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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 53ème jour de séance, 135ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 5 FÉVRIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RÉGLEMENTATION DE LA CHASSE 2

RÉVISION DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE 2

POLITIQUE AGRICOLE EUROPÉENNE 3

POSITION EUROPÉENNE SUR LA GUERRE EN IRAK 4

POURSUITE DES ASSASSINS DU PRÉFET ERIGNAC 4

DIRECTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE
DE LA JEUNESSE 5

RÉFORME DE L'APA 6

SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES 7

DANGER D'ANTISÉMITISME 7

EMPLOI DANS L'ÉDUCATION NATIONALE 8

ENGAGEMENT CITOYEN DES JEUNES 9

ACTIVITÉS DE L'AÉROPORT D'ORLY 10

SÉCURITÉ DU TRANSPORT MARITIME 10

ARTICLE UNIQUE 19

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (suite) 22

RAPPEL AU RÈGLEMENT 22

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 22

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Je vous rappelle que, pour ce premier mercredi de février, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens, comme nous y avons déjà procédé, pour la première fois, le mois dernier.

RÉGLEMENTATION DE LA CHASSE

M. Charles de Courson - Dans la loi chasse du 27 juillet 2000 figure un article issu d'un amendement déposé par le président Giscard d'Estaing et moi-même, voté à l'unanimité. S'il était appliqué, cet article permettrait de résoudre beaucoup de problèmes. Il s'agit de distinguer - en application du principe de subsidiarité - les domaines de compétences national et communautaire. Relèverait de la loi nationale la fixation de l'ensemble des règles et obligations qui s'appliquent à l'exercice de la chasse aux mammifères et aux oiseaux non migrateurs ; relèverait du droit communautaire la définition des principes que doit respecter la loi nationale quant à la fixation des règles et obligations qui s'appliquent à la chasse aux oiseaux migrateurs.

Le précédent gouvernement n'a pas respecté la loi votée en juillet 2000 (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) puisqu'il n'a pas déposé de rapport sur ses initiatives européennes dans le délai fixé par la loi - fin 2000 ; le précédent Premier ministre s'est borné à envoyer tardivement une lettre à la commission.

Le nouveau gouvernement a décidé d'organiser un débat sur la chasse le mardi 11 février. Partage-t-il la conception du principe de subsidiarité en matière de chasse tel qu'il figure à l'article premier de la loi chasse ? Pourrait-il faire le point sur les initiatives européennes qu'il a prises pour aboutir à une solution acceptable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement - Je vous prie d'excuser Mme Bachelot qui présente au Sénat en ce moment même un texte important.

Le Gouvernement attache beaucoup d'importance au débat du 11 février prochain, qui lui donnera l'occasion d'exposer l'ensemble de son programme de travail. Mme Bachelot rappellera les mesures déjà prises ou qui seront prises sur le plan réglementaire ou législatif.

La directive européenne sur les oiseaux énonce les grands principes, mais il appartient à chaque Etat membre de préciser les modalités d'application dans le cadre du droit interne. Un rapport régulier d'information est nécessaire, de même que les décisions prises doivent être communiquées.

Ne doutez pas de la détermination du Gouvernement à réaffirmer le respect des engagements européens mais aussi à faire preuve du pragmatisme qui caractérise l'ensemble de sa politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RÉVISION DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. André Chassaigne - La Commission européenne vient de confirmer ses intentions concernant la révision à mi-parcours de la PAC, en reprenant le dispositif déjà présenté par le commissaire Fischler en juillet dernier - dispositif rejeté par l'ensemble des syndicats agricoles de notre pays. Le découplage des aides par rapport aux produits, avec un paiement par exploitation unique et transférable, créerait les conditions d'une forte réduction de la production dans les régions et les secteurs fragiles, mais aussi la baisse du prix d'intervention des céréales et du prix de soutien du lait - avec des conséquences graves sur le revenu des producteurs déjà victimes d'une inacceptable réduction des prix - et encore un gel des terres, par la mise en jachère de 10 % des surfaces. Plus qu'une révision, il s'agit d'une réforme de fond d'inspiration ultra-libérale, inféodant encore davantage la PAC à l'Organisation mondiale du commerce pour garantir à l'agro-industrie des matières premières à bas prix et augmenter les profits de la grande distribution.

Monsieur le ministre de l'agriculture, vous déclariez ici-même le 5 novembre dernier : la PAC est d'ores et déjà assurée de perspectives claires la protégeant de toute remise en cause radicale. Maintenez-vous cette déclaration ?

Quelles réponses apportez-vous aux organisations syndicales favorables à une réforme immédiate de la PAC, rejetant à la fois le projet Fischler et le statu quo, au profit d'une politique agricole fondée sur des prix rémunérateurs et la maîtrise des productions ? Quelles mesures comptez-vous préconiser pour que l'Europe s'oppose aux importations abusives, respecte la préférence communautaire et lutte contre la concurrence déloyale des prix mondiaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Vous avez posé, à fort juste titre, la question du prix mondial en matière agricole. Ce prix ne correspond à aucun équilibre - économique, social ou environnemental. Nous refusons ce mythe du prix mondial. C'est vrai chez vous à Saint-Amand-Roche-Savine, c'est vrai à Bruxelles où je l'ai dit la semaine dernière, c'est vrai aussi à Washington où je l'ai dit aux autorités américaines, dans le cadre des discussions préparatoires à la négociation devant l'OMC.

Oui, nous avons un modèle agricole européen à défendre, fondé sur des prix équitables et sur une maîtrise des productions.

Ne doutez pas de notre résolution de ne pas céder, dans le cadre de la négociation devant l'OMC, à un tout-libéralisme destructeur.

Nous avons tracé des perspectives claires, à Bruxelles, s'agissant de la politique agricole européenne. Les Quinze se sont entendus, au mois d'octobre, pour fixer un volume de dépenses agricoles entre 2003 et 2013. Nous discutons d'adaptation de cette politique, qui ne constituera pas une réforme fondamentale. Nous souhaitons éviter la jachère comme la baisse des prix sur les céréales et sur le lait. Nous voulons fortifier le développement rural, et nous refusons le découplage total des aides (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

POLITIQUE AGRICOLE EUROPÉENNE

M. Marc Bernier - Monsieur le ministre de l'agriculture, vous étiez la semaine dernière à Bruxelles au conseil des ministres européens de l'agriculture.

Le monde agricole français rejette en bloc les propositions de réforme de la PAC annoncées le 22 janvier par M. Fichler. Celui-ci propose un découplage qui transformerait, dès 2004, les aides directes d'exploitation en une aide unique au revenu, sans critère d'orientation de productions. De telles mesures remettraient en cause les principes fondamentaux du projet agricole national et sacrifieraient ainsi la production agricole française. Ainsi la filière bovine - 40 % du cheptel européen pour les races à viande - serait parmi les productions les plus déstabilisées en raison d'une chute brutale des revenus.

Un tel déséquilibre se traduirait par une démobilisation des agriculteurs et une désertification accrue des zones rurales.

Les agriculteurs de France attendent un soutien déterminé dans leur opposition à une libéralisation totale des productions et des marchés qui serait contradictoire avec les objectifs de sécurité alimentaire, de qualité des productions et d'équilibre des territoires.

Au nom de la Mayenne et de mes collègues Français d'Aubert et Yannick Favennec, mais aussi au nom du monde agricole français, je vous demande quelle est la position de la France et de ses partenaires européens concernant les nouvelles propositions de réforme de la PAC (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - La position de la France est claire : nous sommes fermes, et pas fermés (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Nous refusons le découplage total des aides, proposition absurde et dangereuse - absence de lien avec la production, désertification des territoires, concurrence déloyale, spéculation foncière... Non à la baisse anticipée du prix des céréales et du lait !

En revanche, nous sommes ouverts au renforcement des mesures agro-environnementales et du développement rural. Nous devons mener une politique agricole équilibrée.

La Commission européenne propose ; les gouvernements des Etats membres disposent. Lundi et mardi derniers, à Bruxelles, onze pays sur quinze se sont opposés au découplage total des aides.

Ne doutez pas de notre détermination, de la détermination du Premier ministre et du Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POSITION EUROPÉENNE SUR LA GUERRE EN IRAK

M. Paul Quilès - Ma question s'adresse au Premier ministre. Face à la chronique d'une guerre annoncée en Irak, les pays européens ont des réactions divergentes. Dans ce scénario inexorable, la mise en scène prévoit que le secrétaire d'Etat Colin Powell présente aujourd'hui des preuves irréfutables de l'armement irakien au Conseil de sécurité. N'est-il pas étrange que ces preuves, dont le Président de la République française a peut-être eu connaissance, n'aient pas été transmises plus tôt aux inspecteurs de l'ONU, comme MM. Blix et El Baradei l'avaient demandé ? Les Etats-Unis prétendaient ne pas pouvoir révéler leurs sources, mais l'argument ne tient plus...

Notre diplomatie refusera-t-elle de se laisser convaincre par des preuves, qui ont pour but de légitimer la guerre dangereuse que prépare M. Bush ? Pouvez-vous nous affirmer que la France ne s'alignera pas sur la prétendue « nouvelle Europe »? Il ne s'agit en effet que d'une juxtaposition de gouvernements heureusement désavoués par leurs opinions publiques, qui savent que l'avenir de l'Europe ne passe pas par le soutien des visées hégémoniques du Président des Etats-Unis (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - Permettez-moi d'abord de vous transmettre les excuses du Premier ministre, qui se trouve en Inde, et du ministre des affaires étrangères, qui participe à New York aux travaux du Conseil de sécurité. L'information permanente de la représentation nationale, sur de tels sujets, est un de leurs soucis.

En ce qui concerne les preuves qui doivent être présentées aujourd'hui, il va de soi que M. de Villepin écoutera l'exposé américain avec la plus grande attention, mais il reviendra ensuite aux inspecteurs de l'ONU d'en tirer les conséquences concrètes.

En ce qui concerne l'Europe, le conseil des ministres des affaires étrangères du 27 janvier s'est prononcé, dans une déclaration unanime, en faveur du strict respect de la résolution 1441, du désarmement pacifique de l'Irak et de l'intensification des missions d'inspection. Récemment, une lettre dite « des huit » , émanant de pays membres et de pays candidats à l'Union, a affiché une position différente. Quelles que soient les objections à faire sur la forme, il est à souligner que, sur le fond, cette déclaration commune met en avant le rôle incontournable du Conseil de sécurité.

La politique étrangère européenne est une affaire de longue haleine. Pour l'instant, nous soutenons l'initiative de la présidence grecque, qui propose de réunir un conseil extraordinaire des ministres des affaires étrangères, suivi peut-être d'un conseil européen extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Nous en avons fini avec le thème européen.

POURSUITE DES ASSASSINS DU PRÉFET ERIGNAC

M. Gérard Léonard - Le 5 février 1998, à Ajaccio, le préfet Erignac était lâchement assassiné. Ce crime odieux, perpétré contre un grand serviteur de l'Etat, avait soulevé une intense émotion. Cinq ans après, la tristesse et l'indignation restent profondes et la tache jetée au front de la République n'est toujours pas effacée.

Si huit nationalistes corses vont être jugés pour avoir participé à cet assassinat, le tueur présumé, Yvon Colonna, est toujours en fuite. Dans un appel poignant, il y a quelques jours, la veuve du préfet Erignac déclarait : « Si une volonté politique existe vraiment - et sur ce point je fais confiance à M. Sarkozy, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) que je rencontre régulièrement -, on doit le retrouver, j'en ai l'intime conviction. Autrement, ce serait à désespérer de la justice et de la police de notre pays ».

Un député socialiste - Qu'en pense Cécilia ?

M. Gérard Léonard - Je pense qu'un peu de dignité est souhaitable sur un tel sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Sans contrevenir au secret de l'enquête, que faites-vous pour donner aux services concernés les moyens de remplir leur mission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Cet assassinat est un drame national. Vous avez parlé d'une tache : elle est indélébile. Que l'assassin n'ait toujours pas été arrêté, c'est là un scandale que le temps n'amoindrira pas.

Ma réponse sera elliptique, d'abord pour ne pas alimenter les polémiques. Ce serait une injure faite à la mémoire d'un homme mort, et d'un grand serviteur de l'Etat. Nous lui devons le respect (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste ; M. Paul Giacobbi applaudit). Et surtout, ceux qui protègent Colonna et qui ont organisé sa fuite sont à l'affût du moindre renseignement.

Ce que je peux vous dire, c'est que j'ai d'abord cherché à faire taire la polémique entre les services en concurrence, dont je vous rappelle qu'ils s'exprimaient toutes les semaines dans la presse. Il n'y a plus aujourd'hui qu'une équipe, qui met en commun tous les renseignements obtenus.

