Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2002-2003)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 59ème jour de séance, 147ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 25 FÉVRIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SITUATION ÉCONOMIQUE 2

GIAT-INDUSTRIES 3

POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE 3

LAÏCITÉ 4

SÉCURITÉ DANS LES ÉTABLISSEMENTS
PÉNITENTIAIRES 5

GYNÉCOLOGIE MÉDICALE 5

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES 6

JEUNES FEMMES DES CITÉS 6

TRAVAUX D'INTÉRÊT GÉNÉRAL 7

DÉLOCALISATION DU CNDP 7

POLITIQUE FAMILIALE 8

CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DE LA SANTÉ 9

OGM 10

FAIT PERSONNEL 10

ÉCONOMIE NUMÉRIQUE 11

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 32

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

SITUATION ÉCONOMIQUE

M. Philippe Martin (Gers) - Lorsque, le 15 octobre dernier, nous avons abordé la discussion budgétaire, nous vous avons interrogé, Monsieur le ministre de l'économie, sur la crédibilité de l'hypothèse de croissance de 2,5 % que vous aviez retenue. A l'époque, vous avez balayé nos objections d'un revers de main.

Depuis lors, de cadeaux fiscaux en allégements de l'ISF et d'annulations de crédits en dégradation des finances publiques, votre politique économique - si tant est que l'on puisse la qualifier ainsi - (Protestations sur les bancs du groupe UMP) a tout de la navigation à vue. Je vous entends déjà : vous nous parlerez, bien sûr, de la dégradation de l'environnement économique international, et vous ne résisterez pas à votre couplet habituel sur le poids de l'héritage (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Mais ce sera un peu court, Monsieur le ministre, car les Français s'interrogent sur ce Gouvernement qui fait de la compassion sa ligne de conduite et qui se sert de la crise internationale comme excuse récurrente (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Quand leur direz-vous enfin la vérité ? Quand le Parlement sera-t-il saisi du collectif budgétaire que votre imprévoyance et vos largesses fiscales rendent chaque jour plus nécessaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Quand nous permettrez-vous de vous aider à réaliser de bonnes économies, par exemple en annulant les réductions d'impôts que vous avez injustement consenties aux privilégiés, et les allégements d'ISF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Nos prévisions économiques ont été arrêtées en août, et elles étaient fondées sur un consensus partagé par la plupart des économistes (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons donc retenu l'hypothèse d'une croissance de 2,5 % en toute connaissance de cause et, un mois plus tard, ni vous, Monsieur le député, ni moi, ne savions comment allait évoluer la situation économique internationale (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste). Quand nous avons constaté que l'évolution de la croissance ne prenait pas le tour prévu, nous avons eu l'honnêteté d'en tirer les conséquences pour le budget 2003.

Comme vous le savez, la situation demeure incertaine et, tout en espérant que l'incertitude sera levée de manière pacifique, nous sommes conduits à dire que l'hypothèse d'une croissance de 2,5 % n'est plus réaliste. En l'état, nous ne savons pas quelles seront les conséquences pour les finances publiques de ce ralentissement, différentes selon qu'il affectera plus ou moins les exportations, l'investissement ou la consommation des ménages, mais nous serons en mesure de l'apprécier fin mars, comme d'habitude.

Je tiens toutefois à souligner que la situation économique de notre pays reste bonne, et la consommation des ménages soutenue (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Quant à l'inflation, qui s'établissait à 2 % fin janvier, elle est en baisse. Enfin, la politique économique que nous avons commencé de mener il y a neuf mois vise à réussir en cinq ans, et non en une seule année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

GIAT-INDUSTRIES

M. François Rochebloine - Depuis plusieurs semaines, l'opinion publique est préparée à des plans sociaux très durs dans l'industrie de la défense et le fait que vous ayez rencontré les élus des six sites de Giat-industries concernés tend à confirmer ce qui se prépare. C'est bien de l'avenir de Giat-industries et, plus largement, de l'armement terrestre français qu'il s'agit, avenir que la loi de programmation militaire ne garantit pas, hélas. L'héritage est lourd, il est vrai, comme le notent nos collègues Fromion et Diébold dans leur rapport, mais ils soulignent aussi que Giat-industries a un avenir possible, à condition que son plan de charge soit maintenu.

Pouvez-vous, Madame la ministre, nous assurer que la décision prise ne portera pas un coup fatal à l'industrie française d'armement terrestre ? L'Etat doit assumer ses responsabilités industrielles et sociales dans ce domaine ; tel est le v_u exprimé par le conseil général de la Loire. J'appelle l'attention du Gouvernement sur les conséquences d'une restructuration brutale qui aurait en outre pour effet de nous rendre entièrement dépendants de l'étranger (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur les bancs du groupe UMP).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Les personnels de Giat-industries ont subi cinq plans de restructuration successifs. Malgré cela, et alors que s'achève la fabrication des chars Leclerc, l'entreprise demeure très endettée. C'est pourquoi j'ai reçu les élus des six sites concernés, afin d'analyser avec eux la situation et d'envisager les perspectives. Le v_u du conseil général de la Loire et les conclusions de l'excellent rapport Fromion-Diébold ne seront pas ignorés mais, comme le veut la loi, les décisions qui seront prises seront présentées en premier lieu par le président de Giat-industries aux représentants du personnel. Avant qu'elles ne le soient, personne ne peut se prévaloir d'informations privilégiées.

Pour être maintenue - ce que nous souhaitons - notre industrie d'armement terrestre doit être viable. C'est pourquoi j'ai demandé à ses responsables de me soumettre un projet industriel enfin sérieux, c'est-à-dire de long terme. Je leur ai également demandé de tenir compte de la situation individuelle des salariés du groupe, et de ne pas ignorer les exigences de l'aménagement du territoire. Tels sont les principes qui fonderont l'action du Gouvernement, et qui sont aussi ceux qui animent les élus locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF).

POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

Mme Muguette Jacquaint - Cessez de vous cacher derrière « l'héritage », M. le Premier ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP). C'est votre politique qui conduit à la multiplication des plans sociaux et au dérapage des comptes de la sécurité sociale ! Cessez donc, d'invoquer seulement l'Irak pour justifier vos mauvais résultats, alors que ce sont les mesures que vous prenez qui minent notre économie, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qu'il s'agisse des baisses ciblées d'impôt, de l'allégement de l'ISF - dont on sait qu'il ne se traduira pas par des ré-investissements en faveur de l'emploi -, du feu vert donné aux patrons pour licencier - et ils ne s'en privent pas ! - du refus de financer la sécurité sociale ou l'hôpital public, de la poursuite des exonérations sans contreparties en faveur de l'emploi, du refus de réduire l'impôt qui pèse sur les plus modestes et de baisser la TVA sur les produits de première nécessité...

Doucement mais sûrement, le Gouvernement prépare un plan de rigueur, une réforme de la sécurité sociale par laquelle les assurés devront payer davantage pour être moins bien remboursés et une réduction de l'APA (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Telle est la réalité, tels sont vos objectifs, et voilà pourquoi le groupe communiste a censuré votre politique (Huées sur les bancs du groupe UMP). Quand allez-vous réunir la Conférence pour l'emploi ?

M. le Président - Veuillez conclure.

Mme Muguette Jacquaint - Quelles suites allez-vous donc donner aux promesses de M. Chirac relatives aux baisses d'impôts et, surtout, à la réduction des inégalités sociales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Mme Jacquaint nous a expliqué avec talent que le chômage augmente depuis deux ans à cause de la politique que mène le gouvernement Raffarin depuis neuf mois... (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Mais elle ne nous a pas parlé des handicaps structurels que le gouvernement précédent n'a pas réduits et qu'il a, pour certains, aggravés.

La Conférence pour l'emploi rassemblera les partenaires sociaux à la mi-mars et ils devront débattre de questions à ce jour sans réponse : pourquoi le chômage des jeunes est-il en France le plus fort de toute l'Union européenne ? A ce sujet, le succès des contrats-jeunes, dont 50 000 sont déjà signés, montre que l'on peut modifier les choses.

Il leur faudra, aussi, trouver les moyens d'accroître le taux d'activité des plus de 50 ans, améliorer le parcours vers l'emploi des personnes les plus en difficulté et mettre en place l'assurance-emploi, la seule véritable sécurité que l'on puisse offrir aux salariés dans une société industrialisée.

J'invite Mme Jacquaint à réfléchir aux raisons pour lesquelles notre pays résiste si difficilement au moindre mouvement de la conjoncture internationale. C'est que la politique menée pendant cinq ans l'a été autour de la sphère publique et contre la sphère privée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), et élaborée sans concertation avec les partenaires sociaux. Nous avons décidé de rompre avec cette politique (Mêmes mouvements).

LAÏCITÉ

M. Jean Leonetti - Dans quelques semaines, Monsieur le ministre de l'intérieur, le Conseil du culte musulman va se mettre en place, et chacun peut se réjouir de voir l'islam s'organiser de manière démocratique et transparente. Certains s'interrogent toutefois sur l'opportunité pour l'Etat d'intervenir plus directement dans l'organisation des cultes et la construction des lieux de culte, remettant en cause la laïcité. Or celle-ci n'est pas un état d'esprit antireligieux, mais une neutralité bienveillante à l'égard de toutes les convictions. Elle est à la base de la tolérance. Elle est le meilleur atout pour l'intégration des populations étrangères, et le meilleur rempart contre l'intégrisme. Elle favorise la citoyenneté, et lutte contre le communautarisme et le repli identitaire. Elle est le ciment de notre république. Un certain nombre de Français s'inquiètent donc à l'idée de voir remettre en cause la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - La réponse du Gouvernement est sans ambiguïté : il n'y aura pas de modification de la loi de 1905, et il est inutile de créer une polémique à ce sujet. Ceci posé, que dit la loi de 1905 ? Que la république garantit l'exercice des cultes, sans en privilégier aucun. La traduction en est simple : il n'existe pas de citoyens de seconde zone, qui seraient les musulmans et qui n'auraient pas le droit de vivre leur foi comme les autres (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Affirmer pour les cinq millions de musulmans français le droit de vivre leur foi dans un Etat laïque, c'est les mettre à égalité avec leurs compatriotes catholiques, protestants ou juifs.

Je veux d'ailleurs rendre hommage à tous les ministres de l'intérieur qui m'ont précédé, et qui ont tout fait pour constituer le Conseil français du culte musulman : M. Joxe, M. Chevènement, M. Vaillant, mais aussi M. Pasqua et M. Debré (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe socialiste). Tous ont permis l'organisation du succès que nous avons obtenu dimanche avec le Premier ministre, en recevant l'ensemble des représentants du culte musulman. Les 6 et 13 avril, 1 020 lieux de culte et 4 000 délégués vont élire les deux tiers du Conseil. Dans la situation internationale actuelle, c'est une bonne nouvelle pour nos compatriotes musulmans, pour la France et pour la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste).

SÉCURITÉ DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud - L'administration pénitentiaire, Monsieur le Garde des Sceaux, a connu récemment plusieurs événements graves. Le 12 février, une importante tentative d'évasion a eu lieu à Moulins. De dangereux individus n'ont pas hésité à utiliser des substances explosives et à recourir à une prise d'otage. La tentative a heureusement échoué grâce à l'intervention du personnel. Une semaine plus tard éclatait une mutinerie à Clairvaux. Ces faits soulignent la nécessité de renforcer la sécurité dans les établissements pénitentiaires. Quelles mesures entendez-vous prendre pour améliorer la sécurité des personnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Je m'associe d'abord à votre propos pour rendre hommage au courage et au professionnalisme des surveillants des deux établissements, qui ont su faire face à des situations difficiles.

Quelles sont les mesures à prendre ? Lors de l'adoption de la loi d'orientation pour la justice, vous avez voté certaines mesures comme l'interdiction des téléphones portables, ou la mise en place de dispositifs tels que tunnels à rayons X ou filins anti-hélicoptères. Mais en outre, dans le budget pour 2003, vous avez approuvé un programme spécial de renforcement de la sécurité dans les établissements qui en ont le plus besoin, et il est en cours d'application. J'ai d'autre part entrepris un effort considérable de recrutement, avec deux mille surveillants supplémentaires en 2003. Enfin, j'ai annoncé la mise en place des ERIS, équipes régionales d'intervention et de sécurité. Elles permettent de faire intervenir, dans les établissements qui en ont besoin, des agents spécialement recrutés et formés à cette fin, pour renforcer les équipes locales et faire face à certaines situations sans devoir faire appel d'emblée à des forces extérieures. Chacune des neuf régions pénitentiaires sera dotée d'une ERIS, composée d'une vingtaine d'agents particulièrement expérimentés et formés. Ainsi sera renforcée la sécurité des personnels des établissements. J'observe que ceux-ci, à Moulins comme à Clairvaux, ont été confrontés à des situations qui ne résultaient pas de la surpopulation carcérale - aucun des deux établissements n'étant occupé à 100 % - mais d'une certaine montée de la violence, dans les établissements pénitentiaires comme à l'extérieur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF).

GYNÉCOLOGIE MÉDICALE

Mme Geneviève Levy - Je veux vous faire part, Monsieur le ministre de la santé, de l'inquiétude de nombreuses femmes rencontrées dans ma circonscription, mais aussi des praticiens de la gynécologie médicale. La loi du 4 mars 2002 a recréé cette spécialité, répondant à un besoin reconnu. Un arrêté paru au Journal officiel du 31 janvier 2003 annonçait que son enseignement serait dispensé à la rentrée universitaire 2003-2004. Mais les spécialistes en gynécologie médicale assurent le suivi de leurs patientes de la première demande de contraception jusqu'à la ménopause ; ils ont souvent fait connaître leurs difficiles conditions d'exercice, notamment l'insuffisance de leur nombre, dont résulte une surcharge de travail. La mise en place effective de cette spécialité semble se heurter à de nombreux obstacles. Pouvez-vous faire le point à ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - La gynécologie médicale a certes été en difficulté par le passé, à la suite de problèmes d'harmonisation européenne. Mais les femmes se sont exprimées - plus de deux millions d'entre elles - et les parlementaires également. Et l'article 87 de loi du 4 mars 2002 a rétabli la spécialité de gynécologie médicale. Dès mon arrivée j'ai tenu à poursuivre cet engagement. Le décret créant la spécialité a été ainsi publié le 31 janvier. Depuis, l'arrêté organisant la formation théorique de la spécialité a été soumis au conseil national supérieur de l'enseignement et de la recherche, qui l'a approuvé. Restait à ouvrir des postes d'internes, et là nous nous sommes heurtés au refus de la commission nationale des études médicales. Malgré cet avis négatif, j'ouvrirai des postes d'internes en gynécologie médicale dès les prochains concours (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains).

