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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 56ème jour de séance, 143ème séance

SÉANCE DU MERCREDI 12 FÉVRIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RÉFORME DES MODES DE SCRUTIN 2

RÉFORME DES MODES DE SCRUTIN 3

RÉFORME DES MODES DE SCRUTIN 4

RÉFORME DES MODES DE SCRUTIN 5

OMC ET POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE 6

RESTRUCTURATIONS INDUSTRIELLES 6

TIPP FLOTTANTE 7

CRISE DE LA BANANE ANTILLAISE 8

RESPONSABILITÉ DES FAUTEURS DE MARÉES NOIRES 8

DÉGRADATION DE L'EMPLOI 8

HARKIS 9

STATUT DE CAPITALE EUROPÉENNE
DE STRASBOURG 10

ENGAGEMENT DE RESPONSABILITÉ
DU GOUVERNEMENT 10

DÉCISIONS DE LA CONFÉRENCE
DES PRÉSIDENTS 11

RAPPELS AU RÈGLEMENT 11

SÉCURITÉ INTÉRIEURE (CMP) 13

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 15

QUESTION PRÉALABLE 21

ORDRE DU JOUR DU JEUDI 13 FÉVRIER 2003 30

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉFORME DES MODES DE SCRUTIN

M. Jacques Barrot - Le débat sur la réforme des modes de scrutin pour les élections européennes et régionales s'est engagé hier sur des voies qui ne correspondent pas à l'exigence de dignité et de sérieux qui est celle d'une assemblée parlementaire (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Quelles que soient les appréciations que l'on peut porter sur ce texte, rien ne justifie les agissements qui tendaient à priver de parole notre collègue Jérôme Bignon, rapporteur légitimement désigné par notre commission des lois (Mêmes mouvements).

Des milliers d'amendements ont été déposés, sur des sujets souvent fort discutables (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), en particulier ceux qui proposent la rédaction des bulletins et des professions de foi dans toutes les langues européennes...

Devant l'esprit d'obstruction manifesté sur certains bancs de l'Assemblée, et face au risque de blocage de l'institution (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), force est de constater que le processus parlementaire normal est entravé (Acclamations sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Est-il souhaitable d'alimenter ainsi caricatures et quolibets, dans une période dominée par la gravité des événements internationaux ? (Mêmes mouvements)

Comment le Gouvernement, dans ces conditions, entend-il permettre l'expression de la volonté nationale et du choix démocratique ? (Mmes et MM. les députés de l'UMP se lèvent et applaudissent longuement ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Mes chers collègues, je vous en prie ! On ne va pas se lever et se rasseoir toutes les cinq minutes ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je suis l'un des rares, dans cet hémicycle, à avoir une très longue expérience du mandat européen et du mandat régional.

M. Albert Facon - Grâce à la proportionnelle !

M. le Premier ministre - Je crois, en mon âme et conscience, que ce projet de réforme est équilibré (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). S'agissant des élections européennes, d'ailleurs, les dispositions sont identiques à ce qu'avait proposé le gouvernement précédent (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) afin de rapprocher l'élu de l'électeur, et ne devraient donc pas faire problème.

M. Bernard Roman - On n'a pas le droit de mentir comme cela !

M. le Premier ministre - Quant au mode de scrutin régional, il doit favoriser la stabilité. Je me souviens de ces groupes charnières ou extrêmes qui, en 1998, ont fait les majorités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Les « petites » formations politiques - encore que je n'aime pas ce terme - pourront participer au pacte majoritaire, mais dans la clarté, par des alliances conclues devant les électeurs entre les deux tours (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). L'esprit de la proportionnelle au premier tour, celui du scrutin majoritaire au second, voilà ce qui anime cette réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), à laquelle nous avons inclus une véritable parité alternée, élément auquel nous sommes tous très attachés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Je ne m'attendais pas à tant d'obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) sur un texte qui ne fait que reprendre le mode de scrutin des municipales, avec le seuil d'accès au second tour des cantonales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) lesquelles auront lieu, en 2004, les deux mêmes dimanches que les régionales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Un député socialiste - Non ! Pour les cantonales, c'est 12,5 % !

M. le Premier ministre - J'ai donc été surpris de voir l'obstruction tourner au désordre. Or, le Parlement, c'est le débat, pas le désordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Nous nous sommes montrés ouverts à la concertation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), mais nous nous sommes trouvés, pour la première fois, devant 12 000 amendements ! Pour les discuter tous, le ministre de l'intérieur devrait bloquer pas moins de 170 journées. Or, j'ai besoin de lui dans la lutte contre la délinquance et le terrorisme (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Les Français pensent, eux, qu'il est préférable de lutter contre l'insécurité que de créer le désordre ! (Mêmes mouvements)

Dans l'esprit de la Ve République, auquel je suis particulièrement fidèle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et dans la tradition des grands chefs de gouvernement qui savent assumer leur responsabilité avec fermeté et sérénité en toutes circonstances, j'engagerai la responsabilité du Gouvernement conformément aux dispositions de la Constitution sur ce projet de loi (Mmes et MM. les députés de l'UMP se lèvent et applaudissent longuement ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - Rasseyez-vous, mes chers collègues, la séance ne fait que commencer...

RÉFORME DES MODES DE SCRUTIN

M. Jean-Marc Ayrault - Au moment où les Français subissent les licenciements, l'austérité de votre politique (Protestations sur les bancs du groupe UMP), les augmentations de taxes, ne trouvez-vous rien de mieux à faire que d'engager un débat sur la chasse ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Au moment où plane sur le monde la menace d'une guerre, et où le Parlement devrait être consulté et associé à la grave décision que prendra notre pays, ne trouvez-vous rien de mieux à faire que de proposer un changement du mode de scrutin afin d'asseoir la domination absolue d'un parti : le vôtre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Non contents de traiter par le mépris l'opposition de toutes les forces démocratiques à cette réforme, vous baillonnez le Parlement en utilisant l'article 49-3 de la Constitution, méthode que le Gouvernement de Lionel Jospin, pendant cinq ans, s'était toujours refusé à utiliser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Fait sans précédent dans la vie parlementaire, vous agissez ainsi à la demande d'un président de groupe, M. Barrot. C'est incompréhensible et inadmissible ! (Mêmes mouvements)

Ce double coup de force est un aveu de faiblesse. Vous disposez de majorités écrasantes à l'Assemblée nationale, au Sénat, dans toutes les institutions de la République et vous imposez au Parlement la pire des contraintes : l'impossibilité de débattre et de voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) De grâce, n'ayez pas en plus le ridicule, Monsieur le Premier ministre (Protestations sur les bancs du groupe UMP), de nous en faire porter la responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). C'est vous et votre Gouvernement qui avez pris l'initiative de cette réforme, et qui assumez la responsabilité de cette injustice ! Lorsque vous annoncerez vos projets de réforme des retraites et de la sécurité sociale, recourrez-vous aux mêmes méthodes ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Vous évoquez sans cesse l'« esprit de mai ». Mais l'« esprit de mai », c'est justement le refus de voir concentrés tous les pouvoirs entre les mêmes mains, c'est la volonté de mettre l'intérêt général au-dessus des intérêts partisans et la République au-dessus de tout - comme nous en avons fait, le 5 mai, la démonstration (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Je vous demande avec solennité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) de respecter l'Assemblée nationale, d'avoir l'humilité de reconnaître votre faute, et de retirer votre texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Vous dites de la majorité qu'elle est écrasante : est-ce là un reproche que vous adressez aux Français pour vous avoir sanctionné hier et nous avoir donné la majorité dont nous disposons aujourd'hui ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le Gouvernement a abordé la discussion de la loi électorale dans un esprit d'ouverture (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), tant sur les modalités de la fusion des listes que sur celles du remboursement des campagnes ou sur le sectionnement régional pour les élections européennes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez répondu par sept suspensions de séance avant même qu'un seul orateur ait pu prendre la parole ! Voilà votre conception du débat parlementaire ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous-même, Monsieur Ayrault, n'avez cessé de me sommer de répondre à vos questions, mais quand je suis monté à la tribune pour le faire, vous avez quitté l'hémicycle, vous avez fui le débat ! (Huées sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Au nom de quoi, d'ailleurs, voulez-vous encore nous donner des leçons ? Au nom de votre bilan (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), vous qui, pendant tant d'années avec la complicité indirecte du Front national (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP), avez assis votre pouvoir sur bien des arrangements ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Nombreux députés socialistes - Soisson ! Soisson !

M. le Président - Vous rendez-vous compte du spectacle que vous donnez ? Arrêtez ! Nous ne sommes pas à l'Opéra-comique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

RÉFORME DES MODES DE SCRUTIN

M. François Bayrou - Devant le spectacle, en effet navrant, des vociférations sur ces bancs et sur d'autres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je me dis que, s'il y a un moment où la France a besoin d'une profonde union nationale pour faire face aux lourds défis d'aujourd'hui - qu'il s'agisse des réformes à accomplir ou des menaces de guerre et de l'isolement de notre pays sur la scène internationale (Protestations sur les bancs du groupe UMP) -, c'est bien maintenant.

M. Bernard Roman - Il a raison !

M. François Bayrou - Choisir ce moment pour introduire un projet de division qui oppose un parti, majoritaire certes, à tous les autres partis démocratiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), trouvez-vous que c'est civique, trouvez-vous que c'est juste, Monsieur le Premier ministre ?

Après le 21 avril et le 5 mai, jour où, à droite comme à gauche, nous avons tous ici voté pour Jacques Chirac au nom de la défense des valeurs de la République, au nom du « gouverner autrement »...

Un député UMP - Il est pire que les socialiste !

M. François Bayrou - ...rédiger des lois électorales au bénéfice d'un seul parti (Protestations sur les bancs du groupe UMP), est-ce gouverner autrement ? Est-ce s'occuper de la « France d'en bas » ? Est-ce là l'Etat impartial ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement - Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur viennent d'évoquer les raisons pour lesquelles le Gouvernement a choisi d'engager sa responsabilité sur ce texte. En tant que secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, je témoigne que, depuis huit mois, les parlementaires de la majorité ont eu à c_ur de soutenir les réformes proposées par le Gouvernement et de les adopter à un bon rythme. Je formule le v_u qu'une fois passé le temps de la polémique, nous reprendrons notre travail au service des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Albert Facon - Lamentable !

RÉFORME DES MODES DE SCRUTIN

M. Jacques Brunhes - Monsieur le Premier ministre, après votre simulacre de consultation des formations politiques, vous proposez, par un texte inique, une modification des modes de scrutin, à quelques mois des élections régionales et européennes. Texte inique car ce tripatouillage vise à éliminer le pluralisme et la diversité politique pour instaurer durablement la bipolarisation et le bipartisme dans notre pays.

L'exigence de réunir 10 % des inscrits pour se maintenir au second tour sonnera le glas des petites formations - et vous ne pouvez pas comparer des élections cantonales au scrutin uninominal avec des élections régionales au scrutin de liste ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Quant à la régionalisation du scrutin européen, elle pervertira et affaiblira la logique proportionnelle. Il n'y a donc aucune justification à ce projet, si ce n'est la volonté partisane de l'UMP de maîtriser tous les leviers du pouvoir. On sait en particulier que la région et l'Europe sont au c_ur de votre stratégie de remodelage de la société.

Toutes les formations autres que l'UMP ont exprimé leur opposition à ce texte et s'interrogent même sur sa constitutionnalité. Vos objectifs déclarés sont mensongers, vos visées réelles inavouables : vous avez décidé un véritable coup de force législatif. Jamais l'article 49-3 n'avait été utilisé pour faire passer une réforme des scrutins (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Vous humiliez les citoyens qui ne se reconnaissent pas dans votre majorité : je rappelle que les députés UMP n'ont représenté que 20,5 % des inscrits, et que 87 % des Français n'ont pas voté Chirac au premier tour !

Vous voulez museler l'opposition et espérez, au moment où les Français sont angoissés par les plans sociaux, la crise économique et les menaces de guerre en Irak, les tenir dans l'ignorance de vos desseins autoritaires.