M. Henri Emmanuelli - C'est la moindre des choses !

M. le Ministre - Par ailleurs, les effectifs consacrés à cette enquête ont triplé et les moyens technologiques ont été considérablement renforcés. Je veille enfin à ce que la détermination des services ne soit pas affaiblie par le temps. L'arrestation d'Yvon Colonna reste une priorité.

Chaque mois, c'est-à-dire à neuf reprises depuis la constitution du gouvernement Raffarin, j'ai reçu Mme Erignac et ses deux enfants. Je leur ai rendu compte dans les moindres détails des pistes qui avaient été abandonnées et de celles qui s'ouvraient. Ce dispositif exceptionnel - et on en connaîtra un jour le détail - restera en place jusqu'à ce que l'assassin soit arrêté. Ce n'est qu'à ce moment que nous pourrons comprendre pourquoi il aura fallu tant de temps pour arrêter un criminel d'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur divers bancs).

DIRECTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

M. Dino Cinieri - La lutte contre la délinquance des mineurs est une des priorités des Français. Les engagements pris par le Président de la République à cet égard ont été traduits par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, tant en ce qui concerne la procédure pénale que les moyens fournis à la communauté éducative et judiciaire. Cette loi fait du domaine une priorité, ainsi que le montre par exemple l'institution de centres éducatifs fermés pour les réitérants et récidivistes. Un effort important est fait par ailleurs pour la prise en charge des mineurs en milieu ouvert et pour l'exécution des décisions de justice, qui nécessite une administration solide et renouvelée.

Or, en 2001, la Cour des comptes a fait connaître un relevé de constatations provisoire mettant en cause la gestion de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse entre 1996 et 2000. Dans une situation fragilisée, comment la direction pourrait-elle assumer la priorité qu'est la lutte contre la délinquance des mineurs ? Quelles mesures vont être prises pour tirer les conséquences des constatations de la Cour des comptes ? Celles-ci donneront-elles lieu à un rapport définitif et public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Nous ne disposons en effet pour l'instant que du rapport provisoire. Depuis, l'administration a répondu aux questions de la Cour des comptes. La directrice de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a également été entendue.

En attendant le rapport définitif, dont nous devrions disposer dans les prochaines semaines, j'ai pris les mesures que les informations actuelles me semblaient imposer. En ce qui concerne l'organisation des services tout d'abord, l'administration centrale a été renforcée. Elle dispose par ailleurs de nouveaux moyens pour évaluer les politiques qu'elle entreprend. Les directions départementales ont elles aussi été renforcées, afin que l'administration dispose d'un squelette solide jusque sur le terrain.

Ensuite, j'ai supprimé un certain nombre d'associations para-administratives. Il y en avait 170, dont la Cour des comptes avait critiqué l'existence. Elles vont disparaître ou être intégrées dans un groupement d'intérêt public. Enfin, le centre de formation des éducateurs sera réformé afin que ceux-ci, dont le travail est essentiel, reçoive une formation efficace et parfaitement adaptée aux besoins modernes. Quant aux centres éducatifs fermés, les premiers ouvriront dans les prochains mois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RÉFORME DE L'APA

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Comme le principe de la retraite par répartition, l'allocation personnalisée d'autonomie illustre concrètement la solidarité entre générations. Son succès démontre qu'elle répond à un besoin majeur.

Or, vous vous apprêtez à remettre en cause ce progrès social (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous commencez bien mal la réforme des retraites ! Selon le projet de décret présenté au comité des finances locales, vous voulez faire payer davantage les personnes âgées pour leur maintien à domicile (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Celles qui ont des ressources personnelles comprises entre 623 et 949 € devront désormais payer elles-mêmes une partie des frais. Décidément, dans votre gouvernement, il ne fait pas bon être âgé et modeste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Dans le même temps, vous alléger l'ISF...

L'APA est un droit universel, incompatible avec le recours sur succession. Et c'est aussi un formidable gisement d'emplois nouveaux. Tout retour en arrière sera très mal ressenti ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Confirmez-vous que vous préparez une réforme drastique de l'APA consistant à faire payer davantage les personnes âgées pour leur dépendance ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Nous souhaitons financer cette bonne mesure qu'est l'APA (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et donc mettre en place un financement que vous, vous n'aviez pas prévu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). L'APA coûtera 3,7 milliards d'euros en 2003, dont les deux tiers à la charge des départements et un tiers à l'Etat (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous n'aviez prévu que 2,5 milliards d'euros. Nous allons assurer le financement de l'APA et aussi la rendre plus équitable. Il est faux de dire que les faibles revenus seront pénalisés. La réforme ne sera pas rétroactive (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) : les 800 000 personnes ayant déjà déposé un dossier ne seront pas touchées.

Quant aux nouveaux bénéficiaires, 40 % ne verseront aucune participation, 25 % verseront une participation inférieure à 10 %, 26 % une participation de 10 à 20 % (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Vous parliez de la retraite : pendant cinq ans, vous avez accumulé les rapports et pratiqué l'immobilisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous, nous _uvrons pour la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

M. Guy Drut - Dans la nuit de vendredi dernier, un incendie a ravagé le collège Henri-Dunant à Meaux, dans le quartier sensible de la Pierre-Collinet. Enseignants et élèves ne pourront reprendre les cours que dans quelques jours, dans des bâtiments préfabriqués. Tous sont traumatisés par cet acte de violence, mais ils ne baissent pas les bras. Je tiens, à cet égard, à rendre hommage à la réaction rapide des pouvoirs publics : la police, le procureur, l'inspecteur d'académie, le conseil général et aussi les ministres Luc Ferry et Xavier Darcos se sont mobilisés pour nous aider.

Cet incident pose néanmoins de nouveau la question de la protection des établissements scolaires dans les quartiers difficiles, d'autant que lundi dernier, le lycée Jean-Vilar était, à son tour, la cible de vandales.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez déjà fait beaucoup, mais il faut aller plus loin : quelles dispositions comptez-vous prendre pour mieux protéger les établissements scolaires ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Votre question révèle des faiblesses spécifiquement françaises : dans aucun autre pays, en Europe, on ne pratique les incendies volontaires de voiture de façon aussi systématique. Cela fait des années qu'on laisse brûler sans aucune réaction les véhicules des personnes habitant les quartiers les plus modestes. L'incendie que vous citez a commencé par l'incendie du véhicule de l'enseignant.

On a vu le même phénomène à la Saint Sylvestre, mais cette fois nous avons interpellé deux fois plus de coupables et avec Dominique Perben, nous allons veiller à ce qu'ils soient sévèrement sanctionnés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le « pas vu, pas pris ! », ça suffit !

Vous posez la question des quartiers dits « sensibles ». Beaucoup d'habitants de la Pierre-Collinet ne demandent qu'à y vivre tranquilles. Les GIR de Seine-et-Marne ont procédé à cinquante interpellations dans ce quartier et le résultat est là : la délinquance a reculé de 6 %.

Xavier Darcos et Luc Ferry mènent une action déterminée pour répondre à la violence dans les collèges et lycées et dans quelques semaines, nous allons vous proposer un plan d'action spécifique, incluant la vidéo surveillance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). La violence est particulièrement inadmissible quand elles touche des enfants que leurs familles confient à l'Etat pour étudier.

Nos prédécesseurs ont fait si peu : rassurez-vous, nous ferons mieux ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

DANGER D'ANTISÉMITISME

M. Claude Goasguen - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Le 27 janvier dernier, le conseil d'administration de Paris VI a voté une nouvelle résolution remettant partiellement en cause la résolution malheureuse - votée d'ailleurs dans des conditions douteuses - qui concernait les relations privilégiées entre les universités françaises et israéliennes depuis l'accord conclu à l'initiative du gouvernement de Mme Cresson.

L'attitude d'exclusion à l'égard des universités israéliennes qui, par ailleurs, _uvrent pour la paix, a suscité l'émotion des universitaires et intellectuels de tous bords (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Elle a contribué à dégrader le climat entre les étudiants des diverses communautés.

M. Maxime Gremetz - Oh, là, là !

M. Claude Goasguen - Malheureusement d'autres universités, comme celle de Grenoble, persistent dans cette attitude inadmissible. Même s'il n'est pas question d'attenter à l'autonomie des universités et même si les v_ux émis par leurs conseils d'administration n'ont aucune force juridique, nous souhaiterions que vous fustigiez solennellement cette attitude qui n'est nullement représentative de la communauté universitaire française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - Vous l'avez rappelé, les universités sont autonomes, mais je partage votre préoccupation et j'ai déjà dit que je jugeais cette motion à la fois déplacée et absurde. Je constate d'ailleurs avec satisfaction qu'elle a été publiquement désavouée par les dix-sept autres universités d'Ile-de-France.

Je suis encore plus préoccupé par la montée d'un fléau qu'on croyait éradiqué de nos établissements scolaires, la montée des propos et actes antisémites. Sous le prétexte que cet antisémitisme ne provient pas, le plus souvent, de l'extrême-droite, il bénéficie d'une relative, sinon tolérance, du moins indifférence. Cela m'inquiète. J'ai donc demandé hier aux recteurs de veiller à ce que tous les incidents racistes ou antisémites soient sévèrement punis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). C'est le minimum ! Et j'ai aussi demandé que soit mise en place au c_ur même de notre administration - et non pas dans un comité Théodule présidé par des intellectuels (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; rires sur divers bancs) - une cellule de veille et de soutien aux chefs d'établissement, parfois très désemparés face aux conflits communautaires.

Le véritable problème, c'est que l'école est victime depuis une dizaine d'années d'une dérive communautariste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste). Il faut que nous ayons le courage de rappeler les principes laïcs et républicains au sein de l'école et de dire que, dans la grande tradition des droits de l'homme, un être humain, enfant ou adulte, mérite d'être respecté, abstraction faite de toutes ses appartenances communautaires : religieuse, linguistique, nationale, ethnique, culturelle ou autre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur divers bancs).

EMPLOI DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

M. Christophe Masse - L'emploi reste en France une grande préoccupation et il faut traiter le sujet avec sérieux. Or, il est un secteur où la responsabilité du Gouvernement est engagée, c'est l'éducation nationale.

Dans le cadre de votre politique de démantèlement des contrats aidés - CES, CES ou emplois-jeunes -, c'est toute une politique éducative et sociale que vous remettez en cause, Monsieur le ministre. Les aides-éducateurs et les surveillants manifestent d'ailleurs demain à ce propos.

Face à ce démantèlement, vous n'envisagez que 5 000 assistants d'éducation supplémentaires, proposition déjà rejetée par le conseil supérieur de l'éducation nationale. En effet, 5 000 c'est bien, mais c'est insuffisant car il en faudrait 20 000 en juin 2003, 60 000 en 2004, 40 000 en 2005 et 2006 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés UMP - Pourquoi pas 500 000 ?

M. Christophe Masse - Quelle est la plus grande entreprise de France qui licencie activement actuellement ? Quelle est la grande entreprise qui se sépare de sa jeunesse ? Quelle est la grande entreprise qui organise un plan social sans précédent ? C'est vous, c'est votre gouvernement !

Ma question est donc simple : allez-vous arrêter ce massacre social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - La parole est à M. Ferry.

Plusieurs députés socialistes - Théodule ! Théodule !

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - La répétition est l'âme de l'enseignement et je redirai donc ce que j'ai déjà dit ici à plusieurs reprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le système des emplois-jeunes ne nous convenait pas,...

M. Bernard Roman - C'est pourquoi vous les jetez à la rue...

M. le Ministre - ...parce qu'il instillait des contrats de droit privé au sein d'une institution régie par le droit public et parce que personne n'avait, à l'origine, réfléchi aux véritables fonctions ni aux véritables missions dont nous avions besoin au sein des établissements ce qui avait conduit, il faut le rappeler, la plupart des syndicats à rejeter ce système (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous instituons un meilleur système, celui des assistants d'éducation, sous la forme de contrats de droit public. Nous multiplierons ainsi par six le nombre des jeunes adultes qui s'occupent des enfants handicapés. Il y aura plus de surveillants dans les établissements en 2003 qu'il n'y en avait en 2002 (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste). Nous allons pouvoir recruter 30 000 enseignants aux prochains concours. Pour tous les professeurs, qui comprennent ce que je dis, c'est une excellente nouvelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

ENGAGEMENT CITOYEN DES JEUNES

M. Edouard Courtial - Les jeunes, s'ils se reconnaissent peu dans les partis et les institutions, manifestent souvent une véritable soif de mobilisation ; ils sont notamment désireux de s'impliquer dans la société civile, en collaborant à des projets associatifs, éducatifs ou humanitaires.

Pourtant, il faut bien reconnaître que la politique menée jusqu'à maintenant en faveur de la jeunesse s'est peu préoccupée de répondre à cette soif d'engagement, peu valorisée, par exemple, par notre système éducatif. Il en résulte une grande inégalité entre les jeunes, selon que leur milieu familial ou social leur permet ou non de se lancer dans ce type de projets.