J'ajoute que ces mesures n'enlèvent rien à la spécialité de gynécologie obstétrique, non plus qu'aux médecins généralistes qui ont suivi le diplôme universitaire de gynécologie médicale, et qui sont habilités à recevoir les femmes. Mais celles-ci se sont exprimées, et sur ce sujet elles étaient les mieux placées pour le faire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Monsieur le Premier ministre, je veux poser une question précise, mais aussi dire ma grande colère. Nous le savons tous, les personnes âgées accueillies en maison de retraite sont de moins en moins valides et de plus en plus dépendantes. Alors que depuis deux ans le financement des maisons de retraite par la sécurité sociale était en hausse, et que la loi de financement pour 2003 avait prévu de poursuivre cet effort, nous venons d'apprendre qu'au mépris des votes du Parlement, aucun des crédits supplémentaires prévus ne leur sera affecté ! Malgré les efforts des personnels et des bénévoles, le manque de moyens rend leur travail très difficile. Je veux vous dire leur souffrance, car ils savent ce qu'il faudrait faire, mais n'en ont pas les moyens...

Nous connaissons le repliement sur soi de certaines personnes âgées, qui glissent hors de la vie, comme si elles préféraient la mort à une vie indigne. L'absence de moyens pour les accompagner dignement est une maltraitance que notre société leur inflige. Votre secrétaire d'Etat avait bien raison de dire qu'il est difficile de faire entendre la situation des personnes âgées dépendantes dans votre gouvernement ! Allez-vous tenir les engagements pris devant le Parlement envers les personnes âgées dépendantes et les personnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Je veux vous rappeler des chiffres que vous connaissez d'ailleurs parfaitement, ayant récemment occupé mes fonctions. En deux ans vous avez signé 330 conventions : à la fin 2002 nous en aurons signé 1 200... Le financement de la dépendance va tripler en trois ans, pour atteindre trois milliards en 2003. Contrairement à ce que certains veulent faire croire, l'ONDAM augmentera de 8,6 % par rapport à la dépense de 2002, ce qui nous laisse une marge de man_uvre supérieure à 300 millions pour poursuivre le financement de conventions, ce que vous n'avez pas fait à votre époque (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous n'avons pas la même approche de l'action publique ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Vous faites commerce de l'illusion et de l'annonce, nous inscrivons notre action dans le réalisme et la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

JEUNES FEMMES DES CITÉS

Mme Marie-Jo Zimmermann - Lors de leur passage à Metz, hier, j'ai rencontré les jeunes femmes des cités qui ont entrepris une marche à travers tout le territoire pour nous alerter sur leur situation. En effet, dans certaines cités, des actes de violence à l'égard des femmes ont nourri la chronique des journaux. Ces actes odieux sont la force visible d'une oppression sociale endémique qui pèse sur trop de femmes. M. Sarkozy a fait savoir qu'il les recevrait (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). De votre côté, Madame la ministre déléguée, vous suivez leur action de très près. Le Gouvernement a décidé de relancer une véritable politique d'accompagnement, car dans ces quartiers la condition féminine est trop souvent ignorée. Ces jeunes femmes attendent beaucoup de nous. Quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il de prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Rien n'est plus important que d'entendre la voix de ces jeunes femmes, que je vous remercie d'accueillir, comme le font d'autres élus sensibles à l'isolement et à l'oppression dont elles souffrent. Dès mon arrivée, j'ai tenu à les rencontrer, à les écouter et à les soutenir. Quelles que soient leurs origines, je n'ai rencontré que des femmes qui souhaitaient disposer de la citoyenneté française avec tous ses droits et ses responsabilités.

Il fallait d'abord écouter tout ce qu'elles subissent journellement, et j'ai été très sensible à ce que cette marche commence là où la jeune Sohane avait enduré un véritable martyre. Il fallait ensuite les aider, c'est-à-dire, chaque fois que nous le pouvons, leur permettre de réaliser leurs projets, et par là de s'accomplir.

J'ai souhaité que le Conseil supérieur de l'information sexuelle soit particulièrement attentif à l'éducation sexuelle des jeunes gens dans ces quartiers.

Enfin, le Premier ministre a souhaité que siège à l'observatoire de la parité une jeune femme représentant les quartiers en difficulté (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). J'ai engagé une concertation avec les élus locaux pour déterminer comment, par un réseau de services plus efficace, par un meilleur accès au droit et à l'information, ces jeunes femmes pourraient accéder à une véritable égalité des chances.

Ces jeunes filles seront, comme elles le souhaitent, entendues et reçues (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

TRAVAUX D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

Mme Arlette Grosskost - A l'image des détenus qui travaillent sur nos plages polluées, je veux évoquer la question du TIG. Le programme Bédier de création de centres de détention réservés aux mineurs est un pas supplémentaire vers le traitement de la délinquance des plus jeunes.

Cet effort louable devra s'appliquer dans la durée, alors que la primo-délinquance reste un fait actuel. Le TIG est un moyen original de lutter contre la petite délinquance commise par les jeunes gens âgés de 18 à 25 ans, qui peuvent être ainsi intégrés dans des équipes de travail, apprendre à respecter des horaires et être subordonnés à une autorité. Cette démarche structurante permet de diminuer la récidive.

Le TIG est une mesure qui marche, mais gagnerait à être rendue obligatoire, et étendue à toutes les collectivités locales, y compris en milieu rural. Enfin, son application pourrait être assouplie, s'agissant en particulier des procédures d'encadrement ou de la flexibilité horaire.

Êtes-vous disposé à développer le travail d'intérêt général ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Le TIG offre en effet une substitution à l'incarcération pour les plus jeunes délinquants. Dans la loi de programmation, nous avons élargi la possibilité d'y recourir, en particulier en cas de dégradation ou d'injures à personne détenant une part d'autorité.

Pour éviter la baisse actuelle du pourcentage des travaux d'intérêt général dans le total des condamnations correctionnelles, passé en cinq ans de 5,3 % à 4 % environ, il est nécessaire de renforcer les services de probation et d'insertion qui dépendent de l'administration pénitentiaire. Comme vous le suggérez, j'ai à mener un travail de conviction, qui ne devrait pas être trop difficile, auprès des collectivités territoriales, qui sont les mieux placées pour accueillir des condamnés à une peine de travail d'intérêt général.

Le Premier ministre a demandé à M. Warsmann de réfléchir à la question des courtes peines et des peines de substitution ; un rapport sera ainsi remis dans deux mois. Nous verrons alors comment mieux diversifier les réponses pénales en fonction de la situation de chaque délinquant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

DÉLOCALISATION DU CNDP

M. Christian Bataille - Monsieur le Premier ministre, vous aimez proclamer votre soutien au monde de la connaissance, de la culture et des arts.

Aujourd'hui, la protestation monte des professions du spectacle que vous mettez à mal par vos décisions (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), elle monte aussi du milieu de la connaissance, à travers la pétition nationale lancée par l'intersyndicale contre la délocalisation du Centre national de la documentation pédagogique, qui assure parfaitement sa mission de service public, et a besoin d'une situation géographique centrale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

740 personnes travaillent à Paris. Plusieurs centaines d'entre elles vont se retrouver au chômage, et 200 autres seront délocalisées à Chasseneuil-du-Poitou (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), charmante commune de 3 845 habitants qui a la particularité de vous avoir désigné comme élu municipal (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe UMP). On peut parler de fait du prince , puisque vous confondez votre intérêt d'élu local avec l'intérêt national (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe UMP). On comprend que les salariés se disent révoltés par votre méthode. Ils vous demandent instamment de retirer ce projet funeste.

Que comptez-vous répondre à la pétition nationale contre la délocalisation du CNDP ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Je suis surpris que les élus socialistes s'opposent à une politique de délocalisation de l'emploi public, qui a été commencée par Édith Cresson (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), et qui est dans la continuité de l'action publique, puisque le centre national d'enseignement à distance a été délocalisé sur le site du Futuroscope par Mme Cresson, puisque l'école des cadres de l'éducation nationale a été délocalisée à partir d'un souhait de M. Chevènement par le gouvernement Balladur, et que dans le dernier contrat de plan, élaboré par le gouvernement Jospin, il avait été décidé d'installer sur les sites du Futuroscope à Chasseneuil-du-Poitou, un pôle national des industries de la connaissance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il est donc logique et nécessaire de délocaliser le CNDP, d'autant que nous sommes comptables des deniers publics. Or le CNDP, à Paris, occupe une dizaine de bâtiments différents, deux dont nous sommes propriétaires pour 12 millions, huit que nous louons pour un million par mois. C'est une dépense absurde. Le CNDP va s'installer dans des locaux spacieux pour un coût de 12 millions. Voilà de la bonne gestion publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Enfin les élus locaux, à commencer par le député de la circonscription, qui est socialiste, semblent satisfaits d'accueillir un nouveau site. Bien entendu, la situation des salariés sera examinée au cas par cas. Ceux qui seront délocalisés à Chasseneuil-du-Poitou, le Premier ministre peut en témoigner, vivront dans un pays qui prodigue bonne santé et tonicité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

POLITIQUE FAMILIALE

M. Jacques Le Guen - La famille est la cellule fondamentale de la société. C'est pourquoi la politique familiale figure parmi les priorités de tout gouvernement. Ce matin, vous avez reçu trois rapports consacrés respectivement aux services aux familles, à la conciliation des vies familiale et professionnelle, et à l'allocation unique de garde d'enfant. Ce dernier point répond à une vive attente des familles, et le président de la République, s'était fortement engagé en faveur de la création de cette allocation unique.

Quelles sont les propositions de ces rapports que vous entendez mettre en _uvre dans votre grande politique de la famille ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - M. Mattei et moi avons reçu ce matin les trois rapports de Françoise de Panafieu, Marie-Thérèse Hermange et Martine Clément. Leur objectif est d'abord de simplifier les prestations existantes : cohabitent actuellement une douzaine de prestations pour jeune enfant et cinq prestations en matière de garde, qui génèrent 15 000 règles de droit. Ils veulent ensuite répondre aux attentes des jeunes couples. Ce travail a été fait en partenariat avec les mouvements familiaux, les partenaires sociaux et les élus.

En ce qui concerne les propositions, la prestation d'accueil du jeune enfant devrait permettre de simplifier la situation et d'assurer la liberté de choix aux parents. Il ne revient pas à l'Etat de choisir un mode de garde. Il doit au contraire ouvrir la possibilité entre une assistante maternelle, une place en crèche ou une garde à domicile... Nous réfléchissons également à la possibilité d'un financement privé pour les crèches au moyen d'un crédit d'impôts (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) ou à la création d'un point info famille, qui faciliterait l'information des familles et leur accès aux associations, qui font un travail remarquable sur le terrain. Je vois que ce sujet passionne toujours autant M. Emmanuelli (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Emmanuelli - Je demande la parole pour un fait personnel !

CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DE LA SANTÉ

M. Léon Vachet - Alors que s'achevait, en juin 2002, la grève des gardes et astreintes des médecins libéraux, vous avez demandé, Monsieur le ministre de la santé, à une mission présidée par le sénateur honoraire Charles Descours, d'élaborer des propositions quant à la permanence des soins. Celle-ci est en effet menacée de façon croissante, tant par l'indisponibilité du personnel médical, en particulier en zone rurale, que par la désaffection croissante des praticiens et pharmaciens à l'égard des gardes et astreintes.

La commune de Chateaurenard, dans le nord des Bouches-du-Rhône, en est une illustration frappante. Elle compte 12 médecins et 5 pharmaciens pour 13 000 habitants. Mais pour voir un médecin la nuit ou le week-end, le 15 vous oriente vers le Samu ! Et pour obtenir des médicaments, il faut parfois se rendre dans une autre commune, à plus de 10 kilomètres...

Plusieurs députés socialistes - La question !

M. Léon Vachet - Certains sont peu intéressés par la situation des communes rurales... Vous admettrez pourtant que le système est inadapté. Dans les départements où une sectorisation des gardes a été organisée, les caisses primaires d'assurance maladie versent aux généralistes un forfait de 50 € par tranche de 12 heures d'astreinte, qui s'ajoute à la majoration des consultations.

M. le Président - Monsieur Vachet, je vous prie de poser votre question.

M. Léon Vachet - Malgré les difficultés rencontrées, le rapport Descours a opté... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Monsieur Vachet, veuillez poser votre question immédiatement.

M. Léon Vachet - Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour garantir le service de garde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Comme vous l'avez rappelé, les médecins généralistes sont restés en grève sept mois durant. Ils ont manifesté là leur désir d'un nouveau mode d'exercice. Mais quelles qu'en soient les raisons, parfois légitimes, la mise en cause de la permanence des soins désorganise les services d'urgence, ce qui est inacceptable, et compromet un service auquel les citoyens ont droit.

Le Gouvernement y a apporté une première réponse dans la loi de financement de la sécurité sociale, qui précise dorénavant que la permanence des soins est un principe d'intérêt général dont le financement doit être prévu. Ensuite, les textes d'application issus des propositions de la commission Descours seront soumis au Conseil d'Etat avant le 31 mars. La permanence des soins sera fondée sur le volontariat. Si cela ne suffit pas, le conseil départemental de l'ordre des médecins sera saisi. En dernier recours, le préfet pourra prendre les décisions nécessaires à la permanence des soins. Celle-ci doit s'exercer selon des modes divers suivant les circonstances : maison médicale de garde, régulation du centre 15 par les libéraux eux-mêmes... Enfin, nous espérons que la prochaine convention médicale prendra en compte la permanence des soins, pour que les médecins puissent assurer le service auquel les citoyens ont droit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

OGM

M. Yves Cochet - Ma question peut s'adresser tant à la ministre de l'écologie qu'à celui de l'agriculture, mais ils ne sont pas présents.

Depuis juin 1999, un moratoire sur la culture et la commercialisation des OGM existe en Europe. Ce moratoire est menacé de deux façons. Il l'est d'abord par les Américains (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), qui essayent de former un recours à l'OMC pour entrave au commerce. Les Européens, qui sont majoritairement opposés aux OGM, peuvent réagir en invoquant le protocole de Carthagène sur la biodiversité et la biosécurité, qui permet à un pays de ne pas accepter d'OGM. Mais ce protocole n'est pas encore en vigueur, notamment parce que la France ne l'a pas encore ratifié !

Plusieurs députés socialistes - Alors !

M. Yves Cochet - La deuxième menace vient de la Commission européenne qui, le 14 février, a relancé une procédure d'autorisation d'importation pour deux produits OGM. Elle a transmis aux gouvernements des Etats membres une note technique : sans réponse dans les 60 jours, l'autorisation sera réputée accordée. Comptez-vous soulever une objection à cette note ? Quand la France va-t-elle ratifier le protocole de Carthagène ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies - Vous n'avez pas cité le ministère de la recherche, mais il est concerné, au même titre que ceux de l'agriculture, de l'écologie et de l'industrie. Je répondrai au nom du Gouvernement sur le sujet de la levée du moratoire.

De nombreuses questions concernant les OGM restent posées, qu'il s'agisse de la connaissance des risques ou de leur potentiel. C'est ce qui a justifié la mise en place du moratoire européen de 1999. La traçabilité et l'information du public posaient des difficultés majeures. Grâce à vous, notamment, des avancées considérables ont eu lieu (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). La nouvelle directive 2001/18 est en voie d'application. Elle a été complétée par deux règlements. Ces avancées législatives nous permettent de réfléchir dorénavant à la levée du moratoire.