Allez-vous demain légiférer par oukases (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sur les retraites et la sécurité sociale ? (Vives exclamations sur la bancs du groupe UMP). Nous protestons contre ce procédé inadmissible et vous demandons, à notre tour, de retirer ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement - Je vous renvoie la question : vous n'avez laissé aucun autre choix au Gouvernement ! Vous évoquiez une procédure inédite, c'est inexact ; en revanche, il est bien inédit que 12 000 amendements soient déposés sur un projet ! Cela signifie 170 jours de débats, sans possibilité de discuter d'autres réformes. Voilà qui contraignait le Gouvernement à prendre ses responsabilités. Le sens de l'Etat et le respect du Parlement commandaient sa décision (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

OMC ET POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. Francis Saint-Léger - L'Europe est de plus en plus attaquée par l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Argentine et le Brésil, réunis dans le groupe du CAIRNS et qui n'hésitent pas à affirmer que la politique agricole commune affame les pays pauvres. Le Brésil se prépare à attaquer l'Europe sur sa politique sucrière - nous achetons en effet aux pays d'Afrique et des Caraïbes le sucre au prix européen, et non au cours mondial, deux fois inférieur...

Monsieur le ministre de l'agriculture, vous êtes allé la semaine dernière à Washington, dans un contexte particulièrement tendu, les Etats-Unis menaçant de porter devant l'OMC le refus européen d'autoriser la mise sur le marché d'OGM. Le président britannique du groupe de négociation de l'OMC sur l'agriculture, M. Stuart Harbinson, doit présenter aujourd'hui à Genève, son rapport aux 145 pays membres. Comment la France au sein de la délégation européenne, aborde-t-elle cette négociation ?

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Oui, vous avez raison, il y a dans le monde deux conceptions de l'agriculture. Certains y voient des produits comme les autres, qui s'échangent sur un vaste marché international à des prix de plus en plus bas. D'autres, et c'est le cas de l'Europe, estiment que l'agriculture, c'est davantage que des produits : ce sont des hommes, des pays, des paysages. Nous pensons également que le cours international ne reflète ni un équilibre économique ni un équilibre social ni un équilibre environnemental.

C'est pourquoi la France et les autres pays européens ont mis en place la PAC. Nous avons été beaucoup attaqués là-dessus par les Etats-Unis et plus récemment par le groupe de CAIRNS. Plus c'est gros, plus ça passe ! On accuse la PAC d'être contraire aux intérêts du tiers-monde ; or je rappelle que c'est l'Europe qui accorde à celui-ci la plus forte aide au développement, et qu'elle lui achète six fois plus de produits agricoles que les pays du groupe de CAIRNS.

Notre position est claire : Dominique de Villepin et François Loos ont soutenu le document remis au secrétariat de l'OMC, qui se fonde sur trois principes : traitement équitable des agriculteurs européens, maintien d'une politique agricole économiquement forte et écologiquement responsable, mesures spécifiques en faveur des pays en voie de développement - car les discours du groupe de CAIRNS sur ce sujet masquent souvent de sordides intérêts commerciaux. Nous voulons le développement, nous le ferons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RESTRUCTURATIONS INDUSTRIELLES

M. Claude Gaillard - Avant d'interroger François Fillon, je voudrais, sans donner de leçon à personne, dire combien je regrette que la passion puisse conduire à parler d'isolement diplomatique de la France, au moment même où nous conduisons une politique responsable et digne, qui honore à la fois notre pays et l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'actualité est pleine de rebondissements mais ce qui est toujours d'actualité, c'est l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), et ce depuis au moins dix-huit mois. J'associe à ma question Edouard Jacque, député de Longwy. Notre région subit en effet beaucoup de licenciements, les salariés sont désespérés...

M. Augustin Bonrepaux - La faute à qui ?

M. Claude Gaillard - Il faut se mobiliser activement. Ceux d'entre nous qui viennent de l'entreprise le savent bien, il ne suffit pas d'interdire le licenciement pour qu'il n'y ait plus de licenciements. Comment comptez-vous agir, Monsieur le ministre, pour rendre l'espérance à ces salariés, notamment dans les bassins les plus touchés, grâce aux contrats de site ?

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Face aux restructurations industrielles, le Gouvernement cherche d'abord à rendre notre territoire plus attractif en réduisant les handicaps qu'on lui a imposés par idéologie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous avons ainsi assoupli les 35 heures, et vous venez de voter le texte favorisant la création d'entreprises.

Ensuite, nous avons demandé aux partenaires sociaux de reprendre la négociation interrompue en 2001 sur la formation professionnelle ; dans quelques jours je réunirai une conférence nationale sur l'emploi pour les inciter à avancer plus vite.

Enfin, le Premier ministre a décidé de mettre en _uvre les contrats de site afin d'aider les territoires les plus frappés par les restructurations industrielles. Ils permettront de concevoir un projet commun entre partenaires publics et privés, avec un chef de projet, une équipe d'animation et des moyens financiers exceptionnels, notamment par des avenants aux contrats de plan Etat-région. Trois contrats ont été décidés pour les régions de Lens, de Longwy et d'Angers.

M. Maxime Gremetz - Et celle d'Amiens ?

M. le Ministre - Nous agissons pour l'emploi avec détermination et réalisme, et cela, c'est un changement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

TIPP FLOTTANTE

M. Philippe Vuilque - En octobre dernier, je dénonçais la suppression en catimini du mécanisme de TIPP flottante mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin pour atténuer très sensiblement les effets désastreux des hausses sur le pouvoir d'achat. Didier Migaud a d'ailleurs déposé un recours au Conseil d'Etat qui a toutes chances d'aboutir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

A l'époque, Monsieur le ministre de l'économie, vous m'aviez répondu de manière condescendante et désinvolte que, si le problème se posait, vous proposeriez un mécanisme de substitution. Vous aviez surtout besoin de boucler votre budget, et vous l'avez fait une fois de plus au détriment des ménages. Or, voici que le problème se pose désormais, avec un baril à 32 dollars contre 22 en octobre. Où est votre dispositif de remplacement ? Allez-vous nous faire une raffarinade pleine de compassion pour les modestes consommateurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) tout en réservant votre générosité aux infortunés assujettis à l'ISF ? Quand comptez-vous défendre enfin le pouvoir d'achat de tous les ménages en allégeant la facture pétrolière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Voici quelques éléments d'information pour apaiser vos inquiétudes. En septembre 2000 quand ce dispositif a été mis en place, le prix du baril atteignait 35 dollars. Depuis le 1er janvier 2003, il était d'environ 31 dollars, et il atteignait 32 dollars hier. Mais l'euro s'étant apprécié de 15 %, le prix du gasoil est passé de 93 centimes le litre en septembre 2000 à 83 centimes aujourd'hui. De plus, au vu des rentrées de TIPP, je puis vous assurer que les consommateurs ne payent pas plus d'impôt sur les carburants que l'année précédente (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine David - Si !

M. le Ministre délégué - Le Premier ministre m'a demandé d'être vigilant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et de mettre en place un dispositif au moment nécessaire. Ce qui déterminera surtout le prix du pétrole, ce sont les événements du Moyen-Orient, où nous pouvons tous souhaiter que la paix l'emporte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

CRISE DE LA BANANE ANTILLAISE

M. Joël Beaugendre - La crise sans précédent de la banane antillaise met en jeu l'avenir de 26 000 familles et toute la population est inquiète. En un an, 350 planteurs ont cessé l'exploitation et ceux qui restent craignent de disparaître alors que leur production de qualité est essentielle à l'industrie locale et aux revenus d'exportation.

L'élargissement de l'Union européenne en 2004 et, surtout, le passage d'un système de contingents à un système tarifaire en 2006 nous inquiètent plus encore, la concurrence étant sans pitié dans le cadre de l'OCM.

Au nom des Antillais, et en particulier des Guadeloupéens, Gabrielle Louis-Carabin et moi-même souhaitons connaître, Madame la ministre, votre stratégie de défense de cette filière, après la consultation du 5 février (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Le dossier de la banane est celui des dossiers de l'outre-mer sur lequel M. Gaymard et moi-même nous sommes le plus mobilisés. 2002 a été catastrophique, malgré une amélioration en fin d'année. Aussi allons-nous demander à la Commission européenne l'application de la « clause Madère », c'est-à-dire un complément d'aide compensatoire. Au-delà de la gestion immédiate, nous avons réuni le 5 février tous les acteurs de la filière, les organismes et administrations concernés, pour organiser un front commun en vue des rendez-vous importants de 2004 et de 2006 . Nous avons constitué quatre groupes de travail qui, au cours de l'année, prépareront nos propositions pour défendre ce dossier avec détermination et énergie. Le Gouvernement est très mobilisé car 30 000 emplois sont concernés (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) .

RESPONSABILITÉ DES FAUTEURS DE MARÉES NOIRES

M. Jean-Claude Beaulieu - Les côtes françaises sont de nouveau souillées par le pétrole, à la suite du naufrage du Prestige. Le Gouvernement agit, les équipes sur le terrain se dévouent, et l'Assemblée nationale a voté la création d'une commission d'enquête qui devra, entre autres, proposer des mesures de prévention plus efficaces.

Mais il est impossible de poursuivre en justice les véritables responsables de ce naufrage. Michel Hunault a déposé une proposition de loi intéressante à cet égard. Monsieur le garde des sceaux, entendez-vous prendre des mesures qui permettront de sanctionner les vrais coupables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Je pense, comme vous, que les règles relatives à la recherche des responsabilisés doivent être éclaircies. S'agissant de la compétence de juridiction, le tribunal de Brest, au sein duquel un juge d'instruction a été désigné pour coordonner l'enquête et s'est mis en relation avec son homologue espagnol, a la responsabilité de toute la côte atlantique. De même, le tribunal du Havre a compétence pour les côtes de la Manche, et celui de Marseille pour le littoral méditerranéen.

Mme Bachelot vous soumettra sous peu un projet visant à étendre la compétence de ces tribunaux à toute la zone économique exclusive. Je compte, de surcroît, faire en sorte que ces juridictions spécialisées soient dotées d'une compétence immédiate, dès la survenue d'un sinistre, et sans attendre qu'un juge d'instruction soit nommé.

Enfin, la proposition de loi de votre collègue Hunault est pleine d'intérêt, et il conviendra en effet, de préciser les conditions de l'incrimination de pollution maritime, comme il le suggère (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉGRADATION DE L'EMPLOI

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Depuis quelques semaines, les plans sociaux succèdent aux plans sociaux, les fermetures d'entreprises aux fermetures d'entreprises et les licenciements aux licenciements (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Cazenave - La faute à qui ?

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Alcatel, Giat-Industries, Arcelor, Péchiney, Daewoo, Rivoire et Carret ne sont que quelques-uns des noms d'une sinistre litanie, et la situation économique est chaque jour plus dure pour les salariés et les territoires. Il est flagrant que les prévisions faites par le Gouvernement d'une croissance de 2,5 % sont insincères et irresponsables (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP), alors que la production industrielle, l'investissement et la confiance des consommateurs sont en chute. Et comme si cela ne suffisait pas, vous annoncez le gel de quatre milliards d'euros de dépenses publiques (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), gel qui obérera la mise en _uvre des contrats de plan et aggravera le chômage.

Monsieur le Premier ministre, une politique économique ne se limite pas à des nominations partisanes (Huées sur les bancs du groupe UMP), à la réduction de l'impôt pour les plus riches, à l'allégement de l'ISF et au rétrécissement des mesures de protection des salariés contre les licenciements ! (Exclamations et interruptions sur les bancs du groupe UMP) Quand donc aurez-vous le courage d'assumer vos choix, de dire la vérité aux Français, et d'en tirer les conclusions nécessaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains ; huées sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Madame la députée, qui croyez-vous tromper par ce discours ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Pensez-vous réellement contribuer à améliorer ainsi l'emploi en France, alors même que le Gouvernement précédent a une responsabilité écrasante dans la situation actuelle ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Vous avez fait allusion à la baisse de la production industrielle ; mais comment pourrait-elle croître alors que vous avez instauré la réduction du temps de travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Comment la majorité précédente a-t-elle pu concevoir un dispositif que les entreprises françaises sont les seules en Europe à devoir appliquer ? (Mêmes mouvements) Et rien de cela ne vous retient de tenir des discours déresponsabilisants, comme celui que nous venons d'entendre !

