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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 70ème jour de séance, 174ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 25 MARS 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      ASSISTANTS D'ÉDUCATION (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 20

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 26 MARS 2003 29

La séance est ouverte à vingt et une heures.

ASSISTANTS D'ÉDUCATION (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux assistants d'éducation.

QUESTION PRÉALABLE (suite)

M. le Président - Cet après-midi, l'Assemblée a entendu la présentation de la question préalable.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - Je remercie M. Roy du ton courtois qu'il a employé : voilà qui changeait agréablement de son « lumineux prédécesseur » pour reprendre ses propos. C'est de bon augure pour la suite du débat, car si nous pouvons avoir des désaccords, un ton aimable ne gâte rien !

J'ai cependant le regret de vous dire que je suis en complet désaccord avec votre analyse.

Vous jugez dangereux que les assistants d'éducation puissent intervenir sur deux établissements. C'est pourtant ce que sont les aides éducateurs, et c'est parfaitement justifié lorsqu'ils interviennent, par exemple, dans le domaine de l'informatique : on mutualise ainsi les moyens.

Vous estimez que le transfert du financement aux collectivités territoriales pose problème. Vous faites erreur, puisque le recrutement de 16 000 assistants d'éducation que nous envisageons pour septembre est financé à 100 % par l'Etat.

Vous avez également rappelé, et je vous rejoins sur ce point, que les aides éducateurs remplissaient dans les écoles primaires des fonctions très utiles. C'est précisément pour cette raison que nous pérennisons le système avec les assistants d'éducation !

Le système sera ouvert aux écoles primaires - ce qui n'était pas le cas des MI-SE - et le recrutement d'assistants d'éducation de septembre 2003 privilégiera le premier degré.

Permettez-moi de me montrer un peu ironique : vous avez dit, et la phrase est belle, que « la répétition fixe la notion ». Aussi vous poserai-je à nouveau la question à laquelle vous n'avez pas encore répondu...

M. Jean-Louis Idiart - Ici, ce sont les députés qui posent les questions !

M. le Ministre - Pourquoi n'avez-vous pas pérennisé le dispositif des emplois-jeunes, dont vous saviez qu'il arrivait à échéance au bout de cinq ans ? Vous auriez pu les titulariser, par exemple. Pourquoi vous acharner contre notre texte, au risque d'empêcher le recrutement à la rentrée prochaine des 16 000 assistants d'éducation dont nous avons besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Après une première motion de procédure qui, comme l'a dit Pierre-André Périssol, ne « manquait pas d'air » à défaut d'être inspirée, voici une question préalable qui peine à avoir du souffle. Il fallait durer, au risque de se perdre dans des considérations générales au détriment de la vraie question : la création du corps des assistants d'éducation.

Le propos manquait de points d'appui. D'abord, la fameuse question des emplois-jeunes : vous persistez à dire que nous les supprimons. Mais on ne supprime que ce qui existe ! Or, à la rentrée prochaine, demeureront à l'éducation nationale tous les emplois-jeunes entrés en vigueur après 1998 - et ce jusqu'au terme prévu. Il n'y a donc aucune suppression (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En revanche, un certain nombre d'emplois-jeunes sont arrivés à leur terme. Je rends ici hommage, au nom du groupe UMP, au Gouvernement qui a veillé à reconduire les contrats s'achevant en cours d'année scolaire (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste) jusqu'au terme de celle-ci. Vous ne l'aviez pas prévu, c'est pourtant le minimum de la part d'un employeur : assumer ses responsabilités au moment de la mise au chômage de ses employés.

Vous n'avez donc aucune leçon à nous donner en matière d'emploi, d'emplois-jeunes et d'éducation nationale ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Deuxième exemple : celui des chefs d'établissement. Sans verser dans l'outrance illustrée par l'un des vôtres, vous avez fait preuve d'une méconnaissance de la question étonnante chez un enseignant. Vous semblez ignorer que ce sont depuis longtemps les chefs d'établissement qui ont été les vrais patrons des CES, des CEC, des emplois-jeunes. C'était sous votre règne, et il ne pouvait pas en être autrement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ne venez pas nous dire aujourd'hui que les chefs d'établissement ne peuvent assumer ce pouvoir !

Troisième exemple, votre couplet sur les surveillants d'externat et maîtres d'internat. J'ai exercé ce métier pendant cinq ans...

M. Jean-Louis Idiart - Ça ne se voit pas !

M. Guy Geoffroy - On faisait trente-six heures, tout en poursuivant ses études. Cela ne m'a pas empêché de réussir, à l'instar de nombre d'entre vous (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Depuis, le système s'est dégradé au point que le gouvernement que vous souteniez a commandé un rapport dont vous n'avez absolument pas tenu compte !

Bref, vos arguments sont faibles. Vous vous arrogez l'exclusivité de la représentation, de la défense et de la connaissance en matière d'éducation. Pas plus qu'ailleurs, vous n'avez ici un monopole ! Votre question préalable a pour objectif d'empêcher la discussion de ce projet. Eh bien, nous, nous voulons débattre de ce bon texte. Vous nous intentez un mauvais procès. La majorité, soudée derrière ses ministres, ne refusera pas le débat nécessaire. Ce texte ouvre de vraies perspectives aux assistants d'éducation et aux établissements. Le groupe UMP rejettera donc la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Alain Néri - Le ministre s'est félicité du ton courtois de M. Roy. Je déplore que l'orateur de l'UMP ait adopté un ton provocateur... Comme vous, Monsieur Geoffroy, je suis très heureux que nous ayons ce débat. Mais reconnaissez que s'il se poursuit ce soir, demain, après-demain, et peut-être encore après-demain...

M. Guy Geoffroy - Chiche !

M. Alain Néri - ...ce n'est certainement pas grâce au Gouvernement, qui n'avait prévu que deux heures de débat et trois articles, espérant sans doute faire passer un texte aussi important à la sauvette ! C'est grâce à la mobilisation du groupe socialiste que nous avons un vrai débat. Vous devriez nous remercier ! Cependant, ce texte nous inquiète au plus haut point. Vous engagez à travers lui, Messieurs les ministres, le démantèlement de l'éducation nationale ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)

Vous supprimez 14 000 postes, puisque vous remplacez les 30 000 MI-SE et aides éducateurs par 16 000 assistants d'éducation : j'étais instituteur à l'école de la République, je sais encore faire une soustraction ! A qui ferez-vous croire qu'avec moins de moyens, vous dispenserez une meilleure éducation ? Il y a là une supercherie, et nous la dénoncerons parce que nous voulons défendre l'école de la République, parce que nous lui sommes attachés, parce qu'elle mérite tous nos efforts ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Nombreux sont les établissements - notamment les écoles élémentaires, primaires, maternelles - qui ne pourront plus fonctionner sans les aides éducateurs. Ceux-ci illustraient parfaitement la philosophie des emplois-jeunes : créer des emplois répondant à des besoins émergents non satisfaits. Ils ont engagé une vraie médiation sociale en nouant des contacts avec les élèves des collèges et des lycées. Ils ont permis d'améliorer le fonctionnement des bibliothèques, d'aider les élèves en difficulté... Écoutez-moi : les écoles maternelles et primaires ne pourraient pas fonctionner sans les aides éducateurs, en particulier pour ce qui est du soutien aux élèves en difficulté.

Vous voulez affecter vos assistants d'éducation au soutien des enfants handicapés. Très bien ! Mais nous souhaitons également que tous ceux qui n'ont pas les conditions idéales pour travailler chez eux reçoivent le même soutien à l'école.

M. le Président - Monsieur Néri...

M. Alain Néri - Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il n'y aurait aucun transfert de charge et que les aides éducateurs seraient affectés prioritairement dans les écoles primaires. Chiche ! Mais comment ferez-vous, alors qu'il manque 16 000 postes à la rentrée ? Dans les écoles primaires, le transfert de charge a déjà lieu : les maires ont fait des efforts considérables pour qu'on y enseigne l'informatique à tous les enfants de France, car ceux qui ne sauront pas s'en servir seront les illettrés du XXIe siècle. Le rôle de l'école publique est d'égaliser les chances, et c'est un des piliers de notre République. C'est pourquoi nous voterons la motion de Patrick Roy (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Olivier Jardé - Le groupe UDF considère que le nouveau dispositif des assistants d'éducation est une nécessité pour assurer au mieux le soutien et la surveillance dans les écoles. Il y a donc lieu de légiférer. Nous sommes tous conscients des limites que connaissait le système des surveillants et des aides éducateurs. Le nouveau dispositif doit répondre aux besoins des élèves, des enseignants et des étudiants.

Les emplois-jeunes d'aide éducateur avaient été mis en place par le gouvernement Jospin dans la précipitation. Ils ont permis de combler des carences en personnel, mais rien n'avait été prévu pour la sortie du dispositif après cinq années : pas de validation de l'expérience professionnelle ni d'indemnisation... Les aides éducateurs ont permis de mettre en place de nouvelles activités et comblé de nouveaux besoins que le nouveau dispositif reprendra, mais cette fois sans précarité de l'emploi. Sont particulièrement intéressants, dans ce projet de loi, l'encouragement au travail à mi-temps, la possibilité de le cumuler avec une bourse sur critères sociaux et la validation des acquis pour certains diplômes universitaires.

Les députés UDF sont particulièrement sensibles au volet sur l'intégration des enfants handicapés. La loi nous oblige à scolariser les enfants handicapés qui peuvent l'être, et il est heureux que nous nous donnions enfin les moyens de l'appliquer. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Nous parlons ce soir d'un sujet particulièrement important, à la fois pour les jeunes qui ont été engagés il y a cinq ans, qui ont un nouveau métier et dont on ne peut plus se passer, et pour les enfants : lorsqu'on connaît le taux d'échec scolaire, on sait que les besoins d'accompagnement sont considérables.

Plusieurs députés UMP - A qui la faute ?

M. Maxime Gremetz - Je ne fais pas de polémique, je constate la réalité. La Picardie est dans une situation de retard scolaire incroyable. Les emplois-jeunes sont devenus indispensables : les enseignants, mais aussi les parents le disent. Ils sont occupés par des jeunes qui se sont donné beaucoup de mal, qui se sont formés, qui ont travaillé pendant cinq ans, et dont le contrat prendra fin en mai. Il y en a 200 dans le département de la Somme, et 22 000 au plan national ! Pire, vous leur imposez de prendre leur mois de congé en juin et ils ne percevront pas les ASSEDIC en juillet ni en août. Ils se retrouvent donc sans rien durant deux mois.

Plusieurs députés UMP - C'est vous qui avez créé ce dispositif !

M. Maxime Gremetz - Est-il possible de faire de telles choses aujourd'hui ? Pensez à la déception de ces jeunes ! En mai, 22 000 jeunes se retrouveront au chômage et sans aucune ressource pour deux mois. Voilà la réalité.

Vous vous flattez sans cesse de vouloir mettre l'enfant au c_ur du système d'éducation. Mais avec les moyens que vous y consacrez, ce qui est au c_ur du système, c'est le profit ! Vous refusez de donner à l'éducation nationale les moyens d'assurer les mêmes chances à tous. Bien sûr qu'il faut des éducateurs spécialisés pour assurer l'intégration des handicapés en milieu scolaire, mais rien ne peut être changé au fait qu'entre les 30 000 postes qui existaient et les 16 000 que vous proposez, il en manque 14 000 ! Vous voyez, j'arrive au même compte que M. Néri ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP) Voilà 14 000 aides qui manqueront aux enfants et aux enseignants, et certaines écoles seront mises en grande difficulté. Voilà la réalité !

Croyez-vous que si l'ensemble des syndicats sont hostiles à vos propositions, c'est qu'ils sont archaïques et qu'ils défendent des intérêts corporatistes ? Au contraire, ils veillent à donner les meilleures chances aux enfants et font preuve de dévouement.

M. le Président - Monsieur Gremetz, veuillez conclure...

M. Maxime Gremetz - Je suis tout à fait favorable aux assistants d'éducation, appelons-les comme vous voudrez, mais à la condition qu'ils soient 30 000, et non 16 000, avec un statut réel, des missions bien définies et une qualification appropriée ! Voilà l'avenir. Ce projet n'y répond pas, et c'est pourquoi nous voterons la question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Yves Durand - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58. Tous disent vouloir entamer un débat serein et sérieux sur l'éducation nationale. Cependant, je m'étonne de certaines attitudes, de certains rires, de certains refus de répondre à des questions de fond... (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Dans le souci d'instaurer un débat serein, je souhaite réunir mon groupe et je demande une suspension de séance d'une demi-heure.

M. le Président - Elle est de droit. Je vous accorde dix minutes.

La séance, suspendue à 21 h 25, est reprise à 21 heures 35.