Aujourd'hui le Gouvernement doit donner une nouvelle impulsion à la politique en faveur de la jeunesse, afin d'aider les moins de trente ans à mener à bien des actions civiques ou altruistes, et de contribuer à leur propre épanouissement.

Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, vous avez, aujourd'hui même, présenté en Conseil des ministres un plan de promotion de l'engagement des jeunes. Pourriez-vous nous en indiquer les grandes lignes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - La parole est à M. Ferry.

Plusieurs députés socialistes - Théodule ! Théodule !

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - J'ai rencontré beaucoup de jeunes au sein des associations et des conseils de jeunes. J'ai constaté tout d'abord qu'ils en avaient par-dessus la tête d'être associés aux sauvageons, c'est-à-dire à l'incivilité et à la violence. Cessons de dire à la télévision que « des jeunes » ont attaqué la police : il faudrait dire simplement : des voyous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

J'ai observé ensuite qu'entre la vie publique dans les établissements scolaires et la vie privée dans les familles, il y a tout un espace intermédiaire dans lequel les jeunes qui n'ont pas de passion particulière se trouvent dés_uvrés. Ils ont envie de s'engager pour les autres, d'être reconnus pour leur engagement mais ils ne savent pas comment faire. C'est pourquoi nous leur proposerons à partir du mois de mars 10 000 projets, provenant des associations de jeunesse et d'éducation populaire mais aussi des entreprises, dans les domaines de l'aide à autrui, du civisme, des arts, du sport et de la culture, de la vie économique.

Il me semble que, par rapport à notre génération, l'adolescence commence plus tôt et dure plus longtemps. C'est pourquoi ces projets seront destinés aux jeunes de onze à vingt-huit ans qui seront guidés par les adultes dans leur engagement dans des projets qui donneront du sens à leur vie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe UDF).

ACTIVITÉS DE L'AÉROPORT D'ORLY

M. Jean Marsaudon - Ma question s'adresse à Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean-Christophe Lagarde - Excellent ministre !

M. Jean Marsaudon - Sans préjuger de ce que sera votre décision concernant l'implantation éventuelle d'un troisième aéroport en région parisienne, je souhaite appeler votre attention sur la saturation du trafic à Orly.

Le bassin aéroportuaire d'Orly subit actuellement une très importante baisse de son activité économique, en raison des tragiques événements du 11 septembre 2001 et, d'autre part, des délocalisations d'entreprises que le précédent gouvernement a incitées à s'installer autour de Roissy. Cela entraîne de graves difficultés sur le marché de l'emploi mais aussi une sérieuse baisse des ressources fiscales des communes riveraines.

Aujourd'hui, il se murmure que, pour relancer l'activité d'Orly, on pourrait y augmenter encore le trafic aérien. S'il s'agit uniquement d'accroître le nombre de passagers qui transitent par l'aéroport, soit. En revanche, s'il s'agit d'augmenter le nombre d'appareils qui décollent ou atterrissent au-delà des 250 000 créneaux horaires fixés par l'arrêté du 6 octobre 1994, cela ne sera pas acceptable. Le schéma directeur de la région Ile-de-France, approuvé le 26 avril 1994, préconisait un maximum de 200 000 mouvements annuels, chiffre régulièrement dépassé dans la réalité. Il ne serait pas davantage acceptable que l'on remette en cause le couvre-feu nocturne et le caractère exceptionnel de l'utilisation de la piste 2.

Pouvez-vous confirmer que les dispositions destinées à respecter la tranquillité des dizaines de milliers de riverains de cette zone très fortement urbanisée seront respectées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Le développement économique d'un aéroport et de ses environs est conditionné par l'acceptation de certaines nuisances par les riverains et leurs représentants. C'est pourquoi nous avons engagé, Dominique Bussereau et moi-même, une concertation de deux mois avec les élus, les associations et les acteurs économiques. Dès le 28 juillet, nous avons pris des décisions. Ainsi le maintien du couvre-feu est confirmé, de même que le plafond de 250 000 créneaux horaires. Les trajectoires sont désormais respectées, et ceux qui s'en écarteraient seront sanctionnés.

Le développement économique doit être partagé équitablement. C'est pourquoi nous allons confier à un parlementaire le soin de faire des propositions sur ce partage ainsi que sur celui des richesses fiscales.

S'il faut encore développer Orly, que chacun prenne ses responsabilités. Pour nous, la seule solution serait une augmentation de la capacité des appareils. S'il faut changer le plafond des 250 000 créneaux, apportez-moi une lettre signée de tous les élus locaux acceptant cette idée et je l'étudierai (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

SÉCURITÉ DU TRANSPORT MARITIME

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Edouard Landrain, Christophe Priou et Jacques Barrot, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité.

M. Jacques Le Guen, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Après le naufrage de l'Erika en 1999, du Baltic Carrier en 2001, celui du Ievoli Sun qui sombra en Manche le 31 octobre 2000 avec 6 000 tonnes de produits toxiques dont 4 000 tonnes de styrène, le naufrage du Prestige le 19 novembre 2002 avec 70 000 tonnes de fioul constitue l'accident de trop.

Ces catastrophes à répétition imposent de réagir contre les comportements délinquants dans le transport maritime.

En 2002, le Gouvernement avait, dès le 14 novembre, mis en préalerte 2002 les centres de stockage POLMAR-terre ; le 3 décembre le préfet maritime de l'Atlantique déclenchait le plan POLMAR-mer. Le Gouvernement a également débloqué 50 millions d'euros pour dépolluer les plages, dont 10 millions consacrés, dans le cadre du plan POLMAR, au nettoyage des plages dans les communes les plus petites. D'importants moyens humains ont été déployés.

Lors du sommet de Malaga le 26 novembre 2002, la France et l'Espagne décidaient d'interdire l'accès de leurs zones économiques exclusives aux « navires-poubelles » que sont les pétroliers de plus de 15 ans à coque unique transportant des produits à risque. Enfin, lors du Conseil des ministres du 4 décembre dernier, M. Bussereau annonçait un ambitieux programme d'actions pour améliorer la sécurité maritime.

Pour évaluer l'efficacité de ces mesures, ainsi que des engagements pris après le naufrage de l'Erika, il nous est proposé de créer une commission d'enquête parlementaire. Une telle proposition pourrait ne pas être recevable si des poursuites judiciaires sont en cours. Effectivement, des informations judiciaires concernant respectivement l'Erika et le Prestige sont en cours, l'une depuis le 15 décembre 1999 au tribunal de grande instance de Paris, l'autre depuis le 2 janvier 2003 au tribunal de grande instance de Brest. Mais l'obstacle n'en est pas un, dans la mesure où une commission d'enquête parlementaire n'aura pas pour objet d'examiner les causes particulière du naufrage, ni d'en rechercher les responsables directs. Quant à l'opportunité de créer cette commission, elle ne se discute guère.

Elle se consacrerait en premier lieu à évaluer l'efficacité des dispositifs de sécurité maritime, de prévention des pollutions marines par les hydrocarbures et de lutte contre ces pollutions, qui relèvent de textes législatifs, communautaires, internationaux comme le mémorandum de Paris de 1982, et des plans interministériels POLMAR-terre et POLMAR-mer, donc d'une multiplicité d'intervenants. Il faut clarifier les responsabilités de chacun et garantir l'efficacité des interventions.

En second lieu, la commission d'enquête examinera si les mesures préconisées par celle constituée le 5 juillet 2000 à la suite du naufrage de l'Erika ont été appliquées ou sont en passe de l'être. Sur la sécurité maritime des produits dangereux ou polluants, elle avait fait des propositions de qualité concernant les pavillons de complaisance et le partage des responsabilités entre pollueurs potentiels. Elle avait proposé de réviser le plan POLMAR-mer, de mieux associer les communes au plan POLMAR-terre, d'y consacrer des moyens plus importants. Pour l'instant, peu de ces propositions se sont traduites dans les faits.

En troisième lieu, la commission d'enquête appréciera l'état d'avancement en France de l'application des objectifs du « paquet Erika 1» et de la transposition des directives européennes relatives au contrôle renforcé des navires à risques. Dans ce domaine également, beaucoup reste à faire.

Enfin, la commission présentera des propositions pour une politique ambitieuse de sécurité maritime à l'échelle nationale, européenne et internationale.

Il revient à la représentation nationale d'apprécier les blocages et de proposer les solutions. J'invite donc l'Assemblée à souscrire à cette proposition de commission d'enquête, que la commission a adoptée à l'unanimité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Le Gouvernement est très favorable à la création d'une telle commission, avec le programme que le rapporteur vient de rappeler. Je salue le travail déjà accompli par M. Paul et M. Le Drian dans le cadre de la commission d'enquête créée à la suite du naufrage de l'Erika. Le Conseil économique et social a également mené sur ce sujet un travail intéressant.

La sécurité maritime est une priorité pour le Gouvernement, comme je l'ai rappelé il y a quelques jours devant la délégation pour l'Union européenne, et les termes forts employés par le Président de la République, qui a parlé de « voyous des mers », ne laissent aucun doute sur notre détermination. Contrôler la sûreté des navires, la qualification des équipages, protéger la circulation maritime et identifier les cargaisons, tels sont les fondements de la politique que nous voulons mener.

Dans cette affaire, la France n'est pas seule : l'action doit être menée aussi au niveau européen et mondial.

Sur le plan international, des mesures sont à prendre au sein de l'Organisation maritime internationale, sur les conditions de travail des marins, l'amélioration des routes maritimes, l'augmentation du nombre de points de signalement obligatoires, l'élimination progressive des navires dangereux. Le secrétaire général de l'OMI a récemment confirmé au gouvernement français sa volonté de mobiliser tous les moyens nécessaires. Aussi la France et l'Europe doivent-elles être porteuses d'un message fort pour que les promesses de l'OMI ne restent pas lettre morte.

Au sein du FIPOL, nous devrons mettre le « trésor de guerre » au niveau des besoins, soit 270 millions d'euros au lieu de 184 millions, porter le taux de prise en charge des dommages causés par l'Erika de 80 à 100 %, lors de la réunion du comité exécutif du FIPOL qui aura lieu ce mois, et créer une deuxième antenne du fonds, sans doute à Bordeaux.

Par ailleurs, le Gouvernement a entamé la procédure de ratification de cinq des six conventions internationales relatives aux gens de mer et entend transposer très prochainement les directives européennes les plus récentes.

La catastrophe du Prestige a mobilisé les pays européens, en particulier la France et l'Espagne qui ont adopté une position commune. Par un vote unanime au conseil des ministres des transports du 6 décembre, vote qu'a confirmé le Conseil européen de Copenhague, ont été notamment décidées l'élimination des navires à simple coque transportant des marchandises dangereuses et la définition de lieux de refuge pour les navires en détresse. L'implantation de ces lieux de refuge fait cependant problème, chacun préférant qu'ils se trouvent chez son voisin... Aussi, allons-nous constituer une mission interministérielle chargée de présenter à la Commission européenne, avant le 1er juillet, des propositions engageant la France. Nous devrons également appliquer la directive du 13 décembre 1999 relative à la durée du travail des gens de mer, transposée en droit interne par un arrêté du 13 décembre 2002.

Concernant l'Agence européenne de sécurité maritime, d'aucunes ont reproché à la France de tarder à y désigner son représentant. Si nous avons en effet pris notre temps, c'est parce que notre intention était de nommer non pas un haut fonctionnaire mais une personnalité issue du milieu maritime. Celle-ci aura à assurer la vice-présidence de l'agence durant les deux premières années de son mandat, et la présidence durant la troisième. S'agissant de la localisation de ladite agence, le Président de la République a confirmé son soutien à la candidature de Nantes.

Sur le plan national, la principale question est celle du taux de contrôle. A notre arrivée aux affaires, nous avons trouvé un taux de contrôle de 10 % seulement, les inspecteurs recrutés sous le précédent gouvernement n'ayant pas achevé leur période de formation. Aussi avons-nous lancé un appel à candidatures, et, après une procédure de sélection, embauché 62 experts vacataires, permettant de porter à 25 % le taux de contrôles dès le mois de décembre.

Nous avons décidé, en outre, d'écarter de notre zone économique exclusive les pétroliers à simple coque âgés de plus de quinze ans et transportant des fuels lourds. Les autorités maritimes appliquent fermement cette consigne, donnée à la demande du Président de la République à la suite du sommet européen de Malaga. A ce jeu, trente navires ont fait l'objet de cette mesure d'éloignement. Enfin, il conviendra de réduire les zones de non-droit, et d'être particulièrement vigilants sur la question des pavillons de complaisance lors de l'adhésion de Chypre et de Malte à l'Union européenne. Sans doute, avez-vous été frappé comme moi, en lisant ce matin dans la presse nationale, la description des mécanismes mis en place par certains affréteurs ou armateurs Il est nécessaire de frapper les vrais coupables et le Gouvernement attend de la commission d'enquête des propositions concrètes.

