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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 55ème jour de séance, 142ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 11 FÉVRIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      ÉLECTIONS RÉGIONALES ET EUROPÉENNES (suite) 2

      REQUÊTE EN CONTESTATION
      D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES 17

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 12 FÉVRIER 2003 18

La séance est ouverte à vingt et une heures.

ÉLECTIONS RÉGIONALES ET EUROPÉENNES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

M. René Dosière - Rappel au Règlement. Comme je l'ai souligné lors de la précédente séance, le rapport qui a été distribué induit la représentation nationale en erreur, et de manière particulièrement grave puisqu'il s'agit de rien moins que de simulations électorales. Pour tout dire, je n'ai pas en mémoire d'autre exemple de rapport à ce point erroné. Comment est-il possible qu'une fois adoptée une nouvelle version de l'article 14, à la demande du ministère de l'intérieur, la commission n'ait pas modifié son rapport pour y inclure les simulations correspondant aux modifications introduites ? En l'état, l'Assemblée est manifestement insuffisamment éclairée. J'attendais du ministre qu'il nous donne des explications à ce sujet, mais elles ne sont pas venues...

M. Jean-Luc Préel - Le renvoi en commission s'impose !

M. René Dosière - La situation est singulière : nous devons examiner un texte dont l'importance est incontestable, mais nous ne disposons pas de tous les éléments pour en apprécier l'impact ! Pire, les simulations diffusées nous induisent en erreur. Je demande donc une suspension de séance d'une demi-heure afin que le groupe socialiste puisse se réunir et déterminer la démarche à adopter face à cette situation inacceptable.

M. le Président - J'ai pris acte de votre rappel au Règlement. Tout à l'heure, Mme Guinchard-Kunstler, ma collègue à la vice-présidence, vous a entendu vous exprimer sur le sujet, et elle a appliqué le Règlement. Ne comptez pas sur moi pour me désolidariser de la présidence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Cela étant, puisque vous estimez devoir réunir votre groupe, je suspends la séance pour cinq minutes.

La séance, suspendue à 21 heures 10, est reprise à 21 heures 15.

M. Hervé Morin - Rappel au Règlement ! Sans répondre point par point à M. Sarkozy, je souhaite faire quelques observations.

M. le Président - Vous intervenez sur le déroulement de la séance, n'est-ce pas ?

M. Hervé Morin - Je joue cartes sur table.

Je veux dire à M. le ministre de l'intérieur que, sur tous ces bancs, nous partageons son objectif : trouver un mode de scrutin qui donne une majorité tout en garantissant la représentation de l'ensemble des forces politiques.

Nous souhaitons faire pleinement partie de la majorité (« Ah ! » bancs du groupe UMP).

Si un fossé risque de se creuser entre l'UMP et l'UDF, ce n'est pas de notre responsabilité. Le Premier ministre avait fait état d'arbitrages. Il s'était donné la peine d'appeler le président de l'UDF pour lui dire que le seuil de maintien au second tour serait bien fixé à 10 % des suffrages exprimés.

M. Bernard Roman - Il a fait cela ? On en apprend ! C'est grave.

M. Hervé Morin - Or il apparaît que, sous l'effet de je ne sais quelle pression amicale, les règles ont été modifiées quelques jours avant l'examen de ce texte à l'Assemblée.

Le fossé est donc creusé par ceux pour qui l'UDF est de trop (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Je veux rappeler la position d'un ancien Premier ministre, aujourd'hui président de l'UMP. A propos d'une modification des modes de scrutin, M. Juppé déclarait en 1996 : « Cette réforme ne peut être engagée que sur la base d'un accord aussi large que possible ». Telle était la volonté de l'actuel président de l'UMP, dont j'ai regretté l'absence pendant le discours du ministre. Entre 1996 et 2003, il a dû se passer quelque chose que je connais pas : la vérité d'hier n'est pas la vérité de demain !

Je ne citerai pas le président de la commission des lois (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais il nous a tout de même expliqué un jour qu'on ne peut modifier les modes de scrutin sans un consensus national. Cette manie de changer les règles à chaque changement de majorité fait que nous avons modifié vingt-neuf fois le mode de scrutin législatif depuis 1789. Et penser qu'en manipulant les seuils on s'assure la majorité de demain est une lourde erreur : nos collègues socialistes peuvent en témoigner.

Monsieur le ministre, vous dites que ce projet rendra les élections compréhensibles à l'électeur. Que le régime électoral allemand soit incompréhensible, c'est probable. Mais je n'ai trouvé personne qui puisse m'expliquer le mode de scrutin que vous proposez pour les européennes : il est inintelligible !

On nous dit qu'il rapprochera l'élu de sa région. Nous avons fait des simulations, sur la base des résultats enregistrés aux dernières européennes. Les deux députés européens de la Haute-Normandie seraient un socialiste et un vert : 65 à 70 % des électeurs de ma région ne seraient pas représentés. Le député européen de la Corse serait obligatoirement un communiste ou un candidat de la LCR ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Bernard Roman - C'est merveilleux !

M. Hervé Morin - Je ne pense pas que les électeurs corses se sentent bien représentés de la sorte.

Nous ne demandons qu'une chose : que les engagements pris par le ministre de l'intérieur et par le Premier ministre soient tenus. Et ils seront tenus. Notre combat pour le pluralisme sera gagné. Nous voulons que le seuil soit fixé à 10 % des suffrages exprimés et non des inscrits.

Je veux vous dire, mes chers collègues de l'UMP, que vous aurez besoin de tout le monde. Qui peut penser qu'un seul parti puisse détenir partout la majorité, dans un pays si profondément attaché au pluralisme ?

Si vous pensez que ce projet vous met à l'abri de ce qui est arrivé à Lionel Jospin en 2002, vous vous mettez le doigt dans l'_il ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) Tous ceux qui ont modifié le mode de scrutin en espérant en tirer profit se sont retrouvés fort marris au lendemain des élections (Mêmes mouvements).

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Monsieur le président Morin, votre interpellation était courtoise et sincère. Il n'y a aucune raison pour que le Gouvernement ne vous réponde pas. Ce serait discourtois et je n'ai nulle envie de l'être.

Si vous voulez dire qu'on ne gagne pas les élections en changeant le mode de scrutin, il ne fallait pas vous donner tout ce mal car cela fait longtemps que je le sais.

Vos collègues socialistes en ont fait l'expérience douloureuse (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Aucune formation politique n'a de leçons à nous donner.

Nous allons modifier deux modes de scrutin. Ces modifications sont nécessaires et nous les avons tous réclamées (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Ne jouons pas au petit jeu des propositions. Quand s'est constitué le Gouvernement, nous avons trouvé un projet ...

