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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 84ème jour de séance, 202ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 13 MAI 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 2

      PUBLICATION DU RAPPORT
      D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 2

      ASSURANCE MALADIE ET POLITIQUE DE SANTÉ 2

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 24

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 25

La séance est ouverte à neuf heures trente.

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

PUBLICATION DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le Président - Le mardi 6 mai 2003, M. le Président a informé l'Assemblée nationale du dépôt du rapport de la commission d'enquête sur les conditions de la présence du loup en France et l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne.

Il n'a été saisi, dans le délai prévu à l'article 143, alinéa 3, du Règlement, d'aucune demande tendant à la constitution de l'Assemblée en comité secret afin de décider de ne pas publier tout ou partie du rapport.

En conséquence, celui-ci, imprimé sous le n° 825, sera distribué.

ASSURANCE MALADIE ET POLITIQUE DE SANTÉ

L'ordre du jour appelle un débat sur l'assurance maladie et la politique de santé.

M. le Président - L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe socialiste, la Conférence des présidents a décidé de donner la parole en premier à un orateur de ce groupe.

M. Jean-Marie Le Guen - L'organisation de ce débat se justifie par la situation, particulièrement grave, de l'assurance maladie et par l'attitude du Gouvernement, qui fuit ses responsabilités devant le Parlement.

Son impéritie déstabilise en effet notre système d'assurance maladie, au risque de conduire à une situation difficilement réversible. Nous avions pourtant déjà dénoncé, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, ses prévisions irréalistes et la suppression unilatérale de tout mécanisme de maîtrise des dépenses.

Vous vous étiez alors engagé, Monsieur le ministre, à proposer, le cas échéant, un projet de loi de financement rectificatif. Qui plus est, saisi par le groupe socialiste, le Conseil constitutionnel a fait de votre engagement une condition de la validité de ce projet de loi. Vous y renoncez aujourd'hui : que vaut, dans ces conditions, la parole du ministre de la santé ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

L'échec de votre politique, c'est d'abord la situation financière de l'assurance maladie. Certes, personne ne nie la difficulté de l'exercice, et les chiffres abyssaux des déficits de 2002 et 2003 - plus de 10 milliards - tiennent essentiellement à la baisse de la croissance et de l'emploi. Mais il était de votre devoir de présenter un projet de loi de financement équilibré, et tenant compte des aléas de la conjoncture.

M. Yves Bur - Vous en étiez le grand spécialiste !

M. Jean-Marie Le Guen - Pis, vous avez démantelé tous les systèmes de maîtrise des dépenses, et présenté un budget social affichant un déficit de 7 milliards d'euros, envoyant ainsi un signal de laxisme à tous les acteurs. L'équilibre des comptes sociaux n'était pas votre préoccupation.

Pour autant, vous ne pouvez pas fuir vos responsabilités devant le dérapage des dépenses : 7,5 % en 2002, même tendance prévue pour 2003. Vous avez annoncé pour 2003 un ONDAM « vérité », en hausse de 5,3 %, que beaucoup, y compris parmi vos amis, trouvaient trop généreux, mais qui sera dépassé largement.

Egalement révélatrice de votre échec est l'actualité du secteur de la santé et de l'assurance maladie : menace massive de déconventionnent des spécialistes, mécontentement des personnels hospitaliers, manifestations des sages-femmes, grogne des praticiens hospitaliers, grève des urgentistes, états généraux des psychiatres, retard et incertitudes du plan Hôpital 2007, report des lois de santé publique, rupture de la négociation conventionnelle. Un an après votre arrivée, quel succès pour un gouvernement qui se flattait d'avoir la confiance des professions de santé !

Votre politique, c'est aussi un accès aux soins plus coûteux et difficiles. Vous avez d'abord institué un tarif de responsabilité pour les génériques, faisant peser sur le patient la responsabilité d'une prescription qui n'est pas de son fait, tout en brisant l'élan positif que représentait l'engagement des généralistes à prescrire davantage de génériques. Puis ce fut la décision - scandaleuse - de dérembourser 617 médicaments à service médical rendu « modéré ou faible » : et je passerai vos attaques contre l'AMR, la CMU ou l'APA !

Incohérence sanitaire, économies à la petite semaine, augmentation des primes d'assurance complémentaire ouvrant la voie à de futures privatisations : le constat est accablant. Là encore vous fuyez vos responsabilités en imputant vos décisions à des erreurs de l'administration (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ou à l'héritage laissé par le gouvernement précédent.

Pour ce qui est du dialogue social, vous avez souhaité - à juste titre - assurer vous-même le pilotage de la santé et de l'assurance maladie. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Le Medef, dont vous avez injustement préservé les intérêts dans la gestion de la branche « accidents du travail » comme dans le dossier de l'amiante, boycotte toujours les organismes de la sécurité sociale.

M. Yves Bur - A qui la faute ?

M. Jean-Marie Le Guen - A vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous avez brutalement pris la décision de ne plus rembourser 617 médicaments, sans aucune concertation avec les partenaires sociaux, notamment avec les mutuelles. Les associations de malades se plaignent également d'être tenues à l'écart. La politique conventionnelle a échoué face aux exigences inacceptables de certains spécialistes, encouragés par certains propos, comme ceux de M. Douste-Blazy, sur la liberté tarifaire. Technocratie, opacité et mandarinat ne sont décidément pas les critères d'une bonne gouvernance de notre système de santé.

Aussi, au-delà du bilan de votre politique, vous demandons-nous de nous éclairer sur vos prochaines décisions, à commencer par celles relatives au financement : il ne s'agit pas de savoir si vous allez ou non alourdir le prélèvement sur le revenu des Français - malgré les dénégations de M. Raffarin - mais de savoir quand, comment et de combien.

Combien ? Le besoin de financement pour 2002 et 2003 s'élève à deux à trois points annuels de CSG. Quand ? En toute logique, dès septembre mais sans doute, afin de ne pas inquiéter davantage les Français préoccupés par leurs retraites, préférerez-vous attendre janvier prochain et le PLFSS 2004 ? Comment ? Vous avez le choix entre une hausse de la CSG, contraire à tous vos discours sur l'allégement de la fiscalité, et une prorogation de la CRDS qui reviendrait à faire payer aux générations futures vos erreurs de gestion (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Deuxième sujet sur lequel il vous faudra répondre rapidement : les dépassements d'honoraires. La négociation entre les caisses n'a pas abouti malgré la générosité des propositions faites à ces derniers et la radicalisation du mouvement des praticiens risque fort d'aboutir à une pratique généralisée des dépassements mettant ainsi fin à l'opposabilité des tarifs de la sécurité sociale. Ce serait une régression considérable, qui ramènerait notre sécurité sociale plus de trente ans en arrière. Ce serait l'officialisation d'une médecine à deux vitesses. Beaucoup de praticiens se souviennent de vos propos imprudents sur l'acceptation d'une « fenêtre de liberté » ainsi que des positions prises par M. Douste-Blazy. Il est donc temps que vous vous exprimiez !

Ma troisième interrogation porte sur le règlement conventionnel minimal. Allez-vous traiter, dans ce cadre, de la formation continue, de l'évolution technique des métiers, de l'installation des professionnels ? Si ce n'est pas le cas, ces questions ne seront pas réglées avant plusieurs années, malgré l'extrême urgence.

Sans doute pensiez-vous, à l'origine, que l'évolution de la situation devait conduire d'elle-même à une « privatisation douce ». Les deux rapports que vous aviez commandés sur la gouvernance du système et sur le rôle des réglementations obligatoires et complémentaires allaient d'ailleurs dans ce sens. Mais l'ampleur de la crise rend aujourd'hui inopérants de simples aménagements tactiques.

C'est dans ces conditions que vous devrez aborder, à l'automne, le débat sur le PLFSS et celui sur la gouvernance du système de santé. Nous nous souvenons du débat de 1995, de tous ceux qui, de ce côté-là de l'hémicycle, applaudissaient debout M. Juppé, croyant avoir trouvé dans ses ordonnances cette pierre philosophale, que vous ne cessez aujourd'hui d'abjurer, mais qui marque, aujourd'hui encore, toute votre politique.

Nous savons que l'équilibre des comptes de l'assurance maladie demande un effort continu des Français et une pédagogie souvent difficile en direction de tous les acteurs. Nous ne croyons pas aux solutions technocratiques prises au nom de la science et de la doctrine. Nous souhaitons que la société garde une assurance maladie de haut niveau et que celle-ci soit l'enjeu d'un dialogue de tous les acteurs de notre système social. Il est, de ce point de vue, irresponsable, de la part des politiques, de se faire les relais de préoccupations corporatistes.

Nous savons aussi que le caractère démocratique de la prise de décision est une condition essentielle de la confiance et de la pédagogie. Nous ne croyons pas au « grand soir » idéologique qui assimilerait l'économie de la santé à une économie marchande. Nous savons que les dépenses de santé croîtront plus vite que le PIB et qu'il faudra consentir à une certaine augmentation des prélèvements.

Nous croyons au discours de la responsabilité, lorsque celle-ci est équilibrée et proportionnelle au savoir et à la richesse de ceux qui sont sollicités. Nous voulons que les rôles de l'Etat, de la collectivité sociale, des professionnels soient respectés. Nous affirmons un projet de démocratie sanitaire car nous ne pensons ni ne voulons que l'Etat, l'expert ou le marché décide sans que l'individu ait le choix. Cette liberté est à la fois droit et garantie d'une meilleure pratique de soins (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - En écoutant M. Le Guen, je me suis demandé s'il avait été bien attentif au débat sur le PLFSS de l'automne dernier. A moins que la difficulté ne vienne d'un problème de compréhension ? Peut-être n'a-t-il pas compris que ce gouvernement fait ce qu'il dit, après avoir donné, il est vrai, tout le temps nécessaire à la concertation avec les partenaires sociaux, les professionnels et les élus.

Après des tentatives infructueuses de questions orales itératives et litaniques, le groupe socialiste a demandé un débat sur l'assurance maladie. Soit. Je m'en accommode, même si je trouve cet aplomb pour le moins déplacé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Auriez-vous oublié votre soutien, pendant cinq ans, à un gouvernement qui a conduit l'assurance maladie vers une crise sans précédent ?

