. En 2001, il rapportait 2,6 milliards ; dès 2002, il n'en rapportait plus que 2,51. C'est à peu près le produit de la redevance audiovisuelle payée par tous les Français. Voilà tout ce que paient, aujourd'hui les grandes fortunes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Une étude du cabinet de conseil Hewitt montre que les 39 PDG de sociétés de l'indice CAC 40 ont gagné en moyenne, en 2001, 2,123 millions d'euros de salaires et 5,373 millions en stock-options. Cela équivaut à 554 années de SMIC ! En 2003, ce sera encore pire, puisque vous multipliez les cadeaux fiscaux et que vous baissez les « charges », comme vous dites, qui sont en fait les cotisations patronales.

Je vais prendre l'exemple de quelqu'un que vous connaissez bien : M. Francis Mer, qui a été président d'Arcelor - par ailleurs chargé par François Mitterrand, à ce titre, de liquider la sidérurgie.

M. Guy Geoffroy - C'est vous qui avez fait élire Mitterrand !

M. Maxime Gremetz - Mais ce n'est pas nous qui avons liquidé la sidérurgie ! Nous avons même quitté le gouvernement à ce moment-là !

M. Mer, donc, pour devenir ministre, a abandonné un salaire de 684 000 €, auxquels s'ajoutaient 315 000 € de primes et la possibilité de réaliser quelque 225 000 stock-options. S'il avait démissionné, il aurait perdu cette possibilité ; il a donc décidé de se mettre en retraite, et de garder ainsi la possibilité de revendre un jour ses 225 000 stock-options (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Puissent tous les Français prendre leur retraite à ces conditions !

M. Gérard Hamel - C'est indécent de s'en prendre ainsi à M. Mer !

M. Maxime Gremetz - Votre gouvernement est bien un gouvernement de classe. Vous socialisez les pertes et privatisez les gains. La France des travailleurs, la « France d'en bas » - comme dit avec mépris M. Raffarin - est le cadet de vos soucis.

L'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, fondement de notre République, dispose que « pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens à raison de leurs facultés ». En diminuant les impôts des riches et en augmentant les taxes des pauvres, vous violez la Constitution.

Mais le titre II de votre projet est le plus dangereux. La loi Madelin prévoyait qu'était présumée travailleur indépendant toute personne inscrite au registre des métiers ou du commerce, ce qui permettait de priver n'importe quel travailleur de ses droits sociaux. Ainsi se sont multipliés les prétendus « artisans du bâtiment » qui, travaillant pour un seul donneur d'ordre, étaient en fait des salariés de celui-ci, mais des salariés privés de leurs droits.

Aussi, dans le cadre des lois Aubry, le groupe communiste a-t-il déposé un amendement abrogeant la loi Madelin, amendement qui fut heureusement adopté par la majorité de l'époque.

Il faut croire que le MEDEF et son Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ont de la suite dans les idées, car ils récidivent aujourd'hui, avec la funeste invention du « contrat d'accompagnement ».

Prenons le cas de Bouygues, de Vivendi et de La Lyonnaise des Eaux. Ces trois multinationales possèdent, dans le BTP, de nombreuses filiales, qui raflent la grande majorité des marchés. Or, ces filiales ont de moins en moins de salariés et sous-traitent de plus en plus à des entreprises de moindre importance, qui elles-mêmes sous-traitent à des entreprises encore plus petites, chaque intermédiaire prélèvent sa dîme au passage. En bout de chaîne, les prix pratiqués sont si faibles qu'une entreprise artisanale a le plus grand mal à respecter les lois sociales, et les conventions collectives, et recourt bien souvent à des clandestins sous-payés.

Pourtant, le prêt de main-d'_uvre à but lucratif est interdit, tout comme le marchandage ; pourtant, l'Inspection du travail est là, les syndicats contestent, la lutte contre le travail clandestin est officiellement à l'ordre du jour. Bref, les organisateurs prennent théoriquement des risques. C'est pourquoi le patronat veut changer la loi, afin de légaliser les pratiques que je viens de décrire - d'où la loi Madelin et le nouveau dispositif machiavélique du Gouvernement, qui va plus loin encore, et qui s'appelle contrat d'accompagnement.

Prenons maintenant un exemple fictif : celui de l'entreprise Lefric (Sourires), sous-traitant de deuxième ou troisième rang, dont le patron va pouvoir s'adresser ainsi à l'un de ses ouvriers : « Je sais que ta condition n'est pas toujours très drôle ; tu es dépendant, tu n'es pas toujours très bien payé. Je te propose de devenir mon égal : je te propose de devenir patron. Nous allons conclure un contrat d'accompagnement, institué par le Gouvernement de ce bon Monsieur Raffarin. Tu crées une entreprise, tu t'inscris à la Chambre des métiers, je m'occupe de toutes les formalités. Pendant un, deux ou trois ans je te prête tout le matériel nécessaire, la camionnette, l'échafaudage, la bétonnière ; je gère ta comptabilité ».