M. Frédéric Reiss - Le projet de loi répond à la nécessité de faire évoluer le système de surveillance et d'accompagnement scolaires. Régis par un statut de 1937, les maîtres d'internat et surveillants d'externat ont rempli leur mission. Pour coller aux besoins des établissements, il faut engager la réforme dont le gouvernement précédent avait perçu la nécessité. Claude Allègre avait livré à ce sujet des analyses intéressantes mais tel le gardien de but qui observe de son poste stratégique les lacunes de sa propre équipe, il n'avait pu empêcher celle-ci de marquer contre son camp ! Tout reste donc à faire et le match qui débute n'est pas gagné.

A l'évidence, les aides éducateurs recrutés sous emplois-jeunes avaient pour vocation première d'améliorer les statistiques du chômage... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Et Jack Lang rappelait lui-même le 6 juin 2001 - ce n'est pas si vieux ! - qu'il n'avait jamais été prévu de les prolonger au-delà de cinq ans...

M. Yves Durand - Les titulaires, non, les contrats, oui !

M. Frédéric Reiss - Le malaise à ce sujet ne n'est jamais dissipé et je considère pour ma part que l'Etat a donné le mauvais exemple en précipitant des jeunes dans le mur (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Songez que le volet formation n'a pas été ouvert... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) en sorte que seuls les plus performants ont finalement trouvé du travail, le plus souvent dans le secteur privé.

M. Yves Durand - Bravo ! C'était fait pour ça !

M. Frédéric Reiss - Quant à ceux qui restaient, il nous a été répété à l'envi qu'il ne fallait pas les considérer comme des fonctionnaires au rabais. De fait, bien que privés de toute formation pédagogique - et nombre d'enseignants s'en sont du reste continûment offusqué - ils ont accompli un travail considérable. Tour à tour surveillants, hôtes d'accueil, guides touristiques, standardistes, éducateurs sportifs, assistants sociaux, psychologues infirmiers ou même professeurs remplaçants (« Jamais ! » sur les bancs du groupe socialiste), ils se sont rendus chaque année plus indispensables.

16 000 postes d'assistants d'éducation seront créés à la rentrée prochaine et leurs titulaires bénéficieront d'un statut de droit public. Le Gouvernement marque ainsi sa volonté de rendre nos établissements scolaires plus sûrs et de mieux assister les équipes éducatives. En valeur absolue, le nombre de postes disponibles sera inférieur à celui de la rentrée 2002. Mais, du fait de l'augmentation des postes d'assistants d'éducation à mi-temps, l'objectif de 88 000 adultes présents dans les établissements devrait être atteint. Le non-renouvellement des emplois-jeunes ne sera évidemment pas sans incidence mais la règle du jeu était connue de tous dès le départ.

L'article 3 du texte affilie les établissements publics d'enseignement scolaire à l'UNEDIC pour permettre aux assistants d'éducation de bénéficier de l'assurance chômage à l'issue de leur contrat.

M. Yves Durand - L'UNEDIC en est-elle d'accord ?

M. Frédéric Reiss - Quel heureux contraste avec le dispositif emplois-jeunes où rien n'avait été prévu ! Il n'est que temps de l'admettre : ce n'est pas en multipliant les moyens à l'infini que l'on améliore les résultats. Sortons de la logique quantitative. Les problèmes complexes du temps ne se résolvent pas avec de l'arithmétique !

S'agissant des modalités de recrutement des assistants d'éducation, pourquoi crier haro sur le baudet alors que chacun s'accordait sur le fait que le recrutement et l'affectation des MI-SE par les rectorats ne répondaient pas de manière satisfaisante aux besoins des établissements ? L'éloignement des centres universitaires ou l'ignorance des priorités définies dans les projets d'établissement nuisaient à l'efficacité des recrutements par les recteurs. Aussi suis-je très favorable au principe du recrutement des assistants d'éducation par les EPLE-collèges, lycées et établissements spécialisés...

M. Yves Durand - Et demain des professeurs !

M. Frédéric Reiss - Les chefs d'établissement sont habilités à contracter et, pour moi, la proximité est gage d'efficacité et d'assiduité.

La gauche, qui se prétend force de progrès, est vraiment d'une inertie incroyable ! Comment croire que notre système éducatif, déconnecté du monde du travail, en proie à la violence, dont 70 000 jeunes sortent chaque année sans diplôme, n'est pas perfectible !

Je me réjouis en particulier, dans la ligne tracée par le Président de la République, des possibilités offertes, grâce aux assistants d'éducation, pour intégrer les élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire. Dans ce domaine, les cas doivent être traités individuellement. Des efforts ont déjà été accomplis lors de la construction ou de la restructuration d'établissements pour faciliter l'accès des élèves à mobilité réduite et sécuriser les escaliers. Grâce au dispositif Handiscol,...

Plusieurs députés socialistes - Qui l'a mis en place ?

M. Frédéric Reiss - Des moyens humains ont suivi et il y a des associations qui coordonnent l'action de 2 000 auxiliaires de vie scolaire dans le pays. Avec la création des assistants d'éducation, leur nombre va tripler. En Alsace l'association « Le Chaînon manquant » fait un travail extraordinaire, avec 130 emplois jeunes financés à 80 % par l'Etat et en complément par les collectivités locales. Grâce à elle, dans une classe de ma circonscription, une enfant qui est infirme moteur cérébral bénéficie d'un enseignement personnalisé et peut suivre le CM2.

Les AVS ne seront pas supprimés et les associations pourront participer de façon compétente aux 200 heures de formation prévues annuellement pour les assistants d'éducation.

A l'issue des deux périodes de trois ans, ceux-ci pourront se présenter aux concours internes ouverts aux agents non titulaires de l'éducation, nationale, ce qui n'était pas le cas des MI-SE ni des aides éducateurs. Ils pourront ainsi devenir enseignants, conseillers d'éducation ou éducateurs spécialisés. Dans la perspective de nombreux départs à la retraite, ce sera un vivier précieux.

La coexistence de trois statuts sera délicate à gérer, mais provisoire. Progressivement les assistants d'éducation prendront toute leur place dans la formation des jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Néri - A l'évidence, l'éducation nationale n'est plus une priorité du Gouvernement. Il pensait en terminer en deux heures avec ce projet qui se résume à trois articles. Nous l'avons fait reculer et l'avons obligé à un vrai débat qui, grâce à nos amendements, durera toute la semaine. Il faut en effet, Monsieur Ferry, que vous vous expliquiez sur les conséquences de l'abandon des aides éducateurs et sur vos projets de décentralisation.

En supprimant aides éducateurs et MI-SE, le Gouvernement manifeste son renoncement à toute politique d'éducation de qualité. Avec ce projet, votre premier objectif est clairement de diminuer le nombre de jeunes mis à la disposition des établissements. Vous supprimez 30 000 postes, et n'en créez que 16 000, qui ne sont même pas tous financés au budget 2003. Dans un contexte de licenciements sans précédent, vous êtes le premier licencieur de France !

Il est faux de présenter comme une avancée ce projet qui a suscité un vent de fronde, une grève massive des enseignants et l'opposition unanime de leurs syndicats, des parents d'élèves et des syndicats étudiants, à l'exception de l'UNI. Le Conseil supérieur de l'éducation nationale et le Conseil supérieur de la fonction publique ont également pris position contre ce projet.

Mais vous persistez contre vents et marées, vous voulez avoir raison seul contre tous.

Ce texte est bon, dites-vous car il crée un statut d'assistant d'éducation. Mais il s'agit d'un simple contrat de droit public à durée déterminée qui institutionnalise la précarité. En cas de conflit, les assistants d'éducation ne pourront recourir qu'aux juridictions administratives.

En réalité ce texte n'est pas bon, car il supprime un dispositif qui permettait à 40 000 étudiants modestes de financer leurs études. En fixant comme conditions d'accès le bac et l'âge de vingt ans, vous ouvrez les postes d'assistants d'éducation aux militaires retraités et aux mères de famille, vous l'avez dit vous-même.

M. le Ministre - Mais non !

M. Alain Néri - Vous ne retenez aucun critère de qualification. Avec 28 heures hebdomadaires, les maîtres d'internat avaient déjà du mal à faire leurs études dans de bonnes conditions. Les nouveaux assistants feront plus de 35 heures par semaine !

Les aides-éducateurs assuraient des activités inédites et répondaient à des besoins réels comme la surveillance, la documentation, l'initiation informatique, l'animation, l'aide aux élèves en difficulté. Et ce même ministre qui reconnaissait leur rôle le 17 juillet dernier devant la commission propose aujourd'hui leur suppression !

Ce projet n'est pas bon car il ne dit rien sur les missions des assistants d'éducation. Ceux-ci pourront travailler pour plusieurs établissements, dans plusieurs collectivités territoriales, mais les conventions régissant leur mise à disposition seront conclues avec les seuls établissements sans intervention du rectorat.

Ce projet n'est pas bon car il supprime les aides éducateurs qui étaient appréciés des enseignants, des élèves et des parents. La mesure de soutien aux handicapés en complément du dispositif Handiscol est positive, mais c'est la seule. Pour le reste, vous compromettez par exemple l'initiation à l'informatique, sans laquelle les jeunes seront les illettrés du XXIe siècle.

Ce projet n'est pas bon non plus en ce qu'il engage de nouveaux transferts de charges pour les collectivités locales, des transferts de charges inacceptables. Ils seront même insupportables pour les petites communes, que vous allez désespérer. Les maires sont attachés à leur école, à l'école de la République, à l'école de l'égalité ! Comme, à la prochaine rentrée, 14 000 postes vont manquer, les écoles rurales ne pourront plus faire fonctionner les ateliers informatiques qui ont été mis en place. Vous aurez la responsabilité de ce gaspillage. Ou bien, une fois de plus, les élus locaux seront obligés de se substituer au Gouvernement pour assurer une éducation de qualité. Ils devront augmenter les impôts locaux, pendant que vous claironnerez que vous baissez les impôts de l'Etat.

Ce projet n'est pas bon parce qu'il rompt le mouvement de démocratisation de l'enseignement supérieur qui est au fondement du pacte républicain. Vous engagez, par ce texte, la contre-réforme de l'éducation nationale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il est des héritages lourds à assumer, des noms difficiles à porter. Jules Ferry a créé l'école publique pour garantir l'égalité des chances. Si vous voulez vous montrer digne de votre illustre prédécesseur, il est encore temps de réagir : retirez ce projet de régression sociale qui prépare le démantèlement de l'éducation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Olivier Jardé - La mise en place d'un nouveau dispositif était nécessaire pour assurer dans de meilleures conditions l'assistance à l'éducation et la surveillance dans les établissements scolaires. Les 20 000 postes précaires d'aides-éducateurs doivent être remplacés par des postes stables qui ouvrent des perspectives professionnelles.

Ce projet suscite un débat dans le monde enseignant, chez les parents d'élèves, chez tous ceux qui s'occupent d'enfants handicapés.

Nous sommes tous conscients des limites que recelait le système des surveillants et des aides-éducateurs. Un rapport commandé par Claude Allègre avait déjà souligné que les MI-SE étaient parfois « peu différents par leur âge et leur comportement des élèves d'établissements difficiles qu'ils peuvent être amenés à encadrer ». Mais la mobilisation des MI-SE avait eu pour effet d'enterrer ce rapport, qui ne fut jamais publié. Il importe de mettre en place un dispositif qui réponde aux besoins des élèves et des enseignants, ainsi qu'aux attentes des étudiants. Depuis 1968, aucune revalorisation du statut n'a été envisagée. Quant aux aides-éducateurs, emplois-jeunes de l'éducation nationale, ils avaient été mis en place par le gouvernement Jospin dans la précipitation, même s'il faut reconnaître qu'ils ont souvent permis de combler des carences - car enfin, le gouvernement Jospin n'avait rien prévu pour préparer l'avenir des aides-éducateurs : pas de validation de leur expérience professionnelle, pas de système d'indemnisation chômage ! Les aides éducateurs ont fait émerger de nouveaux besoins, que le dispositif proposé permettra de combler, sans précarité de l'emploi.

Il est bon que les assistants d'éducation bénéficient de contrats de droit public, vu les difficultés rencontrées dans la gestion des contrats de droit privé des emplois-jeunes. Le travail à mi-temps, plus compatible avec les études universitaires, sera encouragé : avec un volume horaire de 17 heures 30 par semaine, les étudiants pourront à la fois acquérir une expérience professionnelle et obtenir un revenu d'appoint, tout en conservant le temps nécessaire pour mener leurs études (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Surtout, les étudiants pourront cumuler ce travail à mi-temps avec une bourse sur critères sociaux.

Enfin, la validation des acquis de cette expérience dans le cadre de certains diplômes est une bonne chose, principalement pour les jeunes qui se destinent à l'enseignement. En effet, plusieurs enquêtes ont montré que les surveillants obtenaient de moins bons résultats universitaires que les autres étudiants.

