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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 52ème jour de séance, 134ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 4 FÉVRIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      INITIATIVE ÉCONOMIQUE (suite) 2

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 5 FÉVRIER 2003 34

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'initiative économique.

M. Gérard Bapt - L'exposé des motifs de votre projet, Monsieur le ministre, le présente avant tout comme un texte destiné à favoriser la création et la reprise d'entreprises. Il s'ouvre d'ailleurs par un hymne fort bien tourné à la liberté, à la réussite par le travail, à la créativité et à l'initiative. Aussi quatre des cinq thèmes du projet sont-ils consacrés à la création et à son accompagnement social. Vous auriez d'ailleurs pu vous en tenir là pour présenter une « loi Dutreil » sur la création et la PME. Mais il y a aussi un cinquième titre sur la transmission, utilisé par la majorité en commission spéciale pour déborder largement le problème de la petite entreprise et de l'artisanat, et qui justifie sans doute que le projet soit signé par le seul ministre de l'économie et des finances. A ce titre vont se rattacher les amendements concernant l'impôt sur la fortune que le Gouvernement a fait porter par sa majorité. Nous en arrivons ainsi, après le passage en commission spéciale, à ce qui est en vérité un texte d'allégements fiscaux - sur l'ISF, sur l'impôt sur le revenu - dans la continuité certes des lois fiscales du Gouvernement, mais dédié quasi-totalement aux couches sociales les plus aisées, pour près de 500 millions d'euros... Mon collègue M. Besson s'est exprimé très justement sur l'ISF, et M. Migaud y reviendra. Je veux toutefois dire ma surprise, alors que la commission spéciale était réunie au titre de l'article 88, d'avoir vu arriver un amendement du Gouvernement sur l'ISF, proposant d'exonérer les titres acquis au capital des entreprises industrielles, commerciales, de services ou agricoles : cet amendement a même surpris notre rapporteur M. Carrez, puisque - nous a-t-il dit - il l'a débordé en allant beaucoup plus loin dans l'exonération. Il lève notamment la limite des cinq ans, ainsi que l'exigence que les entreprises soient créées depuis moins de cinq ans...

L'objectif, que vous aviez affirmé, de création d'un million d'entreprises sur cinq ans ne pouvait en revanche que rencontrer notre approbation, puisqu'il avait déjà été formulé par le gouvernement précédent. Certaines dispositions de votre projet sont d'ailleurs reprises de celles votées en première lecture sous la précédente législature, à l'initiative de François Patriat. Certaines autres, il est vrai, tiennent plus de l'affichage que du concret. C'est le cas de l'article premier qui, permettant la création d'entreprises à un euro, peut laisser croire que les fonds propres ne sont pas essentiels pour une petite entreprise : vous-même soulignez pourtant, dans votre exposé des motifs, que l'insuffisance des capitaux propres est une des causes de fragilité de nos entreprises, à la naissance comme dans la phase de croissance.

D'autres dispositions apparaissent comme un substitut à une suffisante volonté réformatrice. Ainsi la création du RCE, le récépissé de création d'entreprise, tend à réduire les procédure, ce qui est positif ; mais on peut s'interroger sur sa valeur juridique. En outre il permet d'esquiver une réorganisation administrative de l'Etat et des organismes consulaires et de sécurité sociale, alors que la multiplicité des démarches et des guichets laisse souvent perplexe le créateur. De même, concernant les déclarations d'entreprises sur Internet, il faudrait encore savoir quelles dispositions le Gouvernement compte prendre au regard des différents organismes concernés. Quant aux mesures sur la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur, en laissant de côté les aspects sociaux, d'accompagnement et de formation, elles creusent la différence entre les petites entreprises et les grandes. C'est d'ailleurs le sens des remarques formulées par l'UPA comme par la CGPME : elles soulignent que les mesures relatives à l'accompagnement, mais aussi au financement, concernent surtout les moyennes et grosses entreprises et les sociétés, bien plus que les très petites entreprises et l'artisanat. A cet égard, votre projet apparaît déséquilibré au détriment des petites entreprises.

Mais je souhaite évoquer tout d'abord l'importance des mesures fiscales qu'il contient, avant même la prise en compte des amendements concernant l'ISF : le rapporteur général du budget les a évaluées à 350 millions d'euros, dont 245 pour les seules exonérations de taxations des plus-values.

Qu'il s'agisse des réductions d'impôts au titre de l'investissement, ou de la déductibilité des pertes subies lors de l'investissement dans une société nouvelle, ce sont les aspects fiscaux, avec des déductibilités majorées, qui l'emportent. L'incitation fiscale, la privatisation des profits, combinée parfois avec la mutualisation des risques, l'emportent sur ce qui faisait du texte de François Patriat un ensemble beaucoup plus équilibré sur le plan social, favorisant la formation et l'accompagnement. Votre texte est avant tout dirigé vers les sociétés et les moyennes entreprises.

L'innovation qu'il propose est la mise en place de fonds d'investissement de proximité destinés à drainer l'épargne vers des activités localisées dans la même région. Mais il est permis de douter de l'efficacité de ce système, car il a les mêmes caractéristiques que les fonds communs de placement à risque qui existent dans toutes les régions. D'abord, la collecte d'épargne directe sera difficile, tant en raison du risque que de la difficulté de sortie des fonds. Ce constat fait d'autant plus regretter que vous ayez rejeté la piste de fonds territorialisés de drainage de l'épargne collectée dans le cadre réglementé des Codevi, des PEL et CEL, des livrets d'épargne d'entreprise... Pourquoi n'avoir pas exploré la voie d'une affectation territorialisée, qui aurait pu être modulée en fonction des choix d'aménagement du territoire au profit de zones défavorisées ? De la part d'un gouvernement qui affiche une volonté de décentralisation et d'expérimentation, c'est un manque évident d'audace et d'imagination. Seul l'amendement concernant le financement de l'entreprise à partir des fonds rassemblés dans les plans d'épargne en actions a été repris par la commission spéciale. Le rejet des trois autres amendements concernant le drainage de l'épargne réglementée nous inquiète, car il laisse craindre qu'une réforme soit préparée sur la base des positions exposées récemment par M. Arthuis, président de la commission des finances du Sénat.

Mais si je doute de la réelle efficacité de vos fonds d'investissement de proximité, c'est aussi parce qu'ils auront un caractère très institutionnel, attribués sur appels d'offre à des sociétés de gestion. Nous sommes loin du modèle canadien des fonds d'investissement de proximité. Qu'il s'agisse des dix-sept fonds régionaux de solidarité des travailleurs du Québec ou des sociétés locales d'investissement dans le développement de l'emploi, dont la création est décidée localement, ils associent étroitement les acteurs locaux à leur création et à leur gestion : municipalités, partenaires sociaux, syndicaux et associatifs, institutions financières locales. Leur succès vient de leur implication locale et de leur dimension sociale et solidaire, absente de votre dispositif. C'est une occasion manquée pour un dialogue social territorialisé... Certains députés de la majorité ont d'ailleurs déploré en commission spéciale l'absence de toute prise en considération de l'aménagement du territoire dans ce projet de loi. Malheureusement, à la demande du rapporteur, ils ont retiré leurs amendements concernant les zones en difficulté. Il y faut pourtant plus que la seule défiscalisation. Aussi avons-nous déposé un amendement permettant de créer des groupements d'intérêt public associant les collectivités locales et les acteurs locaux, vers lesquels iraient des financements provenant des fonds d'épargne réglementés, modulés en fonction des situations régionales.

Reste que le caractère fiscal dominant de votre texte, Monsieur le ministre, rend plus caricatural encore son déséquilibre, si l'on considère l'article 19, relatif à la création d'entreprise par les allocataires sociaux : RMistes, chômeurs en fin de droits, demandeurs d'emploi de longue durée.

La loi de lutte contre les exclusions avait étendu la mesure « Eden » aux allocataires sociaux, en transformant l'avance en prime : ce dispositif, fut complété plus tard par la prime à la création d'entreprise. Dans le cadre du comité de bassin d'emploi du nord-est toulousain, que je préside, sur 34 immatriculations d'entreprises effectuées en 2002, 25 ont concerné des demandeurs d'emploi, dont 8 RMistes, et 8 seulement des personnes en activité. Nous ne constatons que très peu de défaillances d'entreprise, après trois ans. C'est dire que la motivation et la responsabilisation des créateurs, bien suivis et conseillés, sont entières, et que les aides à la création, concernant un public dépourvu de patrimoine personnel, sont primordiales.

J'espère donc, Monsieur le ministre, qu'en cours de débat vous reviendrez sur la transformation en avance de la prime à la création destinée aux allocataires sociaux. Cette mesure est caricaturale, face à la masse des exonérations fiscales que vous consentez... Revenir sur ce point remobiliserait les réseaux d'aide. Je souhaite que vous preniez en compte le baromètre 2003 du Salon des entrepreneurs, réalisé par l'IFOP. Il montre une baisse du pourcentage des personnes qui souhaitent créer leur entreprise : 27 % en 2002 contre 31 % en 2001. Or le principal frein, selon le baromètre, est justement le manque de capitaux pour 67 %, loin devant le montant des charges sociales - 20 % - ou la complexité des démarches administratives - 15 %.

Il serait donc très important que vous reveniez sur cette disposition. Sachant que la philosophie de votre texte est d'aller toujours vers plus d'allégements de charges, nous y sommes opposés sur le fond (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons devant nous trois heures quarante de discussion générale. En conséquence je demande à chaque orateur de respecter son temps de parole.

M. François Sauvadet - Disons les choses comme elles sont : votre projet, Monsieur le ministre, va dans la bonne direction. Vous nous avez suggéré de l'améliorer, sachant que tout texte est perfectible. Aussi avons-nous fait en commission notre travail de parlementaires, en adoptant quatre-vingt amendements, dont une dizaine émane du groupe UDF.

C'est qu'à l'UDF nous soutenons ce qui va dans le bon sens, et nous disons, quand il le faut, ce que nous avons à dire (Sourires).

Oui, il est indispensable d'encourager la création et aussi la transmission d'entreprises, en levant les obstacles qui les contrarient. Beaucoup de nos concitoyens aspirent à créer une entreprise, mais trop peu nombreux sont ceux qui se lancent : 170 000 seulement.

Nous avons consulté l'ensemble des chefs d'entreprise, j'ai moi-même envoyé mille questionnaires dans ma circonscription ; les réponses sont unanimes : le système est trop lourd, les charges sont excessives, l'accompagnement est insuffisant.

Créer une entreprise n'est pas facile, nombre de tentatives échouent. C'est pourquoi il faut accompagner ceux qui se lancent, leur dégager le terrain pour qu'ils trouvent à déployer leur activité, sans perdre trop d'argent en début de parcours, ce qui pose la question des prélèvements. 53 % des entreprises sont défaillantes au bout de trois ans. Cette hécatombe doit nous faire réfléchir.

La transmission d'entreprise requiert aussi un soutien actif, et vous franchissez dans cette voie un pas sensible ; il faudrait aller plus loin. C'est que, dans tout cela, l'emploi est en cause, l'emploi durable, ancré dans des territoires dont il entretient la vie. Cet emploi, il se trouve avant tout dans les PMI, dans le commerce et dans l'artisanat. Il faut donc poursuivre l'allégement des charges, non pas pour diminuer les rémunérations, mais pour conforter le travail et l'emploi.

Il importe de protéger le créateur, sans naturellement supprimer la notion de risque.

L'insaisissabilité de la résidence principale est une heureuse mesure, face à des situations personnelles devenues intenables. On le sait bien, en cas de création ou de reprise d'une entreprise, il est nécessaire souvent de trouver un complément de financement, ce qui conduit, étant donné la frilosité des banques, à hypothéquer ses biens personnels. Et encore, cela ne suffit pas toujours !

Il est également indispensable de protéger le conjoint en cas de dépôt de bilan. La commission a adopté une disposition en ce sens.

Créer une entreprise doit être rendu possible pour tous et partout. La transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur est une bonne idée, qui appelle cependant quelques éclaircissements juridiques. Mme la rapporteure a bien souligné le risque d'abus de situation. Une obligation de loyauté s'impose, tout comme doit s'imposer l'équité entre le public et le privé. En effet, pourquoi un agent du service public ne pourrait-il pas se lancer lui aussi dans la création d'une entreprise ? Sur ce sujet, le groupe UDF a présenté une proposition.

Bien entendu, certains vont nous opposer les statuts de la fonction publique ! Mais il appartient au législateur d'affirmer une volonté d'ouverture à la création pour tous. Cela vaut aussi pour les chômeurs, qui doivent continuer à toucher leurs indemnités lorsqu'ils prennent un risque, et bénéficier d'une avance dont le remboursement ne sera exigible que s'ils réussissent. C'est cela, le partenariat !

Sur l'urgence d'une simplification, le souhait des chefs d'entreprise est unanime. Sans doute la création du guichet unique n'ira-t-elle pas sans difficulté, comme toujours lorsqu'une simplification commence à être appliquée.

Charles de Courson traitera du volet fiscal, dont il est expert. Sur ce point, l'hypocrisie doit cesser, comme l'a bien dit le rapporteur général. Il ne s'agit pas de mettre en cause l'ISF, car nous sommes attachés à la solidarité. Mais il faut favoriser l'investissement dans les entreprises françaises, pour assurer leur pérennité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Le groupe UDF souhaite que les entreprises individuelles ne soient pas exclues du bénéfice des FIP.

A la création pour tous s'ajoute la création partout. Monsieur le rapporteur général, vous avez fort bien parlé des zones franches urbaines, dont l'opportunité a été discutée, y compris au sein de la précédente majorité, en particulier par M. Carraz. Vous prévoyez d'en créer quarante de plus. Soyez aussi à l'écoute de nos campagnes. Il serait inacceptable de poursuivre la politique des zones franches en oubliant le sentiment d'abandon qui s'est exprimé le 21 avril au sein du monde rural. Ce qui s'applique à l'urbain difficile doit s'appliquer aussi au rural difficile.

Pour avoir vu en Bourgogne des entreprises familiales se trouver en grave difficulté à la deuxième ou à la troisième génération, je ne puis que souscrire aux aménagements que vous proposez pour l'ISF.

Enfin, s'agissant du taux de l'usure, la commission a fait preuve de sagesse en se prononçant contre un plafond, auquel les banques, à qui l'esprit de concurrence semble parfois faire défaut, se seraient tenues. La logique aurait voulu qu'on supprime ce taux, mais l'essentiel est que le débat soit ouvert.

À certains égards, nous sommes donc restés quelque peu sur notre faim, mais je sais que d'autres projets viendront et j'espère que vous entendrez la voix du Parlement. Le groupe UDF, force de proposition engagée aux côtés du Gouvernement, soutiendra donc ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Daniel Paul - À l'ère de l'économie mondialisée, des mégafusions et du return on equity, plaider pour un tissu dense de petits entrepreneurs n'est pas anachronique ou ringard. En effet, ce réseau joue un rôle moteur dans l'aménagement et l'animation des territoires urbains et ruraux et il soutient la croissance.

Au cours des cinq dernières années et malgré un léger tassement depuis deux ans, le nombre des créations d'entreprises n'a guère bougé, restant proche de 270 000. Contrairement à ce que certains affirment, la situation n'est pas plus défavorable que dans les pays voisins, d'autant que nous ne partons pas de zéro : la précédente législature n'a-t-elle pas vu l'adoption de la loi NRE, une réforme des marchés publics favorable aux PME, des mesures relatives à l'impôt sur les sociétés, la suppression graduelle de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle et la baisse de la TVA dans le bâtiment ainsi que des droits de mutation ? Cependant, beaucoup d'entreprises ne survivant pas à leur troisième année, nous souscrivons à l'idée de conforter le dispositif en faveur des PME et de l'artisanat.