Le Gouvernement considère que cette levée peut être envisagée à partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Elle devra se faire dans un climat serein, sans précipitation, en préservant le libre choix du consommateur et une analyse de la sécurité. Cela pourra être fait d'ici à quelques mois. Trois éléments devront être particulièrement pris en considération. Le premier est l'information du public : il faudra faire oeuvre de pédagogie pour que les OGM soient acceptés. Le deuxième est la sécurité sanitaire et environnementale et le troisième, la place de la recherche, qui doit pouvoir exprimer sa propre vision stratégique et donner à la France et à l'Europe une forme d'indépendance. Cela devrait faire avancer le débat avec toute la transparence et la responsabilité requises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

FAIT PERSONNEL

M. le Président - Conformément à l'article 58 alinéa 4 du Règlement ainsi qu'à une pratique constante depuis 1980, je donne la parole à M. Emmanuelli, qui a été mis en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Henri Emmanuelli - M. Jacob m'a fait parvenir ses excuses, en me disant qu'il avait cru reconnaître ma voix. Le problème est que c'est la deuxième fois que cela lui arrive !

M. Jean Ueberschlag - C'est ridicule, Monsieur Emmanuelli !

M. Henri Emmanuelli - Je lui donne acte de ses excuses, puisque nous sommes entre gens de bonne volonté, mais je souhaite que le Bureau lui fasse savoir que l'hémicycle n'est pas le lieu où s'expriment et se soignent les phobies personnelles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Jean Le Garrec.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Ce premier texte du plan RESO 2007 pour développer l'usage des technologies de l'information et de la communication
- TIC - entend donner une impulsion nouvelle à l'économie numérique et assurer sa sécurité juridique. L'examen de ce projet de loi est l'occasion pour le Gouvernement de témoigner de l'importance qu'il attache aux nouvelles technologies et à leur usage. Le Premier ministre a présenté en novembre le plan RESO 2007 visant à encourager leur développement. Il s'agit aussi d'exprimer notre confiance dans nos entreprises pour porter ces innovations dans notre société et pour relever le formidable défi de l'entrée de la France dans la société de l'information.

Je vous présenterai au deuxième trimestre un autre projet de loi transposant les directives sur les communications électroniques, ce que nous appelons dans le jargon communautaire le « paquet télécoms ». Ainsi sera-t-il répondu à d'importantes questions d'actualité, des infrastructures de réseaux aux autorités de régulation : les deux textes sont complémentaires.

Le présent projet de loi est indispensable pour créer un climat de confiance grâce à des règles du jeu claires et à une protection efficace des utilisateurs.

Le développement fulgurant de l'usage d'internet est une vraie révolution qui ne fait que commencer. On compte aujourd'hui plus d'un demi-milliard d'internautes dans le monde et plusieurs millions de nouveaux internautes chaque mois. Internet a bouleversé les modes d'échange et de commerce des entreprises.

Il s'agit d'un phénomène mondial majeur. Or, si la France a progressé, elle n'a pas encore comblé son retard. Selon un récent classement de l'Union internationale des télécommunications, notre pays ne figure pas parmi les vingt pays les plus avancés dans la diffusion et l'utilisation des TIC. Environ 20 % des Français ont accès à internet, alors que la moyenne européenne est de 36 %.

Cette révolution technologique, nous avons choisi d'en devenir les acteurs, au lieu d'en demeurer spectateurs, comme cela a été le cas jusqu'à présent.

M. Patrice Martin-Lalande - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Dans le domaine des TIC et de l'économie numérique, il n'est plus temps de rêver, il est temps de construire, voire de reconstruire, de manière réaliste, pragmatique et ciblée. Le Gouvernement a choisi de sortir de la logique des « grands plans » et des « grandes lois » souvent déjà dépassées lorsqu'elles sont votées - quand elles le sont ! La législation actuelle ne résout pas les problèmes que cette nouvelle économie a fait surgir en temps record. Il devenait urgent d'en combler les vides pour assurer la sécurité juridique indispensable. Dans ce domaine, la France accuse, une fois encore, un retard dommageable dans la transposition des directives européennes. La directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique aurait dû être transposée avant le 17 janvier 2002. Le présent texte comblera ce retard pour lequel la France vient de recevoir un avis motivé de la Commission européenne. S'agissant de la publicité par voie électronique, le projet de loi transpose dès maintenant l'article 13 de la directive du 12 juillet 2002 sur les données personnelles, qui fait partie du « paquet télécoms ».

Le présent texte s'inscrit dans une politique plus vaste visant à ériger l'économie numérique en facteur majeur de notre compétitivité.

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Il confortera le dynamisme actuel de l'économie numérique. Notre retard est un handicap pour la croissance et pour l'emploi. Il n'est justifié ni par des raisons culturelles, ni par la qualité de nos industriels, ni par l'état de nos réseaux de communication.

Francis Mer et moi-même avons largement exprimé à l'automne notre volonté de donner une forte impulsion à plusieurs domaines de l'économie numérique. La fin de l'année nous a confirmé le dynamisme de ce secteur. S'agissant du commerce électronique, le montant des transactions sur internet a pour la première fois dépassé en 2001 celui réalisé par Minitel. En 2002, il lui a été cinq fois supérieur ! Il progresse de plus de 25 % par an. La période de Noël a vu une augmentation de plus de 64 % par rapport à l'année précédente. Des secteurs entiers ont vu leur activité transformée : dans la vente à distance, plus de 10 % des commandes se font aujourd'hui par internet, dans les voyages, près de 15 %, tandis que pour certaines compagnies aériennes, notamment celles à bas coût, la réservation n'est pratiquement possible que par internet. La SNCF réalise 6 % de son chiffre d'affaires par ce canal.

Peu de secteurs peuvent s'enorgueillir de telles performances. Mais d'autres restent à la traîne. Le présent projet de loi confortera le cadre juridique de leur développement, en consolidant la confiance dans ces nouveaux canaux de distribution, et donc leur croissance.

Développer l'économie numérique suppose aussi d'accroître considérablement le nombre des usagers pouvant y accéder dans des conditions optimales d'utilisation et de coût. Le Gouvernement entend donc permettre au plus grand nombre d'accéder à internet à haut débit. J'ai ainsi homologué cet été une baisse des tarifs de revente en gros de l'ADSL, qui a marqué un tournant important dans le développement du marché français, grâce à la baisse des tarifs et à l'émergence d'une offre grand public, sous forme d'un abonnement mensuel illimité à 30 €.

Le résultat est encourageant : la France rattrape très rapidement son retard. L'utilisation de cet outil essentiel connaît aujourd'hui dans notre pays la croissance la plus forte d'Europe. Au dernier trimestre 2002, le nombre d'abonnés au haut débit a progressé de 500 000. Avec près de 2 millions d'abonnés, la France est désormais le deuxième pays européen pour la pénétration du haut débit.

Il nous faut aller plus loin pour atteindre notre objectif de 10 millions d'abonnés à l'internet haut débit d'ici à cinq ans. Cet objectif ambitieux est réalisable. L'augmentation du nombre des abonnés crée un cercle vertueux pour l'économie numérique. Grâce à ce fort potentiel de clients, les investissements lourds du secteur sont amortis et de nouveaux services et usages émergent. Le développement du haut débit permet également à nos concitoyens d'accéder à de nouveaux usages de l'internet, dans les domaines de l'éducation ou du divertissement.

Nous devons favoriser le développement des TIC. Sur le plan culturel et éducatif, elles façonnent une société dans laquelle la culture, le savoir et l'information seront mieux partagés. Elles constituent en outre un vecteur intéressant pour l'influence culturelle, artistique et linguistique de la France.

Sur le plan politique, elles sont un formidable moyen de décloisonner la société française et de donner la parole à ceux qui ne l'ont pas. Elles contribuent aussi à instaurer de nouvelles relations entre le citoyen et l'administration ou les élus.

En même temps, la société de l'information n'aura de sens que si elle est une société de l'information partagée, de l'information pour tous. C'est pourquoi le Premier ministre a lancé le concept de République numérique. Cette vision d'une société de l'information réconciliant solidarité et innovation sera défendue par le Gouvernement dans les enceintes européennes et internationales, notamment lors du prochain sommet mondial de la société de l'information à Genève en décembre 2003, et à Tunis en 2005.

L'économie numérique, qui désignait à l'origine les activités industrielles issues des seules technologies de l'information, irradie désormais toute l'économie du pays. Elle est un facteur majeur de modernisation, de productivité et de réactivité de l'économie française. En outre, du fait des emplois qualifiés qu'elle crée et par son caractère d'industrie non polluante, elle contribue au développement durable. C'est aussi le projet d'une France qui a fait le pari de la valeur ajoutée, de l'innovation, de la qualité.

Pour conforter ce développement et lui apporter un cadre juridique adapté j'ai l'honneur de vous proposer aujourd'hui une première étape législative. Je veux souligner la qualité des échanges que nous avons eus, au cours des travaux préparatoires, avec les commissions de votre assemblée ; mes remerciements vont tout particulièrement à Mme Tabarot et à M. Dionis du Séjour, dont les rapports, très riches et très complets, et les nombreux amendements témoignent de leur investissement sur ce sujet.

Ce projet ne vise pas à créer un droit spécifique pour l'économie numérique, mais à lui adapter les règles en vigueur. Il vous est donc proposé de modifier de nombreux codes, à travers des dispositions qui s'articulent autour de quatre thèmes.

Premier thème : le cadre dans lequel s'exerce la liberté de communication en ligne.

Le projet définit pour la première fois la communication publique en ligne, notion qui était déjà mentionnée dans la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de communication, dans les chapitres relatifs à l'audiovisuel. Afin de ne pas bouleverser l'architecture légale actuelle, le Gouvernement a choisi de conserver ce rattachement à la communication audiovisuelle, en précisant limites et spécificités. Ce sujet soulève des interrogations, les rapporteurs nous apporteront leur éclairage.

M. Christian Paul - Et l'opposition le sien, modestement...

Mme la Ministre déléguée - Les conditions de responsabilité des hébergeurs de sites, des fournisseurs d'accès et des opérateurs de télécommunications sont précisées. En effet une incertitude juridique demeurait sur ce sujet depuis la sanction partielle de la loi du 1er août 2000 par le Conseil constitutionnel ; il convenait de proposer une solution qui soit également conforme à la directive européenne sur le commerce électronique.

Le projet pose un principe général de limitation des responsabilités civile et pénale des prestataires de l'économie numérique du fait des contenus qu'ils hébergent, stockent ou transmettent ; s'agissant des prestataires d'hébergement et de stockage, conformément à la directive, la mise en cause de leur responsabilité est limitée au seul cas où, ayant effectivement connaissance d'activités ou d'informations illicites hébergées, ils n'auraient pas agi promptement pour rendre impossible l'accès aux informations.

Le dispositif retenu est conforme au code pénal, qui renvoie la responsabilité du contenu sur celui qui le crée. Mais les intermédiaires qui hébergent ou transmettent un contenu ne doivent pas être complices de la diffusion d'un contenu illicite, sous peine que leur responsabilité puisse être engagée.

Enfin, il convenait de définir les règles de gestion et d'attribution des adresses françaises de l'internet - dont la syntaxe se décline en www.nom.fr et qui sont aujourd'hui au nombre de 160 000. Un premier objectif est d'encadrer leur développement : il est prévu d'en déléguer la gestion à des organismes que le Gouvernement est chargé de désigner, avec la garantie qu'au cas où ces organismes cesseraient leur activité, les sites français de l'internet pourraient continuer à fonctionner normalement.

Deuxième thème : le commerce électronique et la publicité.

Le commerce électronique ne pourra se développer massivement que si les consommateurs ont une entière confiance dans les procédures. La directive européenne du 8 juin 2000 tend pour le développement d'un commerce électronique sécurisé sur l'ensemble de l'Union, à une harmonisation sur des points déterminants tels que les informations à fournir aux consommateurs ou les modes de conclusion des contrats par voie électronique, sans qu'il soit nécessaire que les législations des Etats membres soient identiques dans le détail. Une entreprise opérant à partir d'un Etat respectera les exigences des autres et n'aura que peu d'obligations complémentaires à satisfaire : c'est un progrès majeur vers un espace européen de liberté pour le commerce électronique. Le projet renforce en particulier la protection des consommateurs qui doivent être complètement renseignés sur l'identité des marchands électroniques - nom, adresse, RCS, capital social...

Parmi les problèmes épineux auxquels sont confrontés les internautes, il y a ce qu'on appelle communément le « spam », c'est-à-dire ces millions, voire ces milliards de courriers électroniques publicitaires non sollicités qui font l'objet de nombreuses plaintes auprès de la CNIL. L'internaute qui supporte des frais pour sa connexion ne souhaite pas qu'elle soit engorgée inutilement.

Des règles de transparence et de protection vont donc être instaurées. L'envoi de courriers électroniques ayant pour but la prospection directe sera interdit sans l'accord préalable des consommateurs qui devront de plus pouvoir, lors de la réception de courriers électroniques à caractère publicitaire, en identifier facilement l'émetteur et avoir la faculté, à tout moment, de s'opposer à tout envoi ultérieur.

Enfin, une innovation majeure introduite dans le code civil sera présentée par mon collègue Garde des Sceaux : tous les contrats, sauf ceux concernant les droits sur des biens immobiliers, ceux qui requièrent l'intervention de tribunaux ou d'autorités publiques et ceux relatifs au droit de la famille pourront être réalisés sous forme électronique. Mais dans le cadre d'un contrat de commerce par voie électronique, toute acceptation d'une offre devra pendre la forme d'un « double clic », c'est-à-dire qu'après avoir passé sa commande, l'utilisateur devra vérifier et confirmer son acceptation au vu des informations récapitulatives qui lui seront présentées par le marchand.

Troisième thème : la sécurité.

Celle-ci repose largement sur l'utilisation de moyens de chiffrement des échanges, qui permettent d'assurer leur confidentialité mais dont dépend aussi la signature électronique.

Auparavant, la cryptographie était réservée à un usage militaire ; du fait du développement des usages civils, la nécessité d'une libéralisation est apparue au cours des années 90. La réglementation, modifiée par la loi sur la réglementation des télécommunications de 1990, révisée par celle de 1996, a marqué un début de libéralisation en 1998, puis a porté en 1999 à 128 bits la longueur des clés au-dessus de laquelle une autorisation est nécessaire pour les utilisateurs. Désormais, la liberté d'utilisation des moyens de cryptographie sera complète. Cette libéralisation renforcera la protection des paiements par carte bancaire.

Pour les entreprises, l'activité de fourniture pourra désormais s'exercer librement après simple déclaration auprès des services du Premier ministre.

L'élaboration de contrats dématérialisés requiert des prestations de signature électronique et de certification définies par la loi sur la signature électronique de mars 2000. Le projet précise les responsabilités des prestataires de certification.

Par ailleurs, les moyens des pouvoirs publics pour lutter contre la cybercriminalité sont renforcés. Ainsi, les sanctions pénales en cas d'accès frauduleux à un système informatique ou de modification de ses données sont doublées. De plus, un délit est instauré en cas de diffusion intentionnelle de virus informatiques.