Quelle alternative, le groupe socialiste propose-t-il donc ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais non, pas « rien » ! Une réduction du temps de travail à 33 heures, l'accroissement des impôts et l'arrêt des allégements de charges ! Voilà quelles sont les propositions du groupe socialiste, qui se satisferait par ailleurs sans états d'âme de masquer les statistiques du chômage par un recours massif aux emplois aidés, aggravant ainsi la dépense publique et le déficit considérable qu'il nous a laissé, et qui pèse tant sur la croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

HARKIS

M. Alain Merly - La communauté des harkis, qui a beaucoup souffert, connaît encore des difficultés de toutes sortes. La nation, consciente de la dette morale contractée à son égard, a pris des mesures en leur faveur, mais d'autres sont nécessaires. L'année 2002 a été, pour nos amis rapatriés et harkis, celle de l'espoir, après cinq années amères pendant lesquelles ils se sont sentis oubliés (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Fidèle à ses promesses, le Gouvernement entend répondre à leurs attentes légitimes. Comment se traduira la reconnaissance de l'Etat envers les harkis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants - Depuis l'adoption à l'unanimité, par les deux assemblées du Parlement, de la loi de 1994, rien de significatif n'a été fait (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), excepté la création d'un comité de suivi qui ne s'est jamais réuni ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C'est pourquoi, aussitôt le Gouvernement nommé, le Premier ministre a décidé de créer une mission interministérielle (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) qui s'attache à réunir les éléments de suivi indispensables.

Quant au haut conseil des rapatriés, il est en cours d'installation (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Désormais, il y aura donc une évaluation, des études et des propositions (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Enfin, le haut conseil à la mémoire combattante, qui s'est réuni la semaine dernière sous la présidence du chef de l'Etat, a décidé de pérenniser la journée nationale d'hommage aux harkis. Cette reconnaissance a, aux yeux de la communauté harkie, une forte valeur symbolique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

STATUT DE CAPITALE EUROPÉENNE DE STRASBOURG

M. André Schneider - Il y a quelques jours, à Bruxelles, quarante membres de la Convention sur l'avenir de l'Europe ont rendu publique une motion « anti-Strasbourg », qui mettait notamment en cause la desserte aérienne de la capitale alsacienne (« Air Lib ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Ces interventions récurrentes, qui sont autant de douches écossaises pour les élus inquiets et la population indisposée, tendent à remettre en cause le statut de Strasbourg, ville-siège, inscrit dans les traités. C'est dire que nous attendons beaucoup du contrat triennal en matière de transport, d'enseignement supérieur et de culture. Lors du CIADT du 13 décembre, le Premier ministre a déclaré vouloir conforter le rang de Strasbourg, « capitale européenne ». Comment le sera-t-il ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - Le Gouvernement a manifesté sa détermination formelle à conforter la vocation européenne de Strasbourg. Il n'était que temps, car les choses ont beaucoup traîné (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Cela étant, ce ne sont pas les attaques rituelles de certains de nos voisins qui entament notre volonté. Aussi allons-nous consulter les institutions européennes elles-mêmes pour recenser les difficultés et définir une stratégie globale. Un comité de pilotage sera constitué, auquel vous serez associé, Monsieur le député, comme les autres élus alsaciens.

Nous allons d'autre part créer un « eurodistrict » regroupant les collectivités territoriales françaises et allemandes autour de Strasbourg, avec l'objectif d'attirer de nouvelles institutions européennes et de relancer ainsi une dynamique.

Enfin, le contrat triennal, d'un montant de 45 millions d'euros, sera bientôt signé, et des crédits supplémentaires seront dégagés qui serviront à améliorer la desserte aérienne de Strasbourg, notamment par la création d'une navette avec Bruxelles. Comme vous le constatez, votre priorité est partagée par le Gouvernement et nous ne laisserons pas Strasbourg être attaquée sans réagir (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement. Le Premier ministre m'a fait savoir qu'il souhaitait prendre la parole immédiatement après la suspension de séance.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25.

ENGAGEMENT DE RESPONSABILITÉ DU GOUVERNEMENT

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Comme je l'ai annoncé tout à l'heure lors des questions au Gouvernement, j'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, j'ai décidé, après délibération du Conseil des ministres qui m'y a autorisé, d'engager la responsabilité du Gouvernement (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) sur le vote du projet relatif à l'élection des conseillers régionaux, des représentants au Parlement européen et à l'aide publique aux partis politiques, modifié par les amendements dont j'ai remis copie à la Présidence (Mêmes mouvements ; plusieurs députés socialistes brandissent un carton rouge).

M. le Président - L'Assemblée prend acte de l'engagement de responsabilité du Gouvernement, conformément aux dispositions de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Le texte sur lequel le Premier ministre a engagé la responsabilité du Gouvernement sera annexé au compte rendu de la présente séance.

En application de l'article 155, alinéa premier du Règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu (M. Jean-Marc Ayrault se lève et demande la parole). Il sera considéré comme adopté sauf si une motion de censure, déposée avant demain, 16 heures 30, est votée dans les conditions prévues à l'article 49 de la Constitution (M. Jean-Marc Ayrault continue à demander la parole).

Je vais donc réunir immédiatement la Conférence des présidents (Protestations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Bruno Le Roux - C'est scandaleux !

M. le Président - ...dont j'invite les membres à me rejoindre (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 16 heures 30 est reprise à 17 heures 15.

DÉCISIONS DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le Président - La Conférence des présidents a fixé au samedi 15 février à 9 heures 45 la discussion et le vote d'une éventuelle motion de censure.

Par ailleurs, les trois conventions inscrites le jeudi 13 février, après-midi, sont retirées de l'ordre du jour.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Je ferai un rappel au Règlement fondé sur l'article 58 alinéa 1.

Je n'ai pas demandé la parole hier car, du fait du brouhaha qui accompagne souvent la séance de questions au Gouvernement, j'ai mal entendu la réponse que M. le Premier ministre m'a faite. J'aurais autrement pu la demander pour un fait personnel.

Après avoir rappelé la parole de Pierre Mendès France selon laquelle « gouverner, c'est choisir », j'avais cru pouvoir résumer la politique du Gouvernement par la formule « toujours moins pour les défavorisés, toujours plus pour les privilégiés » et j'avais rappelé les principales mesures d'austérité et les allégements fiscaux décidés par le Gouvernement. A quoi le Premier ministre répondit « J'ai pour Pierre Mendès France beaucoup de respect, particulièrement pour son goût de la vérité, dont vous semblez dépourvu. Pierre Mendès France se battait pour la vérité, tandis que vos propos sont empreints de mensonge ». Ces propos diffamatoires sont d'autant plus regrettables que mon intervention se limitait à un rappel précis et exact des projets de loi soumis par le Premier ministre au Parlement, ou des décisions prises par son gouvernement. Pierre Mendès France, que j'ai personnellement connu, nous a enseigné la loyauté et la franchise en politique. Accuser un parlementaire de mentir est jugé particulièrement grave dans la démocratie anglo-saxonne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Lorsque l'accusation est dépourvue de fondement, ne repose sur aucune preuve, elle tend à déconsidérer non la personne qui en fait l'objet, mais l'auteur.

Pierre Mendès France écrivait à propos des responsables politiques dans La vérité guidait leur pas : « La démocratie, c'est un type de m_urs, de vertus, de scrupules, de sens civique, de respect de l'adversaire. C'est un code moral ». Il serait souhaitable que le Premier ministre de la République respecte ce code moral au lieu de l'enfreindre et naturel qu'il exprime ses regrets, par l'intermédiaire d'un membre de son Gouvernement, pour cet incident.

La séance, suspendue à 17 heures 15, est reprise à 17 heures 35, sous la présidence de M. Le Garrec

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Jean-Marc Ayrault - Je m'appuie sur l'article 58, alinéa 3.

Je voudrais annoncer solennellement, après avoir réuni mon groupe, que nous allons déposer une motion de censure, à laquelle pourront se joindre tous les collègues qui le souhaitent, et notamment les députés communistes, radicaux et Verts, pour protester contre la décision du Gouvernement d'utiliser l'article 49-3.

Il est inacceptable qu'en réponse à M. Jacques Barrot - à ce propos, c'est une première que de voir le président d'un groupe parlementaire demander que soient réduits les droits du Parlement ! - le Premier ministre se soit borné à mépriser le travail des élus qui ont déposé des amendements : il y en a beaucoup certes, mais cela ce n'est pas sans précédents !

Le droit d'amendement parlementaire est fondamental. Mais le Premier ministre a dit que le ministre qu'il avait chargé de défendre ce projet avait mieux à faire que de discuter avec les parlementaires... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dino Cinieri - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marc Ayrault - Ce sont des propos irrespectueux à l'égard du Parlement et contre lesquels nous protestons énergiquement.

Nous n'aurons pu consacrer que six heures à l'examen de ce texte, qui a été expédié. Il n'y a pas eu de discussion générale (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), nous n'avons même pas pu défendre les motions de procédure...

Plusieurs députés UMP - A qui la faute ?

M. Jean-Marc Ayrault - C'est inacceptable. Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je ne suis pas persuadé que cela permettra de résoudre le problème... La séance sera suspendue après le rappel au Règlement de M. Morin.

M. Hervé Morin - Le groupe UDF souhaite exprimer son regret absolu de ne pas avoir eu le moindre débat sur ce texte. C'est la première fois dans l'histoire de la Ve République que l'article 49-3 est mis en jeu avant même que la discussion générale soit commencée (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Les porte-parole des groupes n'ont pas pu monter à la tribune !

Je constate que la vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain. Le 15 juin 1977, M. Chirac, ancien Premier ministre de M.Giscard d'Estaing, mettait en garde, à cette tribune, à propos du mode de scrutin aux élections européennes, le gouvernement de M. Barre contre une utilisation de l'article 49-3 dans un domaine où le Parlement était éminemment concerné (Ah ! sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine David - Il a la mémoire courte !

M. Hervé Morin - Quant au président de l'UMP, il déclarait en 1996, alors qu'il était Premier ministre, qu'il n'était pas convenable de modifier le mode de scrutin sans un consensus le plus large possible. Ce consensus était possible cette fois, si le Gouvernement s'en était tenu au texte déposé et transmis au Conseil d'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Le président de l'UMP n'a pas assisté un seul instant à ce débat !

Plusieurs députés socialistes - Où est-il ? Et M. Douste-Blazy ? Et M. Barrot ? Ils se débinent !

Mme Nadine Morano - Et M. Bayrou, où est-il ?

M. Hervé Morin - En réalité, derrière cette réforme du mode de scrutin se cache la volonté de mener la France vers le bipartisme, pour ne pas dire vers le parti unique (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Qui peut croire qu'on pourrait effacer ainsi deux siècles d'histoire politique ? Le multipartisme fait partie de notre patrimoine, il est inscrit dans notre hérédité. Mais si vous voulez afficher clairement votre but, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de votre démarche en instaurant le scrutin uninominal à un tour ? (« D'accord ! » sur quelques bancs du groupe UMP)

A ceux qui pensent qu'en trafiquant les modes de scrutin on peut gagner les élections suivantes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je rappelle qu'en 1951, la IVe République avait essayé d'éliminer les partis communiste et gaulliste par la loi sur les apparentements : sept ans plus tard, les Français ont montré qu'ils voulaient rester maîtres de leur destin.

Je prends donc date pour l'année prochaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste).

M. le Président - En Conférence des Présidents, une prise de parole des groupes avait été prévue : c'est chose faite.

Monsieur Ayrault, je vous accorde maintenant une suspension de séance de cinq minutes.

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 17 heures 50.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le Président - N'abusons pas des rappels au Règlement. Monsieur Baguet, vous demandez la parole, je vous la donne, mais très brièvement.

M. Pierre-Christophe Baguet - Mon rappel au Règlement concerne l'organisation de nos travaux. La commission chargée de désigner le président de la chaîne parlementaire devait se réunir à 16 heures 15, au moment même où le Premier ministre s'exprimait. Puis la Conférence des Présidents a été convoquée. La commission s'est donc réunie en l'absence de tout représentant de l'UDF. Nous tenons à manifester notre mécontentement. Ce feuilleton qu'a été la désignation du président de la chaîne parlementaire n'est pas digne de notre assemblée et nous nous désolidarisons totalement de la procédure suivie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Président - Votre observation sera transmise à M. le Président.

SÉCURITÉ INTÉRIEURE (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte élaboré par la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la sécurité intérieure.

M. Christian Estrosi, rapporteur de la CMP - A l'issue d'un énorme travail préparatoire, nous allons pouvoir voter sur l'un des textes majeurs de cette législature. Rénovant le cadre de l'action publique en matière de lutte contre l'insécurité, il était attendu par les forces de l'ordre et souhaité par les Français. Il assure un juste équilibre entre les droits et les devoirs de chacun. En tant que rapporteur, j'ai souhaité, avec beaucoup d'entre vous, maintenir cet équilibre et même le renforcer.