M. Bernard Derosier - Une loi ! Votée par le Parlement !

M. le Ministre - C'est bien la preuve qu'il fallait changer ces modes de scrutin (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Mais je veux bien que vous ayez du mal à comprendre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Si vous croyez que vous impressionnez le Gouvernement en menaçant de vous en aller, vous vous trompez ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous avons eu en votre absence un débat aussi intéressant qu'en votre présence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Dans une même majorité, Monsieur Morin, on se doit la vérité. Je vais donc vous dire loyalement ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. La règle des 10 % des inscrits est une règle sur laquelle le Gouvernement s'est engagé. Pour autant, il y a matière à amender et le Gouvernement est ouvert sur deux points : si vous considérez, les uns et les autres, que la section régionale des élections européennes constitue un élément de complication et qu'il convient d'y renoncer, le débat est tout à fait ouvert. Et si vous demandez, Monsieur Bayrou - je crois que c'est l'objet de l'un de vos amendements - des garanties supplémentaires de proportionnalité en ce qui concerne les fusions, je réponds que c'est une idée intéressante qui mérite d'être travaillée.

Je crois faire ainsi des ouvertures non négligeables. Je ne prétends certes pas répondre à toutes vos questions ni vous convaincre, mais je pense que cela ouvre un champ à la discussion, comme il convient dans une majorité capable de dialoguer et de se respecter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Ayrault - Puisque nous avons ouvert la discussion générale avant l'heure, avec des rappels au Règlement se transformant en explications sur le fond ...

M. le Président - Le dialogue m'a paru utile.

M. Jean-Marc Ayrault - Tout à fait. Mais cela m'autorise à faire à mon tour quelques observations.

Dans un bon nombre de régions, les élections de 1998 n'ont pas permis, c'est vrai, de dégager de nettes majorités et il y a eu des situations difficiles. Mais dans ce contexte, les socialistes n'ont jamais fait le jeu du Front national, au contraire. Rappelez-vous par exemple ce que nous avons fait en Rhône-Alpes. Par contre, des majorités contre nature - droite et extrême-droite - se sont constituées en Picardie, en Languedoc-Roussillon - y compris avec l'UDF - et en Bourgogne. Voilà la réalité politique, Monsieur le ministre ; c'est à vous et vos amis qu'elle est imputable.

Pour éviter que de telles dérives se reproduisent, la gauche a voté en 1999 une réforme. N'essayez donc pas de faire croire, Monsieur le ministre, qu'en 2004 les électeurs seraient convoqués aux urnes sur les mêmes bases qu'en 1998 et que pourraient de nouveau se produire des conciliabules de couloirs et des alliances honteuses ! La réforme que nous avons votée en 1999 permet à la fois que les minorités soient représentées et respectées et qu'une majorité se dégage, puisque nous donnons une prime à la liste arrivée en tête, comme cela se passe aux municipales.

La réforme que vous proposez ne se justifie donc pas, Monsieur le ministre, et nous vous empêcherons de faire voter ce texte inique qui vise seulement à imposer le pouvoir absolu d'un seul parti, l'UMP, dont le dirigeant n'a même pas eu le courage de venir ce soir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Brunhes - Il est dangereux, Monsieur le ministre, de vouloir modifier un mode de scrutin à un an des futures élections. Vous le sentez d'ailleurs et vous et le Premier ministre avez donc reçu les représentants des différents partis politiques. Malheureusement, le Gouvernement les a écoutés mais pas entendus ; et il n'y a rien dans le texte qui tienne compte de leurs critiques.

Je vous fais d'autre part observer que la réforme votée en 1999 a fait l'objet d'un consensus et qu'on ne peut donc pas la gommer négligemment. Certes, notre groupe en avait discuté âprement certains points - nous récusions en particulier les seuils de 10 % des suffrages exprimés et de 5 % pour les fusions - mais précisément, nous avions en définitive obtenu des seuils de 7 % et 3 % qui assuraient une meilleure représentation de la diversité de notre pays. Nous avions aussi posé la question suivante : à partir du moment où la loi prévoit une prime majoritaire qui assure que les régions puissent être gouvernées, à quoi servent les seuils ?

M. François Bayrou - Très bien !

M. Jacques Brunhes - Etant donné que la réforme de 1999 permet désormais aux régions d'être gouvernées, il faut supprimer le seuil de 10 %, qui tendrait à créer dans notre pays un bipartisme dangereux pour la démocratie.

En ce qui concerne les élections européennes, Monsieur le ministre, nous sommes pour une circonscription nationale et ce n'est pas parce que des propositions Moscovici ou Barnier ont été formulées que nous avons changé d'avis. Et comme il ne s'agit pas, dans ce cadre, de dégager une majorité, mais d'assurer une juste représentation, nous sommes pour le scrutin proportionnel. Si vous touchez à l'une ou l'autre de ces données, Monsieur le ministre, vous altérez la représentation de la France, quelles que soient les compensations techniques que vous imaginiez par ailleurs. J'ajoute que nous serions le seul pays d'Europe, exceptée peut-être l'Allemagne pour les Länder, à procéder de cette manière.

M. Patrick Ollier - Nous sommes entrés dans la discussion générale ?

M. Jacques Brunhes - Ce texte vise explicitement à favoriser le bipartisme. Mais on sait à quoi cela conduit. Voyez les Etats-Unis : seulement 40 % de votants et une fausse alternance entre les « ânes » et les « éléphants ». Si l'offre politique diminue, il n'y a plus de démocratie !

Enfin, notre méthode de travail est inacceptable. Alors que vous nous avez reçus le 24 octobre et que bien des choses se sont passées depuis, nous sommes contraints d'examiner ce texte à la va-vite, à la veille des vacances. Eh bien, cela me paraît dangereux pour notre assemblée elle-même (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. le Ministre - Puisque nous semblons avoir entamé la discussion générale par un détournement de procédure que je juge préférable à l'obstruction frontale qui ne mène à rien et qui donne de nous une mauvaise image, je répondrai par courtoisie au président Ayrault.

Le texte de 1999 présentait à nos yeux des faiblesses difficilement acceptable. Tout d'abord, il nous est apparu nécessaire de corriger un système qui, si l'on prend l'exemple de la région Ile-de-France, aurait abouti, avec la circonscription régionale sans cadre départemental, à soumettre aux 13 millions d'habitants un bulletin avec 209 noms de candidats (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). En deuxième lieu, ce système présentait le risque, que nous avons voulu conjurer, de privilégier les départements les plus peuplés.

Enfin, il nous semblait malvenu de prévoir deux durées de mandat différentes pour trois scrutins locaux.