Ce projet contient un certain nombre de propositions sur lesquelles nous aurions pu nous accorder : favoriser le développement de l'entreprise de la création à la transmission, simplifier la création en facilitant le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur, aider au financement des projets, mettre en place un accompagnement social, voilà autant d'objectifs que nous partageons. En effet, s'il existe des aides à la création et au démarrage, il n'existe que peu de dispositifs de soutien au développement des entreprises. Malheureusement, votre loi ne vise pas à conforter les réseaux d'accompagnement.

Elle ne contient non plus aucune proposition inspirée des couveuses ou hôtels d'entreprises qui, dans plusieurs régions touchées par la crise, ont permis une redynamisation.

Mais, et vous le savez bien, l'essentiel de votre projet est ailleurs.

Sous prétexte de répondre à des difficultés objectives, le Gouvernement propose des dispositions dangereuses et ouvre la porte à des amendements inacceptables, touchant au droit du travail et à la financiarisation de ces secteurs. Vous poussez même la provocation jusqu'à annoncer le début d'une réforme de l'ISF pour favoriser les plus riches - encore que certains préfèrent parler de simple aménagement...

Mardi 14 janvier, un groupe de députés UMP conduit par Xavier de Roux, vous a présenté, au cours d'une conférence de presse, une série de propositions très libérales, destinées à alléger les obligations des employeurs : ils souhaitaient abroger les règles limitant le recours abusif aux CDD - les salariés de Renault apprécieront -, limiter l'obligation d'évaluer les risques pour la sécurité et la santé « aux métiers réellement à risques » - c'était bien la peine de rassurer les adhérents de la FNATH ! -, et dépénaliser ou même supprimer certaines infractions fiscales. Après avoir dénaturé la loi de modernisation sociale, ces élus d'avant-garde veulent aussi introduire une « obligation de discrétion » pour les membres des comités d'entreprise.

Même si vous avez pris la précaution de considérer ces propositions comme des contributions, elles éclairent la réalité de votre projet politique.

Face à la recrudescence des plans de licenciements, de Metaleurop à Arcelor, de Daewoo à ACT, alors que la loi de modernisation sociale est à l'état de poussière, que vous donnez carte blanche aux patrons voyous comme ceux de Palace Parfums et que vous bloquez les salaires et la prime pour l'emploi, vos projets libéraux sont une inacceptable provocation.

Le comble est atteint quand au nom du soutien à l'emploi et à l'investissement, vous annoncez une réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est plus que du grand écart ! Vous ne dites même plus, comme Guizot, « Enrichissez-vous » ; vous annoncez votre volonté d'enrichir les plus riches.

Cette réforme de l'ISF vient compléter la panoplie de cadeaux fiscaux qui, comme l'ensemble de la politique libérale du Gouvernement, ne visent qu'à rendre nos territoires attractifs pour les fonds d'investissement ! Par cette seule mesure, ce sont de 50 à 100 millions d'euros qui seront offerts aux grandes fortunes de notre pays !

Conscient de l'impopularité de la disposition, vous aviez différé ce projet pendant plusieurs mois, mais vous n'avez pas résisté longtemps à la pression de vos amis du Medef et aux libéraux de votre majorité.

Marie-George Buffet a touché juste lorsqu'elle a dit « Vous avez de la compassion pour les licenciés et de la générosité pour les grandes fortunes ». Que vont penser les milliers de salariés touchés par l'avalanche de plans sociaux annoncés depuis le 1er janvier ? Les 46 salariés de Palace Parfums dont les dirigeants ont vidé l'usine à Noël, les 550 salariés de Daewoo et les 150 du site de Famek, les 660 salariés de ACT Manufacturing qui occupaient leur entreprise depuis sa liquidation et que les forces de l'ordre ont délogés, les 830 de Metaleurop, les 1 550 d'Arcelor, les 600 de Péchiney, les 653 de Lu, les 164 de Reims Aviation, ou encore les 400 de Trouvay et Cauvin, au Havre, qui avaient pourtant « bénéficié » de la loi de Robien dès l'automne 1996, soit 20 millions d'euros en six ans, accepté des plans « sociaux », et qui aujourd'hui, se retrouvent tous licenciés sans que l'on puisse savoir ce qui s'est passé, votre Gouvernement ayant décidé d'abroger la loi sur le contrôle de l'utilisation des fonds publics. À ce propos, d'ailleurs j'avais adressé un courrier à M. Mer en octobre : je n'ai toujours pas la réponse !

Comment allez-vous expliquer à tous ces salariés que pour améliorer l'environnement fiscal des entreprises, vous avez décidé d'alléger l'impôt sur les grandes fortunes ?

Notre groupe considère au contraire, que, plutôt que de chercher à attirer à tout prix des détenteurs de capitaux dont le seul critère est la rentabilité, il serait plus judicieux et économiquement comme socialement plus efficace de proposer une réorientation complète de la politique du réseau bancaire et de la Banque centrale européenne, au profit de l'emploi, de la formation et de la croissance.

Je fais miennes - au moins sur ce point - les critiques portées par d'autres de nos collègues. Ce projet est « décevant, partiel et bancal ».

En fait, vous avez bâclé un projet peu efficace mais coûteux, où les dispositifs destinés à favoriser la création d'entreprises sont ensevelis sous une avalanche d'exonérations fiscales et surtout prétextes à remettre en cause le droit du travail.

Le rapporteur a d'ailleurs indiqué que parmi ces mesures, certaines avaient été examinées dans le cadre du projet de loi de finances puis repoussées en raison des contraintes budgétaires. Le coût des déductions et allégements figurant dans le présent projet ne se monte-t-il pas à 350 millions d'euros, sans compter l'allégement de l'ISF ?

Aider les PME suppose pour nous de changer le comportement des groupes et des banques par une politique publique volontariste. Dans cet esprit, nous proposons la mise en place d'institutions nouvelles chargées de partager efficacement les ressources et d'animer la coopération entre territoires. Ce pourraient être des conférences financières, dans les régions, ou des regroupements, dans les bassins d'emploi ou dans une collectivité territoriale, qui aideraient à rompre avec une mise en concurrence sauvage, afin de favoriser des contrats à moyen et long terme pour la production, la recherche et les services. Nous n'assisterions peut-être plus alors à ce que je vis dans ma circonscription, où aucune banque n'accepte de soutenir la reprise d'une boulangerie située dans une de ces zones franches que certains voudraient étendre...

Nous continuons également de militer pour la création d'un véritable pôle public financier auquel participeraient notamment la BDPME et EULIA, et qui serait chargé de développer un nouveau service public pour l'emploi et la formation et d'amorcer une refonte des relations entre banques et entreprises, dans le cadre du système européen de banque centrale, et en prenant appui sur un dispositif de bonification sélective du crédit, avec comme critère essentiel la promotion de l'emploi et des qualifications. Les aides publiques, y compris dans votre projet, servent surtout à abaisser les charges patronales. Ce n'est pas efficace pour l'emploi et cela contribue à l'extrême fragilité de la croissance en tirant les salaires vers le bas et en décourageant l'effort de qualification. Ce type de politique limite la recherche de compétitivité à la seule baisse du coût salarial de l'emploi et, en favorisant les seuls placements financiers, entraîne bien des gâchis humains.

Cette logique libérale sape la demande dont dépendent pourtant étroitement les PME et rend plus coûteux l'accès au crédit. Dans le cadre du fonds décentralisé dont nous préconisons l'installation, les aides publiques contribueraient plutôt à réduire de manière sélective les charges financières du crédit pesant sur les entreprises.

Votre texte ne distingue pas les entreprises dépendantes de groupes des sociétés indépendantes. Il tend par conséquent à favoriser un essaimage permettant de déroger aux règles élémentaires du droit du travail. A mots couverts, vous institutionnalisez - via les contrats d'accompagnement - une fausse sous-traitance. Il y a tout lieu de craindre qu'en utilisant ces nouvelles dispositions, le chef d'entreprise incite un ou plusieurs de ses salariés à créer une TPE, laquelle échappera aux règles élémentaires du droit du travail. Nous avons déposé plusieurs amendements pour prévenir cette dérive.

Tout le monde en est d'accord, il est raisonnable d'aller dans le sens de la simplification. Dès lors, si nous ne contestons pas le bien-fondé des mesures visant à décharger les petits entrepreneurs de certaines tâches administratives, nous restons extrêmement réservés quant aux conditions de leur mise en _uvre. La commission a ainsi examiné un amendement du rapporteur visant à centraliser dans un guichet unique le recouvrement des charges sociales liées à l'emploi de salariés et précisé que ce guichet unique, couplé à la mise en place d'un chèque emploi-entreprise, répondait à un objectif de simplification. C'est avec un profond sentiment d'incompréhension que les salariés de l'URSSAF ont appris que vous souhaitiez confier à l'ORGANIC pour les commerçants, et aux AVA pour les artisans, le soin de collecter les cotisations sociales, afin que les entreprises aient un interlocuteur unique.

Comme un fait acquis, vous auriez affirmé, selon les agents de Dieppe...

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - ...où je ne suis jamais allé !

M. Daniel Paul - ...que « l'instauration du guichet social unique modifiera la répartition du travail entre les organismes sociaux, en accroissant le travail des AVA et des ORGANIC, mais en allégeant celui des URSSAF où il faudra moins de moyens ». Que deviendront les salariés de l'URSSAF affectés à ces missions ? La simplification est un objectif légitime mais il faut tenir compte des nombreuses actions déjà engagées pour rendre aux cotisants un service conforme à leurs attentes. Là encore, votre projet n'est pas pertinent. Il est vrai qu'en plus des cadeaux fiscaux, des allégements de cotisations sociales et des menaces sur le code du travail, vous souhaitez vous attaquer à tous les organismes de contrôle en vue de contracter encore l'emploi public. Les DGCCRF et autres services de l'emploi n'ont qu'à bien se tenir !

En matière d'initiative économique, le groupe communiste a des propositions constructives à faire. Il déplore que vos préoccupations véritables se situent ailleurs. Ce texte n'est qu'un prétexte pour accélérer la mise en _uvre d'un projet ultra-libéral que nous combattrons avec détermination (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Mme Chantal Brunel - Je souhaite, au nom du groupe UMP, insister sur la dimension sociale de ce texte. Aujourd'hui, l'économie nationale ne va pas bien. Face à la mondialisation inéluctable et à la concurrence des pays à bas coûts salariaux qu'elle engendre nécessairement, les dangers sont immenses. Les gouvernements de gauche ont trop souvent pensé que les entreprises étaient simplement une source de revenus pour l'Etat, que les patrons licenciaient selon leur bon vouloir et qu'il fallait encadrer strictement leur action par la loi et le règlement. Certains rêvent de l'embauche obligatoire et du licenciement interdit. M. Paul faisait à l'instant un autre rêve (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) : rendre obligatoires les prêts des banques aux petites entreprises. On sait où cela a mené les pays qui ont essayé de telles formules ! (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Chez nous, ce furent les 35 heures, la loi de modernisation sociale et un droit du travail toujours plus complexe. Au cours de la législature 1997-2002, 400 lois ont été votées et le code du travail a vu son volume augmenter d'un tiers en trois ans. On a même été jusqu'à réglementer le temps d'habillage des salariés !

Et puis, avec la stagnation brutale de la croissance et la rétrogradation au trentième rang mondial de notre pays en terme de compétitivité économique, chacun a pu prendre conscience de la dégradation de notre économie. Les drames de Metaleurop, Daewoo, Testut et tous les autres l'ont hélas confirmé : 44 725 entreprises en faillite en 2002, soit 1 300 de plus que l'année d'avant.

Dès qu'il a été nommé, le Gouvernement a cherché à inverser la tendance. Il a créé les contrats jeunes en entreprises - qui sont de vrais emplois -, et assoupli quelque peu les 35 heures pour les entreprises.

Vous nous présentez aujourd'hui un texte très attendu. Oui, Monsieur le ministre, il y a urgence. Comme le disait récemment un grand patron, « il est minuit plus cinq ! ».

M. Augustin Bonrepaux - Il y a urgence à réduire l'ISF !

Mme Chantal Brunel - Oui, il faut faciliter la création d'entreprises et leur transmission. Oui, il faut inciter l'épargne à s'orienter vers nos entreprises afin de relancer l'emploi. Dans notre pays, beaucoup trop de jeunes talentueux vont tenter leur chance à l'étranger cependant que ceux qui ont créé une entreprise prospère la vendent pour quitter la France. Il se crée aujourd'hui moins d'entreprises qu'il y a dix ans. Est-ce acceptable ? Nos voisins en créent plus que nous, ce qui prouve que trop de freins ont été mis à l'initiative individuelle. Nous avons des écoles et des universités performantes. Il n'est pas concevable que nos jeunes partent créer leur entreprise en Angleterre ou aux Etats-Unis. Qu'y trouvent-ils de plus ? Des moyens financiers conséquents, des règles administratives moins contraignants et un soutien réel. Votre projet tend à contrecarrer cette tendance. Nous nous en réjouissons. Toutes les mesures de simplification vont dans le bon sens. Elles permettront d'aider efficacement les porteurs de projet. Elles ont une dimension sociale affirmée car elles mettent la création d'entreprise à la portée de tous. Oui, comme l'a dit Catherine Vautrin, l'entreprise est le meilleur ascenseur social. La plupart des grands créateurs d'entreprise du siècle dernier sont partis de rien mais avec une idée novatrice, du charisme, un peu de chance et la rage au ventre ! Ils sont nombreux les patrons sans diplômes ! Ils sont nombreux ceux qui prennent une revanche sur la vie en créant leur entreprise. Les grandes entreprises d'aujourd'hui ont d'abord été de toutes petites structures. Ne l'oublions pas.

M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale - Tout à fait !

Mme Chantal Brunel - Ils sont nombreux, aussi, les jeunes issus de l'immigration qui ont créé avec succès une entreprise. Oui, Monsieur le ministre, votre texte répond à une ambition sociale que le Gouvernement a déjà manifestée en alignant les SMIC par le haut.

Il convient cependant de ne pas créer d'illusions. Il faut faciliter la création d'entreprise mais sans créer de nouveaux miroirs aux alouettes. Créer une entreprise comporte des risques. Il y a le stress, les échéances, les nuits sans sommeil, le combat permanent pour gagner et garder la confiance des banques.

Le texte tend aussi à faciliter la transition entre les statuts de salarié et celui d'entrepreneur. C'est une excellente chose, mais permettez à la femme de terrain que je suis de tenir à la viabilité des entreprises existantes. Une entreprise de deux cents personnes, c'est quelque chose de fragile. La perte d'un seul client peut entraîner le dépôt de son bilan. Il conviendrait donc, à mon sens, d'amender l'article 7 afin d'affirmer clairement que le salarié qui crée son entreprise grâce au contrat d'accompagnement ne peut exercer une activité concurrente au profit des clients de son employeur pendant une période de deux ans.

Le volet fiscal du projet est extrêmement positif. Deux problèmes restent cependant sans solution. Il n'est que temps de régler la question des délais de paiement. La France se singularise à ce sujet et cela est dévastateur pour l'emploi.

M. le Secrétaire d'Etat - Oui.

Mme Chantal Brunel - Il est illusoire de croire qu'un fournisseur est en mesure d'imposer des délais de paiement à son client. Le marché ne fonctionne pas de cette façon. Il revient à l'administration de sanctionner certaines pratiques. Il n'est pas acceptable que certaines PME soient contraintes au dépôt de bilan parce que leurs clients ne les ont pas payées à temps. Du reste, l'administration elle-même doit se montrer exemplaire en matière de délais de paiement de ses propres fournisseurs.