Le projet comportait initialement une cinquantaine d'articles. Il en comptait 75 après l'examen au Sénat, et 150 après les travaux de l'Assemblée. L'apport du Parlement a été essentiel, et je vous remercie, Monsieur le ministre, de votre esprit d'ouverture. L'Assemblée a discuté de 468 amendements et en a adopté 220, dont 36 du Gouvernement, 77 de la commission et 95 émanant des députés de la majorité, pour l'essentiel sur les points suivants : l'amélioration du recours au fichier des empreintes génétiques, la prise en compte de formes nouvelles de criminalité comme la cybercriminalité, la lutte contre les marchands de sommeil, l'instauration d'un droit au travail pour les prostituées étrangères qui concourraient à faire incriminer leur proxénète. Le Sénat a également accompli un travail essentiel pour renforcer la lutte contre les réseaux mafieux de traite des êtres humains.

L'opposition, malgré son absence lors des travaux préparatoires et certaines déclarations excessives, a parfois fait preuve d'esprit constructif. J'ai souhaité le dialogue, et 14 de ses amendements ont été adoptés dont une douzaine à l'unanimité. Je pense en particulier à un amendement de M. Montebourg allégeant la charge de la preuve en matière de lutte contre la traite des êtres humains et à deux amendements de M. Gerin sur l'inscription au fichier des véhicules volés et sur l'assistance des services sociaux aux victimes de la prostitution.

Pour la CMP, le rapporteur du Sénat, M. Courtois, et moi-même, avions fait un important travail préparatoire, qui nous a permis de présenter des amendements en commun. Certains ont trouvé la méthode surprenante ; d'autres ont compris que le passage de 75 articles à près de 150 articles nécessitait ce travail préparatoire pour répondre pleinement aux aspirations du Parlement. Nous avons ainsi respecté le travail de chaque assemblée, sans modifier le texte en profondeur, mais en lui donnant la forme adéquate, par de nombreux amendements de coordination.

Sur le fond, nous n'avons procédé qu'à trois modifications substantielles. Un amendement du groupe UDF avait créé un délit d'outrage à l'hymne national et au drapeau tricolore.

Je note que M. Manuel Valls avait exprimé son accord à ce sujet. Il fallait cependant limiter le délit à la commission des faits en manifestation publique ; c'est ce que nous avons fait. Par ailleurs, la CMP a étendu le dispositif de dépistage chez les personnes poursuivies pour viol à l'ensemble des maladies sexuellement transmissibles, en prévoyant d'une part, de rechercher, dans la mesure du possible, le consentement de l'auteur des faits et, d'autre part, l'intervention d'un médecin lors de la révélation du résultat du dépistage. Enfin, la CMP a précisé que les enfants considérés comme victimes d'une privation de soins lorsqu'ils sont maintenus sur la voie publique dans le but de solliciter la générosité des passants sont les mineurs âgés de moins de 6 ans.

Ainsi modifié, le projet est un texte de respect et de rupture. Texte de respect, car il témoigne de la fidélité du Gouvernement à ses engagements. Texte de rupture, car il s'attaque aux fléaux qui empoisonnent la vie de centaines de milliers de Français, et répond ainsi au message de détresse signifié le 21 avril. Il permettra à l'Etat de garantir la liberté de chacun au premier rang desquels les plus démunis, ceux qui trop longtemps, se sont sentis laissés pour compte. Ce texte courageux n'ignore rien des phénomènes qui alimentent la violence, la délinquance et l'intolérance. Comment ne pas se réjouir qu'avant même son adoption, les statistiques révèlent l'amorce de la décrue, avec une réduction de plus de 10 % des actes de délinquance sur la voie publique, de près de 19 % des vols de véhicules, et avec une augmentation du taux d'élucidation, qui atteint près de 28 % ?

Ces résultats, c'est à vous, Monsieur le ministre, que nous les devons. A moyens constants, vous avez démontré la force de l'action politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il vous faut maintenant un cadre législatif pour conforter cette tendance : vous l'aurez, et je me félicite que chacun de mes collègues de la majorité puisse repartir dans sa circonscription en sachant que ses engagements ont été tenus, et que nous _uvrons ainsi à la reconstitution du pacte républicain, trop longtemps laissé en déshérence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Je remercie tous les groupes qui ont accepté d'examiner, dans la sérénité, les travaux de la CMP, répondant ainsi aux attentes de nos compatriotes, qui n'auraient pas compris que les désaccords qui s'expriment parfois, et naturellement en démocratie, sur un texte donné ne perturbent la discussion finale d'un autre projet sur lequel nous travaillons, ensemble, depuis octobre.

Au cours de cet intéressant débat, chacun a pu exprimer ses convictions dans le respect de l'autre, et la confrontation des idées a été fructueuse sur bien des sujets délicats. Ainsi de la discussion des articles relatifs à la prostitution, qui n'a donné lieu à aucune outrance ; ainsi de la question des gens du voyage, qui n'a suscité aucun amalgame ; ainsi du débat sur la mendicité aggravée, ramené à de justes proportions ; ainsi, enfin, des fichiers, qui ont été l'objet d'échanges précis mais courtois. Chacun est donc sorti gagnant de ce débat important, au grand dam de ceux qui, sans jamais avoir pris la peine de chercher à se faire élire, se gaussent par habitude des élus. Chacun, sur tous les bancs, a montré que l'on peut être fidèle à ses engagements électoraux sans transiger avec les valeurs républicaines.

Je tiens, bien sûr, à rendre hommage à votre rapporteur, non pas en raison de l'amitié ancienne qui nous lie mais en reconnaissance du travail qu'il a réalisé, avec la commission, en amont du texte. Si le nombre des articles du projet a doublé, c'est notamment grâce à ce travail préparatoire, qui ne s'est en rien limité aux aspects policiers. Je ne doute pas que tous s'associeront à cet hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je me suis félicité aussi du travail accompli en coopération avec le président de votre commission, qui sait être vigilant quand il le faut... J'associe enfin à ce texte tous les groupes, qui l'ont enrichi par leurs amendements.

Les dernières statistiques parues sont encourageantes puisqu'elles indiquent que la délinquance est en recul de 4,5 % en janvier 2003 par rapport à janvier 2002.

M. Jean-Pierre Blazy - Pas en zone de gendarmerie !

M. le Ministre - L'an dernier, la délinquance augmentait tant dans les zones de gendarmerie que de police ! Il reste beaucoup à faire, nous le savons, mais qu'auriez-vous dit si les statistiques avaient marqué une progression de 4,5 % en zone de police ? Je ne sais qui a gagné la guerre mais je sais qui l'aurait perdue si tel avait été le cas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. René Dosière - La formule a beaucoup servi !

M. le Ministre - Elle n'en a pas moins de force ! Je n'ignore pas que d'autres résultats sont nécessaires. Nous évaluerons donc les mesures adoptées, car ce gouvernement ne détient pas la vérité révélée. Et si, dans un an, il apparaît que les résultats escomptés ne sont pas atteints, il faudra faire fi de toute vanité, et modifier immédiatement ce qui doit l'être. L'évaluation, la récompense, le mérite et surtout, la réactivité, voilà ce qui constituera l'efficacité. Autant dire que ce n'est pas parce que le texte est voté que tout est fini ; bien au contraire, tout commence, et aussi longtemps que la délinquance n'aura pas durablement reculé, le Gouvernement considérera sa mission inachevée.

Une nouvelle fois, je remercie tous les orateurs de l'ardeur dont ils ont fait preuve au long des débats, avec une pensée particulière pour Bruno Le Roux et les membres du groupe socialiste, pour lesquels cette discussion n'a pas dû être facile... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - Je suis saisi par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste d'une exception d'irrecevabilité déposée conformément à l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Bruno Le Roux - Je salue, à mon tour, le travail préparatoire accompli par notre rapporteur, même si nos désaccords sont profonds et persistants. Nous évaluerons, avec intérêt, les résultats atteints... Sur la forme, permettez-moi de souligner qu'il n'est pas sain qu'en CMP l'opposition se trouve face à un texte déjà ficelé, le débat devenant de ce fait impossible.

Monsieur le ministre, nous avons eu plaisir à débattre avec vous de sécurité. Nous aurions souhaité pouvoir débattre aussi des scrutins régionaux et européens, mais nous constatons avec un grand déplaisir que le Gouvernement s'est saisi de l'arme de l'article 49-3 avant même que la discussion n'ait lieu...

Pour en venir au présent projet, je regrette que la procédure d'urgence nous ait empêchés de débattre au fond, de façon globale, de cette question essentielle pour nos concitoyens qu'est la sécurité. Nous avons tout fait pour que cette discussion soit sérieuse, pour qu'elle évite les caricatures, pour qu'elle s'ancre dans la réalité de l'insécurité dont souffrent les Français. Mais, à aucun moment, vous ne nous avez convaincus de l'utilité et de l'efficacité des mesures que vous proposez, qui suscitent, au contraire, un certain nombre d'interrogations. Car prendre en considération les problèmes de sécurité publique ne saurait signifier la recherche de la sécurité à n'importe quel prix, par n'importe quel moyen.

La sécurité des personnes et des biens, objectif de valeur constitutionnelle et droit fondamental, condition de l'exercice des libertés et de la réduction des inégalités, ne sera plus, après le vote de cette loi, le premier devoir de l'Etat. Vous en avez fait le dernier des objectifs de la politique de sécurité...

Dans ces conditions, comment s'étonner, Monsieur le ministre, de votre charge violente, à Toulouse, contre la police de proximité ? Vous l'avez accusée d'être la cause de tous les maux : « la police de proximité s'est construite au détriment de la police d'investigation et d'interpellation... »

M. Pierre Cardo - C'est vrai !

M. Bruno Le Roux - Je poursuis la citation : « Il faut rétablir l'équilibre ». Mais cet équilibre existe puisqu'il s'agit d'assurer la présence en même temps sur le terrain d'un véritable service public de sécurité et d'une capacité réelle d'investigation ; ...

M. Pierre Cardo - Sans moyens...

M. Bruno Le Roux - ...de ne plus se contenter de l'intervention de police-secours mais de disposer chaque jour, sur place des moyens d'enquêter et d'agir. C'est cela, la police de proximité. Je pense donc que vos reproches s'adressaient aux îlotiers, qui n'étaient pas assez efficaces parce qu'ils n'étaient pas dotés des pouvoirs d'officier de police judiciaire.

Vous dites qu'il faut « renforcer les patrouilles et les brigades anti-criminalité ». Mais ce ne sont pas les BAC qui mènent les investigations dans les quartiers, qui démantèlent les filières de la drogue...

M. Gérard Léonard - Elles y contribuent largement...

M. Bruno Le Roux - ...ce sont les officiers de police judiciaire.

M. Pierre Cardo - Ce sont plutôt les GIR...

M. Bruno Le Roux - Ce que vous voulez, Monsieur le ministre, c'est casser ce travail au profit du « saute-dessus » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui donne des résultats immédiats mais qui n'améliore pas vraiment la sécurité.

Vous n'hésitez pas à caricaturer l'action de la police en déclarant : « des patrouilles conviviales et sympathiques à 9 heures du matin, c'est bien mais ça ne sert à rien, pas plus que les plantons qui préparent le café dans les commissariats ».

Plusieurs députés UMP - C'est vrai ! C'est la nuit que les choses se passent !

M. Bruno Le Roux - Quelle considération pour la police ! Je déplore de tels écarts de langage, s'agissant de fonctionnaires qui font un travail si important, dans nos cités.

Vous dites aussi que « la police est là pour arrêter les délinquants, pas pour faire du social ».

M. le Ministre - C'est vrai !

M. Bruno Le Roux - Peut-être, mais le rappeler à des fonctionnaires contraints de vous écouter sans réagir, devant leur hiérarchie, c'est encore faire preuve de peu de considération à leur égard. Je ne connais pas de policiers qui, sur des terrains difficiles, s'amusent à faire du social plutôt que leur travail. Ils ont été formés pour être policiers, ils font du bon travail, ils manquent de moyens, ce texte leur en donnera peut-être un peu plus, mais je n'accepte pas la caricature de leur action qui est faite à des fins politiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

A la suite de certains incidents, vous avez suspendu plusieurs fonctionnaires. Pouvez-vous nous indiquer les informations dont vous disposez à propos de la mort récente de deux expulsés à Roissy ? Disposez-vous du rapport d'autopsie de la seconde victime ? Que dit-il ? Quelles conséquences entendez-vous en tirer ?