Sur le Front national, j'étais à l'époque secrétaire général du RPR et je me souviens fort bien que nous avons procédé alors à un certain nombre d'exclusions d'élus qui s'étaient laissé aller à des comportements indignes et que cela nous a coûté assez cher en termes électoraux. Je me souviens aussi que l'intervention du Président de la République, que les choix de Philippe Séguin, qui était alors président du RPR, que l'attitude constante d'Alain Juppé ont toujours été d'une clarté absolue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous dites par ailleurs, Monsieur Ayrault, que vous allez empêcher le vote de la loi. Mais il faudrait pour cela que vous soyez capables de rassembler une majorité. Si tel est le cas, nous nous inclinerons ; dans le cas contraire, c'est vous qui vous inclinerez...

Vous avez enfin parlé de parti unique. Mais s'il y a un risque, c'est plutôt que le système favorise le bipartisme.

M. Maurice Leroy - Oui !

M. le Ministre - Et je ne vois vraiment pas en quoi l'UMP serait plus favorisée que le parti socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). De ce point de vue, l'argumentation de l'UDF paraît donc plus pertinente que la vôtre.

Monsieur Brunhes, si les seuils devaient être fixés pour tenir compte des soucis du parti communiste, je crains qu'ils ne puissent être qu'indicatifs... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Le temps passe vite : le seuil de 7 % que vos alliés vous avaient concédé hier ne serait plus suffisant aujourd'hui ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Patrick Braouezec - On ne sait pas de quoi demain sera fait...

M. le Ministre - J'ajoute que ce n'est pas parce que, pour des raisons démocratiques, j'ai consulté le parti communiste, que je suis obligé de le suivre...

Cela dit, vous nous avez offert un bon moment : entendre le PCF parler de démocratie, c'est beau, mais est-ce crédible ? (Vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. le Président - Je donne la parole à M. de Villiers pour un rappel au Règlement.

M. Philippe de Villiers - Monsieur le ministre, votre immense talent ne vous permet de masquer qu'imparfaitement qu'au fond vous êtes d'accord avec une grande partie de cette assemblée, qui considère que ce projet n'est pas bon. Vous êtes un homme de bon sens et ce texte est, pour plusieurs raisons, une mauvaise affaire.

Notre expérience politique nous enseigne qu'il ne faut toucher aux lois électorales que d'une main tremblante et que tous ceux qui s'y sont essayé en ont été pour leurs frais.

Le Premier ministre est arrivé il y a quelques mois avec une image anti-politicienne d'homme de terrain.

M. Patrick Lemasle - C'est bien fini...

M. Philippe de Villiers - Je crains que ce débat, qui risque de durer et d'aller toucher les Français chez eux, ne déchire cette belle image. Il faudra sans doute, à l'avenir, ne toucher aux lois électorales que s'il y a consensus. Tel était d'ailleurs votre état d'esprit, lorsque vous avez reçu, un à un, tous les responsables de partis politiques sans exception. Vous les avez reçus avec courtoisie, avec attention, vous leur avez parlé sincèrement, avec votre c_ur. C'était un bon départ, nous regrettons d'être aujourd'hui devant un véritable couperet.

Il y a ce soir un grand malaise, qui explique sans doute l'absence de nombre de nos collègues de l'UMP. La bonne pratique politique, c'est une première raison de retirer ce projet.

J'en vois, bien sûr, une deuxième. De quoi parle la rue en ce moment ? De quoi parlent les chancelleries ? De quoi parlent les capitales étrangères ? De quoi parle tout le monde ? Du risque de guerre en Irak. Et de quoi parle la représentation nationale ? De cuisine électorale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Alors, Monsieur le ministre, je vous en supplie, retirez ce projet, reportez ce débat à des heures plus calmes, plus sereines car ici, vous le voyez, ça ne passe pas.

M. Patrick Ollier - Mais si !

M. Philippe de Villiers - C'est la représentation nationale qui risque d'être blessée dans l'opinion publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Président - Je vais donner la parole aux présidents Bocquet, Ayrault et Bayrou, puis nous passerons au rapporteur.

M. Dominique Dord - Et nous ? On existe quand même...

M. Alain Bocquet - Monsieur le ministre, vous avez osé traiter le parti communiste, donc les députés communistes, avec beaucoup de légèreté, de causticité et un tantinet de haine (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Je me dois de réagir. Je vous rappelle qu'en 1940 (Protestations et interruptions sur les bancs du groupe UMP). Je parle du siège de Gabriel Péri ! En 1940, donc, le parti communiste représentait 0 % des voix puisqu'il avait été interdit et que ses 81 députés, dont nous sommes les héritiers, avaient été déchus et que certains se trouvaient au bagne de Maison-Carrée. Ils ont lutté, dans la Résistance, avec les gaullistes et avec d'autres, pour défendre la France. Vous qui faisiez référence à la courtoisie et au respect, vous pourriez prendre des leçons...

Vous brocardez le parti communiste, oubliant que tout le monde a des temps difficiles et des temps meilleurs. Dois-je vous rappeler, quand on parle du seuil de 10 % des inscrits, que le Président de la République n'a obtenu que 13 % des inscrits aux présidentielles (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Georges Tron - Et Robert Hue ?

M. Alain Bocquet - Cela dit, nous avons pris nos responsabilités, au second tour, lorsqu'il s'agissait de faire barrage à Le Pen, ne l'oubliez jamais, Monsieur Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Les députés qui sont sur ces bancs ont toujours défendu la liberté et la démocratie. Ils le font encore aujourd'hui, face à cette loi scélérate, inique, qui ressemble fort à une grande magouille.

Nous ne vous laisserons pas faire. Nous nous battrons pied à pied. Quant à vous, faites preuve d'un peu de modestie, Monsieur le ministre de l'intérieur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Marc Ayrault - Je m'associe à l'indignation du président Bocquet et exprime ma solidarité au groupe communiste et républicain.

Monsieur Sarkozy, vous avez souhaité un dialogue courtois, mais vous devez éviter les inexactitudes. Je vous ai interpellé sur les alliances passées aux élections de 1998, et qui sont maintenues dans trois régions, dont l'un des présidents, M. Soisson, siège sur les bancs de l'UMP. Si vous étiez cohérent, vous lui demanderiez de quitter l'UMP, mais vous ne le ferez pas ! N'avez-vous pas, il y a quelques temps, accepté la réintégration de M. Baur, président de la région Picardie, qui s'était allié au Front national ? L'UMP ne compte-t-elle pas, parmi ses sénateurs, M. Blanc, président de la région Languedoc-Roussillon, lui aussi à l'origine d'une alliance avec le FN, le RPR n'a-t-il pas lui-même, il y a quelques années, intégré Jacques Peyrat, député FN, pour lui confier la mairie de Nice ? Nous n'avons pas la mémoire courte !