Nous connaissons les besoins en matière de surveillance. Il est donc normal que les 5 600 postes de surveillants soient intégralement remplacés. Il est hors de question de mettre des caméras de surveillance et des barbelés dans les établissements, nous préférons y mettre des hommes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Il faut aussi que les fonctions essentielles qu'assuraient les emplois-jeunes soient préservées, y compris dans le premier degré, puisque les deux tiers des postes d'aides-éducateurs se trouvaient dans les écoles maternelles et élémentaires. Par ailleurs, les collectivités territoriales qui le souhaitent pourront compléter cet effort, en finançant davantage de postes (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste). Cependant, s'il est souhaitable de donner une plus grande souplesse de gestion aux collectivités territoriales, il faut se souvenir que celles-ci n'ont pas à pallier les manques de l'Etat.

M. Yves Durand - Très bien !

M. Olivier Jardé - On entend déjà quelques voix déplorer le nombre insuffisant de ces postes ; certains en réclament même 25 600. Mais, avec 16 000 postes d'assistants d'éducation, les MI-SE et les aides éducateurs en place qui pourront tous aller au terme de leur contrat, on obtient un total de 82 000 jeunes adultes qui seront présents dans les écoles à la rentrée 2003.

Ce nombre est élevé ; il est certes inférieur au pic atteint en 2002, au plus fort du programme des emplois-jeunes, mais il est très supérieur au nombre des surveillants présents dans les collèges et les lycées avant ce programme.

Les assistants d'éducation pourront remplir diverses missions : assister le conseiller principal d'éducation dans le fonctionnement de la vie scolaire, gérer les absences, gérer les problèmes de vie en collectivité. Ils seront un repère pour les adolescents. D'un établissement à l'autre, ils pourront s'occuper du soutien scolaire et des études encadrées, de l'animation d'activités culturelles, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, de la documentation, de l'aide aux élèves ayant des problèmes de comportement, de la médiation scolaire (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Grâce à eux, pas de permanences surchargées, une animation informatique maintenue, un soutien et une aide aux devoirs assurés.

J'insisterai particulièrement sur une fonction de ces assistants d'éducation, qui pourront s'occuper de l'intégration des élèves handicapés.

La loi nous oblige à scolariser tous les enfants handicapés qui peuvent l'être. Avec ce projet, le nombre des jeunes adultes qui s'occupent de la prise en charge du handicap dans les établissements sera multiplié par cinq, voire par six. Ce sera un véritable progrès (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Finalement, les deux exigences qui avaient été à l'origine du statut de 1937 sont sauvegardées : permettre à des jeunes issus de milieux socialement défavorisés de poursuivre leurs études, assurer un bon encadrement des élèves. Ce projet permet de revaloriser les fonctions de surveillant et d'offrir aux étudiants plus de temps pour suivre les cours, mais aussi une authentique formation, la validation des acquis de l'expérience et la possibilité d'accéder aux concours internes de la fonction publique et, en particulier de l'éducation nationale.

Nous sommes convaincus que ce dispositif va améliorer l'encadrement des élèves. Les assistants d'éducation permettront de répondre aux besoins, très diversifiés, des établissements. La conjoncture économique n'est pas bonne, la guerre ne fait que rendre la situation plus difficile, mais il n'est pas question de faire des économies sur l'encadrement de nos enfants à l'école.

Si les précisions que vous apportez au cours de la discussion répondent à nos inquiétudes, le groupe UDF décidera de vous donner son appui (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Yves Durand - Ce n'est pas très enthousiaste !

M. François Liberti - Nous sommes en train d'engager une discussion surréaliste sur le statut des assistants d'éducation. Alors que le ministère de l'éducation vient de perdre 177,22 millions d'euros de crédits, sans compter les annulations d'autorisations de programme et les 43,9 millions enlevés à l'enseignement supérieur, est-ce là l'urgence ? La réduction de 40 millions des crédits alloués aux dépenses pédagogiques met en difficulté les classes à parcours artistique et culturel, ainsi que le projet de généralisation de langues vivantes dans le primaire.

Je pense aussi à la suppression sur deux ans des 5 000 postes de contractuels qui permettent d'avoir un enseignant par classe et qui vous donnent de la souplesse dans l'embauche alors que vous avez drastiquement réduit le nombre de postes de titulaires. Le ministère prépare fort mal les années à venir et le départ en retraite de dizaines de milliers d'enseignants.

Ces coupes claires dans le budget compromettent aussi l'accueil des enfants handicapés que le Gouvernement présente pourtant comme la priorité des priorités. Ces crédits sont réduits de 16 millions d'euros. Que vont devenir les actions pédagogiques du primaire et le plan d'accès à l'autonomie des élèves handicapés ?

Cette situation est la conséquence de l'insincérité du budget présenté au Parlement. Les prévisions de croissance étaient surestimées. De là à croire qu'il fallait attendre de pouvoir invoquer le prétexte du contexte international pour faire passer la pilule de l'austérité, il n'y a qu'un pas, que je me permets de franchir.

Le Gouvernement a annulé à peu près la moitié des crédits civils supplémentaires votés par le Parlement en décembre. Si certains s'interrogent sur l'utilité du Parlement, ils en ont là un aperçu.

L'éducation nationale, que nous annoncions comme la grande perdante des arbitrages budgétaires de l'année passée, reste la bonne dernière dans les préoccupations du Gouvernement, avec la recherche, le logement, l'emploi et la sécurité routière...

Je tenais à faire le point, Monsieur le ministre, afin que les belles déclarations, la main sur le c_ur, soient prises pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire, un rideau de fumée.

Puisque vous défendez aujourd'hui votre premier texte, je ne peux passer sous silence la forte mobilisation de l'ensemble des personnels contre votre politique, marquée par des moyens en diminution, votre silence dans le débat sur les retraites alors que vous êtes l'employeur de 1,5 million de fonctionnaires, votre acceptation du transfert de 110 000 d'entre eux vers les collectivités territoriales alors que quelques jours avant vous aviez déclaré n'en être point demandeur.

Et alors qu'après les assises dites des libertés locales, vous saviez que l'éducation nationale ferait partie des administrations démembrées, vous avez eu le culot d'annoncer un grand plan pour la médecine scolaire, dont vous n'aurez plus la charge d'ici quelques mois.

Les personnels de l'éducation nationale ont une piètre image de votre gestion : vous apparaissez comme un ministre qui, soit n'est pas au courant des décisions de Matignon le concernant, soit masque la vérité à ses propres fonctionnaires. Il a fallu près de trois ans à Claude Allègre pour mettre dans la rue le personnel de l'éducation nationale, il ne vous a fallu que quelques mois.

Avec ce texte - le premier que vous nous présentez aujourd'hui, Monsieur le ministre - vous illustrez le souci quasi obsessionnel de ce gouvernement de réduire la fonction publique.

Compte tenu de la fin annoncée des aides éducateurs et des MI-SE, 25 600 adultes vont disparaître des établissements scolaires. Pourtant, le discours tenu jour après jour par le Gouvernement sur la violence des jeunes et le nécessaire retour de l'autorité, la lutte contre l'illettrisme, ainsi que contre les violences racistes et antisémites, la drogue et l'absentéisme appellent au contraire plus d'adultes dans les écoles, les collèges et les lycées.

Vous ne pouvez nier le travail accompli ces cinq dernières années par les aides éducateurs, ni le fait que cet emploi a été pour beaucoup d'entre eux le premier et la reprise d'une confiance en eux. Ces jeunes, vous les jetez à la rue comme des malpropres - le gouvernement précédent n'avait d'ailleurs pas su prévoir une autre fin. Mais avez-vous demandé aux chefs d'établissement une évaluation de leur apport ? Avez-vous rencontré ces jeunes avant de les rejeter avec mépris ? Que vont devenir les actions qu'ils ont aidé à mettre une place ?

Nous continuerons quant à nous à demander que les nouvelles missions qu'ils ont assumées soient reconnues, professionnalisées et transformées en emploi statutaire. Tel est le sens de la proposition de loi de M. Pierre Goldberg et nous défendrons donc des amendements qui vont dans ce sens.

Tout le monde était d'accord pour réformer le statut des MI-SE, mais vous avez fait fi du chemin de la négociation pour simplement les supprimer d'un trait de plume et les remplacer par des « assistants d'éducation » au statut moins avantageux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ces 16 000 nouveaux « assistants d'éducation » vont travailler plus que les anciens « pions » : 35 heures par semaine et 46 semaines par an. Vous évacuez la contrainte des jours de préparation aux examens.

Au départ, votre idée était même de privilégier l'embauche de militaires retraités ou de mères de familles, au détriment des étudiants qui ont besoin d'un travail pour poursuivre leurs études.

Votre texte a été présenté le 30 janvier dernier au Conseil supérieur de l'éducation. Fait rarissime, il a fait l'objet d'un rejet massif, certains ont même dit historique. Il ne s'est trouvé qu'une voix, celle d'une minuscule organisation étudiante de droite pour vous soutenir (« D'extrême droite ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Quelques jours plus tard, vous avez essuyé le même échec devant le Conseil supérieur de la fonction publique. Quels camouflets ! Allez-vous enfin entendre les reproches qui vous sont adressés ?

Nous voulons, quant à nous, que seuls les étudiants, et en particulier les boursiers, puissent bénéficier de ces nouveaux emplois qui leur éviteront des « petits boulots » épuisants et souvent trop prenants pour mener à bien des études.

Dans le même esprit, nous souhaitons que le contrat de base soit de cinq ans, ce qui mettrait le salarié dans une situation moins précaire et lui permettrait d'envisager un cursus universitaire sans à-coup.

Nous refusons que les chefs d'établissements recrutent directement les nouveaux assistants d'éducation. D'abord parce que nous pensons que ce n'est pas leur travail et aussi pour les mettre à l'abri de pressions locales préjudiciables à l'objectif de mixité sociale. Les assistants d'éducation doivent être recrutés en toute impartialité par les rectorats.

Nous sommes aussi fermement opposés à ce que les assistants d'éducation exercent dans plusieurs établissements, car celui nuirait à l'instauration d'une relation de confiance entre eux et la communauté éducative. Comment pourraient-ils s'impliquer dans le projet éducatif de l'établissement s'ils ne sont que des « bouche-trous » dans des emplois du temps ? De plus, un travail à flux tendu dans des établissements où les profils de postes ne seraient pas les mêmes ne pourrait qu'engendrer fatigue, inefficacité et « turn over ».

Nous ne voulons pas que leurs missions soient dévoyées. Nous vous demandons donc d'être plus précis dans votre définition des profils de postes et de nous dévoiler ce que contient le décret que vous avez déjà soumis aux organisations syndicales.

Nous sommes aussi très réticents à l'égard des conventions signées directement entre le chef d'établissement et les collectivités locales, car il appartient au Ministère et aux associations d'élus de réfléchir à des coopérations entre ces dernières et les établissements. Accepterez-vous au moins, Monsieur le ministre, que ces conventions soient soumises au rectorat ?

Enfin, je souhaite que vous affirmiez ici que ces emplois d'assistants d'éducation ne seront pas transférables aux collectivités locales.

Ces quelques demandes de bon sens ne sont que des moyens d'atténuer la nocivité de votre texte. Nous n'avons pas voulu profiter de cette mauvaise réforme pour réécrire le code de l'éducation mais nous nous sommes concentrés sur quelques amendements de fond qui apporteraient, s'ils étaient votés, quelques garanties à ces nouveaux salariés. Notre vote n'en serait cependant pas modifié.

Nous vous avons demandé, par la voix de M. Braouezec, de retirer ce projet unanimement rejeté par l'ensemble de la communauté éducative. Ne soyez pas sourd à cette demande, Monsieur le ministre ! N'imposez pas lorsque vous n'avez pas réussi à convaincre. Remettez sur l'ouvrage ce qui est mal tissé. Pour les jeunes adultes que sont les « aides éducateurs », vous resterez le plus grand ministre licencieur de l'histoire (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Pour les élus locaux, vous serez celui qui a transféré des emplois à l'insu de son plein gré (Mêmes mouvements). Pour les enseignants et les parents, enfin, vous resterez celui qui a supprimé 10 000 adultes des cours d'écoles, de collèges et de lycées, alors que les jeunes ont tant besoin de repères et de confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. Guy Geoffroy - Le débat est donc engagé et il peut nous permettre d'aborder quelques-uns des grands dossiers qui nous attendent concernant cette école à laquelle nous sommes tous profondément attachés.

Mais après les motions de procédure et les premières interventions de l'opposition, je me demande si nous parlons bien de la même école, si nous vivons les mêmes expériences et si nous faisons les mêmes constats, et d'abord celui, parlons vrai, de la grande pauvreté des établissements accumulée depuis le début des années 1970.