Deuxième problème non résolu, il faut simplifier, regrouper, élaguer dans le maquis des aides aux entreprises. Plus l'entreprise est petite, moins le chef d'entreprise est à même de s'y retrouver. Le système est injuste et coûteux. Chacun connaît nombre de cas particulièrement douloureux où les entreprises ont promis des créations d'emplois, touché les aides afférentes et finalement laissé tomber leurs salariés au mépris de leurs engagements ! Des dispositifs de contrôle efficaces et de sanctions doivent être mis en place. Plus le mécanisme sera clair, moins le contrôle sera complexe et coûteux.

En conclusion, permettez-moi de vous remercier de ce texte positif pour la création et la transmission des entreprises. Oui, l'entreprise individuelle peut être un moyen de promotion sociale ; oui, l'entreprise est un être vivant dont il faut protéger la croissance ; oui il est normal que le père qui a travaillé jour et nuit pour la croissance de son entreprise puisse la léguer à ses enfants sans qu'ils aient à payer le travail des parents. L'UMP sera toujours aux côtés du Gouvernement pour aider les petites entreprises, principales sources de création d'emplois, et de promotion sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Il y a, Monsieur le ministre, beaucoup d'hypocrisie, de clientélisme et d'idéologie dans votre démarche.

M. François Sauvadet - Ça commence bien !

M. Didier Migaud - Hypocrisie quand le Premier ministre n'ose assumer devant l'opinion publique les mesures libérales qu'il veut mettre en _uvre. Hypocrisie encore quand, tout en refusant ouvertement une réforme de l'ISF, il encourage des allégements fiscaux qui diminueront le produit de l'ISF.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale pour les articles fiscaux- Certainement pas !

M. Didier Migaud - Nous verrons dans dix-huit mois, Monsieur le rapporteur général, qui a raison.

M. le Rapporteur - J'accepte le rendez-vous !

M. Didier Migaud - Celui qui nous a réunis ce matin a prouvé que vous avez menti quasiment durant toute la discussion budgétaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Clientélisme quand vous ciblez les cadeaux fiscaux sur quelques très gros contribuables, prétendument au nom de l'emploi, mais sans fournir d'étude à l'appui.

Idéologie, enfin, quand vos arguments - déclin économique, perte d'attractivité, délocalisation - ne tiennent pas compte de la réalité. En fait, ne visant qu'à alléger l'ISF, vos mesures, loin de supprimer les effets de seuil, entraînerons de nouveaux effets pervers.

Du reste, les biens professionnels étant déjà exonérés de l'ISF, vos nouveaux abattements profiteront aux détenteurs de valeurs mobilières. Le pacte d'actionnaire n'étant pas réservé aux dirigeants d'entreprises, il pourra concerner n'importe quel actionnaire. Par ailleurs, votre discours sur le déclin économique de la France est démenti par les faits et les études sérieuses.

M. François Sauvadet - Pas du tout !

M. Didier Migaud - Vous sous-estimez le coût de vos largesses fiscales en faveur des plus aisés. Vous mentez sur les performances économiques de la France (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Depuis la campagne électorale de 2002, vous vous appuyez sur de pseudo-études pour donner l'image d'une France en déclin économique - utilisation partiale d'une étude d'Eurostat sur l'évolution de la richesse par habitant, sondage du forum de Davos sur le recul de la France en termes de compétitivité. Le ministre de l'économie et des finances a lui-même reconnu l'inexactitude de ces études, et a tout mis en _uvre pour revenir, lors du forum de Davos sur l'image désastreuse de la France, propagée de façon irresponsable par quelques représentants éminents de la droite française.

M. François Sauvadet - C'est excessif !

M. Didier Migaud - Rappelons l'évolution économique de la France qui entre 1997 et 2001, a connu une croissance supérieure à celle de ses voisines et commencé à rattraper le retard pris en termes de richesse par habitant entre 1993 et 1997, pour devenir le troisième pays d'accueil des investissements directs étrangers et le deuxième investisseur - sur cette période, la France a connu des excédents sur ses échanges commerciaux et sa balance des paiements.

M. Philippe Briand - On a vendu notre savoir-faire aux étrangers !

M. Didier Migaud - Enfin, la compétitivité de la France, mesurée par la Banque de France, a fortement progressé depuis 1997. D'ici la fin du mois, des études révéleront certainement que votre discours sur le poids des impôts ne correspond pas à la réalité.

M. le Président de la commission spéciale - Demandez aux Français !

M. Didier Migaud - La seule étude réalisée sur ce sujet par la DGI n'a d'ailleurs pas permis de mettre en évidence une quelconque hémorragie des grosses fortunes.

M. Philippe Briand - Il y a eu hémorragie de vos électeurs !

M. Didier Migaud - La véritable cause n'est pas à chercher dans l'ISF, mais dans une mesure prise sous le gouvernement Juppé, à savoir le plafonnement du plafonnement.

Fin février paraîtra dans l'Expansion une étude selon laquelle un couple avec deux enfants, des plus-values boursières, un patrimoine imposable à l'ISF, et 130 000 euros de salaire, est soumis en France à un taux d'imposition plus faible que la moyenne des taux appliqués en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie et aux Pays-Bas.

M. le Rapporteur - C'est faux !

M. Didier Migaud - Une bonne réforme de l'ISF aurait consisté à supprimer les effets de seuil, à universaliser l'assiette et à diminuer drastiquement les taux, sans toucher au rendement.

M. le Président de la commission spéciale - Vous avez eu cinq ans pour le faire !

M. Didier Migaud - Au contraire, les seuils d'abattement et d'exonération que vous fixez auront de puissants effets pervers, mais les contribuables qui pourront se payer les conseils de fiscalistes verront leur ISF diminuer. Et les 5 000 plus gros contribuables de France pourront échapper à l'impôt ! Vos propositions sont donc injustes, économiquement inefficaces, et coûteuses.

Faute de courage politique, M. Raffarin préfère offrir aux contribuables les plus malins la possibilité de placer leurs valeurs mobilières dans des coquilles qui seront véritables paradis fiscaux. L'exonération totale des sommes investies dans le capital d'une société invitera à la multiplication des sociétés-écrans.

M. le Rapporteur - C'est faux !

M. Didier Migaud - Par ailleurs, la diminution de 75 à 50 % de la proportion du patrimoine investi dans l'actif professionnel permettant de bénéficier de l'exonération de l'outil de travail avantagera les gros chefs d'entreprise par rapport aux petits. Pour les 5 000 plus gros contribuables qui possèdent un patrimoine supérieur à 5,3 millions d'euros, et dont les valeurs mobilières représentent 75 % du patrimoine taxable, l'abaissement du seuil d'exonération de 75 à 50 entraîne une exonération de l'ISF sur leurs titres dans l'entreprise.

Ces modifications, économiquement perverses, risquent d'être inefficaces au regard de l'emploi. L'exonération des investissements réalisés dans certaines sociétés non cotées va décourager l'entrée en bourse des entreprises nouvelles puisque celle-ci entraîne la perte de l'avantage fiscal pour les actionnaires de la société. Le Gouvernement cède à une logique malthusienne en privilégiant les gros patrimoines par rapport aux petits actionnaires.

Pour ce qui est du pacte d'actionnaire, auquel s'attache un abattement de 50 % pour les parts de société, quasiment aucune condition restrictive n'est posée. C'est la porte ouverte au développement d'un marché informel des parts d'actionnaires (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ce poste est un véritable PEA pour riches. Cette mesure ne coûtera pas 100 millions d'euros, comme vous l'avez dit, Monsieur le rapporteur, mais près de 500 millions ! De plus, le coût très élevé de ces allèchements rendra totalement impossible la concrétisation de vos promesses. La désillusion des classes moyennes sera d'autant plus grande ! Aveuglés par votre idéologie, vous menez une politique socialement injuste et économiquement inefficace (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - « Bien, mais peut mieux faire », telle est l'appréciation que l'UDF pourrait porter sur le volet fiscal de ce projet de loi. Il va, en effet, dans le bon sens. Rappelons les quatre principales mesures fiscales : relèvement des deux tiers du seuil d'exonération des plus-values, triplement du plafond de la réduction d'impôt de 25 % pour la souscription au capital d'une société non cotée, doublement de la déductibilité des parts en capital pour les investissements dans les sociétés en création, alignement de l'abattement de 50 % sur les droits de succession entre vifs.

C'est bien, mais le texte peut être amélioré sur deux points importants.

D'abord, on ne traite pas de façon assez équilibrée les créateurs d'entreprise individuels - ils sont 60 % - et ceux qui ont choisi la forme sociétaire.

M. François Sauvadet - C'est vrai.

M. Charles de Courson - Les FIP et avantages fiscaux qui y sont liés sont réservés à la forme sociétaire. Il faut leur permettre de faire des prêts aux créateurs individuels. Ils ne feront pas concurrence au système bancaire s'ils pratiquent, comme c'est possible, les avances d'actionnaires. On peut ainsi mettre un euro de capital et 20 000 euros d'avance d'actionnaire, qui est l'équivalent d'un prêt si cette avance se poursuit pendant des années. D'autre part, cela ne dénaturerait pas les FIP. En général les sociétés qui interviennent dans les petites entreprises utilisent à la fois dotation en capital et fonds propres. En rattachant les FIP aux FCPI, vous leur permettez de faire des avances aux actionnaires à hauteur de 15 %. Certaines mesures, comme le relèvement des seuils d'exonération des plus values, concernent les entrepreneurs individuels comme les sociétés, mais il faut quand même améliorer certaines dispositions. Le groupe UDF a présenté plusieurs amendements pour rapprocher le statut des individuels et celui des sociétés, notamment sur le plan fiscal. Une solution est d'ouvrir le droit d'option à l'IS aux entreprises individuelles. Il n'y a là rien de choquant puisqu'à l'inverse certaines sociétés peuvent opter pour l'IR. La deuxième solution est la réserve spéciale d'autofinancement, c'est-à-dire que la partie de bénéfice que l'entrepreneur laisse dans l'entreprise est taxée comme les bénéfices de société, à 15 % jusqu'à un premier plafond. S'il récupère ces fonds, il paye la différence avec ce qu'il aurait payé au taux marginal de l'IR. Ce serait très incitatif pour le développement de ces petites entreprises. Enfin, la commission a suivi la proposition du groupe UDF en autorisant la déduction d'une provision bloquée dans les fonds de caution.

En second lieu, au nom du groupe UDF, réputé pour dire tout haut ce que le reste de la majorité pense tout bas..

M. Gérard Bapt - Vous êtes la conscience de la majorité ?

M. Charles de Courson - ...je voudrais aborder le problème de l'ISF. Lors de la discussion budgétaire on nous avait demandé de retirer nos amendements pour traiter cette question dans la loi Dutreil. Donc, qu'on ne nous dise pas aujourd'hui qu'on la traitera dans la loi de finances pour 2004 (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF). M. Lambert avait fait cette promesse, et il tient toujours ses engagements. La commission a adopté quatre amendements que le groupe UDF a chaudement soutenus. Reste un amendement que nous avons retiré, mais que nous allons déposer de nouveau en séance, sur le problème du déplafonnement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF). Soyons clairs : il faut mettre fin au bal des faux culs. Alain Juppé a reconnu qu'il s'était trompé en faisant voter ce texte - Pierre Méhaignerie l'avait averti qu'il ne s'agissait pas d'une bonne idée. Rendons-lui hommage, car peu d'hommes politiques reconnaissent leur erreur, et suivons-le. Les socialistes avaient voté le plafonnement, avec raison car des taux confiscatoires sont indéfendables (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). A cette époque, dans l'opposition, nous déposions chaque année un amendement pour revenir sur cette question, en vain.

M. Gérard Bapt - Eh bien, faites-le aujourd'hui.

M. Charles de Courson - Solidaires dans l'opposition, soyons-le encore dans la majorité pour voter l'amendement supprimant le déplafonnement.

M. Philippe Briand - Très bien.

M. Charles de Courson - On ne peut pas dire à un créateur d'entreprise de travailler 70 heures par semaine, de créer des emplois, de constituer un patrimoine, puis, quand il prend sa retraite, le taxer à 110 % ou 120 %. Aucun pays démocratique ne peut accepter une telle situation (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). Je m'étonne que nos collègues socialistes veuillent maintenir le texte de M. Juppé plutôt que de revenir à celui de M. Bérégovoy. C'est incroyable, Monsieur Bonrepaux..

M. Augustin Bonrepaux - C'est un scandale ! Allez expliquer cela aux 500 personnes dont on a supprimé l'emploi dans ma circonscription !

M. Charles de Courson - Mais, Monsieur Bonrepaux, êtes-vous pour la spoliation ? Vous êtes socialiste, pas communiste ! Je compte donc sur vous comme sur la majorité pour revenir au texte Bérégovoy. Ainsi, nous voterons tous ensemble un très bon texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Marylise Lebranchu - M. de Courson, dans le début de son propos, vient de reprendre un des thèmes que je voulais développer (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) en ce qui concerne les petites entreprises. Je comprends mieux pourquoi, lors de la récente assemblée générale de l'UPA, le Premier ministre a dit « surtout pas de loi ». En effet, dans ce texte, il n'est jamais question de l'artisanat et des petites entreprises. Vous avez repris en partie le travail de M. Patriat, mais il manque tout un volet concernant la création de ces petites entreprises qui sont le tissu économique de bien des territoires. Dans une période où les plans sociaux d'envergure frappent des villes comme la mienne ou la région de M. Bonrepaux, j'attendais que votre texte les prenne mieux en compte.

Nous avions créé le prêt à la création d'entreprise à partir du constat simple que ce sont les entreprises individuelles qui ont le plus besoin d'être accompagnées, afin de pouvoir lever les fonds nécessaires pour lancer l'activité dans des conditions acceptables. Dire qu'on pourra créer un entreprise en une heure avec un euro et une idée, c'est un peu de la poudre aux yeux : il faut avoir un projet et disposer de quelques mois ou quelques années pour le mettre en _uvre. Nous avions choisi le prêt, à partir d'un réseau de soutien qui nous paraissait essentiel. Vous avez abandonné cette idée. M. de Courson l'a dit, le FIP ne concerne que les sociétés. Surtout, vous ne tenez pas compte du fait que c'est l'environnement qui porte les créateurs. Dans une zone où existent tous les services, un incubateur, une grande école, la réussite est presque assurée. Dans une zone défavorisée, même un artisan a besoin d'accompagnement, car il n'est pas aisé d'y trouver ne serait-ce qu'un expert comptable. Il existe une fracture territoriale, et je soutiendrai l'amendement sur les GIP territoriaux, même s'il ne suffit pas.