Lorsque le malheur arrive, il faut aussi des moyens supplémentaires. Permettez-moi de rendre hommage aux équipes qui sont actuellement en mer, dans des conditions climatiques difficiles, aux pêcheurs espagnols qui, bénévolement, aident la flotte européenne basée à La Rochelle. Il serait cependant utile que nous disposions de lieux de stockage sécurisés ainsi que de navires dépollueurs capables d'intervenir rapidement. Ce constat vaut tant pour la côte méditerranéenne que pour la façade ouest. Quatre sociétés ont déjà répondu à des appels d'offres.

Cette commission d'enquête rendra un grand service à l'action des pouvoirs publics et aura à sa disposition l'ensemble des moyens des services de l'Etat. La lutte contre les « voyous des mers » ne peut en rester au stade du discours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Edouard Landrain - M. Le Guen a excellemment exposé les termes du problème posé par le naufrage du Prestige. Puis M. le ministre a rappelé ce qui reste à faire, ce que nous aurions dû faire et qui avait déjà été prévu à la suite du rapport sur le naufrage de l'Erika. Les Français ne comprennent pas que, si peu de temps après, et dans des conditions comparables, un navire-poubelle ait pu, une nouvelle fois, venir souiller nos côtes, en se demandant si les recommandations de la précédente commission d'enquête ont bien été suivies d'effets. L'Assemblée nationale se devait donc d'avoir ce débat et la constitution d'une nouvelle commission apparaît plus que légitime : indispensable.

La commission précédente avait accompli un travail dont le sérieux a été reconnu par tous, mais ce qui en est sorti a-t-il eu un effet ? Qu'a-t-on fait pour le contrôle des navires ? Pour les techniques de récupération ? La commission avait notamment déploré le manque de remorqueurs de haute mer, d'avions de repérage, de ports de refuge. Il nous faudra réfléchir de nouveau à toutes ces questions, mais aussi à celles qui se posent au plan européen et international.

Le droit maritime actuel, vieux de quelques lustres, est-il adapté aux préoccupations actuelles ? Pourquoi les Etats-Unis ont-il réussi là où nous échouons ? Est-ce grâce au fait d'avoir interdit les navires de plus de quinze ans ou dépourvus de double coque, ou dont les affréteurs ne présentent pas de garanties - financières ou d'assurance - suffisantes ? Ou tout simplement à la présence de leurs corps de gardes-côtes très efficace ? L'Europe doit-elle imiter l'exemple américain ? La coopération entre les Etats membres de l'Union européenne est-elle suffisante ?

La commission d'enquête devra se pencher sur toutes ces questions, consulter tous ceux qui ont eu à en connaître, rechercher les responsabilités et définir les moyens d'éviter que de tels drames se reproduisent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Maxime Bono - Notre commission des affaires économiques s'est prononcée favorablement, et à l'unanimité, sur la proposition de résolution. Comment, en effet, rester sans réaction devant la répétition des catastrophes écologiques qui frappent nos côtes ? Comment ne pas s'interroger sur l'efficacité des mesures arrêtées après le naufrage de l'Erika le 12 décembre 1999 ?

Il serait vain, toutefois, de vouloir faire jouer à cette future commission le rôle d'un procureur, qui tenterait de prouver que ces marées noires auraient pour cause, comme certains le laissent entendre, l'inaction supposée du gouvernement précédent (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Dès le 10 février 2000, M. Gayssot avait organisé une table ronde avec les principaux acteurs du transport maritime pétrolier en France, qui s'étaient tous engagés à ne plus utiliser de navires à simple coque à partir de 2008 et, sans attendre cette date, à ne plus utiliser de navires de plus de quinze ans ni ayant trop souvent changé d'armateur ou de société de classification.

Deux comités interministériels se sont tenus les 28 février et 27 juin 2000, sous la présidence du Premier ministre de l'époque. Il y a été décidé le renforcement des effectifs des centres de sécurité des navires, l'extension des missions des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, la réforme du dispositif de formation des inspecteurs de sécurité des navires, le lancement du plan de modernisation des aides à la navigation et, surtout, la création de trente postes supplémentaires d'officiers de port.

Sur le plan européen et international, la France a contribué, après le naufrage de l'Erika, à faire progresser de manière significative la sécurité maritime. La Commission européenne a ainsi adopté une première série de propositions, dites « paquet Erika 1 », tendant au renforcement du contrôle des navires dans les ports et à l'élimination accélérée des pétroliers à simple coque. Un second train de mesures, le paquet Erika 2, a suivi : création d'une Agence européenne de sécurité maritime et mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information du trafic maritime. La France a amorcé l'application de ce dispositif dans ses aspects réglementaires. Le Parlement français n'a toutefois pas encore été saisi de la transposition des cinq directives des « paquets » Erika - mais force est de reconnaître que seul à ce jour, le Danemark l'a fait, et pour une seule de ces directives... Notre volontarisme n'est donc pas en cause. En revanche, comment ne pas s'étonner de la position de la droite européenne qui, le 12 décembre dernier, au Parlement européen, a rejeté la demande de création d'une commission d'enquête sur la sécurité maritime, demandée notamment par le groupe socialiste ?

Mais trêve de polémiques : l'heure est à l'action. La commission d'enquête, en l'état actuel de nos débats, explorera quatre champs d'investigation : efficacité des dispositifs existants ; mise en _uvre des mesures préconisées par la commission d'enquête instituée après le naufrage de l'Erika ; état d'avancement de notre pays dans la transposition des directives européennes ; propositions concrètes. Il nous semble cependant indispensable qu'elle étudie aussi les conditions de déclenchement et d'application des plans POLMAR-terre et POLMAR-mer ; c'est l'objet de l'amendement que présentera notre collègue Jean-Pierre Dufau.

Un second amendement vise à examiner les conditions de la coopération transfrontalière. Il convient en effet de rappeler l'historique de la triste épopée du Prestige, pétrolier à simple coque, vieux de vingt-trois ans, affrété en Russie, mais battant pavillon panaméen et disposant d'un équipage grec que l'on dit expérimenté, contrôlé en 2001 par une société américaine et reconnu « bon pour le service ». Parti de Saint-Pétersbourg, il a subi une forte tempête, quatorze jours durant, dans le golfe de Gascogne, sans avarie. Le 13 novembre, à la suite d'un choc important, il a lancé un signal de détresse et demandé à accoster au port de Vigo, ce qui lui fut refusé. Six jours plus tard, il sombrait. Même sans aucun esprit polémique, il est difficile de ne pas s'interroger sur l'efficacité de la coopération entre les gouvernements français et espagnol...

Cette commission d'enquête sera la deuxième en moins de trois ans. L'Ievoli Sun, le Baltic Carrier, le Prestige, ont fait subir de graves dommages ou de graves menaces à notre littoral. Notre action devra s'inscrire dans la durée, mais aussi dans un cadre plus vaste que le simple cadre national.

Comment ne pas souligner la prégnance, dans le monde du transport maritime, de la recherche du profit maximum pour une responsabilité minimum ? Aux termes de la convention de 1958 sur la haute mer et de la convention de 1982 sur le droit de la mer, « les navires naviguent sous le pavillon d'un seul Etat et se trouvent soumis à sa juridiction exclusive en haute mer ». La loi du pavillon, expression de la souveraineté d'un Etat sur un navire, implique des obligations. Or, certains Etats ne sont pas toujours en mesure, ou n'ont pas toujours la volonté de les assumer.

En l'absence d'un code de l'Etat du pavillon, ils ne respectent pas toujours leurs engagements internationaux en ce qui concerne la surveillance de la sécurité des navires battant leur pavillon.

Certains, même, n'hésitent pas à pratiquer un dumping social très préjudiciable à la sécurité maritime. Comment ne pas évoquer les conditions de recrutement de certains équipages par des sociétés spécialisées, les manning operators, terme que d'aucuns n'hésitent pas à traduire par « marchands d'hommes » ?

L'ensemble de ces éléments nous rappelle à un devoir de cohérence, pour que ne sévissent plus les ravages d'une mondialisation libérale effrénée qui ne respecte pas plus les Etats que les peuples. Je ne doute pas que vous ferez bon accueil aux amendements que nous avons déposés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Lassalle - Elu d'un département sinistré par le naufrage du Prestige, président de la commission du tourisme du conseil général et président de l'association des maires du département, je suis partagé entre le désir de crier mon éc_urement et celui de trouver le ton juste, afin de ne pas alarmer ceux qui envisagent de nous rendre visite l'été prochain - car une part importante de notre économie dépend d'eux.

Les marins, les pêcheurs, tous les professionnels de la mer sont touchés, comme le sont ces plages qui ont nécessité tant d'investissements - je pense à Biarritz, à Saint-Jean-de-Luz, à Bidart, à Guettary, mais aussi aux plages des Landes et de la Gironde. Partout, une même interrogation. Comment cela a-t-il été possible, alors que nous disposons de tant de moyens, de technologies, d'intelligences ? Que font les autorités françaises, européennes, internationales ?

Je suis donc heureux qu'ait été prise l'initiative de constituer cette commission d'enquête parlementaire. Elle aura au moins l'avantage de servir de thérapie de groupe. Les hommes et les femmes qui ont été si lourdement touchés ont besoin de dire à des responsables ce qu'ils ont sur le c_ur, tant ils ont eu, jusqu'à présent, l'impression que rien de ce qu'ils ont dit ne serait jamais pris en compte.

En revanche, on sait déjà que les réponses ne seront pas simples à trouver, sans quoi elles seraient connues depuis longtemps. Nous avons tous les ingrédients pour travailler, mais il manque une autorité supérieure, qui soit respectée de tous. Il me semble que la représentation nationale est la mieux placée pour remplir cet office.

Il faut chercher les responsables, sans quoi nous n'inspirerons plus jamais confiance. Il faut comprendre pourquoi ce qui a été mis en place n'a pas fonctionné. Il faut savoir comment des bateaux aussi obsolètes ont pu circuler au large d'Ouessant, sur cette véritable autoroute de la mer où se croisent des centaines de cargos. Il faut se demander comment pourrait fonctionner une agence européenne, et surtout comment faire pour que cela n'arrive plus jamais.

Nous avons du pain sur la planche, mais cette initiative, émanant de l'ensemble des groupes, est de bon augure. Nous souhaitons que la résolution soit votée à l'unanimité et que la commission puisse se mettre au travail dans les plus brefs délais, car ceux qui sont touchés dans leur chair attendent. J'espère enfin qu'à l'avenir, on prêtera davantage attention à ce genre de péril qu'à ces dizaines de directives qui ne font qu'empoisonner un petit peu plus chaque jour la vie de nos campagnes et de nos montagnes, sur qui ne pèse pourtant aucun risque majeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Daniel Paul - Il n'est pas inutile de rappeler comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle. Le transport maritime connaît depuis de nombreuses années une croissance très importante, du fait à la fois de l'accession de nombreux pays aux échanges internationaux et de l'exportation de nombreuses productions vers les pays en voie de développement. Cette explosion du transport maritime est facteur de risque tant pour les équipages - dont il ne faut pas oublier que ce sont les premières victimes des catastrophes - que pour la sécurité de nos côtes.

C'est la mondialisation libérale qui est la source de ce développement incontrôlée du transport maritime (Exclamations sur les sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). De même qu'une part prépondérante du commerce international est en fait constitué d'échanges entre filiales d'un même groupe, le pétrole qu'une société va chercher au Moyen-Orient va alimenter des raffineries lui appartenant. Cette stratégie globale pèse sur les coûts : jusqu'aux années 1970, les sociétés pétrolières avaient leur propre compagnie maritime, sous pavillon national et avec des équipages homogènes ; dorénavant, elles s'adressent à des flottes extérieures.

M. François Goulard - Merci la CGT !

M. Daniel Paul - La concurrence qui se livre désormais pèse sur la qualité des navires et sur les conditions de travail des équipages. Les catastrophes maritimes n'en sont que les conséquences les plus voyantes. Parallèlement, les pavillons nationaux perdent des navires et des moyens, de même que la politique maritime.

Tout cela se passe dans un cadre international obsolète, souvent hérité du XIXe siècle et dominé par des pays totalement acquis à ces règles. Ainsi la majorité, à l'Organisation maritime internationale, est-elle détenue par des pays abritant des pavillons de complaisance. Nous devons briser cette logique.

De nombreuses anomalies sont à rappeler. Les bateaux sous-normes, qui sont interdits d'entrée dans les eaux américaines, sont tolérés près de nos côtes. Le petit frère de l'Erika, qui battait pavillon libérien, était en fait détenu par des hommes d'affaires américains. Il a été vendu, quinze jours après le naufrage à une autre compagnie - et continue de naviguer.