M. le Secrétaire d'Etat - C'est interdit !

M. Maxime Gremetz - « Je te vends tout cela à un prix d'ami, et tu ne paieras que progressivement - mais tu pourras tout aussi bien ne posséder que ta caisse à outils, pour le reste on s'arrangera. Pendant la première année, tu resteras mon salarié à temps partiel, et tu n'auras aucune charge à payer. Si tu prends un crédit, ou si un client te cherche des difficultés, c'est moi qui paierai, et ce pendant toute la durée du contrat. Et si finalement cela ne marche pas, tu pourras revenir travailler chez moi. Marché conclu ? »

M. Alain Néri - Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute !

M. Maxime Gremetz - Or, même si les débuts sont prometteurs, la suite peut être plus difficile. Notre homme est libre : libre de travailler 60 heures par semaine ; libre de rester à la maison sans salaire si M. Lefric ne lui concède pas de marché ; libre d'accepter ou non les tarifs de ce même M. Lefric ; libre de ne pas respecter les règles de sécurité. Voilà le processus que le titre II du projet enclenche, en qualifiant faussement d'indépendant un travailleur qui reste un salarié, car il ne possède ni ses moyens de production ni sa clientèle.

Après avoir obtenu, depuis vingt ans, des exonérations massives de cotisations patronales, le MEDEF veut aujourd'hui faire baisser le salaire directement perçu par les travailleurs. Comme il lui est difficile de supprimer les garanties prévues par le code du travail, et les conventions collectives, il choisit d'en priver le maximum de gens. Les vendeuses deviennent des « gérantes », les cuisiniers des « prestataires de services », et l'on a même vu, il y a quelques années, le magasin Carrefour de Toulouse, rebaptiser « entrepreneur » un man_uvre chargé de ranger les caddies sur le parking !

Ce faisant, on aggrave encore la flexibilité et la précarité. Fini, les quelques freins qui subsistaient encore dans la législation ! Le prétendu « indépendant » vient quand on lui demande, part quand on le chasse. Quant à l'affranchissement de toute règle relative à la durée du travail, c'est la porte ouverte à la destruction d'emplois : un faux « indépendant » peut en effet abattre en 70 heures le travail de deux salariés à 35 heures !

Le risque de la fausse sous-traitance est tel que le projet se croit obligé de préciser, à l'article L 127-5 du code du commerce, que le contrat d'accompagnement ne devra pas enfreindre les dispositions du code du travail qui interdisent le prêt de main d'_uvre à but lucratif ou le marchandage. Précaution illusoire, puisque, par l'article L 127-3, selon lequel la fourniture des moyens par l'entreprise principale n'emporte pas présomption d'un contrat de travail, l'on casse le critère essentiel établi par la jurisprudence pour caractériser la fausse sous-traitance.

Tout cela prouve bien que la surexploitation des travailleurs n'est pas un simple risque de dérive, mais l'objectif même poursuivi par le Gouvernement sur l'injonction du MEDEF.

Dans la suite du débat, nous ferons nos propres propositions, et votre attitude envers nos amendements sera un bon indicateur de vos vraies intentions. Nous avons à c_ur de faciliter la création de petites entreprises vraiment indépendantes et d'assurer leur avenir face aux grands groupes de l'industrie et du bâtiment. Il est important que des ouvriers ou des techniciens puissent se mettre à leur compte.

M. le Président de la commission spéciale - Très bien !

M. Maxime Gremetz - Mais, pour cela, il faut lever toutes les ambiguïtés de votre texte quant aux droits et garanties des salariés, instituer des fonds régionaux d'aide et des prêts sans intérêts, et élargir l'aide à la création d'entreprises, notamment en généralisant les dispositifs déjà existants, comme Eden ou ACR, tout en leur gardant leur spécificité d'aide non remboursable.

En l'état, nous ne pouvons que voter contre ce projet, qui porte atteinte aux droits des salariés, crée des inégalités entre eux et instaure une concurrence déloyale au détriment des vrais indépendants.

On me dira que la critique est aisée, et l'action difficile. Eh bien nous proposons, justement, d'agir, de s'attaquer aux privilèges et surtout au chômage, source de tous nos maux : insécurité sociale, baisse des salaires, démotivation des élèves dans le secondaire, délitement des familles, hausse de la délinquance.

Le chômage n'est pas une fatalité, mais le résultat de l'absence d'une réelle volonté de le faire disparaître.

En fait, le chômage vous arrange (Protestations sur les bancs du groupe UMP) , en ce qu'il pèse sur les salaires et les conditions de travail par la crainte qu'il inspire. Quand j'étais ouvrier, on pouvait dire à son patron : « si c'est comme ça, je vais travailler ailleurs ! ». Aujourd'hui, avec 2,5 millions de chômeurs, les salariés doivent accepter beaucoup plus de choses ! Marx est toujours d'actualité !

Les communistes proposent un projet de société cohérent, qui garantit sécurité de l'emploi et formation. Pour répondre aux défis de la production moderne, il convient en effet d'améliorer le niveau de la formation professionnelle, grâce à la réforme des structures actuelles, à l'attribution d'une allocation d'autonomie-formation aux jeunes, au renforcement des prérogatives des comités d'entreprise, au maintien de la rémunération pendant la période de formation.