M. Yves Fromion - Vous mettez en cause les policiers !

M. le Ministre - La procédure judiciaire est en cours.

M. Bruno Le Roux - Dans ce débat, nous avons montré que nous voulions doter notre pays d'une politique ambitieuse en matière de sécurité. Nous nous sommes aussi inscrits dans la filiation de ceux qui se sont battus pour la liberté et pour les droits de l'homme. Opposer, comme vous le faites, la sécurité aux libertés est dangereux.

M. Guy Geoffroy - C'est vous qui les opposez !

M. Bruno Le Roux - Et si dire cela doit nous valoir d'être taxés de « droits de l'hommisme », nous assumons ce qui semble pour vous le pire des qualificatifs. La sécurité ne s'oppose pas à la dignité humaine, à la liberté d'aller et venir, aux droits de la défense.

M. Francis Delattre - Racolage !

M. Bruno Le Roux - Sans ces libertés, sans ces droits, il n'est pas de véritable sécurité.

Un mot sur ces statistiques dont vous n'avez de cesse de vous glorifier. Vous avez raison de mettre l'accent sur l'évaluation, elle est nécessaire. Quand on donne des moyens à des administrations, on doit en mesurer l'efficacité. Encore faut-il que les résultats soient interprétés sur des bases sérieuses. Or, selon un haut fonctionnaire de la gendarmerie, « plus on exerce, sur les gendarmes et les policiers de bases, une pression en termes d'obligation de résultats sur les chiffres de la délinquance, plus on crée la tentation du « bidonnage » dès lors que les individus et les services ne sont pas en mesure, dans le court terme, d'engager une action de fond contre la délinquance. Tous les chercheurs qui se sont penchés sur la question policière au sens large ont bien noté la malléabilité des statistiques car elles sont réalisées par ceux-là même qui agissent sur le terrain contre la délinquance ».

J'imagine, mes chers collègues, votre réaction si j'avais été l'auteur de ces propos. Vous restez cois car ils émanent d'un haut fonctionnaire.

M. le Ministre - Un gendarme, un « haut fonctionnaire » ?

M. Bruno Le Roux - Disons un haut gradé de la gendarmerie.

A la question : « Vous parlez de non-dit au sein de la hiérarchie militaire à propos des chiffres de la délinquance », il répond : tout à fait. Le commandement qui est censé exercer une mission de contrôle de ses subordonnés n'a aucun intérêt à l'exercer car les arrangements qu'il pourrait découvrir peuvent lui permettre d'afficher des chiffres satisfaisants. Je ne dis pas que la pratique est généralisée mais le système favorise ce type de comportements.

M. Francis Delattre - Ils sont anciens...

M. Bruno Le Roux - En effet. De tous temps, on a fait dire aux chiffres ce qu'on voulait.

M. Pierre Cardo - Mais vous ne vous en apercevez qu'une fois dans l'opposition...

M. Bruno Le Roux - Quand on souhaite, comme le ministre, faire aussi souvent référence aux chiffres, il faut qu'ils soient incontestables. Nous rappelons à ce propos notre demande de création d'un organisme indépendant.

Rien dans la politique du Gouvernement ne permet d'envisager un recul de la violence dans notre société. Avec les plans de licenciements qui vous laissent passifs, avec les reculs sociaux qui fragilisent plus encore les plus précaires, avec votre man_uvre sur l'ISF, il vous sera impossible d'améliorer la sécurité car le Gouvernement ne fait pas de la lutte contre les inégalités, du combat contre la violence, une priorité de son action.

Vous remettez en cause des pans entiers de libertés individuelles et de droits de la défense, sans qu'on puisse en escompter une amélioration pérenne de la sécurité. Mais pourquoi ne pas dire que vous voulez passer d'un régime de libertés publiques plutôt répressif à un régime préventif ? Tous les députés de la majorité disent que lorsqu'on n'a rien à se reprocher, on doit accepter les fouilles et les contrôles d'identité.

Plusieurs députés UMP - Bien sûr !

M. Bruno Le Roux - Eh bien, assumez-le ! Nous, nous pensons que s'il y a fouille ou contrôle, c'est qu'il y a présomption de culpabilité ou d'irrégularité (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Bien sûr, ce n'est pas moi qui serai soumis à ces contrôles, mais il y a des quartiers où on les subira sans cesse. Dites donc clairement que vous changez le régime des libertés publiques.

M. Charles Cova - Nous avons été élus pour cela...

M. Bruno Le Roux - Dans ce gouvernement, on parle beaucoup de voyous. Pour votre part, Monsieur le ministre, reprenant en quelque sorte l'expression « terroriser les terroristes », vous voulez « créer l'insécurité pour les voyous ».

Or, par certains articles très médiatiques, mais très peu juridiques de votre projet, vous créez l'insécurité au sein de la police. Selon un responsable de la publication Police du SNPT, il est nécessaire de veiller à ce que les articles juridiques soient clairement définis. Les policiers ne sont pas là pour interpréter les lois, mais pour les appliquer. Cette loi souffre d'un manque de clarté dans la définition des éléments constitutifs des incriminations nouvelles - racolage passif, mendicité agressive, regroupement dans les cages d'immeubles et les halls d'escaliers. Ces dernières infractions touchent directement le domaine des libertés publiques et notre devoir, souligne-t-il, est d'attirer l'attention du législateur sur le danger qu'il y a à utiliser des concepts flous qui mettraient en porte à faux les policiers sur le terrain.

Nous n'avons cessé, après audition de la commission nationale consultative des droits de l'homme ou de la CNIL, de déposer des amendements afin de mieux garantir les libertés publiques et les droits de la défense. Aucun n'a été accepté. A trop vouloir recopier les revendications des syndicats des commissaires ou des hauts fonctionnaires de la police nationale, vous prenez le risque d'être sanctionné par le Conseil constitutionnel, que nous saisirons. Il convient de faire preuve de plus de sérieux et de recul en matière de libertés publiques et de droits de la défense.

Venons-en maintenant aux germes d'anticonstitutionnalité, qui concernent une quinzaine d'articles - atteinte excessive aux libertés d'aller et venir et d'expression, atteintes non justifiées à la présomption d'innocence, atteintes au principe de légalité par l'absence ou l'insuffisance de définition des délits, infractions inutiles au regard de l'ordre public, confusion entre les pouvoirs administratif et judiciaire.

Mais surtout, je voudrais évoquer, tant d'un point de vue citoyen que constitutionnel, la question de l'outrage au drapeau.

M. le Ministre - Que vous avez voté !

M. Bruno Le Roux - Si, aujourd'hui, il faut agir pour mieux faire connaître la République, le drapeau, et la Marseillaise, ce ne peut être que par l'éducation, et tous les moyens n'ont sans doute pas été mis en _uvre.

M. Guy Geoffroy - MM. Lang et Allègre n'ont rien fait !

M. Bruno Le Roux - Un ministre de l'éducation nationale n'a-t-il pas envoyé à toutes les écoles un CD de la Marseillaise ? Ce type d'initiative doit être poursuivi et ne saurait être l'_uvre d'un jour (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Nous partageons tous le même sentiment quand l'hymne national est sifflé dans un stade à l'occasion d'une manifestation sportive, mais cet article appelle une réponse de principe tant sont menacées les libertés individuelles, d'expression et de conscience. C'est par l'exemplarité de la tolérance des institutions démocratiques que le respect de ces symboles se forge au fil des générations.

Ainsi, en vertu du premier amendement de la Constitution protégeant la liberté d'expression, la Cour suprême des Etats-Unis n'a pas sanctionné les incendies volontaires et publics du drapeau américain, pendant les manifestations liées à la guerre du Vietnam. Récemment une loi fédérale de 1989  - Federal Flag Protection Act - adoptée par le congrès pour protéger le drapeau, n'a pas été jugée constitutionnelle par la Cour suprême des Etats-Unis, qui a privilégié la liberté d'expression, le fait de brûler le drapeau étant alors regardé comme une « expression symbolique » digne de protection. Ainsi, une idée ou une expression offensante pour la société ne doit pas forcément être prohibée. Un tel raisonnement tenu au c_ur d'une nation dont on mesure la valeur de l'attachement patriotique aux symboles du pays, mérite d'être remarqué.

D'ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme a elle-même considéré que la liberté d'expression, protégée par l'article 10 de la Convention, « vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction de la population ».

Il est vrai que le Turkménistan réprime durement l'outrage au drapeau et à l'hymne national, mais ne compte-t-il pas parmi les dictatures les plus féroces du moment ? Enfin, parmi les motifs d'anticonstitutionnalité, il en est un qui retient l'attention : en aucun cas votre texte ne permet d'assurer la sécurité de nos concitoyens.

M. le Ministre - C'est un spécialiste qui le dit !

M. Bruno Le Roux - Vous n'avez pas su parler des problèmes qu'ils vivent au quotidien ! Mais nous continuerons à formuler des propositions et en attendant, nous vous invitons à voter cette exception d'irrecevabilité.

M. le Rapporteur - Merci d'avoir été si aimable à mon endroit ; en retour, je vous rappellerai qu'il y a quelques années, lorsque nous débattions ensemble, en particulier de la loi sur la sécurité quotidienne pour laquelle vous étiez rapporteur, l'opposition de l'époque sut se montrer constructive.

Aujourd'hui, je ne comprends pas votre attitude. N'est-ce pas vous qui avez proposé, au lendemain des attentats aux Etats-Unis, dans la loi sur la sécurité quotidienne, des dispositions sur le contrôle d'identité, la fouille des véhicules ou le trafic d'armes, afin de lutter contre la menace terroriste en France ? Notre pays est-il aujourd'hui moins menacé ?

Comment pouvez-vous remettre en cause, par vos amendements, vos propres dispositions, que nous avons soutenues à l'époque, et que le Gouvernement vous propose maintenant de pérenniser ? Sur ce terrain, vous faites fausse route.

Quant à la police de proximité, rappelons que le Parlement s'est prononcé sur la LOPSI en juillet et août dernier, et que la politique mise en _uvre aujourd'hui découle de la volonté qui s'est alors exprimée.

Nous ne devons sans doute pas rencontrer les mêmes policiers et gendarmes que vous, car depuis cinq ans, ils n'ont cessé de nous témoigner leur lassitude de se voir humiliés par une hiérarchie dont les instructions étaient de ne pas agir. Aujourd'hui ils ont retrouvé leur motivation et la considération qu'ils méritent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les objectifs de résultat exigés par le Gouvernement découlent aussi de la LOPSI. Il ne s'agit que de mesurer les résultats de l'action gouvernementale - voulue par le Parlement - sur le terrain.

Pour ce qui est des libertés individuelles, je me demande bien qui vous rencontrez et où vous vivez ! Pour ma part, je n'ai pas entendu une seule personne qui n'ait connu, pour elle ou ses proches, menace, insulte, agression.

M. René Dosière - Je n'irai pas passer mes vacances dans les Alpes-Maritimes !

M. le Rapporteur - Tous les jours, des gens vivent dans la détresse et l'inquiétude. Pourtant, la Constitution n'érige-t-elle pas la sécurité au premier rang des libertés ? Hé bien, nous la mettons en _uvre !

Enfin, quelques mots sur la Marseillaise. Vous qui parlez d'éducation, pourquoi n'avoir pas agi pendant toutes ces années ? Pourquoi n'avoir pas inscrit l'hymne national au programme des écoles, collèges et lycées pour apprendre la citoyenneté aux jeunes de notre pays ?

En matière d'éducation, je n'ai qu'un seul souvenir, que j'espère ne plus revivre, celui d'un Premier ministre impavide, au Stade de France, lors d'une rencontre France-Algérie, face à des milliers de spectateurs qui sifflaient l'hymne national (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. René Dosière - Mais lui ne méprisait pas le Parlement !

M. Gérard Léonard - Je rends hommage à M. Le Roux, qui était manifestement en service commandé et qui a rempli sa mission avec talent.

On ignore encore les éléments d'inconstitutionnalité de ce texte - sauf en ce qui concerne le drapeau, mais votre démonstration était un peu laborieuse.

Vous m'avez interpellé à propos de la modification de l'article premier concernant les missions de la police et de la gendarmerie. Il ne s'agit pas du tout d'un changement de philosophie : les contrats locaux de sécurité ont évolué - ils intègrent la prévention - et l'on revient aux missions inscrites dans la LOPS de 1995.

Les institutions, ce sont également les textes qui les régissent. Je vous rappelle le préambule de la Constitution, qui se réfère à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : la sécurité est la première des libertés.

Nous soutenons de tout notre c_ur M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Monsieur Estrosi, personne n'est en service commandé quand il s'agit de défendre les libertés publiques.