Quant à éloigner les navires de nos côtes, cela n'empêche pas les catastrophes. Le Prestige a sombré loin du golfe de Gascogne, mais nos côtes sont tout de même souillées. Pas plus ce navire que le Tricolor n'ont touché un port français, où ils auraient pu être contrôlés. Je remarque d'ailleurs que les services portuaires sont de plus en plus fragilisés par la concurrence qui les frappe.

La pollution maritime est bien davantage due aux dégazages qu'aux naufrages : le dégazage au port, fût-il gratuit, prend du temps et coûte donc de l'argent. Le principe pollueur-payeur reste à mettre en place en Europe, alors qu'il est déjà appliqué aux Etats-Unis. Enfin, tous les types de transports sont soumis à des règles strictes, sauf le transport maritime, faute d'une instance internationale dégagée des intérêts économiques. Dans certains pays, un brevet de capitaine s'achète, de même qu'un équipage. Il faut s'en prendre aux Etats qui fuient leurs responsabilités.

Aujourd'hui, les populations n'en peuvent plus. Elles contraignent les gouvernements à prendre des mesures. Mais sont-ils décidés à tordre le cou à ces « voyous des mers », qui sont les produits mais aussi les promoteurs du système ? Est-il vrai que, malgré le tour de vis donné en décembre, les moyens accordés à la sécurité maritime ont baissé ? Sans compter le plan de rigueur qu'on nous annonce... Veut-on réellement que la politique reprenne la place actuellement occupée par les marchés ? Va-t-on interdire aux grands groupes internationaux de recourir à des navires sous-normes physiques et à des équipages sous-normes sociales ?

Une commission d'enquête est une bonne chose, même si beaucoup d'obstacles et de difficultés viennent d'instances que nous ne maîtrisons pas, et même si certains Etats membres ou candidats freinent les réformes : il n'est que de voir ce qui se passe en Grèce, à Malte ou à Chypre. Mais nous craignons que son objectif soit moins de s'attaquer au système que de se prémunir de la colère des habitants touchés par les naufrages répétés. C'est pourquoi nous nous abstiendrons. Je sais, en tant que président de la précédente commission d'enquête, l'intérêt qu'il y a à dresser des bilans, mais je crains que celle-ci n'ose pas faire ce qu'il faut pour briser le système actuel (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Christophe Priou - Je n'avais pas l'honneur d'être parlementaire à l'époque de la précédente commission, mais, comme beaucoup d'élus locaux, j'ai participé au nettoyage des plages, qui a duré de nombreux mois. Après l'Erika, il y a eu l'Ievoli Sun, le Tricolor et, bien sûr, le Prestige. Trois ans après le rapport de M. Paul, je pense que nous pouvons bénéficier d'un retour d'expérience : en ce qui concerne le nettoyage, bien sûr, mais aussi en ce qui concerne l'indemnisation.

Car l'indemnisation des victimes de l'Erika n'est toujours pas achevée. C'est au Gouvernement de faire pression sur le FIPOL et, en ce domaine, j'ai nettement constaté un changement de ton depuis le mois de mai (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). De guerre lasse, de nombreuses personnes ont fini par signer ce qui leur était proposé, mais les indemnisations sont loin d'atteindre 80 % des dommages réellement subis.

La troisième phase sera celle du procès, puisque il y a eu plusieurs mises en examen. Mais nous l'abordons affaiblis. Si, à l'époque, M. de Robien ou Mme Bachelot avaient signé à la va-vite un protocole d'accord avec une grande société multinationale pour 100 millions d'euros de réparations, nous serions cloués au pilori ! C'est pourtant ce qu'a fait M. Gayssot, alors que les dégâts se chiffrent à un milliard d'euros ! Cette société, la seule solvable, aura beau jeu d'invoquer cet accord au procès...

Il est également important de faire appliquer le droit maritime. En attendant la constitution d'un corps de gardes-côtes européen, la marine nationale a montré sa capacité à intervenir. Il faut également travailler au niveau de l'OMI, gouvernée par des Etats trop complaisants.

Le rapport de la commission d'enquête devrait contribuer à sécuriser le transport maritime, qui reste l'un des plus sûrs et des moins chers.

Il faut également continuer à engager les crédits nécessaires, que ce soit pour le SNCM, les SDIS ou l'acquisition de remorqueurs de haute mer.

Nous devrons ensuite nous attaquer à la pollution diffuse - et encore plus dangereuse - provoquée par les dégazages en mer, qui mettent en danger toute l'activité économique du littoral (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Dufau - Je vous remercie, Monsieur le ministre, de vos propos sur les difficultés dans lesquelles se débattent les populations des côtes polluées.

Aujourd'hui, après l'Erika en 1999, c'est le naufrage du Prestige qui nous réunit. La même colère et la même recherche des responsabilités nous animent. L'intérêt d'une commission d'enquête est évident, dès lors qu'elle aura pour objectif de faire progresser la sécurité maritime. Sinon, ce serait une simple commission de plus, dont le rapport s'empilerait sur les précédents. Maxime Bono a traduit l'état d'esprit constructif du groupe socialiste. Mais revenons au Prestige, qui fait l'objet d'une polémique. Pour certains, ce bateau n'aurait pas été une « poubelle flottante » conduite par des « voyous des mers ». C'est après un choc important, sans doute avec un conteneur perdu par un bateau précédent, que le bâtiment a lancé son signal d'alerte. Affrontant une forte tempête, il n'a sombré que six jours plus tard, après un mystérieux et dangereux périple. Que s'est-il passé au cours de cette semaine fatidique ? Comment ont coopéré les gouvernements espagnols, portugais et français ? Pourquoi la droite, majoritaire au Parlement européen, a-t-elle repoussé la création d'une commission d'enquête ? Par crainte de mettre en cause le gouvernement espagnol ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Rappelons qu'après le naufrage de l'Aegean Sea en 1992, l'Etat espagnol a été condamné par la justice à verser une indemnisation équivalente à celle du FIPOL aux victimes de la marée noire. Je défendrai donc un amendement pour que la commission d'enquête examine aussi les conditions de la coopération transfrontalière face à une pollution marine.

Aujourd'hui, nous mesurons les effets catastrophiques du naufrage du Prestige sur les côtes françaises. Les agents publics, les pompiers, les entreprises privées, les bénévoles effectuent un travail remarquable dans des conditions épouvantables. Mais la montée en charge du dispositif a été trop lente et il faut revoir les conditions de mise en _uvre des plans POLMAR-mer et terre, sur le plan opérationnel et sur le plan budgétaire. C'est le sens de mon autre amendement. Enfin, face au drame économique vécu par les travailleurs de la mer et à l'inquiétude des professionnels du tourisme, la question des indemnisations doit être traitée. Une pollution massive a souillé l'Aquitaine. En effacer les traces nécessite du temps et des moyens exceptionnels. Nous attendons de l'Etat une solidarité à la hauteur de l'enjeu.

Si j'ai centré mon propos sur la catastrophe du Prestige, il est évident que notre travail aura une portée plus générale, poursuivant les quatre objectifs définis dans la résolution. Le groupe socialiste entend y apporter sa contribution et formuler des propositions concrètes et rapidement applicables.

Sur certains sujets l'exemple américain peut servir l'Europe - c'est le cas pour la sécurité maritime. Inversement, la sagesse de la « vieille Europe » pourrait, dans d'autres domaines, être de bon conseil pour les Etats-Unis.

Vous voyez que mon état d'esprit est résolument constructif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Decool - Je tiens à remercier nos collègues de cette initiative.

Trop de catastrophes maritimes ont eu lieu ces dernières années. Des mesures ont été prises après le naufrage de l'Erika et lors du récent sommet de Malaga. Néanmoins nous restons confrontés à des comportements délictueux.

En mer du Nord, 700 bateaux se croisent chaque jour sur les « rails » maritimes du détroit, auxquels s'ajoute la circulation perpendiculaire des ferries reliant la France et l'Angleterre - il n'est donc pas étonnant que des collisions s'y produisent.

L'échouage du Tricolor, le 14 décembre dernier, a augmenté le risque : trois bateaux ont déjà heurté l'épave. Parmi les conséquences écologiques, il faut mentionner les milliers d'oiseaux mazoutés.

Les collectivités territoriales et les associations se sont mobilisées pour enlever les galettes de pétrole et sauver ces oiseaux.

La densité du trafic maritime, l'importance des dégazages illicites, la présence de navires-poubelles, autant de raisons justifient cette commission d'enquête. Il est urgent de prendre les mesures nécessaires au niveau national et international (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Cochet - Les multiples catastrophes des dernières années soulignent la précarité de l'équilibre écologique marin et la nécessité de mettre en _uvre des mesures de prévention.

Le Prestige avait pris la mer avec un équipage multinational travaillant dans des conditions misérables. Dès lors, la catastrophe, sans être inéluctable, était prévisible.

La majorité du trafic maritime de pétrole s'effectue sous pavillon de complaisance : sur les 3 500 pétroliers de plus de 10 000 tonnes en service dans le monde, 53,4 % sont dans ce cas.

Le développement de ces pavillons, encouragé par tous, y compris la France, a fortement contribué au laxisme.

Il convient donc de prendre des mesures et aussi de revoir la politique portuaire au niveau national et européen. Un renforcement des contrôles dans les seuls ports français encouragerait la « fuite » des navires vers les autres ports. Il faut donc que la France agisse au sein de l'Union européenne pour faire adopter de nouvelles règles de sécurité.

J'apporte un soutien à la création de cette commission d'enquête mais je veux rappeler que nous avons déposé deux propositions de loi pour aller plus loin encore.

La première vise à encadrer le transport maritime des produits dangereux et à lutter contre les nouvelles formes de délinquance écologique et leurs conséquences désastreuses. Pour cela, nous proposons que la marine nationale se voie confier une mission de gardes-côtes, comme en Suède, en attendant la création du corps européen. Nous voulons aussi que les navires soient contrôlés dès leur entrée dans les eaux territoriales françaises, dont la limite serait portée à 200 milles.

Il conviendrait aussi de s'intéresser sur les rejets volontaires d'hydrocarbures. On parle de « dégazage », mais il s'agit le plus souvent de « déballastage » des résidus de combustion, effectués par tous les bateaux, pétroliers ou non. On ne peut à ce propos parler de situation de non-droit puisqu'il existe depuis 1973 la convention MARPOL de l'OMI. Sa mise en _uvre suppose une volonté politique.

Notre seconde proposition a trait au facteur humain. On a vu parfois jeter en prison un capitaine qui n'en pouvait mais comment évoquer une faute humaine lorsque l'équipage est insuffisant, lorsqu'il travaille dans des conditions dangereuses, lorsqu'il ne bénéficie pas du repos nécessaire ?

Nous demandons donc que les navires dont l'équipage n'est pas couvert par un contrat de travail garantissant l'application des normes du Bureau international du travail, ne soient plus autorisés à traverser nos eaux territoriales. A ce propos pouvez-vous nous indiquer, Monsieur le ministre, si la France a ratifié toutes les conventions de l'OIT sur les droits des marins ?

Je défendrai un amendement sur les conséquences du non-respect de ces droits sociaux.

La protection du milieu marin et la lutte contre les pollutions supposent une vision globale, c'est pourquoi, nous voterons en faveur de la création de cette commission d'enquête (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution.

ARTICLE UNIQUE

M. Jean-Pierre Dufau - L'amendement 1 vise à confier à la commission d'enquête le soin d'évaluer les conditions de déclenchement et de mise en _uvre des plans POLMAR-terre et mer.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement. Cela doit faire partie, en effet, des objectifs de la commission d'enquête.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car il est intéressant de voir comment fonctionne un dispositif appliqué par les préfets de département - sous la coordination des préfets des zones de défense - pour le plan POLMAR-terre, et par les préfets maritimes pour POLMAR-mer.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Dufau - L'amendement 2 porte sur les conditions de coopération transfrontalière. L'analyse de la chaîne des décisions franco-espagnoles depuis le naufrage du Prestige doit permettre à la commission d'enquête d'évaluer cette coopération et, éventuellement, de dégager de nouvelles règles de codécision.

M. le Rapporteur - La commission a adopté cet amendement contre l'avis de son rapporteur. Il me semble en effet qu'il y ait là un risque d'ingérence dans la politique maritime de certains de nos voisins, notamment l'Espagne. Or, il ne nous appartient pas de mettre d'autres Etats en accusation.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Il me paraît également que c'est à tort que la majorité de la commission a adopté cet amendement, dont l'objectif ne correspond pas à ceux que nous poursuivons en créant cette commission d'enquête : faire la vérité sur ce qui s'est passé sur le territoire français et émettre des propositions pour l'avenir. J'invite donc l'Assemblée à repousser l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement me paraît inutile puisque les auteurs de la proposition assignent comme tâche à la commission d'enquête de « formuler des propositions concrètes pour mettre en place une politique de sécurité maritime ambitieuse à l'échelle nationale, européenne et internationale ».