Et je dirai ici un mot à notre collègue, qui est elle-même chef d'entreprise : il est peut-être vrai que nous avons évité le sujet des délais de paiement. C'est un sujet très lourd, parce qu'il s'agit de relations interentreprises. A partir de la loi sur les nouvelles régulations économiques, que vous auriez tort de rejeter comme un outil inutile, il faudrait travailler à nouveau, non pas sur la relation directe d'entrepreneur à entrepreneur, de co-traitant à donneur d'ordre, mais sur les délais de paiement. Cela m'a fait sourire de vous entendre dire qu'il appartient à l'administration de contrôler la relation entre les entrepreneurs ; c'est nouveau dans votre famille politique. Mais les chefs d'entreprise ne sont pas égaux devant la force, et vous l'avez dit Madame. Or, dans ce projet, les plus petits créateurs, par exemple artisans, ne sont pas présents. C'est dommage, car ce sont eux qui pourraient faire la force de nos territoires, et surtout convaincre les écoles d'apprendre aux meilleurs éléments que réussir sa vie, ce n'est pas nécessairement être salarié et viser des fonctions d'encadrement dans une grande entreprise : c'est aussi prendre des risques ! Mais pour cela, avec votre projet, il faudra déjà être une société, et ce sera donc difficile (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Olivier Dassault - Les relations entre l'entreprise et la puissance publique sont anciennes et complexes. Le commerce et le pouvoir, fondements des civilisations antiques, sont encore les mécanismes des sociétés contemporaines. Naguère soutenues ou créées par la volonté du prince, les entreprises, comme nous les nommons désormais, se sont affranchies de la tutelle de l'Etat au fil des révolutions industrielles et technologiques et de l'évolution de la pensée économique. Dans une économie internationale en pleine mutation, les entrepreneurs relèvent chaque jour les défis d'un environnement concurrentiel renouvelé dans un monde sans frontières, enfin libéré des idéologies et des dogmatismes.

Pourtant, entre le monde de l'entreprise et la sphère politique, certaines incompréhensions demeurent, faites de méconnaissances mutuelles. Le présent projet a pour objet d'apaiser les ranc_urs, de dissiper les malentendus, de chasser les doutes et d'ouvrir le champ des possibles. C'est une étape, mais une étape importante, qui contribue au renouveau du lien indispensable entre les décideurs publics et les entrepreneurs.

Qu'est-ce qu'un entrepreneur ? C'est avant tout un homme ou une femme qui assume le risque de porter un projet collectif. Ils sont des centaines, chaque année, en France, à croire en cette aventure merveilleuse, à parier sur une équipe et sur des idées. Ils sont des centaines, mais, en France, ils devraient être des milliers... En dépit d'atouts structurels, certes insuffisamment mis en valeur, la France a moins d'attraits qu'elle ne le pourrait pour les créateurs. La perte d'attractivité du site France est préoccupante. Nos entrepreneurs souffrent de pesanteurs réelles, et ce n'est pas être abusivement pessimiste que de les mettre en lumière, comme je l'ai fait avec quelques-uns de mes collègues. Notre but est de nous mettre en garde nous-mêmes, car le déficit d'attractivité enclenche la spirale du déclin, provoque la fuite rapide de la croissance à l'étranger, mais aussi celle des cadres, des entrepreneurs, des chercheurs et des investisseurs. Il s'accompagne d'une dispersion des patrimoines et des sièges sociaux d'entreprises, ainsi que d'une délocalisation de la production. Et même si aucune activité n'est délocalisée physiquement, ce sont les productions futures qui ne seront jamais installées dans le pays.

Il nous appartient aujourd'hui d'imaginer de nouvelles solutions politiques pour offrir un environnement favorable aux entrepreneurs. Cela passe par des mesures économiques ou fiscales, qui définiront un Etat frugal, moins régalien, moins dispendieux, plus incitatif. Cela implique aussi une relance de notre politique de recherche et d'innovation, la simplification des procédures administratives, le soutien à la formation, la promotion de l'initiative au sein du monde universitaire. Mais il importe avant tout d'ouvrir les esprits et de changer les mentalités, de renouveler le lien entre le monde de l'entreprise et la sphère publique, de restaurer la confiance et la liberté, de valoriser l'initiative et la réussite.

Le présent projet est un signe de ce changement d'époque auquel nous aspirons. Les mesures les plus audacieuses et les plus novatrices sont souvent les plus simples. Derrière la solennité de ce texte, se dessine enfin la possibilité, comme c'est le cas dans tous les pays dynamiques, de créer son entreprise avec un capital minimum, c'est-à-dire avec un euro.

Espérons qu'à cette facilité financière, et aux reports de charge significatifs pour les entreprises nouvelles, s'ajouteront bientôt la simplification administrative permettant de les créer en quelques minutes, et des exonérations fiscales pour les bénéfices réinvestis dans le capital. Tel est l'objet de l'amendement de Mme Vautrin, dont j'espère qu'il sera adopté. Nous mettons enfin la création d'entreprise à la portée de chacun.

Il faut encore se réjouir des facilités apportées au salarié pour créer sa propre entreprise sans quitter son emploi actuel. En complément, il conviendra de favoriser l'essaimage, qui permet à toute personne qui développe, au sein d'une entreprise, un projet, un invention ou un brevet trop éloigné de l'objet de l'entreprise, d'être aidée par cette dernière, laquelle y sera incitée fiscalement. Essaimage, portage : c'est la petite entreprise qui demain deviendra grande, comme l'a souligné Mme Brunel. Cela permettra aux grandes entreprises de soutenir davantage les idées innovantes de leurs collaborateurs.

En attendant, le projet de loi que vous nous proposez, Monsieur le ministre, est une chance et un défi : une chance de rendre à la France sa place et son rang dans l'économie mondiale, un défi : celui de la réforme et de la modernisation de l'Etat. Aujourd'hui, devant nous, Monsieur le ministre, vous voici entrepreneur. Je vous apporte mon soutien.

M. Augustin Bonrepaux - Cela ne nous étonne pas !

M. Olivier Dassault - C'est ensemble que nous allons élaborer un nouveau contrat de confiance avec les entrepreneurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Dumont - On pourrait se demander tout d'abord pourquoi le Gouvernement n'a pas repris un texte déjà travaillé, discuté, amendé, et qui avait obtenu un certain appui de la part des acteurs économiques. S'il souffrait ici ou là de quelques manques, on en trouve sans nul doute autant ou plus dans votre projet. J'en ai notamment repéré un.

Vous ignorez un secteur tout entier, celui de l'économie sociale et solidaire. Notre collègue Sauvadet a pourtant fait référence au rural profond. Et Mme Lebranchu à la fracture dans les territoires. Mais qui, en milieu rural, crée et conserve des emplois, à travers mille difficultés, sinon les coopératives et les associations ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP) En venant ou en revenant dans cet hémicycle, auriez-vous oublié votre commune, votre canton, votre département ? Dans un département rural, si l'on enlève le centre hospitalier et une ou deux grandes entreprises dans la commune principale, les emplois salariés sont créés dans le monde associatif ou coopératif (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Dans l'agriculture, ce sont 1,3 million de sociétaires, 127 000 salariés, 3 800 entreprises, 13 000 CUMA. Savez-vous ce que représente l'artisanat coopératif ? Ce sont 37 000 sociétaires, 157 coopératives, 1 407 salariés dans un secteur donné (Mêmes mouvements). Êtes-vous choqués qu'on vous rappelle cette réalité ? Faut-il évoquer le secteur bancaire mutualiste et coopératif ? Il a montré sa capacité au maillage du territoire, et le premier, sinon le seul, il a créé des fonds locaux, avant même que les caisses d'Épargne viennent renforcer ce secteur. Savez-vous comment ces banques appuient la création d'entreprise ? Tout cela est complètement oublié dans le texte du Gouvernement. Quand on légifère, on devrait pourtant le faire pour tous les secteurs d'activité. Toute mesure, y compris fiscale, devrait aussi bénéficier aux coopératives, aux mutuelles et aux associations.

M. Jean-Michel Fourgous - Elles ne paient pas l'impôt sur les sociétés !

M. Jean-Louis Dumont - Certes. Mais songez au principe « un homme une voix », aux réserves impartageables. Connaissez-vous la gouvernance de ces entreprises ? Vous vous en gaussez. Mais dernièrement une grande entreprise a organisé une contre-attaque sur le marché financier : avez-vous vu comment les décisions ont été prises ? Comment s'est exprimée la gouvernance des hommes pour les hommes et par les hommes ? Les entreprises de l'économie sociale ne sont pas « opéables », n'offrent pas de stock-options... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Dumont - Je suis sans cesse interrompu. Avec mon collègue Bapt, j'exprime mon complet désaccord...

M. Philippe Briand - C'est un peu confus !

M. Jean-Louis Dumont - Ces entreprises associatives ont besoin, comme les entreprises privées, de se constituer des fonds propres. Il conviendrait d'alléger certaines contraintes afin de permettre aux associations de faire face à leurs responsabilités (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Veuillez conclure !

M. Jean-Louis Dumont - Les aides au maintien à domicile, les travailleurs sociaux et familiaux n'intéressent donc pas la majorité ?

M. Dassault a approuvé l'idée du capital minimum d'un euro. Mais quelle que soit la volonté de la personne qui souhaite entreprendre, un euro ne fait pas un fonds propre, et n'incite pas les banques à fournir un prêt et à ouvrir une ligne de crédit (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

En conclusion, ce texte incomplet ne répond pas aux besoins des entrepreneurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous venons d'entendre durant une heure et demie les représentants des groupes. Les orateurs qui suivent disposent désormais chacun de cinq minutes. S'ils ne respectent pas cette durée, je n'hésiterai pas à leur couper la parole.

M. Rodolphe Thomas - Votre projet m'intéresse particulièrement, étant moi-même un commerçant, créateur d'une entreprise individuelle qui est devenue une SARL de famille.

M. Alain Néri - Votre histoire personnelle est en dehors de la discussion.

M. Rodolphe Thomas - J'ai donc l'expérience du parcours de l'entrepreneur et de ses difficultés. Je salue votre texte, qui répond à l'attente des entrepreneurs de notre pays. Ces derniers, outre une soutien économique, souhaitent être mieux reconnus dans leur rôle de créateurs de richesses et d'emplois. Votre questionnaire sur la simplification administrative a reçu 20 000 réponses en un mois et demi. Gardons présente à l'esprit, au cours de la discussion, l'impérieuse nécessité d'alléger les procédures. Les auditions auxquelles j'ai procédé ont fait apparaître une très forte adhésion à votre projet, en raison des mesures tendant à favoriser le désir d'entreprendre et à lutter contre les principaux obstacles à la création, et aussi à la transmission, à laquelle le monde des PME est si attaché.

Le dispositif de protection des biens personnels des entrepreneurs individuels est particulièrement apprécié. Cependant le projet aurait pu aller un peu plus loin en faveur de ces entrepreneurs.

Le Premier ministre a montré dans le passé toute l'attention qu'il portait aux PME et aux artisans. De fait l'artisanat est le premier employeur de France. Un message d'une intensité particulière doit être adressé à ce secteur créateur d'emplois et de richesses. Les chefs d'entreprise attendent du Gouvernement une bouffée d'oxygène. Oui, des femmes et des hommes de notre pays ont envie de créer ou de développer leur entreprise. Trop de barrières les freinent. Il nous faut donc libérer la création.

C'est là que le mot « initiative », dans l'intitulé du projet, prend toute son importance, car le premier pas est souvent le plus difficile. Certes, il n'y a pas, dit-on, de création sans transpiration. Il faut donc encourager l'effort et la prise de risque. La formation représente un formidable aiguillon, et un passage obligé pour créer une entreprise solide. Aussi l'éducation nationale doit-elle réhabiliter l'esprit d'entreprise...

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Rodolphe Thomas - ...tout en assurant une bonne formation : combien confondent encore chiffre d'affaires et bénéfice !

Je salue la volonté du Gouvernement de mettre en place des fonds d'investissement de proximité. Mais ce dispositif ne répond pas aux besoins des structures artisanales, qui sont malheureusement exclues. Pourtant notre tissu économique est constitué à 60 % d'entreprises individuelles. Ce sont elles qui ont le plus de difficulté à réunir les fonds propres nécessaires à la réalisation d'un projet, d'autant que les banques ont trop tendance à se réfugier derrière les refus d'organismes cautionneurs.

Il est nécessaire d'assurer la transmission des entreprises dans les meilleures conditions possibles. Or nous manquons cruellement de repreneurs. Dans ma région, 60 % des sept cents chefs d'entreprise adhérents à la CGPME ont plus de 60 ans. Il est donc urgent de se faire facilitateur. Si nous avions autant d'entreprises moyennes que nos cousins européens, nous compterions 1,5 millions d'emplois supplémentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Lorsque l'on aura transformé la création d'entreprise en un acte simple et accessible à tous, parions que la courbe du chômage s'inversera durablement. N'oublions pas que c'est l'activité qui crée l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Ce projet apporte la preuve supplémentaire de la coloration libérale que la majorité donne à l'ensemble de ses projets. Votre projet repose sur une fausse conception de l'attractivité réduite à la seule question fiscale et répond à une démarche idéologique dont le seul objectif est de multiplier les cadeaux fiscaux à votre clientèle électorale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Où sont les moyens de soutenir le développement réel des entreprises ? La proposition d'assurer la formation professionnelle des chefs d'entreprise n'a pas été retenue. La sécurisation des concours bancaires nécessaires à la pérennité des entreprises n'existe pas. Rien n'est fait pour accroître la capacité de créer des emplois dans l'économie. Votre démarche consiste en fait, de façon honteusement masquée et mensongère, à réduire l'ISF (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Alors que votre politique provoque la multiplication des licenciements, vous prétendez favoriser l'emploi en mettant en cause l'ISF. Monsieur le ministre, de qui vous moquez-vous ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

En traitant de la seule liberté d'entreprendre, ce projet mène un combat dépassé. En revanche ceux qui doivent être protégés, les petites structures entreprenantes, sont totalement oubliés (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Briand - Et les _uvres d'art que Laurent Fabius a exonérées de l'ISF ?

M. Augustin Bonrepaux - Vous réintroduisez l'avance remboursable pour les allocataires des minima sociaux, alors que nous avions mis en place la prime à l'allocation d'entreprise, plus juste et plus efficace. Vous n'avez pas les moyens d'aider les plus modestes car vous consacrez toutes vos disponibilités aux nantis ! (Vives interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Vous négligez totalement l'épargne populaire. Tous vos cadeaux fiscaux vont aux privilégiés (Mêmes mouvements).

Où sont les dispositifs d'accompagnement à la création d'entreprises propres à vitaliser nos territoires ?

Les artisans et les commerçants sont totalement oubliés.

M. Philippe Briand - Ils vous ont remerciés de vos cinq ans de pouvoir !

M. Augustin Bonrepaux - Vous avez décidé de suspendre les articles de la loi de modernisation sociale relatifs à la prévention des licenciements économiques, ce qui nous vaut la vague actuelle de licenciements. Qu'attendez-vous pour prendre le décret d'application de l'article 118, que vous n'avez pas osé suspendre ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Veuillez conclure !

M. Augustin Bonrepaux - Ma circonscription est menacée, et je demande donc la parution du décret au plus tôt (Interruptions vives et continues sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Concluez ! Plus personne ne vous écoute !

M. Augustin Bonrepaux - Ma région risque, si cela continue, de devenir un désert ! Je demande la création d'une zone franche (Mêmes mouvements). La ministre n'a pas eu le courage de répondre à ma question. Oui, il est possible de maintenir une usine Pechiney dans l'Ariège.

M. le Président - C'est terminé !

(La voix de M. Augustin Bonrepaux est couverte par les exclamations du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Augustin Bonrepaux - J'invite le secrétaire d'Etat à aller expliquer à tous ces travailleurs qu'ils pourront désormais mieux vivre au pays grâce à l'allégement de l'ISF ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je crois vous avoir demandé de respecter votre temps de parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Je demande en tout cas aux orateurs suivants de s'en tenir aux cinq minutes prévues.