Dernier thème : la réglementation des systèmes satellitaires, dont le rôle est notamment de permettre l'accès à l'internet haut débit dans les zones mal desservies. Des dispositions techniques sont prévues à cet effet.

En conclusion, je souhaite que ce projet contribue à démontrer la volonté du Gouvernement de dynamiser le secteur de l'économie numérique en France et à instaurer cette « République numérique » dont le Premier ministre a tracé les objectifs. Je souhaite aussi qu'il soit l'occasion, comme ce fut le cas pour le projet sur le secteur gazier, d'une excellente coopération entre l'exécutif et le législatif. Je serai aussi ouverte que possible aux améliorations que vous pourrez proposer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Permettez-moi d'abord une remarque personnelle : je voudrais dire ma satisfaction que la catégorie des cadres du secteur privé, largement sous-représentée à l'Assemblée nationale, ait pu participer au travail parlementaire à travers la nomination de ma modeste personne à la fonction de rapporteur.

Après l'exposé très complet de Mme la ministre, je ne reviendrai pas sur l'équilibre du projet ni sur sa place dans le programme RESO 2007 du Premier ministre. Vouloir légiférer sur l'internet suppose de trouver un juste équilibre entre la liberté d'entreprendre et la protection des intérêts privés. C'est un problème à la résolution duquel le précédent gouvernement s'était déjà attelé avec le premier texte visant à transposer la directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique, à savoir le projet sur la société de l'information. Malheureusement, ce projet n'est jamais venu en discussion.

Le Gouvernement, avec pragmatisme a repris cet ouvrage inachevé, en le découpant en trois volets, dont ce projet constitue le premier.

Il doit être neutre, ce qui signifie que la prise en considération de technologies nouvelles ne doit pas conduire à introduire de nouvelles complexités dans la législation. Mais l'effort consistant à introduire une loi durable constitue un exercice fort délicat alors que l'évolution technique est rapide.

S'il faut tenir compte de la dimension stratégique et internationale des technologies, qui induit un fort risque de délocalisation si la loi française crée un différentiel avec le droit des autres pays, ce risque ne doit cependant pas conduire à renoncer à construire un espace de droit fort pour l'internet en France. En effet, l'internet fonctionne sur la confiance, et des règles françaises plus rigoureuses, loin de faire fuir les commerçants en ligne étrangers, devraient au contraire les amener à s'y conformer, s'ils veulent vendre en France. De plus, on constate un effort équivalent à l'échelle communautaire, dont la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique est l'expression directe, et l'ensemble des pays développés s'attachent à maintenir l'internet dans les règles de droit, comme l'ont illustré les pressions diplomatiques qui ont amené le Japon à proscrire ses sites de pornographie enfantine ou la Chine à fermer un site pirate portant préjudice à l'industrie musicale américaine.

Surtout, la France a un rôle éminent à jouer en tant qu'exemple pour la communauté internationale. Il suffit, à cet égard, de rappeler le retentissement qu'a eu l'affaire Yahoo pour montrer l'impact que peut avoir une décision de justice française pourtant raillée à l'origine : après sa condamnation en France, en novembre 2000, la société Yahoo a décidé, en janvier 2001, d'interdire, pour le monde entier, la vente d'objets nazis sur ses sites d'enchères.

Le souci de pédagogie de la commission l'a amenée à réécrire l'article 6 du projet. J'y reviendrai après avoir traité des articles premier et 2 du texte.

L'article premier propose une définition de la communication publique en ligne insérée dans la loi du 30 septembre 1986. Il a suscité de longs débats en commission. Il s'agit de donner une définition de l'ensemble des activités de communication sur l'internet en mettant l'accent sur le contenu « audiovisuel », et le rattachement à la loi du 30 septembre 1986 institue un pouvoir de régulation du conseil supérieur de l'audiovisuel.

M. Christian Paul - Quelle drôle d'idée !

M. le Rapporteur - Pour la commission, ce rattachement n'est pas opportun. Un consensus très large s'est dégagé sur ce point parmi les personnes auditionnées : aussi bien les industriels du secteur que les milieux associatifs, dont l'UNAF, ont manifesté leur réticence.

De fait, ce rattachement traduit une conception erronée de l'objectif de neutralité technologique du droit.

Il existe, en effet, entre l'internet et l'audiovisuel, des différences de nature, de contenu et d'échelle qui font qu'internet n'est nullement réductible à une forme de communication audiovisuelle.

Or, le rattachement à la loi de 1986, riche de 110 articles, crée un risque juridique : certaines de ses dispositions pourraient se révéler applicables à la communication publique en ligne hors des cas envisagés lors de la rédaction du projet. Le Conseil d'Etat, dans ses recommandations du 2 juillet 1998 sur « Internet et les réseaux numériques », ne disait pas autre chose. Je le cite : « Il apparaît inopportun (...) de confier à une seule autorité le soin de contrôler tous les contenus mis à la disposition du public. Des services tels les forums de discussion, l'accueil de sites Web, la vente à distance, l'accès à des bases de données, la télé-médecine, la télé-formation, comportent une composante communication au public, mais ne nécessitent pas le même traitement que la radio ou la télévision, qui demeurent des média de masse spécifiques. »

Il apparaît donc nécessaire de définir un domaine juridique propre aux services de l'internet tout en préservant les modes de régulation de la radio et de la télévision. C'est pourquoi la commission a proposé que ce texte, et non la loi de 1986, définisse la communication publique en ligne.

Cette proposition a déclenché de vives réactions des créateurs, qui ont manifesté une crainte légitime de voir contourner sur l'internet les droits des créateurs. Nous souhaitons, nous aussi, qu'un cadre juridique sûr empêche ces contournements par des sanctions plus lourdes et des procès plus systématiques.

Mais je suis convaincu que le rattachement de l'internet au secteur de l'audiovisuel constitue un mauvais moyen pour atteindre cet objectif.

S'il ne s'agit que d'un rattachement temporaire en attendant de trouver, d'ici quelques mois, une solution mieux adaptée, nous sommes ouverts à la discussion. Mais s'il s'agit d'entériner l'erreur d'analyse fondamentale que je viens de dénoncer, alors le Parlement doit se prononcer.

L'article 2 définit un régime de responsabilité pour les hébergeurs. Il s'agit en fait, conformément à la directive 2000/31/CE, de poser le principe de leur irresponsabilité, sauf lorsqu'ayant eu connaissance du caractère illicite d'une information diffusée, ils n'ont rien fait pour en arrêter la diffusion.

Tout en maintenant ce dispositif, nous avons souhaité le préciser.

Tout d'abord, nous avons considéré que pour ce qui relève de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale et de la promotion de la pornographie enfantine, les hébergeurs doivent être tenus à une obligation de surveillance. Par ailleurs, la commission a estimé utile d'établir que les demandes d'arrêt de diffusion de contenu abusives seraient passibles de sanctions.

L'article 6 donne une définition du commerce électronique. La commission l'a réécrit. Quant à l'article 12, il institue un régime de consentement préalable pour la prospection par voie de courrier électronique.

Enfin, le texte permet de repenser la question du financement du service universel des télécommunications, dont la charge est disproportionnée pour les fournisseurs d'accès à internet. L'assiette de contribution devrait être calculée sur la base du chiffre d'affaires.

M. Jean-Paul Charié - Pas d'accord !

M. le Rapporteur - Nous en débattrons.

Je tiens, en conclusion, à saluer le travail accompli par mes collègues de toutes sensibilités, au service de l'intérêt général, et je me félicite de l'excellent climat dans lequel se sont déroulés nos échanges, tant avec Mme la Ministre et son administration qu'au sein de la commission et avec Mme la Rapporteure pour avis.

Je ne doute pas que le texte, enrichi par la commission, le sera encore par l'Assemblée et par le Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Michèle Tabarot, rapporteure pour avis de la commission des lois - De même qu'en son temps la révolution industrielle a bouleversé la sphère des échanges, de même la montée en puissance des nouvelles technologies de l'information et de la communication a produit une véritable révolution numérique. Depuis dix ans, elle a accompagné l'évolution d'une société de plus en plus ouverte, où la communication doit être un acte sûr, accessible et fréquent. Ce contexte, porteur de libertés nouvelles, suscite aussi de nouvelles interrogations, auxquelles le législateur doit répondre. Pour permettre à l'économie numérique de tenir ses promesses, il fallait adapter le cadre législatif, dans une double perspective : favoriser la diffusion des nouvelles technologies, génératrices de croissance ; garantir un espace de droit aux usagers et aux acteurs de cette nouvelle économie. Il fallait un cadre à la fois régulateur et stimulant. Ces enjeux sont à l'origine des orientations du Gouvernement, définies en novembre par le Premier ministre lors de la présentation du plan RESO 2007.

Ce projet s'inscrit dans une démarche pragmatique visant à créer chez nos concitoyens une confiance durable envers les technologies de l'information. La commission des lois, saisie pour avis, a examiné pour l'essentiel les dispositions introduites dans ce but. Deux séries de mesures se distinguent par leur portée et leur caractère novateur. La première concerne le contrat sous forme électronique, outil indispensable au développement du commerce électronique. Sortant de l'incertitude, le « cyberclient » accédera ainsi à un cadre sécurisant grâce à la définition d'un véritable statut du contrat électronique. Le projet s'attache ainsi à établir la validité juridique de cet écrit et à définir les modalités de sa conclusion. Aujourd'hui, les seuls contrats électroniques valides - ceux pour lesquels la forme écrite n'est pas obligatoire - concernent l'achat en ligne de biens de consommation courante. Désormais, la plupart des contrats pourront être passés sous forme électronique, notamment les contrats de bail, les contrats de travail à durée déterminée, les prêts à intérêt, contrats d'assurance et actes authentiques. Trois exceptions ont toutefois été définies pour protéger les droits des personnes dans des domaines essentiels comme le droit de la famille. Dans tous les cas, l'écrit électronique doit pouvoir assurer la même protection que l'écrit traditionnel - même s'il a, comme l'a indiqué dans son audition le professeur Jérôme Huet, sa propre valeur, comparable mais différente.

Ces dispositions créent pour les échanges un cadre juridique clarifié. Mais il fallait aussi définir précisément la procédure de conclusion du contrat : la méthode du « double clic » y pourvoit.

Une seconde série de mesures fortes concerne la lutte contre la cybercriminalité. Comme toutes les innovations, les technologies de l'information ont suscité de nouveaux comportements délictueux.

Le projet libère l'usage de la cryptologie, mais celle-ci peut aussi servir les délinquants : il fallait des mesures très fermes contre les utilisateurs malintentionnés. Le texte permet de les sanctionner lourdement. Il innove en introduisant dans notre droit pénal un mécanisme de « repenti » visant à faciliter les enquêtes ; la commission des lois vous proposera un amendement pour en encadrer le champ. Ces dispositions sont le juste corollaire de la libéralisation de la cryptologie.

Le projet renforce en outre l'arsenal juridique de lutte contre la cybercriminalité. L'audition de Mme Chambon a été sur ce point particulièrement éclairante. La répression des infractions commises à l'aide des réseaux numériques, comme de celles qui portent atteinte aux systèmes informatiques, est aujourd'hui mal assurée. C'est pourquoi l'Assemblée a adopté des dispositions spécifiques dans la loi pour la sécurité intérieure. Le présent projet est une première étape de la nécessaire évolution des règles pénales.

Il va dans trois directions. Tout d'abord, l'adaptation des modalités de saisie et de conservation des données informatiques pour les perquisitions en flagrant délit ou dans le cadre d'une instruction. Ensuite, l'aggravation des peines encourues par les auteurs d'atteintes aux systèmes informatiques. Enfin, la création d'une nouvelle incrimination visant la diffusion intentionnelle de virus, indispensable pour mettre fin à l'impunité. Une exception est cependant prévue pour ne pas entraver les travaux scientifiques ou visant à sécuriser les réseaux.

La commission vous proposera de mieux encadrer cette exception, en soumettant les entreprises concernées à un régime de déclaration.

Je me réjouis de l'étroite collaboration entre les deux rapporteurs, et je salue le travail accompli par Mme la ministre pour que ce projet serve l'intérêt général. Ce texte a le mérite d'accompagner le mouvement de notre société dans le respect de tous les acteurs. Il permettra à notre pays de rattraper son retard et de s'engager sur la voie de la modernité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je souhaite faire une brève intervention relative à l'application de l'article 40 de la Constitution. En effet, j'ai été conduit, en ma qualité de juge de la recevabilité des amendements, à déclarer irrecevables plusieurs amendements émanant de divers auteurs, notamment de notre collègue Patrice Martin-Lalande. Ces amendements tendaient à permettre aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics d'établir et d'exploiter des réseaux locaux de télécommunications ouverts au public. Je ne puis que constater qu'il s'agit d'une charge, certes facultative, mais à laquelle l'article 40 est applicable. Je renvoie en particulier sur ce point au rapport du président Barrot, qui indique que les charges facultatives des collectivités locales relèvent de l'article 40, ne serait-ce que parce que leur réalisation est hautement probable. Dès lors, note-t-il, qu'on autorise une catégorie de collectivités locales à intervenir dans un nouveau domaine, on autorise fatalement la création d'une charge publique, car il y aura toujours quelques collectivités qui souhaiteront utiliser cette faculté. Le fait même que les amendements en question soient issus de l'initiative parlementaire le confirme, car il indique qu'ils correspondent à un besoin ressenti par les collectivités concernées ou certaines d'entre elles. Cette interprétation est d'ailleurs clairement confirmée par la décision du 13 janvier 1994 du Conseil constitutionnel.

Toutefois, étant sur le fond très favorable à cette disposition, j'ai vivement souhaité que le Gouvernement reprenne cette initiative parlementaire.

M. Alain Gouriou - Très bien !

M. le Président de la commission des finances - Je ne puis qu'insister à nouveau en séance publique pour qu'il reprenne ainsi à son compte l'initiative parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alfred Trassy-Paillogues - Le commerce électronique ne pourra se développer massivement que si les utilisateurs ont pleine confiance dans les procédures de transaction. C'est cette confiance dont le présent projet entend poser les bases juridiques. C'est que l'économie numérique concerne désormais tous les secteurs. Les transactions progressent de plus de 25 % par an. L'an dernier, 4 à 6 millions de Français ont effectué des achats sur internet, pour 2,3 à 2,6 milliards d'euros.

Mais la législation actuelle est insuffisante. L'absence de règles précises pour encadrer les transactions affecte la confiance des consommateurs. Ce projet, première étape législative du plan RESO 2007, traduit la volonté du Gouvernement d'instituer des règles du jeu claires pour les prestataires de l'internet et une protection efficace pour les utilisateurs. Il met fin au retard de la France dans la transposition de la directive du 8 juin 2000. Je souligne l'intérêt de l'obligation de surveillance pour les hébergeurs sur les données dont la diffusion constituerait un délit pénal grave - apologie des crimes contre l'humanité, incitation à la prostitution, pornographie infantile - et de leur responsabilisation dans le cas où les données sont manifestement illicites.