M. le Rapporteur - Je n'ai jamais parlé de « service commandé » !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je rappelle les propos de M. Le Roux dans l'exception d'irrecevabilité qu'il a défendue au début de nos débats : « Nous allons partager dans ce débat un objectif commun : doter notre pays d'une politique ambitieuse en matière de sécurité. Par là même, nous débattrons aussi des libertés publiques, car la sécurité ne s'oppose pas aux libertés, au respect de la dignité humaine, à la liberté d'aller et venir, pas plus qu'elle ne s'oppose aux droits de la défense. Sans ces libertés, sans ces droits, il n'y a pas de véritable sécurité ».

Au terme de ce débat, nous considérons que vous n'avez pas suffisamment prêté attention à ces droits constitutionnellement reconnus.

Nous avons eu des débats de grande qualité, notamment concernant le fichier informatique, mais les vrais problèmes n'ont pas été résolus.

Tant mieux si les statistiques des infractions baissent et si celles des élucidations augmentent, mais j'ai suffisamment présidé des conseils communaux de prévention pour savoir que c'est leur évolution qui importe.

Vous avez choisi une stratégie de multiplication des incriminations : occupation et entrave dans les halls d'immeuble, offre de location d'un appartement dont on n'est pas le propriétaire - squat -, délit relatif à la prostitution, occupation par les gens du voyage de propriétés privées ou publiques, tout ceci était déjà dans le code pénal. Aggravation des sanctions ou création de sanctions qui étaient auparavant accessoires contraignent le pouvoir d'appréciation des juges en matière de circonstances atténuantes.

Votre projet ne tient pas non plus compte de la difficulté qu'il y a à imputer des infractions à leurs auteurs. Vous ne définissez à aucun moment les moyens de les constater.

Votre projet met en cause les droits de la défense en les plaçant en-deçà des objectifs de sécurité. En elle-même, cette démarche devient « insécuritaire » pour l'ensemble de nos concitoyens - même si je ne vous impute pas cette intention.

La lutte contre l'insécurité, sans la prévention, l'éducation, l'action sociale, ne sera pas efficace (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Je rappelle l'article 58-6 du Règlement : « Toute attaque personnelle, toute interpellation de député à député sont interdites ». Gardez cela bien présent à l'esprit lors de vos interventions.

M. Manuel Valls - Les observations que nous avions formulées lors de la discussion générale du mois de janvier n'ont été prises en compte, ni pendant l'examen du texte en première lecture, ni par la commission mixte paritaire, que les membres de l'opposition ont décidé de quitter car tout avait déjà été réglé entre députés et sénateurs de la majorité. Ces pratiques démontrent que l'accaparement de tous les pouvoirs par un parti nuit à la qualité du débat démocratique. L'actualité vient encore de le démontrer.

La sécurité est une demande sociale légitime. Il convient dès lors de trouver le juste équilibre entre prévention et répression, entre encadrement et liberté.

La sécurité mérite, en effet, un volontarisme de tous les instants. C'est ce qu'avait compris Lionel Jospin : nous avons ainsi créé de nouveaux dispositifs que personne ne remet en cause tant ils sont efficaces - contrats locaux de sécurité, police de proximité...

Le gouvernement Jospin, avec Daniel Vaillant, a ainsi rompu avec l'image traditionnelle d'une gauche uniquement attachée à la prévention.

De 1997 à 2002, à partir des assises de Villepinte, la gauche a agi dans l'intention de mettre un terme à une injustice sociale - l'insécurité frappe d'abord les plus faibles. Des bureaux de police ont été ouverts, le nombre d'agents a augmenté : 6 200 policiers et gendarmes supplémentaires, 25 000 départs à la retraite comblés.

Pourtant, les chiffres de l'insécurité n'ont pas baissé, la violence n'a cessé de progresser ; c'est un phénomène constant depuis 1987 que nul n'a réussi à enrayer.

Notre programme s'articulait autour de trois axes : la précocité, l'intensité, la continuité afin de « mieux prévenir et de mieux punir ».

Précocité, car il faut lutter contre les comportements violents en menant une nouvelle politique de prévention. Sanctionner dès la première alerte demeure indispensable et ne peut se faire que grâce à un dispositif particulier. Une approche de ce type renforce l'autorité de l'Etat et permet d'accompagner les parents dans leur mission d'éducation. Cette action en amont, a pour but d'éviter cette glorification de la délinquance qui, chez les plus jeunes, provoque un terrible effet d'entraînement.

Intensité, car il s'agissait d'étendre le principe des CLS à la politique de sécurité dans son ensemble : rassembler les acteurs, mutualiser les moyens, échanger pour évaluer et améliorer l'efficacité des solutions apportées, vous n'êtes pas à l'origine de l'approche multilatérale de la sécurité. Oui aux GIR, mais dont l'action et les résultats reposent sur la durée et la discrétion.

Nous voulions agir dans la durée. Nous devons considérer l'évolution de chacun et adapter les réponses à cette évolution pour éviter échecs et récidives.

Notre projet avait pour but de créer une chaîne pénale en intégrant tous les modes d'action de l'Etat, du tenant à l'aboutissant, en associant tous les acteurs, en liant prévention et punition, ce qui aurait été en France une innovation, tant notre tradition tend à les opposer. Vous perpétuez cette césure, Monsieur le ministre, et pénalisez ainsi votre politique.

Malgré notre volontarisme, les efforts des personnels et les nouveaux moyens dégagés, la situation a continué à se dégrader dans de nombreuses zones. Nous avons nous-mêmes trop souvent brouillé notre message.

Puis, à partir de l'allocution télévisée du Président de la République du 14 juillet 2001, la sécurité a hanté le débat politique et est devenue un argument-choc de campagne contre une gauche dite laxiste. Les nouveaux parangons de la droite ont renchéri sur la tolérance zéro. Ceux qui prétendaient hier avoir la solution doivent maintenant faire face à leur responsabilité.

Bruno Le Roux a eu l'occasion de revenir sur les dispositions de votre texte et le caractère inconstitutionnel de certaines. Je me contenterai d'exprimer deux regrets.

Je regrette que le législateur s'attaque aux mendiants, plongés dans l'exclusion la plus terrible, par des dispositions réprimant leur présence - bien plus que leur comportement - dans des lieux jugés sensibles par les maires. La légalisation des arrêtés anti-mendicité rejettera les mendiants hors des centres-villes sans améliorer leur situation.

Je regrette aussi que le projet de loi ne s'attaque qu'à la délinquance d'en bas et s'abstienne de lutter contre la délinquance financière, contre le blanchiment d'argent sale, et contre les organisations mafieuses s'organisant autour des cols blancs.

Je pense aussi que le Gouvernement fait une faute lourde en ne tenant pas compte de la crise qu'a révélée le 21 avril. En n'y voyant qu'un rejet de la gauche et la consécration d'une idéologie économique libérale et d'un Etat-gendarme édulcoré, la majorité se méprend. Elle ne comprend pas la complexité des attentes contradictoires des Français.

En pensant que la sécurité est la réponse nécessaire - chacun en est d'accord - mais aussi suffisante pour réconcilier le peuple et la politique, le Gouvernement se trompe lourdement. Nous avons voulu vous sensibiliser à cet aspect au cours de nos débats. Vous ne nous avez pas entendus. Pire, le texte réformant les modes de scrutin et l'utilisation du 49-3 démontrent l'autisme de ce gouvernement.

Votre politique dans son ensemble rend stérile toute action en profondeur contre l'insécurité.

Car, si une dynamique de croissance, de baisse du chômage ne provoque pas automatiquement une baisse de l'insécurité, une période sans progrès social ne pourra que favoriser le développement de l'insécurité.

La sécurité ne peut être l'alpha et l'oméga d'une politique gouvernementale. Votre loi sera infructueuse à long terme.

Car, votre politique, une fois délaissée la rhétorique estivale sur la France d'en bas, en se donnant pour unique outil de relance la baisse des impôts de ceux qui ne consomment pas, joue contre la France.

Et, si même vous vouliez promouvoir une politique de l'offre, puisque les politiques de demande sont maintenant perçues comme idéologiques, socialistes, le meilleur moyen serait de développer l'éducation et l'accès aux formations. Mais l'éducation est devenue le parent pauvre de la loi de finances pour 2003 et sera la première victime du gel de quatre milliards d'euros.

L'unique dispositif pour l'emploi instauré par ce gouvernement est le contrat « jeunes en entreprises ». Exonérant les employeurs de cotisations sociales, il n'impose aucune obligation de formation et une fois l'effet d'aubaine passé, les emplois créés disparaîtront.

Sur le front de l'emploi, la remise en cause de la loi de modernisation sociale, l'abandon des dispositifs pour l'emploi provoquent une recrudescence terrible du chômage. Le Gouvernement se trouve dépourvu face aux plans sociaux, et au ralentissement de la conjoncture.

L'extension du dispositif des zones franches urbaines, louable dans ses intentions, ne remplacera pas les emplois-jeunes (Protestations sur les bancs du groupe UMP) qui, dans les quartiers sensibles ont rendu une forme de vitalité au service public. Les ZFU ne permettront que des embauches à la marge, sans reconstituer le lien social comme le faisaient les services publics et le tissu socio-associatif.

La situation continue donc de se dégrader et les opérations marketing ne suffisent plus. Derrière le choc des formules, les réponses politiques sont bien faibles.

La politique économique et sociale du Gouvernement est illisible. Plus que l'expression d'un pragmatisme élevé au rang de dogme, elle est la manifestation d'une absence de vision.

Ce n'est pas ce qu'attendent nos concitoyens.

Nous devons répondre au message du 21 avril en traitant les causes du mal.

Tenter de juguler les effets sans soigner les causes est une illusion.

Répondre au 21 avril, c'est agir contre la délinquance, les trafics, contre les petits caïds toujours plus violents qui minent le lien social. Non, les délinquants ne sont pas des victimes et il faut rétablir l'ordre là où il est mis en péril.

Mais, répondre au 21 avril, c'est aussi redonner du sens à la vie ensemble, c'est-à-dire au concept même de nation dans son sens le plus riche : une communauté de destin, l'expression d'une volonté collective de partage.

Répondre au 21 avril, c'est restaurer l'ascenseur social en redonnant la priorité à l'école et à l'égalité des chances. Ce n'est pas ce que vous faites.

Répondre au 21 avril, c'est reconstruire nos quartiers, casser le ghetto (« Ce n'est pas ce que vous avez fait ! » sur les bancs du groupe UMP). C'est vrai, nous avons échoué, mais vous, vous ne faites rien ! Il faut augmenter les crédits du logement et de la politique de la ville, promouvoir la mixité sociale, en tenant compte des flux migratoires. Dans le quartier des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, deux tours vont être détruites, mais on ne sait pas où reloger leurs habitants...

Répondre au 21 avril, c'est aussi fournir des repères sur le chemin de l'intégration - je pense au droit de vote des étrangers -, c'est rénover la citoyenneté en redonnant du sens à la laïcité, aux symboles de la République, mais par la pédagogie plus que par la sanction - je doute de l'efficacité de l'amendement voté en première lecture à ce sujet, même si j'en approuve le principe (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

Répondre au 21 avril, c'est restaurer notre pacte républicain : l'action sur la sécurité y contribue mais ne suffit pas. La République est un acte permanent de confiance en l'homme... C'est le sens de cette question préalable : faire de la politique de sécurité la réponse suprême au malaise de notre pays sans tenir compte de l'environnement économique et social, est sans effets.

La réponse politique claire, concrète, forte, qu'attendent nos concitoyens, ce gouvernement ne la donne pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Guy Geoffroy - Je ne reviendrai pas sur ce qu'on peut considérer comme un mea culpa de plus...

L'essentiel est dans ce projet qui repose sur deux principes forts : tenir les promesses de la loi d'orientation et privilégier enfin les droits des victimes sur ceux des personnes mises en cause. On essaie encore d'opposer prévention et sanction.

Après avoir passé trente-cinq ans dans l'éducation nationale, je sais l'importance de la prévention. Mais je suis également de ceux qui, pour avoir vécu longtemps au contact de jeunes en difficulté, qui sont parfois aussi les plus difficiles, savent qu'il leur faut des repères et des sanctions.

Ce texte équilibré prépare l'avenir. Le groupe UMP ne votera pas la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine David - Au cours du débat, nous avions affirmé notre volonté constructive et notre attitude responsable sur les questions de sécurité. Nous affirmons de nouveau qu'il s'agit d'un droit important, au quotidien. Mais nous sommes très déçus par ce texte dont l'approche est inefficace, superficielle, et qui a servi à des fins médiatiques et électoralistes.

