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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 77ème jour de séance, 187ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 8 AVRIL 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      DEMANDE DE NOUVELLE DÉLIBÉRATION
      D'UN PROJET DE LOI ET RENVOI
      DE CE PROJET EN COMMISSION 2

      REQUÊTE EN CONTESTATION
      D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES 2

      DÉBAT SUR LA MAÎTRISE DES
      DÉPENSES PUBLIQUES 2

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 30

      DÉBAT SUR LA MAÎTRISE DES
      DÉPENSES PUBLIQUES (suite) 30

      NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE 32

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 32

La séance est ouverte à neuf heures.

DEMANDE DE NOUVELLE DÉLIBÉRATION D'UN PROJET DE LOI
ET RENVOI DE CE PROJET EN COMMISSION

M. le Président - M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre communication du décret du 4 avril 2003 par lequel M. le Président de la République demande au Parlement une nouvelle délibération de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseils régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques. Ce décret a été publié au Journal officiel du 5 avril 2003.

Acte est donné de cette communication.

Aux termes de l'article 116 du Règlement, l'Assemblée doit être consultée pour savoir si elle désire renvoyer ce texte à une commission autre que celle qui a été précédemment saisie de la loi concernée. Il lui appartient aussi de fixer le délai dans lequel cette commission devra statuer.

Je propose que le texte soit renvoyé à la commission des lois, qui avait eu à en connaître, et que cette commission soit invitée à statuer avant la prochaine séance, conformément à l'ordre du jour arrêté par le Gouvernement.

Il n'y a pas d'opposition ?

M. Didier Migaud - Il pourrait y avoir des réserves... (Sourires)

M. le Président - Je vous demande si vous avez des oppositions. Il n'y en a pas ?

Il en est ainsi décidé.

Je rappelle qu'il sera procédé à la nouvelle délibération cet après-midi, après l'éloge funèbre de M. Jean-Marc Chavanne.

REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

M. le Président - J'ai reçu du Conseil constitutionnel communication d'une requête en contestation d'opérations électorales, en application de l'article L.O. 181 du code électoral.

Cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

DÉBAT SUR LA MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES

L'ordre du jour appelle un débat sur la maîtrise des dépenses publiques.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - De 1990 à 2002, la dépense publique d'Etat est passée, à structure constante, de 200 à 300 milliards d'euros. Cette envolée, la plus rapide de notre histoire budgétaire, ne pose pas que des problèmes quantitatifs, car la dépense est devenue de plus en plus rigide, et sa maîtrise, donc, de plus en plus difficile. Ainsi, l'agrégat « dépenses de personnels et intérêts de la dette », qui représentait 45 % du budget en 1990, en représente aujourd'hui plus de 50 % ; les effectifs de la fonction publique sont passés de 1,6 à 2,3 millions au cours de la même période ; l'investissement a été ramené de 15 % à 10 % ; les déficits se sont creusés : 14 milliards d'euros en 1990, 49 milliards en 2002.

Mais, entre ces deux dates, il faut distinguer deux périodes. La première, de 1993 à 1997, a été marquée par une véritable volonté de réduction du déficit : le déficit potentiel était, en 1993, de 52 milliards d'euros ; le déficit exécuté en 1997 n'était plus que de 41 milliards d'euros. En revanche, la seconde période, de 1998 à 2002, n'a connu, malgré une croissance exceptionnelle pendant presque quatre ans, qu'une faible réduction du déficit qui, dès 2001, a augmenté à nouveau, sous l'effet notamment d'une forte augmentation des dépenses : 35 heures, CMU, recrutements supplémentaires dans la fonction publique.

Sans une volonté politique ferme, il est impossible de maîtriser la dépense publique, et toutes les procédures d'évaluation, de contrôle, de comptabilité, de mesures d'efficacité, toutes les lois organiques du monde n'y pourront rien ; la précédente majorité en a fourni l'éclatante démonstration.

M. Didier Migaud - C'est injuste !

M. le Rapporteur général - Début 1999, Laurent Fabius, président de notre Assemblée et Didier Migaud, rapporteur général du budget, publiaient un rapport intitulé « Contrôler réellement pour dépenser mieux et prélever moins ». Un an plus tard, Laurent Fabius prenait la responsabilité de Bercy.

Le résultat de cette initiative est pour le moins contrasté : d'un côté, un travail de méthode remarquable, qui a abouti au vote de la loi organique sur les lois de finances - et je salue le rôle décisif, aux côtés de M. Didier Migaud, de M. Alain Lambert, alors président de la commission des finances du Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) ; de l'autre, une véritable négation de ce travail, par l'explosion de la dépense publique, par la multiplication des artifices budgétaires et des bombes financières à retardement - qu'ont révélés, à la suite d'un changement de majorité, l'audit financier puis le collectif de juillet.

La prime de Noël a ainsi été budgétée trois fois en collectif, puisqu'elle n'avait été prévue ni en 2000, ni en 2001, ni en 2002. De même a-t-on créé l'APA sans prévoir le moindre financement.

Ce gouvernement, j'en suis certain, a, lui, la volonté de maîtriser la dépense publique, non sous la contrainte extérieure de Bruxelles et de la monnaie européenne, mais pour ne pas transférer aux générations suivantes la dette et le déficit.

Il s'agit aussi de rendre au budget de l'Etat sa fonction contracyclique.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Rapporteur général - A la différence de la France, la plupart des pays européens ont su, en effet, tirer parti des années de croissance pour se désendetter, et peuvent aujourd'hui utiliser leur budget pour relancer l'économie.

Pour maîtriser la dépense, nous disposons désormais - c'est une petite révolution - d'instruments de contrôle et d'évaluation de la performance de l'Etat, à commencer par la loi organique du 1er août 2001.

Je tiens à saluer, Monsieur le ministre, votre souci de transparence, fidèle à l'esprit de cette loi : vous avez présenté des collectifs en juillet puis en décembre 2002, et ajusté définitivement, à cette occasion, les prévisions de recettes pour 2003 ; à l'automne dernier nous discutions de l'évolution des prélèvements obligatoires et de la programmation financière pluriannuelle ; en juin prochain, nous tiendrons le débat d'orientation budgétaire. De plus, la comptabilité de l'Etat a été grandement améliorée.

Nous sommes également informés en temps réel des gels et annulations de crédits, mais, sur ce plan, notre frustration reste grande. Après avoir discuté, jusqu'à la mi-décembre, de quelques centaines, voire quelques dizaines de millions d'euros, nous apprenions le 3 février le gel de 4 milliards, et le 14 mars l'annulation d'1,7 milliard de crédits ! Il faut rendre son sens à la discussion budgétaire au Parlement. Celui-ci doit être associé à la mise en _uvre d'un aspect politique majeur de la loi organique, à savoir la définition des missions et des programmes.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Rapporteur général - J'invite chacun, en particulier les rapporteurs, à se consacrer à ce travail, qui ne doit pas rester l'apanage de l'administration. Au ministère de l'équipement par exemple, qu'y-a-t-il de plus politique que le choix entre l'aide à la pierre et l'aide à la personne, l'entretien des routes ou leur construction, les choix concernant la sécurité maritime ou routière, ou encore la politique de la ville ? Et faut-il rechercher la souplesse par une gestion décentralisée, ou bien la vérité des coûts pour l'ensemble d'un programme ?

Pour avancer dans cet immense chantier, nous avons peu de temps, puisque le budget 2006 devra être présenté dans la nouvelle nomenclature. La commission des finances a confié à Michel Bouvard, Charles de Courson, Didier Migaud et Jean-Pierre Brard une mission sur la LOLF, mais nous sommes tous concernés.

Il faut aussi renforcer le rôle de notre mission d'évaluation et de contrôle, dont les avis, comme ceux de la Cour des comptes, devront être suivis d'effet. Actuellement, elle achève son analyse dans deux domaines, l'archéologie et les organismes de prospection. S'agissant de l'archéologie, nous proposons, à partir de l'excellent travail de Laurent Hénart, de revenir sur le dispositif insensé de la loi de 2001 qui, faute d'études d'impact, a fait augmenter d'un tiers les dépenses publiques liées à l'archéologie.

M. Marc Laffineur - Très bien !

M. le Rapporteur général - De même, suivez les bonnes recommandations de Georges Tron pour rendre plus efficaces les organismes de prospective et d'évaluation.

La commission des finances souhaite également pouvoir travailler de façon plus étroite avec la Cour des comptes et, comme l'a constamment demandé Pierre Méhaignerie, faire appel directement aux corps d'inspection (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP .

La voie est donc tracée, les instruments s'affinent, reste à mobiliser les fonctionnaires, les ministres et l'opinion sur cette exigence d'un rapport « qualité-prix », si présente dans la culture anglo-saxonne et si absente de notre approche du service public. Un budget qui augmente n'est pas forcément un bon budget, et l'accroissement du nombre de fonctionnaires ne signifie pas forcément l'amélioration du service rendu.

M. Marc Laffineur - C'est vrai !

M. le Rapporteur général - Grâce à la LOLF, les coûts réels seront mieux connus, les gestionnaires rendus responsables d'objectifs contractualisés dans la durée ; il faudra en tenir compte dans les rémunérations, primes et carrières de l'encadrement supérieur. Envers nos concitoyens, il faudra pratiquer une pédagogie au quotidien, comme nous sommes beaucoup à le faire dans nos communes. La décentralisation devrait nous y aider, de même que la conscience du niveau insupportable des prélèvements obligatoires.

Si la tâche est rude, elle n'est pas hors de portée. Elle est essentielle à la réforme de l'Etat. C'est pourquoi, avec le président de la commission des finances, l'UMP a choisi d'y consacrer ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jacques Barrot - Plutôt qu'à une de ces multiples propositions de loi qui ont souvent un intérêt ponctuel mais frisent le domaine réglementaire, le groupe de l'UMP a préféré consacrer cette matinée à un débat majeur. Je remercie Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez et les membres de la commission des finances, qui se sont beaucoup investis sur cette question.

L'enjeu est le bon usage des dépenses publiques pour le développement. Malgré des prélèvements obligatoires élevés de 1995 à 2002, les crédits de la recherche n'ont augmenté en France que de 1 %, contre 5,7 % aux Etats-Unis et 3,8 % en Allemagne. Aujourd'hui, la tentation est de geler l'investissement public (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), devenu une variable d'ajustement de la régulation budgétaire. Et l'importance de ces prélèvements publics se répercute sur l'investissement privé, au détriment de l'emploi marchand. Aussi le premier ministre espagnol a-t-il pu récemment donner le choix aux syndicats entre une dépense publique non contrôlée et plus de chômage, d'une part, et une dépense contrôlée avec une amélioration de l'emploi, d'autre part.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Tout à fait !

M. Jacques Barrot - De 1990 à 2000, la masse salariale des administrations publiques a progressé 1,5 fois plus vite que le PIB, dont elle représente désormais 14 % au lieu de 12, 5 % en 1990. Cela n'a pas empêché l'Etat de recruter, en 1999 et 2000, plus de 26 000 fonctionnaires, alors même que les collectivités locales, elles aussi, se développaient.

Il ne s'agit pas de pourfendre l'Etat suspect de vouloir être toujours plus dispendieux, mais de le rendre plus performant. La nouvelle loi organique traduit une volonté générale, et on sait le rôle joué par Didier Migaud dans son élaboration. Elle exige de l'Etat qu'il définisse au préalable ses missions et ordonne ensuite ses moyens en fonction d'elles. Elle est donc un levier majeur pour mener à bien cette révolution.

Mais le danger serait de se contenter de changer la présentation des budgets. Or il faut, pour chaque mission, bien mesurer les besoins, puis mettre à plat les moyens et l'organisation. Cela nécessite une adaptation en profondeur de notre administration, sans laquelle la LOLF restera un trompe-l'_il. Trois grandes démarches s'imposent à nous : remembrer l'Etat, le moderniser, motiver ses agents.

Sur le premier point, je prends l'exemple de la gestion de l'eau dans mon département, partagée entre les communes, le conseil général, les comités de bassin et l'Etat. Mais entre les services de l'Etat lui-même, les compétences sont réparties de façon on ne peut plus confuse : la direction de l'agriculture assure la police de l'eau pour certains cours d'eau non domaniaux, la DDE pour d'autres et pour les cours d'eau domaniaux, en concurrence avec les agents du conseil supérieur de la pêche, la DDASS intervient pour les eaux de baignade et l'eau potable, la DRIRE et la DSV sur d'autres aspects. Aussi l'Etat a-t-il dû confier à un sous-préfet une délégation interservices pour l'eau, mais, faute de crédits et en raison des résistances, celle-ci n'a guère clarifié la situation... Pourquoi l'Etat, sans abandonner sa compétence, ne la délègue-t-il pas plutôt à la collectivité locale la plus concernée, avec contrôle a posteriori ?

À cela s'ajoute, dans cette affaire de l'eau mais aussi en matière d'action sociale, une fréquente concurrence entre les échelons départemental et régional. A-t-on, par exemple, tiré toutes les conséquences de la création des ARH ? Pourquoi n'a-t-on pas poursuivi la réflexion sur le rôle respectif des DDASS, des DASS et des DRASS ? La loi d'orientation devrait conduire à un véritable remembrement de l'Etat.

Mais il faut également moderniser celui-ci. C'est d'abord une question de procédures, s'agissant par exemple de la gestion des fonds européens ou des contrats de plan, qui mobilise trop de commissions consultatives et de commissions de suivi dépourvues de toute efficacité : a-t-on calculé combien coûtent toutes ces réunions de hauts fonctionnaires de haut niveau, qui n'aboutissent à rien tant les procédures sont complexes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

C'est ensuite affaire d'utilisation des nouvelles technologies : les ministères ont-ils tous fait leur aggiornamento sur ce point ? Certains systèmes informatiques sont incompatibles entre eux ! Le ministère du budget travaille certainement à une optimisation de ses moyens, et je pense qu'on découvrira alors que notre fiscalité n'est guère plus complexe que celle de l'Angleterre et de l'Espagne, de sorte qu'on ne pourra plus justifier l'écart des coûts de recouvrement, actuellement de l'ordre de 40 %. On pourrait également s'inspirer de l'expérience suédoise sur ce point.

En troisième lieu, il faut motiver les agents de l'Etat. Pourquoi le secteur public accuse-t-il un tel retard, s'agissant de la gestion participative ? On pourrait sans doute le combler en créant de vraies directions des ressources humaines, en organisant des diagnostics, en formant et en sensibilisant, mais aussi en menant un travail d'évaluation de ces agents, en vue d'intéresser d'une façon ou d'une autre les équipes aux résultats obtenus. Il conviendrait en particulier de développer la formation continue au bénéfice des catégories C et D : cela permettrait d'accroître la mobilité, d'améliorer la gestion des carrières et d'en finir avec une spécialisation rigide et coûteuse, source de surcroît de désintérêt.