M. Jean-Marie Le Guen - De quel point de vue ?

M. le Ministre - Je reconnais que la réussite, dans ce domaine, n'est pas facile. De nombreux gouvernements y ont échoué. Mais cela devrait vous inviter à plus de modestie, à éviter la critique systématique - et à vous abstenir de donner des leçons.

Nous, nous assumons les bons et les moins bons aspects du plan Juppé. Vous, vous ne parveniez pas à assumer le non-plan Jospin (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Vous avez choisi l'amnésie, parfois le reniement, et les déclarations effarouchées. Je ne suis pas persuadé que ce soit le meilleur moyen d'améliorer votre image et votre unité !

Pourquoi réformer l'assurance maladie ? La situation actuelle serait insoutenable si elle devait perdurer. Aussi le Gouvernement veut-il tracer des perspectives pour nos concitoyens - assurés sociaux, cotisants et patients.

A mon arrivée, j'ai trouvé notre système de santé dans une crise plus profonde encore que je ne l'avais imaginée. Les professionnels de santé étaient en plein désarroi. La confiance était rompue, les acteurs démotivés. Les médecins généralistes étaient en grève depuis sept mois et la permanence des soins n'était plus assurée. Les mesures pré-électorales de revalorisation qui avaient été décidées, ont été sans effet : elles n'ont servi, faute de plan d'ensemble, qu'à creuser le déficit. Les modalités de gestion des hôpitaux privés et publics s'éloignaient, alors que tout aurait dû conduire à leur rapprochement. La mise en _uvre non préparée de la réduction du temps de travail avait exacerbé les difficultés d'organisation et de gestion de l'hôpital. J'ai donc trouvé un monde hospitalier en grande souffrance, et les services d'urgence portent encore la trace de cette maltraitance.

La paritarisme, fondement de notre sécurité sociale depuis Pierre Laroque, a été mis en cause par le départ du Medef des conseils d'administration des caisses, en raison de votre politique même.

Vous qui réclamez le dialogue social et le brandissez comme un étendard, vous ne l'avez jamais autant malmené, jusqu'à le rompre. Les rôles de l'Etat et de l'assurance maladie étaient si étroitement imbriqués que les partenaires ne pourraient intervenir efficacement, ni dans la gestion de la protection sociale, ni dans leurs relations avec les professionnels de santé.

La santé financière de nos régimes de sécurité sociale, et en particulier de notre assurance maladie, était des plus inquiétante. La croissance soutenue de la masse salariale entre 1997 et 2001 avait permis au précédent gouvernement de cacher sa dégradation continue, qui la mettait à la merci d'un retournement de cycle économique ainsi que du vieillissement de la population. Dès 2002, l'excédent annoncé masquait un profond déficit structurel. Votre principale responsabilité est là. Vous avez, insouciants, surfé sur la croissance sans vous préoccuper du lendemain.

C'est l'absence de réformes entre 1997 et 2002 qui explique cet état de fait. Toutes les marges de man_uvre, toutes les occasions ont été gaspillées. Vous avez regardé passer la croissance sans la saisir. Voilà de quoi inspirer une fable contemporaine : « La cigale et la santé » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Pour toutes ces raisons, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est un gouvernement de mission. Il a, sans attendre, annoncé un processus de réforme de notre assurance maladie, conscient qu'il est de sa place dans le patrimoine social de la nation.

Certains auraient souhaité que tout puisse être bouclé en un seul projet de loi de financement, dès le dernier trimestre de 2002. Je l'ai dit d'emblée : la tâche était trop lourde. La précipitation n'aurait par ailleurs pas permis l'écoute et le dialogue, indispensables pour définir les réformes efficaces et pour les faire comprendre, sinon accepter, par l'ensemble des acteurs. C'eût été une grave erreur que de passer en force sur des réformes aussi cruciales pour notre pacte social (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le dossier est donc instruit. Je n'entends pas aller au devant de la polémique, mais j'ai de quoi répondre si l'on m'y contraint...

Notre action se déploie sur plusieurs fronts.

Dès mon arrivée au Gouvernement, j'ai dû, dans l'urgence, rétablir la confiance. J'ai du assurer, dès 2002, le financement de la réduction du temps de travail à l'hôpital pour 400 millions d'euros. J'ai dû mettre en _uvre les accords conventionnels agréés par le précédent gouvernement, mais non financés, pour 450 autres millions d'euros en 2002. J'ai favorisé la signature de nouveaux accords conventionnels, notamment avec les médecins généralistes, afin de garantir une véritable reprise du dialogue. Le coût de ces seuls accords s'élève à 400 millions d'euros supplémentaires en 2003. Il est financé par les engagements des professionnels en matière de prescription de médicaments génériques et de réduction du nombre de visites. Peut-on parler de dérapage, quand le coût des mesures engagées sont inférieures de plus de moitié à celui des mesures arrêtées et non financées par le précédent gouvernement ? 2002 n'a pas été l'année des dérapages, mais bien celle des rattrapages.

En déduisant la nécessaire revalorisation et le coût de la RTT à l'hôpital, l'ONDAM se rapproche des évolutions internationales.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est faux !

M. le Ministre - Le projet de loi de finances a été l'occasion d'entériner les réformes que le Gouvernement met désormais en _uvre, ce qui surprend quelque peu ceux qui étaient plus habitués à faire de grandes déclarations qu'à tenir leurs engagements.

M. Claude Evin - Allons !

M. le Ministre - La grande majorité de nos propositions sont aujourd'hui engagées, toutes le seront au moment de l'examen de la loi de financement pour 2004.

Les préoccupations de santé publique sont le fondement de toute politique de santé. Les dépenses de sécurité sociale, d'assurance maladie, les activités des secteurs de soins, les actions des professionnels de santé n'ont de sens que si elles concourent à la réalisation des objectifs de santé publique.

Conformément à l'engagement du Président de la République, je ferai voter un projet de loi de santé publique. Après un long travail d'élaboration et de concertation, ce texte a été soumis pour avis au conseil d'administration de la CNAM le 29 avril. Le Conseil des ministres l'examinera le 21 mai et il sera présenté en première lecture au Parlement avant la fin de la session - sous réserve d'un agenda parlementaire particulièrement chargé du fait de la réforme des retraites que ce gouvernement engage afin de répondre aux enjeux que vous n'avez pas voulu affronter cinq années durant. 

La santé publique et la prévention passent notamment par la guerre contre le tabac. Le Président de la République nous y a appelés. Les droits ont augmenté de 17 % et la consommation a chuté, de manière très significative, de 10 % au cours des trois premiers mois de l'année par rapport à ceux de l'an passé. En dépit de quelques réserves et incompréhensions, ce premier pas sera suivi d'autres initiatives et nous devons tous soutenir cette grande cause nationale, qui est partie intégrante du plan cancer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

En ce qui concerne l'offre de soins hospitaliers, le plan Hôpital 2007 est bel et bien lancé et un milliard d'investissements supplémentaires sont programmés en 2003. Les ARH vont élaborer un plan d'investissement sur cinq ans.

Trois rapports très intéressants sur l'amélioration de la gestion hospitalière m'ont été récemment remis. Ils seront suivis des concertations nécessaires, et les décisions indispensables seront prises afin de « réenchanter l'hôpital », pour m'inspirer des termes de l'excellent rapport Couanau.

Les axes de la nouvelle politique du médicament que j'avais annoncée à l'automne sont progressivement traduits dans les faits, à la surprise de ceux qui n'étaient pas habitués à ce que les engagements d'un gouvernement soient tenus. L'objectif est avant tout de favoriser l'accès des patients à l'innovation, en réalisant en contrepartie des économies sur les médicaments plus anciens, grâce à la politique du générique, ou sur les médicaments moins efficaces.

Le générique progresse fortement depuis l'accord du 5 juillet 2002, et je m'en félicite. Les conséquences de la réévaluation du service médical rendu, prévue dans un décret de 1999, sont tirées par le Gouvernement. On voit là que nous ne sommes pas sectaires et que nous appliquons les bonnes mesures du précédent gouvernement. Et je m'étonne des déclarations polémiques et incohérentes de Mme Aubry, qui avait pourtant compris la nécessité de la réévaluation, avant d'y renoncer à l'approche des élections...

M. Jean-Marie Le Guen - C'est incroyable de dire cela !

M. le Ministre - Les décisions nécessaires, logiques et de bon sens ont donc été prises pour les médicaments à service médical rendu faible ou modéré, à l'issue d'un processus transparent. Comme prévu, la même réévaluation sera opérée pour les médicaments à SMR insuffisant, qui, en trois ans, seront retirés du remboursement, la première étape étant prévue en juillet prochain. A ceux qui conseillent de tout dérembourser en une fois comme à ceux qui n'ont rien fait en cinq ans, je demande de raison garder.

Les forfaits de remboursement seront appliqués dans les prochains mois. Contrairement à ce qu'a laissé entendre M. Le Guen, ils ne le sont pas encore. Nous avons tenu compte de l'avis du Conseil constitutionnel, qui souhaitait une large information des intéressés. Nous respecterons donc le calendrier, désormais connu de tous. Un accord-cadre entre les industries pharmaceutiques et le comité économique des produits de santé est sur le point d'être signé. Il favorisera un meilleur accès aux nouveaux médicaments, en ville comme à l'hôpital. A l'hôpital, une enveloppe de 200 millions a été dédiée aux molécules onéreuses. Enfin, le médicament est un axe important du plan cancer.

Le domaine des soins de ville est plus délicat. J'ai pris acte, en la regrettant, de la rupture du dialogue entre les caisses et les spécialistes. Un accord conventionnel était pourtant à portée de mains, sur la base du bon accord politique du 10 janvier. Cette rupture attise le désespoir des professionnels et la tension entre caisses et médecins. Je ne puis m'en satisfaire, car elle nous éloigne du retour à la confiance, indispensable pour mener la réforme ambitieuse dont nous avons besoin.

La situation actuelle complique aussi les décisions dans le domaine de la médecine ambulatoire, où il faut optimiser les volumes. Confiance et maîtrise des volumes sont pourtant essentielles en vue du règlement conventionnel minimum.

En ce qui concerne le financement, l'Etat a assumé ses responsabilités en compensant les nouveaux allégements de charges et en amorçant la clarification de ses relations avec la sécurité sociale.