M. Edouard Landrain - Contre l'amendement. Nous voulons aborder toutes les questions mais nous refusons de donner l'impression qu'il y a un coupable désigné avant même que la commission d'enquête ait commencé ses travaux. Je crois percevoir, derrière cette proposition, une connotation politique qui n'est pas conforme à l'esprit qui nous anime (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Paul - Je n'avais pas compris que la commission limiterait ses investigations au territoire français... En effet, voilà un navire qui coule à plusieurs centaines de milles de nos côtes, à la suite d'une décision prise par le gouvernement espagnol, décision dont notre littoral subit les conséquences, et l'on voudrait nous interdire de nous intéresser à tout cela ainsi qu'aux conditions dans lesquelles l'Europe favorise les accords entre Etats pour combattre ceux que l'on a appelé, dans votre propre camp, les « voyous des mers » ?

Il appartient à l'Assemblée, et à elle seule, de fixer le cadre du travail de la commission d'enquête.

M. Alain Vidalies - Le moment est grave. Alors que nos populations sont victimes de cette pollution, qu'on ramasse chaque jour des tonnes de mazout sur le littoral, nos collègues refusent, pour des raisons que nous ignorons, de s'associer à la démarche transparente que nous proposons (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Est-ce pour les mêmes raisons que la droite a refusé à deux reprises de créer une commission d'enquête au niveau européen ?

N'oublions pas en outre que, derrière la question des responsabilités, se pose celle des indemnisations. Le refus de la majorité ne va pas rassurer les victimes, au moment où le FIPOL annonce qu'il ne pourra couvrir plus de 10 à 20 % du montant du sinistre...

Le Prestige a dérivé pendant six jours entre l'Espagne, la France, le Portugal et le large. Des décisions ont été prises tardivement. Pourquoi ? Les victimes ont le droit de le savoir, car la pollution de nos côtes en est la conséquence. C'est tout ce que nous demandons et votre refus pourrait laisser croire qu'il y a là quelque chose à cacher (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Christine Boutin - Triste attitude politicienne...

M. le Président de la commission - Ce qui est caché, ce sont les intentions réelles des auteurs de l'amendement... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur Emmanuelli, nous avons eu un débat en commission, et vous n'y étiez pas.

M. Henri Emmanuelli - J'ai le droit de siéger ici et de m'exprimer !

M. le Président de la commission - Lors de ce débat, donc...

M. Henri Emmanuelli - De toute façon c'est non, on a compris !

M. le Président de la commission - Nous pouvons voter sans débat, si vous voulez. Mais je souhaite informer tous nos collègues. En commission donc, j'ai proposé un sous-amendement qui satisfaisait l'opposition - et, surprise, elle a voté contre.

Plusieurs députés socialistes - Reprenez-le maintenant !

M. le Président de la commission - J'en ai conclu que le dispositif initialement prévu était le meilleur, tout en me demandant où étaient les arrière-pensées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) De toute façon, dire dans l'article unique que des propositions seront formulées pour mettre en place une politique de sécurité maritime « à l'échelle nationale, européenne et internationale » satisfait déjà parfaitement votre préoccupation d'enquête transfrontalière.

M. Henri Emmanuelli - Ce n'est pas du tout le même objet !

M. le Président de la commission - Enfin, selon l'article 6 de l'ordonnance de 1958, une commission d'enquête a des pouvoirs bien précis. Elle peut parfaitement se déplacer à l'étranger pour obtenir les informations nécessaires. Ainsi la commission d'enquête sur le loup va-t-elle se transporter à Rome. Dans ces conditions, pourquoi voulez-vous absolument introduire un amendement qui n'ajoute rien à un texte qui n'empêche rien ? Je demande à la majorité de le rejeter.

M. Jean-Pierre Dufau - Ce que nous voulons, c'est que les choses soient clairement établies. Lorsque le Prestige a coulé, il était sous la responsabilité du gouvernement espagnol. Aujourd'hui, c'est sur les côtes françaises qu'arrive la pollution. Nous voulons demander à l'Etat espagnol ce qui s'est passé, ce qu'il a décidé, si ses décisions ont été prises conjointement avec le gouvernement français et de quelle information disposait celui-ci. Il n'y a aucune ingérence quand nous demandons des explications sur ce qui arrive chez nous. Ne pas vouloir faire la lumière sur ce point, là serait l'équivoque.

M. le Rapporteur - Il est hors de question de cacher quoi que ce soit. Le texte donne toute possibilité d'aller en Espagne poser des questions ! Mais vous, vous voulez faire le procès du gouvernement espagnol, vous confondez enquête et procédure judiciaire. Nous avons proposé un sous-amendement, vous l'avez refusé, restons-en là.

M. le Président de la commission - Un dernier mot, pour que nul ne pense que certains ont de bonnes intentions et d'autres de mauvaises. Les pouvoirs contraignants d'une commission d'enquête ne valent que sur le territoire national, pas dans un autre pays. Mais elle a toute faculté de se déplacer, et rien ne dit qu'elle ne le fera pas. Pour autant n'ajoutons pas cet amendement qui ne lui donnera aucun pouvoir supplémentaire.

M. Henri Emmanuelli - Ne polémiquons pas inutilement. Puisque vous aviez un sous-amendement qui répondait aux desiderata de l'opposition, pourquoi ne le reprenez-vous pas ? Tout ce que nous voulons, c'est savoir à qui s'adresser pour l'indemnisation. Aujourd'hui les dégâts atteignent 500 millions d'euros rien qu'en Galice, le FIPOL ne dispose que de 180 millions et l'Etat français se montre bien chiche. Nous cherchons à défendre les intérêts de la population concernée, qui sont aussi ceux de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement suit le rapporteur et le président de la commission. Il ne voit que des avantages à ce que la commission se rende dans d'autres pays, à elle de s'organiser pour ce faire. Je pense qu'elle pourrait même aller aux Etats-Unis, qu'on nous cite en modèle.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 3 donne pour mission à la commission d'examiner les conditions de travail des marins. Le constat dressé par la fédération internationale des transports est accablant. On connaît des exemples d'équipages impayés sur des navires bloqués dans certains ports, et d'exploitation par des armateurs sans scrupule. La France, qui possède la deuxième zone maritime exclusive du monde, a un rôle majeur à jouer pour modifier cette situation pour prévenir, pour contrôler, pour faire respecter les droits sociaux des marins en général.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, il me paraît satisfait par les deuxième et troisième alinéas de l'article. En outre, la commission d'enquête sur l'Erika avait déjà formulé des propositions, qu'il faudra mettre en application. A titre personnel, avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Le texte, dans son esprit, satisfait cette demande. Par ailleurs, le Conseil des ministres vient d'adopter cinq conventions de l'OIT ; actuellement elles sont actuellement devant le Conseil d'Etat et je souhaite qu'elle soient ratifiées le plus rapidement possible, car le problème des conditions de travail est effectivement un aspect important de la sécurité maritime.

M. François Sauvadet - Gardons-nous, sur un sujet aussi grave et qui nous touche tous, d'engager une polémique, les Français ne l'accepteraient pas. Le but d'une commission d'enquête est avant tout de tirer les leçons du passé, et de formuler des recommandations. Puissions-nous tous ensemble mener ce travail et répondre aux attentes de nos compatriotes.

Si nous avons tous en mémoire des images insoutenables, il reste que la commission d'enquête est régie par de règles de droit qui lui permettent, sur le territoire national, de convoquer et de faire amener, par tout moyen, toute personne qu'elle désire auditionner.

Quant à la convocation éventuelle de responsables de Bruxelles ou d'Espagne, nous n'avons pas moyen de contraindre. Mais rappelez-vous ce qui s'est passé pour la vache folle. Nous avons pu ouvrir le champ et faire un travail très utile.

De même, aujourd'hui, nous avons simplement envie de travailler ensemble pour que demain, de tels faits ne se produisent plus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Yves Cochet - Je maintiens l'amendement, car il est indispensable de préciser les conditions de travail. Monsieur Sauvadet, sous la précédente législature, la majorité accordait la possibilité à l'opposition de présider une commission d'enquête ou d'en désigner le rapporteur. Cela n'est pas le cas aujourd'hui et nous le regrettons.

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du Règlement, avant le mardi 11 février, à 17 heures, le nom des candidats qu'ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 10

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'initiative économique.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Michel Vergnier - Cette nuit, alors que le président s'apprêtait à lever la séance, M. le ministre a souhaité répondre aux orateurs, mais nombre d'entre eux avaient déjà quitté l'hémicycle, car cette intervention était prévue pour aujourd'hui.

Ils n'ont donc pu entendre la réponse du ministre à leurs questions, et cela est regrettable.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Je regrette que certains orateurs n'aient pu entendre ma réponse, mais le débat sur les articles me permettra de préciser à nouveau certains points.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Michel Vergnier - La discussion d'un projet de loi est toujours un moment privilégié, et nous attendions celui-ci avec impatience (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Oui, c'est un texte important !

L'année dernière, votre prédécesseur avait présenté un projet de loi sur le développement des petites entreprises et l'artisanat, que vous aviez jugé utile, mais tardif. Nous avions pensé que vous prolongeriez ce travail.

Le projet de M. Patriat avait pour objet de favoriser le développement des entreprises en facilitant le financement des PME, en assurant leurs conditions de transmission et en aidant l'innovation.

Il s'agissait aussi de donner un statut moderne aux femmes et aux hommes des petites entreprises en assurant une meilleure sécurité à l'entrepreneur et à son conjoint, en menant une réflexion sur la formation des entrepreneurs et des salariés ; améliorer l'environnement dans lequel s'exerce l'activité des petites entreprises en allégeant leur fiscalité, en privilégiant leur dimension sociale et territoriale et en simplifiant la réglementation. Le projet couvrait donc l'ensemble du champ, de la création à la transmission d'entreprises en passant par leur développement.

Ce projet a été abandonné, et voilà beaucoup de travail pour rien - car les consultations avaient été nombreuses, les discussions intéressantes, les auditions constructives.

Mais regardons vers l'avenir. Nous avions apprécié la création d'une commission spéciale, mais beaucoup moins les conditions dans lesquelles celle-ci a travaillé. Ce fut une caricature de préparation de texte.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est excessif !

M. Michel Vergnier - La commission ne s'est réunie que deux fois : pour constituer son bureau et auditionner le ministre ; puis une journée entière à l'improviste, avec les problèmes de calendrier que cela pose. Mais soit. Lorsque l'on est élu, on est payé pour avoir des états de service, pas des états d'âme !

M. Charles de Courson - C'est beau comme de l'antique !

M. Michel Vergnier - Votre texte, Monsieur le ministre, donne selon vous de l'air aux entreprises et incite à la création. Je ne doute pas de votre sincérité. Mais je conteste l'efficacité et la pertinence des mesures, et je vais essayer d'en convaincre quelques membres de la majorité.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure de la commission spéciale - Nous y comptons ! (Sourires)

M. le Secrétaire d'Etat - Rude tâche !

M. Michel Vergnier - Un tel projet a le mérite qu'on en débatte soigneusement. 5,5 millions d'actifs sont concernés, car faciliter la transmission des entreprises, favoriser leur développement, c'est créer ou préserver des emplois. Des mesures très favorables aux PME ont ainsi déjà été prises pendant les cinq dernières années.

L'année dernière, vous nous avez reproché de discuter d'un texte « mort-né » au motif que, dernier texte de la législature, le projet Patriat n'aurait pas le temps d'aboutir. Moins d'une année après, vous reprenez l'ouvrage, mais après l'avoir dénaturé. Vous nous reprochez notre lenteur, je vous reproche votre précipitation.

Le texte de l'an dernier prenait en compte les besoins des PME et des artisans ; le vôtre se focalise sur la seule question fiscale, qui conduit à la multiplication d'exonérations dont je doute de la justification économique. Les moyens d'assurer le développement des entreprises - formation, soutien des entrepreneurs et de leurs salariés, aménagement du territoire - sont absents.

La majorité prétend favoriser l'emploi par la remise en cause de l'ISF - et vous évoquez sans arrêt la fuite des capitaux. Or, selon la direction générale des impôts, moins de 24 000 contribuables ont transféré leur domicile fiscal à l'étranger, soit 0,08 %.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est 24 000 de trop.

M. Michel Vergnier - Le nombre de redevables de l'ISF partis à l'étranger est environ de 350, soit 0,2 %. Il convient aussi de rappeler que « l'encouragement fiscal » décidé en 1996 en faveur de la souscription de parts de navires, et qui a coûté 303 millions d'euros, n'a permis de maintenir que 350 emplois - ce qui met le coût de chaque emploi à 760 000 € ! Je crains que ce soit la même chose pour l'ISF.