À votre arrivée, le 29 avril 2002, Monsieur le ministre délégué, vous avez bien pris un décret à ce sujet, mais je ne suis pas assuré qu'il ait eu un grand effet.

Le présent débat devrait rappeler à cette nécessité d'optimiser la dépense publique. Qu'entend faire l'exécutif pour diffuser la culture de l'évaluation au sein de l'administration ? Comment impliquer dans cette entreprise les grands corps de contrôle ? Quelles leçons tirer de ce qui se fait chez nos partenaires, l'Italie en particulier ? Surtout, comment comptez-vous mener à bien cette tâche en y associant le Parlement ? Notre participation est beaucoup trop marginale actuellement, l'administration semblant considérer que les parlementaires sont par nature dépensiers, alors que notre souci est de rendre l'Etat plus efficace. Pourquoi ne disposerions-nous pas du droit de saisir la Cour des comptes ? Ne pourriez-vous nommer des parlementaires en mission, chargés de proposer des réorganisations ? Enfin, notre commission des finances ne pourrait-elle commander des audits, éventuellement à des instituts privés ayant fait la preuve de leur compétence ?

Il faut jeter toutes nos forces dans la bataille : corps de contrôle, préfets, parlementaires... Cela suppose un vaste décloisonnement et une forte confiance mutuelle, mais l'exercice, indispensable, peut être passionnant aussi : beaucoup de fonctionnaires attendent l'ouverture de ce grand chantier auquel ils apporteront le meilleur d'eux-mêmes, en particulier leur sens du service public. Nous comptons donc sur votre détermination, Monsieur le ministre délégué, afin de rendre à notre Etat son pouvoir d'attraction et son exemplarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Pour un ministre du budget, il n'est sans doute rien de plus réconfortant qu'un tel débat sur la maîtrise des dépenses publiques : le sentiment de solitude qui parfois l'étreint se trouve soudain dissipé.

Je voudrais cependant commencer par élargir un peu notre perspective. Selon l'OCDE, la France consacre près de 54 % de son PIB à la dépense publique ; c'est 12 points de plus que la moyenne de l'OCDE et 6 de plus que la moyenne de l'Union européenne. S'ils ne parlent pas d'emblée aux Français ces chiffres retiendront leur attention si nous leur révélons qu'en nous alignant sur la moyenne de nos partenaires européens, nous aurions de quoi financer la suppression totale de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés ou bien, si l'on préfère, de la totalité de la CSG et de la taxe d'habitation !

Qu'elle soit financée par l'impôt ou par le déficit, cette moitié de la richesse nationale dépensée par la sphère publique est ou sera prélevée sur les Français. Ce débat est donc légitime et démocratiquement indispensable.

Il perdrait néanmoins beaucoup de son utilité si nous ne répondions pas, clairement, à trois questions : est-il légitime de dépenser autant ? Pourquoi avons-nous, jusqu'à présent, collectivement échoué à maîtriser la dépense publique ? Comment, enfin, faire autrement ?

Il n'est pas légitime de dépenser autant. En premier lieu, le poids de la dépense publique dresse un handicap de moins en moins franchissable par notre économie, dont il réduit la compétitivité. D'autre part, les Français attendent une croissance plus élevée et celle-ci nécessite une baisse des prélèvements obligatoires. Or, comme l'a rappelé récemment le Premier ministre, cette baisse doit être gagée par des économies si l'on ne veut pas creuser les déficits, qui sont autant d'impôts futurs.

Pourquoi dépensons-nous autant ? Sans polémique, observons, tout d'abord, que la responsabilité n'est pas également partagée entre les deux familles politiques présentes dans cet hémicycle. Un intéressant tableau de l'OCDE démontre que la dépense publique s'est toujours réduite sous les gouvernements de droite, et accrue sous les gouvernements de gauche !

Ce fait incontestable ne nous exonère cependant en rien de notre responsabilité collective. Le bénéfice de la dépense est souvent concentré sur un petit nombre, alors que son financement est le fait de tous, y compris des plus modestes. Dès lors, la pression immédiate des intérêts particuliers sera toujours plus forte que celle des contribuables. Il nous incombe à nous, responsables politiques, de corriger cette asymétrie.

Ensuite, nous devons cesser de croire que Bercy peut, à lui seul, enrayer la progression de la dépense publique ou que la maîtrise de celle-ci pourrait être une affaire de technocrates. C'est une affaire, au contraire, éminemment politique, dans laquelle le Parlement doit jouer un rôle éminent, en sa qualité de représentant du peuple français. Le jour où, dans un débat budgétaire, tous les intervenants rappelleront à tel ou tel ministre dont les crédits augmentent qu'il doit justifier le bien-fondé de sa demande, plutôt que de l'encenser, nous aurons franchi un grand pas.

D'autre part, la maîtrise de la dépense publique ne peut incomber seulement à l'Etat. Il n'en est responsable que pour un tiers environ. Les 273,8 milliards d'euros de budget se partagent en effet en trois grandes masses : tout d'abord, pour quelque 75 milliards, il s'agit des charges de la dette et des pensions, dépenses inéluctables. Ensuite, pour environ 85 milliards, ces crédits représentent la masse salariale de l'Etat qui ne permet pas d'économies majeures à très court terme ; en revanche, une politique de réforme peut offrir des résultats très bénéfiques à échelle de quelques années. Ainsi, nous aurions aujourd'hui plus d'un milliard d'euros de marges de man_uvre supplémentaires si la précédente législature n'avait créé 48 000 emplois budgétaires nets.

Enfin, les autres dépenses, soit environ 115 milliards, forment un ensemble très hétérogène. Il comprend par exemple les transferts aux ménages, minima sociaux, aides personnelles au logement, bourses ; CMU notamment, pour 19 milliards. Ce poste croît fortement et votre réflexion ne peut faire abstraction de ce fait ni éluder la question de la rémunération très relative du travail au sein de notre société.

S'agissant des aides à l'emploi, qui s'élèvent à 14 milliards, la remontée du chômage nous a obligés à d'importants efforts en 2003, ces mesures en faveur de l'emploi marchand et du pouvoir d'achat des bas salaires portent déjà leurs fruits.

Mentionnons également toute la politique d'interventions de l'Etat, en faveur du logement, des entreprises, de l'agriculture, de l'action culturelle, de l'environnement... Cette politique « de guichets » est évidemment un sujet particulièrement sensible, ce qui n'exclut pas des clarifications.

Observons, enfin, que le fameux « train de vie » de l'Etat ne représente que 10 milliards, dépenses immobilières comprises. Cela ne nous exonère pas d'une puissante politique d'économies : les gisements de productivité y sont formidables. Mais la maîtrise de la dépense ne peut s'arrêter là.

Alors face à ces différentes masses de dépenses, comment structurer notre démarche d'économies ?

Il y a quatre familles d'économies budgétaires : les abandons de mission inutiles, les gains de productivité, les modifications de partage de la charge entre le contribuable et l'usager et les ajustements portant sur les mécanismes de guichets, qu'ils concernent les ménages, les entreprises ou les associations.

Les abandons de missions inutiles seront facilités par l'entrée en vigueur de la LOLF - et je profite de l'occasion pour rendre hommage, à mon tour, à Didier Migaud pour son rôle dans l'élaboration de ce texte. Lorsque les ministres devront expliciter la finalité de chacune de leurs actions, les questions qui fâchent surgiront et déboucheront, espérons-le, sur d'immédiates économies budgétaires.

Les gains de productivité peuvent porter sur les emplois et sur le matériel. La fonction achats peut être source d'économies importantes, pour peu qu'on s'inspire des exemples étrangers et qu'on réforme profondément notre droit des marchés publics. Je m'y emploie de toute mon énergie.

La fonction de gestion immobilière est également un grand gisement de productivité : comme l'a annoncé le Premier ministre, des bâtiments inutiles seront aliénés ; ce sera une source d'économies, par suppression des dépenses d'entretien, et aussi une source de recettes.

Quant aux emplois, la pyramide des âges dans la fonction publique va nous permettre des réformes se traduisant par un meilleur service, pour un coût inférieur, tout en enrichissant les tâches des agents. Le succès de la télédéclaration des revenus en est un exemple, l'externalisation de tâches en est un autre : l'Etat peut et doit recentrer ses fonctionnaires sur les missions de contrôle, de régulation ou de fourniture de prestations hors marché. Pour le reste, par exemple l'entretien des véhicules, il n'a aucune raison de faire lui-même.

M. Marc Laffineur - La MEC l'avait dit !

M. le Ministre délégué - Nous devons faire vivre la démarche de maîtrise de la dépense comme une seconde nature, au sein du pouvoir exécutif et au Parlement. Bercy donnera l'exemple, Monsieur le Président Barrot, et si cet exemple est suivi, le redressement des finances publiques de la France est garanti ! Au sein de l'exécutif, nous avons déjà modifié en profondeur la procédure de préparation du budget, en en faisant un processus continu.

Jusqu'à cette année, la phase politique commençait en juin pour s'achever en juillet, - trop tard pour opérer des économies structurelles et mener un débat de fond.

Cette année, nous avons instauré des conférences de réformes structurelles et le PLF 2004 ne ressemblera pas à ceux qui l'ont précédé : il comportera moins d'économies traditionnelles, mais plus de vraies économies structurelles, marquant notre volonté de réformer l'Etat.

Car la réforme de l'Etat n'est pas seulement nécessaire, elle est aussi possible. En 1992, les déficits publics canadiens atteignaient 8 points de PIB ; en 1997, les comptes étaient en excédent, sans que le Canada ait changé de modèle social - et sans sanction électorale ! Les ministères et autres organismes publics ont dû répondre à des questions très simples, telles que : « Votre existence sert-elle l'intérêt public ? » Voilà qui vous rappelle sûrement un texte adopté à l'unanimité et promulgué le 1er août 2001...

La mise en _uvre de notre nouvelle constitution financière est un moment unique de notre histoire budgétaire et administrative. Elle nous invite à formuler les politiques conduites, à assigner des objectifs, à s'engager sur des résultats. Elle conduit chaque ministère à regarder la « base » de son budget plutôt que de discuter sans fin des variations. Elle offre un levier formidable pour réformer en profondeur notre Etat, et les attentes vis-à-vis d'elle sont donc immenses.

Pour autant, elle n'est pas, en elle-même, une machine à réaliser les réformes et à engendrer les économies. Sans une volonté politique forte et portée par tous, le cadre des réformes restera vide. Nous avons besoin de la même unanimité pour faire vivre la LOLF que pour son adoption (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Le Président de la République, le Premier ministre ont affiché cette volonté politique, le Gouvernement l'incarnera en actes ; mais il faudra que vous le souteniez car il se heurtera aux corporatismes, aux groupes de pression, aux intérêts catégoriels - le défilé commence déjà (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). La loi organique ne crée pas les économies, elle se borne à les faciliter (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP).

Tout d'abord, elle offre des mécanismes techniques qui responsabilisent les gestionnaires. La fongibilité permettra de lever des blocages et de bénéficier d'économies d'échelle.

La loi organique pousse également à la rationalisation de la dépense publique car chaque gestionnaire sera conduit à justifier non pas ses crédits mais leur objet, à rendre compte, non pas de l'évolution d'une dépense, mais des résultats de son action.

Dès sa mise en place, le Gouvernement a affirmé sa volonté de respecter scrupuleusement la lettre et l'esprit de la LOLF. Chacune des dispositions entrée en vigueur a été appliquée : l'information sur l'exécution - immédiate, en dépit des difficultés de cette exécution -, les nouveaux rapports, la discussion sur le projet de loi de règlement, la transparence sur la régulation budgétaire, la rectification des prévisions de recettes. La réforme de la parafiscalité a été entamée : la vigueur de nos débats sur le financement de l'ex-ANDA est encore dans vos mémoires.

Pour mettre en _uvre le nouveau droit budgétaire, le Gouvernement a fait le choix de créer une structure unique de pilotage. La nouvelle direction de la réforme budgétaire est la première direction d'administration centrale créée pour cinq ans seulement. Elle couvre tous les chantiers concernés : modernisation du cadre et des concepts budgétaires, nouvelle comptabilité, nouveaux systèmes d'information.

Un travail très important a déjà été réalisé.

Vos rapporteurs et votre mission d'information ont cependant attiré l'attention du Gouvernement sur trois points : les missions, la taille des programmes et les indicateurs.

La notion de mission a été introduite par votre assemblée. C'est une unité de vote, qui regroupe des programmes. Le droit d'amendement s'exerce sur la répartition des crédits entre ces programmes.

Il n'est pas question de traiter à la sauvette les missions. Mais il ne faut pas non plus leur donner un rôle excessif. La performance se bâtit dans chaque programme, grâce aux indicateurs. Vous avez émis la crainte que le Gouvernement veuille généraliser les missions mono-programmes ; ce n'est pas notre intention : les travaux préparatoires de la LOLF sont très clairs à ce sujet et il n'y a jamais eu de confusion entre ces deux notions.

Vos rapporteurs ont également évoqué le traitement des fonctions « support » et des services polyvalents.

Les fonctions « support », ce sont, dans notre jargon, les fonctions administratives, financières, logistiques, immobilières communes à tout un ministère. Quant aux services polyvalents, ce sont des services déconcentrés qui traitent toutes sortes de politiques comme les DDAS.

Comment ventiler les coûts de ces « fonctions support » et de ces services polyvalents entre les différentes politiques ? La réponse est difficile, car il faut concilier contraintes de gestion et contraintes de présentation. Le Gouvernement et ses équipes sont décidés à aller aussi loin que possible dans la voie de la réforme. Nous n'hésiterons pas à revoir les organisations, car ce n'est pas aux programmes de s'adapter aux structures d'aujourd'hui, mais l'inverse.

Vous avez également évoqué la mesure de la performance et les indicateurs. Comment construire ces indicateurs ? Nous avons décidé d'accélérer le calendrier : la liste des objectifs et des indicateurs sera arrêtée au premier semestre 2004.

Objectifs et indicateurs peuvent être divisés en deux groupes.

Un premier groupe mesurera l'efficacité finale des politiques : les buts poursuivis sont-ils atteints ? Ce travail relève essentiellement du pouvoir politique et le contrôle parlementaire pourra trouver là un terrain naturel, chaque rapporteur pouvant proposer aux différents ministres des idées pour la structuration de ces outils de mesure.

Le second groupe concerne le pilotage quotidien de l'action. C'est du ressort de l'administration, qui aura à développer les outils les plus performants et à en rendre compte.

Je conclurai en vous remerciant d'avoir consacré une partie de la « fenêtre » parlementaire à ce sujet décisif. Vous avez bien fait car les Français attendent de leurs représentants une maîtrise juste et responsable des dépenses publiques. Celles-ci ne doivent pas dépasser leurs capacités contributives. Ils sont indignés à l'idée qu'on dissimule la dérive en augmentant la dette, ce qui renvoie la facture à leurs enfants.