M. François Goulard - Très bien !

M. le Ministre - Comme je l'avais annoncé, j'ai créé un groupe de travail regroupant les présidents des commissions des affaires sociales et des finances de l'Assemblée et du Sénat, ainsi que les rapporteurs de la partie recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale et les représentants des ministères concernés, afin de poursuivre l'opération vérité. Nous déboucherons sur des propositions ambitieuses dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2004.

Le Gouvernement a agi sur de très nombreux fronts. J'ai donné la priorité au rétablissement de la confiance : celle des professionnels, mais aussi celles de l'opinion.

J'ai fait appel à des aspects reconnus. J'ai toujours respecté les compétences et les responsabilités des différents partenaires.

Cette action va se prolonger et s'amplifier. Dans le domaine social, le premier semestre de 2003 a été consacré à la réforme des retraites. Le second le sera à la poursuite de la réforme de l'assurance maladie, notre objectif fondamental étant d'en préserver le caractère juste et solidaire, gravement menacé par l'inaction du précédent gouvernement.

Dans ce débat, que M. Le Guen a voulu surtout polémique, je ne donnerai pas le détail des futures orientations : chaque chose en son temps. Nous en sommes au stade de l'examen des propositions et des autres. J'attends d'ailleurs les vôtres avec curiosité, vous qui avez privilégié le statu quo pendant cinq ans ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Le 15 mai sera clôturé devant la commission des comptes de la sécurité sociale l'exercice 2002, dont nous partageons la responsabilité. Et vous nous donnez des conseils sur ce que vous n'avez pas fait. De grâce, un peu de décence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Prenez plutôt le temps de mener une introspection et de proposer une nouvelle politique.

J'indiquerai donc seulement les grands aspects du chantier qui s'ouvre. Le premier porte sur la gouvernance et la régionalisation. A ce jour dix-sept organisations sur trente-six ont répondu à notre appel à propositions. Cette réforme se poursuivra.

Deuxième aspect : les contours de la solidarité nationale. Il ne s'agit nullement de privatiser la sécurité sociale. En fait, on a l'impression que votre pensée ne suit que deux « circuits imprimés », qui vous font répéter sans cesse « médecine à deux vitesses » et « privatisation de la sécurité sociale »... La réalité est que nous entendons simplement prendre en considération la couverture complémentaire. D'ailleurs vous-même aviez reconnu à juste titre la place des assureurs complémentaires dans la loi sur la CMU, qui introduisait également la notion de « panier de soins ». Les régimes complémentaires doivent être des partenaires à part entière. Ils ne sauraient donc être absents des décisions et privés d'informations

Troisième aspect : le financement solidaire. Clarté et lisibilité sont nécessaires pour préserver ce socle de notre protection sociale.

Un groupe mixte Gouvernement-Parlement a entrepris de premiers travaux. J'ai lu avec intérêt les propositions de certains syndicats. Le dialogue se poursuivra.

Quant à la qualité des soins et à l'optimisation des dépenses ambulatoires, elles passent par la responsabilisation de tous les acteurs : professionnels de santé mais aussi patients, auxquels il faut permettre de faire un choix éclairé ainsi que par le renouvellement du dialogue conventionnel.

Enfin, le retour à l'équilibre durable des comptes de l'assurance maladie est bien entendu une exigence qui guidera nos choix. Ne pas dépenser plus que ce que l'on gagne, c'est le bon sens même.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est ce que vous faites !

M. le Ministre - La loi de financement pour 2004 sera donc exigeante. Tous devront se montrer responsables. Le redressement de l'assurance maladie ne dépend pas que des pouvoirs publics : le bien commun dépend de tous.

Vieillissement, progrès médical, aspiration à une meilleure qualité de vie rendent inéluctable l'augmentation du coût de la santé. Le débat sera donc engagé en toute transparence, dans le respect de la vérité. Mais d'abord, il faut mettre un terme aux gaspillages, aux abus, et déterminer de nouvelles règles.

Le Gouvernement est déterminé à sauvegarder une protection sociale juste et solidaire. La réforme de l'assurance maladie, après celle des retraites, en sera un élément essentiel. Même si le chemin est difficile, ce gouvernement poursuivra cette réforme et la mènera à son terme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Que le groupe socialiste demande un débat sur la réforme de l'assurance maladie est déjà surprenant (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; rires sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Génisson - Nous sommes des citoyens à part entière !

M. le Président de la commission - Qu'il l'engage sur le ton utilisé par un de ses spécialistes éminents des questions de santé,...

M. Yves Bur - Spécialiste de la santé du parti socialiste ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - ...lequel nous parle d'« impéritie », d'« irréalisme », d'« irresponsabilité », l'est encore plus. Entendre dénoncer une volonté de destruction de notre système de sécurité sociale...

M. Jean-Marie Le Guen - Non : un risque !

M. le Président de la commission - ...est choquant, car le Gouvernement ne fait que réparer ce qui a été laissé à l'abandon pendant des années. Quelle légitimité a le groupe socialiste pour donner ainsi des leçons ?

Absence de dialogue ? C'est à cause de votre attitude que les organisations patronales ont quitté les conseils d'administration des caisses de sécurité sociale !

M. Jean-Marie Le Guen - Pourquoi ne sont-elles pas revenues sous l'effet de votre charme ?

M. le Président de la commission - L'usine à gaz que vous avez construite pour financer les 35 heures et la remarquable capacité d'écoute de Mme Aubry ont réduit à néant le paritarisme. Les conseils d'administration des caisses ont rendu des avis favorables sur le premier PLFSS de ce gouvernement, alors que ces avis ont toujours été défavorables pendant les cinq ans de gouvernement socialiste.

Absence de responsabilité financière ? Faut-il rappeler l'incroyable hold-up par lequel 4,5 milliards d'euros ont été pris à la sécurité sociale pour financer les 35 heures ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Mais les comptes étaient toujours positifs !

M. le Président de la commission - Et cela, au mépris de l'autonomie de la sécurité sociale reconnue par la loi de 1994 et malgré les avertissements de notre assemblée et de vos propres partenaires !

Vous donnez des leçons, alors que vous n'avez pas réformé ! Il y a dix-huit mois, vous annonciez un excédent du régime général ; l'audit a montré qu'il était en déficit. L'allocation personnalisée d'autonomie, l'indemnisation des aléas thérapeutiques : autant d'annonces qui n'ont pas été financées, pas plus que la retraite anticipée des travailleurs de l'amiante, qui a mis la branche accidents du travail en déficit. C'est bien, selon le si juste mot du ministre, « la cigale et la santé » !

M. Jean-Marie Le Guen - Alors comment expliquez-vous l'équilibre des comptes ?

M. le Président de la commission - En 1998, M. Evin annonçait la mise en place de la tarification à la pathologie à l'hôpital. S'en sont suivies cinq années d'expérimentations, de débats entre experts. Et c'est ce gouvernement qui va mettre en place, en deux ans, cette tarification.

Qui a lancé le « Grenelle de la santé » le 25 juillet 2001 ? Mme Guigou (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste). Une mission a travaillé six mois - avec un bilan limité. Vous avez fait voter, trois mois avant votre départ, une loi que vous n'aurez jamais eu à appliquer, et déclenché le mouvement social des généralistes le plus grave depuis des années.

M. Jean-Marie Le Guen - Avant celui des spécialistes !

M. le Président de la commission - Faute d'avoir préparé le passage aux 35 heures, vous avez provoqué le blocage des hôpitaux publics, qui ont pâti en 2002 d'un transfert d'activité vers les cliniques privées.

Votre mémoire est défaillante. Dans le Monde du 29 avril dernier, Mme Aubry jugeait ainsi scandaleux la baisse du remboursement des médicaments à service médical rendu faible ou modéré, alors qu'elle l'avait elle-même prévue par un décret de 1999 !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous êtes de mauvaise foi !

M. le Président de la commission - Mme Guigou avait même annoncé l'étalement de ce déremboursement sur 2000, 2001 et 2002.

C'est ce laisser-aller, cette confusion entretenue pendant vingt ans, qui ont produit la crise de notre système de protection sociale. Aussi la majorité de la commission soutient-elle les réformes de l'assurance maladie, conformes aux principes que le ministre vient d'énoncer, et dont le plus fondamental est la solidarité entre malades et bien-portants, actifs et inactifs, revenus élevés et revenus modestes. Est-elle menacée ? Oui, si les déséquilibres financiers s'aggravent. Nous voulons aussi l'accès égal à des soins de qualité pour tous. De ce point de vue, notre système est-il le meilleur au monde ?

M. Yves Bur - Certainement pas !

M. le Président de la commission - Je n'en sais rien, mais les critères de l'OMS sont discutables. En tout cas, jamais le rôle des filières, l'importance des relations n'ont autant déterminé l'accès aux soins, jamais la qualité n'a été aussi inégale selon la taille de l'hôpital, sa situation, la formation de ses praticiens.

Ensuite, le ministre a réaffirmé son attachement au dialogue et à la concertation pour rétablir l'indispensable confiance. Nous cesserons de faire, comme ce fut le cas pendant cinq ans, des effets d'annonce non suivis d'effets.

Il faut surtout que chacun se conduise de façon responsable, sans prendre pour excuse l'irresponsabilité des autres. Mais cela suppose que les pouvoirs publics donnent l'exemple et mettent en place les outils indispensables.

Responsabilité, vérité, concertation : c'est sur ces bases que nous ferons respecter les principes de solidarité et d'égal accès à des soins d'égale qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Luc Préel - L'UDF reconnaît que ce débat est opportun, un an après l'alternance et à quelques mois de décisions importantes. Notre système de soins traverse en effet une grave crise morale et financière. J'en ferai un rapide bilan, j'en soulignerai les causes et je présenterai nos propositions constructives pour une réforme de la gouvernance, en souhaitant que l'UDF soit entendue comme partenaire de la majorité.

Acteurs et observateurs le reconnaissent : la crise du système de soins est sérieuse. La responsabilité du gouvernement précédent est considérable : il a perdu la confiance des professionnels, il a laissé se détériorer la situation des hôpitaux et des cliniques ; il n'a pas anticipé les problèmes de démographie, mais les a au contraire aggravés par l'application inconsidérée des 35 heures ; il a dilapidé les fruits de la croissance. Je regrette, Monsieur le ministre, qu'à votre arrivée, vous n'ayez pas réalisé un audit qui aurait rendu les socialistes plus modestes et qui vous aurait permis de prendre des engagements sur cinq ans. Vous avez cependant, sans perdre de temps, renoué le dialogue avec les professionnels, notamment les généralistes et supprimé les sanctions collectives que nous avions critiquées.