Après avoir souligné le côté sécurisant de la transparence pour les éditeurs de site quant à leur identité, après avoir souscrit à la protection des personnes physiques susceptibles de recevoir des messages de prospection directe, je voudrais traiter du service universel et de la possibilité pour les collectivités d'établir et d'exploiter des réseaux de télécommunication. Sur ce dernier point le Premier ministre s'est exprimé, au cours du CIAT de décembre, sur « tout ce qui concerne le haut débit et le fameux article 1511-6 du code des collectivités locales, de manière à ce qu'on puisse donner à celles-ci la liberté d'opérateur ». Il s'agit d'un dispositif très important pour le haut débit car, à mesure que le progrès technologique se propage dans la société, des handicaps nouveaux apparaissent. Aujourd'hui nombre de territoires ont des difficultés avec leurs entreprises, qui leur demandent l'accès au haut débit et qui menacent quelquefois de quitter leur implantation parce que le haut débit n'est pas là.

Il est donc souhaitable que, dans des conditions à préciser, les collectivités puissent suppléer la carence des opérateurs, qui font souvent preuve d'opacité quant à la divulgation d'informations sur les infrastructures dont ils disposent. De fait, depuis l'obligation faite à France-Télécom de déclarer ses installations sur les territoires communaux au 30 mai 1997, aucune contrainte nouvelle ne pèse sur les opérateurs pour la localisation de leurs réseaux, ce qui pénalise les collectivités locales dans leurs projets de développement d'infrastructures. Aussi conviendrait-il de créer une obligation de transparence dans ce domaine.

Le service universel est défini comme un service minimal de qualité déterminée qui soit disponible pour tous les utilisateurs, quelle que soit leur situation géographique et pour un prix abordable. Asseoir le financement du fonds du service universel sur le chiffre d'affaires serait un moyen judicieux d'impliquer le consommateur final dans une solidarité nationale que l'on pourrait qualifier de numérique ; d'autant que le périmètre de ce service universel devant être examiné au plus tard deux ans après la transposition de la directive, il pourrait être intéressant d'y faire entrer la téléphonie mobile et le haut débit.

L'objectif à atteindre avec ce texte sagement amendé est que l'économie numérique soit tonifiée par des utilisateurs rassérénés par un encadrement juridique de l'internet et que nos territoires pour un service universel élargi, soient dynamisés. Nous aurons alors marié comme il se doit l'économie et l'aménagement du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Gouriou - Votre texte reprend certaines dispositions figurant dans le projet sur la société de l'information préparé par le précédent gouvernement et destiné, d'abord, à faciliter l'accès des citoyens à l'information sous forme numérique. Il importe en effet que les données publiques essentielles puissent être librement et facilement accessibles. Il s'agit ensuite de garantir la liberté de la communication en ligne, afin de promouvoir ces nouvelles technologies comme des moyens d'ouverture et d'échanges démocratiques. Nous débattrons, je pense, de la distinction entre communication audiovisuelle et communication en ligne, des compétences des autorités de régulation comme le CSA et l'ART ou de l'opportunité de créer une autorité spécifique. Je suis, en la matière, assez favorable aux amendements du rapporteur à l'article premier. Il convient aussi de définir un cadre juridique clair pour le commerce électronique en assurant la protection des consommateurs et en luttant contre les invasions anarchiques des publicitaires sur la toile, de favoriser le développement des réseaux numériques via les technologies satellitaires et les téléphones mobiles actuels et futurs, enfin de renforcer la lutte contre la cybercriminalité en favorisant l'usage de la cryptologie et en renforçant les pouvoirs du juge dans les enquêtes sur la criminalité informatique.

Votre projet sera complété, semble-t-il, par deux autres textes au cours du second trimestre 2003.

Membre de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, je ne peux que m'associer à son avis : « la commission a considéré qu'elle était saisie sur un ensemble de dispositions floues, disparates, sans lien évident entre elles, sans que le Gouvernement lui ait présenté la stratégie dans laquelle elle s'inscrit ». Espérons que les questions importantes que nous nous posons obtiendront une réponse satisfaisante dans les textes suivants.

Nombre de services réclament la suppression de l'article premier. Pour notre part, nous en souhaiterions la réécriture. L'internet est en effet un support de communication qui est utilisé pour véhiculer essentiellement du courrier électronique, des conversations téléphoniques ou des services commerciaux et bancaires, même s'il peut aussi fournir des services audiovisuels. Les communications publiques en ligne ne se limitent pas aux services internet. Les services télématiques ou les services audiotel peuvent entrer dans cette définition. Distinguons bien entre l'accès et le contenu : si les communications publiques en ligne peuvent relever d'une régulation des contenus, les services d'accès aux communications publiques en ligne relèvent du code des postes et des télécommunications.

La conservation des données nous paraît essentielle pour le développement et la sécurité du commerce électronique. Sera-t-elle traitée dans les futurs textes, ou bien renvoyée à un simple décret ?

On peut aussi s'interroger sur la régulation d'autres moyens d'accès à internet que l'ordinateur personnel, de nouvelles technologies permettant d'utiliser les potentialités d'internet. Nous notons avec satisfaction les progressions spectaculaires des foyers français en outils informatiques et de nouvelles communications. Seuls les débits élevés garantiront des prestations de grande qualité aux utilisateurs. Aussi est-il indispensable et urgent de favoriser l'extension des technologies DSL, des réseaux de fibres optiques, afin non seulement de rattraper le retard qu'accuse notre pays, mais aussi d'éviter la fracture numérique entre nos territoires.

Notre groupe participera à la discussion dans un esprit d'ouverture, avec l'intention d'éclairer et d'enrichir ce projet portant sur un sujet difficile, et en évolution rapide (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yvan Lachaud - Le moins que l'on puisse dire est que votre projet était attendu ! Après l'Arlésienne du projet sur la société de l'information déposé en juin 2001 et jamais discuté, le groupe UDF se réjouit que le Gouvernement soit au rendez-vous de l'urgence. Nous ouvrons un chantier législatif qui, comme vous l'avez rappelé, connaîtra d'autres étapes et s'inscrit dans un cadre plus large baptisé RESO 2007 tendant à bâtir cette « République numérique » vitale pour notre pays. Nous vivons un moment fondateur, comme l'a souligné le rapporteur, dont je salue le travail. Comment ne pas se réjouir au moment où le législateur aborde cette terre inconnue qu'est la sphère de l'économie numérique ?

De fait, tout reste à faire pour mettre un peu d'ordre dans les mailles de l'internet. Les chiffres sont impressionnants : au terme de ce quinquennat, la barre du milliard d'internautes sera franchie, et la France pourrait dépasser les 35 millions. A un enjeu économique colossal s'ajoute un défi de société que les pouvoirs publics doivent relever en s'attaquant à la fracture numérique qui menace les plus faibles d'entre nous.

Nous ne pouvons légiférer en ignorant nos voisins. Prenons garde que notre zèle ne nous disqualifie dans le domaine de l'économie numérique, en provoquant des délocalisations de sièges sociaux et de centres de recherche. La directive du 8 juin 2000 va dans le bon sens et devra nous servir de garde-fou si la tentation de l'exception française nous guettait. L'harmonisation des législations européennes est une exigence absolue dans un domaine où les frontières n'existent pas, mais elle ne nous dispensera pas d'effectuer des choix qui nous engagent pour bien des années. Nous devrons donc exprimer notre savoir-faire national dans l'interprétation de la directive...

La question est de faire d'internet un espace de droit sans affaiblir son potentiel économique, considérable, tout en protégeant ses usagers de pratiques commerciales abusives et d'agressions idéologiques et pornographiques. Dans cette perspective, il faut d'abord définir la communication en ligne. Le groupe UDF soutiendra l'amendement de Jean Dionis du Séjour qui crée un nouveau domaine du droit. Cela nous semble plus adapté à la spécificité des économies numériques qu'un simple rattachement au domaine de la communication audiovisuelle. A l'heure où l'interactivité triomphe face au caractère univoque de l'audiovisuel, il est surprenant de vouloir faire de la communication en ligne un sous-domaine de l'audiovisuel. Cela reviendrait à jouer au poker avec un jeu des sept familles !

Nous comprenons la volonté du Gouvernement de ne pas créer, par souci de simplicité, un droit spécifique. Mais nous sommes face à un changement de modèle et d'échelle qui peut être comparé au passage du 22 à Asnières au téléphone mobile ! La définition juridique doit tenir compte de ces bouleversements, ainsi que le reconnaît d'ailleurs le CSA. Nous comprenons le traumatisme du monde de la propriété intellectuelle, mais la solution ne passera pas par l'opposition entre approche culturelle et approche industrielle.

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

M. Yvan Lachaud - Il faut adopter une attitude de bon sens pour élaborer une stratégie sur mesure.

Enfin, on voit clairement les limites du rattachement juridique à l'autorité de régulation de la communication en ligne. Le CSA n'est pas demandeur. Il ne convient pas de créer une nouvelle instance qui viendrait se superposer au CSA, mais d'assurer une régulation des contenus, qui respecte les règles de droit spécifiques à internet. Une approche pragmatique consisterait à définir chaque service proposé aux usagers et à trouver pour chacun l'autorité de régulation adéquate. Le rapporteur n'a d'ailleurs fait que suivre les recommandations du Conseil d'Etat de 1998. Les structures du CSA lui permettent d'intervenir auprès des producteurs et des chaînes, mais pourra-t-il faire face à plus de 38 millions de sites ? Seule la démarche préconisée par le rapporteur permettra d'assurer la confiance de tous les acteurs.

Le deuxième volet concerne la définition de la responsabilité des hébergeurs quant aux informations qu'ils transmettent ou stockent. Dans ce domaine, il faut agir avec la plus grande prudence, pour éviter de créer une insécurité juridique pour les prestataires de service. L'article 2 est aujourd'hui trop flou pour ne pas donner lieu à de multiples contentieux. Ainsi, la notion de caractère illicite des données ne permet pas d'identifier clairement ce qui engage la responsabilité des hébergeurs. Il fallait crever l'abcès et dénoncer les contenus qui posent problème : principalement l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la haine raciale et la pornographie enfantine. Internet reste le symbole de la liberté d'expression, mais il ne gagnera ses lettres de noblesse que si les comportements contraires aux droits de l'homme sont bannis. Je suis convaincu que cette interprétation de la directive servira de modèle aux autres démocraties pour protéger les usagers des dérives du net.

En tant que directeur d'établissement scolaire, je ne peux que souscrire à l'amendement du rapporteur. En distinguant ce qui est intolérable de ce qui est illicite, il contraint les hébergeurs à empêcher les propagandes nauséabondes et les images pédophiles. En distinguant ce qui est « manifestement » illicite de ce qui manifeste un « caractère illicite », il allège la responsabilité a posteriori des hébergeurs et les préserve du harcèlement de certains usagers en sanctionnant les demandes d'arrêt de diffusion abusives.

Le troisième volet regroupe plusieurs articles sur la protection des usagers d'internet et des consommateurs électroniques. Le commerce électronique est en pleine expansion : le montant des transactions augmente de 25 % par an et le minitel a été largement dépassé. Mais la France continue à accuser un retard important par rapport à ses voisins, surtout en ce qui concerne le « b to b » : les entreprises ne réalisent en moyenne que 2 % de leurs achats en ligne avec leurs fournisseurs. Il faut donc gagner la confiance des internautes. Ceux qui hésitaient encore à faire le clic décisif seront rassurés, car en cas de défaillance, ils pourront se retourner directement contre le vendeur.

En ce qui concerne la cryptologie, le projet de loi va dans le bon sens. Il permettra enfin aux utilisateurs privés de garantir l'intégrité d'un message en s'assurant de sa confidentialité et de son authentification. C'était indispensable pour que le courrier électronique soit digne de confiance. Mais la fracture numérique n'est pas encore réduite. Seuls 21 % des foyers français sont connectés, contre 36 % en Grande-Bretagne et 54 % au Danemark. Ceux qui se connectent à domicile restent jeunes et diplômés. Seuls 7 % des internautes sont des ouvriers, alors qu'ils représentent 17 % de la population. Il convient donc d'encourager l'achat d'ordinateurs et la connexion à internet par des mesures fiscales. Nous pourrions nous inspirer du programme québécois « Brancher les familles ». N'oublions pas enfin que la fracture numérique est également géographique. Les abonnements à l'ADSL et au câble ont augmenté en 2002, mais l'écart entre territoires urbains et ruraux grandit et devient inquiétant. Il faut combler le fossé entre la France d'en bas débit et la France d'en haut débit ! (Sourires). Pour cela, il faut pousser au développement de techniques alternatives en milieu rural, telles que la boucle locale, le Wi-Wi, le satellite, voire le réseau électrique.

En guise de conclusion, je voudrais rappeler les propositions que l'UDF avait formulées lors des précédentes campagnes. Internet, outil moderne, doit nous servir à moderniser ! Moderniser l'Etat et les administrations, avec les téléservices administratifs, moderniser l'enseignement, en généralisant les TIC dans les programmes officiels, moderniser la vie des entreprises en encourageant le commerce numérique, moderniser notre démocratie en mettant en _uvre le vote électronique...

Le groupe UDF votera ce projet de loi, enrichi par les travaux des commissions. Le Gouvernement montre par ce texte son attachement aux nouvelles technologies. Notre groupe sera très attentif à la transposition du paquet télécoms, que vous avez annoncée pour le deuxième trimestre. Ces initiatives montrent que vous avez pris conscience des perspectives de croissance prodigieuses qu'internet offre à notre économie. Mais bien au delà, il porte les germes d'une nouvelle société, celle de l'information, qui remplacera la société industrielle qui est en place depuis la fin du XIXe siècle. C'est pourquoi il est impératif que le volet « diffusion et appropriation des NTIC », qui devait faire l'objet d'un texte à la fin du premier trimestre, ne soit pas abandonné. C'est une pierre essentielle de la République numérique. Ainsi, au même titre que la sécurité, l'emploi et la santé, les technologies de l'information doivent être au c_ur de l'action gouvernementale. Vous pouvez compter sur le groupe UDF pour vous soutenir dans cette voie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marcelle Ramonet - S'il est des domaines où il est difficile de légiférer, la société de l'information en fait indiscutablement partie. Ce texte traduit la volonté du Gouvernement de créer les conditions de confiance nécessaires au développement de l'économie numérique, en particulier en ce qui concerne le transfert des données et les transactions financières. Permettez-moi de saluer le fait que l'intitulé même du projet affirme ce principe essentiel, par l'utilisation du mot « confiance ».

La confiance dans l'économie numérique doit s'exercer au profit de tous les acteur. Elle a son corollaire : la responsabilité. Bien que le secteur soit en pleine expansion, avec plus de 700 000 salariés et plus de 160 milliards de chiffre d'affaires, notre pays accuse toujours un retard par rapport à ses partenaires. Pourtant, l'internet n'a jamais été aussi présent dans notre vie quotidienne, qu'il s'agisse de l'entreprise ou de nos actes privés, comme en témoignent les 9 millions d'abonnements individuels et la croissance de 60 % par an du commerce en ligne grand public. Il était donc urgent de légiférer.