Certes, cela suppose de renforcer la responsabilité de chacun, mais l'honneur de la politique est aussi de placer chaque citoyen devant ses responsabilités. C'est ainsi que, tous ensemble, nous progresserons. Je suis venu ici vous assurer de la sincérité du Gouvernement, de sa volonté de courage et d'effort. Il sait que la majorité est à ses côtés et que des millions de français sauront l'être aussi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Didier Migaud - Sans doute vais-je rompre la belle harmonie de ce début de matinée...

Le groupe UMP possède un sens aigu de l'abnégation. Déjà l'examen des lois de finances nous avait permis de constater à quel point les députés de la majorité sont bridés dans leurs initiatives, la quasi-totalité de leurs amendements ayant été repoussés ou retirés. Depuis, corrigeant un budget insincère, le Gouvernement a mis en _uvre un plan de rigueur budgétaire présenté de façon incomplète et sélective, ce qui a conduit le 2 avril dernier les responsables de notre commission des finances à « regretter que le Gouvernement ne l'ait pas fait plus tôt et plus clairement ». C'est un euphémisme pour déplorer que le Gouvernement n'ait pas intégré ce plan dans le projet initial, au lieu de faire voter le Parlement sur des crédits largement fictifs.

Visiblement, le malaise grandit au sein de la majorité parlementaire devant les choix faits par l'exécutif en matière de finances publiques.

Aujourd'hui, le groupe UMP renonce une nouvelle fois, après l'avoir fait à propos de la chasse, à légiférer dans le cadre de son droit d'initiative. Le domaine de l'article 34 est pourtant suffisamment vaste, Monsieur le Président Barrot, pour stimuler l'imagination de votre groupe... On peut craindre une démission durable du pouvoir législatif, à tout le moins une soumission à l'exécutif.

Le groupe UMP, incapable de peser sur le cours des événements, en est réduit à proposer à l'Assemblée nationale de débattre courtoisement, aimablement, sur la maîtrise de la dépense publique et le contrôle parlementaire.

Comprenons-nous bien, le groupe socialiste n'a pas peur d'un débat sur un sujet dont il a lui-même souligné toute l'importance. S'il est l'occasion de montrer la volonté du Parlement d'assumer pleinement ses prérogatives et ses responsabilités, notamment en application de la loi organique, alors bravo ! Mais nous sommes en droit de nous interroger sur le décalage entre les intentions affichées de transparence, de sincérité, et la réalité de la politique conduite depuis mai 2002. Nous pouvons aussi nous étonner que le groupe UMP, qui était passif depuis des mois, se réveille soudain avec une urgente envie de débattre... N'est-ce pas là une suggestion de l'exécutif pour tenter de donner une onction démocratique à la chasse aux fonctionnaires qu'il a lancée en faisant jouer au Parlement le rôle d'auxiliaire de la rigueur ?

Il faut rappeler une exigence démocratique, soulignée par le groupe socialiste, et une nécessité juridique, dictée par le Conseil constitutionnel : l'examen rapide d'un projet de loi de finances rectificative pour tirer les conséquences de l'insincérité du projet de loi de finances pour 2003 et corriger la politique injuste et inefficace menée depuis près d'un an, qui conduit la France dans le mur et fait tomber les Français dans la déprime. Monsieur le rapporteur général, vous avez vous-même réclamé un collectif budgétaire à plusieurs reprises.

Certes, cette initiative ne peut venir du Parlement, mais le groupe UMP aurait pu proposer au Gouvernement d'inscrire un tel projet à l'ordre du jour de notre assemblée en lieu et place de ce débat.

Puisque celui-ci a lieu, il me donne tout d'abord l'occasion de saluer le bilan de la précédente majorité en matière de progression maîtrisée de la dépense publique et de contrôle parlementaire sur celle-ci (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

La clef de voûte de la politique menée était la fixation d'une norme d'évolution de la dépense publique inférieure à la progression de la richesse nationale, afin de réduire les déficits et de diminuer les prélèvements, tout en stimulant la croissance et en engageant l'économie dans un cercle vertueux. Cette politique responsable tranchait avec celles conduites par les gouvernements Balladur et Juppé.

Monsieur le rapporteur général, votre intervention orale était beaucoup plus politique et beaucoup moins rigoureuse que votre rapport écrit. Je ne comprends pas que vous puissiez raisonner en valeur. Contrairement à ce que vous avez dit, le poids de la dépense publique en proportion de la richesse nationale a reculé sur la période, alors qu'il avait stagné sous la droite. Les dépenses de l'Etat sont passées de 23,1 % du PIB en 1990 à 22,5 % en 2001.

M. Charles de Courson - Et les transferts à la sécurité sociale ?

M. le Rapporteur général - Et la décentralisation ?

M. Jean-Yves Chamard - Et l'APA ?

M. Didier Migaud - La dépense publique représentait 55,2 % du PIB en 1993 et 55 % en 1997 ; en 2001, 52,7 %. Nous nous sommes fixé une norme d'évolution exigeante et nous l'avons respectée.

Nous avons réussi en 2000, pour la première fois depuis vingt ans, à faire reculer le poids de la dette publique en proportion du PIB. Les fruits de la croissance relancée ont été en partie redistribués en 2000 et 2001 sous forme de dépenses publiques et de baisse des impôts les plus injustes, ou pesant le plus sur le travail. Le déficit a été réduit de moitié entre 1997 et 2001, année de pause dans cette réduction en raison du ralentissement conjoncturel. Le rapport de la Commission européenne a fort bien souligné la responsabilité de M. Raffarin dans l'aggravation de la situation de nos finances publiques en 2002.

On ne peut d'ailleurs que s'étonner que l'actuelle majorité ait décidé dès son arrivée des baisses d'impôts supplémentaires, qui n'ont pu que creuser le déficit.

Si la situation de nos finances publiques était restée « vulnérable » au début de l'année 2002, pour reprendre l'expression de la Commission européenne, elle a été incontestablement améliorée entre 1997 et 2001. Si le déficit n'a pas été davantage réduit, c'est parce qu'il ne fallait pas freiner la croissance, au risque de nuire à l'emploi.

Les choix du gouvernement Raffarin sont différents. Il semble se résigner à l'augmentation du chômage. Il a aggravé la situation de nos finances publiques. Il n'a pas su entretenir le cercle vertueux de croissance, il a dilapidé ses marges de man_uvre, au seul profit de quelque 70 000 foyers privilégiés. Il a même accentué le ralentissement conjoncturel en annulant des dépenses qui auraient soutenu l'activité.

Vous reprochez à nos plans de régulation budgétaire de s'être toujours effectués au détriment des dépenses d'investissement, mais votre propre plan de rigueur vous oppose un constat impitoyable : les dépenses d'équipement seront également sacrifiées. Les départements et les régions en voient bien les conséquences sur les engagements de l'Etat dans les contrats de plan Etat-région.

Sur le plan du contrôle parlementaire, le principal mérite de la législature précédente est d'avoir développé une véritable culture de contrôle et d'évaluation, et vous y avez d'ailleurs contribué, Monsieur le ministre. Nous avons fait progresser le Gouvernement et rendu au Parlement des pouvoirs qui existaient mais qu'il n'utilisait pas. Cette pratique a été systématisée et je suis heureux que M. Carrez la poursuive. La mission d'évaluation et de contrôle, créée en 1999, est également confirmée. Les rapports qu'elle a fournis ont prouvé son utilité, mais encore faut-il que le Gouvernement en tire profit !

Contrôle et évaluation sont donc devenus une part importante du travail parlementaire. Ils sont indispensables pour assurer la maîtrise et l'efficacité de la dépense publique, et ont été trop longtemps absents du travail de l'Assemblée nationale - je reconnais moi-même que le Sénat a une culture bien plus ancienne dans ce domaine. Gérard Bapt, rapporteur des crédits de la santé et des personnes handicapées, a tenu à aller constater, sur pièces et sur place, les conséquences du plan de rigueur du Gouvernement . C'est un exemple à suivre. Les députés de la majorité doivent démontrer leur volonté de conforter les pouvoirs de contrôle du Parlement vis-à-vis de l'exécutif. Mais il y loin de la coupe aux lèvres ! Le plan de régulation a en effet été mis en _uvre sans que les rapporteurs en soient spécialement informés, ni même le rapporteur général (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur général - Bien sûr que si !

M. Didier Migaud - Je reconnais là votre humour... Il est de leur responsabilité de surveiller l'exécution des crédits dont on leur a confié l'examen. On peut certes se satisfaire que le contrôle parlementaire commence à entrer dans les m_urs politiques, au sens noble du terme, mais les progrès sont encore fragiles. Pourtant, les instruments sont là : tout est donc affaire de volonté. Si le manque de contrôle discrédite le pouvoir législatif dans son ensemble, l'utilisation politicienne du contrôle discrédite son auteur.

Nous avions obtenu, dès la loi de finances pour 2000, que le secret professionnel et le secret fiscal ne soient pas opposés aux parlementaires. Alain Lambert, alors président de la commission des finances du Sénat, a conforté ces avancées en précisant dans la loi organique l'étendue et les modalités des pouvoirs des membres des commissions des finances. Je me félicite du travail que nous avons accompli ensemble dans ce domaine : ces pouvoirs sont désormais élevés au rang organique. L'adoption à l'unanimité de la loi organique relative aux lois de finances, à l'initiative d'une majorité de gauche, constitue une étape décisive, une avancée significative dans la démocratie parlementaire, ainsi que dans l'amélioration de la gestion publique.

Cette réforme a tourné le dos à la logique de moyens, pour lui préférer la logique d'objectifs et de résultats, autrement dit la logique de responsabilité. Le principal n'est pas de dépenser moins ou plus - cela dépend des besoins et des priorités de l'action publique -, mais que l'action publique, expression du pacte social, soit la plus efficace possible. Si la réforme de l'ordonnance de 1959 a suscité un consensus, ce n'est pas parce que gauche et droite s'accordaient sur la réduction des dépenses de l'Etat, mais parce qu'elles ont voulu assumer leurs responsabilités. Les clivages n'en ont pas disparu par enchantement.

La dépense publique n'est pas mauvaise en soi. Elle peut même être utile !

M. Michel Bouvard - Tout à fait !

M. Didier Migaud - À entendre certains élus de l'UMP, on pourrait croire qu'elle est mauvaise par nature.

M. Michel Bouvard - Non !

M. Didier Migaud - Elle serait comme déconnectée de la réalité, comme une armure inutile plaquée sur notre économie. Pour nous rassurer, vous dites que la rigueur touchera l'administration, et non les Français. Mais lorsque vous décidez d'annulations de crédits massives, ce sont des pans entiers des politiques publiques qui sont remis en question. Les Français vont en souffrir, car l'action publique est nécessaire, pour les fonctions régaliennes certes, mais également pour réguler les comportements et protéger les plus faibles. Elle soutient la croissance économique par l'effet multiplicateur de la dépense. La gauche a ainsi voté de nombreuses avancées sociales - la CMU, l'APA, les 35 heures, les emplois-jeunes - que la droite remet systématiquement en cause. Pourtant, toutes ces dépenses ont fait reculer les inégalités sociales et le chômage et soutenu la croissance.

M. Philippe Auberger - Quelle époque formidable !

M. Didier Migaud - Si nous prônons une progression maîtrisée de la dépense, c'est parce que l'action de l'Etat, dans une société démocratique complexe, est essentielle. Chaque jour surgissent de nouveaux besoins. Mais nous sommes conscients qu'il faut également améliorer l'efficacité de la dépense publique, pour lui redonner sa légitimité. À droite au contraire, on veut diminuer la dépense en valeur absolue, par a priori idéologique : la dépense publique est mauvaise par nature, et on lui prête même des perversités. Il en est ainsi de la prétendue corrélation, mise en avant par Pierre Méhaignerie, entre niveau de la dépense publique et taux de chômage. Elle est absolument infondée ! Comment expliquer, selon cette théorie, que le Danemark ait un taux de chômage de seulement 4,4 % alors que le poids de ses dépenses publiques dans le PIB est de 51,3 % ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur général - Parce que le déficit y a disparu !

M. Didier Migaud - En revanche, en Espagne, le taux de chômage est de 11,3 %, pour un poids des dépenses publiques de 38,5 %... Monsieur le président de la commission des finances, gardez-vous des a priori idéologiques... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Si, depuis 2000, le poids de la dépense publique a baissé en Espagne, le taux de chômage est loin de l'avoir suivi. Cela n'empêche pas la droite de décrire la dépense publique comme un poison liquide qui se répandrait dans notre pays...

Il faut avoir le courage de reconnaître qu'il est aussi déplacé de vouloir réduire a priori la dépense publique que de vouloir l'augmenter a priori. Dans sa pratique actuelle, la droite ne sort pas de la logique de moyens : elle en veut systématiquement moins, sans en avoir mesuré les conséquences. Or, ce qui importe en vérité, c'est l'efficacité de la dépense ! On ne peut donc être qu'inquiet de votre façon de faire. Vous pensez que la réduction améliore en soi-même l'efficacité de la dépense, mais il n'y a rien de moins sûr ! Le niveau de dépense n'a aucune relation mécanique avec son degré d'efficacité, et le comportement schizophrénique de nombreux députés de la majorité semble le prouver, qui votent moins de crédits lorsqu'ils sont à Paris, pour s'opposer ensuite à cette baisse dans leurs circonscriptions, ainsi qu'on le voit avec le projet de réforme de la Banque de France !

Mais l'intention première de la droite n'est pas d'améliorer la dépense publique : elle est de réduire le périmètre de l'Etat pour alléger l'impôt des plus aisés et étendre l'emprise du secteur privé. Elle le dit parfois sans détour, et commence à le faire en privatisant des pans entiers de la sécurité sociale : il n'y a qu'à reprendre quelques expressions du président Barrot pour s'en convaincre. Elle a même théorisé cette démarche aux relents poujadistes : réduire le « train de vie » de l'Etat permet de baisser l'impôt. Voilà une notion pour le moins floue ! Merci donc, Monsieur le ministre, d'avoir apporté quelques précisions. Mais le fonctionnement de l'Etat représente moins de 10 milliards. Que dégagerait une économie de 20 %, réclamée par M. Méhaignerie, au regard des 30 milliards de baisse d'impôts promis ? Il est donc séduisant, mais complètement faux de croire qu'il y a là une recette magique. Si des économies sont possibles, il ne faut pas passer à côté. Mais il n'est pas responsable de bâtir un discours sur de tels arguments !