Néanmoins, la crise demeure profonde. Elle est liée en partie à un changement de mentalités tant des professionnels - qui aspirent à juste titre à une vie équilibrée et à des temps de repos, et qui ne supportent plus d'être déconsidérés, désignés comme boucs émissaires tout en demeurant corvéables à merci - que des malades dont le niveau d'exigence ne cesse de s'accroître.

En ce qui concerne le secteur ambulatoire, je n'insisterai pas sur les problèmes de la démographie, de la permanence des soins, du non-remplacement des départs à la retraite ou des reconversions professionnelles pour cause de pénibilité. L'échec de la convention médicale illustre la perte de confiance entre les partenaires. Les rémunérations des spécialistes sont bloquées depuis huit ans, alors que leurs charges augmentent ; et nous constatons les dépassements d'honoraires, les sanctions imposées par les caisses, les déconventionnements...

Monsieur le ministre, vous allez devoir proposer un règlement conventionnel minimal. Qu'en sera-t-il pour les spécialistes CS et KCC, pour la prise en charge partielle des primes d'assurance, pour le DE ?

S'agissant des établissements, les problèmes ont été analysés dans plusieurs rapports, dont celui de la mission parlementaire, sobrement intitulé le désenchantement hospitalier. Manque d'autonomie et de responsabilité, non-reconnaissance des compétences, encadrement administratif sclérosant, pluie de directives et circulaires inapplicables conduisent à une lassitude généralisée. Beaucoup d'établissements ont recours aux reports de charges, et le retard est considérable en matière d'investissements.

Le plan Hôpital 2007 constitue un ballon d'oxygène. La tarification à l'activité débutera en 2004, mais elle ne sera que très progressive, sans doute à enveloppe constante et différente pour le privé et le public. Il est urgent de donner autonomie et responsabilité aux établissements et aux pôles d'activité ainsi que de revoir les statuts pour prendre en compte la pénibilité et la responsabilité. Afin de gagner du temps, j'avais déposé des amendements autorisant à légiférer par ordonnance : je regrette que vous n'ayez pas saisi cette occasion. A quelle date cette réforme de l'hôpital sera-t-elle effective ?

Notre système de soins connaît d'autres handicaps, notamment la non-fongibilité des enveloppes hospitalière, ambulatoire et médico-sociale et souffre d'un grand retard dans le domaine de la prévention et de l'éducation à la santé. J'ai cru comprendre, Monsieur le ministre, que vous alliez confier aux préfets un rôle important. De véritables ARS couvrant prévention, établissements et secteur ambulatoire ne seraient-elles pas préférables à la condition essentielle d'être contrôlées démocratiquement ?

La crise de notre système de soins est aussi financière.

En effet, les dépenses sont appelées à augmenter en raison du vieillissement de la population et des progrès technologiques. Mais il faudrait mettre en place les outils nécessaires - codage des actes et des pathologies, INSEE santé - pour en assurer la maîtrise médicalisée.

Les recettes n'augmentent pas au même rythme, surtout en cette période de ralentissement économique et le déficit cumulé 2002-2003 sera certainement proche de 20 milliards d'euros.

Vous avez demandé des rapports, dont celui de M. Chadelat. La tentation est forte d'accroître la part des assurances complémentaires. Mais, Monsieur le ministre, la seule vraie solution est de réformer le système en rendant chacun acteur et responsable.

En effet, la crise s'explique à mes yeux par deux raisons essentielles : d'une part, personne ne pilote le système ; d'autre part, tous les acteurs sont déresponsabilisés et se trouvent en position de quémandeurs.

L'UDF a donc des propositions à vous faire pour sauvegarder et renforcer notre système de soins, en se refusant tant à son étatisation qu'à sa privatisation.

Elles reposent sur le principe de la responsabilisation de tous et s'organisent autour d'une réelle régionalisation, permettant à chacun de devenir partenaire et décideur.

Bien sûr, l'Etat doit voir son rôle clairement réaffirmé, mais il doit cesser de vouloir tout décider, tout contrôler : prenons acte de son échec.

Il faut partir des besoins régionaux évalués par les observatoires régionaux de santé, auxquels il convient de donner des moyens humains et financiers en conséquence. Selon nous, l'organe essentiel doit être le conseil régional de santé, composé de représentants de tous les acteurs, y compris les associations de malades et d'anciens malades, élus par collège. Il veillerait à l'adéquation de l'offre aux besoins et contrôlerait l'exécutif régional, l'agence régionale de santé.

L'ARS, dont le conseil d'administration serait composé de représentants du conseil régional de santé, du conseil régional et des financeurs complémentaires, aurait dans son champ de compétence la prévention, les établissements, le secteur ambulatoire et la formation professionnelle.

Le conseil national de la santé, composé de représentants élus des conseils régionaux de santé, aiderait le Gouvernement à préparer le projet de loi définissant les priorités de santé du pays. Le Parlement voterait au printemps les priorités nationales de santé définies à partir des besoins régionaux, et à l'automne le financement de ces priorités ; ainsi l'ONDAM serait médicalisé.

La répartition de l'ONDAM serait régionalisée sur des critères objectifs - morbidité, mortalité, âge, richesse de la région. Cet ONDAM régionalisé pourrait être abondé par la région.

Par ailleurs, l'UDF souhaite responsabiliser les professionnels et les patients.

La responsabilisation des professionnels suppose que nous disposions des outils nécessaires - définition des bonnes pratiques, codage des actes et des pathologies, création d'un INSEE de la santé, organisme indépendant chargé de recueillir et de traiter les données en temps réel - et passe par une contractualisation - engagement aux bonnes pratiques, à la formation continue, à l'évaluation individuelle.

Il est également nécessaire de responsabiliser le patient, sans s'en tenir aux discours, de transformer la CMU en aide personnalisée à la santé inversement proportionnelle au revenu permettant de financer une complémentaire, et de généraliser le contrat entre le malade et son médecin, le carnet de santé opposable et la caution remboursable.

La santé est un sujet beaucoup trop sérieux pour être l'objet de polémiques stériles, et je regrette à cet égard le ton de ce début de séance. La lourde responsabilité du gouvernement précédent devrait rendre nos collègues socialistes plus modestes.

Notre but commun est de sauvegarder en l'améliorant notre système de santé, pour permettre à tous l'accès à des soins de qualité. Cet objectif peut être atteint, à condition de prendre les décisions adéquates. Monsieur le ministre, l'UDF, partenaire de la majorité, vous fait confiance, mais elle souhaite y être associée en amont. Vous avez une lourde responsabilité : bon courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Mme Jacqueline Fraysse - Aujourd'hui, dans tout le pays, des milliers d'hommes et de femmes participent, à l'appel de l'ensemble des organisations syndicales, à une journée d'action pour sauver notre système de retraite. Je quitterai d'ailleurs l'hémicycle avant la fin de la séance pour m'y joindre et je vous prie de m'en excuser.

Parallèlement, les SAMU et les services d'urgence d'Ile-de-France se mettent en grève les uns après les autres pour obtenir l'ouverture de négociations et un plan de création de postes. Cette situation n'est pas sans rappeler l'époque où le Gouvernement, après la loi Veil-Balladur allongeant la durée de cotisation dans le privé, tentait une attaque contre d'autres régimes de retraite, en même temps qu'il imposait le plan Juppé. Personne ne peut préjuger des semaines à venir, mais les élections de 1997, comme celles de 2002, ont apporté, chacune à leur manière, une réponse à ceux qui refusaient d'écouter le mouvement social.

Notre débat sur la protection sociale n'est une initiative ni du Gouvernement, ni de sa majorité. Les ministres répètent que leurs projets sont bons et soutenus par les Français, qu'ils ne sont contestés que par ceux qui ne les ont pas compris. Mais chacun comprend bien qu'il s'agit de travailler plus longtemps pour une retraite de moins en moins élevée, alors que la richesse nationale s'accroît et que les jeunes peinent à trouver du travail ! C'est le monde à l'envers, et nos concitoyens sont dotés de suffisamment de bon sens pour le comprendre. Ils refusent que leur droit à la santé soit soumis aux diktats des compagnies privées d'assurances, qui, par nature, ne s'intéressent qu'à la santé des personnes solvables.

On nous parle d'urgence, mais la loi de bioéthique n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour et bien des incertitudes pèsent sur le texte relatif à la santé publique... Qu'il y ait urgence à débattre, à consulter, à trouver un financement, cela ne fait aucun doute, mais cela ne justifie pas de brader à toute allure notre système de protection sociale au profit des actionnaires des grands groupes privés, des assurances et des fonds de pension. Je dois dire ici combien je regrette que le gouvernement de gauche n'ait pas, en cinq années, eu le courage d'engager la réforme du financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Michel Dubernard - Très bien !

M. Claude Evin - Vous n'auriez sans doute pas été d'accord...

Mme Jacqueline Fraysse - Si il l'avait fait, ainsi que je n'ai cessé de le lui demander, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Les propositions de la droite ne nous ont en effet réservé aucune bonne surprise...

M. Jean-Michel Dubernard - Attendez quelques mois !

Mme Jacqueline Fraysse - Le déficit de la sécurité sociale se creuse. Après un excédent général depuis trois ans, lié à la croissance et à la reprise de l'emploi, le déficit cumulé 2002-2003 est estimé à 16 milliards. Or, vous n'apportez aucune réponse quant au financement. Votre volonté est de ne rien faire, pour mieux justifier ensuite la privatisation rampante de la protection sociale. Nos préoccupations peuvent être comprises dès lors que le président du groupe UMP, M. Barrot, distingue les notions de gros risque et de petit risque, qu'aucune de vos mesures ne vise à améliorer les recettes et que vous n'avez pas désapprouvé les conclusions du rapport Chadelat...