Qui, parmi ceux d'entre vous qui ont exercé dans l'éducation nationale, n'a jamais entendu en salle des professeurs de ces mots si durs pour les surveillants « grassement payés pour peu d'heures travaillées » et ne méritant peut-être pas la place qui leur était faite... (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Je l'ai vécu, et beaucoup ici l'ont vécu comme moi ! Ayant exercé ces fonctions avant de devenir conseiller principal d'éducation pendant dix ans, j'ai toujours défendu ces surveillants. Je crains que ceux d'entre vous qui siègent depuis longtemps sur ces bancs n'aient perdu le contact avec la réalité... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Liberti - Quelle suffisance !

M. Guy Geoffroy - Permettez-moi de vous rappeler qu'au moment de la mise en place des emplois-jeunes, tous les syndicats étaient d'accord pour refuser ces emplois « bidon » et réclamer « de vrais emplois statutaires ». Dirigeant un établissement confronté à la violence dans une académie très proche d'ici, j'avais demandé quelques surveillants supplémentaires au recteur et je m'étais entendu répondre que le rapport rendu au ministre écartait les MI-SE au profit d'un produit-miracle : les aides éducateurs. Il m'a fallu ferrailler plus de deux ans pour arracher à un conseil d'administration rétif l'autorisation de signer la convention de recrutement d'aides éducateurs. Eh oui, il y avait à l'époque, dans tous les établissements de France et de Navarre, des parents d'élève FCPE et des syndicats d'enseignants « de gauche » pour refuser ces emplois-jeunes et exiger de véritables emplois donnant la possibilité d'exister aux équipes de vie scolaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La réalité est bien loin de celle que vous décrivez, la main sur le c_ur, en invoquant les mânes de Jean Zay ! De grâce, parlons sérieusement !

Vous dites que nous supprimons les emplois-jeunes, mais c'est Lionel Jospin qui les a supprimés tout en les créant, puisqu'il ne leur a donné qu'une durée de cinq ans et un statut précaire de droit privé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Son programme présidentiel ne fait référence qu'une seule fois - et au passé simple ! - à ces emplois-jeunes. On cherche vainement, dans les pages relatives à l'emploi ou à l'éducation, une allusion aux éducateurs : rien, votre candidat n'a rien prévu pour leur avenir, et vous venez aujourd'hui nous accuser de les supprimer ! Halte à cette imposture ! Je vous le dis avec force : la majorité n'est pas prête à se laisser avoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Messieurs les ministres, vous nous proposez aujourd'hui de faire ce que le monde de l'éducation attendait de vos prédécesseurs : mettre en place, de manière raisonnable, graduée mais certaine, un statut, des équipes, des perspectives.

Il faudra bien en venir à l'essentiel : alors que le précédent gouvernement n'avait rien prévu, vous allez, en dépit des difficultés budgétaires, proposer de remplacer la moitié des aides éducateurs en place par des assistants d'éducation, de passer de 1 101 à 6 101 assistants de vie scolaire pour l'intégration des enfants handicapés en un an, de ne pas renouveler les 5 600 MI-SE pour les remplacer par 6 000 assistants d'éducation qui seront mis à disposition des écoles dès la rentrée prochaine. Voilà l'essentiel ! Voilà les vraies perspectives ! Face à cela, le mauvais procès intenté aux chefs d'établissement - qui ne résisteraient pas aux pressions - est ridicule. Cessez de les prendre pour des personnels de second rang oublieux du service public ! Donnez-leur plutôt la possibilité de faire ce que vous leur avez toujours demandé de faire : signer des conventions pour l'accueil de telle ou telle catégorie de personnel.

Quant à l'avenir de tout ces dispositifs, je pense que vous nous parlerez de statuts. Le décret que vous préparez viendra préciser les conditions de la mise en place de ces nouveaux personnels - et ce pour aussi longtemps que nous le jugerons nécessaire, pas pour cinq ans mais bel et bien sous contrat à durée indéterminée !

Ce que vous proposez, c'est de permettre enfin à ces assistants d'éducation, recrutés pour la plupart à mi-temps, de cumuler leur bourse avec cet emploi. Bref, vous répondez à une vieille attente des milieux éducatifs. N'ayons pas peur de vous soutenir, ne craignons pas les oppositions vieillottes, rétrogrades, pensons à l'avenir et à nos enfants. Votons ce projet, il en appellera d'autres (« Aïe ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). La majorité sera sans défaillance à vos côtés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Simon Renucci - Grand débat que celui de l'éducation, et quel enjeu pour nous, représentants du peuple, que d'offrir à nos enfants les moyens de leur épanouissement.

Je dis cela avec gravité, car il faut rappeler sans se lasser ce que représente l'éducation nationale ; donner à chacun, indépendamment de ses origines, une même éducation pour une égalité de chances dans la vie.

Chaque texte relatif à l'école mérite donc toute notre attention, celui-ci au moins autant que les autres. En effet, il s'inscrit dans un contexte sécuritaire propice à la stigmatisation des jeunes et des plus défavorisés.

Depuis que ce gouvernement dirige notre pays, il est beaucoup question de la délinquance juvénile. L'insécurité est certes un sujet de préoccupation de nos compatriotes auquel il faut savoir répondre. Mais je me souviens que le ministre de l'intérieur a renvoyé - à juste titre - la responsabilité de la prévention à d'autres ministères plus compétents.

La forte diminution des moyens en personnel que vous entérinez, avec près de 10 000 postes supprimés, traduit l'ambiguïté du discours sécuritaire : on n'hésite pas à stigmatiser le moindre incident dans nos cours d'école, mais on vote allègrement la baisse des effectifs dans les établissements.

Ce texte traite en effet notamment de personnels qui permettent aux établissements accueillant les enfants en difficulté, d'assurer leur réussite. Il soulève donc la question de l'avenir de ceux qui, pour quelques mois encore, exercent, souvent avec passion, cette mission. Je pense aux 26 000 jeunes, maîtres d'internat, surveillants d'externat et aides-éducateurs dont vous avez décidé la disparition.

Ce texte a un défaut, il ne satisfait personne. Fédérations de parents d'élèves, représentants des personnels, syndicats étudiants, tous ont exprimé leur hostilité. Vous n'avez tenu compte ni de l'avis négatif du Conseil supérieur de l'éducation du 30 janvier, ni du vote du Conseil supérieur de la fonction publique.

Seul, vous avez décidé de supprimer les 5 600 postes de maîtres d'internat et de surveillants d'externat et les 20 000 postes d'aides éducateurs, pour les remplacer par 16 000 assistants d'éducation. En Corse, près de 900 postes vont ainsi disparaître, alors même que ces jeunes remplissent des fonctions indispensables. Les aides-éducateurs se sont attelés avec succès à la mise en place des politiques d'individualisation du suivi des élèves. Ils tiennent un rôle primordial auprès des enfants en difficulté. Référents, tuteurs, soutiens scolaires, ils sont tout cela à la fois, et leur travail est reconnu par l'ensemble du corps éducatif, qui reconnaît ne plus pouvoir s'en passer.

Dans l'étude d'impact, vous justifiez l'abandon du dispositif actuel : il ne correspondrait plus aux besoins de surveillance, les étudiants seraient trop souvent absents, c'est faire bien peu de cas de ceux qui se sont investis dans leur tâche. Si la professionnalisation est nécessaire, pourquoi fixer a minima les critères d'embauche et rendre plus précaires les statuts ? Comment ne pas comprendre le désarroi de ces personnels ? En Corse, les MI-SE et les aides-éducateurs sont en grève depuis plusieurs semaines.

Comment en serait-il autrement alors que votre projet prévoit la disparition de la priorité donnée aux étudiants, la suppression de certains critères sociaux, un recrutement aléatoire et un statut dégradé, le tout dans un contexte social marqué par une profonde crise de confiance ?

Monsieur le ministre, ce texte ne résout rien et il sera fatalement interprété comme celui d'un gouvernement à la recherche du moindre euro pour financer d'autres priorités. Souffrez que le père, le pédiatre, l'humaniste que je suis s'inquiète et refuse le modèle de société auquel vous vous soumettez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bernard Perrut - Nous avons abordé, lors de l'examen du budget, les priorités du Gouvernement pour l'école et partageons votre souci de rendre notre système éducatif plus performant. Nous accueillons donc votre projet de loi de façon favorable. Les assistants d'éducation doivent se substituer tant aux maîtres d'internat et surveillants d'externat qu'aux emplois-jeunes, qui arrivent à expiration parce que la gauche en a décidé ainsi. Votre projet répond aux exigences d'un enseignement qui a considérablement évolué depuis trente ans. De nouveaux phénomènes sont apparus et les bouleversements de la société se retrouvent dans notre système éducatif. La violence est entrée à l'école, provoquant des ravages et exacerbant l'inquiétude des parents.

Votre projet prend ces données en compte et axe sa démarche sur l'encadrement des jeunes. La question est suffisamment grave pour que chacun d'entre nous prenne toutes ses responsabilités. Le nouveau dispositif concerne 16 000 postes pour la rentrée prochaine. Pas moins de 80 000 jeunes adultes, selon l'excellent rapport de Jean-Marie Geveaux, assureront des missions d'encadrement et de surveillance, mais loin de la précarité voulue par le précédent gouvernement, qui n'avait même pas prévu le droit aux allocations chômage en fin de contrat !

Je ne rappellerai pas les témoignages de ces emplois-jeunes démotivés, affectés au suivi scolaire ou à la surveillance des cantines, sans aucune formation. On peut également regretter que seuls 1100 des 58 000 emplois-jeunes de l'éducation nationale aient été affectés à l'aide aux enfants handicapés. Il est vrai que ces emploi n'ont jamais été créés pour rendre service aux établissements et aux familles, mais comme traitement artificiel et étatique du chômage. La création, aujourd'hui, d'un statut moderne, de droit public, doit être saluée. Il est mieux adapté que le précédent, de droit privé.

C'est pourquoi les critiques de certains de nos collègues ne semblent s'appliquer qu'à eux-mêmes. Ils oublient que nombre de rapports sont parvenus sur le bureau de leurs propres ministres, concluant à un statut particulièrement inadapté pour les MI-SE ou écartant toute perspective de professionnalisation des emplois-jeunes. Peut-on ignorer cela et oublier d'ailleurs le bilan du précédent gouvernement en matière d'éducation, avec sa logique du toujours plus de moyens, mais sans aucun résultat ?

Désormais, les fonctions des assistants d'éducation seront plus adaptées : surveillance, aide éducative, médiation, appui aux équipes pédagogiques. Ils auront surtout accès à une formation. Les étudiants, qui sont les premiers concernés, auront à c_ur d'accomplir leur tâche, rassurés par la possibilité de conserver une bourse sur critères sociaux. Toutes les dispositions seront prises pour faciliter la reconnaissance de l'expérience qu'ils auront acquise. Quant au nombre de postes, nous avons entendu les engagements des ministres. Nous avons noté qu'il y aura plus de surveillants à la rentrée 2003 que pour celle de 2002.

Plusieurs députés socialistes - 14 000 de moins !

M. Bernard Perrut - Si cela n'était pas le cas, nous serions nombreux, Messieurs les ministres, à vous adresser des reproches.

Par ailleurs, le projet s'inscrit dans une perspective humaniste. Nombre d'assistants seront affectés à l'accueil des jeunes handicapés. Cela répond à la volonté du Président de la République de faire de la lutte pour l'intégration des handicapés le chantier prioritaire du quinquennat. L'année 2003 doit être celle de la reconnaissance des droits, des besoins et des richesses des personnes handicapées. Leur insertion représente une exigence civique. C'est également une priorité européenne, comme cela fut rappelé lors du colloque de Rennes « Ensemble, tout naturellement ».

Vos mesures, adressées à des familles en difficulté et isolées, ne peuvent susciter des controverses bassement politiciennes. Chacun admet que la scolarisation des jeunes handicapés est une priorité et que des aides doivent y être affectées. Malgré cette évidence, le taux d'intégration des élèves handicapés dans les collèges ou lycées est faible. Cela n'est pas digne de nos propres valeurs. Il y a quelques semaines, j'évoquais le parcours du combattant que doivent franchir les parents pour que leur enfant soit accueilli. Les classes d'intégration scolaire et le plan Handiscol ont apporté une amélioration considérable et doivent être renforcés. Les collectivités locales sont particulièrement concernées par le plan quinquennal lancé par M. Ferry, M. Darcos et Mme Boisseau le 22 janvier. La décentralisation doit jouer d'ailleurs dans ce domaine, car l'échelon local est idéal pour favoriser ces actions.