Si j'ai souhaité que le Parlement veille à la mise en _uvre de la loi organique, c'est parce que le risque est grand qu'elle soit pervertie par des considérations technocratiques ou des rigidités diverses. La mission d'information sur les conditions de mise en _uvre de la loi organique a procédé à plusieurs auditions et émis des propositions. Le rapport écrit présenté ce matin en contient d'autres, également intéressantes.

Le Parlement ne peut pas accepter qu'une nouvelle nomenclature lui soit soumise, qui ne correspondrait pas aux principes de la loi organique. Il ne serait notamment pas admissible qu'elle se contente de dupliquer la structure administrative actuelle, même si l'on ne doit pas faire du changement un préalable. L'initiative parlementaire pourra se manifester dans ce domaine. Le Parlement pourra ainsi décider de créer un programme au sein d'une mission existante, ou de procéder à des redéploiements de crédits entre programmes au sein d'une même mission. Il est vital que l'élaboration de cette nomenclature se fasse en bonne intelligence entre l'exécutif et le Parlement.

Il y a des progrès à faire en la matière, mais j'ai confiance en la volonté d'Alain Lambert pour s'appuyer sur le Parlement pour l'aider à avancer dans le respect des principes qu'il a contribué à établir.

Si l'on ne peut s'étonner que l'administration se propose d'élaborer des programmes à seule vocation de gestion, on ne peut non plus s'étonner que le Parlement mette l'exécutif en garde et lui demande de ne pas céder à la tentation.

Le Parlement ne peut accepter la création de programme qui s'apparente en réalité à ce que doit être une mission. J'ai entendu votre raisonnement, Monsieur le ministre, mais il peut aussi être retourné... Aussi souhaiterais-je que nous puissions prolonger cette discussion. Si l'intérêt de l'administration est de créer des programmes importants pour maximiser les effets de la fongibilité des crédits au sein d'un programme, la conséquence d'une telle logique serait de réduire la portée de l'autorisation parlementaire et la capacité d'initiative des députés.

A travers ces exemples de dérives potentielles, on mesure le risque qu'il y a, pour le Parlement, à ne pas suivre avec vigilance l'exécution de cette loi.

En ce qui concerne le contrôle, le travail du parlementaire s'apparente à celui de Sisyphe, d'où la nécessité de conforter les prérogatives du Parlement et de veiller à ce que les progrès de la loi organique ne soient pas remis en question.

A cet égard, je salue l'initiative du Président Jean-Louis Debré, de réunir un groupe de travail chargé de réfléchir aux conséquences à tirer de la loi organique sur le fonctionnement même de notre assemblée en période budgétaire.

Laurent Fabius avait proposé d'instaurer un audit annuel des comptes publics, dont la responsabilité serait confiée à la Cour des comptes. Pour des raisons que l'on peut comprendre, cette suggestion n'a pas rencontré, de la part de la majorité, l'accueil qu'elle méritait...

Il existe une zone d'ombre dans l'information délivrée au Parlement au moment d'aborder le débat d'orientation budgétaire. S'il dispose d'une information sur l'exécution de l'année n-1 avec le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances, s'il connaît les orientations pour l'année n+1 grâce au document remis par le Gouvernement au moment du débat d'orientation budgétaire, il est presque aveugle quant à l'exécution de l'année en cours.

Si l'on reconnaît l'intérêt d'un audit pratique tous les cinq ans, on ne peut méconnaître l'intérêt d'un audit annuel. Notre rapporteur général a considéré pourtant qu'un tel audit « jetterait un doute sur la sincérité des comptes prévisionnels de chaque année ». Il est exact que la publication de l'audit en 2002 n'a pas empêché le Conseil constitutionnel d'émettre des réserves sur la sincérité du projet de loi de finances pour 2003, dont pas un expert indépendant ne partageait les hypothèses économiques.

M. le Ministre délégué - Et pour 2002 ?

M. Didier Migaud - La publication annuelle de cet audit serait une forte incitation à l'élaboration d'hypothèses sincères, réalistes et prudentes. Je ne doute pas un instant, que cette proposition saura séduire un ministre aussi épris de transparence que vous...

Oui au contrôle, à l'évaluation, à la transparence, oui à la maîtrise de la dépense, oui à la réduction des déficits, mais non aux partis pris idéologiques, non à la remise en cause de politiques publiques qui favorisent la croissance et contribuent à la réduction des inégalités. Oui à un Etat réformé, plus performant, mais toujours présent et acteur, car notre société en a besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Charles de Courson - Ce débat est fondamental, car nos finances publiques sont vraiment en grande difficulté.

M. Didier Migaud - C'est vrai !

M. Charles de Courson - Le déficit public explose : 1,4 % en 2001, 2,1 % en 2002, 3,4 % officiellement en 2003 - mais plus vraisemblablement 3,7 % ou 3,8 %. Le niveau des dépenses publiques - 53 % de la richesse nationale - est l'un des plus élevés des grands pays démocratiques. La dérive des dépenses publiques, et en particulier sociales, est forte et structurelle.

La différence entre les gouvernements de droit et du centre et les gouvernements de gauche est simple : nous freinons cette hausse ; vous l'accélérez.

Mme Martine Lignières-Cassou - C'est un peu caricatural !

M. Charles de Courson - Quand nous sommes revenus au pouvoir en mars 1993, la croissance était négative et le déficit public de 6,3 %. Quand vous êtes revenus au pouvoir en 1997, la croissance était de retour depuis trois à six mois. Telle est l'histoire budgétaire de notre pays.

Notre collègue Didier Migaud a tenu des propos extrêmement dangereux : il n'y aurait, selon lui, aucune corrélation entre le niveau et la structure des dépenses publiques, d'une part, et la croissance, d'autre part. Or, les pays qui ont le taux de chômage le plus bas sont ceux dont la structure des dépenses publiques diffère de celle de la France. Ainsi, les investissements civils sont, dans notre pays, tombés à 4 %.

M. le Président de la commission des finances - C'est vrai !

M. Charles de Courson - Qui prétendrait, par exemple, que nous sommes à niveau sur le plan de la voirie, des universités, du patrimoine immobilier de l'Etat ? La prochaine phase de la décentralisation ne fera que le confirmer aux yeux de tous !

Il faut réduire les dépenses de l'Etat et réformer leur structure pour des raisons de justice sociale.

M. le Président de la commission des finances - Absolument !

M. Charles de Courson - Les cotisations sociales, la CSG, l'impôt sur le revenu, la TIPP même sont en effet des prélèvements sur le travail. L'excès de dépenses publiques induit un excès de prélèvements.

Le SMIC, en outre, n'est plus cohérent par rapport aux minima sociaux. Comment expliquer à une famille de trois enfants, dont le père gagne le SMIC, qu'elle a un niveau de vie inférieur à la famille voisine, de trois enfants également, qui vit du RMI ? La montée de l'extrémisme est liée à cette dévalorisation du travail, à l'un comme à l'autre bout de l'échelle sociale, ainsi que je l'ai constaté en Champagne. Écoutez donc ce que nous dit le peuple !

M. Didier Migaud - C'est une caricature !

M. Charles de Courson - De plus, nous sommes désormais dans une économie internationalisée. Le parti socialiste, qui est proeuropéen, dans sa grande majorité, ne peut continuer à défendre une idéologie keynésienne de la dépense publique. Le multiplicateur fonctionne dans une économie fermée, mais devient un diviseur dans une économie ouverte : on a bien vu que les relances opérées depuis 1981 ont surtout stimulé les importations !

M. Didier Migaud - Ce n'est pas aussi simple que cela !

M. Charles de Courson - Pourquoi avons-nous échoué, jusqu'ici, à réduire la dépense publique ? Parce que les parlementaires ont tendance à demander toujours plus. J'ai fait partie, en son temps, du groupe des cinq députés de la majorité - les « cinq salopards » comme on les a surnommés alors (Sourires) - qui ont proposé 4 milliards de francs d'économies - et obtenu 2 milliards. Six semaines plus tard, des annulations de crédit étaient décidées, portant sur 15 milliards - alors qu'on venait de nous expliquer qu'on ne pourrait aller au-delà de 2 milliards ! Ayons donc le courage de déposer des amendements de réduction ou de suppression de crédits !

Au sein d'un gouvernement, le ministre de l'économie et des finances est bien seul, et la direction du budget - à laquelle j'ai eu l'honneur d'appartenir pendant deux ans et demi - l'est aussi, notamment parce qu'elle a une conception trop impériale de sa mission pour emporter l'adhésion des autres administrations.

Il faut intéresser davantage les autres ministres aux économies, récompenser ceux qui gèrent bien, sanctionner ceux qui gèrent mal.

Malheureusement, l'opinion ne soutient pas les gouvernements courageux. Les deux gouvernements les plus courageux, en matière de dépense publique, au cours des vingt dernières années, furent ceux 1986-1988, avec Edouard Balladur et Alain Juppé, et de 1995-1997 : ils perdirent tous deux les élections. A gauche, il y a bien aussi quelques responsables sérieux dans ce domaine, mais que sont-ils devenus ?

M. le Président de la commission des finances - Ils se cachent !

M. Charles de Courson - Lorsqu'il leur fallut inverser la politique désastreuse de 1981-1983, les socialistes subirent un désastre électoral. De temps à autre M. Fabius, qui n'est pas de mes amis, demande aux siens de renoncer aux discours idéologiques comme celui que vient de tenir M. Migaud, pour qui plus on dépense, plus il y a de solidarité.

M. Didier Migaud - Vous ne m'avez pas écouté !

M. Charles de Courson - C'est l'inverse : plus on dépense mal, plus il y a de tensions sociales et d'inégalités. Ceux qui le disent à gauche sont minoritaires. C'est donc à nous qu'il revient d'assumer cette responsabilité.

Comment maîtriser la dépense publique ? D'abord il faut se doter des moyens d'évaluation pour mettre en _uvre de façon intelligente la loi organique. La mission de la commission des finances à laquelle j'ai participé a fait des propositions, et j'insiste sur l'une d'entre elles : on n'appliquera pas la loi organique si le Président de la République et le Premier ministre n'ont pas le courage de réorganiser le Gouvernement. Pour prendre l'exemple du ministère de l'intérieur, comment contrôler la mission sur la sécurité intérieure si les crédits de la gendarmerie restent au ministère de la défense ? Comment évaluer l'aide aux collectivités territoriales à partir des seuls crédits inscrits au budget de l'intérieur alors que les crédits inscrits ailleurs sont trois fois plus élevés ? Comment juger de toute action du ministère des affaires étrangères, auquel échappent les crédits d'intervention économique et d'intervention culturelle ? Le budget du ministre de la ville représente 10 % des crédits qu'il est censé mettre en _uvre. Il faut réorganiser le Gouvernement autour de missions clairement identifiées permettant de vrais débats et de vrais amendements - puisque nous avons conquis ce droit sur les programmes.

Mais il faut aussi que la majorité parlementaire assume ses responsabilités. Associez-la au programme d'économies, et vous éviterez bien des bêtises commises par vos prédécesseurs. Et mettez en _uvre les quatre grandes réformes, celles des retraites, de l'assurance maladie, la réforme de l'Etat et la décentralisation. Il faut aussi qu'au sein du Gouvernement aucun ministre ne se croie exempté de tout effort, laissant les économies aux autres !

Il est essentiel également de montrer à l'opinion qu'on peut mieux gérer dans l'intérêt même du service public. C'est sur ce terrain que les élus doivent mener la bataille politique. Beaucoup de gouvernements l'ont gagnée. Notre ami Aznar en Espagne en a été récompensé. Au risque d'être battus dans un premier temps, faisons notre devoir. Le peuple reconnaîtra notre courage et nous fera confiance la fois suivante.

Nos finances publiques connaissent une crise structurelle. La justice sociale passe par une réduction et une réforme des prélèvements obligatoires. Traitons les causes de nos échecs passés, et la France retrouvera solidarité et cohésion (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier - Le scénario qu'on nous propose est bien rôdé : aux parlementaires de la majorité de surenchérir dans le libéralisme, au Gouvernement - peut-être - le rôle de modérateur. On nous a joué ce numéro de duettistes à propos de l'ISF. Aussi les députés communistes et républicains, convaincus de la nécessité de contrôler l'utilisation des fonds publics, s'inquiètent-ils de l'orientation donnée à ce débat, que Le Figaro a eu la franchise de résumer ainsi : « L'UMP fait feu sur la dépense publique ». Pour sa part, le président de la commission des finances justifie de façon abrupte une croissance nulle du budget de l'Etat par « la relation directe entre le niveau des dépenses publiques et le taux de chômage ». Oui, mais laquelle ? Demandez aux dizaines de milliers d'emplois-jeunes, demandez aux entreprises de travaux publics qui se plaignent de la faiblesse de l'investissement public !

M. Charles de Courson - Et de l'excès d'impôts !

M. Jean-Claude Sandrier - Les spécialistes qui soutiennent vos choix sont de véritables intégristes. Ainsi, pour tel professeur d'histoire économique, le fait qu'en France le rapport entre dépenses publiques et PIB soit supérieur à la moyenne de la zone euro n'a pas d'effet sur les services rendus, et le même professeur trouve judicieux d'éviter la comparaison avec le Royaume-Uni. Mais allez donc demander aux patients anglais qui viennent se soigner en France, aux chômeurs anglais rayés des statistiques comme « inaptes au travail », aux travailleurs pauvres qui cumulent deux ou trois emplois, aux passagers des chemins de fer britanniques, ce qu'ils pensent de notre dépense publique et de celle de leur pays ! Demandez-le au maire de Londres où, selon une étude récente, 53 % des enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté ! Est-ce vers ce royaume du libéralisme que vous voulez nous emmener ? Je ne souhaite pas que la France s'aligne sur un pays en voie de « tiers-mondialisation » (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP). Avec l'Allemagne, elle a le modèle social le plus développé de la zone euro, et c'est tant mieux.

Certes il faut rendre les dépenses publiques plus efficaces. Mais ce qui vous importe, c'est de faire passer la pilule d'une réduction des dépenses sociales utiles ! Car, subrepticement, vous passez d'une « maîtrise », légitime, à une réduction de ces dépenses. Mieux vaudrait le dire franchement dans l'intitulé de ce débat, en ajoutant qu'il s'agissait de continuer à baisser l'impôt des plus riches et à privatiser les services publics.

Bien entendu, le contrôle et le suivi du budget sont des éléments positifs. Mais, enfermés dans votre idéologie, vous chargez la dépense publique de tous les maux. Vous allez même jusqu'à proposer de faire effectuer des audits par des cabinets privés ! Au moins l'argent public servira-t-il à les faire vivre... En revanche, vous vous êtes empressés de faire supprimer la loi Hue qui permettait de contrôler l'utilisation des fonds publics par les entreprises. Il y a bien deux poids, deux mesures !