Il ne sert à rien de disserter sur la « responsabilisation des acteurs », que d'ailleurs personne ne conteste, ni de prétendre vouloir sortir du « tout gratuit ». Rien n'est gratuit, au contraire ! Les salariés payent des cotisations durant toutes leurs années d'activité ! Il n'est pas davantage possible de faire croire que le problème pourra être réglé par le déremboursement de centaines de médicaments. C'est une mesure injuste, qui pénalise les plus modestes, d'autant que certains médicaments très utiles ne sont déjà pas remboursés : les laboratoires n'en demandent pas le remboursement, afin d'en fixer librement le prix, ou bien ils ont obtenu du Gouvernement une large période de liberté des prix... Il serait temps de coupler l'autorisation de mise sur le marché avec le remboursement. Mais vous êtes moins prompts à vous attaquer à ces anomalies, qui engendrent une médecine à deux vitesses... Votre mesure est également incohérente, car si une molécule est inefficace ou devient dépassée, elle ne doit plus être traitée comme un médicament.

Les difficultés de la sécurité sociale sont dues à l'insuffisance des recettes. Les dépenses augmentent en raison des progrès médicaux et de l'allongement de la durée de la vie. Mais ne peuvent-elles vraiment plus être financées par un pays dont la part du PIB réservée aux dépenses sociales est en diminution constante ? La réponse est purement politique : il s'agit de décider si ces dépenses sont excessives ou si elles doivent être encouragées parce que les progrès scientifiques contribuent à l'accroissement de la richesse nationale. Aujourd'hui, on ne peut plus se soustraire à la question suivante : quelle doit être la répartition de cette richesse nationale, et quelles priorités doit-elle servir ?

Le choix peut être de deux sortes : soit il suit la logique financière du Medef, soit il reste dans la logique actuelle de solidarité et d'égal accès aux soins, qui implique de nouveaux modes de financement. Il semble que vous préfériez suivre le Medef... En exonérant les entreprises d'une part importante de leurs cotisations sociales, en refusant d'augmenter la part patronale des cotisations sociales, bloquée depuis 1979, et en transférant sur l'impôt et sur les assurances privées la charge de la protection sociale, vous abandonnez le système solidaire et enclenchez une baisse du niveau général de prévention et de soins. Chacun aura droit au fameux « panier de soins », mais pour le reste, la protection ne dépendra que de ce que chacun pourra se payer. Il ne s'agit pas là de sauver notre système de protection sociale, ainsi que vous le prétendez, mais de le détruire progressivement pour le remettre dans les mains du privé, qui ne peut pas avoir le souci de l'intérêt général.

Pour conserver les qualités de notre système, il faut le laisser aux mains des assurés sociaux. Il faut garder le principe du salaire socialisé, fondé sur le travail, et adapter l'assiette de cotisation déterminée en 1945 en augmentant la part patronale puisque les profits sont en hausse, en faisant contribuer les revenus des placements financiers des entreprises non investis pour l'emploi au même niveau que les revenus du travail - ce qui rapporterait près de 4 milliards à la sécurité sociale et soutiendrait l'investissement et l'emploi - et en asseyant les cotisations non plus seulement sur les salaires, mais également sur la valeur ajoutée et les profits bruts.

Gardons à l'esprit que la richesse produite ces dernières années ne cesse d'augmenter, et qu'elle devrait continuer à le faire ! Il ne s'agit donc pas d'un problème de moyens, mais de partage. Votre politique, elle, nous conduit dans une impasse. Une hausse de salaire de 1 % équivaut à 9 milliards pour la sécurité sociale et un million d'emploi créés lui rapporteraient 7 milliards supplémentaires. Ce sont ces voies qu'il faut explorer si vous voulez sauver notre système solidaire et lui conserver la qualité dont notre pays s'enorgueillissait jusqu'ici. Je ne sais pas s'il y a des « circuits imprimés » à gauche, mais il n'y a plus aucune pensée politique autonome à droite dans des domaines où l'Etat devrait pourtant être, selon votre propre conception, un régulateur (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Vous ne faites plus qu'appliquer ce qui a été pensé et élaboré par le Medef (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Où sont, dans vos projets, les valeurs de la République ? Où sont le droit et la liberté de se soigner, l'égalité, la fraternité, la solidarité ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. André Schneider - Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?

Mme Jacqueline Fraysse - Les propositions de notre groupe sont à la hauteur des enjeux. Elles pourraient être au c_ur d'un sursaut éthique qui vous honorerait, Monsieur le ministre.

M. Yves Bur - C'est vrai, l'assurance maladie et notre système de santé en général traversent une période difficile, mais nous savions que nous héritions d'un dossier explosif, après cinq ans de fuite en avant et d'une politique sans vision, si audacieuse que nous retrouvons les dossiers des retraites, de la santé et de la famille dans le même état qu'en 1997, voire plus dégradés encore. C'est l'ensemble du champ de la cohésion sociale qui a été ébranlé par les années Jospin ! Les Français ne regrettent d'ailleurs pas d'avoir renvoyé le « meilleur Premier ministre de la Ve République » à une retraite qui lui permettra d'échapper aux ajustements d'une réforme qu'il n'aura eu de cesse de renvoyer aux calendes grecques (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Les Français ont conscience que le sauvetage de notre système de retraite sera d'autant plus contraignant que votre majorité n'a pas eu le courage de s'y atteler. De même, notre système de santé se retrouve à la « case départ », celle des années 1995-1996, sans que les effets de manches du bon docteur Kouchner, illusionniste confirmé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), aient pu masquer la politique de régression menée par Mmes Aubry et Guigou. Qu'avez-vous donc fait des fruits de la croissance à laquelle les Français ont contribué par leur efforts ?

De 1998 à 2001, les recettes de la sécurité sociale ont augmenté de 50 milliards d'euros, ce qui a permis d'afficher des excédents fugaces, évanouis dès le retournement de la conjoncture internationale. En effet, plutôt que d'engager les indispensables réformes structurelles, vous avez préféré financer les 35 heures et mener une politique de la santé au fil de l'eau, sans régulation des dépenses. Si leur croissance est inéluctable - le rapport Coulomb l'estime à 3 ou 3,5 points par an -, vous n'avez entrepris aucune démarche de crédébilisation de l'ONDAM.

Mme Catherine Génisson - Et vous, que faites-vous ?

M. Yves Bur - Au contraire, les dépassements systématiques ont atteint 12,8 milliards d'euros depuis 1998. La France dépense aujourd'hui 32 milliards de plus qu'en 1997 pour la santé. La qualité de notre système de soins s'est-elle pour autant améliorée ? On en doute, au vu de l'afflux de mécontentements que M. Mattei a dû affronter depuis un an !

Votre esprit conservateur vous fit préférer au dialogue social une démarche idéologique et péremptoire, qui conduisit le Medef à dénoncer un paritarisme vidé de son sens par les politiques autoritaires de Mmes Aubry et Guigou.

Mus par une idéologie archaïque, vous avez de surcroît ponctionné les finances sociales pour financer les 35 heures. 29 % des ressources du FOREC proviennent ainsi de la sécurité sociale et l'on évalue à 2,5 milliards d'euros par an le manque à gagner de l'assurance maladie.

Parallèlement, les recettes se sont complexifiées, d'où la nécessité de restaurer lisibilité et transparence. Mais vous n'avez jamais entamé une telle démarche, qui aurait révélé l'étendue des manipulations destinées à camoufler l'ampleur réelle des déficits publics. Au contraire, vous n'avez cessé d'imputer à la sécurité sociale des charges nouvelles, certes légitimes, tels l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, l'indemnisation des victimes de l'amiante ou le financement du plan Biotox, sans pour autant les financer !

Cette politique de Gribouille a conduit notre système de retraite et l'assurance maladie dans une impasse structurelle, que le ralentissement économique international a encore aggravée.

La France ne peut plus aujourd'hui faire l'économie d'une réforme de fond de son système de santé, et M. Mattei s'y attaque comme il s'y est engagé. Après le temps de la réflexion nécessaire, nous faisons face à nos obligations, et plaçons au c_ur du système le sens de la responsabilité de chacun : politiques, gestionnaires, professions médicales, mais aussi usagers.

Les Français ne comprennent pas qu'il y ait un tel malaise des acteurs de la santé alors que l'on n'a jamais autant dépensé pour ce secteur et que le très médiatique docteur Kouchner les éblouissait chaque semaine de ses annonces qu'il présentait comme autant d'avancées immédiates.

En fait d'avancées, il s'agissait d'une fuite en avant, accompagnée d'une mauvaise gestion. Ainsi, la médecine de ville souffre de l'absence de dialogue, ainsi que des diktats ministériels. Les chantiers annoncés dans le plan Juppé sont restés en friche : codage des actes, dossier médical, tarification à la pathologie, formation continue, notion de juste soin, promotion des réseaux de soins.

Votre unique préoccupation fut de bloquer les honoraires, ce qui n'empêcha pas les dépenses de soins de ville d'exploser : sur 13,5 milliards d'euros d'augmentation de l'ONDAM entre 2000 et 2002, 7,2 milliards sont imputables à la médecine de ville, dont 6,1 milliards sont liés à l'augmentation des volumes de soins.

Et que dire de l'hôpital, dont le malaise n'a pu être nié par les membres socialistes de la mission conduite par René Couanau ? Il ressort du rapport de cette mission la nécessité de simplifier le fonctionnement administratif des établissements, d'optimiser les réglementations de sécurité sanitaire, de simplifier les structures de fonctionnement, de moderniser le financement, et d'accorder plus d'autonomie et de responsabilité à l'hôpital public. A travers le plan Hôpital 2007, le Gouvernement entend adapter l'hôpital à l'évolution des besoins et des exigences.

Concernant le médicament, vous avez mené une politique de maîtrise comptable, souvent brutale, sans parvenir à stopper l'évolution des dépenses. Certes, Mme Aubry a lancé l'évaluation de l'efficacité thérapeutique des médicaments remboursés, mais elle a renoncé à donner une cohérence à la politique du médicament.

S'agissant du générique, vous n'avez jamais su comprendre que l'on ne peut imposer de nouvelles pratiques aux médecins sans cultiver le dialogue. Malgré l'accumulation des contraintes, les ventes de génériques n'avaient jamais décollé, alors que la restauration du dialogue, accompagnée d'une contractualisation liant augmentation de la consultation et prescription accrue de génériques, nous a permis de les stimuler : en 2002, cela a fait économiser 133 millions d'euros au régime général. Mais il reste encore du chemin à parcourir !

Oui, nous mènerons une politique du médicament plus cohérente au service de la meilleure thérapeutique possible pour les malades, en privilégiant la prise en charge de l'innovation thérapeutique, en partageant avec le système complémentaire la charge des médicaments actifs dans l'accompagnement des maladies et en laissant à la responsabilité privée les médicaments utiles au simple bien-être.