Ses tares originelles n'ont pas été gommées car vous n'avez ni écouté des avis différents, ni consenti les moyens correspondant à vos effets d'annonce. Les solutions pénales sont insuffisantes, vous en proposez de nouvelles. La loi est déjà difficile à appliquer, vous créez de nouveaux délits - racolage passif, mendicité agressive, occupation de hall d'immeuble - délicats à apprécier pour la police, impossibles à utiliser devant un tribunal.

Vous confondez justice et arbitraire, police et ordre policier, preuve et soupçon.

En outre, vous avez répondu à notre souci d'être constructifs par le mépris et la condescendance. Cette discussion s'est déroulée dans un climat revanchard et haineux (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié - C'est de la provocation !

Mme Martine David - La question est trop brûlante pour être traitée dans de telles conditions. Fausses solutions, effets d'annonce et reculs des libertés publiques ne résoudront rien. Notre volonté de participation s'est heurtée à une stratégie politicienne qui utilise la détresse.

Vous n'avez pas accepté un débat serein et rigoureux, vous n'avez pas respecté une opposition constructive, ni écouté les acteurs, vous n'avez pas répondu au vrai malaise que provoque l'insécurité. Malgré des annonces tonitruantes, votre texte ne permet en rien de lutter contre l'esclavage moderne, la prostitution, la délinquance économique et financière.

Vous ne cherchez qu'une chose, l'ordre, et nous ne pouvons pas nous en contenter.

M. le Ministre - C'est certain !

Mme Martine David - Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Patrick Braouezec - Notre société ne va pas mal du fait des mendiants, des prostitués, des jeunes sans-emploi, des sans domicile fixe ou des gens du voyage ; c'est l'exclusion qu'elle pratique qui est source de violence. Ce texte s'attaque aux symptômes du mal, punit, exclut, voire emprisonne davantage. Il s'inscrit dans une politique globale d'insécurité sociale généralisée.

En moins de dix mois, vous avez abrogé la loi de 1948 sur les loyers, abandonné la politique du logement, programmé la fin des emplois-jeunes, réformé la fiscalité au profit des riches, remis en cause la réduction du temps de travail, la CMU, la loi de modernisation sociale, facilité les plans sociaux, abrogé le contrôle de l'utilisation des fonds publics par les entreprises, réduit les budgets de l'emploi, de l'éducation et de la culture. Assumez cette politique libérale sécuritaire !

Elle est vouée à l'échec car elle ne fera qu'accroître les tensions et les violences. Vous ne l'avez pas inventée, vous êtres le digne successeur de M. Pasqua...

M. le Ministre - Mieux vaut être le successeur de Pasqua que de Marchais.

M. Patrick Braouezec - ...dont les lois n'ont pas enrayé la délinquance.

Ce texte est uniquement répressif. Or répression et prévention ne vont pas l'une sans l'autre. La prévention, quand on y affecte les moyens nécessaires, n'échoue pas. Mais en Seine-Saint-Denis, plus de 400 mesures éducatives ne peuvent être appliquées faute de personnel.

Ce projet met à mal le contrat social fondé sur la devise « liberté, égalité, fraternité », et conduira à opposer entre elles des populations qui subissent les conséquences de votre politique sociale.

Nous sommes également opposés à votre conception des missions des force de l'ordre.

Vous menez une politique qui fait la part belle à la démagogie et à la médiatisation, en mettant en avant les statistiques de la délinquance, sans les analyser. Ainsi, selon le sociologue Laurent Mucchielli, une quarantaine de fonctionnaires sont agressés à l'école chaque année, mais ils sont 500 000 dans le secondaire, pour 5 500 000 élèves. Les agressions sont donc rarissimes, mais leur exploitation médiatique donne l'impression d'un phénomène omniprésent.

M. le Ministre - Alors tout va bien !

M. Patrick Braouezec - Je n'ai pas dit cela. Mais la vraie violence à l'école, celle qui frappe les adolescents, est reléguée au second plan. Ayant enseigné vingt ans à Saint-Denis, je connais d'expérience ces situations. Au fond votre ambition n'est pas de combattre l'insécurité, elle est de séduire l'opinion en jouant sur le sentiment d'insécurité. Si ce gouvernement était du côté des victimes de la violence scolaire, aurait-il supprimé des milliers d'emplois de surveillants, alors que les élèves représentent 86 % de ces victimes ? C'est à la fois un gigantesque plan de licenciement et d'abandon des adolescents.

Cette loi détourne également les forces de l'ordre de leurs missions essentielles qui sont d'assurer la sécurité des biens et des personnes sans discrimination, d'améliorer le service et l'accueil, d'enquêter et d'élucider les affaires. Vous en faites les seuls interlocuteurs dans les drames sociaux de la prostitution, de la mendicité, de l'errance. Mais que peut la police lorsqu'il manque d'aires de stationnement pour les gens du voyage, que les communes et l'Etat n'ont pas créées ?

Avec des mesures de même nature, M. Pasqua promettait déjà de faire reculer la délinquance, en étendant les contrôles d'identité, en pénalisant le séjour irrégulier, dont les statistiques gonflent celles de la délinquance, puisqu'un étranger sur cinq incarcéré l'est pour défaut de papiers en règle. Votre politique inefficace fabrique des sans-papiers, met inutilement en prison des gens paisibles. Vous aggravez les discriminations, et loin d'amorcer la réforme annoncée de la double peine, vous créez de nouveaux motifs de retrait des titres de séjour.

Tandis que vous vous attaquez aux petits délinquants, les grands délinquants n'ont rien à craindre. Selon la commission nationale consultative des droits de l'homme, ce renforcement des contrôles n'améliorera pas la sécurité, sans donner aux individus les garanties qui leur sont dues.

Vous vous affirmez volontariste ; ce texte reflète plutôt l'impuissance de l'Etat à faire appliquer les lois existantes. Vous préférez créer de nouveaux délits qui frapperont les catégories les plus fragiles.

De nombreuses dispositions, inutiles, aggravent des délits que la simple application de la loi permet de sanctionner. C'est un exercice démagogique. L'aggravation des peines risque de se traduire par des jugements « pour l'exemple » qui laisseront entière la masse des problèmes. Cette surenchère est le signe d'un Etat faible et non d'un Etat fort comme vous le prétendez.

En contrepartie des missions, pour beaucoup impossibles, que vous donnez aux forces de l'ordre, la loi leur accorde des facilités de procédure. L'équilibre des pouvoirs entre police et justice s'en trouve dégradé.

En fait, le Gouvernement transforme la pauvreté en circonstance aggravante. Rejeter le déterminisme social est une chose, refuser de s'en prendre à la machine à exclure en est une autre. Il n'y a aucune fatalité sociologique à la délinquance, et rien ne serait pire que de figer une personne dans un statut de victime ou de coupable ; ce serait nier son individualité. Le vrai laxisme, c'est la déresponsabilisation, l'enfermement dès le plus jeune âge dans le rôle de délinquant. Voilà ce que les mesures strictement répressives proposées risquent de favoriser.

Viendra un moment où les mesures spectaculaires et sécuritaires ne suffiront plus à masquer cette réalité. Car une politique qui espère en finir avec l'insécurité et qui, dans le même temps, en aggrave les causes, est vouée à l'échec.

Ce texte traduit un projet de société contraire aux valeurs et aux principes républicains. Calqué sur le modèle américain, il aura les mêmes résultats : abandon des politiques sociales et du principe de solidarité, politique de plus en plus répressive en direction des plus fragiles. Il favorise une société d'exclusion et de ségrégations accentuées, à laquelle nous continuerons d'opposer une société de liberté, de solidarité et de responsabilité. Ce texte porte atteinte aux libertés, renforce les inégalités devant la loi, criminalise les populations en difficulté. C'est précisément pourquoi il n'améliorera pas la sécurité des biens et des personnes, et c'est pourquoi nous voterons contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Baroin remplace M. Le Garrec au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

M. Gérard Léonard - Le débat qui s'achève s'est caractérisé, n'en déplaise aux caricaturistes obligés, par sa profondeur et sa richesse, et je tiens à rendre hommage à l'excellent travail de notre rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et du président de notre commission. Contrairement aux allégations de certains, le débat de fond n'a en rien été évacué, tant s'en faut, et il est rare qu'une telle attention soit portée aux propositions des parlementaires. Quant à insinuer, comme certains se sont cru autorisés à le faire, que la CMP aurait été réglée d'avance place Beauvau, il n'en est rien, bien sûr !

M. Jean-Pierre Blazy - Nous n'avons pas dit cela !

M. Gérard Léonard - Non, mais vous l'avez laissé entendre. Or, ce n'est évidemment pas le cas, et un travail de fond a été réalisé par les deux rapporteurs, qui ont eu l'intelligence de s'entendre...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - ...comme cela se fait toujours !

M. Gérard Léonard - ...et leur parfaite entente traduit un même objectif : répondre aux préoccupations exprimées par nos concitoyens. Voilà qui contraste singulièrement avec certaines divergences apparentes entre socialistes et communistes !

Quant à dire que le texte conduira à l'abandon de la police de proximité, dont je rappelle qu'elle a été mise sur pied par M. Pasqua en 1995...

M. Manuel Valls - Virtuellement !

M. Gérard Léonard - ...c'est faux. Ce dont il s'agit, c'est de lui donner de la substance. Jusqu'à présent, il s'est agi d'affichage, puisque la police de proximité n'était en service que le jour, pendant que les délinquants n'y étaient pas ! Plus grave : les glissements d'effectifs se sont faits au détriment de la police d'investigation, si bien que le taux d'élucidation s'est effondré.

Nous nous sommes aussi entendu reprocher une conception « tout-sécuritaire ». Soyons sérieux ! Comment prétendre encore opposer répression et prévention ? A dire vrai, l'intervention de notre collègue Braouezec faisait irrésistiblement penser à la célèbre formule d'Edgar Faure : « Liturgie, litanie, léthargie », voilà ce qui nous a été infligé, mais chacun a le catéchisme qu'il se choisit, et le répète inlassablement... L'échec de la politique suivie par le gouvernement précédent montre pourtant de manière éclatante qu'il n'est pas de prévention possible si la paix civile n'est pas rétablie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Nous savons que la prévention est l'une des préoccupations du ministre de l'intérieur, et nous appuierons son action.

Nous avons, enfin, été accusés d'attenter aux libertés, notre collègue Le Roux allant jusqu'à nous dire « liberticides ». Mais plus personne n'y croit !

M. le Président de la commission - Même pas lui !

M. Gérard Léonard - Que faisons-nous, sinon rétablir les libertés, en permettant que l'article 2 de la Constitution trouve à s'appliquer ? (M. Manuel Valls proteste). Par ce texte, nous confortons les valeurs qui fondent la République, en venant en aide aux plus démunis, les plus durement affectés par l'insécurité. Quant à la fraternité, comment pourrait-elle s'exercer dans une société que la peur tétanise ? (M. le ministre approuve).

Il reste encore beaucoup à faire, mais le chemin parcouru en huit mois est immense. Permettez-nous, Monsieur le ministre, de vous adresser nos compliments, et de vous assurer de notre entier soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Blazy - Je ne me joindrai pas à ce concert d'hommages. Il me faut en effet rappeler que c'est par la procédure d'urgence que le Parlement aura examiné le projet relatif à la sécurité intérieure. C'est donc moins d'un mois après son passage à l'Assemblée que ce texte nous revient pour une lecture définitive et le déroulement de la CMP illustre la méthode du Gouvernement et de sa majorité : les deux rapporteurs se sont entendus sur le dos des commissaires et l'affaire était réglée avant même le début de la réunion ! Ce n'est pas l'acceptation de quatorze amendements présentés par l'opposition qui fera croire que le Gouvernement a manifesté un réel esprit d'ouverture.

Un peu plus d'un an après le vote de la loi sur la sécurité quotidienne présentée par l'ancien gouvernement et qui comportait 71 articles, le Parlement adopte un nouveau texte de quelque cent cinquante articles qui définit de nouvelles infractions et de nouveaux délits sans que l'on ait évalué l'application du texte précédent. Vous expliquerez que les engagements électoraux sont ainsi tenus, et vous vous réjouirez une nouvelle fois d'avoir combattu le prétendu « immobilisme » de la gauche, accusée de faire monter l'extrémisme. Cependant le plus difficile reste à faire : appliquer la loi.