Quand Daewoo engloutit des millions de fonds publics, la révolte verbale contre les « patrons voyous » ne suffit pas. De même, c'est l'Etat qui se substitue à Metaleurop pour payer une indemnité de préjudice moral. M. de Courson cherchait des fauteurs d'augmentation de la dépense publique ; il en a un exemple. L'Etat devrait contrôler les entreprises ayant touché de l'argent public ou dont le comportement coûte à la collectivité. Que faites-vous à cette fin ?

Pour notre part, nous sommes persuadés que la dépense publique est un atout considérable pour notre pays. Consacrée à l'éducation, la santé, la recherche si malmenée actuellement, la culture, le social, le soutien aux personnes âgées et la jeunesse, c'est un investissement d'avenir, une dépense noble. Mais dans ces domaines si utiles, vous voulez convaincre nos concitoyens qu'il est faux de croire que, pour faire mieux, il faille plus de moyens. Pourtant, il y a six mois, vous expliquiez que, pour faire mieux pour la police, la justice et la défense, il fallait augmenter les budgets.

M. Migaud a déjà dit ce qu'il fallait penser de votre thèse selon laquelle une réduction de la dépense publique entraînerait une réduction du chômage. Je n'ajouterai qu'un argument à sa démonstration : au début des années quatre-vingt-dix, la dépense publique était inférieure de 4 points à ce qu'elle est aujourd'hui, mais le taux de chômage dépassait de près de 3 points celui de 2001. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'existe pas de corrélation directe entre les deux !

Quant au désintérêt pour le travail, son origine se trouve ailleurs que là où vous la situez : il prend d'abord sa source dans la multiplication des licenciements - et quand les entreprises rejettent les gens après les avoir pressurés, la dépense publique croît forcément ! Il vient ensuite d'une politique de réduction des coûts salariaux censée améliorer la compétitivité. Pour lutter contre ce désintérêt, il convient donc plutôt de donner du travail à tous, et un travail convenablement payé.

En même temps que vous vous acharnez à réduire la dépense publique, vous allégez l'impôt sur le revenu et l'impôt sur la fortune. Pourtant, de l'aveu même du ministre de l'économie, aveu qui lui a d'ailleurs valu une réprimande, cette politique n'a pas servi la croissance : quand on allège les prélèvements pour les plus riches tout en privant les plus démunis de certains services, on ne fait qu'appliquer l'idéologie libérale, c'est-à-dire transférer des richesses du travail vers le capital, et donc aggraver les inégalités, sinon la pauvreté !

D'autre part, vous vous obstinez à faire silence sur les gaspillages de la sphère privée. Pourtant, quelle est l'efficacité de fonds utilisés systématiquement contre l'emploi et contre l'activité de territoires entiers ? La récente décision de Matra de se retirer du secteur automobile vient ainsi de placer ma circonscription dans une situation critique. Comment admettre que ce groupe soit prêt à dépenser des centaines de millions d'euros pour fermer des entreprises sans rechercher de solution industrielle sur place, tandis que Renault se déclare disposé à réembaucher les mille licenciés, mais ailleurs ? Le Gouvernement aurait le devoir de refuser de tels gâchis !

Et quand, dans un pays où la croissance est au mieux de 3 %, les actionnaires exigent une rémunération de 15 %, n'y a-t-il pas aberration, voire détournement de ressources au profit d'une minorité ? Vous avez là un argent stérilisé et même utilisé contre la société, qui justifierait amplement un débat et un contrôle parlementaire. Notre groupe, pour sa part, travaille à une proposition de loi contre les licenciements boursiers, persuadé qu'il est de la nécessité de réprimer ces gaspillages financiers.

En définitive, votre acharnement contre la dépense publique masque mal votre inertie face aux dérives du système libéral. Aux licenciements du secteur privé, vous allez même ajouter les suppressions d'emplois dans le secteur public ! Comment peut-on débattre des « performances » de l'Etat sans dire un mot des gâchis du secteur privé ni de vos propres choix fiscaux ? Comment peut-on oublier à ce point l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel « pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses de l'administration, une contribution commune est indispensable », une contribution « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ? Décidément, notre devise, « Liberté, égalité, fraternité », demeure une exigence terriblement actuelle...

M. Marc Laffineur - Je remercie de leur initiative le président de la commission des finances, le rapporteur général et le groupe UMP, non qu'il faille être contre la dépense publique - elle est nécessaire pour que l'Etat puisse remplir ses missions régaliennes -, mais parce qu'elle est manifestement excessive quand elle atteint 54 % du PIB, contre 48,4 % dans la zone euro, 47 % dans l'ensemble de l'Union européenne, 38,9 % au Royaume-Uni, 48,5 % en Allemagne, 48 % en Italie et 31 % aux Etats-Unis. Songeons qu'annuler cet écart de sept points entre la France et la moyenne de l'Union permettrait d'économiser quelque cent milliards d'euros !

Il serait donc urgent de réduire cette dépense publique. Nous avons certes de bons services publics, mais qualité n'est pas nécessairement synonyme de quantité - parfois, c'est même le contraire. En effet, augmenter continuellement la dépense conduit à alourdir les déficits, et donc la dette, ce qui réduit nos capacités d'intervention et hypothèque l'avenir. Du coup, nous arbitrons mal entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement. Un bon budget est bien plutôt un budget où l'on sait faire des choix, et d'abord celui de la réforme. La promesse de réduire les prélèvements obligatoires et l'engagement de ramener le déficit public en dessous de 3 % dès 2004 s'accommodent mal d'une dépense chaque année supérieure de 15 % aux recettes !

La conjoncture ne doit pas inciter à retarder ces choix, bien au contraire : elle ne rend que plus nécessaire une amélioration de notre compétitivité. Associations inutiles, structures superfétatoires, subventions inadéquates, sureffectifs, doublons, procédures chronophages : tout nous convainc de diminuer les coûts de fonctionnement de l'Etat, la diminution du nombre de fonctionnaires n'étant qu'une conséquence de cette réforme. Mais le taux de remplacement des agents partant à la retraite sera un bon indicateur de la volonté réformatrice du Gouvernement et celui d'un sur deux me semblerait de bon aloi...

En 2003, les charges de personnel de l'Etat se monteront à 120 milliards d'euros, soit 44,1 % des dépenses : c'est de loin le premier poste budgétaire, devant même les charges de la dette ! Et la dérive des coûts est mécanique, la masse salariale augmentant de 2,5 % par an du seul fait du « glissement vieillesse technicité ».

Cinq ministères totalisent près de 90 % des rémunérations d'activité. Or, la réduction des coûts est proportionnelle aux taux de non-remplacement des départs en retraite et, même si elle ne devient sensible que progressivement, le Gouvernement dispose aujourd'hui d'une chance historique de baisser le nombre de fonctionnaires : la proportion des agents de plus de cinquante ans dépasse 30 % dans certains secteurs.

La nouvelle constitution financière mise en place par la loi organique du 1er août 2001 ne devant être effective qu'à partir du 1er janvier 2006, la question primordiale est celle de la volonté et du courage politiques.

Cette réforme est d'autant plus nécessaire que déjà plusieurs pays européens et occidentaux ont entrepris de réformer leur gestion publique : la Finlande, où les contrats de droit privé ont remplacé le statut public, le Canada, où les effectifs de la fonction publique ont été réduits de 20 %, le Danemark, l'Italie, la Hollande où une partie des agents sont rémunérés au rendement, la Suède, où l'effectif de la fonction publique d'Etat a été divisé par deux, le Portugal et l'Espagne où l'on a annoncé qu'un seul fonctionnaire sur quatre partant à la retraite serait remplacé. Autant d'exemples qui montrent que réformer n'est pas impossible.

Le poids de la fonction publique par rapport à l'emploi général est de l'ordre de 27 % en France contre 17 % aux Etats-Unis, moins de 8 % au Japon et d'environ 15 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. A l'inverse, en France, le nombre de fonctionnaires a augmenté de 800 000 en vingt ans, soit 40 000 par an pour atteindre entre 5,6 et 6,4 millions de personnes.

La notion d'évaluation a mis, en effet, beaucoup plus de temps à s'affirmer en France qu'à l'étranger : au Royaume-Uni, le NAO est un organisme rattaché au Parlement employant 900 personnes, dont 300 au contrôle de l'efficacité de la dépense publique. Des équipes d'audit de trois à cinq personnes examinent pendant un an des administrations.

On ne trouve aucun mécanisme équivalent en France. Que ce soient l'Inspection des finances, la Cour des comptes, le Conseil national d'évaluation ou bien la MEC, leurs missions vont croissant mais leur avis est rarement suivi d'effet.

Les pistes ne manquent pourtant pas pour des réformes. Dans les DOM-TOM, par exemple, il conviendrait de se pencher sérieusement sur des mesures comme les congés bonifiés, qui absorbent 500 millions d'euros par an, ou la prime d'éloignement pour laquelle l'Assistance publique de Paris a un contentieux de 260 millions d'euros qui pourrait bien lui coûter 21 millions d'euros par an, ou encore la sur-rémunération, qui va parfois jusqu'à 100 % et coûte près d'un milliard par an. En outre, cela freine la titularisation ou conduit les collectivités à être placées sous la tutelle de l'Etat.

Autre exemple : est-il encore nécessaire que chaque préfet préside plus de trois cents commissions par an ? Dans le cadre de la nouvelle organisation décentralisée, ne pourrait-on pas confier aux départements qui le souhaitent les sous-préfectures ? Cela permettrait de faire des économies substantielles tout en permettant une meilleure coordination, donc une plus grande efficience.

Est-il nécessaire de garder des DDE alors que le logement et les routes vont être gérés par les départements ? Faut-il conserver un secrétariat d'Etat au tourisme et un ministère des sports, alors que ces domaines vont être dévolus aux régions ?

Enfin, on parle de simplification administrative, mais on constate que la carte administrative de la France, la carte judiciaire, la carte scolaire, la carte militaire, etc. ne se recoupent pas : il en résulte des logiques d'intervention différentes et parfois contradictoires.

Enfin, symbole d'une fonction publique pléthorique, l'Education nationale avait, en 2000, 350 000 élèves de moins qu'en 1995, mais 25 000 enseignants de plus. Premier budget de l'Etat, ce poste a augmenté de 17,5 milliards d'euros, soit 42 % en euros constants, de 1990 à 2001. Ces crédits sont destinés à 95 % à la rémunération de 1,3 million de personnes - 51 % des emplois budgétaires de l'Etat - dont 37 000 sont détachés ailleurs et 25 000 n'ont jamais vu un élève ; 470 000 fonctionnaires peuplent les rectorats et les inspections d'académie. La dépense moyenne par élève a augmenté, depuis 1975, de 94 % pour le premier degré et de 74 % pour le deuxième degré, sans qu'on constate une amélioration quantitative.

La réforme de l'Etat est une condition de la compétitivité de notre pays, dans une situation de crise internationale. Cette réforme est à prendre comme une chance pour la France et doit se réaliser en accord avec nos fonctionnaires, non contre eux.

Je renouvelle ma confiance dans votre action, Monsieur le ministre, et dans celle de tout le Gouvernement. Votre majorité vous soutiendra, car c'est en retrouvant notre compétitivité que nous pourrons créer des centaines de milliers d'emplois dans le secteur privé. C'est l'intérêt de la France et des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilbert Gantier - La loi organique du 1er août 2001 devait nous conduire à une réflexion sur le niveau de la dépense publique, mais aussi et surtout sur son bien-fondé.

S'il ne faut pas attendre de ce texte plus qu'il ne peut donner, il serait catastrophique qu'il donne moins que ce pour quoi il a été conçu !

En tant qu'ancien membre de la commission des finances et rapporteur spécial, j'ai une longue expérience de nos débats budgétaires, dans la majorité comme dans l'opposition.

Dans les deux cas, j'ai regretté le côté sclérosant de l'ordonnance de 1959. Certes, elle avait été promulguée pour mettre fin aux excès de la IVe République et à certaines dérives électoralistes.

Mais elle ne comportait aucun mécanisme d'évaluation des dépenses publiques et n'imposait qu'un contrôle parlementaire restreint. La principale préoccupation des gestionnaires était souvent d'épuiser les crédits votés, nullement de lutter contre les gaspillages.

Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez ont donc parfaitement raison de dire que c'est la logique qui doit changer : la bonne dépense, ce n'est pas celle qui augmente, c'est celle qui atteint son but.

A cet égard, la nouvelle loi organique nous apporte trois chances, mais aussi trois risques.

La première chance, c'est de recentrer la dépense publique sur ses finalités. Le programme doit permettre de mesurer l'impact d'une action publique. C'est une novation heureuse car nous avons trop souvent été privés d'une réelle évaluation de ce que nous votions, qu'il s'agisse des résultats du RMI en matière d'insertion ou du patrimoine immobilier de l'Etat, dont on ne connaît ni l'étendue ni la valeur. J'avais déposé un amendement pour tenter de remédier à cette dernière lacune, amendement accepté par le gouvernement socialiste de l'époque. Mais cet article n'a jamais été appliqué.

La deuxième chance que nous apporte la nouvelle loi organique, c'est de donner une dynamique nouvelle à la gestion des dépenses publiques et une meilleure implication des gestionnaires.

Enfin, troisième chance, par son article 47, elle redonne au Parlement un réel pouvoir d'autorisation, lié à une exacte évaluation de la dépense publique.

Mais les risques de la nouvelle loi organique sont, eux aussi, certains.

Le premier, déjà souligné par Michel Bouvard et Didier Migaud, c'est le caractère imprécis des programmes. Je souhaite donc vivement que le prochain débat d'orientation budgétaire nous donne l'occasion de discuter des « indicateurs » permettant de mesurer les effets d'un programme. En aucun cas, une mission ne saurait comporter qu'un seul programme.

Le deuxième risque, c'est la frilosité. J'ai souvent entendu parler de « réforme de l'Etat », il s'est toujours agi d'un v_u pieux. J'espère que cela va changer. Grâce à la fongibilité des crédits, nous devons passer d'un budget de moyens à un budget de résultats. Les gestionnaires, les syndicats, les ministres eux-mêmes, seront tentés par l'immobilisme, ou, pour le moins, le conservatisme. Il faudra y prendre garde.

Le troisième risque, c'est une insuffisance de l'évaluation. L'étude d'impact de l'APA chiffrait la contribution départementale à 2,5 milliards de francs, le coût total pour 2003 à 15 milliards de francs, et le nombre des bénéficiaires à 500 000. La réalité est bien différente. Il y a déjà plus de 600 000 bénéficiaires sur un million de demandes déposées, les dépenses des départements seront deux fois plus élevés que prévu, et le coût total atteindra dès 2004, 23 milliards de francs. Si une évaluation sérieuse avait été faite, on ne se trouverait pas dans cette situation. Une évaluation honnête et stricte doit être à la base de toute décision politique, la maîtrise des dépenses est à ce prix.