Nous nous sommes souvent fait violence, et nombre d'électeurs et d'électrices de gauche ont voté Jacques Chirac le 5 mai dernier, au second tour des présidentielles, pour faire prévaloir l'intérêt de la République sur l'intérêt partisan et dire non à l'extrême-droite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Enfin, vous ironisez sur l'intérêt du bipartisme pour le parti socialiste. Mais M. Morin l'a très bien expliqué, vous ne parviendrez jamais à faire prévaloir le bipartisme par la force pour imposer, après l'Etat RPR, l'Etat UMP.

M. Georges Tron - Et l'Etat socialiste ?

M. Jean-Marc Ayrault - Favorables aux alliances politiques, nous refusons quant à nous d'imposer, par un mode de scrutin, la prépondérance de notre parti. Les prochaines élections régionales seront pour nous l'occasion de démontrer notre capacité à unir toute la gauche mais sur un programme et un contrat de confiance, qui respecteront la place de chacun. C'est que nous n'avons pas la même conception que l'UMP du fonctionnement des institutions démocratiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Bayrou - M. Sarkozy a abordé un certain nombre de sujets qui méritent une mise au point.

Tout d'abord, il me permettra de lui dire de manière amicale que je ne partage pas la condescendance avec laquelle il a exprimé le sentiment des « grands » partis à l'égard des « petits ». Je me souviens de certaines élections, notamment les européennes de 1999, où ceux qui se croient « grands » aujourd'hui s'étaient retrouvés assez « petits », tandis que certains qui étaient « petits » avaient toutes les chances de devenir « grands » plus tard (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Les résultats électoraux vont et viennent, portés par le sentiment des citoyens.

Pour ce qui est de la prétendue obstruction, si un grand nombre d'amendements ont été déposés par trois des quatre formations politiques, il s'agit, non d'empêcher le débat, mais d'inciter les citoyens de la République française à s'y intéresser (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). L'arrière-pensée de quelques animateurs de formation politique n'est-elle pas de faire passer en catimini une réforme qui, aussi inconvenante soit-elle au regard de l'actualité, n'en affecte pas moins les Français par la menace qu'elle fait peser sur l'expression pluraliste ?

Par ailleurs, je voudrais dire que s'il y a quelqu'un au sein du Gouvernement qui a tout fait pour tenter de trouver un consensus, sur la question du scrutin régional en particulier,...

Quelques députés socialistes - Ce n'est pas M. Raffarin !

M. François Bayrou - ...c'est bien M. Sarkozy ! S'il y a quelqu'un qui a tout fait pour tenter de convaincre des responsables majeurs que c'était une erreur de porter atteinte au pluralisme, c'est lui ! Je tiens à lui rendre cet hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Cela dit, je sais que la solidarité gouvernementale oblige à défendre une position que l'on réprouve, et que des débats peuvent avoir lieu avant que le Gouvernement n'arrête sa position, mais la situation présente est inédite. Il y a eu une délibération gouvernementale, qui a abouti à un texte de consensus, envoyé au Conseil d'Etat, communiqué à toutes les formations politiques. Malheureusement, que s'est-il passé entre le dépôt de ce texte, son retour du Conseil d'Etat, et son arrivée sur la table du Conseil des ministres ? (« Juppé ! » sur les bancs du groupe socialiste) L'accord a été trahi du fait d'un oukase du parti gouvernemental, sommant le Gouvernement de prendre à son compte la mauvaise manière que ce parti avait méditée pour servir ses intérêts électoraux.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. François Bayrou - Un débat a été ouvert sur le bipartisme, et il revêt une importance capitale pour la démocratie française. A mon tour de dire que même si le parti socialiste peut trouver comme l'UMP intérêt à cette réforme, il a su s'y opposer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Avec quel mandat du peuple (Protestations sur les bancs du groupe UMP) peut-on imposer le bipartisme aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Merci, Monsieur Bayrou.

M. François Bayrou - Que je sache, M. Chirac, pour lequel nous avons tous voté au second tour, n'avait pas inscrit le bipartisme à son programme !

M. le Président - La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. le Ministre - Monsieur le président Bayrou, je ne doute pas de la sincérité de vos compliments à mon endroit, naturellement dénués de toute arrière-pensée. Ils m'ont fait tant plaisir que je les prends au premier degré, comme vérité révélée, mon arrogance naturelle dût-elle en souffrir. Toutefois je veux vous apporter quelques précisions. Tout d'abord le texte délibéré en Conseil des ministres, c'est celui qui comporte les 10 % d'inscrits, et non les 10 % de votes exprimés. La délibération du Conseil des ministres, c'est le texte que nous examinons aujourd'hui : il n'y a sur ce point aucune ambiguïté.

En second lieu, qu'un gouvernement débatte avec sa majorité, et particulièrement avec le parti majoritaire de celle-ci, cela s'est fait de tout temps. Nous a-t-on assez parlé du petit déjeuner des « éléphants » du parti socialiste ! A tout instant François Hollande, premier secrétaire, était mandé et consulté sur la politique à suivre. Et vous-même, comme moi, quand nous étions membres du gouvernement Balladur, n'avions-nous pas un déjeuner hebdomadaire ? Et n'en était-il pas de même quand vous étiez membre, contrairement à moi, du gouvernement Juppé ? D'autre part, je préfère voir les orateurs et les formations de la majorité se faire applaudir par la majorité plutôt que par l'opposition. Cela me semble plus moral (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin préfère porter attention aux remarques et aux demandes des députés de la majorité : cela me semble la garantie d'un succès pour demain, alors qu'hier, quand nous avons été attentifs aux messages de l'opposition, nous n'avons pas gagné un seul de nos adversaires, mais nous avons perdu tous nos amis les uns après les autres. Que cela nous serve de leçon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Un dernier point, qui met en cause ma loyauté envers le Gouvernement. Dans tout gouvernement il y a des débats ; ils peuvent être publics, mais quand la décision est prise, c'est la décision de tout le Gouvernement. S'il faut en vouloir à quelqu'un pour ce texte, ce ne peut être, structurellement, qu'au Premier ministre, et à son ministre de l'intérieur, qui a signé le texte proposé et qui le défend. Que cela soit clair, François Bayrou : si je n'avais pas voulu le défendre, j'en aurais tiré certaines conséquences - que je n'ai pas tirées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce texte, avec les arbitrages qui ont été rendus, je le fais mien, et je le propose à la représentation nationale. Que nul n'essaie donc de mettre un coin entre le Premier ministre et moi : ce texte est le nôtre, nous le défendons ensemble, et nous demandons à la majorité de le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La parole est à M. Bignon, rapporteur de la commission des lois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Plusieurs députés socialistes - Soisson ! Soisson !

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois - Vous n'en avez jamais assez ! Cela ne fait guère que trois heures et demie que nous ne respectons pas le Règlement... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Nous avons montré ainsi notre volonté d'ouverture, notre capacité d'écoute et de dialogue, mais vous n'en avez jamais assez (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Ce qui démontre que le débat n'est pas celui que nous devrions avoir. Vous refusez le dialogue en feignant de vouloir l'ouvrir (Mêmes mouvements). Vous refusez d'entrer dans la négociation qu'a proposée le ministre de l'intérieur (Mêmes mouvements).