M. Étienne Blanc - Ce projet a pour premier mérite de rompre avec une politique économique dirigiste, qui ne connaissait que la contrainte et la sanction. En ce sens, c'est un texte pragmatique, non idéologique, qu'apprécieront tous ceux qui ont l'expérience de plates-formes d'initiative locale ou de sociétés de capital-risque. Mais c'est aussi un texte courageux car il s'attaque à l'ISF : pourquoi ceux qui en ont les moyens ne pourraient-ils prendre des participations dans des sociétés qu'ils connaissent et peuvent évaluer ? On évitera ainsi de mettre à contribution les fonds publics, la fiscalité et l'administration.

Ce texte qui simplifie et déréglemente suscite d'ailleurs des réactions éclairantes quant à nos clivages : ceux qui croient à la contrainte s'y opposent, tandis que ceux qui croient à la liberté l'approuvent. Mais la France est bien atypique à cet égard : tous les autres pays d'Europe ont tranché cette querelle entre interventionnistes et non-interventionnistes. Espérons donc que cette loi mettra fin à cet isolement, qui se traduit aussi dans les statistiques : notre pays ne crée que 150 000 à 170 000 entreprises, contre 200 000 il y a vingt ans. C'est deux fois moins que l'Espagne !

Nous ne savons pas non plus organiser la transmission de ces entreprises : sur les 500 000 d'entre elles qui vont changer de propriétaire dans les dix ans à venir, 50 000 risquent de disparaître chaque année ! Leur vie est également plus brève que dans le reste de l'Europe, et les chefs d'entreprise accusent les charges, la complexité des règlements et des financements, l'inadaptation de la fiscalité.

Le projet répond à toutes ces difficultés. Il facilite et simplifie la création, y compris pour ceux qui ne disposent que d'un euro, et il accorde un statut au créateur ; il facilite la survie des entreprises grâce à des fonds de placement ; il facilite la transmission, enfin, en réglant la question de l'imposition sur les plus-values, qui revenait à confisquer le fruit d'une vie de travail, et en favorisant une transmission anticipée.

Ayant dit tout le bien qu'il y a lieu de penser de cette loi, je terminerai par trois observations. En premier lieu, si ce texte permet de protéger le patrimoine du chef d'entreprise, n'oublions pas que la résidence principale est souvent possédée pour moitié par le conjoint : ne serait-il pas judicieux de protéger aussi ce dernier contre des actions de licitation-partage ?

En second lieu, l'idée du capital d'un euro est bonne, mais ne pourrait-on modifier la réserve de propriété afin d'assurer une garantie au fournisseur ? Celui-ci serait alors davantage disposé à accorder un crédit à la place des banques, qui seront sans doute réticentes.

Enfin, s'agissant des FIP, ne réglementons pas leur fonctionnement dans le détail. Laissons cela aux régions. On ne peut en effet tenir deux discours : un sur cette loi, qui fixerait tout jusqu'au détail, et un autre à propos de la loi de décentralisation, où il s'agirait d'encourager l'initiative des collectivités !

Cette loi est une bonne loi parce que c'est une loi de bon sens et que le bon sens est, comme la gauche l'a montré, ce qui manque le plus dans ce pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Balligand - Favoriser le développement des entreprises, doter d'un statut moderne les petits entrepreneurs, améliorer leur environnement : les intentions sont excellentes. Mais c'était aussi ce qui motivait le projet de loi présenté par François Patriat ! Ce texte s'inscrit donc dans une continuité. Au reste, je le rappelle à ceux qui l'oublient, l'entreprise est aidée dans notre pays. En 2000, nous avons dépensé 180 millions d'euros à ce titre, et 9 % de plus en 2001 ! Dans nos régions, nous avons créé des plates-formes d'initiative économique locale - comme M. Blanc - et, par ce moyen, des entreprises.

Cela étant, il est clair qu'il faut aller plus loin. Il faut notamment développer les fonds communs de placement, comme y tendait déjà la loi sur l'épargne salariale, à laquelle j'ai un peu contribué. Mais nous pouvons nous entendre sur ce point...

Le législateur s'est d'ailleurs saisi de la question sans attendre la publication du livre blanc d'août. Après un premier rapport sur les petites entreprises et les entreprises artisanales, remis en février 2001 sous le titre « L'homme au c_ur de l'économie », et après une étude réalisée par le Conseil économique et social en juin suivant, était-il nécessaire toutefois que le présent gouvernement commande un nouveau rapport ? Toujours est-il que ce projet frappe davantage les esprits par ce qu'il tait que parce ce qu'il dit, le même gouvernement ayant préféré laisser sa majorité s'exprimer à sa place, sur certain sujet, par le biais d'amendement. Cette action par procuration n'honore pas ses protagonistes, mais sa raison est claire : le Gouvernement n'a pas voulu assumer ouvertement un aménagement de l'impôt sur la fortune dans un contexte économique morose, pour ne pas dire désastreux, c'est-à-dire au moment où les plans sociaux se multiplient au nez des pouvoirs publics interdits, où le budget va être amputé de près de 4 milliards d'euros, où le chômage s'aggrave, où les prix montent et où la croissance ralentit.

Certes, ni le montant ni le barème de l'ISF ne sont pour le moment en cause et nous ne savons même pas si ces amendements seront adoptés. Mais le mal est fait : même en ne dérogeant qu'à des dispositions somme toute marginales, même en invoquant l'emploi, la majorité ne saurait duper personne. Ce qui était conçu pour passer en douce revient désormais en force, amplement médiatisé, et la manipulation discrète est apparue pour ce qu'elle était : une man_uvre grossière, rappelant les agissements d'un autre gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Brochand - Pour la première fois depuis longtemps, nous allons enfin reconnaître le rôle primordial que joue l'entreprise dans notre société et dans notre économie, grâce à un texte propre à rendre confiance aux entrepreneurs par la considération qu'il accorde à la création de la valeur ajoutée et au talent de produire. Pendant de longues années, on a tenté de décourager ces entrepreneurs et de décrier la création de richesses en multipliant les obstacles sur la route des créateurs d'entreprises : application autoritaire et dogmatique des 35 heures, loi dite de modernisation sociale, alourdissement des charges pesant sur les salaires... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Le résultat est là : la France tourne au ralenti, avec seulement 176 000 créations d'entreprises en 2002, soit 13 % de moins qu'au début des années quatre-vingt-dix et deux fois moins qu'en Angleterre, en Italie et en Espagne. En 2002, sur les 27 % de Français prêts à créer une entreprise, moins de 2 % réaliseront leur projet. Et on sait que nous n'occupons que le trentième rang pour la compétitivité, derrière la Malaisie, la Hongrie, la Slovénie... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Michel Fourgous - C'est l'effet Jospin !

M. Bernard Brochand - Dans une économie mondiale dont nous mesurons aujourd'hui toutes les incertitudes, ce n'est pas en persévérant dans cette voie que nous parviendrons à défendre des niveaux de performance qui permettent à l'économie française de créer de la richesse.

Le texte du Gouvernement a pris la mesure de la situation et propose enfin des solutions réactives. Il y a tout lieu de s'en réjouir. Conformément aux engagements pris par le président Chirac à Saint-Cyr-sur-Loire, ces dispositions visent à libérer les énergies créatrices tout en favorisant l'emploi.

Ce projet ne constitue cependant qu'une première étape. Il faut aller plus loin pour se libérer du martèlement idéologique qui voudrait que travail rime toujours avec aliénation et que la création d'entreprise ne vise que le profit, au détriment du salarié. Plusieurs amendements ont été adoptés mais il faut, disais-je, aller plus loin. Merci, Monsieur le ministre, d'avoir - enfin ! - fixé l'objectif d'un million d'entreprises créées en cinq ans. Mais, pour l'atteindre, il faudra procéder à d'autres réformes. Il convient notamment de remettre à plat toutes les aides publiques existantes et d'éclaircir le maquis des aides à la création d'entreprise, dans lequel l'Etat lui-même se perd !

M. Philippe Briand - Très bien !

M. Bernard Brochand - Un sondage récent indique que moins d'un pour cent des patrons jugent efficace le dispositif public d'aide à la création d'entreprise. Ayons l'audace de proposer
- outre la suppression de certaines aides inutiles - une baisse générale des charges sur les salaires qui, comme nous l'avons vu en 1993, reste l'outil le plus efficace pour créer massivement des emplois. Enfin, le dernier rapport de la Cour des comptes nous confirme qu'il faut remettre la France dans la moyenne européenne en ce qui concerne la fiscalité des entreprises. Seule la réforme de l'Etat permettra d'y parvenir. Sans économies d'échelle, sans une gestion plus rigoureuse des ressources humaines, sans une simplification administrative encore plus affirmée, l'Etat ne pourra pas procéder à la réduction durable des prélèvements, seul gage pourtant du dynamisme de nos territoires.

Je ne puis, Monsieur le ministre, que saluer l'esprit réformateur de votre texte et vous engager à persévérer. Comme vous avez pu le constater dans ma ville en décembre dernier, ce texte suscite de grands espoirs dans toutes les catégories sociales, en particulier dans les foyers ouvriers et dans les écoles. Grâce à vous, notre pays reprend espoir en la création d'entreprise (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nathalie Gautier - Elaboré à la hâte, le texte que vous nous présentez, Monsieur le ministre, comme innovant est surtout incomplet. Vous feignez d'ignorer que nombre de mesures concrètes ont été prises sous la législature précédente pour favoriser la création d'entreprise.

Etats généraux, prêts à la création d'entreprise, épargne défiscalisée, développement des réseaux bancaires, accompagnement de la banque de développement des PME, allégement des charges fiscales, réforme du mode de calcul de la taxe professionnelle, baisse de la TVA dans le bâtiment, diminution des droits de mutation : voilà l'action concrète que nous avons menée.

Dès lors, votre texte nous laisse perplexe. Pourquoi supprimer la référence au « reste-à-vivre » introduite par Mme Lebranchu ? Pourquoi ignorer le rôle central joué par les entreprises en matière d'aménagement du territoire ? Pourquoi ne pas reprendre les mesures destinées à donner un statut moderne aux hommes et aux femmes qui font vivre ces structures, qu'ils soient entrepreneurs ou salariés ? Nous avions donné une impulsion décisive au statut de conjoint collaborateur, afin que ce dernier bénéficie d'un ensemble de droits sociaux et d'une véritable reconnaissance de sa contribution. Il faut en finir avec ces situations de non-droit que l'on découvre au moment d'une séparation, d'un divorce ou d'un décès.

Comment les entreprises pourraient-elles se reconnaître dans un texte qui oublie la situation spécifique des entreprises individuelles pour ne parler que des sociétés ? Dans le département du Rhône, la Chambre de métiers compte parmi ses adhérents 60 % d'entreprises individuelles et 40 % de sociétés. Dès lors pourquoi vos mesures s'adressent-elles à une forme unique d'entreprise ? Que faites-vous de l'économie sociale, des sociétés coopératives ou des coopératives de commerçants qui représentent 10 % des richesses produites dans notre pays et 10 % de l'emploi ? Permettre que s'exerce la liberté de création, c'est soutenir aussi des modes de production économiques diversifiés. Leur originalité justifiait qu'on les prenne en considération.

Votre projet est démagogique. La création pour un euro est un leurre, un effet d'annonce. Au reste, cette mesure ne reçoit pas un accueil favorable de la part des responsables économiques que j'ai rencontrés. Pour créer une entreprise, il faut un projet, un environnement qui permette à celle-ci de se développer, un réseau de conseils qui assure sa pérennité. Ne leurrons pas nos concitoyens : se lancer dans la création d'une entreprise, reprendre un commerce ou une activité artisanale suppose une prise de risque. Sachons créer les conditions de son développement et ne cédons pas à la démagogie. Et ne cédons pas non plus à la dictature de la rapidité : un projet de création d'entreprise, cela se mûrit au gré de rencontres répétées avec des professionnels.

Etrange loi, aussi, que celle qui passe sous silence les aspects liés à la mutualisation. Plus développée en Italie qu'en France, celle-ci permet à de petites entreprises de prendre le risque d'entreprendre en construisant avec d'autres le socle des garanties nécessaires. Il eût été judicieux de favoriser les coopérations à l'échelle des bassins d'emploi, notamment en ce qui concerne la recherche, la formation ou la diffusion des nouvelles technologies.

Vous ne cherchez pas davantage à remédier aux retards de paiement. Il faut pourtant disposer de fonds de roulements pour faire face aux délais de règlements. Le gouvernement précédent avait utilement renforcé la règle en imposant une réduction de la durée des paiements. Que comptez-vous faire sur cette question essentielle, qui peut mettre en jeu la vie des jeunes entreprises ?

MM. Augustin Bonrepaux et Alain Néri - Rien !

Mme Nathalie Gautier - Monsieur le ministre, les animateurs du monde économique méritaient mieux (Sourires bancs du groupe UMP). Si tout le monde s'accorde sur la nécessité de créer des entreprises et de faciliter leur transmission, c'est d'une véritable réflexion sur ce secteur que nous avons besoin, et non de mesures fiscales exorbitantes et démagogiques (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Vous _uvrez sous la pression du milieu patronal, et n'hésitez pas à trouver des moyens de contourner l'ISF. Mais vous ne ferez croire à personne, et encore moins aux salariés, qu'un débat sur l'ISF a sa place dans un texte sur la création d'entreprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Frédéric Soulier - C'est pour moi un plaisir d'intervenir dans ce débat, en tant que nouveau parlementaire directement issu du monde économique. J'ai été frappé par la maîtrise de l'art oratoire de nos collègues de l'opposition, moins par leur expérience du monde de l'entreprise (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Leur formation, leur origine socioprofessionnelle ne leur ont visiblement pas permis d'appréhender la problématique de la création d'entreprise dans toutes ses dimensions (« Caricature ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il faut avoir connu la difficulté de définir une stratégie, ou l'angoisse de ne pas arriver à convaincre son banquier, pour parler de l'entreprise autrement que de manière historique et idéologique (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Merci, Monsieur le ministre, pour votre audace. Les entrepreneurs se sentent aujourd'hui soutenus. Votre texte participe de la volonté du Gouvernement de refuser toute posture idéologique. En période de faible croissance, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'applique à agir sur tous les leviers de l'économie. Pour l'année 2003, le Président de la République a voulu une France plus compétitive, et qui s'encourage elle-même à créer. Cette dynamique est une nouvelle étape de la politique de croissance active que le Gouvernement a engagée au service de l'emploi.

Les Français ont compris depuis plusieurs mois qu'il était temps d'inverser la tendance face aux défis qui se posent à notre pays, il apparaît indispensable de réhabiliter l'esprit d'entreprise, en considérant que l'initiative de celles et ceux qui s'engagent dans cette voie relève de l'intérêt général. Dans un contexte économique fragile, nous devons être plus audacieux que jamais. Dois-je rappeler aux amnésiques que l'économie des socialistes est passée de la cagnotte à l'anti-cagnotte, et que la France malgré une période de forte croissance, est restée l'un des rares pays à ne pas connaître une hausse substantielle du pouvoir d'achat de ses habitants ? Le Gouvernement précédent a fait mal aux entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il a mis à mal la valeur travail, composante essentielle de la liberté. Avec les 35 heures, il a créé une France à deux vitesses. La France est malade du poids des impôts, des charges, des taxes, des réglementations tatillonnes et des contraintes administratives. Ses énergies sont bridées par une culture de l'assistance qui étouffe l'initiative individuelle. La compétitivité de la France s'est complètement effondrée l'an dernier par rapport à celle de ses partenaires...

M. Jean-Marc Ayrault - N'importe quoi !

M. Frédéric Soulier - A l'échelle de l'économie mondiale, la France est sans conteste la grande perdante. Elle est montrée du doigt pour son coût du travail et pour toute une série de handicaps qui pénalisent la création d'entreprise. Pour combattre cet état de fait, il nous faut retrouver une France entreprenante et courageuse, une France qui réussit et qui partage. Pour retrouver les premiers rangs de la compétitivité, nous devons réussir les réformes trop longtemps différées.