Le Parlement, comme l'exécutif, doivent relever ces défis pour aboutir enfin à une véritable maîtrise des dépenses publiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard - Voici plus de dix ans que notre Assemblée s'efforce de rendre un sens au débat budgétaire : création par Philippe Séguin de l'Office d'évaluation des politiques publiques, mise en place par Laurent Fabius de la MEC, enfin réforme de l'ordonnance de 1959, adoptée unanimement le 28 janvier 2001. Cette révision de la procédure budgétaire répond à la fois aux contraintes européennes et aux désirs de nos concitoyens, lassés par la hausse des prélèvements et les gaspillages et s'interrogeant sur la portée réelle des articles 13 et 14 de notre Déclaration des droits de l'homme, qui autorisent à la société à demander compte aux agents publics de leur action.

Il nous appartient aujourd'hui de réussir la mise en _uvre de cette nécessaire réforme, et cela dans l'esprit constructif et républicain, transcendant les clivages traditionnels, qu'avait relevé Didier Migaud quand il était rapporteur général. C'est bien dans cet état d'esprit que j'ai accepté de conduire, avec mes collègues Migaud, De Courson et Brard, la mission sur la mise en _uvre de la LOLF que nous a confiée la commission des finances.

La loi organique poursuit deux objectifs majeurs : l'amélioration de la gestion publique et l'extension des pouvoirs de contrôle et d'initiative budgétaire du Parlement.

Monsieur le ministre, nous apprécions que les dispositions déjà en vigueur aient été totalement appliquées. Mais les deux objectifs ne seront atteints que quand la réforme aura été totalement mise en _uvre, dans sa lettre et son esprit. Après trois mois d'auditions des fonctionnaires chargés de cette tâche dans votre ministère et dans les autres, nous constatons que l'application de la LOLF achoppe sur quatre grandes difficultés, dont nous souhaitons qu'elles ne conduisent pas le Gouvernement à s'affranchir des principes posés par le texte.

La mise en _uvre de cette loi est en effet une opportunité unique de vérifier la pertinence des politiques publiques, tout en rétablissant les prérogatives parlementaires en matière de définition et de contrôle de la dépense. Notre pays doit mener de front ces deux chantiers, ce qui ajoute à la difficulté de votre tâche, Messieurs les ministres.

Première condition de réussite de la réforme : donner aux missions toute leur place, afin d'identifier les politiques de l'Etat et d'engager une gestion interministérielle. Sans missions, pas de remise à plat, pas de vérification de la cohérence des dépenses, pas d'identification des structures administratives redondantes. Les missions serviront d'unités de vote. De leur définition découlera la portée de la deuxième partie des lois de finances : en votant les crédits d'une mission, nous autoriserons la mise en _uvre d'une politique ; et c'est au sein de ces unités que s'exercera notre droit d'amendement, dans un dialogue avec le Gouvernement sur des redéploiements de crédits entre programmes. Nous ne pouvons transiger sur ce préalable.

Il est donc indispensable que des arbitrages soient rendus pour construire la future architecture budgétaire autour de la définition des grandes politiques publiques. L'absence de réflexion préalable sur les missions conduit, d'après nos premières observations, à élaborer des programmes surdimensionnés. Nous sommes loin du formatage qui avait été imaginé au moment des discussions sur la LOLF...

Deuxième condition de réussite : la structuration des programmes en fonction des finalités des actions de l'Etat, et non pas en fonction de l'organisation des services. Aujourd'hui on constate une tendance à substituer à la logique par finalités, prévue par la loi organique, une approche par structures. Messieurs les ministres, certains représentants que nous avons rencontrés nous ont même indiqué qu'ils fallait se caler sur les structures administratives pour ne pas inquiéter les syndicats...

La multiplication des programmes « fonctions supports » ou « services polyvalents » aurait pour conséquence un affranchissment de la budgétisation par objectifs. Le risque est aussi celui du maintien d'une budgétisation par nature de dépenses, avec d'un côté des crédits d'intervention et d'investissement, regroupés dans des programmes découpés par politiques, et de l'autre des crédits de fonctionnement et d'équipement déconcentrés, constituant des programmes dédiés aux moyens des services. Il est enfin celui de l'ajout d'une fongibilité horizontale des crédits au travers des programmes polyvalents, avec une conséquence directe en matière de gestion des personnels : l'absence de ventilation des moyens communs se traduira par une concentration des crédits de rémunération dans des programmes limités, voire dans un programme unique, faisant sauter de facto le verrou du plafond de dépenses de personnel prévu pour chacune des politiques poursuivies, et remettant ainsi en cause la maîtrise des dépenses de personnel.

Troisième condition : la déclinaison des programmes au niveau opérationnel, qui suppose une évolution des pratiques administratives vers le dialogue de gestion entre donneurs d'ordre et exécutants, le renforcement de la capacité de coordination des projets - qui n'ont rien à craindre de la mise en _uvre de la LOLF, il faut arriver à les en convaincre ! - et l'assouplissement de la chaîne de contrôle.

Quatrième condition : la pertinence du dispositif d'évaluation. À ce sujet, Monsieur le ministre, ce que vous nous avez dit tout à l'heure va dans le bon sens. C'est de la batterie d'indicateurs que dépendra la capacité de contrôle par le Parlement des performances de l'Etat. Il est symptomatique de retrouver dans le rapport d'avril 2003 de la Cour des comptes sur la gestion du système éducatif des observations qu'elle avait déjà formulées dans son rapport d'avril 2001 sur la fonction publique d'Etat ou dans les rapports sur l'exécution des lois de finances. Ce sont les indicateurs de performance qui doivent donner tout leur sens aux lois de règlement, qui constituent le véritable rendez-vous du contrôle.

D'autres dans ce débat se sont attachés aux chiffres ; j'ai souhaité pour ma part m'attacher à la méthode. Sans modification des pratiques, sans responsabilisation des fonctionnaires, sans évaluation des services redondants, sans contrôle renforcé du Parlement, nous continuerons à nous lamenter sur les rapports sans suite de la Cour des comptes et de la MEC, constatant notre impuissance collective à enrayer une machine qui nous échappe et sacrifiant aux coupes arbitraires dans le budget, en général sur l'investissement. Si nous ne réagissons pas, nous n'aurons même plus l'occasion d'arbitrer entre les priorités qui font la différence entre majorité et opposition, car les marges de financement seront de plus en plus réduites, contraints que nous sommes par nos engagements européens, à l'heure où pourtant il est particulièrement indispensable de peser sur l'avenir de notre continent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Auberger - Ce débat est utile, non pour refaire l'histoire budgétaire de ces dix dernières années, ou encore pour se lamenter sur la situation actuelle, mais plutôt pour revoir nos méthodes. Cela d'autant plus que l'élaboration de la loi de finances pour 2004 sera très difficile puisqu'il faudra absolument maîtriser la dépense publique afin de revenir aux normes du pacte de stabilité, tout en faisant face à une conjoncture qui réduit nos recettes fiscales.

Force est de constater que les tentatives faites dans le passé pour améliorer ces méthodes ont en général avorté. On a souvent proposé des diminutions de dépenses au moment de la discussion budgétaire, mais comme cela remettait en cause les arbitrages intervenus au sein du Gouvernement, cela n'aboutissait pas ; ce fut encore le cas à l'automne denier. Quant aux travaux de la MEC, pour intéressants qu'ils aient été, ils n'ont eu pratiquement aucun résultat significatif. En effet, il ne suffit pas que la MEC fasse des propositions pour que le ministre concerné les retienne : s'il y est hostile, il peut toujours faire en sorte d'obtenir du Premier ministre un arbitrage en sens contraire. Il est donc nécessaire, Messieurs les ministres, que la MEC travaille directement avec vous et vos services et que vous soyez prêts à soutenir ses propositions.

Le rapprochement avec la Cour des comptes a donné lieu à des analyses intéressantes, mais bien peu de ministères prennent en considération ses recommandations et critiques.

M. Michel Bouvard - Voir l'Education nationale...

M. Philippe Auberger - En effet. Il faut donc que le Parlement agisse pour que suite soit donnée aux observations de la Cour.

Tout cela m'amène à faire trois propositions de méthode.

D'abord, il faut s'appuyer sur la LOLF pour renouveler le dialogue entre ministres dépensiers et ministre du budget d'une part, entre Gouvernement et Parlement d'autre part. A cet égard, comme l'a dit Michel Bouvard, l'élaboration de ce qu'on pourrait appeler la grille de lecture budgétaire - répartissant les moyens entre les missions et les programmes - revêt une importance tout à fait décisive.

Cela répond d'abord à une exigence démocratique : les lois de finances doivent être comprises par nos concitoyens, qui ont un droit de regard sur l'utilisation des fonds publics. Or il faut bien reconnaître que les bleus budgétaires sont totalement illisibles pour le commun des mortels. Cette nécessité démocratique est fâcheusement négligée.

Surtout, il faut déterminer des missions et des programmes en fonction de finalités précises et mesurer chaque année dans quelle mesure leurs objectifs auront été atteints, à partir d'indicateurs significatifs et, si possible, quantifiables. On ne peut laisser à chaque administration le soin de choisir ses missions et ses programmes, sous peine que la réforme budgétaire soit totalement ratée (M. Michel Bouvard applaudit). L'administration n'a pas à fixer les finalités de l'action publique : cela revient au Gouvernement, sous le contrôle du Parlement. L'administration peut juste proposer des indicateurs d'évaluation. Il est donc indispensable qu'ait lieu chaque année un débat au Parlement sur le choix des missions et programmes. Nous avions réclamé une telle discussion lors de l'examen de la LOLF, mais ne l'avions pas obtenue de la précédente majorité. Rien ne s'oppose plus maintenant à ce que débat ait lieu chaque année.

Une fois les objectifs définis, chaque ministère, au niveau central comme déconcentré, doit adapter ses moyens de contrôle pour que le suivi ait lieu de façon permanente. L'administration française dispose de moyens de contrôle surabondants, mais qui sont quasiment tous dirigés vers l'emploi formellement correct des fonds publics. La réforme n'aura d'effets que si ces moyens sont réorientés vers le contrôle du respect des finalités des programmes.

Troisième suggestion : le Parlement pourrait se doter de moyens de contrôle supplémentaires. Toutefois, les moyens existants ne sont pas toujours bien employés et il faut commencer par les réorienter, notamment en direction des missions interministérielles. Les rapporteurs spéciaux doivent également se charger tant de l'élaboration des mission et programmes que de leur évaluation, et y consacrer une partie de leur rapport. Le Parlement devrait-il en outre disposer de moyens propres, comme c'est le cas aux Etats-Unis ? Peut-être cela serait-il utile dans certains cas, mais il a surtout besoin de mieux connaître le travail des administrations auprès du public. L'administration est largement coupée des usagers et de leurs préoccupations et la meilleure évaluation sera faite au niveau du Parlement, notamment en ce qui concerne des objectifs de rapidité, de qualité et de transparence.

En définitive, l'enjeu de cette réforme budgétaire est non seulement de dépenser mieux les fonds publics, qui sont de plus en plus rares, mais surtout d'accélérer la modernisation de l'administration, qui jusqu'à présent a multiplié les rigidités. La souplesse, la réactivité sont des qualités de plus en plus indispensables. Dans ces conditions, la modernisation budgétaire est un enjeu pour la réforme de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Denis Merville - On a souvent pensé que gouverner, c'était dépenser, et que bien gouverner, c'était dépenser plus. Dans cette logique, l'importance d'un ministère se mesure à son budget et celle du ministre aux crédits nouveaux qu'il a pu faire voter. On en a déduit que la qualité d'un service public ne dépendait que de l'accroissement de ses moyens. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Il faut d'abord bien admettre qu'Etat et performance ne vont pas bien ensemble. L'impératif d'efficacité ne s'applique pas à l'Etat, qui s'est longtemps posé en donneur de leçons, édictant des règles toujours plus lourdes pour les acteurs économiques sans en suivre lui-même aucune. L'expérience de tous ceux qui s'y sont essayés montre que la réforme est un art délicat en France. Pourtant, devant le dérapage des dépenses publiques, nous n'avons plus le choix : il faut réformer. Jamais les Français n'ont acquitté autant de prélèvements obligatoires : nous atteignons 54 % du PIB, ce qui nous place dans le peloton de tête selon l'OCDE. Cette inflation de charges a mis à mal la compétitivité française, compromis l'attractivité du territoire et conduit des cerveaux à l'exil.

La part des services votés dans les budgets que nous votons chaque année est tellement importante que nous n'avons plus que très peu de marges de man_uvre. Est-ce normal ? Non ! La nouvelle loi organique, qui redéfinit le rôle du Parlement en matière budgétaire, est un des instruments qui pourra changer cet état de choses. Il en existe d'autres. La Cour des comptes par exemple a acquis une compétence particulière, grâce au rapport sur l'exécution de la loi de finances qu'elle publie chaque année et aux contrôles auxquels elle se livre. Sa coopération avec le Parlement doit être renforcée de façon à ce que les remarques qu'elle formule soient mieux suivies d'effets. Je souhaite donc, ainsi que les 203 autres signataires de la proposition de loi de Bernard Carayon, que ce rapport fasse l'objet d'un débat public dans les deux assemblées. Cette proposition, reconduite depuis 1995, n'a jamais été discutée. Peut-être permettrait-elle d'éviter des faillites d'entreprises publiques telles que celles du Crédit lyonnais. La MEC constitue une avancée certaine dans l'évaluation des politiques publiques. Grâce à elle, le rôle du Parlement ne se limite plus à donner une autorisation de dépense. Quant au rôle des rapporteurs spéciaux, il a déjà été évoqué. Mais la maîtrise de la dépense publique passe aussi par la réforme de l'Etat. Cela implique une réflexion sur la structure administrative et sur la foultitude d'organismes qui existent, - on n'en supprime jamais. Il importe de connaître le bilan de ces organismes, le nombre de leurs réunions et des personnes qu'ils emploient.

Ensuite, les élus ont une part de responsabilité dans cette situation, à travers les textes qu'ils produisent. Comment être efficaces avec 8 000 lois, 40 000 décrets, 20 000 normes nationales et européennes et 40 règlements nouveaux par jour ? Il faut des techniciens pour les expliquer, des réunions, qui donnent lieu à des comptes rendus, et des rapports qui sont d'autant moins lus qu'ils sont épais... La décentralisation de 1982, faute de moyens humains, a conduit les administrations centrales à toujours plus de réglementation. La sécurité civile a ainsi édicté de nouvelles règles dont les collectivités locales payent le prix.

Il est indispensable que des études d'impacts financiers soient réalisées, et pas par les services initiateurs du texte. Passer des POS aux PLU, dans le domaine de l'urbanisme, a multiplié la facture par trois pour les collectivités locales. Quant aux collèges, ils sont tous concernés par un plan de prévention des risques majeurs. Le ministère de l'environnement ne connaissait même pas l'existence de ce texte, édicté par l'éducation nationale... Et l'intercommunalité a-t-elle vraiment permis de réaliser des économies d'échelle ? Il y a un écart de un à quatre entre la DGF qui va à une communauté urbaine et celle d'une communauté de communes à fiscalité mixte...