Les dispositions que vous nous proposez d'adopter concernent la sécurisation du commerce électronique, la liberté de la communication en ligne et la lutte contre la cybercriminalité.

Pour que le commerce électronique s'établisse dans un climat de confiance, il faut assainir et sécuriser les échanges commerciaux via les réseaux numériques. Votre projet y pourvoira. Il renforcera également le dynamisme du commerce électronique, qui progresse de 25 % par an et remodèle l'activité de secteurs comme la vente à distance, les voyages ou la culture. Dans cette perspective, il importe de garantir la confidentialité des échanges d'information, mais aussi d'encadrer la publicité en ligne en limitant l'abus des publicités indésirables, les « SPAM ». L'envoi de courriers électroniques ayant pour but la prospection directe doit recueillir l'accord préalable des destinataires. Les consommateurs seront protégés en étant informés sur l'identité - nom, adresse, capital social - des personnes qui leur font une offre de vente par voie électronique.

Conformément à la directive européenne sur le commerce électronique, toute acceptation d'une offre dans le cadre d'un contrat de commerce par voie électronique prendra désormais la forme d'un double clic. L'utilisateur pourra ainsi vérifier sa commande et confirmer son acceptation. La liberté de communication en ligne doit être garantie. Ce texte définit donc pour la première fois la notion de communication en ligne. Il devenait en effet crucial de clarifier les conditions d'exercice et la responsabilité civile et pénale des acteurs du secteur : hébergeurs de sites, opérateurs, fournisseurs d'accès. Il fallait enfin préciser les règles de gestion et d'attribution des adresses françaises sur internet, celles dont la syntaxe se décline en « www.com.fr ». Avec ce texte, nous sécurisons les échanges et nous renforçons la protection des consommateurs en amplifiant la lutte contre la cybercriminalité.

L'usage de la cryptologie est désormais totalement libre, tout comme la fourniture et l'importation de moyens de cryptologie en provenance d'Etats de l'Union européenne. Les moyens des pouvoirs publics pour lutter contre la cybercriminalité seront simultanément confortés par le renforcement des peines applicables en cas d'utilisation de cette cryptologie à des fins criminelles.

Cette première étape sur le volet numérique sera suivie d'autres rendez-vous, notamment pour transposer les directives européennes.

Lors du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire de décembre 2002, le Gouvernement a proposé de nouvelles orientations pour l'aménagement numérique des territoires : la préservation de l'équité territoriale, en particulier pour la desserte des territoires en téléphonie mobile, le développement de l'internet haut débit pour assurer leur compétitivité et leur cohésion, l'offre d'outils de formation performants et accessibles, le développement de nouveaux usages et services liés aux TIC, utiles notamment à la modernisation des services publics.

L'enjeu important des prochaines années réside dans le soutien à la recherche et au développement. Vous venez d'ailleurs d'annoncer, avec votre collègue Claudie Haigneré, des mesures qui seront soumises au Parlement dans les prochains mois. Vous aurez tout notre soutien pour cette politique de relance.

Dans les industries productrices de TIC, les leaders demeurent en effet les Etats-Unis et le Japon, qui consacrent respectivement à la recherche et au développement 2,64 % et 2,98 % de leur PIB, devant l'Allemagne - 2,48 % - puis la France - 2,19 %.

Si l'Europe s'est assigné un objectif de 3 % du PIB dans le cadre de sa politique économique commune, nous n'y sommes pas encore. L'effort de recherche n'atteint que 18 % en Europe et 19 % en France, contre 35 % aux Etats-Unis, davantage encore au Japon.

L'objectif du Gouvernement est quadruple : faire des TIC une priorité de la recherche nationale, donner une nouvelle dynamique à l'innovation ainsi qu'aux réseaux de recherche existants, définir des axes de recherche prioritaires.

Dans ce cadre, l'accès au haut débit constitue un enjeu majeur. En effet, la France accuse un retard, avec 800 000 abonnés au printemps 2002 contre plus de 2 millions en Allemagne. Seuls 2,6 % des Français ont accès au haut débit, contre 12 % des Suédois, 20 % des Canadiens ou 42 % des Coréens du Sud.

Néanmoins, l'utilisation de cet outil progresse fortement : le nombre d'abonnés et le chiffre d'affaires du secteur ont triplé en un an.

Une des priorités est d'élargir l'accès à internet haut débit pour atteindre 10 millions d'abonnés dans les cinq prochaines années. Cela favorisera un développement rapide des usages.

L'accès aux réseaux de communication à haut débit est au c_ur du développement de nos territoires. Le Président de la République s'est engagé à ce que l'on puisse accéder à l'internet à haut débit dans toutes les communes de France d'ici 2007. Dans la région quimpéroise, nombre de communes de ma circonscription - en partie rurale - attendent cette possibilité. C'est un programme ambitieux. Je souhaite que nous puissions rapidement le réaliser (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Paul - Ce débat était attendu par tous ceux qui, depuis les années 1990, _uvrent au développement des réseaux, des technologies de communication et de l'internet en France. Celui-ci, il faut le rappeler, n'a pas été inventé en 2002 ! Le texte qui nous est soumis vise pour les uns à stimuler le commerce électronique, pour d'autres à protéger le consommateur en lui garantissant des droits acquis depuis longtemps pour d'autres formes de vente à distance.

Nous entendons naturellement, lors de l'examen de ce texte, user de la possibilité que vous nous avez offerte de l'amender. Ce serait là une façon de voir si la « République numérique » aime bien l'Assemblée nationale !

Ce texte peut constituer une étape dans la régulation de l'internet. On s'est longtemps demandé si cette révolution numérique allait créer une révolution juridique ; on sait désormais qu'il importe moins de créer un droit nouveau qu'un droit utile. C'est à cette tâche que nous nous attelons aujourd'hui.

Il nous faut concilier plusieurs objectifs. L'évolution très rapide des technologies constitue un véritable défi qui impose une approche concrète et pratique. Or, votre texte n'évite pas tous les pièges.

Il faut ensuite garantir le respect de la liberté d'expression. Internet est en effet avant tout un formidable moyen d'expression. Veillons donc à ne pas opposer développement du commerce électronique, protection du consommateur et liberté d'expression.

Vous nous invitez également à définir la nature juridique de l'internet et à lui donner un cadre juridique plus clair. Nous souscririons à cette idée si l'on s'en tenait aux grands principes. Nous vous rejoignons pour affirmer que l'impunité ne doit pas régner sur l'internet.

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

M. Christian Paul - Les objectifs et les règles du droit de l'audiovisuel ne nous paraissent pas pour autant adaptés à l'internet. Comme l'a justement souligné le rapporteur, les contraintes ne sont pas les mêmes. Il n'y a pas la rareté de la ressource qu'imposent les fréquences. L'autorité de régulation de l'audiovisuel n'est donc dotée ni des compétences juridiques ni de la légitimité nécessaires pour remplir ce rôle. Le CSA ne l'a d'ailleurs jamais nié. C'est donc à la loi et au juge qu'incombent la régulation et le contrôle de l'internet. Il y a là un point fondamental et un principe démocratique auquel vous n'entendez pas, nous l'espérons, déroger.

La confiance, c'est d'abord celle du consommateur, qu'il appartient à la loi de protéger. Des dispositions comme le double clic, la loi applicable ou l'inscription systématique des fournisseurs sur les pages consultées vont dans le bon sens.

De la capacité du législateur à adapter notre droit dépendra le dynamisme de l'internet français. Nombre de risques tiennent à la mutation très rapide des technologies et des usages. Les députés socialistes présenteront donc des amendements pour prévenir quelques dérapages. Je pense à l'article 34, qui évoque la détention de programmes informatiques, qualifiée de façon pénale.

D'autres urgences, auxquelles le précédent gouvernement s'était attelé, doivent être prises en compte. Je pense notamment à la protection des données personnelles, élément essentiel de la confiance sur les réseaux. Votre texte reprend, certes, des dispositions du projet de loi sur la société de l'information. Mais d'autres dispositions, d'inspiration plus récente, requièrent notre vigilance. Il ne s'agit pas de dompter l'internet, mais d'en assurer le développement. C'est important pour notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Patrice Martin-Lalande - Nous sommes ici nombreux à vouloir, comme le Gouvernement, une loi d'équilibre, pour que la confiance soit partagée entre internautes et opérateurs, entre utilisateurs et fournisseurs. Au demeurant, il ne faut pas oublier que le premier marché électronique du monde a été celui de la France, grâce au Minitel.

L'équilibre a été trouvé en matière de responsabilité des hébergeurs ; le Gouvernement a raison d'écarter tant la déresponsabilisation totale des acteurs que la responsabilité lourde, et de retenir un régime proche du droit commun. Mais je propose par amendement une procédure de notification, qui vise à clarifier la marche à suivre pour les victimes, tout en évitant les contestations abusives et à donner aux prestataires toutes les informations nécessaires. Il ne s'agit pas de mettre en place un mécanisme automatique de retrait du contenu par l'hébergeur, mais de faire en sorte que ce dernier acquière la connaissance d'un contenu illicite au terme d'un processus précis.

Deuxième remarque : dans toute publication, lorsqu'une personne est mise en cause, elle doit pouvoir en retour faire valoir son point de vue, sans être obligée de saisir la justice. Il est nécessaire d'adapter ce « droit de réponse », qui est un droit fondamental de la personnalité, aux spécificités de la communication en ligne. J'ai donc déposé sur ce point un amendement, qui avait été envisagé lors de la préparation du projet de 2001 sur la société de l'information. Certains objecteront qu'il n'est pas facile de mettre en _uvre concrètement ce droit de réponse, mais le législateur ne peut à la fois constater la puissance de publication que permet l'internet et ne pas prendre dans ce seul domaine les dispositions nécessaires.

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande - En troisième lieu, j'observe que si la nécessité d'un service universel des télécommunications n'est contesté par personne, il n'en va pas de même de son mode de financement. La répartition du coût entre opérateurs se faisant au prorata de leur volume de trafic, la charge est totalement disproportionnée pour ceux qui facturent à bas prix la minute de communication, ce qui est le cas pour les fournisseurs d'accès à internet sous forme forfaitaire.

L'amendement que je propose a pour but de calculer la contribution sur la base du chiffre d'affaires de détail.

M. Jean-Paul Charié - Ce sera pire...

M. Patrice Martin-Lalande - Cette réforme permettrait d'assurer le maintien des forfaits internet illimités « bas débit » qui sont d'ores et déjà disponibles sur la totalité du territoire à un prix abordable et qui constituent, pour les quelque quinze millions de Français qui n'ont pas accès à l'ADSL, le seul moyen d'accès illimité à l'internet.

Quatrième point : ma conviction et que l'internet de demain sera l'internet mobile, accessible où et quand le consommateur le veut. Lutter contre la fracture numérique entre les territoires, c'est donc assurer la couverture la plus large de nos communes en téléphonie mobile.

C'est pourquoi je propose un amendement qui reprend le texte adopté en première lecture au Sénat le 24 octobre 2002, lors de l'examen de la proposition de loi déposée par les sénateurs Bruno Sido, Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod, visant à assurer la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en _uvre prioritaire de prestations d'itinérance locale entre opérateurs.

N'ayant besoin d'aucun décret d'application, ce texte donnerait toute son efficacité à l'actuelle mobilisation du Gouvernement et des collectivités en faveur de la couverture en téléphone mobile des zones qui en sont encore privées.

Cinquième point : l'intervention des collectivités territoriales pour le haut débit.

Le programme d'action e-europe 2005 vise à assurer des services publics en ligne modernes, un environnement dynamique pour les affaires électroniques, la disponibilité massive d'un accès large bande à des prix concurrentiels, ainsi qu'une infrastructure d'information sécurisée. Malgré les assouplissements que j'avais contribué à introduire en 2001, la rédaction actuelle de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, telle qu'interprétée par le Conseil d'Etat, n'a pas permis aux collectivités territoriales et à leurs groupes de prendre, en toute sécurité juridique, toutes les initiatives nécessaires pour assurer la création des infrastructures d'accès haut débit à l'internet dans des territoires où l'initiative privée est défaillante.

Tenant compte des possibilités ouvertes par les directives européennes récentes, l'amendement que je propose vise à concilier, comme l'a préconisé le CIADT du 13 décembre dernier, un élargissement des possibilités d'intervention des collectivités territoriales et la nécessité de ne pas laisser celles-ci s'engager trop lourdement - étant entendu qu'il leur revient de choisir leurs priorités budgétaires.

En matière d'intervention des collectivités territoriales, je voudrais faire part de mon inquiétude : la numérisation permet la convergence mais, paradoxalement, on risque de faire payer plusieurs fois le contribuable local pour assurer la desserte numérique des zones qui sont les moins attirantes pour les opérateurs du marchés : il va payer pour la téléphonie mobile de deuxième génération, pour l'internet haut débit, pour la télévision numérique terrestre et pour l'UMTS... Le Gouvernement ne pourrait-il rechercher les moyens de mutualiser les investissements ?

Sixième point : le spamming.

Certes il faut protéger le droit à la tranquillité des internautes, mais personne n'imagine notre société sans publicité. Il ne paraît souhaitable, ni pour le consommateur, ni pour la société, de privilégier l'accumulation de papiers publicitaires dans des boîtes aux lettres, en voulant éviter le trop-plein de nos boîtes électroniques.

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande - Le coût de collecte et d'élimination de la publicité papier, sans parler du coût environnemental de la fabrication du papier, doit nous inciter à privilégier la publicité électronique et à trouver des solutions pour en traiter le flux. J'espère que nous allons progresser vers la labellisation de cette publicité pour permettre une séparation d'avec les autres courriers et la sanction du non-respect de cette labellisation.

En dernier lieu, j'ai proposé des amendements tendant à renforcer les pouvoirs de sanction du CSA.

En conclusion, le cadre juridique de l'internet doit s'accompagner de mesures économiques évitant au moins d'entraver son développement. En l'espèce, des progrès restent à faire.

Je remercie le Gouvernement d'avoir accepté, lors du collectif budgétaire, d'abaisser les taxes sur les antennes de réception de l'internet par satellite. Il conviendrait aussi sans attendre la fin du régime transitoire pour les prestations en ligne, de profiter de la renégociation communautaire prévue en 2003 pour demander que les taux réduits autorisés pour les biens culturels puissent s'appliquer quel que soit leur support, y compris électronique.

Ce projet est une première étape législative importante ; je souhaite qu'il soit suivi rapidement d'autres textes trop longtemps différés et nécessaires à la confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen - La communication numérique constituerait-elle un monde à part ? Non, puisque près de 25 % des foyers français utilisent l'internet. Les démarches administratives s'effectuent de plus en plus par cette voie, d'ici peu tous les écoliers seront familiarisés avec cet outil, et de grands débats, notamment au sujet de la guerre en Irak, ont lieu dans le cadre de forums internationaux. Donnons-nous, Madame la ministre, les moyens de répondre aux enjeux de cette révolution technologique.