Parlementaire issu, comme je l'ai dit, du monde économique, je me suis attaché en Corrèze - avec mon collègue Jean-Pierre Dupont, président du conseil général - à consulter tous les acteurs économiques avant que le projet de loi ne soit soumis à notre assemblée. Cette consultation, fort appréciée, aura permis de les associer à la rédaction des amendements. C'est pour moi une nouvelle façon de faire de la politique.

M. Augustin Bonrepaux - Le président est-il bien objectif quant au respect du temps de parole ?

M. Frédéric Soulier - Nous avons maintenant les outils nécessaires pour inverser la tendance et pour donner aux jeunes la possibilité de s'épanouir professionnellement hors du carcan statutaire édicté par le précédent gouvernement.

Je fais partie des députés chefs d'entreprise qui saluent votre projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Launay - Je ferai observer à l'orateur précédent que, si nous ne devions débattre ce soir qu'entre chefs d'entreprise, il n'y aurait ni rapporteurs, ni ministre. La représentation nationale est telle qu'elle est, et chacun de nous est légitimement fondé à s'exprimer (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Alors que fermetures d'usines et délocalisations s'accélèrent sur le territoire jetant sur le pavé, des milliers de salariés, votre projet de loi n'est pas à la hauteur de la situation préoccupante de notre pays et ne permettra pas d'enrayer la vague de licenciements qui menace des régions entières, ni même de redonner l'espoir nécessaire pour relancer la machine économique.

Hier, vous suspendiez les dispositions de la loi de modernisation sociale votée par la gauche, qui soumettaient les chefs d'entreprise au respect de procédures de consultation et d'alerte des salariés avant tout plan social. Vous autorisiez ainsi l'arbitraire dont usent Pechiney, Metaleurop et d'autres. Aujourd'hui, vous nous présentez un texte bancal et partiel.

Vous ne traitez de la création d'entreprises qu'à travers le prisme de mesures fiscales si amples qu'elles en deviennent de véritables cadeaux fiscaux, trahissant ainsi une dérive idéologique, également perceptible dans votre volonté de réformer l'impôt sur la fortune au moyen d'amendements que vous faites déposer par une majorité revancharde et asservie.

En revanche, vous faites l'impasse sur le volet social d'accompagnement et de formation, qui était pourtant dans le projet de votre prédécesseur François Patriat. Votre projet ignore aussi l'artisanat et la petite entreprise - l'entreprise « d'en bas ». Les artisans, que nous avions satisfaits par la réduction de la TVA sur les travaux de restauration dans le bâtiment notamment, ne seront pas dupes de vos belles paroles. Vous leur préférez les plus grandes fortunes ; les socialistes l'affirment et le dénoncent et Le Figaro lui-même, pourtant peu suspect de complaisance envers la gauche, s'inquiétait de la pertinence de votre projet.

Je concentrerai mon propos sur deux points oubliés de votre texte : la nécessité d'une qualification minimale des créateurs d'entreprise et l'aménagement de la fiscalité lors d'une transmission d'entreprise.

La création ou la reprise d'une entreprise en s'improvise pas. Fort de ce constat, le législateur, par la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, a précisé que « certaines activités ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci ».

Il s'agissait d'offrir des garanties légitimes au consommateur, en même temps que de conforter la pérennité des entreprises nouvellement créées en veillant à la compétence de leurs responsables. Or, à l'usage, l'interprétation de la loi s'est révélée fort lâche : en fait, aucun contrôle n'est effectué lors de la déclaration au centre de formalités des entreprises, les chambres de métiers ne pouvant refuser l'immatriculation aux personnes qui le demandent. Pourquoi, alors, ne pas avoir inscrit dans la loi le principe d'un contrôle exercé par les chambres de métiers lors de l'inscription au répertoire des métiers ?

Quant aux reprises d'entreprises pour lesquelles des plus-values seront dégagées, un mécanisme d'échelonnement du paiement de l'impôt sur ces plus-values est instauré par le présent projet, mais si l'on veut que ce dispositif soit appliqué sans équivoque, ne vaudrait-il pas mieux préciser les modalités dans la loi elle-même que de s'en remettre à une simple instruction ministérielle ?

L'opposition se doit d'être constructive, mais elle a besoin, pour cela, d'interlocuteurs eux-mêmes objectifs. J'ose espérer que tel sera bien le cas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Descamps - Votre projet me procure un immense plaisir, en ce qu'il répond aux attentes des entrepreneurs, trop souvent considérés jusqu'ici au mieux comme des privilégiés, au pire comme des exploiteurs, alors qu'ils sont les premiers responsables de la croissance et du progrès social (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Venu du monde de l'entreprise, je m'efforce depuis des années à convaincre mes électeurs, mes adversaires politiques, et parfois mes amis (Sourires), de la nécessité de libérer l'esprit d'entreprise dans notre pays. Trop de générations ont été élevées depuis un demi-siècle sans qu'on leur insuffle le sens du risque, le goût d'entreprendre, ni même le respect de la valeur du travail.

Ce projet bienvenu permet d'enfoncer un coin important dans le dispositif administratif, fiscal et social étouffant qui encadre la création d'entreprise. Créer une entreprise, la gérer, c'est prendre un risque, pour le chef d'entreprise. Pour ses salariés, ses clients et ses fournisseurs aussi, mais c'est tout de même le créateur de l'entreprise qui met en jeu tout ou partie de son patrimoine, sa sécurité matérielle, sa vie familiale, pour faire naître emplois et richesses, et les fonctionnaires, les associations et institutions en tous genres ne pourraient exister sans cet engagement volontaire de ces quelques hommes et femmes. Il ne faut pas l'oublier !

Votre texte, Monsieur le ministre, est dans la ligne de ceux de certains de vos prédécesseurs, comme Alain Madelin. Coûtera-t-il cher, comme certains l'affirment ? Non, car alléger les contraintes et les impôts aboutit à favoriser de nouvelles initiatives, sources de nouvelles recettes fiscales. Le chemin, c'est vrai est encore long, et ce n'est pas l'extraordinaire démagogie dont fait preuve l'opposition sur la question de l'ISF qui nous aidera à le parcourir...

Favorisera-t-il les riches, comme les mêmes le prétendent ? Bien au contraire, il représente un formidable ascenseur social pour tous ceux qui veulent se mettre à leur compte.

Ramener l'impôt sur les hauts revenus au niveau pratiqué par nos voisins, c'est encourager la réussite et l'esprit d'entreprise dans notre pays. Réduire l'imposition sur les plus-values, c'est accroître la mobilité du capital. Alléger la fiscalité sur les transmissions, c'est encourager l'épargne. Plafonner l'impôt sur la fortune, c'est stimuler l'investissement productif. S'il faut certes avancer progressivement, il faut agir sans tarder, avant qu'il ne soit trop tard. Nous savons, Monsieur le ministre, pouvoir compter sur vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. David Habib - Favoriser l'initiative économique est un objectif louable, que d'autres avant vous avaient visé avec lucidité et compétence. Le projet de François Patriat, souvent cité cet après-midi, s'articulait autour de trois axes : favoriser le développement de l'entreprise aux différents stades de sa vie, donner un statut moderne aux hommes et aux femmes qui font vivre les petites entreprises, alléger les formalités et charges qui pèsent sur l'activité de celles-ci. Pourquoi n'avez-vous pas repris ces orientations ? Tout simplement parce que vous avez choisi de placer cette législature sous le double signe de la dérégulation sociale et de la valorisation non pas de l'entreprise, mais de la seule création d'entreprise.

Rien, dans votre texte, n'est conçu pour assurer la viabilité des entreprises qui seront ainsi créées ; rien pour prévenir leurs difficultés financières, rien pour renforcer leurs capacités d'analyse de la conjoncture, rien pour sécuriser les concours bancaires. Un seul objectif vous importe : multiplier les créations pour pouvoir, demain, afficher un résultat quantitatif massif.

On ne trouve rien non plus sur les pratiques commerciales, ni sur la nécessaire protection des PME, livrées à la voracité de distributeurs de plus en plus concentrés. Devant la commission, Monsieur le ministre, vous avez estimé que la question des relations entre fournisseurs et distributeurs était cruciale, mais n'entrait pas dans le champ du texte. Si vous avez trouvé du temps à consacrer aux amendements sur l'ISF, vous auriez pu aussi trouver celui d'améliorer les règles en vigueur dans ce domaine...

M. Bonrepaux a dit combien les plans sociaux peuvent jeter l'effroi dans toute une région. Élu, comme lui, des Pyrénées j'ai vécu la fermeture d'une usine d'électrolyse, de Pechiney, et je partage sa colère. Par ce texte, vous donnez le sentiment que les entrepreneurs sont protégés, tandis que leurs salariés sont abandonnés par le pouvoir politique qui leur laisse comme seule possibilité que de s'inscrire à l'ANPE (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP). La France a besoin de consensus ; le vote du second tour de l'élection présidentielle aurait dû conduire à la rechercher au moins sur ce thème (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Garrigue - Ce texte, qui n'est pas le premier du genre, vaut en ce qu'il couvre un vaste champ - création, transmission, portage, essaimage des entreprises -, qu'il s'adresse à toutes les entreprises et à tous les secteurs, au nom d'une logique d'entreprise qui leur est commune.

Pourtant certains le réduisent à la seule question de l'ISF. A titre personnel - et je ne suis pas le seul dans la majorité - je ne suis pas hostile à l'imposition du capital. Un certain nombre de pays libéraux la préfèrent d'ailleurs à l'impôt sur les successions, jugeant qu'elle pénalise le capital improductif. En 1982, l'ISF a été créée dans un contexte certes très idéologique, mais avec un certain pragmatisme, et sur des dispositions comme le statut des gérants minoritaires de SARL, la définition de l'outil de travail dans les entreprises familiales, ou encore la détention d'actions par des salariés d'une entreprise, il y avait eu un débat très ouvert.

Depuis lors, le contexte juridique et économique s'est transformé. Ainsi, les successions dispersent le capital d'entreprises familiales, dont certaines sont alors rachetées. Il est difficile, en outre, de mobiliser les capitaux pour créer ou développer une entreprise. C'est donc en toute logique que se pose la question de l'évolution de l'ISF et de la définition de l'outil de travail. Quand on sait ce qu'ont été les débats antérieurs, on a du mal à comprendre l'irrédentisme fiscal de certains collègues (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il faut conserver une vision ouverte ; c'est celle que le texte nous propose, et que nous adopterons en le votant, tel qu'amendé par la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Nicolas Forissier - Je reste assez perplexe en entendant nos collègues socialistes dire que dans ce texte - que je trouve excellent - il manquerait ceci ou cela. Leur majorité n'avait-elle pas attendu cinq ans pour nous proposer, à la veille des élections, un texte sur les entreprises ? Je ne suis pas de ceux qui disent qu'ils n'ont rien fait, mais je demande qu'on nous laisse la législature pour conduire, dans la concertation, la réforme nécessaire. Le présent texte a pour objet la création d'entreprise, et à l'automne un autre nous sera présenté, qui aura trait à son développement, il y aura aussi celui de Mme Fontaine sur la recherche et l'innovation, les ordonnances sur la simplification administrative, etc.

Dans le texte sur le développement de l'entreprise, il sera essentiel de traiter de façon plus approfondie du statut de l'entrepreneur individuel. La remise à plat des aides publiques, la question des marchés publics, celle des délais de paiement, de la formation, de l'apprentissage, de l'accompagnement international des entreprises, y compris artisanales : autant de sujets qu'il ne faudra pas laisser de côté.

Se concentrer en début de législature sur les conditions de création et de développement des entreprises est de bonne méthode, mais le Gouvernement doit accepter de prendre en considération les amendements qui ont fait, en commission, l'objet d'un débat très raisonnable et sont tout à fait cohérents avec son texte. Il s'agit par exemple de rétablir l'équité entre les régimes fiscaux applicables aux créations et ceux applicables aux reprises d'entreprises en difficulté. Cette mesure de justice fiscale ne coûterait pas cher. Je vous demande de tenir compte, plus que ce qui, me dit-on, est prévu, de l'avis du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Arlette Grosskost - Dans un contexte économique et social difficile, ce projet est une heureuse initiative qui vise à faire de la création d'entreprise un moteur de la croissance. En ma qualité de conseillère régionale, j'insisterai d'abord sur la décentralisation, qui offre un cadre de développement au plus près du terrain. Il serait opportun de consacrer la région comme « chef de file » du développement économique en lui donnant compétence non seulement pour l'attribution des aides directes aux entreprises mais aussi pour la mise en place des dispositifs de mobilisation locale des crédits.

Dans cet esprit, les fonds d'investissements de proximité destinés à financer des projets économiques locaux apparaissent comme une initiative très intéressante, puisqu'ils viendront compléter les outils existants tels que les fonds communs de placement à risque ou les sociétés de capital-risque. Cependant, pour appuyer pleinement la logique territoriale, ne faut-il pas permettre à la région de veiller à la cohérence des mises en place de FIP ? Cela permettrait d'éviter une concurrence stérile sur un même territoire, mais aussi de mieux coordonner les orientations économiques propres à une région.

Deuxième observation : les aides et les subventions accordées aux entreprises, dans leur grande majorité, entrent dans la base du bénéfice imposable. A ce titre, elles supportent l'impôt reversé à l'Etat, quand bien même elles proviennent d'autres institutions, comme la région ou le département... Il y a là une logique bien particulière !

Mon troisième point concerne le « taux d'usure », mal nommé au demeurant. Le marché du crédit aux PME étant très concurrentiel, l'existence d'un « seuil de l'usure » est un véritable obstacle à l'accès au crédit pour les entreprises qui se trouvent à une phase risquée de leur développement - création, transmission ou forte croissance. Pourtant, la pratique me l'a enseigné, les entrepreneurs, face à une telle situation, acceptent de payer leur crédit plus cher dès lors que la garantie personnelle est plus faible, voire inexistante, et que l'obtention du concours est assurée. Ne serait-il pas judicieux de laisser les acteurs économiques fixer librement le taux de crédit correspondant à chaque opération ? Je trouve bien sûr normal, a fortiori, de maintenir l'article 17.

Mon dernier point concerne l'accompagnement de proximité. Les réseaux consulaires sont une infrastructure expérimentée et dynamique qui quadrille le territoire et constitue, pour les chefs d'entreprise, un interlocuteur privilégié de proximité, source d'information, de conseil puis d'accompagnement. Je crois nécessaire, en reconnaissant leur rôle de « porte d'entrée naturelle » de la création d'entreprise, de mettre l'accent sur ces réseaux d'accompagnement qui ont fait leurs preuves, notamment dans le cas alsacien, que je connais bien. Si, comme il est raisonnable, on ajoute à l'objectif quantitatif le souci d'une pérennisation des projets, l'accueil du futur créateur d'entreprise doit s'assortir dès l'amont d'une bonne information, doublée d'une évaluation de la viabilité économique de son projet. Je crois donc nécessaire de pérenniser les CFE et de reconnaître leur légitimité à délivrer le RCE (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Xavier de Roux - Depuis les nationalisations de 1981, l'entrepreneur en France était devenu l'ennemi de classe, taillable et corvéable à merci (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), l'Etat seul devait être entrepreneur. Mais, au moment même où le parti socialiste décidait de sauter le mur de Berlin à l'envers (Mêmes mouvements), il décidait aussi d'entrer dans un grand marché libéral européen, avec libre circulation des capitaux, des personnes et des biens. On s'est donc retrouvé rapidement dans un système extravagant, avec une politique économique digne des Shadoks. D'un côté, c'était un fiscalisme dogmatique ; de l'autre la subvention publique. Cette étrange « pompe à phynances » n'a pas empêché les entrepreneurs d'émigrer. On prétend que ce n'est pas prouvé : moi qui fais depuis quarante ans du droit de l'entreprise, j'ai malheureusement pu constater qu'un grand nombre d'entrepreneurs avaient quitté notre pays pour Bruxelles, Londres ou Genève.