Un effort important de simplification des structures, des règles et des responsabilités s'impose. Notre pays souffre de ces commissions qui mobilisent élus locaux et fonctionnaires pendant plusieurs heures. Un audit pourrait-il être réalisé ?

M. le Président - Monsieur Merville, veuillez conclure.

M. Denis Merville - La commission départementale d'accès à la citoyenneté rassemble, dans mon département, 192 personnes. La conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire, 66 personnes. La directive territoriale d'aménagement du territoire, 106 personnes ! Le ministère de l'agriculture compte 31 000 fonctionnaires contre 29 500 il y a vingt ans, alors que les agriculteurs étaient beaucoup plus nombreux. Le ministère de l'éducation nationale emploie 800 000 personnes devant nos enfants et 500 000 dans l'administration. Quand on recrute aujourd'hui un enseignant, on recrute deux administratifs... La nouvelle vague de décentralisation doit être accompagnée d'un réforme profonde de l'Etat et de transferts de personnel vers les collectivités locales. Les 215 directions centrales demeurent-elles aujourd'hui toutes utiles ? Et qu'en est-il du patrimoine immobilier ?

Le public doit devenir le juge de l'action publique, au travers d'éléments qu'il peut percevoir : qualité, rapidité, coût des services. Dans ces conditions, le paiement de l'impôt pourra redevenir un acte citoyen. Elu local depuis vingt-cinq ans, je crois qu'un contrôle direct sur l'emploi des fonds publics existe dans les communes petites et moyennes. Dans un monde qui bouge, il faut changer bien des habitudes pour que cela soit généralisé. Il faut rechercher la performance, simplifier, réformer l'Etat pour qu'il soit plus efficace et que les fonctionnaires soient plus intéressés au résultat de leur gestion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Yves Deniaud - Le rôle du Parlement sera décisif dans l'amélioration des performances de l'Etat. La tâche du contrôle de l'exécutif, jusqu'ici, était plutôt moins bien assurée que celle de faire la loi, et plutôt moins bien exercée que dans d'autres démocraties.

La Constitution de 1958, l'ordonnance de 1959 sur la loi de finances avaient pour objectif de créer les instruments de maîtrise de la dépense publique après les débordements incontrôlés du régime d'assemblée de la IVe République.

Quarante-cinq ans après, le problème est différent. Il faut créer les instruments de la maîtrise des dépenses publiques après les débordements incontrôlés du précédent gouvernement en particulier.

Le budget de l'Etat, en déficit depuis vingt-huit ans et l'hypertrophie de la sphère publique imposent de nouvelles méthodes qui correspondent mieux aux exigences d'information et de transparence.

Le secteur privé a connu une progression constante de l'information et de l'évaluation. Dans la sphère publique, nous sommes loin du compte. Les instruments traditionnels de contrôle sont à revoir ; la conjonction de la loi organique sur les lois de finances, de la décentralisation, du renouvellement accéléré des fonctionnaires doivent favoriser la fixation de nouvelles règles et la remise en cause des conservatismes.

Il faut réformer les systèmes de contrôle internes de l'administration, revoir le rôle des inspections générales de chaque ministère et, spécialement, du ministère des finances où les méthodes, le rythme de travail, les recrutements, le taux de disponibilité des personnels peuvent connaître des améliorations significatives.

Il doit y avoir également un audit externe - seul le Parlement détient la légitimité pour l'assurer.

Le contrôle permanent des dépenses exige une action plus efficace des rapporteurs spéciaux et pour avis. Le respect de leurs prérogatives sera garanti par leur propre pugnacité et par la possibilité, pour les commissions des finances, de saisir la Cour des comptes et les différents outils d'évaluation des administrations, et de faire appel à des cabinets privés.

La mission d'évaluation et de contrôle des commissions doit être renforcée. Elles doivent se saisir successivement de problèmes structurels variés, les étudier, en tirer des propositions de restructuration, des conclusions pratiques et exécutoires. Elles doivent s'appuyer sur la Cour des comptes dont le pouvoir coercitif doit être renforcé. Les décisions doivent être suivies d'effets. La réussite passe par la volonté publique du Gouvernement, qui doit jouer le jeu d'un vrai dialogue avec le Parlement - ce qui suppose de faire admettre à son administration que les réformes à mener et les modifications de textes peuvent provenir davantage du Parlement sans que la qualité intellectuelle s'effondre.

Chaque ministre doit jouer le jeu de la loi organique sur les lois de finances et ne pas céder à la tentation de chercher, pour reprendre les termes du Prince Salina dans Le Guépard, à ce que « tout change, afin que rien ne bouge ».

M. le Rapporteur général - Très bien !

M. Yves Deniaud - Si la loi organique ne se traduisait que par un badigeon terminologique sur une réalité budgétaire inchangée, ce serait un échec gravissime (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

La réussite passe également par la volonté politique du Parlement et des majorités qui se succéderont, à commencer par la nôtre dont la responsabilité est particulière. Il ne faudra pas avoir peur de déranger. La nécessaire solidarité d'une majorité ne doit pas la conduire à laisser perdurer des erreurs parce qu'un ministre ne parvient pas tout seul à faire bouger son administration.

Beaucoup de travail est accompli au sein des Assemblées, beaucoup de rapports, d'analyses pertinentes, de déclarations lucides, voire prophétiques... Il faut que tous les services de l'Etat soient vigilants sur leur propre efficacité, sur la sobriété de leur fonctionnement, sur le plus haut niveau de service et de satisfaction des usagers.

C'est une grande étape de fonctionnement de nos institutions qui s'engage. Elle doit marquer un saut qualitatif de notre démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Eric Woerth - Il y a trop de lois - l'utilisation de la niche parlementaire est d'ailleurs un symbole à l'adresse du Gouvernement - et trop de dépenses.

Tout tourne autour de la maîtrise de la dépense publique. Nous devons maintenant passer de la phase incantatoire à la phase active.

Ce débat doit être mis en perspective avec d'autres débats à venir - je pense aux lois d'habilitation. Il faut réformer l'Etat, décentraliser les décisions, simplifier la vie de nos concitoyens, économiser l'argent public en le rendant plus productif.

Nous devons fixer un objectif des dépenses par grands secteurs d'orientation, un niveau de service aux citoyens par administration, une méthode de travail en profondeur.

Peut-être faut-il également rendre les économies réalisées aux citoyens plutôt que de les réinvestir.

Chaque ministre doit se donner un objectif de développement et un objectif de maîtrise des coûts. Il faut instituer une règle selon laquelle aucun organisme public ou parapublic ne sera créé s'il n'est le fait de la suppression ou de l'harmonisation d'autres organismes.

M. le Président de la commission des finances - Exactement !

M. Eric Woerth - A l'occasion du budget de 2004, nous devrions signer un pacte majoritaire pour que changent nos comportements politiques : un bon député n'est pas celui qui incite un ministre à dépenser plus ou à économiser moins.

M. le Ministre délégué - Très bien !

M. Eric Woerth - Un bon ministre n'est pas celui qui décide les députés à lui accorder plus de moyens budgétaires.

M. le Président de la commission des finances - Oui.

M. Eric Woerth - Il faudra lancer une coopération active entre le Gouvernement et le Parlement. Ce débat est d'abord politique. La LOLF sera ce que nous en faisons : soit un outil de comptabilité analytique de plus, soit un investissement de pilotage des dépenses et de la réforme de l'Etat.

Je rêve que la montagne de la réforme de l'Etat et de la maîtrise des dépenses publiques n'accouche ni d'une souris, ni du guépard qu'évoquait M. Deniaud, mais plutôt d'un bel et sympathique éléphant... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre Hériaud - Il y a quelques mois, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, une conclusion s'est imposée : il faut maîtriser la dépense publique. La réforme budgétaire nous en donne une occasion unique. Mais il y faut une volonté forte et une véritable révolution des pratiques budgétaires. C'est à partir d'évaluations objectives que pourront être opérés des arbitrages raisonnables.

Quelle est notre situation, comparée à celle de nos voisins, et comment revenir à l'équilibre budgétaire ?

Le déficit budgétaire sera de l'ordre de 50 milliards, supérieur aux 3 % du PIB ; l'endettement passera donc de 915 milliards au 31 décembre 2002 à 965 milliards, atteignant, voire dépassant les 60 % du PIB. Chaque Français reçoit ainsi à sa naissance 16 000 euros de dettes. Selon les informations transmises à Bruxelles, nos partenaires tiennent mieux compte de la nécessité de maîtriser la dépense publique. Pour la Belgique, l'excédent budgétaire passera de 0,2 % à 0,7 % du PIB en 2005 ; le gouvernement luxembourgeois prévoit de faire passer à zéro en 2007 l'encours de la dépense publique. L'Allemagne et l'Espagne vont dans le même sens. Nos partenaires sont donc en avance sur nous.

Aussi faut-il, dès le budget 2004, sortir du cercle vicieux qui consiste à escompter que le déficit sera réduit non par la maîtrise des dépenses publiques, mais grâce à la croissance économique. Pour cela, il faut distinguer clairement comptes de fonctionnement et comptes d'investissement, dégager un solde primaire positif en gestion courante et un excédent du compte d'exploitation, une fois réglés les frais financiers, équivalent - progressivement - au montant des investissements civils et militaires, ce qui signifie parvenir au déficit zéro. De ce fait on n'empruntera que le montant nécessaire au règlement de l'annuité de la dette en capital, qui s'élève à 69 milliards.

Pour annuler 50 milliards de déficit en quatre ans, l'objectif est de 12,5 milliards par an. Pour l'instant on ne peut jouer que sur les titres III et IV du budget. Vous avez évoqué, Monsieur le ministre, une économie de 3 milliards sur les consommations intermédiaires des ministères, qui s'élèvent à 20 milliards, soit 15 %. Toujours au titre III, on devrait réaliser une économie du même montant par redéploiement des crédits vers les besoins réels. Enfin, ne pourrait-on réduire de 75 à 72 milliards les crédits du titre IV, compte tenu des éléments que vous avez indiqués ? On économiserait ainsi 9 milliards, soit les trois quarts de l'objectif annuel. Il serait sage de ne compter sur la croissance que pour le quart restant, sachant que ces 3 milliards seraient acquis si elle est de 2 % en valeur. Dès lors, tout apport supplémentaire dû à la croissance devrait être investi ou consacré au désendettement.

Il faudrait aussi évoquer la situation de l'assurance maladie, et de la protection sociale en général, puisque 7 % de dérapage sur l'ONDAM représentent 7 à 8 milliards de déficit. Il faudra augmenter la prise en charge par les bénéficiaires des soins. Pour l'heure, il s'agissait de la maîtrise de la dépense de l'Etat. Soyez assuré qu'en allant dans la direction que j'ai évoquée vous aurez le soutien de la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Mariton - Nous souhaitons tous que ce débat ne constitue pas un simple exutoire aux épanchements économes de certains d'entre nous... Pour maîtriser la dépense publique, il faut le vouloir, il faut le pouvoir.

Il faut que le Gouvernement le veuille, que l'ensemble de l'exécutif le veuille. Sur la nécessaire réduction des effectifs de fonction publique, le message doit être clair. Il est cohérent avec notre politique, soutenu par la majorité, il faut l'affirmer avec persévérance.

Le Parlement doit le vouloir aussi, faute de quoi aucun outil juridique ne sera efficace. Il ne suffit pas de proclamer « Laurent, serrez ma haire avec ma discipline » ! La volonté de la commission des finances est sans doute bien établie. Mais il importe que le plus grand nombre de nos collègues la partage. Que les uns ne se contentent pas de s'opposer à la dépense, tandis que d'autres se contenteraient de la proposer : le débat budgétaire ne doit pas être un jeu de rôles. Il faut aussi améliorer nos moyens, par exemple en collaborant avec la Cour des comptes, qui est, constitutionnellement, à la disposition du Parlement. Je suis plus réservé sur l'appel aux inspections générales qui serait plus ambigu car elles sont à la disposition du Gouvernement. Il nous appartient de dégager nous-mêmes les moyens de contrôle qui nous sont nécessaires.

Enfin, il faut que le peuple le veuille. Cela nécessite, au-delà des incantations, un grand travail pédagogique. Mais c'est un bel enjeu politique.

Il faut vouloir, il faut aussi pouvoir. Cela nécessite trois vertus. La première est la transparence. S'il est essentiel de développer toute une ingénierie financière, en particulier pour le partenariat entre public et privé, prenons garde, par une complexité trop grande, à ne pas masquer une nouvelle dépense publique. Ne réinventons pas Suez ou Panama. Il faut ensuite faire preuve de cohérence. Veillons bien à ce que la décentralisation ne soit pas une autre forme d'augmentation de la dépense publique, évitons également la dépense indirecte par des contraintes imposées à d'autres collectivités ou au secteur privé. Enfin, faisons preuve de constance, car la maîtrise de la dépense publique ne peut que s'inscrire dans la durée. Surtout prenons soin de ne pas soulever d'exception « intelligente » au profit de la recherche, des infrastructures, des transports, de la défense... De telles exceptions finiraient par mettre en péril l'efficacité de notre politique.

Vouloir et pouvoir maîtriser la dépense publique ne doit pas être au-delà de nos moyens. Mais nos prédécesseurs n'y sont pas parvenus. Nos citoyens ne le réclament pas explicitement. Sachons les convaincre de son intérêt, ils nous en seront reconnaissants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Il va falloir penser aussi à la maîtrise de la parole publique... (Sourires)

M. Louis Giscard d'Estaing - Ce débat est pertinent. Le ministre en a rappelé le cadre institutionnel et budgétaire, le rapporteur général a rappelé que l'amélioration de la performance de l'Etat est attendue et constitue un aspect essentiel du rôle dévolu au Parlement par la loi organique. Toutes les interventions ont confirmé le bien-fondé de ce débat, y compris celles de nos collègues de l'opposition, ne serait-ce que par l'absurde, étant donné la situation qu'ils ont laissée.

N'en déplaise à M. Migaud, tous les Français sont à même de constater que le Gouvernement précédent n'a pas mis à profit une période de forte croissance ne serait-ce que pour stabiliser l'endettement du pays, et que le chômage a recommencé à croître à l'automne 2001, donc que la corrélation entre augmentation de la dépense publique et amélioration de la situation de l'emploi n'est pas avérée.

« Ne diabolisez pas la dépense publique », nous dit-on. Certes, mais il ne faut pas non plus la sacraliser, en négligeant de rechercher l'efficacité et de lutter contre les gaspillages...