Enfin, pour ce qui est de la gouvernance même du système de santé, nous entendons responsabiliser l'ensemble des acteurs, là où vous aviez au contraire renforcé l'étatisation. La santé ne peut rester l'affaire de quelques technocrates, elle doit être au c_ur d'un projet social partagé par tous les acteurs.

Avec les chantiers lancés par Jean-François Mattei, nous sortons d'une ère de glaciation sociale pour entrer dans celle d'un dialogue imaginatif et fécond.

J'ai le sentiment que vous provoquez ce débat par mauvaise conscience, pour tenter d'exorciser votre incapacité de concevoir un projet pour la santé des Français et de leur faire des propositions concrètes. J'espère qu'il vous aura permis de mesurer l'abîme qui sépare la politique de déstabilisation que vous avez menée pendant cinq ans de l'ampleur des réformes que nous devons mener en ayant à l'esprit le bien-être des Français pour sauver notre système solidaire de santé comme nous allons d'ici quelques semaines mener à bon port le sauvetage des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Génisson - Je me félicite de ce que le groupe socialiste ait inscrit à l'ordre du jour ce débat sur l'assurance maladie et la politique de santé.

Monsieur le ministre, hormis une critique systématique du gouvernement précédent, vous avez été silencieux sur la situation d'aujourd'hui : niveau de déficit jamais atteint, professionnels de santé à nouveau mécontents, Français inquiets. Face à cette situation, vous êtes inactif - M. Préel lui-même a relevé « l'absence de pilote ».

Vous vous étiez engagé à présenter au Parlement un projet de loi de financement rectificatif s'il existait un écart significatif avec les objectifs décrits dans la loi initiale. Nous sommes dans cette triste configuration. Faites-vous fi de la représentation nationale ? Votre silence a-t-il vocation à endormir les Français ? Le déficit de la sécurité sociale qui s'aggrave, c'est la solidarité nationale qui se fissure. Vous laissez aujourd'hui filer les dépenses de santé sans dévoiler vos intentions aux Français. Au contraire, vous voulez les anesthésier en leur garantissant les meilleurs soins possibles au meilleur coût. Or, les Français sont inquiets. Là où vous agissez comme là où vous vous abstenez au contraire d'intervenir, c'est la même privatisation rampante qui se dessine. Dans la loi de finances de 2003, le tarif de remboursement des médicaments est fixé en fonction du prix des médicaments génériques ; vous remettez en cause les conditions d'accès à la CMU ; puis le week-end de Pâques, vous décidez, en catimini, le déremboursement de 617 médicaments.

Mais d'autre part, dans la loi de financement de 2003, vous ne prévoyez aucun mécanisme de régulation des dépenses de santé, sauf pour les usagers, pénalisés quand ils n'utilisent pas les médicaments génériques ou recourent à des visites médicales non justifiées. Vous restez silencieux face au blocage conventionnel entre les médecins libéraux et les caisses, vous ne vous exprimez pas quand le rapport Chadelat, par exemple, présente des propositions inacceptables sur un nouveau partage des rôles entre la sécurité sociale et les organismes complémentaires. En 1999, vous étiez plus clairement engagé, vous avanciez à visage découvert quand vous préconisiez la liberté de choix du mode d'installation des médecins et, dans le même temps, la liberté de choix par les usagers de leur organisme de couverture !

Les Français sont inquiets quand faute d'accord conventionnel entre les médecins et les caisses s'instaure une liberté tarifaire. J'ai eu l'occasion de vous interpeller sur ce sujet lors d'une question d'actualité, le 25 mars dernier. J'avais alors souligné que la CNAM indiquait que la création de fenêtres tarifaires relevait de la responsabilité du Gouvernement et non du champ conventionnel. Vous m'aviez répondu que les négociations étaient en cours et que le Gouvernement assumerait ses responsabilités en cas d'échec. Elles n'ont pas abouti, mais le Gouvernement est resté silencieux.

Augmentation du recours à la fenêtre tarifaire, augmentation du coût de l'acte médical pour le patient alors que vous annoncez une réforme de la gouvernance de l'assurance maladie : ne jouez-vous pas le pourrissement du principe de négociation ?

Le poids des augmentations tarifaires est supporté par les seuls assurés alors que, pour garantir l'égal accès aux soins, il faut des actes correctement remboursés et donc des tarifs opposables, décidés conjointement par les caisses et les médecins, représentant à la fois le prix payé par le malade et la base du remboursement.

Le déremboursement de 617 médicaments est inacceptable. Le précédent gouvernement avait classé les médicaments selon le service médical rendu. La sortie du remboursement se faisait dans la concertation. Aujourd'hui, pas la moindre concertation, sauf avec l'industrie pharmaceutique. Cette décision organise le transfert des charges liées aux dépenses de santé vers les ménages, dont les cotisations d'assurance complémentaire augmenteront.

Les prévisions de la loi de finances de 2003 étaient insincères, reposant sur des prévisions de croissance que plus personne n'ose évoquer.

Dès octobre 2002, vous vous êtes inscrits sciemment dans une logique de dérive des comptes sociaux. Le creusement des déficits de l'assurance maladie n'est pas dû seulement à l'absence de recettes mais à une absence de maîtrise des dépenses. Dans la loi de finances de 2003, nul outil de maîtrise des dépenses, sauf pour les usagers.

Affaiblir le système de protection sociale, en rendre la modification inéluctable, tel est votre objectif. Vous remettez en cause l'assurance maladie fondée sur la solidarité nationale. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 12 décembre 2002, vous a pourtant rappelé le 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, selon lequel « la nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».

Nous n'acceptons pas la privatisation de l'assurance maladie. Nous n'acceptons pas les conclusions de rapports comme le rapport Chadelat ou le tout récent rapport de la fédération française des sociétés d'assurance qui demande que les assureurs puissent piloter certains risques, dont ceux relatifs à l'optique et aux soins dentaires. Vous ne les contredisez pas.

Nous nous mobiliserons pour qu'un haut niveau de prise en charge des soins soit assuré par l'assurance maladie obligatoire. Une prise en charge importante par une couverture complémentaire facultative serait inégalitaire. Vous instaurez une médecine à deux vitesses, à l'encontre de ce qui a été fondé en 1945.

Vos déclarations sur le tout-gratuit sont fausses, et les Français le savent bien quand ils doivent payer cher pour les soins dentaires et l'optique. Au reste j'ai souvent réclamé, lors des discussions sur les lois de financement, une meilleure prise en charge de ces soins. En moyenne, plus de 11 % des dépenses restent à la charge des personnes. Comment imaginer que ces soins premiers puissent être pris en charge par une couverture complémentaire ? Comment comptez-vous financer la prévention ? J'entends proposer, avec le groupe socialiste, des réformes utiles à notre pays, axées sur la solidarité et la préservation de nos grands acquis sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Evin - Très bien !

M. Paul-Henri Cugnenc - Mon propos concernera surtout le monde hospitalier. Je constate là une grande inquiétude, résultant de graves dérives, mais aussi l'espérance qu'une nouvelle politique, pragmatique et volontariste, changera les choses.

J'ai en mémoire quelques déclarations prononcées lors du colloque du 17 septembre 2002 organisé par le président Dubernard. Certains membres de l'opposition se félicitaient encore de la bonne marche de nos structures hospitalières en 2002. Pourtant, le rapport Couanau parlait d'un « grave désenchantement hospitalier », et on peut se demander comment, après trois législatures socialistes et de multiples dérives, l'hôpital fonctionne encore. C'est un vrai miracle ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

En 2002, par une décision dogmatique et électoraliste, vous imposiez les 35 heures à l'hôpital, sans concertation ni prévisions. Il était temps : en 2003, Jean-François Mattei entreprend de remettre sur les rails ce convoi devenu chaotique. Cette tâche, il s'en acquitte avec efficacité et enthousiasme, en réglant vos factures impayées. Et vous osez aujourd'hui lui demander des comptes ! Mais c'est votre propre bilan qu'il faut faire car vous avez une bien lourde responsabilité dans la crise profonde de l'hôpital public.

Le malaise de notre hôpital, c'est celui des médecins dans un système où la confiance a disparu, où le partenariat constructif entre soignants et administratifs s'est transformé en climat de suspicion, voire en conflit. Pendant quinze ans, vous avez géré le numerus clauses sans cohérence ni perspectives, nous obligeant à assurer la continuité des soins grâce à des médecins étrangers. En multipliant les services de façon démagogique, vous avez privé les chefs de service d'une grande partie de leur autorité et de leurs responsabilités, vous les avez démotivés. Au terme de votre gestion, nous manquons de praticiens car ils sont éc_urés, ...

M. Yves Bur - Désenchantés...

M. Paul-Henri Cugnenc - ...suspectés et les démissions se multiplient. Ici comme ailleurs, vous suspectez, vous bureaucratisez, vous compliquez.

Le malaise, c'est aussi celui de tous les soignants, infirmiers, agents qui dispensent les soins, d'autant que votre indigence prévisionnelle est aussi patente dans le recrutement de ces personnels.

Le malaise, c'est enfin celui des Français, qui croient encore que l'hôpital est fait pour les malades et pour ceux qui s'en occupent. Il est vrai qu'avec vous, on pouvait se poser la question...

Mme Catherine Génisson - Caricature !

M. Paul-Henri Cugnenc - Alors que les malades ont été spoliés par votre politique, vous avez eu l'aplomb d'affirmer qu'ils étaient « au c_ur de vos préoccupations ». Il est vrai qu'au même moment les écologistes de votre gouvernement mettaient quant à eux les chasseurs « au c_ur de leurs préoccupations »... (Rires sur les bancs du groupe UMP) On voit là que cette position n'est gage ni de bienveillance ni de sécurité...

Et puis, vous avez décidé d'imposer les 35 heures, déstabilisant ainsi les chefs d'établissement, chargés d'appliquer un système inapplicable ainsi que ceux qui ne demandaient rien, sinon d'être reconnus et non ridiculisés, eux qui travaillent souvent plus de 40 heures, que vous avez plongés dans l'inconfort et la désorganisation.