M. Michel Vergnier - Ce sont ceux qui avaient la fibre nationale...

M. Xavier de Roux - La question n'est pas là : à l'intérieur de l'Union européenne, ce grand marché que nous avons choisi, chacun choisit le lieu où il va produire et négocier.

M. Michel Vergnier - Et sont-ils allés vivre là où ils sont allés produire ?

M. Xavier de Roux - Telle fut pendant des années la contradiction de votre politique. Dès lors que vous sautiez le mur de Berlin à l'envers, il fallait quitter l'Union européenne et dresser les barrières. Vous ne pouviez pas mener une politique socialiste dans un ensemble libéral.

Vous brisez enfin un tabou, Monsieur le ministre, et votre texte est plus important pour sa portée symbolique que pour son contenu : il affirme en effet qu'aujourd'hui, en France, on peut entreprendre sans complexe. Il est important de dire que l'entreprise est une activité noble, et c'est une petite - ou une grande - révolution intellectuelle qui est en train de se produire.

Un mot, pour finir, sur l'ISF. Pourquoi toujours s'arrêter en chemin ? Pourquoi faire les choses à moitié, comme si l'on avait un peu honte ? Quand M. Beregovoy a plafonné l'ISF, personne n'a hurlé. Aujourd'hui, nous connaissons tous des gens forcés de quitter le territoire ou de réaliser leurs actifs parce qu'ils n'ont pas les revenus leur permettant de payer l'ISF sur des biens immobilisés. Nous avons fait la moitié du chemin sur ce sujet ; je sais qu'il est un peu tabou, mais nous serons tellement critiqués sur cette affaire - pour de mauvaises raisons - qu'il vaut mieux être critiqués totalement et aller jusqu'au bout de la réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Philippe Martin - Ce projet exprime la volonté qu'a le Gouvernement de mener une politique économique dynamique, inspirée des réflexions des entreprises, des artisans, des commerçants. Alors que la France connaissait une croissance soutenue, le précédent gouvernement n'a pas su en tirer parti en termes de création d'emplois et d'entreprises. A l'inverse, les 35 heures, la multiplication des aides et des subventions ont aggravé le discrédit des PME. Notre pays ne crée que 175 000 nouvelles entreprises chaque année : nos voisins font deux fois mieux. En outre l'importance économique des PME n'est plus à démontrer. Les entreprises de moins de dix salariés représentent 93 % de nos entreprises et près du quart de nos salariés. On mesure l'importance du pas qu'entend franchir le Gouvernement vers une politique d'accès à l'entreprise.

Je me félicite que ce projet simplifie les démarches administratives. Il est louable aussi que le Gouvernement ait retenu l'amendement, que j'avais déposé avec Bernard Accoyer, portant la valeur du bien familial insaisissable de 7 622 à 122 000 euros - proposition que j'avais faite en vain sous la précédente législature. De nombreuses autres dispositions du projet vont faciliter la vie quotidienne des PME, grâce aux allégements de charges mais aussi aux simplifications administratives. Cela devrait donner une plus grande stabilité aux PME, et contribuer ainsi à leur développement. Il est proposé d'autre part d'élargir aux sociétés les possibilités de dérogations permettant d'exercer une activité professionnelle dans une partie du local d'habitation.

Le projet a trait également à la pérennisation des petites structures. Les entreprises sont vulnérables au moment de leur transmission ; or 500 000 d'entre elles vont changer de dirigeants dans les dix ans à venir. Le Gouvernement se devait donc de prendre des mesures facilitant leur transmission. Il est ainsi prévu de relever le seuil d'exonération des plus-values professionnelles. C'est d'autant plus important que, pour de nombreux artisans et commerçants, cette plus-value constitue un capital pour leur retraite.

Toutefois, en matière de transmission, certaines mesures concernant le domaine agricole et viticole auraient dû trouver place dans ce projet. Lors du débat budgétaire, Monsieur le ministre, votre collègue nous a demandé de retirer nos amendements, en nous disant qu'ils seraient discutés dans la loi Dutreil... Je le regrette. Je citerai seulement deux points importants. Il aurait été souhaitable, d'abord, que la mise à disposition d'un bien par bail à long terme à une société agricole contrôlée par le cercle familial revête le caractère d'un bien professionnel, et soit à ce titre exonérée de l'ISF. D'autre part, sur les stocks à rotation lente, l'imposition sans flux financiers ni vente est une injustice à laquelle vous n'avez pas souhaité remédier.

Malgré ces bémols, vous êtes sur la bonne voie. Il faudra encore progresser, pour la prospérité économique de la France (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Christ - Dans le monde de l'artisanat, où j'ai des attaches particulières, ce projet reçoit un accueil particulièrement favorable. Il répond enfin à d'anciennes attentes, régulièrement exprimées, mais si peu entendues... Sur de nombreux points, il apporte des avancées sans précédent, qu'il faut saluer.

Il rend aux créateurs et aux repreneurs d'entreprise une place centrale dans l'économie nationale et reconnaît leur rôle de clef de voûte de la croissance et de l'emploi.

Il simplifie les démarches de création d'entreprise, sécurise le patrimoine personnel de l'entrepreneur et facilite le passage du statut salarial au statut entrepreneurial. Il améliore également l'accès aux sources de financement, en particulier grâce à la constitution de fonds de proximité.

Le projet traite aussi de l'accompagnement social des projets d'entreprise, il instaure le récépissé de création d'entreprise, qui facilitera beaucoup la démarche de création, et permet de retirer les fonds constitutifs du capital de la société ainsi créée sans attendre son immatriculation.

Le souci de simplification va jusqu'à autoriser la création d'entreprise par voie informatique. La proposition de la commission spéciale tendant à la création du chèque-emploi-entreprise répond pleinement aux exigences particulières du travail saisonnier. Les artisans, premier employeur de France, attendaient de notre gouvernement une action forte et déterminée.

M. Michel Vergnier - Nous n'avons pas lu le même texte !

M. Jean-Louis Christ - Ils attendaient aussi une stimulation de l'esprit d'entreprise et une libération des énergies. Lieu de création de richesses, l'entreprise artisanale est totalement tournée vers la satisfaction des besoins de l'ensemble de nos concitoyens. Ce n'est pas un hasard si elle bénéficie d'un fort capital de sympathie dans le c_ur des Français. Les métiers de l'artisanat contribuent fortement à la qualité de notre vie quotidienne, et assurent une cohésion sociale et territoriale essentielle. Il importait donc que le dynamisme des artisans soit encouragé. Ce projet répond, dans ses grandes lignes, à leur attente. Il est le premier volet d'une réforme plus vaste sur le développement de l'entreprise, comportant des dispositions sur la formation et la qualification professionnelles. Il s'agit notamment de susciter chez les jeunes un réel intérêt pour ces métiers.

Il conviendrait également de rendre obligatoires de véritables compétences dans l'exercice d'activités réglementées, afin d'assurer la crédibilité de certaines professions et la protection du consommateur.

Au total, ce texte représente une première étape très encourageante pour les artisans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Geneviève Levy - Le Gouvernement a su éviter le double écueil d'un discours incantatoire vantant les mérites de l'entreprenariat et d'un dispositif de plus d'aide à la création d'entreprise. Il a trouvé la bonne voie en considérant que le soutien à la création et à la transmission devait répondre à une attente des acteurs économiques, et en estimant que l'effort devait porter sur l'amélioration de l'environnement économique, social et juridique de tous les entrepreneurs. Il s'agit de faciliter le passage de l'aspiration à créer à la création elle-même, en évitant les procédures dissuasives. Le report du paiement des cotisations sociales la première année et le bénéfice des aides à l'emploi et à la formation professionnelle pour le salarié créateur vont exactement dans ce sens.

Tout en me félicitant des mesures tendant à préserver le tissu de nos PME, en particulier familiales, j'espère qu'un projet traitant de la transmission d'entreprise sous tous ses aspects nous sera un jour présenté.

L'article 6 tend à protéger le patrimoine privé de l'entrepreneur individuel. La preuve du lieu de résidence principale doit-elle nécessairement prendre la forme d'un acte notarié ? D'autres professions juridiques pourraient y concourir.

Ce projet, encore perfectible, constitue une première étape sur la voie de la libération des entrepreneurs. Sans attendre le deuxième texte, annoncé pour l'automne, je voterai résolument le projet que vous défendez, Monsieur le ministre, avec autant d'ardeur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Laurent Hénart - Le débat sur l'ISF est marqué par beaucoup d'irrationalité.

M. Maxime Gremetz - Vous n'avez pas honte ?

M. Laurent Hénart - Didier Migaud, d'un côté, critique la mesure relative à l'exonération des actions qui sont l'objet d'un pacte de stabilité au sein de l'entreprise, ce qui pourrait la placer en contradiction avec son propre amendement ; d'un autre côté, Charles de Courson en appelle au texte qu'avait fait voter Pierre Bérégovoy !

Retrouvons donc un juste sillon : les mesures relatives à l'ISF concourent à consolider le financement des entreprises. Il s'agit de stabiliser le capital de l'entreprise, de favoriser l'entrée en capital d'argent frais pour de jeunes entreprises non cotées, et d'encourager, par la réduction d'ISF, la souscription de parts de FCPI et de FIP. Le Gouvernement devrait accepter les amendements en ce sens, et l'opposition éviter de caricaturer le projet en le réduisant à un débat fiscal sur l'ISF...

M. Michel Vergnier - Ce n'est pas ce que vous avez fait ?

M. Laurent Hénart - ...La majorité ne doit pas, de son côté, dépasser le cadre fiscal fixé par le Gouvernement, et dans lequel l'ISF est loin d'être le seul impôt concerné par l'amélioration de l'état financier de nos PME.

Sur l'économie du crédit, il nous faudrait progresser au plan juridique : entre soutien abusif et rupture abusive de crédit, la jurisprudence est complexe et limite beaucoup l'initiative des banques. Dans le domaine des garanties, beaucoup reste à faire, dans une démarche souvent régionale. Enfin, l'autofinancement des entrepreneurs devrait être facilité, peut-être pour le recours à l'épargne-logement, sachant que 227 milliards d'euros sont en cause...

Parmi les mesures de simplification proposées, figure le chèque-emploi-entreprise, dont les modalités relèveront du domaine réglementaire. Je me fais ici l'écho d'un groupe de travail que vous avez rencontré le 15 janvier, Monsieur le ministre, et qui souhaite que ce dispositif utile ne se traduise pas par la constitution d'un monopole, mais laisse ouverte une diversité de prestataires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Annoncé dès le 7 octobre à Lyon, votre projet suscite d'énormes espoirs, en particulier dans le monde rural. Elu de ce monde rural et exerçant une profession libérale, je le considère avec un vif intérêt.

Constatant la baisse du nombre de créations d'entreprises et des difficultés qu'elles rencontrent, vous proposez un arsenal de mesures propres à apporter un nouveau souffle. Vous rompez avec bien des errements antérieurs, contre lesquels il nous faut agir en retroussant nos manches.

Le monde rural souffre d'un déficit de population, en raison de la déprise agricole, qui s'accompagne du délitement du tissu industriel, artisanal et commercial. Les mesures de simplification proposées, en particulier le récépissé de création d'entreprise, vont dans le bon sens. En Lozère, où n'existe ni tribunal de commerce ni greffe de commerce permanent, ce récépissé fera gagner bien du temps.

La création d'une entreprise par Internet sera également d'un profit considérable ainsi que la domiciliation de l'entreprise individuelle dans le local d'habitation. Il est également indispensable d'améliorer le statut de la pluriactivité et la législation sur le télétravail.

La création de FIP, l'accompagnement social à la création d'entreprise constituent ainsi des avancées substantielles pour le monde rural. La Lozère a été très injustement privée de la PAT par le précédent gouvernement.

M. Michel Vergnier - Rétablissez-la !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Notre département compte 37 % de chefs d'entreprise de plus de cinquante ans. C'est dire l'impact qu'aura votre texte.

Je vous recommande, plus généralement, Monsieur le ministre d'accompagner fortement les territoires ruraux en leur conférant une nouvelle attractivité.

J'ai déjà appelé votre attention sur la situation dramatique de nos campagnes, qui perdent médecins, commerçants, artisans et services publics ; j'ai déjà demandé pour elles des dispositions dérogatoires, des zones franches par exemple, et des aides permettant de maintenir les derniers commerces. Si je me permets de revenir à la charge aujourd'hui, c'est que ce projet marque votre volonté personnelle de favoriser la création d'entreprises et d'emplois, qu'il révèle un état d'esprit nouveau. Vous avez largement consulté, entendant plus de quatre mille acteurs du monde économique et du monde associatif et suscitant 20 000 réponses - dont plus de 400 venaient d'ailleurs de la plus petite circonscription de France : la mienne, celle de Marvejols, en Lozère ! - à votre questionnaire sur les simplifications administratives. Vous êtes donc ouvert au dialogue et aux propositions des parlementaires. Au moment où le Gouvernement prépare un projet de loi sur la ruralité, un projet de loi d'habilitation relatif aux simplifications et une évaluation des zones de revitalisation rurale, je me devais de vous saisir des difficultés de nos zones rurales. Vous suivez le bon chemin, celui de l'emploi et de l'initiative : continuez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Auclair - A l'évidence, les artisans et commerçants attendent cette loi. Ce sont ces petits entrepreneurs - « petits » n'est en rien péjoratif ! - qui créent emplois et richesses. L'artisanat, comme le dit la campagne publicitaire bien connue, constitue la première entreprise de France...

M. Maxime Gremetz - Sur quelles données vous fondez-vous pour dire ça ?

M. Jean Auclair - Or ces artisans et commerçants sont les premières victimes des services fiscaux, de l'URSSAF et de l'inspection du travail. De plus, ils souffrent de graves distorsions de concurrence : dans le secteur agro-alimentaire, diverses dispositions favorisent en effet coopératives et groupements de producteurs, au détriment des commerçants privés. Je respecte certes la position idéologique des agriculteurs qui se sont regroupés pour commercialiser leur production, pensant ainsi échapper aux intermédiaires, mais l'Etat a largement soutenu ces coopératives, à coups de subventions destinées à amortir leurs frais de fonctionnement, ce qui a conduit à la disparition de nombreux commerçants qui animaient l'économie rurale. Si votre loi ne met vite un terme à cette situation, la filière agro-alimentaire sera bientôt monopolisée par les coopératives...

M. Maxime Gremetz - Par Bonduelle !

M. Jean Auclair - ...au détriment d'une concurrence nécessaire pour maintenir les prix à la production.

M. Gaymard, lors de sa visite au marché de Rethel, a reconnu le rôle des commerçants, mais ceux-ci sont découragés, et lorsqu'ils cessent leur activité faute de repreneurs, ce sont les coopératives qui rachètent leur fonds. Comme elles sont exonérées pour 50 % de taxe professionnelle, la collectivité n'y gagne guère...