Vous proposez le CSA comme instance de régulation, mais ce nouveau média ne relève pas de l'audiovisuel, non plus d'ailleurs des télécommunications - ce qui exclut aussi de le faire dépendre de l'ART.

Au lieu de se contenter d'obéir aux directives européennes, il aurait fallu élaborer une grande loi d'orientation de la société de l'information, appuyée sur les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité de notre République.

Vous nous proposez à plusieurs reprises dans ce texte de permettre que les officiers de police judiciaire soient suppléés par des agents habilités pour rechercher et constater les infractions. Imagine-t-on l'équivalent en matière de droit commercial ? On peut parler de « police privée », mandatée par le Premier ministre...

Par ailleurs, l'utilisation des logiciels libres pose une question fondamentale.

Il faut - c'est indispensable - garantir l'accès à des logiciels libres. Il est en effet anormal que toutes les administrations publiques soient l'otage de sociétés telles que Microsoft. Une telle situation a une double incidence : d'une part, la progression exponentielle des coûts informatiques, d'autant plus répétitifs qu'en multipliant les logiciels, on accélère l'obsolescence des matériels ; d'autre part, le risque toujours accru d'une brèche dans la confidentialité des données personnelles échangées, sans parade possible puisque les codes sources sont tenus secrets.

Ce ne serait ni entraver la liberté du commerce, ni freiner la création, ni nuire au développement des sociétés du secteur que d'exiger plus de transparence ! Malheureusement, votre texte, Madame la ministre, faute de s'intéresser à la société numérique, ne dit rien de tout cela (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Emmanuel Hamelin - L'ambition du Gouvernement est de développer la société de l'information, ce qui suppose évidemment d'instaurer des règles claires pour les prestataires de services de l'internet tout en protégeant efficacement les utilisateurs. L'urgence est réelle, car déjà, le chiffre d'affaires des transactions réalisées par la voie électronique en France est évalué à quelque 2,5 milliards d'euros. Aujourd'hui, 30 % des entreprises achètent par internet, et 10 % des commandes de ventes à distance sont faites par ce biais ainsi que 15 % des ventes de voyages. Cependant, le très fort potentiel du secteur est fragilisé par l'absence de règles. Une adaptation législative était donc nécessaire, adaptation qui ne signifie pas encadrer et restreindre mais donner au secteur les moyens de se développer. C'est pourquoi le texte tend, en premier lieu, à rassurer les utilisateurs. Mais il aurait été incomplet s'il n'avait pas, aussi, visé à renforcer la sécurité. Le Gouvernement ne pouvait accepter sans réagir que se multiplient sites pédophiles et sites offrant à la vente des objets d'inspiration nazie, au risque de favoriser l'émergence de réseaux que nous condamnons tous et au risque, aussi, de jeter le discrédit sur l'économie numérique. Grâce à ce texte, la justice pourra enfin agir en référé.

J'ai entendu parler de ce qui serait un « manque de stratégie » - mais faut-il rappeler que ce texte n'est que le premier d'une trilogie ? Il permettra, en l'état, de créer un environnement favorable à l'économie numérique, tant en rassurant les consommateurs qu'en donnant aux fournisseurs les moyens de leur développement. C'est pourquoi nous l'appuierons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - Votre projet traite de la confiance dans l'économie numérique. Mais la confiance, ce n'est pas seulement la fiabilité et la sécurité des relations électroniques entre clients et fournisseurs, ou encore la clarification des responsabilités ! Assurer la confiance, c'est aussi garantir que les pouvoirs techniques et financiers ne seront pas concentrés, et que ni le pluralisme ni la liberté de création ne seront menacés pour la simple application du principe du « laisser-faire », qui n'est autre que la loi du plus fort. Or, chacun sait bien que la conséquence du libéralisme débridé, c'est la concentration et la constitution progressive de monopoles - autrement dit, ce que l'on pourrait appeler le « syndrome de Bill » !

La puissance de la communication numérique est à présent telle que la convergence entre le secteur audiovisuel et celui des télécommunications est devenue indispensable et, donc, entre le CSA et l'ART.

Pour dire les choses simplement, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ? Autrement dit, peu importe à l'usager le support utilisé pour acheminer une information ou consulter un service en ligne : seule compte la qualité du service. J'ajoute que l'ADSL fait tomber l'argument de la rareté des fréquences, qui justifiait la nécessité d'une instance de régulation pour le réseau hertzien. Enfin, comment ne pas voir l'absurdité d'une régulation par support ? L'échec de la boucle locale radio, dont le potentiel est pourtant certain, en est une preuve éclatante, et cette mauvaise méthode explique aussi pour partie les difficultés d'installation de l'accès au haut débit sur l'ensemble de notre territoire.

D'évidence, il faut en finir avec la démarche consistant à confier à une instance la régulation du « contenant » et à une autre celle des contenus ! Je proposerai donc un amendement tendant à ce que le Gouvernement étudie la création d'une nouvelle instance mieux adaptée à l'évolution du secteur de la communication. Et si vous souhaitez la dénommer ARCM - autrement dit, Autorité de régulation de la communication multimédia -, je ne vous demanderai pas de droits d'auteur... (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Déaut - Il était urgent de légiférer sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, mais je reste sur ma faim car le texte n'aborde pas certains problèmes.

Alors que la domination américaine s'accroît dans les domaines économiques, technologiques et militaires, ces nouvelles technologies participent malheureusement de cette mainmise.

Or, que constate-t-on, trois ans après la mise sur le marché de Windows 2000 ? La Commission européenne en est toujours à examiner le logiciel pour vérifier s'il y a vraiment eu pratique anticoncurrentielle ! Renforcer la confiance dans l'économie numérique, instaurer la liberté de la communication en ligne sont des objectifs louables, mais encore faudrait-il prévoir des dispositions garantissant la concurrence au lieu de demeurer inerte et passif alors qu'à chaque changement de logiciel, Microsoft renforce sa position dominante tout en cachant les standards de format fichier et les protocoles de communication.

Pour résister à cette marche forcée vers le produit informatique unique, l'Etat devrait favoriser les standards ouverts de communication et les logiciels libres. En ne le faisant pas, en utilisant ces formats uniformisés, l'Etat conforte le monopole de Microsoft. Et de cette grave question le texte ne dit rien !

Pour garantir le libre accès du citoyen à l'information publique, le codage des données informatiques communiquées par l'administration ne doit pas être lié à un fournisseur unique. Les standards ouverts permettent de garantir ce libre accès en autorisant le développement d'une offre de logiciels libres compatibles. De même, pour garantir la pérennité des données publiques, l'utilisation et la maintenance d'un logiciel ne doivent pas dépendre du bon vouloir des concepteurs du logiciel : la disponibilité du code source doit être entière, et affirmée dans tous les contrats d'achats publics de logiciels.

Enfin, le point le plus important : pour garantir la sécurité nationale, nous exigeons des systèmes dépourvus d'éléments permettant le contrôle à distance ou la transmission non voulue d'informations à un tiers. Je tire la sonnette d'alarme : rien ne met nos entreprises ou nos administrations à l'abri de programmes d'espionnage. Un programme comme Windows fait sans cesse appel à des « patches », des fragments de programme supposés réparer les défauts d'un logiciel, mais dont personne ne peut vérifier les subtilités. Il faut des systèmes dont le code source soit public, pour en permettre l'examen par des experts indépendants. En 2001, Microsoft Allemagne avait promis au Parlement allemand qu'il aurait accès au code source : ce n'est toujours pas fait, et nous restons passifs. Pendant que le bateau coule, certains lustrent les cuivres... Nous souhaitons que les droits de propriété d'un concepteur de logiciels ne bloquent pas le développement de logiciels compatibles et concurrents. Et nous sommes tous d'accord sur ce point, mais on ne fait rien ! La loi doit garantir le droit à la compatibilité pour tous, c'est-à-dire le droit de créer, de publier et d'utiliser un logiciel original compatible avec un autre.

Je regrette que notre présent débat n'aborde pas ces questions. En ne faisant rien, nous nous rendons complices. Il y a urgence, Madame la ministre, car la domination technologique est en marche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Joyandet - Ce projet de loi entend créer la confiance envers l'économie numérique. De fait les acteurs de ce secteur ont besoin de confiance, de clarification, de sécurité. Les dispositions du projet vont dans ce sens, et l'on doit s'en réjouir. Nos deux commissions proposeront certaines modifications, dont certaines font débat, et un débat transversal. J'évoquerai deux de ces problèmes. Je ne suis pas du tout favorable à une révision du financement du service universel : ce serait taxer les entreprises de téléphonie mobile, à qui nous demandons beaucoup en matière de couverture du territoire. Et ce serait aussi renforcer durablement l'utilisation du bas débit, renonçant à une réelle ambition pour le haut débit.

Par ailleurs, je suis très favorable au rattachement de ce domaine à l'audiovisuel. La rareté des fréquences qui caractérise l'audiovisuel n'est pas une notion très pertinente pour internet. En revanche, les contenus convergeront de plus en plus ; l'interactivité existe déjà dans l'audiovisuel. Et il faut éviter de diviser le secteur de la communication, mais chercher une vision globale des choses. Je regrette que la composition du Gouvernement ne reflète pas cette vision globale, puisque la communication relève d'au moins trois ministères différents. Par conséquent, Madame la ministre, vous avez raison : rattachons cette loi à la loi de 1986 sur l'audiovisuel, puisqu'en somme il ne s'agit que d'une évolution technologique.

Je regrette par ailleurs, tout en étant très satisfait de ce texte, que nous ne nous donnions pas de façon plus volontariste les moyens d'atteindre l'objectif, que nous nous sommes donné autour du Président de la République, d'une couverture ambitieuse du territoire en haut débit. Nos territoires sont une chance, à condition qu'ils soient équipés. Les entreprises, les marchés ne pourront seuls offrir à nos concitoyens un égal accès à l'information, à la culture et au savoir. Si nous en restons là, nous irons vers une France à deux vitesses, encore plus « fracturée » qu'avant, avec des espaces délaissés, où n'existera aucune possibilité pour se connecter à la société de l'avenir. J'appelle donc votre attention sur ce point, Madame la ministre, et je vous y sais sensible. Et je m'adresse surtout au ministre de l'aménagement du territoire. Nous encourrions un risque démocratique à laisser sur le côté de la route une grande partie de nos territoires, au prétexte que les investissements requis ne sont pas rentables. Ceux qui y vivent en ont assez d'être tenus à l'écart, hier des réseaux routiers, aujourd'hui des réseaux numériques, et plus généralement des services publics modernes. Et leur lassitude explique peut-être en partie certains votes de l'année 2002 dans certains départements. Les statistiques montrent le retard de la France en matière de connexion à haut débit. Je sais que la progression est très forte et aussi, comme le disait un collègue socialiste, qu'internet n'est pas né en 2002 ; mais les chiffres de la fin 2001 montrent que le précédent gouvernement n'a pas beaucoup fait pour rattraper le retard (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Cette carence en équipements, cette « fracture numérique » ne peuvent pas engendrer la confiance que vise le projet de loi. Nous ne pouvons plus remettre à demain les décisions qui permettront aux collectivités publiques de compléter l'action des entreprises, pour aménager le territoire avec cohérence et assurer aux citoyens l'égalité des chances. Combien de parlementaires, également élus locaux, sont interpellés par des citoyens qui n'ont pas accès au haut débit, parce que là où le câble ne va pas, on n'a pas non plus le DSL, ni la VLR, cependant que l'internet par satellite restera l'apanage d'une minorité. Tout se passe comme si les nouvelles technologies, à mesure de leur déploiement, consacraient la fracture, loin de la réduire...

C'est pourquoi, avec mon collègue Martin-Lalande et à son initiative, nous avons formulé quelques propositions. Je sais, Madame la ministre, que le Gouvernement y est attentif. Je pense que ce débat sera fructueux sur ce point. Mais, si nous voulons renouveler un peu le code des collectivités territoriales, il ne faut pas non plus leur demander de tout payer, surtout aux plus défavorisées. C'est pourquoi nous souhaitons un plan national, qui tienne compte de leurs difficultés de financement. Les démocrates ne peuvent accepter la situation d'inégalité qui résulte de la seule application des lois du marché. Or, sans un effort accru de la collectivité nationale, la situation que nos déplorons perdurera. Comme jadis nos prédécesseurs ont distribué l'eau, le gaz et l'électricité dans le cadre d'un grand service public, nous devons garantir à chaque citoyen, où qu'il vive et quel que soit son niveau social, l'accès à des moyens qui deviendront vite indispensables à l'épanouissement de chacun. C'est pourquoi j'espère, Madame la ministre, que vous pourrez recevoir nos propositions. Elles sont un premier pas, qui ne peut que renforcer la confiance de nos concitoyens dans l'économie numérique, et du même coup dans le Gouvernement que nous soutenons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Bloche - Le présent projet reprend largement l'architecture du projet de loi sur la société de l'information, et ce n'est guère surprenant, puisqu'il s'agit principalement de transposer une directive européenne. Mais là où la LSI était novatrice, votre projet manque sérieusement d'ambition. Vous abandonnez des dispositions importantes du projet précédent, concernant notamment l'accès aux données et aux archives publiques, dont votre texte ne dit mot ; j'espère que nous aurons prochainement l'occasion de légiférer à ce sujet.

Mais je consacrerai mon propos à la régulation de l'internet et à son corollaire, la liberté d'expression. L'internet n'est pas une zone de non-droit. Mais s'il est indispensable de le réguler, encore faut-il trouver la forme appropriée. Or, en définissant la communication publique en ligne comme un sous-ensemble de la communication audiovisuelle, vous en confiez de fait la régulation au CSA, erreur d'appréciation qui sera source d'insécurité juridique. En effet les services en ligne ne sont pas soumis aux mêmes limites techniques que la radio ou la télévision. Pour celles-ci, la rareté de la ressource exige, pour assurer le pluralisme, sa gestion par une autorité administrative indépendante. Sur le réseau en revanche la ressource est infinie, et l'on ne peut lui transposer les mêmes modes de régulation.

Faut-il pour autant créer un droit spécifique de l'internet, et le doter d'un conseil supérieur propre ? Nous ne le croyons pas. La loi de 1986 a pour objet la communication au sens large, et reste un cadre approprié, adaptable quand c'est nécessaire. Le forum des droits sur l'internet, que préside Mme Isabelle Falque-Pierrotin, est à cet égard un instrument précieux d'orientation et de médiation - créé à la suite du rapport remis par Christian Paul à Lionel Jospin. Le forum suggère d'ailleurs, pour lever toute confusion et permettre au CSA d'exercer ses missions en toute sécurité juridique, de définir légalement les services de radio et de télévision indépendamment de leur support.