Aujourd'hui, il faut donc remettre l'hôpital sur les rails et Jean-François Mattei nous redonne l'espoir et la confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous, nous simplifions, nous allégeons les lourdeurs de votre planification. Nous disposons d'outils efficaces de coopération entre public et privé. Nous engageons un effort exceptionnel d'investissements. Là où, au rythme qui était le vôtre, il aurait fallu treize ans pour mettre à niveau l'immobilier, les équipements, les systèmes d'information, cinq ans nous seront suffisants grâce à l'engagement d'1,2 milliard supplémentaire chaque année.

M. Le Guen a dit que les comptes précédents étaient équilibrés. C'est facile quand on ne paie rien. Aussi, avant de demander des comptes à ce gouvernement, interrogeons-nous plutôt sur les origines de ces graves dérives dont nous subissons encore les effets (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Vitel - « Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur, de la probité dans l'exercice de la médecine. Je donnerai mes soins gratuits à l'indigent. Je n'exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail ». Ce serment, le jeune étudiant le prête solennellement lors de sa soutenance de thèse. Il peut alors affronter la dure réalité du labeur quotidien dans le monde libéral : quitter la quiétude hospitalo-universitaire, qui l'avait formé mais ne l'avait pas préparé à exercer les fonctions d'employeur et de chef d'entreprise qui seront les siennes au sein d'un système que l'on refuse encore de considérer comme marchand, même s'il en présente toutes les caractéristiques et toutes les contraintes.

Ce serment, Hippocrate ignorait il y a 2 700 ans qu'il serait encore d'actualité de nos jours, car il nous ramène chaque jour à l'exigence d'éthique,...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - L'éthique marchande...

M. Philippe Vitel - ...à la nécessité d'humanisme, au rôle social du médecin, qui _uvre sans relâche pour le bien de tous et n'en tire en retour que reconnaissance et respect. C'est l'harmonie entre ces principes et les contraintes du monde moderne que nous devons aujourd'hui rétablir pour que le patient, le praticien et la nation se retrouvent au sein d'un système de protection sanitaire et sociale digne de notre pays.

Les disciples d'Hippocrate n'avaient nul besoin de cadre conventionnel, de numerus clausus, de recommandations du code de la sécurité sociale, telle celle qui demande aux médecins d'observer dans tous leurs actes et prescriptions « la plus stricte économie compatible avec la sécurité, la qualité et l'efficacité du traitement ».

M. Claude Evin - Ce sont les ordonnances de 1996 !

M. Philippe Vitel - Avec cette conception tatillonne, on a réduit l'art à une prestation de services par un nanti à l'honnêteté douteuse. Les pouvoirs publics ont ignoré les appels lancés par des professionnels désenchantés et sans illusion. Aujourd'hui, la médecine libérale est malade et la perte de confiance dans le système partenarial est consommée. Les mesures coercitives des cinq dernières années, et l'aveuglement idéologique de ceux qui auraient dû lancer la réforme rendue nécessaire par la mutation de notre société, ont anéanti la confiance nécessaire aux praticiens pour exercer leur métier avec sérénité et enthousiasme. Je pense aux lettres clés flottantes, aux comités médicaux régionaux, ces véritables tribunaux d'exception de la maîtrise comptable,...

M. Claude Evin - Issus également d'une ordonnance de 1996 !

M. Philippe Vitel - Que vous n'avez jamais annulée ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Je pense aussi au blocage des honoraires, à la mise en place calamiteuse de la carte Vitale et de la télétransmission.

L'heure n'est plus aux réformettes, mais à la reconstruction totale d'un système de santé moderne et d'assurance maladie équilibré. Tous les médecins libéraux souhaitent devenir directement vos partenaires pour bâtir ce nouveau système sur la responsabilisation, celle du patient qui doit comprendre que la solidarité a une limite, distinguant l'utile et le superflu, ce qui doit être pris en charge et ce qui ne peut l'être ; et bien sûr, celle des praticiens, autour de la permanence des soins, de l'évaluation, de la prévention, des bonnes pratiques et des bonnes gestions. Il conviendra de prendre en compte les spécificités de l'exercice en zone rurale, péri-urbaine ou de montagne, et de la coopération entre praticiens.

Les médecins souhaitent s'engager à vos côtés. Conscients de l'enjeu, les députés le seront également. Seule une réforme structurelle pérennisera notre système de santé. Celle-ci passe par le dialogue et la concertation. Les praticiens y sont prêts pour sauver la médecine libérale. Certes, le malade doit être au centre du système, mais n'oubliez pas ces hommes et ces femmes, qui _uvrent en moyenne 55 heures par semaine, toujours prêts, disponibles à aider leurs semblables, fidèles depuis vingt-cinq siècles au serment d'Hippocrate. Aidons-les à retrouver leur identité et leur rôle central dans le système de santé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Si notre groupe a voulu ce débat, c'est pour que l'opinion sache que vous n'avez pas respecté votre engagement de faire un projet de loi de financement rectificative en cas de dérive financière de l'assurance maladie. Elle est le résultat d'une navigation à vue, et ne pourra conduire qu'à la hausse des prélèvements et à la baisse des remboursements. Nous l'avons voulu aussi car la santé et la protection sociale sont aujourd'hui des préoccupations majeures de nos concitoyens.

Vous avez la responsabilité, dont Bernard Kouchner rêvait, de la politique de santé et de l'assurance maladie à la fois. Mais des choix que vous avez faits depuis un an, les Français n'en retiennent que deux : le passage à 20 € du tarif des généralistes, sans engagement réel sur des économies ou une évolution des pratiques ; le déremboursement de 617 médicaments, que les professionnels eux-mêmes ne comprennent pas.

Plusieurs députés UMP - C'était prévu par les socialistes !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Parallèlement, vous avez remis en cause de façon insidieuse des moyens fondamentaux pour assurer l'accès à la santé comme la CMU, l'APA, l'AME. Seule la mobilisation des associations a obligé le Premier ministre à revenir sur certaines mesures.

La direction des études scientifiques du ministère de la santé a bien montré que la CMU, contrairement à l'ancienne aide médicale départementale, permet à ses bénéficiaires d'accéder à des soins dans les mêmes conditions que les autres bénéficiaires d'une assurance complémentaire, en particulier les soins dentaires et optiques et les consultations de spécialistes. Ce premier bilan montre que les ballons d'essai que vous lancez sur la liberté tarifaire sont extrêmement dangereux, car pour beaucoup de gens modestes, elle limitera l'accès aux soins.

M. Yves Bur - C'est déjà le cas.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Votre stratégie, qui consiste à laisser filer les déficits pour mieux ouvrir la protection sociale au financement privé, prouve votre incapacité à repenser en profondeur le système de soins, votre difficulté à mettre en place de nouveaux systèmes de rémunération et d'organisation des professionnels de santé, comme nous avions commencé à le faire, en particulier avec les réseaux de soins. C'est sur cette base que l'on pourra répondre aux besoins créés en particulier par le vieillissement. Or, on semble continuer à raisonner à partir d'une prise en charge courte et intense du malade plutôt qu'en s'orientant vers une prise en charge dans la durée, faisant le lien entre hôpital et médecine de ville.

L'expérience des réseaux de soins prouve que les évolutions du système de prise en charge et de celui des rémunérations sont liées. Il ne faut pas laisser croire aux professionnels de santé que tout est possible, y compris la liberté tarifaire, que toutes leurs demandes sont légitimes. C'est en le faisant que vous avez rompu le dialogue avec eux.

Selon deux études de l'OCDE, le nombre des consultations de médecins a fortement augmenté en France - 63 % en 20 ans - et d'autre part il n'y a pas de lien évident entre la densité médicale et le montant des dépenses de santé. Il arrive qu'elle soit faible, avec des dépenses élevées. En réalité, les modalités d'accès aux services et les modes de rémunération pèsent plus que le nombre de médecins. Dans les pays où ils sont rémunérés à la capitation ou sont salariés (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), les dépenses de santé sont aussi les plus faibles. Dans d'autres pays où ils sont rémunérés à l'acte, les dépenses sont élevées. Maîtriser les dépenses de santé oblige donc à faire évoluer profondément la pratique et la rémunération des professionnels. C'est dans ce sens qu'il faut aller.

Or, en laissant aux seules caisses d'assurance maladie la responsabilité d'établir un meilleur système de relations entre elles et les professionnels de santé, vous refusez d'assumer politiquement la réforme. Pourtant, la plupart des professionnels ont bien conscience de la nécessité de réfléchir à la protection sociale sans croire qu'on la protégera en agissant uniquement sur son financement. Ecoutez les généralistes. Ils savent bien qu'ils trouveront leur place dans une logique collective de soins, comme celle que nous avions lancée avec les réseaux de soins.

M. Yves Bur - Il y en a très peu.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Ce n'est pas vrai. A ne rien faire dans ce sens, vous mettriez en danger le pacte social. Vous le paieriez cher, nous le paierions tous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Heinrich - Je n'aborderai que la politique du médicament. Depuis 1990, les dépenses de médicament ont plus que doublé et les Français sont parmi les plus gros consommateurs au monde avec trois milliards de boîtes par an, soit environ une boîte par personne et par semaine.

Le dépassement de l'ONDAM de 3,1 milliards d'euros en 2001 est imputable en quasi-totalité aux soins de ville. Depuis 1998, les taux votés pour l'ONDAM ont été largement dépassés mais paradoxalement, les patients n'ont pas suffisamment accès aux innovations. Il est donc grand temps de mettre en place une politique globale du médicament : c'est ce que vous vous attachez à faire, Monsieur le ministre.

Il faut optimiser les dépenses en diminuant le coût supporté par l'assurance maladie sur les molécules existantes en dégageant ainsi des marges pour prendre en charge les produits nouveaux. A cet égard, la loi de financement pour 2003 marque une rupture dans la mesure où l'on s'oriente vers une maîtrise médicalisée, et non plus comptable, des dépenses. Elle vise à développer l'usage des médicaments génériques, qui ont la même efficacité que les médicaments princeps mais à un moindre coût. Elle ouvre également la possibilité de baisser les coûts supportés par l'assurance maladie pour les molécules anciennes dont le princeps n'est pas connu, tels l'aspirine et le paracétamol.

La mise en place des forfaits de remboursement pour les médicaments appartenant à un même groupe générique accélérera la progression, déjà spectaculaire, des médicaments génériques qui sont aujourd'hui acceptés par les patients une fois sur deux alors qu'ils l'étaient une fois sur trois il y a encore quelques mois. Il faudra aussi, Monsieur le ministre, comme vous en avez l'intention, ouvrir davantage encore le répertoire des génériques.