M. le Président - Chacun des groupes de notre assemblée a eu la parole. Maintenant elle est à la commission. Quelle image de l'Assemblée voulez-vous donner ? (Mêmes mouvements)

M. le Rapporteur - Ce texte, compte tenu des enjeux, du climat, de la provocation et de la tentative d'obstruction (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), démontre l'intérêt qu'il y a aujourd'hui à réformer les modes de scrutin des élections régionales et européennes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons respecté la règle républicaine qui veut que la règle du jeu soit connue un an au moins avant l'élection. Vous avez écouté tous les partis, Monsieur le ministre... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes et communistes - Rapporteur, démission ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Il est hors de question que je démissionne à cause de vociférations (Huées sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Vous refusez le dialogue que nous vous offrons !

Cette réponse est limitée, puisqu'elle ne concerne que les élections régionales et européennes. Mais elle est essentielle, car elle poursuit ces trois objectifs : favoriser l'émergence de majorités stables tout en respectant les minorités, rapprocher l'élu régional et européen du citoyen, améliorer les conditions d'exercice de la parité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ne cédons pas à la tentation de répondre à cette provocation qu'a organisée l'étrange coalition du refus. En un temps où les Français se préoccupent de l'avenir de leurs retraites (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), de l'emploi, de la sécurité, et , sur le plan international, de la crise irakienne, vous n'avez pas hésité à déposer 12 500 amendements, donnant au Parlement une image où le grotesque l'emporte une fois de plus... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) alors qu'une ou deux centaines d'amendements seulement auraient mérité l'examen. Étrange coalition, dis-je, où, de la gauche extrême à la droite de M. de Villiers (Exclamations sur divers bancs), se sont rangés ceux qui ne comprennent pas, ou feignent de ne pas comprendre l'objectif du texte (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Je comprends mieux pourquoi nos collègues socialistes ne se sont pas exprimés en commission, disant qu'ils se réservaient pour l'hémicycle : on voit de quelle manière... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Je renverrai chacun à l'amendement déposé en 1998 par Valéry Giscard d'Estaing, président et fondateur de l'UDF, lors du débat sur la réforme du scrutin régional proposée par Lionel Jospin et défendu par Pierre Albertini. Il proposait que le seuil de présentation du second tour soit porté à 10 % des inscrits. Cela permettait, nous expliquait alors M. Albertini, de laisser la diversité s'exprimer au premier tour, et de simplifier au second le choix des électeurs. Je renverrai aussi nos collègues socialistes aux propos tenus dans le même débat par M. Queyranne, ministre de l'intérieur : mettant en garde sa majorité, il indiquait que, si l'on réduisait le seuil à 5 %, on serait dans un système proportionnel, et non plus dans une logique permettant de dégager des majorités. Le principe majoritaire est la clé de l'efficacité, alors que la proportionnelle, c'est l'affaiblissement et le compromis.

M. François Rochebloine - Quel compromis ?

M. le Rapporteur - Consciente que ces exigences de proximité et de majorités stables étaient fondamentales, compte tenu de l'évolution des conseils régionaux et du Parlement européen, la commission des lois a examiné le projet avec soin (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le ministre de l'intérieur l'a très bien dit : il s'agit d'adapter le mode de scrutin régional aux enjeux de la décentralisation (Huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - Il s'agit d'écraser les petits partis !

M. le Rapporteur - Alors que l'histoire de notre pays est marquée par la défiance à l'égard de l'échelon régional, la réforme constitutionnelle en cours consacre la régionalisation. La région qui, selon l'expression du Premier ministre, a vocation à être « l'échelon de la cohérence », ne gagnera cette cohérence que si elle peut s'appuyer sur un mode de scrutin qui lui garantit une majorité stable. Or, l'expérience du scrutin de 1998 que chacun, et moi le premier, a en mémoire, a montré les limites de la loi de 1985 (Huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF), avec des exécutifs impuissants, des tractations de couloirs et entre états-majors des partis (Mêmes mouvements). Chacun était conscient qu'il fallait réformer le mode de scrutin (Huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF).

M. Jérôme Lambert - On l'a fait !

M. le Rapporteur - A ceci près que le dispositif adopté en 1999 n'offre pas les garanties indispensables : dégager une majorité autour d'une liste tout en assurant la représentation des minorités de manière plus significative. Et comment aurait-il pu en être autrement ? Il fallait donner des gages aux partenaires de la majorité plurielle de l'époque ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Et c'est ainsi que l'objectif de stabilité des majorités a été sacrifié (Mêmes mouvements).

Le projet qui nous est présenté est efficace (Mêmes mouvements) et équilibré (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)...

M. Dominique Dord - C'est exact !

M. le Rapporteur - ...puisqu'il est proposé de maintenir le scrutin de liste à deux tours avec l'attribution d'une prime majoritaire égale au quart des sièges pour la liste ayant obtenu la majorité absolue dès le premier tour ou arrivée en tête au second. Le projet prévoit néanmoins de remédier à l'émiettement de la représentation au conseil régional par une modification des seuils applicables : 10 % des électeurs inscrits pour accéder au second tour, 5 % des suffrages exprimés pour être autorisé à fusionner en vue du second tour et 5 % des suffrages exprimés pour être admis à la répartition des sièges.

Ainsi est consacré le respect des minorités, comme l'a justement souligné le ministre de l'intérieur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF).

D'autre part, un sectionnement des listes à l'échelon départemental est instauré et, par souci de cohérence avec les autres mandats locaux, la durée du mandat régional est à nouveau portée à six ans. Enfin, le projet traduit le choix d'une application intégrale du principe paritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Le second objectif du texte est de renforcer la légitimité des députés européens. De nombreuses voix se sont élevées pour dire que le mode de scrutin est, là aussi, inadapté à des élections dont l'importance ne cesse de croître à mesure que les pouvoirs du Parlement européen s'affirment.

Son origine remonte, on le sait, au traité de la CECA, signé en 1952 et, en 1976, le Conseil européen adopta l'acte portant élection des représentants de l'assemblée au suffrage universel direct. Après qu'en 1985 l'Acte unique eut introduit dans les traités l'appellation de Parlement européen, les pouvoirs de l'institution se sont renforcés continûment. Ainsi le traité d'Amsterdam a-t-il institué la codécision, et le Parlement européen partage avec le Conseil le pouvoir budgétaire. Il exerce par ailleurs un contrôle sur l'exécutif communautaire et il peut, on l'a vu en 1999, censurer la Commission et la contraindre à la démission. Il peut enfin constituer des commissions d'enquête.