Si notre texte était « mort-né », le vôtre est un grand prématuré : où est la grande loi d'incitation réclamée par l'ancienne opposition ?

Mme la Rapporteure - Qu'est-ce que cela signifie ?

M. Michel Vergnier - Cela signifie que le texte aurait pu arriver à terme si on avait travaillé davantage.

Les artisans et les très petites entreprises ne se retrouvent pas dans ce projet. D'ailleurs, si vous y trouvez une seule fois le mot « artisanat », dites-le moi.

M. le Secrétaire d'Etat - Il est partout. Les artisans sont-ils des entrepreneurs, oui ou non ?

M. Michel Vergnier - J'ai entendu hier une de vos collègues parler d'une droguerie. Je suis, pour ma part, le fils d'un maréchal-ferrant...

L'ancienne opposition nous avait dit que le texte de François Patriat manquait d'« ampleur et d'ambition ». On nous reprochait au fond de regarder les petits et non les gros. Mais on prétendait que nous ne portions pas intérêt aux artisans, aux commerçants, aux petits entrepreneurs. « Le secteur de l'artisanat espérait davantage, nous disait M. Gaillard. Une loi d'orientation aurait mieux traduit la volonté d'un changement de mentalité, nécessaire pour que l'apprentissage soit réellement considéré ». Mais aujourd'hui, tout ce qu'on peut apprendre sur l'apprentissage de votre texte, c'est que c'est pour plus tard !

Le même député expliquait que les petites entreprises de réclamaient pas d'être traitées comme des grandes, mais au contraire que leurs différences soient prises en compte. Il regrettait que nous ne soyons pas allés plus loin pour les entreprises de moins de vingt salariés, avec notre « excellente » idée de mobiliser les crédits inutilisés des PEL. Mais aujourd'hui, tous les amendements que nous avons déposés à cet effet ont été rejetés !

Et qui nous reprochait l'an dernier de ne pas évoquer les problèmes de la formation, « qui reste une des préoccupations majeure des petites entreprises » ? L'opposition ! Après un tel enthousiasme et de telles leçons, votre silence présent ne peut qu'étonner ! M. Forissier trouvait que notre projet de loi manquait de toute dimension sociale pour les petites entreprises, et notamment concernant la formation, indispensable pour l'attractivité du secteur artisanal. Mais pas une ligne de votre propre projet n'est consacrée à la formation ! 

On nous reprochait encore de ne pas faire mention de l'aménagement du territoire, en rappelant l'importance des petites entreprises dans le monde rural et en réclamant un effort tout particulier... Mais aujourd'hui, vous nous expliquez que tout le monde doit être traité de la même façon ! En quoi votre texte peut-il être rapproché des positions que vous souteniez il y a un an ? Il manque vraiment du travail, pour en gommer toutes les contradictions. En commission, vous vous êtes contentés de caricaturer nos positions. Mais vous n'appliquez pas le moindre des conseils que vous donniez il y a un an !

Il faut dire que de nombreuses contradictions brouillaient alors votre discours. D'aucuns réclamaient moins de dirigisme et d'administration dans le vie quotidienne. Mais d'autres expliquaient que le libéralisme implique une règle du jeu, et ils demandaient au gouvernement de l'époque de mettre fin aux pratiques de concurrence déloyale ! On nous reprochait, surtout M. Charié, les mesures de protection des salariés, considérées comme autant d'entraves, en disant que les entreprises ont besoin de souplesse et de liberté...

M. Jean-Jacques Descamps - Pourrait-on parler du texte ?

M. Michel Vergnier - Mais je ne fais que ça !

Nous n'avons jamais voulu bafouer la liberté d'entreprendre, mais il est nécessaire aussi d'assurer l'égalité d'entreprendre. Rousseau et Montesquieu ont bien montré que la liberté est de faire tout ce que les lois permettent.

L'un des membres de l'opposition s'était livré à un numéro de haute voltige : il réclamait moins de lois, puis soutenait que l'économie de marché exige l'application intransigeante du droit de la concurrence. Il expliquait que si l'Etat ne soutenait pas l'activité des petites entreprises, notre société ne serait bientôt plus administrée par le politique, mais par les grandes entreprises !

Pris par la passion de l'opposition, comme cela doit m'arriver aussi parfois, je comprends que l'on puisse se laisser griser par certaines tentations. Mais cela ne permet pas d'exécuter des sauts périlleux arrière sans le moindre risque ! Et vos positions de l'époque étaient bancales...

Ce projet de loi est tout sauf un texte d'orientation pour l'artisanat. En ce qui concerne les petites entreprises, il ne traite que de la liberté d'entreprendre en oubliant les dimensions de l'emploi, du social et de l'environnement. Les questions sociales sont réduites à peau de chagrin : vous vous montrez nettement moins ambitieux que dans vos discours de l'an dernier ! A l'époque, vous défendiez le « reste à vivre » et aviez déposé moult amendements pour en augmenter le montant. Aujourd'hui, vous n'en reprenez même pas le principe ! Vous vous bornez à l'insaisissabilité de la résidence principale, et encore, pour les seuls entrepreneurs qui y adhèrent - par un acte par ailleurs payant. L'insaisissabilité n'offre qu'une piètre protection à l'entrepreneur. En revanche, elle risque d'avoir des effets pervers : les banques vont demander des garanties plus importantes ou augmenter leurs taux ! Et avez-vous pensé à la protection des plus jeunes entrepreneurs, qui n'ont pas de résidence principale ?

L'an dernier, vous n'aviez cessé de plaider pour la séparation des patrimoines privés et professionnels. Certes, je ne défends pas cette option, mais je m'étonne de ne pas la retrouver ! Et vous étiez intarissables sur le statut du conjoint collaborateur ! M. Proriol, à propos de l'article 11 du projet de loi Patriat, disait combien il était incompréhensible de ne rien prévoir à cet égard. Et dans votre texte... rien ! Certains conjoints, souvent des femmes, continuent à ne bénéficier que d'une couverture sociale et d'une retraite minimales.

Nous avions proposé l'adhésion obligatoire à un statut. A part les membres de l'UDF, vous aviez tous brandi l'étendard de la liberté. Mais comment soutenir la liberté si l'on sait que, faute d'obligations, la plupart des personnes concernées se retrouveront un jour complètement démunies ? Nous avions prévu une affiliation obligatoire du conjoint collaborateur à l'assurance vieillesse, avec des conditions particulièrement souples. Beaucoup s'en étaient réjouis.

La plupart des mesures que vous prévoyez sont acceptables. Cela ne nous empêchera pas de rester vigilants, car vous avez toujours tendance à reprendre d'une main ce que vous avez donné de l'autre. Par exemple, l'article 19 étend aux demandeurs d'emploi de plus de cinquante ans le dispositif d'aide en cas de création d'entreprise. Comment ne pas y être favorable ? Mais nous attendons le décret qui doit en détailler les conditions d'attribution. Par ailleurs, vous avez précisé que cette aide pourrait consister en une avance remboursable... Mais prêter, ce n'est pas donner ! Vous avez une conception de la générosité qui vous permet de multiplier les annonces ! Mais si vous voulez aider les chômeurs de longue durée, qui n'ont d'ailleurs pas tous plus de cinquante ans, ce n'est pas en en faisant les improbables bénéficiaires d'une aide qui n'en est pas une...

Votre texte ne parle pas beaucoup non plus des salariés des PME, sauf pour les transformer en ex-salariés. On a l'impression, à vous lire, que le salarié est un mineur qui n'atteint sa majorité qu'en devenant lui-même entrepreneur. Mais ce qui fait la valeur d'une entreprise, ce sont tous ses hommes. Vouloir aider les salariés à devenir entrepreneurs est une chose, inciter les salariés à venir ou rester dans les PME en est une autre : or vous ne faites rien pour renforcer l'attractivité des petites entreprises par rapport aux grandes, au contraire. Non seulement vous avez stoppé la réduction du temps de travail dans les PME...

Plusieurs députés UMP - Heureusement !

M. Michel Vergnier - On en reparlera ! Je vous donne rendez-vous dans quelques années...

Un député UMP - Ce sont les électeurs qui ont tranché !

M. Michel Vergnier - Justement ! Les électeurs vous jugent d'abord sur votre travail et votre honnêteté (« C'est bien vrai, bravo ! » sur les bancs du groupe UMP). Je vous invite à la modestie, l'histoire va vite...

Non seulement vous avez stoppé le processus de la RTT, mais vous refusez de mettre en place le comité des activités sociales et culturelles prévu par le projet de loi Patriat. Vous aviez d'ailleurs déjà combattu ce dispositif à l'époque, au motif qu'il empiétait sur les compétences des partenaires sociaux. Pourtant la loi ne fixait que le cadre, renvoyant le reste à la négociation collective, et les syndicats étaient d'accord pour limiter le rôle de ces comités à la gestion des _uvres sociales et culturelles. Les entreprises pouvaient se regrouper par branche ou par territoire pour créer ces comités. Cette mesure non contraignante aurait permis aux salariés des PME de bénéficier des avantages sociaux dont ils sont actuellement privés, facilitant leur recrutement.

Or non seulement vous perpétuez la discrimination actuelle, mais vous en introduisez une nouvelle, puisque l'article 9 de votre projet permet aux entreprises de moins de 200 salariés de refuser l'aménagement de leur temps de travail aux salariés voulant créer une entreprise.

Et que dire de la formation ? Pas une ligne là-dessus dans votre texte ! Or, cette question est essentielle pour les PME. Le projet Patriat organisait le remplacement du salarié en formation et le finançait par une aide non plus forfaitaire, mais proportionnelle à la durée de l'absence. En outre, le gouvernement précédent avait pris des dispositions permettant la validation de l'expérience professionnelle et rénovant les procédures d'homologation des formations par la tenue d'un répertoire national des certifications professionnelles. De plus, il avait réformé le financement de l'apprentissage et clarifié la gestion de la taxe d'apprentissage.

Vous avez négligé de mener cette réflexion sur la formation, qui est pourtant un outil essentiel de valorisation des petites entreprises.

Vous négligez également leur rôle dans l'aménagement du territoire, qui était pourtant l'axe privilégié de la proposition du sénateur Raffarin, adoptée en première lecture durant la précédente législature. Pourtant le « document d'orientation et de consultation » publié cet été par le ministère rappelle qu'« aidées par des incitations bien ciblées, les entreprises peuvent aussi contribuer au développement de zones économiques défavorisées » (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Vous vous bornez à annoncer l'extension du mécanisme des zones franches urbaines.

Sous la précédente législature, la loi sur les nouvelles régulations économiques a renforcé la protection des intérêts des PME face aux grands groupes. La loi solidarité et renouvellement urbain a intégré les schémas d'équipements commerciaux dans un document d'urbanisme plus large.

Nous avons, en outre, fortement soutenu le commerce de proximité par l'intermédiaire du FISAC ; sur ce point, vous avez pris de bonnes mesures (« Ah ! Enfin !» sur les bancs du groupe UMP).

Dans les zones rurales, l'emploi repose en grande partie sur les petites entreprises, il est donc important de soutenir par des mesures spécifiques la création et la transmission d'entreprises dans ces zones et d'y assurer une activité marchande minimale. Nous aurions des propositions à vous faire à ce sujet en commission : création de maisons d'initiative locale, financement de locaux, politique de contractualisation, telle qu'elle est pratiquée en agriculture avec les CTE - que vous avez supprimés sans les supprimer... (« Usines à gaz ! » sur les bancs du groupe UMP)

Autre oubli, l'économie solidaire. Les coopératives, qui mettent l'économie au service de l'homme, sont pourtant compétitives : il faut veiller à ce que la concurrence reste équitable face aux grands groupes.

Bien avant le candidat Jacques Chirac, nous avions formulé l'objectif de création d'un million d'entreprises en cinq ans (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Mais cet objectif s'accompagnait de la volonté de pérenniser les entreprises créées. Or, votre projet néglige cet aspect. Vous faites une présentation quasi promotionnelle de la création d'entreprise : votre document est très beau, félicitations ! mais cela relève de l'affichage. Il manque le service après-vente. Créer c'est bien, pérenniser c'est mieux ! Pour moi, qui suis un homme de la terre, il est sage de finir son assiette avant de se resservir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Prenez garde, en vous focalisant sur la création, de ne pas négliger les mesures nécessaires à la survie des entreprises. L'un des vôtres, M. Caillaud, reconnaissait l'an dernier au projet Patriat le mérite de bien poser l'enjeu de la transmission, dont il estimait que « les gouvernements successifs » ne s'étaient pas assez préoccupés, appelant à un changement de cap.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est fait !

M. Michel Vergnier - Vous vous contentez de reprendre les dispositions du projet Patriat, en transformant toutefois nos mesures incitatives en véritables cadeaux fiscaux. Vous oubliez en outre un dispositif que nous avions expérimenté avec succès : les prêts à la reprise d'entreprises.