La direction de l'enseignement scolaire évalue le nombre d'enfants handicapés scolarisés à 76 000 dans le premier degré et à plus de 20 000 dans le second degré. Il faut y ajouter 7 000 étudiants. Mais il reste 10 000 à 13 000 enfants qui n'ont pas trouvé leur place dans notre système éducatif. Chaque école a vocation à les accueillir, sans discrimination. Il faut encore améliorer l'assistance pédagogique à domicile ou dans les hôpitaux pour les élèves malades, ainsi que dans les établissements d'éducation spécialisés. De nombreuses expériences ont montré que la scolarisation des enfants handicapés, lorsqu'elle est bien préparée, était profitable à l'ensemble de la classe, en responsabilisant notamment les élèves. D'utiles actions pourraient être menées dans les établissements scolaires. Dans le cadre de ce grand programme d'engagement des jeunes que vous avez lancé, ne pourrions-nous pas privilégier des actions susceptibles de faciliter l'intégration de leurs camarades handicapés ?

Les auxiliaires d'intégration scolaire seront des vecteurs extraordinaires pour l'intégration des jeunes handicapés. Vous apportez aujourd'hui des réponses aux préoccupations des familles. En multipliant par six le nombre d'auxiliaires de la vie scolaire, vous fournissez un effort sans précédent, auquel les familles sont sensibles, comme nous avons pu le constater dans nos circonscriptions. En créant 1000 nouvelles unités pédagogiques intégrées et en multipliant les classes d'intégration scolaire, vous marquez votre volonté d'agir pour les enfants handicapés.

Je me permettrai de suggérer que la représentation nationale soit tenue informée des effets de toutes ces mesures et qu'un bilan soit annexé chaque année au rapport budgétaire de l'éducation nationale, pour souligner les progrès accomplis et les efforts restant à faire. L'école est aujourd'hui, comme hier, la priorité de la nation. Chacun doit participer à la réflexion qui doit être menée, et j'avoue être parfois choqué par certains propos, ou par un fleuve d'amendements qui ne me paraît avoir aucun sens. L'intégration scolaire est le début de l' intégration sociale. Nous sommes tous attachés à l'égalité des chances. L'heure n'est pas aux tactiques politiciennes, mais aux pratiques politiques sincères et efficaces, car seul compte l'avenir des jeunes. L'oublier serait une grave erreur. Le groupe UMP apporte donc son soutien à ce projet. Il nous faut refuser ce soir le pessimisme de nos collègues de l'opposition...

Plusieurs députés socialistes - Le réalisme !

M. Bernard Perrut - ... en faisant nôtre cette phrase d'Alain : « Le pessimisme est d'humeur, l'optimisme est de volonté ». Cette volonté, le Gouvernement et sa majorité la partagent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Martine Billard - Monsieur le ministre, les collectifs d'emplois-jeunes et de surveillants, les syndicats, les parents d'élèves protestent contre les divers projets que vous annoncez depuis l'automne. Bien sûr, il fallait faire évoluer le statut des surveillants, maîtres d'internat ou surveillants d'externat, fixés depuis 1937 et 1938. Il fallait réfléchir à l'avenir des emplois-jeunes recrutés depuis 1997. Mais votre projet n'offre aucune perspective ni aux uns, ni aux autres. L'accès aux concours publics internes, le cumul avec une bourse, la valorisation des acquis ne balancent pas la régression du reste du statut. Pour justifier votre réforme, vous n'établissez que les comparaisons qui vous sont le plus favorables. Il faut rappeler à la majorité que si les emplois-jeunes sont des contrats de droit privé, c'est parce qu'ils devaient être compatibles aussi avec le monde associatif, auquel ils ont rendu de grands services. Nous attendons toujours le CIVIS qui doit les remplacer.

Le 30 janvier, le conseil supérieur de l'éducation a nettement marqué son refus de ce projet de loi. Dès lors, pourquoi insister si ce n'est pour témoigner une nouvelle fois de votre volonté de désengager l'Etat de ses missions essentielles, désormais confiées aux collectivités locales ? A l'évidence, cette loi ne va rien améliorer, et vous ne nous avez pas convaincus qu'elle permettrait de mieux répondre aux besoins de nos établissements et de notre jeunesse. Vous allez supprimer des milliers de postes : avez-vous prévu un plan social pour les jeunes que vous mettez à la rue ? (« Eh non ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Certes, les 6 000 postes destinés à favoriser l'intégration scolaire des enfants handicapés en milieu ordinaire sont très attendus mais ils ne sauraient justifier, dans un contexte de violence accrue, une réduction drastique du nombre des postes affectés aux tâches de surveillance et d'encadrement.

Sans le dire ouvertement - mais le projet de décret d'application de cette disposition du texte est explicite sur ce point -, vous prévoyez également de compenser la diminution des postes par un accroissement de la charge horaire de travail de chaque poste d'assistant d'éducation. On passerait ainsi de 28 heures hebdomadaires - ou 34 heures pour les maîtres d'internat - sur 37 semaines à 1 600 heures annualisées - soit l'équivalent de 35 heures sur 46 semaines. Or, pour démanteler le statut actuel des MI-SE, le Gouvernement a souvent défendu l'idée qu'il nuisait aux résultats universitaires des étudiants : vont-ils mieux réussir si on les fait travailler plus ?

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Il ne s'agit que d'introduire un peu de souplesse !

Mme Martine Billard - Sous couvert de souplesse, on les empêche surtout de postuler aux emplois d'animateurs de centres de vacances qui leur assuraient un complément de rémunération fort bienvenu. En augmentant le temps de travail des assistants d'éducation et en ouvrant le recrutement à d'autres catégories sociales, vous allez priver les étudiants les plus modestes d'un vecteur d'ascension sociale qui avait fait ses preuves.

La « proximité », derrière laquelle vous vous plaisez à abriter tous vos projets, ne justifie pas tout ! Et singulièrement pas le rôle que vous prétendez faire jouer aux chefs d'établissement. Leur compétence n'est pas en cause (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) mais seront-ils armés pour résister aux pressions exercées localement en vue de recruter tel ou tel ?

Mme Arlette Franco - Ahurissant !

M. François Liberti - Ils ne veulent pas de votre texte !

Mme Martine Billard - Les études supérieures restent inaccessibles au plus grand nombre car elles coûtent cher. Trop souvent, elles ne tendent qu'à reproduire les élites de la nation et votre projet va encore aggraver la situation en forçant les plus modestes à travailler au « Mac Do » du quartier ou au supermarché pour financer leurs études !

Plusieurs dispositions du texte tendent à fragiliser le statut des assistants d'éducation et, finalement, à reproduire - en les aggravant ! - les lacunes des emplois-jeunes. Ainsi, ils pourront être mis à la disposition de plusieurs établissements, ou même de collectivités territoriales au titre d'activités parascolaires. Corvéables à merci, ils risquent d'être déplacés d'établissement en établissement, au gré des besoins et pour effectuer les tâches les plus variées... Pourquoi ne pas les envoyer en maternelle ou leur faire changer les ampoules ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Veuillez conclure.

Mme Martine Billard - Face à tous ces risques de dérive, comment croire que le nouveau statut permettra aux jeunes de mieux réussir en s'affranchissant des barrières sociales ? Les députés Verts voteront résolument contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Lionnel Luca - Votre projet de loi propose le recrutement d'agents non titulaires pour remplacer progressivement les maîtres d'internat et surveillants d'externat et les aides éducateurs, ces deux catégories de personnels ayant vocation à disparaître. Plus personne ne conteste la nécessité d'adapter le statut des surveillants. Le rapport de l'IGAEN d'avril 1999 est à cet égard des plus explicites : « des obligations de service insuffisamment définies, une qualité d'études poursuivie médiocre, une insertion des intéressés dans le système éducatif par la réussite au concours faible, une insertion professionnelle insuffisante" ». En conclusion, le rapport préconise une refonte urgente du cadre statutaire.

C'est ce que nous faisons aujourd'hui ! Qu'avait fait le gouvernement précédent dans les trois ans qui ont suivi la publication du rapport ? Rien ! Et c'est pour faire oublier votre inaction que vous vous érigez aujourd'hui en gardiens d'un temple à la vérité bien fissuré... Et contrairement à ce que vous affirmez, nombre d'associations d'étudiants sont favorables au projet.

Le rapport précité prônait : un statut unifié, des obligations clairement définies dans le cadre d'un demi-service généralisé et l'obligation de se présenter aux concours de recrutement. Plus incitatif que coercitif, le dispositif qui nous est proposé va dans ce sens.

L'autre dispositif que vous avez condamné à disparaître par votre imprévoyance, c'est celui des aides éducateurs, à travers les emplois-jeunes. Vous porterez seuls la responsabilité de leur mort programmée.

Le 15 septembre 1997, Martine Aubry ne déclarait-elle pas : « il convient d'abord de rechercher la pérennisation et la solvabilité de ces emplois. Cette période de cinq ans doit être mise à profit pour trouver des sources de financement d'origine multiple, propres à pérenniser ces projets : des fonds publics, sans doute, mais aussi des fonds mutualisés, des contributions individuelles, des concours de comités d'entreprises ainsi que des financiers privés. C'est en mettant en _uvre des formules mixtes que l'on pourra promouvoir un développement massif de ces activités nouvelles » ? Or pendant cinq ans, vous vous êtes contentés de recruter sur fonds publics des jeunes - le plus souvent diplômés - dans des emplois de la fonction publique qui n'étaient pas toujours nouveaux et sans leur dispenser la formation qui leur aurait permis de s'intégrer.

C'est tellement vrai que rien n'avait été prévu pour accompagner la fin prévisible du dispositif à l'automne 2002. Vous avez laissé à vos successeurs une véritable bombe à retardement ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Et vos larmes de crocodile n'émeuvent personne car votre seul bilan aura été de créer une fonction publique au rabais et des situations moins enviables encore que celles des anciens maîtres auxiliaires puisqu'assises sur des contrats de droit privé dont vous n'avez même pas prévu les modalités d'assurance chômage. Le Gouvernement actuel a donc été contraint de le prévoir en urgence.

Là encore, le nouveau dispositif va dans le bon sens puisque les assistants d'éducation bénéficieront d'un statut de droit public, comme le réclamaient en vain il y a cinq ans nombre de députés communistes dont M. Gremetz. Le contrat de trois ans sera renouvelable une fois, pour offrir de la stabilité aux établissements comme aux recrues. Les jeunes pourront plus facilement concilier cette activité avec leurs études, grâce au mi-temps, et, si nécessaire, à des bourses. Ils pourront aussi se présenter aux concours de la fonction publique au titre de la troisième voie qui valorise l'expérience acquise.

Le recrutement privilégiera la proximité, les chefs d'établissement recrutant directement, avec le concours, le cas échéant, des collectivités en particulier dans les établissements primaires où il n'y avait pas jusqu'à présent de surveillants.

L'action en faveur des enfants handicapés - priorité affirmée par le Président de la République - sera considérablement améliorée puisque 6 000 assistants d'éducation spécialement formés en seront chargés, contre mille aujourd'hui.

Monsieur le ministre, si la priorité doit être donnée aux étudiants, il ne faut pas s'interdire de recruter des personnes dont le profil peut correspondre aux besoins des établissements : mères de famille - cet état serait-il devenu infamant ? - dans les établissements primaires et, pour les collèges et lycées des quartiers sensibles, retraités des services d'incendie et de secours ou de la police nationale et de la gendarmerie...

Toujours est-il que le dépôt de plus de trois mille amendements pour trois articles est particulièrement dérisoire, en particulier dans les circonstances présentes !

Votre réforme mérite d'être soutenue car elle permettra d'améliorer les conditions de vie dans nos établissements, lesquelles se sont terriblement dégradées au cours des dernières années, sans que ceux qui s'agitent aujourd'hui aient rien fait pour y remédier !

Voilà pourquoi nous sommes à vos côtés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Louis-Joseph Manscour - Député depuis moins d'un an, je suis enseignant depuis plus de trente. C'est dire si je suis au contact de la réalité, n'en déplaise à certains de nos collègues, et singulièrement des réalités de l'éducation nationale outre-mer, marquées par le handicap de l'éloignement.

Comme vous, Monsieur le ministre, je suis convaincu de la nécessité de lutter contre les incivilités, la violence et l'échec scolaire en se dotant de structures de surveillance sensiblement rénovées.

Là où nos chemins se séparent, c'est lorsque vous ne proposez de ne créer que 16 000 postes d'assistants d'éducation, alors que 26 000 postes de MI-SE et d'aides-éducateurs peinent déjà à contenir la situation. A l'évidence, le compte n'y est pas. Peut-on prétendre régler le problème en faisant voter trois articles de loi et en supprimant 10 000 postes ? Personne n'est dupe ! votre réforme a un objet plus budgétaire que social ou fonctionnel ! C'est le ministre du budget qui devrait être parmi nous pour le défendre à votre place !