Rien ne sert de créer chaque année, comme nous le faisons à un rythme accéléré, cinquante ou soixante infractions nouvelles. Ce qui importe, ce n'est pas l'abondance des textes, mais bien la certitude qu'ils soient appliqués. Or le caractère aléatoire de la répression des infractions et l'engorgement des juridictions laissent craindre que, demain comme hier, la chaîne pénale ne souffre vite de paralysie.

Pourquoi vous livrer à une telle surenchère pénale alors que les parquets n'utilisent qu'une fraction de l'arsenal juridique dont ils disposent ? Il conviendrait, en priorité, de donner à la justice les moyens d'accomplir ses missions au lieu de l'encombrer plus qu'elle ne l'est déjà. Et ce n'est pas la création des juges de proximité qui arrangera la situation !

Pour autant, nous ne rejetons pas en bloc toutes les dispositions que vous nous proposez. Ainsi, il est bon de se doter d'une législation stricte sur les armes et les munitions, conformément à la politique engagée par le précédent gouvernement, ou d'encadrer les activités de sécurité privée. Il est tout aussi judicieux de mieux protéger les fonctionnaires et tous les professionnels exerçant des activités au service du public.

En revanche, s'il est parfaitement légitime de satisfaire l'exigence républicaine de sécurité, notamment en luttant contre la délinquance de voie publique, il me semble choquant d'axer tous les efforts sur une visible reprise en main de la rue, en faisant mine de croire qu'on s'attaque ainsi à l'insécurité la plus grave. « Nettoyer » la rue comme vous le proposez ne me paraît pas la solution adaptée. Il s'agit, ni plus ni moins, d'éliminer ceux qui nous renvoient une image jugée déplaisante de notre société : prostituées, mendiants, gens du voyage, étrangers délinquants, groupes de jeunes dans les halls d'immeubles ou vendeurs d'aliments à emporter..

Notons au passage que cet inventaire hétéroclite dessine en filigrane ce qu'est un « bon » citoyen, un citoyen « aux normes ». On donne ainsi l'illusion d'agir en croyant se débarrasser à bon compte de populations socialement fragiles, aux comportements jugés déviants.

Je ne méconnais pas l'exaspération que peut susciter localement telle ou telle situation, mais pénaliser ainsi les désordres de voie publique reviendra simplement à déplacer les problèmes tout en encombrant l'institution judiciaire et en surchargeant plus encore les prisons.

Certes, les rassemblements dans les halls d'immeuble et les cages d'escalier sont un souci pour les habitants et les maires. Mais avec la nouvelle incrimination passible de 3 750 € d'amende et de deux mois de prison et la possibilité pour la police de procéder à des gardes à vue lorsque les effectifs le lui permettront, que pourra faire la justice ensuite ?

S'attaquer à l'économie souterraine des halls d'immeubles est une nécessité mais lorsque les jeunes souffrent avant tout de dés_uvrement pensez-vous vraiment que cette solution sera efficace ? Ne craignez-vous pas que s'instaure un climat de défiance qui radicalise les positions des jeunes et des policiers, sans résoudre la question essentielle des petites nuisances ? Vous-même reconnaissez que d'autres réponses sont nécessaires, en partenariat avec les bailleurs, les services sociaux, les mairies, les familles et les jeunes eux-mêmes. Vous avez même proposé des lieux d'accueil pour les jeunes et souligné qu'une loi sur la prévention serait nécessaire.

Vous manquez votre objectif car vous vous attaquez aux conséquences plutôt qu'aux causes. Si la responsabilité individuelle du délinquant est une évidence, vous ne pouvez nier les causes sociales, en premier lieu l'exclusion du monde scolaire et professionnel. Ces causes sont aussi à rechercher du côté d'une certaine « contre-éducation » : télévision et films violents ; jeux vidéos où il faut éliminer l'adversaire en usant de réflexes et non de réflexion ; faits divers abjects de certains journaux ; logique de consommation érigée en valeur par la publicité omniprésente ; argent roi, gagné facilement et parfois gaspillé ; rue, phénomènes de bandes et commerce parallèle ; alcool, dont on mésestime souvent les graves dégâts ; milieu carcéral qui n'est plus ressenti comme un lieu honteux et où se fabrique parfois le futur caïd.

Personne ne peut s'opposer aux objectifs affichés de ce texte mais il dénote en fait une conception de l'ordre public fondée sur l'exclusion et la répression. Pour notre part, nous refusons de confondre ordre et sécurité.

Ce projet traduit donc une volonté d'affichage politique et non la volonté de lutter contre les causes profondes de l'insécurité. C'est ce que nous vous reprochons. Votre volonté de développer le travail d'investigation et d'interpellation de la police vous conduit à remettre en cause la doctrine d'emploi de la police de proximité. Lors de votre récente visite à Toulouse vous n'avez pas rendu service à la police nationale en dénigrant la police de proximité, qui est indispensable dans les quartiers difficiles, où nos concitoyens les plus fragiles subissent les effets de la petite et moyenne délinquance. Le policier de proximité, polyvalent, prévient, dissuade et enquête. Aujourd'hui, la police de proximité est menacée parce que vous ne lui donnez plus les moyens de fonctionner, en particulier en Ile-de-France. Ce n'est pas ainsi que vous répondrez à l'attente des Français, qui souhaitent la présence dissuasive de la police de proximité, ni que vous permettrez à la police de remplir une mission essentielle : assurer la tranquillité publique au service des citoyens. En aucun cas cette mission ne peut être axée uniquement sur la répression et la production de chiffres. Si le policier refuse le contact avec la population, l'incompréhension entre habitants et policiers sera encore accrue et le travail de la police coupée de la population n'en sera que plus difficile.

Monsieur le ministre, votre texte essentiellement répressif ne suffira pas, il risque même d'être contreproductif. L'action contre la délinquance impose aussi que l'Etat n'abandonne pas le champ du social, de l'action éducative à l'action solidaire en faveur de l'emploi, en passant par la politique de la ville et la prévention. Voilà, Monsieur le ministre, ce qui fait la différence entre vous et nous, entre la gauche et la droite sur la question de l'action indispensable contre l'insécurité et la délinquance.

Mme Sylvia Bassot - Les Français ont choisi !

M. Jean-Pierre Blazy - Vous n'avez pas le monopole de l'action contre l'insécurité.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera une nouvelle fois contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Nicolas Perruchot - Au nom du groupe UDF, je remercie le Gouvernement et le ministre pour la qualité du texte qu'il nous a proposé, et pour son esprit d'ouverture et de dialogue, qui permet aujourd'hui l'adoption d'une loi ambitieuse, pragmatique et équilibrée.

Même une partie de l'opposition admet que l'on ne peut plus penser la politique de sécurité en termes de clivages caricaturaux et qu'il faut passer d'un discours moral à l'écoute des problèmes. Car, sur le terrain, il n'y a pas les angéliques contre les sécuritaires, les répressifs contre les préventifs : il y a des élus locaux, de tous les horizons politiques, qui veulent se battre pour leurs administrés et agir pour leur bien-être.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. Nicolas Perruchot - La priorité immédiate était de donner aux acteurs de la sécurité les moyens juridiques nécessaires pour améliorer leur efficacité. Cette loi le permet. En particulier, je me réjouis que le maire soit mieux reconnu comme un acteur central de la politique de sécurité. La réaffirmation des pouvoirs de police du maire dans une circulaire, le renforcement pragmatique du champ d'intervention de la police municipale, voilà des progrès importants pour tous les acteurs de la sécurité.

Ce projet est équilibré, notamment dans la manière dont il aborde le problème du stationnement illégal de populations nomades dans nos communes. La loi du 5 juillet 2000 devait être revue pour répondre aux véritables besoins des gens du voyage et aux contraintes des élus locaux. C'est désormais chose faite. Nous sommes très satisfaits d'avoir obtenu une mesure essentielle pour les maires des petites communes, non inscrites au schéma départemental, qui pourront désormais saisir le préfet pour que ce dernier engage, aux frais de l'Etat, la procédure civile visant à expulser les occupants illégaux de terrains, y compris privés.

Ce projet est équilibré aussi parce qu'il prévoit l'incrimination du trafic de squat et de la traite des êtres humains et parce qu'il comprend une évaluation de la situation sanitaire des prostituées, comme nous l'avions proposé.

Il est pragmatique, car il donne aux forces de sécurité les moyens d'agir contre les réseaux mafieux de prostitution, contre le squat agressif des halls d'immeubles, contre le pollution du paysage de nos villes par des épaves. Autre mesure pragmatique, face à la peur des représailles, vous avez accepté que les propriétaires et les bailleurs sociaux puissent porter plainte à la place des locataires.

Enfin, ce projet répond aux attentes de nos concitoyens : lutte contre le hooliganisme, élargissement au transport aérien de la lutte contre l'insécurité, durcissement des peines contre la délinquance routière et les crimes homophobes.

Enfin, ce texte répond à une forte attente des familles les plus modestes, donc les plus vulnérables, qui voient, enfin, des réponses apportées à des situations totalement anormales, dans les zones sensibles, où nous ne reculons plus et où la République reprend désormais ses droits.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera ce projet, fondement d'une politique de la ville, de l'éducation, de la prévention et de l'aide sociale dans nos quartiers (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Martine Billard - Je rappelle l'opposition fondamentale des députés Verts à ce projet. En effet, si la lutte contre les réseaux de grand banditisme, de trafics de drogue, de prostitution ou de blanchiment d'argent est indispensable et nécessite des moyens supplémentaires, cette loi s'attaque aux conséquences et non aux causes des phénomènes d'insécurité. Elle aura surtout comme effet de camoufler les réalité qui dérangent certains, de renvoyer des exclus à leur misère et aux réseaux qui les exploitent. En effet, plutôt que d'aider les SDF, les prostituées et les jeunes à la dérive à s'en sortir, on s'apprête à les enfermer dans des prisons surpeuplées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ce texte stigmatise certaines catégories de la population pour ce qu'elles sont : je pense en particulier aux gens du voyage auxquels la majorité fait un mauvais procès. Vous allez aussi pousser les prostituées dans la clandestinité et les mettre à la merci des réseaux mafieux, ce qui compliquera le suivi sanitaire, le prévention du Sida, l'accompagnement social pour sortir de la prostitution, toutes les associations le disent.

Vous étendez les utilisations des fichiers de police à de simples suspects, parfois pour des broutilles, sans effacement automatique des mentions nominales.

Vous renforcez par ailleurs le risque de contrôle d'identité abusif en les soumettant non plus à présomption mais à un simple soupçon. A ce propos, je m'étonne, Monsieur le ministre que les manifestants qui tentaient hier de protester contre la présence russe en Tchétchénie aient été interpellés plutôt brutalement et emmenés menottés, sans même avoir pu déployer leurs banderoles, alors que, compte tenu de la distance à laquelle ils se trouvaient, ils ne menaçaient en rien la sécurité de M. Poutine .

S'agissant de l'outrage au drapeau ou à l'hymne national, comment le définir ? Porter un bikini aux couleurs du drapeau national, comme cela se faisait parfois dans ma jeunesse, est-ce un outrage ? Chanter ou siffler la Marseillaise à la manière de Gainsbourg, est-ce un outrage ? En cas de sifflements, qui de la Marseillaise ou du chanteur est visé ? Sera-t-il interdit de marquer sa désapprobation lorsque des extrémistes s'approprieront l'hymne national à l'occasion de manifestations réglementées par les autorités publiques ?

Il n'est jamais conseillé de légiférer, en réaction d'un événement exceptionnel !

Quant au dépistage obligatoire du VIH chez les personnes poursuivies pour viol, je vous avais expliqué son inutilité du fait du délai de trois mois nécessaire pour acquérir une certitude sur la séropositivité de l'intéressé, me fondant ainsi sur l'avis officiel du Conseil National du Sida. Or le texte de la CMP élargit à toutes les MST une formule extensive - « ou lorsque son intérêt le justifie ». Ce faisant, vous faites preuve d'une grande méconnaissance du Sida.

Ce projet de loi accroît les pouvoirs de la police au détriment des pouvoirs judiciaires. C'est une dérive grave ! De même, il aggrave à ce point les sanctions que le principe du respect de l'échelle des peines est remis en cause.

Pour toutes ces raisons, au nom des députés Verts, je voterai contre ce texte (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance demain, jeudi 13 février, à 9 heures.

La séance est levée à 20 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 13 FÉVRIER 2003

A NEUF HEURES : SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi (n° 586) de MM. Jacques BARROT et Dominique PAILLÉ tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants.

M. Patrick DELNATTE, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Rapport n° 594).


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