M. Didier Migaud - Nous avons insisté sur ces points !

M. Louis Giscard d'Estaing - Nous devons travailler à une utilisation optimale des ressources, humaines et financières, de l'Etat. En tireraient bénéfice les agents de cet Etat, dont le rôle serait valorisé, les usagers des services publics et les citoyens contribuables. Qui y perdrait ? Personne : ne régresseraient que les gaspillages et les dépenses non justifiées. Ceux qui ont fait leur service militaire se souviennent certainement que nous devions tirer toutes nos munitions avant le 31 décembre pour bénéficier d'une dotation égale l'année suivante. Maintenant, les régiments étant responsables de leur budget, ce gaspillage a cessé !

La Cour des comptes peut nous aider beaucoup à mieux gérer : il importe donc que nous veillions à ce que ses rapports soient suivis d'effets. Mais, comme l'a rappelé à plusieurs reprises le président de la commission des finances, nous pouvons nous appuyer aussi sur nos rapporteurs, dont la loi organique a renforcé les pouvoirs d'investigation. Enfin, nous devons exercer pleinement notre mission de contrôle et, pour cela, nous comptons sur la coopération des administrations.

C'est en effet l'honneur de la politique, la responsabilité du Gouvernement, le rôle de l'Assemblée et notre devoir républicain et citoyen que de nous assurer de la gestion optimale de l'argent public, pour le bien des Français et la prospérité du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Chamard - Je remercie M. Laffineur, grâce à qui je puis participer à ce débat.

Comment se fait-il que nous, Français, ayons tant de mal à réduire la dépense publique ? La réponse, selon moi, tient en deux mots : « tous drogués ! » - et ce à tous les niveaux : chacun de nos concitoyens l'est, qui trouve que les dépenses d'assurance maladie augmentent trop vite mais sans qu'il y soit de sa faute, évidemment ; les fonctionnaires aussi le sont, jugeant l'administration pléthorique, en dehors de leur propre service, mais aussi les élus locaux, qui multiplient les réalisations et augmentent pour ce faire les impôts, mais non dans les deux années précédant leur réélection. Et les parlementaires n'échappent pas à la règle, qu'ils soient de droite ou de gauche : ils réclament toujours plus dans la discussion de la deuxième partie de la loi de finances. Même vos collègues, Monsieur le ministre délégué, savent qu'il est bon pour eux de paraître avec un bon budget, c'est-à-dire avec un budget en augmentation ! La situation n'a donc rien d'étonnant...

Comment se désintoxiquer ? En contraignant et en convainquant !

Contraindre : un budget se compose de recettes et de dépenses, d'où il résulte un excédent... ou plutôt, depuis 28 ans, un déficit ! Le dernier à avoir présenté un budget sans déficit fut en effet votre père, Monsieur Giscard d'Estaing. Des dépenses, nous en avons amplement parlé. Voyons donc les recettes : si l'on veut contraindre, il faut que l'augmentation de la dépense fasse mal, et ce tout de suite. Or qu'allez-vous faire, Monsieur le ministre délégué, et avec vous le Premier ministre lorsqu'il arbitrera ? Pour éviter d'augmenter les impôts, vous donnerez un coup de pouce à votre estimation de la croissance pour l'année à venir. Ce fut le cas en 2002, ce le fut aussi en 2003. Je propose - mais cela exigera une nouvelle modification de la loi organique - que vous ne puissiez plus décider, seul ou avec nous, du montant des recettes, la variable d'ajustement se réduisant au montant de l'impôt.

Préparant la loi de finances pour 2004, vous ne pouvez connaître que les chiffres de 2002. Je souhaiterais donc qu'on écrive que les recettes de l'année n sont celles constatées au cours de l'année n-2, majorées de la croissance et de l'inflation de cette même année. En règle générale, on aboutira à un excédent, mais c'est ainsi qu'il faut gérer : en minimisant les recettes !

Le déficit également doit être contraint : il faut s'obliger à le limiter à un certain pourcentage du PIB ou du budget. Moyennant ces deux mesures, au lieu de parcourir chaque année un long chemin de croix, vous pourrez opposer aux demandes de vos collègues le seul recours qui vous restera : augmenter les impôts. Et ce recours sera forcément visible !

Convaincre : pour cela, évitons de surestimer les connaissances économiques de nos concitoyens qui, à 53 %, croient que l'autofinancement est le financement de l'automobile !

M. Michel Bouvard - A un tiers seulement !

M. Jean-Yves Chamard - Si on leur demandait ce qu'est le PIB, gageons qu'ils répondraient « Parti indépendantiste breton », « Parisianisme intellectuel et branché » ou « Partage des indemnités à Bercy » ! (Sourires). Il faut donc s'en tenir à des notions simples, à des indicateurs que la France d'en bas - celle par exemple du Poitou-Charentes, que je représente comme d'autres ...- comprenne : par exemple le coût d'une ablation de l'appendice, de cent kilomètres en train et d'un an de lycée. Nous comparerions ensuite ces coûts à ce qu'ils sont en moyenne dans la zone OCDE ou dans l'Union européenne : nous verrions alors que cent kilomètres en train coûte le double, que l'ablation de l'appendice revient, dans le public, à 30 % de plus que dans le privé et une année de lycée à 35 % de plus que dans la moyenne des pays de l'OCDE...

M. le Président - Je suis sûr que vous allez bientôt conclure cette démonstration !

M. Jean-Yves Chamard - Troisième étape : on essaie de comprendre pourquoi on est plus cher. Quatrième : on communique sur le sujet. La tâche pourrait revenir au Parlement, aidé de la Cour des comptes et s'appuyant sur des audits externes, quitte à donner à cette communication une forme « impersonnelle » - il n'est jamais facile de s'exposer aux porteurs de pancartes !

Vous serez alors mieux en mesure de prendre certaines mesures, Monsieur le ministre délégué. L'entreprise prendra un peu de temps mais si l'on ne contraint pas, si l'on ne convainc pas, malgré toute l'intelligence mise dans l'élaboration de la loi organique et malgré toute la bonne volonté du Gouvernement, nous ne parviendrons à rien.

Avant le long calvaire qui vous attend, Monsieur le ministre délégué, j'espère que cette matinée vous aura apporté un grand bol de vitamines, pour vous permettre de résister à toutes les pressions en faveur de la dépense !

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 avril, puis du mardi 29 avril au mercredi 7 mai 2003 inclus, a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance. Je rappelle que cet ordre du jour comporte notamment cet après-midi la nouvelle délibération de l'article 4 de la loi sur l'élection des conseillers régionaux.

Par ailleurs, en application de l'article 64-1 du Règlement, la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit auraient lieu le mardi 29 avril, après les questions au Gouvernement.

DÉBAT SUR LA MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES (suite)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je sais infiniment gré à tous ceux qui ont pris part à ce débat, regrettant simplement que le gros de l'effectif ait été fourni par la seule commission des finances.

Ce débat est symbolique, comme l'a dit M. Woerth, d'une double volonté : d'abord celle de mettre un terme à l'incontinence législative et réglementaire, l'UMP ayant renoncé à présenter une proposition de loi de plus. Ensuite, celle d'affirmer que la maîtrise de la dépense publique et la réforme de l'Etat sont, pour ce pays, la condition de la réussite. Comme l'a dit Gilles Carrez, la tâche n'est pas hors de portée, mais il y faudra des mains nombreuses. En effet, toutes les fois que l'Etat a tenté de se réformer, de Rocard à Allègre en passant par vos prédécesseurs, Monsieur le Ministre délégué, il a échoué. Il est vrai qu'il est sacrément agréable de dépenser. Qu'on soit ministre ou maire, on en est souvent mieux récompensé que si on faisait des économies ! D'autre part, les corporatismes, la crainte des syndicats et l'absence d'analyse des coûts et bénéfices en paralysent beaucoup.

Pour sortir de cette paralysie, il faut d'abord gagner la bataille de la communication en convainquant l'opinion que, pour faire mieux, il ne faut pas obligatoirement davantage de moyens. Ainsi, quand nous débattons des intermittents du spectacle, il faut pouvoir s'appuyer sur des contrepoids et montrer que, lorsque le rapport entre cotisations et prestations est de 1 à 8, ce sont les ouvriers du bâtiment qui paient ! Mais, ce qui sera sans doute le plus convaincant, c'est sans doute de démontrer qu'il y a relation entre la dépense publique et l'emploi, entre la dépense publique et le pouvoir d'achat. MM. Fabius et Chevènement ont d'ailleurs reconnu que la maîtrise de cette dépense était la clé de la croissance : si nous nous mettions d'accord pour le rappeler régulièrement, Monsieur Migaud, nous aurions déjà bien avancé !

Le lien entre dépense publique - plus précisément le niveau des dépenses de fonctionnement - et chômage est avéré partout en Europe. Le leader de la CGT demande qu'on augmente le pouvoir d'achat des salaires, soit, mais ce n'est pas la dépense de l'Etat qui est à l'origine de la prospérité. Quant aux services publics, le problème réside surtout dans leur prix élevé, en raison de la multiplication des procédures et des structures.

Chacun se rend compte, sur le terrain - et j'ai été moi-même fonctionnaire - que l'Etat n'est pas géré, qu'il est loin. Beaucoup de responsables abdiquent car ils savent qu'ils ne seront pas suivis par leur hiérarchie.

La deuxième piste, c'est une meilleure maîtrise des interventions économiques et sociales. L'Etat a atteint les limites de l'assistance et cela au détriment des salaires. Les pays du nord de l'Europe nous ont montré l'exemple quant à la remise en question de l'assistance.

La troisième piste, c'est la volonté politique du Gouvernement. Elle devrait conduire à « récompenser » les ministres qui gèrent mieux plutôt que ceux qui dépensent. La culture du résultat doit remplacer la rhétorique de l'annonce permanente. Nous ne pensons pas que certains ministères doivent être sanctuarisés - pas plus la défense, à propos de laquelle M. Giscard d'Estaing a cité un exemple piquant, que la culture - en ce qui concerne leurs dépenses de fonctionnement.

Et faisons, quant à nous, un usage modéré de la loi et de la réglementation.

Quatrième piste, la clarification des compétences. La superposition actuelle des compétences est en contradiction avec la maîtrise des dépenses publiques. Faire décider par la même autorité les dépenses et recettes qui les financent devrait vous conduire, Monsieur le ministre, à faire reprendre par l'Etat les dépenses des SDIS (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), car aujourd'hui celui qui décide n'est pas celui qui paie. Il faudrait aussi revoir la politique des dégrèvements, notamment en ce qui concerne la taxe d'habitation.

Et que dire des subventions européennes qui atteignent 80 % du prix des équipements ? Cela ne peut pas conduire à de bons choix.

La forteresse ne se réformera pas d'elle-même. Les expériences étrangères nous démontrent que la seule voie pour obliger à simplifier les structures et les procédures, c'est de ne pas augmenter le budget pendaient trois ans de suite.

En souhaitant ardemment que cette voie courageuse soit suivie, je pense, Monsieur Migaud, à tous ces salariés de ma circonscription qui, après 20 ans d'ancienneté, sont toujours à 6 400 F net par mois : si l'Etat était mieux géré, je suis convaincu que le taux de croissance et le pouvoir d'achat augmenteraient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Le ministre du budget peut parfois se sentir accablé de solitude. Eh bien, toute cette matinée, je me suis senti soutenu, entouré, précédé même sur certains sujets. C'est de bon augure pour le redressement de nos finances publiques.

Je constate une grande convergence sur le diagnostic. La dépense augmente continuellement : cessons de faire de cet accroissement une valeur politique. Ce n'en est pas une, au contraire. Le Parlement a un rôle déterminant à jouer à cet égard. Les administrations sauront se défendre, les groupes de pression aussi. Mais les contribuables ? Soyez les garants de la défense de leurs intérêts, sachant que les plus modestes d'entre eux contribuent souvent aux transferts vers de plus aisés...

Quels sont les moyens de sortir de cette situation ? Nous devons nous promettre de ne plus accueillir avec enthousiasme les budgets qui augmentent au seul motif qu'ils augmentent. Intéressons les ministères aux économies qu'ils réalisent. Oui, Monsieur le président de la commission des finances, fermons des enveloppes ou stabilisons-les en euros courants - vous proposez de le faire sur trois ans, cela me convient.

J'ai une totale confiance dans l'implication du Parlement.

Quant à l'implication du Gouvernement, je mettrai toute mon ardeur à défendre cette voie - je considère même que c'est la seule utilité de ma présence au Gouvernement.

En ce qui concerne la LOLF, vous avez insisté sur les prérogatives du Parlement. Exercez-les, Mesdames et Messieurs les députés ! Surprenez-moi, quand bien même ce serait inconfortable ! Je vous ai proposé une maîtrise d'_uvre partagée (« Chiche ! » sur les bancs du groupe UMP) - oui, chiche ! car cela permettra un vaste redéploiement de moyens au sein de l'Etat.

Le ministre du budget sera à vos côtés, il veillera simplement à préserver ceux des aspects de la LOLF qui sont source d'économies.

Toutes les questions dont nous avons parlé sont éminemment politiques. En démocratie, c'est le peuple qui doit avoir le dernier mot ! Vous pouvez compter sur moi pour l'écouter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Jean-Claude Flory, député de l'Ardèche, d'une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 8 avril 2003.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 avril, puis du mardi 29 avril au mercredi 7 mai 2003 inclus, a été ainsi fixé ce matin en Conférence des Présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

_ Eloge funèbre de Jean-Marc CHAVANNE ;

_ Nouvelle délibération de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques ;

_ Projet portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit.

MERCREDI 9 AVRIL, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 10 AVRIL, à 9 heures :

_ Débat sur la participation à l'aide au développement en Afrique.

(Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures et à 21 heures :

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole coordonnant la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960 suite aux différentes modifications intervenues ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la fortune, les successions et les donations ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise ;

_ Projet autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques ;

(Ces cinq textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée)

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble un échange de lettres) ;

_ Projet autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière ;

(Ces trois textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée)

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Montréal le 17 septembre 1997 ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Pékin le 3 décembre 1999 ;

    (Ces deux textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée et d'une discussion générale commune)

_ Projet portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

MARDI 29 AVRIL, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit.

_ Projet, adopté par le Sénat, de sécurité financière.

MERCREDI 30 AVRIL, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 6 MAI, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Suite du projet, adopté par le Sénat, de sécurité financière.

MERCREDI 7 MAI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement  :

_ Proposition de M. Jean-Pierre GIRAN et plusieurs de ses collègues relative à la représentation au sein du conseil d'administration et des instances représentatives des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN en application de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 ;

_ Sous réserve de sa transmission par le Sénat, proposition relative à la dévolution du nom de famille ;

_ Deuxième lecture de la proposition relative à la création d'un chèque-emploi associatif.


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