Il est donc souhaitable que les citoyens français expriment leur intérêt pour l'institution et ses élus. Le Gouvernement propose, à cette fin, une réforme du mode de scrutin tendant à réduire la distance qui sépare les électeurs de leurs représentants (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Peut-être l'augmentation continue du taux d'abstention vous indiffère-t-elle, Messieurs de l'opposition, mais ce n'est pas notre cas ! Comment se satisfaire qu'il soit passé de 38,8 % en 1979 à 52,3 % en 1999 ?

De fait, le mode de désignation de la représentation française explique pour partie ce faible intérêt. Non seulement les députés européens sont trop éloignés des électeurs mais le cadre national de l'élection ne permet pas d'assurer une représentation équilibrée du territoire.

Une réforme était indispensable, et celle que propose le Gouvernement est équilibrée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Elle respecte les principes communs définis par le conseil des ministres de l'Union en 2002 en maintenant le scrutin proportionnel suivant la règle de la plus forte moyenne. Le seuil de 5 % des suffrages exprimés est nécessaire pour être admis à la répartition des sièges...

M. Patrick Lemasle - C'est difficile à lire, du Juppé !

M. le Rapporteur - ...et, rompant avec la circonscription unique constituée par le territoire national, le projet institue huit circonscriptions dont sept circonscriptions interrégionales, l'Ile-de-France en constituant une à elle seule en raison de son poids démographique. Ainsi est assurée la juste représentation des forces politiques par le maintien de la représentation proportionnelle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF).

Ce projet institue ensuite les sections régionales... (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Ce qui suit vous intéressera ! Ayez donc la courtoisie qui vous a manqué depuis le début de ce débat, et écoutez ! Votre intelligence du projet y gagnerait ! (Mêmes mouvements)

M. le Président - Laissez M. Bignon s'exprimer !

M. le Rapporteur - La proportionnalité étant impossible à respecter dans les petites régions, le Gouvernement a souhaité, on l'a vu, créer de grosses régions. Toutefois, il a souhaité combiner (« La combine ! La combine ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Evidemment, pour vous, une combinaison n'a qu'un seul sens, celui d' « arrangement » ! (Les députés socialistes et communistes se lèvent pour applaudir). Naturellement, ce n'est pas ce que je voulais dire ! Le Gouvernement a voulu organiser le scrutin en alliant principe de proportionnalité et principe de proximité (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - Chers collègues, calmez-vous ! Restez zen !

M. le Rapporteur - Mais si la création de sections apparaît justifiée, le système de répartition des sièges proposés risquent d'aboutir à ce que les listes les moins bien placées n'obtiennent pas de sièges dans les sections où elles ont obtenu le plus de voix. A l'initiative de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement propre à pallier cet inconvénient en permettant aux petites listes d'obtenir un siège dans les sections où elles ont obtenu leur plus grand nombre de voix tout en assurant la représentation des listes minoritaires dans les régions comptant le plus grand nombre de sièges.

Je suis convaincu de la solidité juridique de cet amendement. Il ne pourra que satisfaire tous ceux qui, bien que n'ayant jamais été élus, s'interrogent sur la constitutionnalité dans les médias.

L'égalité des suffrages est respectée. Le principe d'intelligibilité aussi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ce qui est complexe n'est pas forcément inintelligible. Le code des impôts, le code de l'urbanisme ne peuvent être lus par le commun des mortels ; ils n'en sont pas moins intelligibles au sens juridique du terme.

Parfois, l'irrationnel s'empare d'un débat juridique (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF).

Il va de soi que ce texte, étant dépourvu de toute malice (Interruptions et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF) contrairement à ce que croit la coalition du refus, la simplicité de la lecture doit l'emporter sur la satisfaction du juriste. C'est pourquoi le président de la commission et moi-même avons déposé des amendements visant à simplifier la lecture du texte.

La sécurité juridique du projet est assurée. Le Gouvernement a pris toutes les précautions. Mais, en matière électorale, la loi ne doit comporter aucune ambiguïté (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF). Nous examinerons donc, le moment venu, des amendements visant à garantir le respect du principe de proximité. Il appartiendra aux partis politiques - mais seront-ils assez vertueux ? - de faire en sorte que ce principe soit respecté à l'intérieur des grandes régions, par une constitution intelligente des listes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF). Il n'y a pas de magouilles (« Juppé ! Juppé ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Mes chers collègues, vous êtes à l'Assemblée nationale.

M. le Rapporteur - Alain Juppé sera heureux de vos acclamations.

Le projet fait toute sa place à la parité, qu'il rendra plus efficace en exigeant une stricte alternance.

Nos représentants au Parlement européen seront enfin logés à la même enseigne que les députés et les sénateurs s'agissant du cumul des mandats.

Pour être complet, je n'oublierai pas d'évoquer le troisième volet, sur la moralisation de l'aide publique aux partis et groupements politiques. Il s'agit de mettre fin à des dérives maintes fois constatées. Entre les législatives de 1988 et celles de 2002, le nombre des candidats a triplé.

M. Jean-Claude Lefort - C'est la démocratie, Monsieur !

M. le Rapporteur - Nous n'empêchons pas les gens d'être candidats (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF). Nous respectons la jurisprudence du Conseil constitutionnel : il ne faut pas entraver l'expression de nouveaux courants de pensée. Mais nous souhaitons réserver la première fraction du financement public aux partis ayant présenté des candidats dans au moins cinquante circonscriptions, lesquels devront avoir recueilli au moins 1 % des suffrages exprimés.

Je vais conclure (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). La législation que nous voulons modifier présente de nombreux défauts et, comme l'a dit le ministre de l'intérieur, de nombreuses propositions ont été faites, y compris par ceux qui se sont alliés dans la coalition du refus (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF).

Cette obstruction me paraît dérisoire par rapport aux enjeux et aux attentes des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous tenons nos engagements : la parité est respectée et renforcée, le pluralisme est respecté et garanti, l'existence d'une majorité et le respect du principe de proximité sont assurés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement, au titre de l'article 58. Ce n'est pas sans tristesse que je me vois dans l'obligation de réagir au déroulement de la séance (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Voilà plus de quatre heures que ce texte est en discussion. Nous n'avons pas pu écouter dans la sérénité le rapporteur, dont je salue le courage physique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est la première fois que nous avons cette impression de violence (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). C'est la première fois que la voix de l'orateur tremble sous la menace (Mêmes mouvements). Un front hétéroclite a imposé une discussion générale improvisée et anticipée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ces méthodes indignes donnent une piètre image de notre assemblée.

Le dépôt de douze mille amendements - produits pour la première fois de manière automatique - témoigne d'un certain mépris pour le travail parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), comme à l'égard des administrateurs, et d'un mépris certain à l'égard des élus et de ceux qui les élisent !