M. le Secrétaire d'Etat - Trente mille annoncés, dix mille réalisés...

M. Michel Vergnier - Vous reprenez la limitation de l'imposition des plus-values en cas de reprise d'entreprise, en fixant des seuils moins favorables et en faisant disparaître le traitement préférentiel au profit des salariés ? En ouvrant cette mesure à tous, vous transformez une incitation au choix d'un repreneur averti en une simple déduction fiscale.

Votre article 23 concernant la réduction d'impôt pour les intérêts d'un prêt destiné à la reprise d'entreprise est l'exacte réplique de notre article 8, à cette exception près que vous transformez une incitation en cadeau fiscal en augmentant considérablement les seuils de déductibilité.

M. le Secrétaire d'Etat - A la grande satisfaction des artisans et des commerçants !

M. Michel Vergnier - Autre cadeau, l'article 24 double le plafond de l'exonération des droits de mutation pour les donations d'entreprise à un salarié.

Mais je ne vais pas vous reprocher d'avoir repris, certes en les adaptant à vos idées, nos propositions antérieures. Je m'étonne en revanche que vous ayez laissé de côté d'autres mesures favorables au développement des entreprises.

Ainsi le gouvernement précédent avait apporté un soutien constant aux principaux réseaux d'accompagnement qui jouent un rôle crucial et limitent les risques de défaillance. A l'évidence, ces réseaux ne sont pas au c_ur de vos préoccupations.

M. le Secrétaire d'Etat - Leurs crédits ont été augmentés de 50 % dans la loi de finances pour 2003...

M. Michel Vergnier - Vous vous contentez dans ce projet d'accorder des avantages fiscaux aux entreprises sur les dons qu'elles font à ces réseaux...

Par ailleurs, le contrat d'accompagnement de l'article 10, outre qu'il favorisera l'essaimage, incitera les salariés à se tourner vers leur entreprise d'origine pour une fonction habituellement assurée par les réseaux de création d'entreprises. Le contrat prévoit que l'accompagnateur assumera jusqu'à la création les engagements pris par le salarié à l'égard des tiers : quel réseau pourrait assumer un tel risque ? Faut-il y voir votre volonté d'empêcher les réseaux de jouer leur rôle ?

Le projet Patriat prévoyait par ailleurs l'extension du champ d'action des groupements de prévention agréés en leur permettant de recueillir des données comptables, financières et économiques et en rendant possible l'adhésion des entreprises individuelles. Pourquoi ne pas avoir repris cette proposition puisque la prévention des risques est essentielle à la survie des entreprises, surtout des plus petites ?

De même, vous avez abandonné toutes les mesures que nous avions envisagées pour rééquilibrer les relations entre le créateur d'entreprise et la banque. Je pense en particulier à la meilleure protection des personnes physiques non professionnelles se portant caution ou codébitrice d'un entrepreneur. Il était question également de renforcer l'information des cautions, d'étendre les compétences des commissions départementales de surendettement, de créer une obligation de proportionner les engagements des cautions aux moyens de ceux qui les accordent. La commission a heureusement adopté un amendement à ce propos.

Vous avez également renoncé à toute réflexion sur la sécurisation des concours bancaires. Le projet Patriat prévoyait notamment d'instaurer un délai minimum de préavis en cas de dénonciation d'un crédit par l'établissement prêteur.

M. le Secrétaire d'Etat - Nostalgie...

M. Michel Vergnier - J'en viens à un oubli majeur sur un sujet capital pour la survie des entreprises : l'accès au financement. Vous avez complètement écarté la question de l'épargne populaire. Le projet de M. Patriat offrait au créateur la possibilité d'utiliser son PEL, son PEA ou son LEE, sans pénalités, ainsi que l'augmentation du plafond de dépôt des CODEVI.

Comme seule réponse aux problèmes de financement des PME, le Gouvernement propose l'assouplissement de la définition du caractère usuraire des taux bancaires, avec le risque d'une augmentation par les banques des coûts de financement des projets des PME. Une fois encore, la commission a rectifié le texte...

Vous vous êtes bien gardés de faire une quelconque publicité au dispositif efficace que sont les prêts à la création d'entreprise, qui permettent d'alléger le risque consenti par les banques tout en assurant la solidité des projets.

Ce texte réduit l'attractivité à sa seule dimension fiscale, ce qui conduit à proposer de nombreuses mesures d'exonération dont la justification économique ne pourra être mesurée que dans quelques temps.

C'est un texte d'inspiration libérale, uniquement constitué de cadeaux fiscaux et servant de prétexte à une réforme indécente de l'ISF. Lisez ce qu'a dit le maire de Cannes à ce sujet : il a l'intention de mettre cette réforme à profit pour investir ailleurs que dans sa ville, là où c'est fiscalement le plus intéressant,...

M. Patrick Labaune - A Vénissieux...

M. Michel Vergnier - ...ajoutant quand même que si cela sert aussi à créer des emplois, c'est bien...

M. Patrick Labaune - C'est le but !

M. Michel Vergnier - Le but déguisé, on l'avait compris... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

La reprise du principe des fonds communs de placement territoriaux de la loi Patriat qui prévoyaient des seuils d'exonération fiscale des sommes investies égaux à ceux applicables aux FCP-risques ainsi qu'une limitation des prêts accordables aux entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7,6 millions d'euros, s'accompagne d'une exonération des produits, plus-values et dividendes...

Enfin, il est prévu de faire compenser par l'Etat les pertes subies par les investisseurs, sous la forme de leur déductibilité fiscale. Le doublement de l'avantage fiscal existant ne peut se justifier que par votre volonté d'appliquer votre principe de « mutualisation des pertes », tandis que la somme des exonérations fiscales appliquées aux produits de l'investissement permet la privatisation des profits...

Plusieurs membres de la majorité ont insisté sur la nécessité d'une réforme de l'ISF.

M. François Sauvadet - D'un ajustement... (Sourires)

M. Michel Vergnier - C'est ce que vous allez dire bien fort.

Le président de la commission des finances lui-même a été surpris de voir arriver un texte du Gouvernement qu'il n'avait pas prévu et qui allait au-delà de ses propres réflexions. Au moment où se multiplient les plans de licenciement, il est indécent d'aborder ce sujet !

Le Premier ministre n'a pas le courage d'aller au bout de ses idées, il se contente d'incantations et laisse les parlementaires faire la besogne. Mais voyez ce que pensent les Français de cette réforme...

On nous accusait l'an dernier de nous contenter de promettre et de séduire. Pensez-vous que vous pouvez impunément prendre les Français pour des idiots ? Le temps permettra, une fois l'effet d'aubaine passé, de juger de l'efficacité de cette réforme.

Les lacunes de ce texte devraient nous conduire à revenir en commission d'autant plus qu'on nous annonce un texte ultérieur dont nous ignorons tout. Quand on construit une maison, il faut commencer par les fondations, pas par le tape-à-l'_il. Ces fondations - le suivi, la formation - font défaut à votre texte.

Vous avez rejeté tout le travail de préparation du gouvernement précédent. La commission spéciale a travaillé dans la précipitation, l'à peu près, sans que les membres de la majorité soient toujours d'accord entre eux. Prenons le temps de travailler vraiment ensemble. Mon voisin - et ami - Nicolas Forissier demandait l'an dernier que le gouvernement suivant, quel qu'il soit, fasse, dans la concertation, un tour d'horizon de la situation des PME afin d'élaborer un véritable contrat pour mener une action sur cinq ans en faveur des entreprises. Ne nous faites pas regretter que Nicolas Forissier ne soit pas devenu ministre... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé Novelli , président de la commission spéciale - M. Vergnier a tenté de défendre l'indéfendable. J'ai d'ailleurs cru l'entendre parler plutôt du texte de M. Patriat...

M. Eric Besson - Forcément, il le connaît mieux !

M. le Président de la commission - C'est une vision un peu passéiste, je le crains, tout en comprenant sa nostalgie. Les temps changent. Après des textes d'orientation, est venu le temps de l'action, et c'est le mérite de ce projet que de la proposer. Il le fait au terme d'un réflexion longuement mûrie, car le ministre a mené une concertation sans précédent...

M. Michel Vergnier - Sur l'ISF ?

M. le Président de la commission - ...au point que les parlementaires auraient pu avoir le sentiment que ce texte allait être adopté sans eux ! Pour cet effort pédagogique, je lui rends hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La commission a bien travaillé. Elle a fait 15 heures d'auditions, a examiné 240 amendements et en a adopté 80.

Ce texte est purement fiscal, dites-vous. C'est oublier le titre I consacré à la simplification, oublier les dispositions facilitant le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur. Il ne parlerait pas des artisans, dites-vous. Si, comme des commerçants, comme des professions libérales, car il parle enfin de l'entrepreneur, grand ou petit. Il ne contiendrait rien sur la création ou sur la transmission d'entreprises. Un titre entier y est consacré ! Enfin, ce projet serait un alibi à de scandaleux amendements pour modifier l'ISF alors que s'accumulent les plans sociaux. Mais justement, c'est le moment d'afficher notre foi en ceux qui créent emplois et richesses, et de faciliter, sur le plan fiscal, le financement de la création et du développement des entreprises. Limiter ce texte à l'ISF, c'est le voir par le petit bout de la lorgnette...

M. Michel Vergnier - En tout cas, cela coûte cher.

M. le Président de la commission - Non. Pas autant que les 35 heures. La commission a délibéré. Comme l'a demandé le Premier ministre, le temps de la réforme et de l'action est arrivé. Il faut rejeter cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

Mme Chantal Brunel - C'est un très bon texte pour favoriser la création et la transmission des entreprises et pour drainer l'épargne vers elles. Le groupe UMP ne votera pas la motion.

M. Eric Besson - M. Vergnier a fait une présentation claire, complète, émouvante même parfois, quand au nom de l'amitié, il a souhaité une belle carrière à Nicolas Forissier (Sourires).

Il a montré de façon explicite que vous ne faites pas ce que vous prétendiez faire il y a un an, il a dit le caractère inachevé de ce texte qui ressort parfois du bricolage. Ainsi, Monsieur le ministre, en vous entendant hier soir parler des FIP, j'ai eu le sentiment que vous ne saviez pas encore trop bien comment ils vont fonctionner. A l'évidence, il faudrait y travailler en commission. Il a insisté sur de grandes lacunes, comme l'absence de politique d'accompagnement - créer des entreprises, c'est bien, encore faut-il les pérenniser - et de dispositions en faveur des toutes petites entreprises.

Monsieur le ministre, vous nous avez tous écoutés avec courtoisie. Mais j'ai été surpris, en vous entendant hier soir, que vous ne répondiez pas, même de façon synthétique, aux orateurs. Nous en avions l'habitude jusqu'ici.

M. le Président - Cette question a fait l'objet d'un rappel au Règlement, et le ministre a répondu.

M. Eric Besson - D'autre part, j'ai été très choqué d'entendre des collègues de la majorité dire qu'ils s'exprimaient à la fois comme chefs d'entreprise et comme députés. Nous avons une autre conception de notre rôle de représentants de l'intérêt général.

Il est tout de même rare de s'exprimer à la tribune « en tant que médecin », lors de l'examen du PLFSS, ou « en tant que professeur » quand le débat porte sur l'éducation nationale.

M. le Président - C'est arrivé très souvent.

M. Eric Besson - Il est agréable de dialoguer ainsi avec vous, Monsieur le Président, mais ce n'est guère habituel ! Vous avez été nombreux à dénoncer le fossé qui sépare les chefs d'entreprise et le grand public, mais ce n'est pas en s'affichant ainsi, en caricaturant nos opinions, nos parcours, nos prises de position, que vous le réduirez. Que chacun s'exprime ici en tant que député !

M. le Président - Vous avez oublié de nous dire quel serait le vote du groupe socialiste.

M. Eric Besson - C'est que vous m'avez troublé, Monsieur le Président. Mais vous aurez sans doute compris que le groupe socialiste votera la motion.

M. Charles de Courson - Notre collègue socialiste a été bien laborieux dans ses explications ! Si vous aimez autant les petites et moyennes entreprises, pourquoi diable avoir attendu la fin de la mandature pour présenter un texte ?

M. Michel Vergnier - Vous n'avez rien écouté !

M. Charles de Courson - Pour une raison politique, bien sûr. Le groupe communiste n'a pas soutenu le texte de M. Patriat, et vous ne parvenez même pas à vous entendre sur la nécessité de développer les petites et moyennes entreprises. La gauche « plurielle » est contradictoire. Et aujourd'hui, vous auriez l'audace de demander le renvoi de ce texte en commission, pour que l'on attende encore quatre ans et demi ! L'UDF s'y refuse, et elle votera contre la motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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