Confier la régulation de l'internet au CSA est d'autant plus surprenant que dès l'article 2 vous l'en dessaisissez. Vous affirmez la responsabilité des hébergeurs, abrogeant les dispositions de la loi du 1er août 2000 qui laissaient au juge le soin de se prononcer sur le caractère illicite d'un contenu en ligne. L'article 2 affirme que la responsabilité des hébergeurs peut être engagée dès lors qu'ils ont eu connaissance du fait qu'ils hébergeaient un contenu illicite, donc avant même qu'ils soient saisis par l'autorité judiciaire, et surtout sans que ce soit désormais nécessaire ! Comme le souligne Maître Rojinsky, il est peu acceptable de faire d'un simple prestataire technique un premier degré de juridiction, dans un domaine aussi sensible que la liberté d'expression. Transposer une directive ne doit pas faire oublier des principes fondamentaux de la République : je pense à l'article 66 de la Constitution, mais aussi à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui affirme le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial. Et le risque existe d'insécuriser à nouveau, et bien inutilement, les intermédiaires techniques, en en faisant les juges des contenus auxquels ils donnent accès.

Or, des hébergeurs et des fournisseurs d'accès, soumis à un régime engageant leur responsabilité de manière imprécise, seront immédiatement enclins à retirer, de manière préventive, des contenus contestés par des tiers. Le risque de censure est évident, et la liberté d'expression se trouve ainsi menacée.

Si le Gouvernement choisissait de maintenir son dispositif, le moindre mal serait alors d'introduire deux modifications. La première, qui a été également proposée par le rapporteur, consiste à ne tenir les hébergeurs pour responsables qu'en cas de contenus « manifestement » illicites. La seconde est de retenir la proposition du Forum des droits sur l'internet d'instaurer une procédure de notification des contenus litigieux, ce qui permettrait aux hébergeurs d'acquérir la connaissance de contenus illicites.

L'avènement de la société de l'information porte en germe les ferments de la démocratie mais aussi, si nous n'y prenons garde, ceux de l'arbitraire. Que la confiance dans l'économie numérique que vous nous demandez de renforcer ne suscite pas l'inquiétude des premiers concernés, à savoir les acteurs de l'internet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Paul Charié - Demain, grâce aux technologies numérisées de l'information et de la communication, chaque Français pourra de chez lui, en quelques minutes, notifier son changement d'adresse, lequel sera immédiatement transmis à l'ensemble des administrations. Des milliards de tracasseries seront ainsi épargnées aux Français.

Demain, grâce aux TNIC, chaque entreprise pourra recevoir en direct des informations sur l'évolution du marché, et adapter son activité en conséquence, sauvant ainsi des milliers d'emplois.

Demain, grâce aux TNIC, il pourrait n'y avoir qu'un seul lieu de cotisations pour les entreprises, qui pourront consacrer des milliers d'heures ainsi dégagées à leur développement et au service de leurs clients.

Pour cela, il nous faut lever certains freins, d'abord d'ordre législatif et réglementaire. Votre projet y contribue. Je salue, à cette occasion, le travail de Patrice Martin-Lalande, qui depuis des années, contribue à une prise de conscience nationale, soulignant la nécessité de modifier la législation. J'apprécie qu'il recherche toujours l'équilibre dans un domaine compliqué. Cela me permet de dire que je suis en désaccord avec lui sur un point, le financement du service public universel.

Il existe aussi des freins financiers. L'initiative prise l'été dernier par le Gouvernement de diminuer le coût de l'abonnement pour le haut débit exprimait sur ce point une volonté politique, qui a eu pour effet un développement du haut débit.

Nous observons également des freins psychologiques. Le parlementaire en mission sur la compétitivité numérique va s'attacher à lutter contre les inhibitions et les peurs qui entravent le développement des TNIC.

Le dernier frein tient aux infrastructures. Pour que les TNIC se développent, chaque foyer, chaque entreprise doit être connecté à un véritable haut débit.

Ce matin, à Rosny-sous-Bois, j'ai assisté au lancement du haut débit sur les prises électriques. Demain, si nous le voulons, chaque entreprise pourra en bénéficier. Pour y parvenir, les collectivités territoriales doivent intervenir. Sans doute faut-il faire confiance à l'économie de marché, mais il est du devoir des autorités publiques de réguler, et parfois d'impulser le marché. Il faut donc encourager les collectivités à financer, mais surtout pour faciliter et coordonner. Si les collectivités doivent intervenir financièrement, elles doivent le faire en passant par des sociétés privées. La municipalité, le conseil général ou régional n'ont pas à se substituer aux opérateurs privés. L'opérateur public non plus ne doit pas continuer à développer un monopole. A France Télécom de comprendre qu'il a tout intérêt à l'accroissement d'un marché dans lequel trouveront place des opérateurs privés.

Je vous adresse mes félicitations et mes encouragements pour l'expression de votre merveilleuse volonté politique en faveur du numérique, donc de notre pays et de nos entreprises.

Dans ce monde très ouvert, il ne peut y avoir de pleine liberté pour les Français que si nous faisons respecter les règles du jeu. C'est tout l'intérêt de votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Yves Simon - De meilleures dessertes et garanties pour un égal accès des citoyens aux technologies de l'information et de la communication, tel est l'objectif principal du plan RESO 2007, présenté par le Premier ministre.

Alors que le CIAT de Limoges a énormément déçu, faute d'accompagnement, RESO 2007 a tout pour réussir.

Aujourd'hui, tous nos territoires ne se développent pas au même rythme. Ainsi l'Auvergne et le Limousin sont particulièrement mal lotis en matière de télécommunications. Ils ont été délaissés par les opérateurs et subissent ainsi la fracture numérique, faute d'accès au haut débit. Les quelques privilégiés desservis ne connaissent pas l'attrait d'une saine concurrence.

Ainsi certaines collectivités ont-elles décidé d'investir dans des réseaux de télécommunications, ce qui s'apparente à une nouvelle compétence. L'enjeu est majeur, pour rattraper le retard accumulé et anticiper les besoins émergents. L'intervention des collectivités est placée sous le signe de l'aménagement du territoire, du développement économique et de l'accès des TIC au plus grand nombre.

Faute de répondre à la demande des entreprises en haut débit, un risque de délocalisation existe, alors même que les technologies nouvelles offrent des perspectives de croissance. Un territoire sans TIC n'a pas d'avenir, car ni la jeunesse ni les entreprises ne s'y intéresseront.

Si la volonté d'intervention des collectivités est manifeste, il faut leur donner les moyens d'agir dans un cadre juridique adapté. L'abrogation de l'article L. 1611-6 du code des collectivités territoriales pourrait permettre à ces dernières de libérer leur énergie et d'investir dans des infrastructures de haut débit là où la carence du secteur privé est patente.

L'aspect novateur des TIC conduit à chercher des partenaires techniques et financiers. Aussi faut-il encourager le partenariat entre le public et le privé, pour la meilleure efficacité possible. Or, aujourd'hui, la participation d'acteurs privés dans une SAEM est limitée.

La part des collectivités locales doit aujourd'hui être majoritaire. Il faut permettre qu'elle soit moindre et favoriser la participation des acteurs privés. Cela faciliterait la mise en _uvre de RESO 2007 dans les territoires aujourd'hui défavorisés, qui retrouveront toute leur place (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission. Je remercie M. Paul de s'être engagé à ne pas exploiter son temps de parole au maximum. 

M. Christian Paul - Le groupe socialiste souhaite en effet renvoyer ce texte en commission. La première raison en est que les conditions de son examen ont été tout sauf exemplaires. Je ne dis pas cela à l'intention du Gouvernement : c'est la fixation de l'ordre du jour et le déroulement des travaux des deux commissions qui ont été contestables.

Ce texte est en effet le premier de cette législature à évoquer la société de l'information. Certes, de nombreux travaux ont été effectués lors de la législature précédente pour faciliter ce passage à la société de l'information. Le thème du « retard de la France » est manié avec complaisance par certains orateurs, mais internet n'est pas né en 2002 ! Le programme d'action pour la société de l'information a été, de l'avis de tous les observateurs, le moment de décollage des NTIC. La cryptologie a été libéralisée par voie réglementaire, la signature électronique a été reconnue par la loi et les impacts du commerce et de la publicité électroniques sur les libertés individuelles ont été remarquablement étudiés par la CNIL.

Mais s'agissant du premier texte de la présente législature à aborder ce domaine, les conditions de travail n'ont pas été à la hauteur des enjeux, ni d'ailleurs des risques qu'il peut emporter. L'examen en commission des lois, dont l'ordre du jour a été chahuté pour ce texte indigne de notre République qui était relatif à la modification des modes de scrutin, en est un exemple. Cet après-midi encore, en commission des affaires économiques, Jean-Yves Le Déaut abordait le sujet essentiel de l'usage des logiciels libres, qui a une importance stratégique pour notre développement économique. Ses arguments ont été balayés avec la plus grande désinvolture. Il faut améliorer les relations entre la République numérique et l'Assemblée nationale. Pour cela, il nous semble nécessaire que nos commissions puissent accomplir leur travail dans de bonnes conditions.

Mais là n'est pas l'essentiel : il ne s'agit après tout que de procédures, même si elles garantissent la démocratie. Mais ce projet comporte des dérives qui nous semblent imposer que l'Assemblée nationale dispose de plus de temps et de moyens. En effet, Madame la ministre, l'objet de ce texte a été progressivement étendu. Initialement consacré au commerce électronique, à la publicité des entreprises, au droit de la preuve ou à la sécurité des échanges, il a insensiblement glissé, par le biais notamment des amendements, vers une cible plus large. Cela dans l'improvisation, au risque de porter atteinte à des droits essentiels, en particulier à la liberté d'expression. Je voudrais le dire solennellement : une loi sur le commerce électronique n'a pas pour objet de légiférer sur la liberté d'expression ni de réguler les médias électroniques. Ou si tel est le cas, c'est M. Aillagon, n'en prenez pas ombrage, Madame la ministre, qui doit venir exposer dès demain les intentions du Gouvernement pour faire respecter la liberté d'expression, voire « dompter » l'internet, comme je l'ai parfois entendu.

Le texte initial du Gouvernement fait de la communication sur le net une variante de la communication audiovisuelle. C'est une erreur d'appréciation, qui n'est d'ailleurs pas nouvelle. Le rapporteur, lui, s'est engagé avec courage dans une définition de la radio et de la télévision afin de préparer l'intervention du CSA, mais on s'éloigne là du commerce électronique. Vous-même, Madame la ministre, devant la commission des affaires économiques, avez ouvert la voie à une régulation par le CSA. C'est un risque de censure qui se profile pour ce nouveau moyen d'expression. Cette tentation n'est pas nouvelle, mais il est fâcheux que vous n'y résistiez pas.

Vous allez emprunter en effet de mauvaises voies. L'internet sera assujetti au droit de l'audiovisuel, qui ne lui est pas adapté. Le droit de l'audiovisuel doit régir un espace d'expression qui n'a pas du tout les mêmes contraintes, et certains membres de la majorité eux-mêmes le reconnaissent. S'il y a des obstacles au pluralisme sur internet, ils sont en tout cas d'une autre nature que dans l'audiovisuel. Introduire par une définition approximative de la communication en ligne l'autorité de régulation de l'audiovisuel sur le réseau n'est pas non plus raisonnable. Le CSA n'a pas les compétences juridiques ni la légitimité nécessaires. Depuis de nombreuses années, il ne s'est d'ailleurs jamais hasardé à remplir ce rôle. C'est à la loi, et donc au juge, qu'il appartient d'apporter des réponses aux désordres qui peuvent apparaître. Cela ne dispense pas les entreprises d'un effort d'autorégulation, ni ne nous dispense de mettre en place des moyens de corégulation, évoqués dans le travail remarquable du forum des droits sur l'internet, qui associent le public et les professionnels. Mais votre texte n'a abordé ces sujets que de façon indirecte et partielle.

Je comprends que vous ayez voulu élargir l'objet de ce texte, pour lui donner un caractère fondateur. Mais il vous était loisible de le faire en traitant des questions essentielles et urgentes qui, elles, sont passées sous silence. Il aurait par exemple été bienvenu d'affirmer qu'internet ne se résume pas au commerce électronique. On sait aujourd'hui que l'internet non marchand est un puissant levier pour l'appropriation des technologies et de l'information à travers les pages personnelles, les forums, les sites de quartier qui se sont développés. Un texte fondateur aurait construit une alternative au commerce électronique, un internet de service public. En évoquant les logiciels libres et l'interopérabilité des systèmes, le service public des contenus, la garantie d'accès gratuit à des contenus publics ou culturels, la neutralité des moteurs de recherche, il y avait matière à une grande loi. Le Gouvernement n'a pas fait ce choix. C'est pour cela que nous vous proposons de revoir ce texte pour lui donner une véritable épaisseur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je vous remercie d'avoir respecté votre engagement de concision...

M. le Rapporteur - Le report de ce texte ne nous paraît pas opportun. En écoutant Christian Paul, et malgré tout son talent, on retrouvait bien le péché mignon de la LSI : vouloir tout mettre dans tout... Mais au final, on n'accouche de rien. Notre méthode est bien différente : nous voulons découper le problème pour commencer à le traiter au plus vite. Il est vrai que les deux commissions n'ont disposé que de peu de temps, la commission des lois étant il est vrai prise par un texte un peu particulier, mais elles ont effectué un travail en profondeur, notamment en ce qui concerne les auditions.

M. Alfred Trassy-Paillogues - J'ai bien écouté la longue argumentation de M. Paul, et n'y ai décelé aucune raison de renvoyer le texte en commission. Certes, les commissions sont parfois encombrées, mais ce ne sera ni la première ni la dernière fois. Tous ceux qui souhaitaient s'exprimer ont pu le faire. Les orateurs qui se sont succédé à la tribune ont même déjà esquissé le débat.

Le mieux est l'ennemi du bien. A vouloir tout mettre dans une loi, on la fait mal ou pas du tout. Le groupe UMP votera donc contre le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - L'argumentation de Christian Paul a été des plus claires. Ce n'est pas parce qu'on fait long qu'on convainc mieux, il a été bien inspiré d'utiliser cette formule.

Je suis un peu surpris : en ce moment, on a ou la méthode expéditive du 49-3, ou l'encombrement législatif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ! La commission des affaires économiques est submergée de textes sur des sujets majeurs, il ne faut pas bâcler le travail législatif... Et je rappelle que deux commissions d'enquête travaillent en parallèle ! Sur ce sujet majeur, nous héritons d'un petit texte, très technocratique, qu'il aurait fallu étoffer. Bref, un rendez-vous manqué. Le groupe socialiste souhaite donc reprendre les consultations, d'autant que ce texte suscite beaucoup d'incompréhension. L'accouchement, Monsieur le rapporteur, ne doit pas être prématuré : mieux vaut naître à terme ! Si l'on veut une loi durable, il faut retourner travailler en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yvan Lachaud - La brillante intervention de notre collègue était certes très pondérée. Mais on ne peut pas tout mettre dans une loi. Le groupe UDF présentera un certain nombre d'amendements dont il espère l'adoption ; Mme la ministre a affirmé une volonté d'ouverture.

Le groupe UDF ne votera donc pas le renvoi en commission.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Mme la ministre répondra aux orateurs au début de la prochaine séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


© Assemblée nationale