Nous nous trouvons donc ce soir dans une situation jusqu'alors inconnue. Le rapporteur a eu le plus grand mal à s'exprimer. Il s'agit pourtant de tirer les conclusions des régionales de 1998 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et de votre échec historique du 21 avril 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le groupe UMP assume avec fierté ses responsabilités démocratiques. Le but de cette réforme, c'est de garantir le pluralisme au premier tour, la cohérence et la clarté au second, et une direction efficace de nos régions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je demande à mes collègues de l'opposition de se ressaisir : s'ils continuent ainsi, nous ne pourrons débattre sereinement. Il en va de l'honneur de cette assemblée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF) Songez au 21 avril 2002 ! Quant à nous, nous assumons pleinement nos responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 3. Monsieur Accoyer, je n'ai pas demandé la parole pour vous répondre, mais vous tentez de dramatiser cette séance (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Avant le discours du rapporteur, et grâce à l'ouverture d'esprit du Président, nous avons pu avoir un échange avec le Gouvernement. Franc, direct, le dialogue n'en est pas moins resté courtois.

M. Accoyer, en tant que vice-président du groupe UMP, s'inquiète du malaise suscité par ce texte. Mais, si son intervention ne vise qu'à empêcher les oppositions de faire leur travail en préparant les esprits à un recours au 49-3, je vous mets en garde. Nos travaux vont se poursuivre. Je demande au rapporteur - et j'aimerais que M. Clément, président de la commission des lois, le lui rappelle aussi - qu'un rapporteur n'est pas censé faire une intervention libre mais rapporter au nom de la commission. Or, au cours de l'intervention de M. Bignon, nous avons eu le sentiment d'un changement de nature et nous avions parfois l'impression d'avoir en face de nous un provocateur plutôt qu'un rapporteur (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ou encore un comique malgré lui (Protestations sur les bancs du groupe UMP) qui confondait allégement tribune et tréteaux !

Je demande, Monsieur le Président, une suspension de séance d'une demi-heure pour réunir mon groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Bocquet - En écoutant tout à l'heure le ministre répondre à l'un des intervenants, il me semblait entendre le compte rendu d'une commission électorale de l'UMP. De son côté, le rapporteur a plutôt fait un rapport UMP qu'un rapport au nom de la commission des lois.

Il est dommage, Monsieur le Président, que vous n'ayez pas donné la parole à M. Soisson, qui la réclamait. Il aurait pu nous expliquer la « combine » - pour reprendre un terme de M. Bignon - qui lui a permis d'obtenir la présidence de la région Bourgogne.

Mais puisque nous sommes dans un rendez-vous UMP, je constate qu'un seul être nous manque... Et je voudrais que l'auteur de ce texte, M. Juppé, participe à notre débat.

C'est pourquoi je demande, Monsieur le Président, une suspension de séance. Et aussi que l'on réunisse la Conférence des présidents. Cela nous permettrait ensuite de poursuivre nos travaux dans la sérénité.

La séance, suspendue à 23 heures est reprise à 23 heures 15.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes - L'objectif de parité politique a désormais un fondement constitutionnel : selon l'article 3 de notre Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Dans toute réforme des modes de scrutin, il convient donc de garder à l'esprit cet objectif de parité, de manière à éviter tout retour en arrière, qui pourrait être jugé inconstitutionnel.

Dès le mois de juillet dernier, en ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes, je me suis préoccupée des effets sur la parité des projets de réforme électorale. J'ai à plusieurs reprises attiré votre attention, Monsieur le ministre, ainsi que celle des présidents de partis politiques, sur la nécessité d'observer les nouvelles dispositions constitutionnelles et je me félicite de leur prise en compte dans ce projet.

La délégation aux droits des femmes, saisie à sa demande du projet par la commission des lois, s'est intéressée aux seules dispositions de ce texte qui concerne la parité. Elle a adopté cinq recommandations.

Elle a d'abord constaté que le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, reconnu par l'article 3 de la Constitution et mis en _uvre par la loi du 6 juin 2000, a fait progresser la parité aux élections municipales et sénatoriales de 2001. Ainsi, dans les communes de 3 500 habitants et plus, où s'appliquait l'obligation de parité par tranche de six candidats aux élections municipales, les femmes représentent désormais 47, 5 % du total des conseillers municipaux.

De même, aux élections sénatoriales au scrutin proportionnel de septembre 2001, le nombre de femmes élues a notamment progressé ; elles sont vingt sur soixante-quatorze sénateurs, soit 27,03 %. Au contraire, pour les sénateurs élus au scrutin majoritaire, donc sans obligation de parité, rien n'a évolué : les femmes ne sont que deux sur 28, soit seulement 7,14 %.

En application de la loi du 6 juin 2000, des progrès importants de la parité aux élections régionales et européennes de 2004 pouvaient être à juste titre escomptés : plus de 45 % de femmes conseillers régionaux, puisqu'élues avec obligation de parité par tranche de six candidats, comme pour les élections municipales ; pas loin de 50 % de femmes aux élections européennes, puisqu'élues sur une liste nationale avec alternance stricte entre les femmes et les hommes.

La délégation a donc voulu d'abord souligner que toute réforme des modes de scrutin doit veiller au respect des acquis de la parité, pour les élections au scrutin de liste et chercher à améliorer la représentation des femmes, pour les élections au scrutin uninominal. On l'a vu aux législatives de juin 2002, qui leur sont particulièrement défavorables.

S'agissant de la présente réforme, la délégation a approuvé le principe de l'alternance entre les femmes et les hommes sur les listes pour les élections régionales et européennes. Elle s'est félicitée de la disposition imposant en outre la parité des candidats figurant en tête des sections régionales pour les élections européennes, en raison du faible nombre de sièges affecté à chacune de ces sections. Comme l'ont souligné toutes les personnes entendues par la délégation, comme pour la représentation proportionnelle, la parité s'élève avec le nombre de sièges à pourvoir dans la circonscription. Il était donc nécessaire de prévoir des dispositions particulières pour les élections européennes. Je remercie le Gouvernement d'avoir prêté attention à cette recommandation.

Toutes les dispositions techniques prévues par le projet devraient ainsi garantir un respect de la parité.

Toutefois, autant on peut penser que, pour les élections régionales, l'effet conjugué de la prime majoritaire, du relèvement des seuils et du grand nombre de sièges dans la plupart des départements permettra d'approcher la parité, autant il conviendra de rester vigilant pour les élections européennes, malgré l'alternance verticale et horizontale prévue. C'est pourquoi, la délégation a rappelé que, conformément à l'article 4 de la Constitution, il serait souhaitable que les partis contribuent à la poursuite de l'objectif de parité à l'occasion de l'investiture des candidats figurant en tête des sections régionales pour les élections européennes.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

Mme la Présidente de la délégation - Cela implique notamment que les femmes soient têtes de section dans les régions que le parti estime gagnables, et non pas là où il est sûr de n'avoir aucun élu !