M. Maxime Gremetz - Soutiendriez-vous la soviétisation ?

M. le Président - Ne cédez pas à la nostalgie, Monsieur Gremetz ! (Sourires)

M. Jean Auclair - Si ces coopératives rendaient un service idéal, cela se saurait et tous les agriculteurs y adhéreraient, mais, en dépit des avantages dont ont pu bénéficier les adhérents, la nouvelle génération de producteurs préfère souvent s'adresser à des commerçants rompus aux lois du marché et soucieux de valoriser au mieux la production de leurs clients. De cela, les groupements sont incapables dès qu'ils bénéficient d'un afflux important de marchandises, et ils sont même les premiers à faire baisser les prix.

Disant tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, j'ai conscience que je risque de vous créer des difficultés, Monsieur le Secrétaire d'Etat, mais je ne manque pas d'arguments qui pourraient vous aider à triompher des résistances. En finir avec cette distorsion de concurrence, d'ailleurs contraire aux règles communautaires, c'est aller vers plus d'équité. En effet, en tuant à petit feu le commerce privé, on a placé la distribution entre les mains de quatre ou cinq groupes ; si on laisse faire de même dans le secteur agricole, les producteurs perdront le bénéfice de la concurrence. Vous qui voulez réhabiliter l'initiative et le travail, vous vous devez de réagir rapidement pour éviter que des structures privilégiées par leur statut au point de vivre sous perfusion ne l'emportent sur des travailleurs privés passionnés par leur métier.

Cette loi est bonne, mais elle sera encore meilleure si elle règle ce point ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Vous ne parlez pas de l'ISF ?

M. Jacques Briat - Nombre des dispositions de ce projet vont dans le bon sens et je vois dans ce texte la marque de la volonté qui anime le Gouvernement et le président de la République. Au contraire, depuis plus de décennies, les tenants de certaines idéologies n'ont jamais cessé de s'opposer à la logique d'entreprise, de dénoncer notre système économique...

M. Maxime Gremetz - Qui visez-vous ?

M. Jacques Briat - Entreprises et entrepreneurs ont été mis à l'index, à tel point que, selon un sondage, 59 % de nos compatriotes ont aujourd'hui une mauvaise image des seconds, contre 25 % seulement en 1985. Ce travail de sape a donc en partie réussi. Que ses auteurs, qui n'ont pas changé notre régime économique pendant les quinze ans où ils ont eu le pouvoir, n'acceptent-ils les règles qui se sont imposées partout au cours du siècle dernier, hormis quelques républiques exotiques ? (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Que ne se convainquent-ils qu'il faut commencer par créer des richesses avant de les distribuer ? Or seules les entreprises créent ces richesses...

M. Maxime Gremetz - Non : ce sont les salariés !

M. Jacques Briat - Ce projet est le message qu'il fallait adresser aux créateurs et aux chefs d'entreprise, aux commerçants et artisans et aux membres des professions libérales, désespérés par les 35 heures, par la loi de modernisation sociale et par le peu de considération qu'on leur a accordée (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Ils en ont assez d'être placés dans les pires conditions pour affronter la rude compétition économique. Pour que notre pays retrouve la place qu'il n'aurait jamais dû perdre, il faut des signes forts. Ce projet en est un : il montre l'attachement de la majorité aux plus modestes de nos entrepreneurs.

M. Maxime Gremetz - Oh !

M. Jacques Briat - C'est donc avec plaisir que nous voterons ce texte qui, rompant avec une idéologie plus que séculaire, fait renouer la France avec la modernité en répondant en seize points aux demandes des acteurs économiques. Le coup de pouce donné à la création d'entreprises est indispensable pour rattraper notre retard ; de même la simplification administrative et fiscale, les mesures de financement de l'initiative économique et celles qui tendent à faciliter le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur. Les dispositions d'accompagnement social et celles qui concernent la transmission sécuriseront les créateurs potentiels et éviteront bien des dépôts de bilan. Tout cela ne sert qu'un objectif en définitive : favoriser la création d'emplois et de richesses. Ce ne sont ni des cadeaux aux patrons ni des mesures électoralistes ou idéologiques : ce n'est que l'application du bon sens aux réalités de l'économie moderne ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Monsieur le Secrétaire d'Etat, vous avez raison d'aider ceux que vous avez appelés les inventeurs d'emplois : ce sont en effet eux, et eux seuls, l'avenir de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Emmanuel Hamelin - Certains ont dit leur satisfaction - je ferai de même -, mais d'autres ont avancé des explications bien compliquées pour nous faire croire que l'entrepreneur est toujours suspect de profiter et d'exploiter : en bref, d'être un mauvais citoyen. Lorsque le Premier ministre se rend à l'assemblée du Mouvement des entreprises de France, cela suscite un tollé ! L'amalgame est trop facile entre l'infime minorité qui se met hors champ et la grande majorité des entrepreneurs, qui labourent avec courage, au prix parfois de lourds sacrifices. Cette politique a eu un effet désastreux sur l'image de l'entrepreneur : « Ne dites pas à ma mère que je suis chef d'entreprise, elle me croit cadre dans une entreprise publique ! » (Sourires). Le mot « patron » est prononcé avec dédain ou agressivité...

M. Maxime Gremetz - Nous n'en avons qu'après les patrons-voyous !

M. Emmanuel Hamelin - Il est grand temps de valoriser l'esprit d'entreprise, le goût du risque, l'envie de créer. Comment ne pas entendre l'injustice, la frustration ? Injustice, oui, quand, après avoir travaillé toute une vie, on voit sa résidence principale saisie. Frustration, face à des complexités administratives qui empêchent de concrétiser un projet pourtant soigneusement monté. Les entreprises créent des emplois mais notre pays ne crée pas d'entreprises ! Combien de projets ont ainsi été abandonnés, combien de rêves avortés ! Pendant ce temps, il suffisait d'une livre sterling, en Grande-Bretagne, pour réussir... Comment peut-on soutenir que ce projet serait démagogique ?

Pourquoi ne pas faire chez nous ce qui a réussi ailleurs ? Pourquoi ne pas encourager ce qui, à l'évidence, est bon pour l'emploi ? Merci, Monsieur le ministre, de privilégier le bon sens au détriment d'idéologies dépassées et dogmatiques. Votre projet redonne espoir aux forces vives de notre pays qui seront demain le fer de lance de l'emploi.

Quinze millions de Français aspirent à créer leur entreprise. Ce rêve correspond à un idéal de liberté et d'épanouissement par le travail. Merci, Monsieur le ministre, de défendre ce rêve au travers d'un texte que je soutiens sans réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement ! M. Hamelin met dans ma bouche une déclaration de M. Raffarin dont je vais vous donner lecture...

M. le Président - Je vous prie d'y renoncer. Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Maxime Gremetz - Je ne suis pas seul à dire que certains patrons sont des voyous : le Gouvernement lui-même a fustigé leur attitude, les qualifiant tour à tour de voyous et de pirates de l'économie...

M. le Président - Vous n'avez pas la parole.

M. Emmanuel Hamelin - M. Gremetz l'a dit : il ne peut s'agir que de certains patrons et, à l'évidence, d'une infime minorité.

Mme Henriette Martinez - Je vais, à cette heure avancée, vous raconter une tranche de vie. Quand la quincaillerie a fermé, c'est une partie importante de l'activité du village qui a cessé. Depuis plus de cent cinquante ans, la population rurale environnante trouvait là tout ce dont elle avait besoin, fournitures et conseils. Mais le quincaillier avait soixante-quatorze ans et depuis l'âge de quatorze ans, il tenait le magasin que son père lui avait transmis et qui avait fait vivre sa famille pendant plusieurs générations. Après soixante ans de labeur acharné, et sans jamais avoir pris de congés, c'est la mort dans l'âme qu'il a fermé le magasin faute de repreneur. Encore aujourd'hui - six ans après -, il y a un grand vide dans le village et le quincaillier ne s'est jamais remis de cette déchirure. Le quincaillier, c'est mon père.

Cet exemple illustre les conséquences humaines et économiques de la non-transmission de l'entreprise familiale. A l'heure où vous présentez votre projet de loi pour l'initiative économique, je veux, revendiquant ici la modestie de mes origines, dénoncer ceux qui vous accusent de favoriser les riches et d'encourager le grand capital.

Combien de petits artisans et commerçants ne seront, comme mon propre père, jamais riches ? Combien ne demandent qu'à vivre de leur activité, et, le moment venu, à transmettre le bien qu'ils ont fait fructifier tout au long de leur vie ?

Vous voulez encourager les nouveaux créateurs et les repreneurs de PME et de TPE. Conjugué aux efforts accomplis par les plates-formes d'initiatives locales, le dispositif proposé tend à développer les zones rurales et à y maintenir la population en favorisant l'activité. Conjuguées aux contrats « jeunes en entreprise » créés par M. Fillon, les mesures proposées donneront un nouvel essor à l'activité économique, notamment en milieu rural. La simplification des formalités administratives répond à l'exaspération des entrepreneurs, harcelés par les contraintes destructrices de l'administration. En répondant très nombreux - plus de 500 - au questionnaire que je leur ai adressé, les chefs d'entreprise des Hautes-Alpes ont exprimé leur ras-le-bol, et toute la confiance qu'ils placent en vous, Monsieur le ministre. J'espère que l'amendement que je défendrai pour transformer l'argent dormant des PEA en argent productif sera adopté.

Les critiques de nos collègues de l'opposition - lesquels ne se sont pas illustrés par leur action en faveur de l'initiative privée et de la prise de risque - relèvent d'une idéologie dépassée. Oui, les chefs d'entreprise - actifs ou potentiels - approuvent le pragmatisme qui sous-tend votre projet. L'esprit comme la lettre en sont excellents. Nous ne doutons pas qu'il portera les fruits que nous en attendons (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Le Ridant - Chacun peut mesurer la fragilité des équilibres économiques et sociaux de notre pays dans une économie mondiale fragilisée. Force est d'admettre que l'avenir de la France n'est pas dans la concentration ou dans le gigantisme. Nous devons au contraire libérer les énergies en faveur de l'initiative individuelle. Un tiers des Français souhaitent créer leur entreprise. Dès lors, comment expliquer que le nombre de créations n'ait fait que baisser depuis dix ans, passant de 200 000 à 170 000, en dépit de plusieurs années de croissance soutenue ? Comment expliquer que la France fasse moins bien que la plupart de ses partenaires ? Comment expliquer enfin la disparition, chaque année, de 50 000 entreprises, faute de repreneurs ? Il y a là un vrai mal français, qu'il convient de combattre sans plus attendre.

La complexité des procédures, la lourdeur des formalités, l'absence de financements de proximité, les difficultés liées à la transmission sont autant d'obstacles à la création d'entreprise. J'ai consulté les acteurs économiques de ma circonscription à ce sujet, et leurs nombreuses réponses convergent : il faut lever au plus vite tous les freins à l'initiative économique. En évitant ces écueils et en donnant à nos entrepreneurs un cadre normatif simplifié, le Gouvernement répond parfaitement aux attentes de nos concitoyens.

Ce texte met aussi en évidence le lien qui existe entre création d'entreprise et emploi. En plaçant les entreprises au c_ur de la dynamique économique, il rompt avec plusieurs années de politique d'assistance. Dorénavant, l'Etat ne se substitue plus à l'entreprise en créant artificiellement des emplois : il devient un véritable partenaire des entrepreneurs, et non plus un adversaire. C'est donc la démarche de l'allégement fiscal en faveur de l'emploi qui est privilégiée au détriment des logiques de subvention qui ont trouvé leurs limites.

L'investissement de proximité doit aussi être favorisé. Il est tout aussi essentiel de mobiliser l'épargne privée. En libérant de certains freins l'environnement administratif et fiscal des PME, l'Etat favorise les initiatives, individuelles ou collectives. Il libère le potentiel de développement économique des entreprises et en facilite la transmission, pour le plus grand bénéfice de l'emploi et de la croissance.

Mais nous devons relever d'autres défis. Il faut en particulier créer une véritable dynamique de travail, afin de permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus et à ceux qui n'ont pas la chance de travailler de le faire. Le travail doit redevenir une force pour tous les Français.

Il convient aussi de développer l'esprit d'entreprise des jeunes, de l'école à l'université, en y associant les enseignants, maillon indispensable de cet apprentissage. Plusieurs expériences novatrices ont été menées avec succès dans mon département en vue d'immerger les enseignants dans l'entreprise et de les aider à mener un projet de création. L'entreprise doit être perçue comme un lieu d'épanouissement et de responsabilité.

Monsieur le ministre, votre projet représente une nouvelle étape. Il constitue un geste fort car il consacre l'entreprise comme force motrice de la croissance et de l'emploi dans notre pays. Vous pouvez compter sur notre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Secrétaire d'Etat - Merci à ceux qui ont souligné la force de ce projet de loi et aussi à ceux qui doutent encore. J'ai bon espoir qu'ils en découvrent tout l'intérêt au cours de notre débat.

Je salue les interventions des trente-cinq députés qui se sont exprimés. Je rappelle que ce texte concerne en priorité les très petites entreprises et que toute tentative visant à le dénaturer sera vaine.

Il a notamment été reconnu par les artisans comme répondant à leurs attentes.

Première mesure essentielle pour les artisans : la possibilité de protéger leur patrimoine personnel. Vous savez sans doute que la Chancellerie y était très hostile, et ce depuis longtemps. Pour la première fois, cette mesure entre dans notre droit. Grâce à vous, elle entrera dans les faits.

Deuxième progrès important : la réforme du régime de taxation des plus-values. En portant à 250 000 euros de chiffre d'affaires le seuil d'exonération des plus-values de cessions, nous allons faire passer 83 % des cessions sous le régime d'une taxation zéro. Passer de 26 % à 0 % n'est pas une petite réforme, surtout pour des commerçants et des artisans qui ont travaillé toute leur vie pour se constituer un patrimoine professionnel !

Beaucoup ont insisté sur le lien entre les territoires et les entreprises. Oui, le texte apporte de nouveaux outils au développement du territoire. Les fonds d'investissement de proximité permettront aux régions de relier l'épargne locale aux entreprises locales. Nous définirons ensemble les règles d'élaboration de ce nouveau mécanisme, en veillant à ne pas confondre l'activité bancaire, qui consiste à prêter de l'argent, et l'apport de fonds propres aux entreprises : ce serait porter un coup fatal aux fonds d'investissement.

Je suis favorable au développement des prêts aux entrepreneurs individuels. Des outils existent déjà, c'est vrai, que la majorité précédente a élaborés : prêts à la création d'entreprise, prêts à la reprise d'entreprise. Mieux vaut les renforcer que de détourner de leur objet les fonds d'investissement de proximité.

La simplification répond aux attentes des entrepreneurs de notre pays, et je remercie la commission spéciale d'avoir été attentive à cette dimension.

Quant à la politique fiscale, elle est essentielle au développement de l'économie, et il ne faut pas hésiter à la modifier quand il apparaît nécessaire de libérer les énergies créatives bloquées par une fiscalité confiscatoire.

En conclusion, il s'agit d'un texte équilibré, qui répond à des situations concrètes, telles que nous les ont exposées, souvent par votre intermédiaire, les acteurs de l'économie. Il a vocation à faire consensus, et j'espère que la discussion des articles fera encore progresser nos réflexions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 5 février, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 5 FÉVRIER 2003

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement1.

2. Discussion de la proposition de résolution (n° 503) de MM. Edouard LANDRAIN, Christophe PRIOU et Jacques BARROT tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité.

M. Jacques LE GUEN, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Rapport n° 569)

3. Suite de la discussion du projet de loi (n° 507 rectifié) pour l'initiative économique.

Mme Catherine VAUTRIN et M. Gilles CARREZ, rapporteurs au nom de la commission spéciale.

(Rapport n° 572, tomes I à III)

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

1 Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.


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