M. Michel Vergnier - Très bien !

M. Maxime Gremetz - Il faut également lutter contre l'emploi précaire en limitant le recours aux CDD ou à l'intérim, et en encourageant financièrement le recours aux CDI. « Remettre la France au travail », dites-vous ? Mais les deux millions et demi de chômeurs n'attendent que cela ! N'accusez pas ceux qui souffrent du chômage de ne pas vouloir travailler.

L'évolution que nous appelons de nos v_ux passe aussi par la réforme des 35 heures, qui n'ont pas permis d'atteindre les objectifs souhaités. Si l'on tient compte du chômage, des emplois précaires et du temps partiel, la durée moyenne actuelle du travail est de 30 heures. Fixons-en donc la durée légale à 32 heures - c'est-à-dire la semaine de quatre jours (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) - et accompagnons cette réforme d'autres mesures, telle la limitation de la flexibilité au secteur saisonnier, l'intégration des pauses dans le temps de travail, ou l'abrogation du forfait-jour des cadres.

Vous proposez, de votre côté, de créer un million d'entreprises...

M. le Président de la commission spéciale - En cinq ans !

M. Maxime Gremetz - 200 000 par an, c'est raisonnable, et même audacieux. Mais quid des défaillances d'entreprise ?

Mme Sylvia Bassot - C'est à cause des 35 heures !

M. Maxime Gremetz - Non, car les défaillances d'entreprise n'ont pas attendu les 35 heures pour se multiplier. Vous voulez favoriser la création d'entreprises, et c'est très bien, mais en même temps il faut éviter que celles qui existent disparaissent.

Pour parler souvent avec de petits patrons qui ont des projets, je peux vous dire quels sont leurs deux grands problèmes. Le premier...

Plusieurs députés UMP et UDF - Ce sont les charges !

M. Maxime Gremetz - Non : c'est de ne pas trouver de prêts, car dans ce pays on ne prête qu'aux riches.

M. Michel Vergnier - C'est vrai !

M. Maxime Gremetz - Il faut donc revoir le rôle du système bancaire, baisser les taux d'intérêt, accorder des prêts bonifiés.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Maxime Gremetz - Et le deuxième problème, c'est le manque de soutien. Il faut apporter aux entrepreneurs, non pas une exonération de charges sociales, mais une prime à la création. Je connais des entreprises qui exportent, qui innovent, et qui ne se plaignent pas des charges sociales ; ce dont elles se plaignent, ce sont des frais financiers et, bien sûr, de la complexité administrative : il n'est pas normal que l'épouse d'un garagiste qui a trois salariés passe son temps dans la paperasse. Enfin, il faut aussi assurer l'indépendance à l'égard des donneurs d'ordres.

Vous le voyez, je défends avec passion l'entreprise et l'emploi. Mais votre texte, à nos yeux, est dangereux. J'invite donc l'Assemblée à voter la question préalable. Et pour tous ceux qui veulent vérifier que j'ai cité des chiffres officiels, et non des chiffres inventés par Maxime Gremetz, mes documents sont à leur disposition (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Mme Chantal Brunel - Ce texte, très attendu par le monde de la petite entreprise et par les travailleurs indépendants, dynamisera notre économie. Le groupe UMP votera donc contre la question préalable.

M. Michel Vergnier - Maxime Gremetz a bien montré, à partir de tableaux que nul ne peut contester, combien il y a d'inégalités dans ce pays. Quel rapport avec ce texte, direz-vous ?

Plusieurs députés UDF - Oui !

M. Michel Vergnier - C'est que tout au long du texte les inégalités sont sous-entendues, à défaut d'être proclamées. Aussi ne pouvons-nous l'approuver. Dans la Creuse, pays de maçons, on sait qu'avant de construire la maison, il faut faire les fondations. Or si nous avons constaté sans étonnement l'enthousiasme du MEDEF, nous avons noté aussi les réserves de l'UPA. Pour construire sur des fondations solides, mieux aurait valu inscrire au Sénat le projet Patriat, que nous avions voté en première lecture, que M. Sauvadet avait salué à l'époque, et qui contenait, par exemple, les dispositions sur la formation qui manquent ici. Vous les renvoyez à la fin de l'année ; dans la Creuse, pays d'agriculteurs (Sourires), on sait aussi qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les b_ufs.

Ce projet est incomplet, et dangereux pour ceux-là même que vous voulez aider. Nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Rodolphe Thomas - Le groupe UDF, bien entendu, ne votera pas cette motion. Par tout son propos, M. Gremetz semble vraiment aux antipodes du monde de l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je pourrais cependant le suivre sur un point (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) : les relations entre les entreprises et les banques, dont je sais d'expérience qu'elles ne sont pas simples.

Mais comment venir nous faire la morale quand on a gouverné pendant cinq ans ? Dans le bassin d'emploi où je suis élu, 3 000 emplois ont disparu en six mois chez Moulinex, qu'on ne vienne donc pas nous faire la leçon !

Le projet du Gouvernement a le mérite d'exister. Il entraînera une dynamique de développement pour nos entreprises, face à la globalisation dont elles supportent à plein les effets (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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