M. Jean Ueberschlag - Très bien !

Mme la Présidente de la délégation - Une réelle vigilance doit permettre de préserver les acquis de la parité et même la faire progresser. Dans une dernière recommandation, la délégation a ainsi estimé que des dispositions contraignantes devaient être adoptées pour améliorer la représentation des femmes au sein des exécutifs locaux.

En conclusion, j'insisterai sur la nécessité d'observer à nouveau l'objectif constitutionnel de parité politique, lors d'une éventuelle réforme des élections, notamment sénatoriales. La parité est, en effet, un élément de démocratie et une expression novatrice de l'esprit républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne - Le mode de scrutin européen, régi par la loi du 7 juillet 1977, s'est révélé, au fil des années, inadapté : l'existence d'une circonscription unique empêche toute relation de proximité entre l'élu et ses électeurs, ce qui nuit à la connaissance par nos concitoyens du travail législatif accompli à Strasbourg.

M. Jean-Pierre Soisson - Très bien !

M. le Président de la délégation- Depuis vingt ans, les campagnes électorales pour les européennes ont insuffisamment porté sur des sujets européens, l'enjeu étant souvent davantage de politique intérieure. Pourtant, nous le savons depuis le référendum de 1992 sur le traité de Maastricht, les Français veulent parler d'Europe.

Que faut-il alors penser du taux d'abstention record que connaît cette élection européenne en France - 52,3 % en 1999 ? Qu'en sera-t-il l'an prochain si nous ne faisons rien ? L'abstention n'est pas une fatalité, et un mode de scrutin rénové stimulera l'intérêt des citoyens pour ce qui doit devenir un temps fort de notre vie politique.

C'est la représentativité de nos élus qui est en jeu : l'influence de la France est affaiblie par la dispersion de ses représentants entre les huit groupes politiques qui composent le Parlement européen. Nous sommes le seul pays dans ce cas. Or, c'est par la force de notre représentation dans les grands groupes politiques que nous pourrons faire prévaloir notre point de vue.

Depuis 1979, date de son élection au suffrage universel direct, le Parlement européen n'a cessé de renforcer son influence au sein du triangle institutionnel. Depuis le traité de Maastricht, la procédure de codécision le place sur un pied d'égalité avec le Conseil des ministres. Ses pouvoirs de contrôle ont également été étendus : les députés européens participent à la procédure de désignation de la Commission et disposent même du pouvoir de la censurer, dont on a vu les effets en 1999, avec la démission de la Commission Santer.

Aujourd'hui, c'est au sein de la Convention, où j'ai l'honneur de représenter notre assemblée que se joue l'avenir du Parlement européen. Le remède au déficit démocratique de l'Union passe notamment par le renforcement de ses pouvoirs et par sa reconnaissance en tant que colégislateur de l'Union, à égalité avec le Conseil des ministres.

L'accroissement de ses pouvoirs, notamment dans la désignation du président de la Commission, devra aller de pair avec une amélioration de sa légitimité démocratique. La régionalisation de notre mode de scrutin s'inscrit clairement dans cette perspective.

L'objectif essentiel du projet est de rapprocher les députés européens de leurs électeurs tout en préservant le pluralisme politique. Certains y voient une man_uvre politicienne destinée à éliminer les partis les moins importants (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Mais où est la man_uvre ? Débattre publiquement de la réforme d'un mode de scrutin devenu caduc ou laisser aux états-majors des partis politiques le pouvoir de constituer leur liste, au risque de donner de l'Europe une image négative, abstraite et lointaine ? Au contraire, la régionalisation du mode de scrutin devra révéler la dimension concrète et quotidienne des questions européennes.

La réforme envisagée ne remet aucunement en cause le principe de la représentation proportionnelle intégrale : les listes qui obtiennent plus de 5 % des suffrages exprimés continueront à envoyer des représentants à Strasbourg.

L'innovation du projet consiste à organiser les élections européennes dans le cadre de huit grandes circonscriptions interrégionales. Car, pour conserver les effets positifs du mode de scrutin proportionnel, les circonscriptions doivent disposer d'un nombre de sièges suffisant. Du reste le découpage proposé est identique à celui qu'envisageait le précédent gouvernement en 1998 et très proche de celui imaginé par Michel Barnier.

Mais pour rapprocher les futurs élus de leurs électeurs, et pour qu'ils puissent leur rendre des comptes, les grandes circonscriptions interrégionales doivent être divisées en sections régionales, calquées sur la carte de nos vingt-deux régions administratives. Afin d'assurer la représentation au Parlement européen de toutes les sections, le Gouvernement a retenu le principe de l'attribution obligatoire d'au moins un siège par section.

Quant au nombre de sièges attribués à chaque liste, il est calculé au niveau interrégional selon la règle de la représentation proportionnelle. En moyenne, chaque circonscription interrégionale dispose d'une dizaine de sièges, ce qui suffit à représenter le plus grand nombre de sensibilités politiques. M. le ministre s'est dit à l'instant ouvert à la simplification du mode d'élection des députés européens, et à cet égard, je suis personnellement favorable à la suppression, évoquée par M. Bignon, du mécanisme des sections, techniquement trop compliqué.

La réforme du mode de scrutin européen est une étape supplémentaire vers la résorption du déficit démocratique dont souffre l'Union. Il serait irresponsable de différer plus longtemps une réforme indispensable, alors que la Convention européenne vient d'ouvrir le délicat chapitre de l'avenir institutionnel européen.

La régionalisation du mode de scrutin favorisera la décentralisation du débat et la prise en compte des préoccupations des citoyens. Elle responsabilisera les députés européens qui devront rendre compte de leur mandat au niveau local.

Plus que jamais, l'Europe a besoin de relais pour expliquer, débattre et décider. Aussi faut-il soutenir un projet que la délégation pour l'Union européenne a, pour sa part, approuvé à l'unanimité moins une voix. Cette réforme est une avancée pour mieux enraciner le débat européen en France, tout en préservant la diversité des forces politiques. L'Europe intéresse les Français, dès lors qu'elle se rapproche des citoyens. Le changement du mode de scrutin contribuera à cette plus grande proximité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

M. le Président - En application de l'article L.O. 181 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication d'une requête en contestation d'opérations électorales.

Conformément à l'article 3 du Règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

Prochaine séance demain, mercredi, après-midi 12 février, à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 12 FÉVRIER 2003

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la sécurité intérieure.

M. Christian ESTROSI, rapporteur. (Rapport n° 595).

3. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 574) relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

M. Jérôme BIGNON, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 605).

M. Pierre LEQUILLER, rapporteur au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. (Rapport d'information n° 597).

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, rapporteure au nom de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. (Rapport d'information n° 604).

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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