M. Yves Durand - Absolument !

M. Louis-Joseph Manscour - Le conseil supérieur de l'éducation nationale a émis un avis négatif en janvier, et presque tous les syndicats d'enseignants, de surveillants et les associations de parents ont fait corps contre le texte.

En effet, celui-ci manque totalement de pertinence en proposant des mesures purement administratives, et non des dispositifs éducatifs et préventifs. Vous créez une nouvelle catégorie de non-titulaires sans définir précisément leurs fonctions dans les établissements. Vous supprimez 26 000 postes sous prétexte que le statut juridique des surveillants n'est plus adapté et que les contrats d'emplois-jeunes arrivent à terme. Faites plutôt évoluer ce statut, intégrez les aides éducateurs selon un plan prévisionnel qui tienne compte des départs massifs à la retraite des prochaines années. Comment voulez-vous que les assistants d'éducation fassent mieux en étant deux fois moins nombreux ?

Vous tirez argument d'un rapport d'avril 1999 de l'inspection générale, selon lequel la fonction de surveillant ne favorise pas la réussite dans les études. C'est comparer des étudiants qui n'ont pas besoin de travailler et ceux qui y sont contraints. En fait, ce sont des bourses que vous supprimez. A plein temps, les surveillants actuels travaillent trois jours par semaine. Quelle entreprise privée leur offrira de telles conditions ? Vous allez ainsi empêcher 5 000 d'entre eux de poursuivre leurs études.

Cette réalité est plus dramatique encore aux Antilles, où le taux de chômage est de 28 % et dépasse 50 % pour les moins de 25 ans. La Martinique et la Guadeloupe disposent chacune d'un millier d'aides éducateurs dont l'action éducative et préventive est unanimement reconnue. Vous créerez en Martinique moins de 200 postes d'assistants d'éducation, obligeant les autres jeunes, souvent pères ou mères de famille, à se tourner vers un secteur privé qui ne reconnaît pas leur compétence. Il est à craindre dans ces conditions que la contestation qui existe en Guyane s'étende à l'ensemble des DOM.

Votre volonté de faire « l'école de la réussite » se heurte à l'austérité budgétaire d'un gouvernement qui démantèle le service public au détriment de la formation de notre jeunesse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre-André Périssol - Nos enseignants sont compétents et motivés, l'encadrement des établissements est d'excellente qualité. Aussi avons-nous le devoir de leur donner les moyens de travailler dans la sérénité et la sécurité. Pour cela, il faut que ceux qui les assistent pour assurer l'autorité soient des professionnels efficaces. C'est ce que vous proposez, Monsieur le ministre, avec ce nouveau statut mieux adapté aux besoins et qui assurera une meilleur professionnalisation grâce à la formation et à une meilleure définition des fonctions. Ce faisant, vous dissipez toutes les inquiétudes exprimées à la création des emplois-jeunes. Les étudiants, qui auront priorité pour assurer ces fonctions...

M. Yves Durand - Il n'y a rien de cela dans le texte !

M. Pierre-André Périssol - ...pourront faire de leur engagement un projet.

On reproche souvent à l'éducation nationale une certaine dispersion. Il fallait la recentrer ; c'est ce que vous faites en privilégiant deux fonctions, la surveillance et l'aide aux handicapés. On regrette aussi l'absence de continuité dans les dispositifs, en particulier pour les emplois-jeunes ; vous créez un dispositif pérenne.

C'est pourquoi je suis heurté que des élus anciens enseignants ne fassent ni confiance aux élus, censés seulement exercer des pressions, ni aux chefs d'établissement qui seraient incapables d'y résister (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Durand - C'est un peu facile !

M. Pierre-André Périssol - Pour notre part, nous faisons confiance, et je vous demande à tous de faire confiance, à la communauté éducative, comme aux jeunes qui demain seront assistants d'éducation. Les traiter de « bonnes à tout faire », ce n'est pas bien car ce n'est pas motivant. Enfin, vous ne faites pas confiance au Parlement. Nous avons obtenu du Gouvernement pendant le débat budgétaire l'engagement d'organiser un débat sur l'école au Parlement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En dix ans vous ne l'avez pas fait !

M. Yves Durand - Mais nous ne l'avions pas promis ! Vous promettez et remettez sans cesse !

M. Pierre-André Périssol - Faites donc confiance au Parlement !

Il y avait un problème qui mettait en cause la sécurité des établissements. Messieurs les ministres, rien n'avait été fait avant vous, vous avez agi. Je vois là la volonté du Gouvernement de prendre à bras le corps les problèmes de l'école afin que, demain, elle soit plus efficace (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christophe Masse - Par ces dispositions techniques qui cachent en fait des suppressions d'emplois, vous affaiblissez le service public. De même vous transférez des emplois sans concertation ni réflexion sur la gestion de la fonction publique. Vous traitez avec la même désinvolture enseignants, étudiants, parents d'élèves, tous opposés au projet. La confiance qu'on vient de nous demander, la communauté éducative ne l'a pas de la part de ce Gouvernement !

Vous refusez le débat sur l'éducation nationale. Mais nous allons instruire le procès du démantèlement du service public et d'une politique d'égalité dans l'éducation (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Il faut mener une lutte de tous les instants contre la violence scolaire ; or vous supprimez 5 600 postes de surveillants et 20 000 postes d'aides éducateurs, ce qui laisse, après l'embauche de 16 000 assistants d'éducation, près de 10 000 postes en moins, sans compter le non-remplacement de 8 000 aides éducateurs qui quitteront leur poste en cours d'année. Vous devez être fâché avec l'arithmétique, pour parler tout de même de création d'emplois...

Le texte ne donne, en outre, aucune précision sur la priorité à l'embauche donnée aux étudiants, ni sur les conditions de recrutement par les établissements, qui peuvent créer entre eux une concurrence inopportune, au détriment de l'encadrement des assistants d'éducation qui deviendraient effectivement, comme cela a été dit, des « bonniches » de l'éducation. Parmi leurs missions, vous oubliez complètement le rôle de médiation et de soutien à la cohésion sociale que jouent actuellement les aides éducateurs. Un établissement n'est pas une entreprise à rentabiliser : le chef d'établissement doit être le moteur d'une éducation républicaine, laïque, performante dans le respect de la mixité sociale.

La contestation est unanime, votre projet à l'évidence inopportun- vous expliquerez sans doute le contraire dans une de ces émissions littéraires dont vous êtres friand (Murmures sur les bancs du groupe UMP). La démocratie mérite plus de rigueur, surtout lorsqu'il s'agit de la réussite scolaire, qui dépend du travail commun de l'équipe éducative.

Vous parlez de pérennisation ; c'est la pénurie que vous pérennisez. Vous stigmatisez toutes les approches socio-éducatives ; vous osez, le premier dans votre famille politique, mettre en concurrence les établissements, Vous allez ainsi contribuer au démantèlement du service public de l'éducation, qui devrait rester le principal outil d'humanisation de notre société. C'est tout ce que l'histoire retiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Je remercie le rapporteur pour son excellentissime travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ainsi que les orateurs de la majorité, qui ont défendu ce projet avec talent.

Quand les emplois-jeunes ont été créés, tous les syndicats y étaient hostiles : il faut le rappeler. Qu'une réforme rencontre une certaine hostilité ne signifie pas qu'il ne faille rien faire...

Nous avions le choix entre trois possibilités. La première consistait justement à ne rien réformer. A cet égard, je veux remercier les orateurs de l'opposition d'avoir au moins admis que les dispositifs actuels n'étaient pas bons (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La deuxième possibilité était de revenir au statu quo ante. Pour des raisons budgétaires, l'héritage étant extrêmement lourd (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), nous aurions pu prendre acte de la fin des emplois-jeunes, programmée d'ailleurs par le gouvernement de Lionel Jospin.

Nous avons retenu la troisième possibilité : pérenniser les missions importantes des emplois-jeunes au sein d'un système de contrats de droit public. Vous conviendrez avec moi que ce passage du droit privé au droit public constitue un réel progrès.

Il fallait trouver un compromis. C'est ce que nous avons fait, et je remercie les députés de la majorité de l'avoir compris (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Néri - Nous voilà éclairés !

La séance, suspendue à 23 heures 35, est reprise à 23 heures 40.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains, une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Patrick Braouezec - J'aurais pu écourter mon propos si le Gouvernement avait répondu aux questions que nous avons posées. Il ne l'a pas fait et je reprendrai donc les arguments de certains de mes collègues.

Ce projet, préparé à la hâte et sans concertation, risque d'avoir des conséquences graves sur la situation de l'emploi et plus directement sur l'encadrement éducatif.

La discussion budgétaire avait clairement montré que l'éducation cessait d'être une priorité pour le Gouvernement ; ce texte le confirme de manière évidente. La lutte contre le chômage ne figure pas davantage au rang des premières préoccupations du Gouvernement. Contrairement à ce qu'a affirmé récemment le Premier ministre, vous faites objectivement des économies sur le dos de l'emploi.

Ce projet de loi est un véritable plan de licenciement, préparé et défendu par le Gouvernement. Vous vous proposez de faire avaliser par la représentation nationale la suppression de 9 600 emplois. C'est l'équivalent de trois plans de licenciement d'Air Lib ou plus de dix fois Metaleurop et ses fameux « patrons voyous ». On connaissait « les plans sociaux », euphémisme concocté par les communicants du patronat ; avec votre « projet relatif aux assistants d'éducation », le Gouvernement va plus loin encore.

Les chiffres sont pourtant indiscutables. Le Gouvernement annonce le remplacement de 6 500 MI-SE et de 20 000 aides éducateurs par 16 000 assistants d'éducation.

M. Alain Néri - Voilà qui est clair !

M. Patrick Braouezec - Ainsi, 10 000 emplois manqueront à l'appel de la rentrée de septembre. Pire, le projet n'ouvre aucune perspective pour les rentrées suivantes !

Ce plan massif de licenciements survient alors que la situation de l'emploi se dégrade fortement depuis plus d'un an.

Je veux revenir sur l'impact positif des emplois-jeunes, dont votre gouvernement a annoncé la disparition. Après des années de traitement social du chômage et de réduction du coût du travail, ce dispositif a été l'amorce d'une reconquête. Aussi, lors de la discussion du projet en 1997 et depuis son adoption, les députés communistes ont-ils cherché à le conforter et à le pérenniser.

Le renvoi en commission permettrait de débattre au fond de cette ambition. C'est aussi le sens de nos amendements sur la validation des acquis des emplois-jeunes. C'est encore l'esprit de celui qui tend à financer la pérennisation des emplois-jeunes auprès des collectivités locales par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.

L'abandon unilatéral par l'Etat du dispositif des emplois-jeunes équivaut à un plan de licenciement par procuration et ne fera qu'aggraver les inégalités entre collectivités riches et pauvres. Cette décision augure très mal de la nouvelle étape de décentralisation annoncée.

Nos amendements visant à la pérennisation des emplois-jeunes ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Ils la finançaient pourtant au moyen d'un accroissement de l'impôt de solidarité sur la fortune et de la suppression de la réduction d'impôt accordée aux plus hauts revenus. Par cette motion de renvoi en commission, nous voulons permettre l'examen au fond de ces propositions. Le rejet de nos amendements est d'autant plus contestable que nous avions fait le choix d'en déposer seulement une vingtaine, concentrant l'essentiel de nos arguments.

Grâce aux emplois-jeunes, des milliers de jeunes ont pu accéder à un premier emploi. Ils y ont gagné en autonomie et ont pu à cette occasion se procurer un logement indépendant, voire fonder un foyer. Les répercussions ont été positives pour l'ensemble de la société et le dispositif a fonctionné comme un investissement, aux effets démultipliés sur la consommation, l'optimisme des ménages et la demande intérieure, qui explique pour une bonne part que de 1997 à 2001, l'économie française se soit mieux comportée que celle de la plupart de ses voisins européens. C'est ce cercle vertueux que le Gouvernement a décidé de casser en s'en remettant, par pure idéologie libérale, au seul secteur marchand pour réduire le chômage. Au nom du dogme de la non-augmentation de l'emploi public, il refuse toute pérennisation des emplois-jeunes, alors que les aides-éducateurs remplissent une mission de service public au sein d'un service public.

Après moins d'un an, le premier bilan de cette politique libérale est d'ores et déjà très négatif. Le Gouvernement entendait « libérer les énergies », mais à ce jour, la seule « énergie libérée » par le Gouvernement est celle des mises à la porte et des licenciements massifs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nadine Morano - N'importe quoi !

M. Patrick Braouezec - Le plan des « contrats-jeunes en entreprises » participe de cette logique dépressive qui voit dans le travail un simple coût à réduire par tous les moyens, plutôt que la source unique de la valeur en économie et de la demande qui soutient l'activité. Il nous faut redire notre opposition à ce dispositif qui va créer un nouvel effet d'aubaine et qui ne comporte aucune obligation de formation pour les employeurs. Il s'agit en outre d'une dérégulation supplémentaire du marché de l'emploi, au détriment des chômeurs plus âgés. Le projet du Gouvernement pour toute une partie de la jeunesse est le même que celui du Medef. Il se limite à des emplois payés au SMIC, sans possibilité de formation, et qui ne participent pas au financement de la protection sociale.

Le chômage de masse, notamment celui des moins de vingt-cinq ans, demeure une réalité dramatique de la société française. En mai 1994, sous le gouvernement de M. Balladur, il atteignait le taux de 29 %, triste record battu en décembre 1996 par le gouvernement de M. Juppé, avec un taux de 29,6 %. La même politique de déflation produit immanquablement les mêmes effets (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Ce taux est redescendu à 19,6 % de novembre 2000 à avril 2001, sous l'effet du dispositif des emplois-jeunes et de la réduction du temps de travail, mais la dégradation que nous constatons actuellement sera accentuée par la fin du dispositif des emplois-jeunes et l'on peut hélas craindre que M. Raffarin se rapproche demain des taux records précédents...

Face à cette aggravation du chômage, le Gouvernement n'a pas de politique. Pour masquer les dégâts, il vient de renouer avec les outils de traitement social du chômage, en particulier les CES dont le nombre passera de 160 000 à 240 000. Ces emplois, le plus souvent à temps partiel imposé, offrent une rémunération inférieure au SMIC. Ils institutionnalisent la précarité et créent, par la volonté publique, une catégorie de travailleurs pauvres. D'ailleurs, M. Fillon a lui-même déclaré au Parisien qu'il n'était pas pour les CES, « mesure typiquement faite pour baisser les statistiques du chômage ».

Quant au plan de 300 millions d'euros annoncé pour parer au plus pressé, il se réduit en réalité à 132 millions, si l'on tient compte de la suppression de 168 millions d'euros de crédits, dans le budget du ministère du travail. Ces coupes touchent notamment des actions de formation professionnelle, des subventions à l'ANPE et des emplois-jeunes non remplacés.

Alors que la conjoncture et les effets négatifs de la guerre illégale conduite par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne rendent plus que jamais nécessaires le soutien à l'activité et la pérennisation du cercle vertueux enclenché par le dispositif des emplois-jeunes, le Gouvernement se comporte en véritable pyromane et rien n'est fait pour conjurer le risque de récession qui menace.

J'en viens maintenant au projet qui nous est présenté aujourd'hui. Sous couvert d'harmonisation de la fonction de surveillance, il diminue considérablement les effectifs. Actuellement, un peu moins de 90 000 jeunes assurent les fonctions d'accueil et de surveillance. A la rentrée 2003, 5 600 postes de MI-SE et 20 000 postes d'aides éducateurs seront supprimés. Ces 25 600 personnes assurant les fonctions d'encadrement dans les établissements scolaires seront remplacées par 16 000 assistants d'éducation. La perte se chiffre donc à 9 600 postes.

Or, le Gouvernement affirme avec aplomb qu'il va faire mieux avec moins. Plusieurs milliers d'adultes vont disparaître des cours de récréation, des couloirs, des salles de classes, des permanences et le ministre nous explique qu'il y aura plus de surveillants et même six fois plus de personnels pour accompagner la scolarisation des enfants handicapés ! Nous quittons là les règles de l'arithmétique pour celles de la magie...

Ce qui est proposé n'est pas une réforme, mais bien la suppression pure et simple du dispositif des aides-éducateurs. Le minimum serait que le Gouvernement reconnaisse que leur disparition se traduira par une dégradation de l'encadrement éducatif. Ne pas le faire trahit un mépris complet pour le travail accompli durant cinq ans.

La suppression de ces 9 600 postes est menée au nom d'une prétendue amélioration du coût-efficacité. Mais au moment où se posent de nombreux problèmes de violence et, ou les élèves, les personnels et les enseignants sont soumis à de nombreuses pressions extérieures à l'école, il me semble qu'il faudrait au contraire assurer de vrais services de surveillance et d'encadrement, afin que les conditions de travail dans les établissements scolaires permettent à chaque élève de suivre son cursus dans un cadre serein. Cela suppose une présence adulte renforcée, mais aussi une disponibilité accrue de ces adultes chargés de l'accueil.

Un chiffre devrait nous faire réfléchir : les élèves représentent 86 % des victimes d'agressions physiques dans les collèges et les lycées. Est-ce en réduisant les postes de surveillance que l'on améliorera cette situation ?

A y regarder de plus près, la volonté qui s'exprime est de réduire les services dus aux citoyens. Lorsque je parle de services, je pense à ceux qui assurent la construction sociale et qui fondent le contrat social. Je reprendrai à ce sujet les termes du président de la FCPE qui s'inquiète de la politique de rigueur frappant l'éducation et la formation, alors que l'une et l'autre « ne devraient pas être perçues comme une charge mais bien comme un investissement pour l'avenir ». Comment un pays peut-il en arriver à considérer l'éducation comme une charge ? Aujourd'hui, c'est la fonction d'accueil et de surveillance qui est remise en cause pour des raisons de coût, mais demain ce seront peut-être les services d'enseignement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Cela n'a-t-il d'ailleurs pas déjà commencé puisque, pour la rentrée prochaine il est prévu, dans le premier degré d'embaucher 12 000 enseignants, alors que l'on sait d'ores et déjà qu'il y aura 16 200 départs à la retraite ?

Cette réduction que l'on tente de nous faire passer pour une amélioration des services n'est en fait rien d'autre qu'une soumission progressive au marché de l'ensemble des services publics, et ce en réponse aux demandes expresses de Bruxelles, qui désire que les dépenses budgétaires soient réduites et que les entreprises publiques soient ouvertes à la concurrence et à terme privatisées.

La fonction de surveillance tendra à devenir un « commerce » et devra, dans ce cadre-là, répondre aux exigences de la libéralisation progressive afin, selon la doctrine de l'OMC, « de promouvoir la croissance économique de tous les partenaires commerciaux ».

Cette tentation de commercialiser les services de surveillance peut constituer le premier pas dans la voie de la privatisation de notre système éducatif (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

La suppression de ces 9 600 postes a aussi pour conséquences deux changements, dont l'un concerne les missions et l'autre le statut. Des missions de surveillance, d'écoute et d'accueil, on passe aux missions « d'assistance éducative, d'encadrement et de surveillance », mais aussi, en cas de mise à disposition des collectivités territoriales, « d'animation dans le cadre d'activités à caractère culturel, sportif, social ou socio-éducatif ».

A ce titre, il faut s'inquiéter du financement des assistants d'éducation. La notion de cofinancement avec les collectivités locales ouvre la voie à de graves inégalités territoriales. Nous sommes à la veille d'un nouveau transfert de charges non financé.

Le manque total de définition de l'assistance éducative pose un vrai problème, car ce concept peut recouvrir de nombreux champs. En droit privé, il s'agit d'un « ensemble de mesures pouvant être prises en charge par le juge des enfants, lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont gravement compromises ». Dans le cadre de l'éducation nationale, l'assistance éducative recouvre sans doute un ensemble de mesures, mais lesquelles ? Qui en prendra la décision ? Le rapport de la commission se contente de préciser « les fonctions susceptibles d'être exercées feront l'objet d'une énumération par voie de circulaire ».

Lors de la table ronde du 27 novembre 2002, vous avez déclaré que ces missions seraient « larges et diversifiées ». C'est bien ce qui nous inquiète : un tel éparpillement nuira à la qualité du service.

On ne peut guère conclure de ce flou que l'assistant éducateur sera capable de répondre à tout moment, en toutes circonstances, à toutes demandes ou exigences de l'administration ou du personnel enseignant. On comprend mal comment le rapport peut affirmer - page 23 - qu'il s'agit d'une « synthèse ambitieuse des atouts respectifs de chacun des deux dispositifs qu'il a vocation à remplacer »...

Cette diversification recouvre des missions de nature très différente - accueil, encadrement, surveillance, aide à des activités scolaires et périscolaires - qui supposent une qualification professionnelle. Elle pose aussi la question de l'interprétation que le chef d'établissement peut en donner. Pour les besoins spécifiques d'un établissement, l'assistant éducateur pourrait ainsi se voir confier des fonctions autres que celles de surveillance et d'aide à la scolarisation des handicapés, puisque le texte « procure aux établissements les moyens d'assurer l'encadrement des élèves dans des conditions adaptées au contexte ».

Qui garantira la priorité des fonctions de surveillance, décidera du meilleur encadrement des élèves ou tiendra compte des spécificités du contexte ? On touche là à un des amendements de fond rejetés par la commission, et qui proposait le recrutement des assistants d'éducation par le rectorat au lieu du chef d'établissement ; on ne peut en effet exclure les dérives si le système dépend d'une seule personne.

Admettons qu'une personne possédant de réelles compétences d'accueil et d'écoute ne puisse répondre à des demandes « d'assistance polyvalente souple » parce qu'elle juge que le contexte lui impose de se concentrer sur une seule partie de ses tâches. Se verra-t-elle blâmée, évincée, voire licenciée au profit d'une autre faisant preuve de davantage de souplesse, mais moins soucieuse des véritables finalités de ses missions ?

On peut ainsi craindre que les critères de jugement, laissés à l'appréciation de l'équipe administrative et plus particulièrement du chef d'établissement, lequel assurera ainsi de facto la fonction d'employeur, n'entraînent des dérives. Le recrutement effectué à l'échelle nationale par le rectorat évitait précisément qu'une seule personne se retrouve dans le statut de patron « disposant tout au long de l'année de personnels polyvalents pour assister l'équipe éducative, assurer l'encadrement et la surveillance des élèves, aider à l'intégration des enfants handicapés ». Cette mise à disposition peut certes répondre aux attentes des établissements, mais répond-elle aux besoins des jeunes ? Le système éducatif doit-il privilégier les demandes des chefs d'établissements ou la formation des élèves ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Je redoute que sous couvert de polyvalence et de souplesse, la fonction se réduise bien à celle de « bonne à tout faire ». Vous avez répondu cet après-midi que vous préfériez les « bonnes à tout faire » aux « bons à rien ». Mais on peut aussi passer du statut de « bonne à tout faire » à celui de « bon à rien » par découragement... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) On ne peut s'empêcher de penser à la façon dont le Gouvernement affirme régler le problème de l'insécurité par l'embauche de 10 000 gardiens de prison supplémentaires.

Pour répondre au problème de l'éducation, il supprime, en revanche, 9 600 postes. Inutile de poursuivre... Ouvrir des prisons est plus facile que de les fermer ou de privilégier l'accès à l'éducation.

M. Alain Néri - Victor Hugo l'avait dit !

M. Patrick Braouezec - Victor Hugo, j'allais le dire, en frémirait.

L'exposé des motifs précise que « les deux catégories de personnels dont le remplacement est envisagé correspondent à des dispositifs qui ne peuvent être maintenus en l'état », entre autres parce que la fonction des surveillants d'externat et des maîtres d'internat « ne répond plus complètement aux besoins de surveillance ». Si tel est le cas, ne vaut-il pas mieux enrichir ces fonctions en tenant compte des besoins de surveillance qui s'expriment aujourd'hui, d'autant que les aides éducateurs recrutés en emplois-jeunes ont su répondre à des besoins nouveaux ? Pourquoi donc refuser leur professionnalisation et leur titularisation ? La création d'assistants d'éducation sur des critères aussi flous ne répondra pas mieux à ces nouveaux « besoins de surveillance ».

Venons-en au statut de ces assistants éducateurs. L'accès à l'emploi est très flou : il est ouvert à toutes les personnes âgées de plus de vingt ans, alors que le statut des surveillants d'externat et maîtres d'internat privilégiait les étudiants que leurs familles ne pouvaient aider dans leurs études. De plus, ces emplois, attribués après obtention du baccalauréat, sur des critères sociaux, concouraient à démocratiser l'enseignement supérieur.

Les critères d'emploi des assistants d'éducation ne répondent pas aux mêmes préoccupations. Aucun critère de qualification n'est retenu, les critères sociaux sont écartés au bénéfice d'un recrutement de proximité. On ouvre la voie au clientélisme, à la flexibilité.

M. le Rapporteur - C'est excessif !

M. Patrick Braouezec - Les critères échappent au caractère contractuel et peuvent varier selon les besoins. La flexibilité est renforcée par le projet de loi, qui précise que l'assistant éducateur « peut être amené à exercer ses fonctions dans un ou plusieurs établissements scolaires avec, en outre, une mise à disposition des collectivités territoriales dans le cadre des activités sportives et culturelles complémentaires qu'elles organisent dans les établissements scolaires, pendant leurs heures d'ouverture ».

Permettre d'employer un assistant d'éducation sur plusieurs établissements témoigne de la volonté du Gouvernement de gérer les problèmes a minima. Cette règle, déjà en vigueur pour certains personnels enseignants et les maîtres de demi-pension, s'applique en effet à leur détriment. Il n'est tenu compte ni du problème de la coordination entre établissements, ni de la gestion des emplois du temps, ni - et c'est encore plus vrai pour le personnel de surveillance - de la spécificité des établissements et des publics scolaires.

Cette précarité est encore renforcée par le fait que les assistants d'éducation sont recrutés sur la base de CDD de trois ans, renouvelables une seule fois. Ils pourront même se voir refuser le renouvellement de leur contrat, sans aucune raison : peu importe qu'ils soient ou non en cours d'études !

Le recrutement local signifie également que le travail ne sera plus évalué par une commission paritaire mais par le seul chef d'établissement, seul apte à décider du renouvellement du contrat.

Une telle précarisation ne permet pas de s'inscrire dans un projet de vie à long terme. Ce contrairement aux actuels surveillants d'externat et maîtres d'internat, recrutés pour une durée de sept ans, qui leur assure un emploi jusqu'à la fin de leurs études, les assistants d'éducation ne bénéficieront plus de cette sécurité.

Les garanties offertes aux surveillants pour les jours de préparation aux examens ne sont pas non plus précisées pour les assistants d'éducation. Le recrutement étant local, il n'existe aucune garantie d'égalité de recrutement. De même, la possibilité de mutation des surveillants et maîtres d'internat appelés à poursuivre leurs études dans une autre région disparaît pour les assistants d'éducation.

Les étudiants ne se verront plus proposer que 17 heures par semaine, ce qui diminue sévèrement leurs revenus. Vos assurances sur la priorité accordée aux étudiants boursiers ne figurent pas dans le texte. Elles contredisent d'ailleurs d'autres déclarations qui ouvraient le recrutement à des mères de famille ou à des militaires en retraite. Les horaires de service seront calculés sur la base de 35 heures hebdomadaires sur une durée de 46 semaines, au lieu de 34 pour les maîtres d'internat et 28 pour les surveillants d'externat sur 37 semaines. Le chef d'établissement sera sans doute tenté d'embaucher un « plein temps » non étudiant plutôt qu'un étudiant à mi-temps. C'est donc le flou le plus complet qui régnera.

L'article 3 dispose que « les établissements scolaires d'enseignement scolaire adhèrent à l'assurance chômage pour permettre l'indemnisation des assistants d'éducation privés d'emploi ». Ce point renvoie au fait que le recrutement est laissé à la seule appréciation du chef d'établissement. Rien ne vient régir les mesures de licenciement, tant sur le plan de la législation du travail que sur le plan social.

Ce nouveau cadre juridique ne cadre en fait rien, si ce n'est le souhait du Gouvernement de déshabiller Pierre - l'éducation - pour habiller Paul - les prisons. Il ne favorise que la flexibilité, accroît la mobilité, réduit et dévoie les missions de surveillance, offre des salaires inférieurs, et ce, sans garantir le droit au travail.

S'il est un domaine qui a besoin de réformes de qualité, c'est pourtant bien celui de l'éducation. En se comportant comme un patron licencieur, le Gouvernement fait peu de cas de ce que représentent les jeunes pour l'avenir de notre pays... C'est là encore faire un choix politique qui creuse les inégalités sociales, dont les premières victimes sont les jeunes scolarisés, mais aussi ceux qui veulent, tout en travaillant, poursuivre leurs études ou ceux qui désirent, avec ce premier emploi, acquérir une expérience professionnelle valorisante.

Ce projet de loi n'est rien d'autre qu'un plan de licenciement portant sur près de 10 000 emplois. Il aurait de graves conséquences sur le système éducatif dès la rentrée prochaine et accentuerait les inégalités dans l'accès aux études. Il a été rejeté par le Conseil supérieur de l'éducation et suscite l'opposition quasi-unanime des enseignants, des étudiants et des parents d'élèves. Il est le fruit d'une politique fiscale inégalitaire délibérée que nous devons examiner au fond. Aussi les députés communistes vous demandent-ils de voter la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Je salue le travail de synthèse que vous avez accompli avec talent. J'observe néanmoins, sans vouloir être désobligeant, que vous n'avez pas avancé d'arguments nouveaux par rapport à la discussion de cet après-midi. Aussi n'y répondrai-je pas point par point.

J'appelle votre attention sur un point important, qui n'a été abordé par aucun de vos amis. Les deux dernières années ont vu augmenter, dans nos établissements, le nombre d'incidents graves. 81 600 ont été enregistrés en 2002, et encore cette statistique ne couvre-t-elle que 75 % des établissements et la moitié de l'année... Les causes de ces actes de violence, vous en conviendrez, n'ont aucun rapport avec la question des surveillants. Je comprends certes qu'on réclame davantage de surveillants, et c'est pourquoi ils seront plus nombreux à la rentrée 2003 qu'à celle de 2002. Cela n'a rien de contradictoire avec le fait qu'il y ait moins d'adultes dans les établissements (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Durand - Et voilà !

M. le Ministre - Monsieur Durand, même un enfant de quatre ans pourrait comprendre qu'il puisse y avoir moins d'adultes et plus de surveillants (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Durand - Votre attitude est intolérable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Ministre - Il faudra bien un jour mener une réflexion sur les causes de la violence. On ne peut pas mettre un surveillant derrière chaque élève, et même si on le faisait, cela n'agirait pas sur les causes du problème. Il faudra pourtant bien le faire, pour réduire l'insécurité dans les établissements et surtout autour (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Evitons, s'il vous plaît, les mises en cause personnelles (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Chacun s'accorde sur l'importance du rôle des aides-éducateurs : il n'est pas contestable qu'ils ont su s'intégrer dans la vie scolaire. Mais la grande différence entre notre dispositif et celui du gouvernement précédent, Jack Lang lui-même l'a rappelé, est que les aides-éducateurs n'avaient pas vocation à être pérennisés, alors que nous proposons de le faire pour les assistants d'éducation, même si leur nombre est moins élevé - un emploi du temps mieux adapté et des recrutements de proximité permettant de répondre aux besoins des établissements.

Je remercie M. Braouezec et son groupe de n'avoir déposé que vingt amendements. Ils ont été examinés avec le plus grand sérieux, ainsi que tous les autres, bien sûr, même si certains ont dû être regroupés par thèmes du fait de leur grand nombre. Je conclus donc que le renvoi en commission n'est pas nécessaire et vous demande de voter contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. Olivier Jardé - Le groupe UDF considère que ce texte a fait l'objet d'un étude suffisante, en quantité comme en qualité. Il votera donc contre le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Durand - A cette heure, et à la fin de la discussion, je ne ferai pas de rappel au Règlement, et ne demanderai pas de suspension de séance. Je veux cependant dire combien je suis scandalisé de la manière dont je viens d'être personnellement mis en cause par Monsieur le ministre (Protestations sur les sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous sommes en désaccord et nous exprimons nos opinions de manière parfois un peu vive, parce que l'école nous passionne, les uns comme les autres...

M. Richard Mallié - Il faut y retourner ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Durand - Ce n'est pas pour cela que nous devons être assimilés à des enfants de quatre ans ! Un député ne doit pas être traité comme cela par un ministre de la République, et je vous demande, Monsieur le Président, d'en prendre acte.

M. le Président - J'ai demandé à chacun d'éviter les attaques personnelles.

Plusieurs députés UMP - Il n'y en a pas eu !

M. le Président - Je vous prie d'arrêter. Il ne sert à rien d'entrer dans ce genre de polémique. L'incident est clos.

M. Yves Durand - Monsieur le président, je vous remercie et je porte témoignage de votre grande impartialité (« Très bien ! » sur plusieurs bancs).

En ce qui concerne le renvoi en commission, il faut noter que le Gouvernement n'a donné aucune explication : il a parlé seulement dix minutes avant la discussion générale, dit quelques mots à la fin de celle-ci et après chaque motion de procédure, mais n'a apporté aucune réponse aux questions que les défenseurs de ces trois motions ont posées - dans des termes d'ailleurs presque identiques parfois.

Monsieur le ministre, ce n'est pas une attaque personnelle, vous ne dites pas tout à fait la vérité sur un certain nombre de points. Ainsi, jamais nous n'avons dit que les dispositifs des MI-SE et des aides-éducateurs étaient mauvais : nous avons dit qu'ils étaient inadaptés et qu'il fallait les faire évoluer, mais non pas les supprimer ! Quant aux emplois-jeunes, à aucun moment les aides-éducateurs n'ont été critiqués par l'ensemble des syndicats. Un certain nombre étaient totalement pour, un était contre et deux émettaient des réserves tout en en approuvant le principe. Vous avez donc présenté les choses de manière pour le moins caricaturale.

Toutes ces imprécisions m'amènent à demander, au nom du groupe socialiste, le vote de la motion de renvoi en commission. Ce texte a été bâclé et il est nécessaire de l'étudier à nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Frédéric Reiss - L'UMP ne soutient pas cette motion. M. Braouezec a engagé, ainsi que beaucoup d'autres orateurs de la gauche, une querelle de chiffres. Une seule chose est sûre, c'est qu'à la prochaine rentrée 82 000 jeunes adultes seront en poste, et c'est une bonne nouvelle. Le ministre a clairement indiqué, entre ne rien faire, le statu quo ante et la réforme, la solution qu'il choisissait.

Je ne vois pas en quoi la fonction de surveillant va devenir un commerce. Les assistants d'éducation ne seront probablement pas la panacée, compte tenu de tous les problèmes qui se posent au système éducatif, mais ils contribueront au moins à établir la confiance entre l'équipe éducative et les élèves. On nous reproche sans cesse de refuser la titularisation des emplois jeunes. Que la gauche ne l'a-t-elle fait ! Il est vrai que la majorité des enseignants s'étaient offusqués, à l'entrée des emplois-jeunes dans leurs établissements, du fait que ces derniers n'avaient reçu aucune formation pédagogique...

Peut-on laisser entendre que tous les enseignants seraient aujourd'hui du côté de la gauche ? La réalité est bien différente, et j'en ai rencontré qui ne sont guère d'accord avec la politique qu'a menée le gouvernement Jospin.

M. Pierre Cohen - En ce qui vous concerne, ils sont unanimes !

M. Frédéric Reiss - Le dispositif qui nous est proposé apporte des solutions nouvelles à nos établissements. Le renvoi en commission n'est pas justifié, et le groupe UMP votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Patrick Braouezec - Personne n'a de leçon à recevoir de qui que ce soit, et je ne me fais guère d'illusions sur l'état d'esprit des enseignants, y compris vis-à-vis de la gauche. Ils attendent tous un système éducatif qui réponde aux besoins des élèves. Il ne s'agit donc pas d'une querelle de chiffres, mais de faits faciles à vérifier.

La réponse du ministre m'a beaucoup inquiété. Il nous a dit qu'il y aurait plus de surveillants et moins d'adultes, et par ailleurs qu'il faudrait traiter les causes de la violence à l'école - à supposer qu'elle soit aussi forte qu'on l'entend. Mais plus de surveillants et moins d'adultes, cela veut dire moins d'enseignants, ou moins de personnel. Or, les assistantes sociales, les infirmiers, les conseillers d'orientation, tous aptes justement à traiter les causes de la violence, font déjà défaut dans nos établissements. Ce sont eux d'ailleurs qui ont été les plus nombreux dans les manifestations, tant ils sont inquiets quant à leur avenir.

Nous soulevons ici, en fait, la question que vous voulez masquer : combien d'adultes compterons-nous demain dans les établissements scolaires ? Au lycée Paul-Eluard, de Saint-Denis, dans un contexte que chacun s'accordera à trouver difficile, il y a aujourd'hui moitié moins d'adultes qu'il y a vingt-cinq ans ; voilà qui laisse à réfléchir sur l'encadrement que notre système offre à nos enfants...

A la majorité de 87 voix contre 27 sur 114 votants et suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à minuit trente.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 26 MARS 2003

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion de la proposition de résolution (n° 613) de MM. Jean-Louis DEBRÉ, Jacques BARROT, Jean-Marc AYRAULT, Hervé MORIN et Alain BOCQUET tendant à compléter le Règlement de l'Assemblée nationale et à modifier ses articles 14, 50, 65, 91, 104 et 128.

M. Pascal CLÉMENT, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 698).

3. Suite de la discussion du projet de loi (n° 640) relatif aux assistants d'éducation.

M. Jean-Marie GEVEAUX, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 694).

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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