Parallèlement, le taux de remboursement de certains médicaments est réduit. En effet, la commission de transparence, instance d'expertise créée sous le précédent gouvernement, évalue le service médical rendu en fonction de la gravité de la pathologie ciblée, du rapport entre l'efficacité et les effets indésirables du produit, de sa place dans la stratégie thérapeutique et de son intérêt en termes de santé publique. Elle classe les médicaments en cinq nivaux de SMR : important, moyen, modéré, faible, insuffisant. Il a été décidé de réduire le remboursement de 616 médicaments à SMR modéré ou faible ; à partir de juillet 2003 et sur trois ans, quelque 650 médicaments jugés inefficaces ou à effet très insuffisant ne seront plus remboursés.

L'ensemble de ces mesures entraîne des économies substantielles - entre 300 et 400 millions d'euros en année pleine -, qui permettront un meilleur accès des malades aux produits innovants : à l'hôpital, 200 millions d'euros supplémentaires vont être consacrés à des médicaments particulièrement coûteux, et le délai moyen de mise sur le marché des médicaments les plus innovants devrait passer de 240 à 100 jours. Le Glivec, utilisé pour le traitement de certains cancers, et le Fludura, utilisé pour les chimiothérapies, viennent d'être inscrits au remboursement.

Je suis stupéfait par les critiques qui ont fusé des rangs de l'opposition sur le déremboursement de certains médicaments. En effet, M. Mattei ne fait que poursuivre et appliquer ce que nos prédécesseurs avaient initié. En témoigne le rapport de M. Evin sur le PLFSS pour 2001 : « A l'issue d'une période transitoire de trois ans, 2000, 2001, 2002, les médicaments à SMR insuffisant sortiront du remboursement. L'économie faite sur des produits qui n'améliorent pas l'état de santé pourra être consacrée à des produits plus efficaces, plus innovants et plus onéreux ». Le gouvernement précédent avait promis la réforme, le gouvernement actuel a le courage de la faire !

Dès l'automne 2002, le ministre de la santé a annoncé que le remboursement des médicaments à SMR modéré serait réduit. Une vaste concertation a suivi avec les laboratoires, les caisses, les pharmaciens et les mutuelles. La liste des 617 médicaments dont le taux de remboursement passe de 65 % à 35 % a été définitivement arrêtée après avis de la commission de transparence. Pour les familles aux revenus les plus modestes, le Premier ministre a annoncé une aide permettant aux personnes qui en sont démunies de bénéficier d'un régime de protection complémentaire.

Dire que les cotisations des assurances complémentaires vont augmenter massivement, c'est oublier que le déremboursement total de près de 600 médicaments sur trois ans va permettre des économies considérables puisque sont concernés principalement des médicaments qui étaient pris en charge à 35 % par la sécurité sociale. En outre, le nombre des bénéficiaires de l'ALD pris en charge en totalité par la sécurité sociale est en forte progression, ce qui entraîne une économie non négligeable pour les assurances complémentaires.

Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale accorde une place privilégiée à l'innovation. Les laboratoires pharmaceutiques auront désormais la possibilité de bénéficier d'une procédure accélérée d'inscription sur la liste des médicaments remboursables pour les produits présentant un intérêt particulier pour la santé publique, et de fixer eux-mêmes un prix provisoire dans les six semaines suivant l'avis de la commission de transparence, dans l'attente du résultat de la négociation conventionnelle portant sur le prix.

La volonté clairement affirmée par le ministre de la santé de donner plus de lisibilité et de stabilité à l'environnement économique et réglementaire de l'industrie pharmaceutique trouve un commencement de traduction dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. L'étape suivante sera la définition d'une politique conventionnelle entre l'Etat et l'industrie. Il faudra, dans ce cadre, définir clairement l'objectif en termes de qualité des soins. Il faudra également faire en sorte que se développent un bon usage du médicament et une automédication efficace.

Monsieur le ministre, vous avez souhaité structurer la politique du médicament autour de trois axes : soutien à l'innovation, efficience accrue des dépenses, amélioration des dispositifs de régulation. Vous avez conservé les mesures du précédent gouvernement qui vous paraissaient de bon sens et vous les avez complétées par un volet fondé sur l'innovation thérapeutique. La baisse du taux de remboursement permettra d'économiser 200 millions en 2003 et 400 millions en 2004 et donc de financer des médicaments nouveaux. Vous avez choisi de mettre l'argent public là où il est le plus utile : la représentation nationale ne peut que vous en féliciter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Evin - Sans revenir sur les critiques qui ont été faites par mes collègues sur la politique menée depuis un an - et que je partage- je voudrais avant tout dessiner ici quelques pistes de réforme.

D'abord, sur quels principes doit selon nous reposer la politique de santé ? Le premier, c'est de garantir l'équité dans l'accès aux soins. C'est dire notre attachement à un système d'assurance maladie fondé sur la solidarité nationale : la sécurité sociale obligatoire doit assurer le plus haut niveau de prise en charge des dépenses de santé. Nous sommes, de ce point de vue, en désaccord avec vous lorsque vous estimez que les Français doivent financer eux-mêmes une part toujours plus importante des soins. Nous souhaitons autant que vous qu'ils aient une attitude responsable, par exemple en matière de comportements à risques. Mais le patient peut-il être considéré comme personnellement responsable de sa consommation de soins quand le diagnostic et la prescription ne peuvent être faits que par un professionnel ? Il n'est pas vrai qu'en augmentant sa participation aux dépenses de santé, on les maîtrisera mieux. Il est de nombreux pays où les assurances sociales financent une plus grande part des dépenses de santé des ménages qu'en France, mais où le niveau des dépenses publiques par habitant est plus faible.

Ce n'est pas en modifiant la répartition des dépenses de soins entre régimes obligatoires et complémentaires et dépenses directes des ménages que vous résoudrez le problème du financement, mais en organisant mieux l'offre de soins et l'attribution des allocations aux différents prestataires. S'il est un acteur qui doit être responsabilisé en matière de consommation de soins, c'est avant tout le professionnel de santé ! Tous les économistes de la santé le disent, c'est l'offre de soins qui est la plus déterminante dans la consommation. Vous vous êtes refusé à peser sur les professionnels et à négocier avec eux des accords de maîtrise de l'évolution des dépenses. C'est pourtant une des conditions de l'équité de l'accès aux soins. Vous refusez toute politique de maîtrise de l'évolution au motif qu'il est normal que les dépenses progressent. Mais personne n'a jamais proposé de politique malthusienne ! Je suis moi aussi favorable à l'évolution des dépenses de santé, mais sous deux réserves : qu'elles soient compatibles avec les possibilités de financement de l'assurance maladie, et qu'elles servent réellement à améliorer la qualité de l'offre de soins.

Or, celle-ci se dégrade. La tension est forte dans certains services hospitaliers. Des généralistes partent en retraite sans être remplacés dans les zones rurales - les spécialistes les ont désertées depuis longtemps - et certaines zones urbaines où les conditions d'exercice sont difficiles commencent à manquer de médecins. Ces difficultés étaient notamment exprimées par les généralistes au début de 2002. Vous leur avez accordé la consultation à 20 €, mais les zones désertées ont-elles vu arriver de nouveaux médecins ? L'augmentation des dépenses ne génère donc pas toujours une amélioration du service rendu à la population. Concernant la répartition de l'offre de soins sur le territoire, je crois que les schémas d'organisation sanitaire doivent déterminer non seulement les moyens des établissements, mais aussi ceux de la médecine ambulatoire, et que des rémunérations avantageuses doivent inciter à l'exercice dans les secteurs difficiles.

L'amélioration de la qualité des soins passe également par le développement des réseaux de santé, qui permettent d'organiser les soins autour du patient et de coordonner l'ensemble des acteurs de la prise en charge. Les réseaux de santé seraient un outil essentiel des réformes. Ils permettent d'améliorer considérablement la prise en charge des patients, et notamment des malades chroniques, et de rationaliser la répartition des moyens financiers entre les différents acteurs. Ils permettraient aussi d'avancer vers d'autres formes de rémunération que le paiement à l'acte. Il est impossible d'aborder un sujet aussi sensible de façon frontale, et l'organisation en réseau ferait évoluer vers cette réforme qui me paraît indispensable. Des outils existent déjà pour développer les réseaux. La loi du 4 mars leur a donné un cadre juridique et la loi de financement pour 2002 a instauré une dotation nationale de développement des réseaux financée par l'ONDAM. Mais la dotation pour 2003 est notoirement insuffisante : 45,86 millions, cela représente 0,037 % de l'ONDAM. Les projets prêts à fonctionner nécessitent au moins 125 millions, soit 0,1 % de l'ONDAM.

La modernisation de notre système rend obligatoires certaines réformes. Il faut tout d'abord unifier les mécanismes de régulation des dépenses de santé. L'Etat est responsable de celle des établissements publics et privés et assure la régulation du médicament et de l'ensemble des produits de santé. Ce sont en revanche les caisses d'assurance maladie qui sont responsables de la médecine ambulatoire. Ce bicéphalisme empêche les politiques d'être cohérentes. Je pense même qu'il a été un des obstacles majeurs à la réforme de la médecine libérale. Ce sont les caisses qui sont censées fixer le prix des actes des professionnels, mais c'est l'Etat qui fixe le montant des remboursements... Dans les établissements privés, les prestations d'hospitalisation et certaines dépenses forfaitisées sont de la responsabilité de l'Etat, mais les honoraires des professionnels de celle des caisses...

Le cloisonnement de l'offre de soins est en partie le résultat de la diversité des interlocuteurs avec lesquels les prestataires doivent contractualiser. Sur le terrain, on sait en outre que ce mode de financement ne permet pas de répartir au mieux les moyens entre l'ambulatoire et l'hospitalisation. Pour réduire les effets de ce morcellement, on compte sur l'agence régionale de santé, qui suscite le consensus, sauf peut-être quant à son cadre institutionnel. Mais si chacun admet qu'une institution unique est nécessaire, au niveau régional, pour contractualiser avec l'ensemble des prestataires, pourquoi ne pas se poser la question, au moins, au niveau national ? Dans un article paru dans Le Monde en novembre 2000, je rappelais déjà que la sécurité sociale ne gère plus que 20 % des dépenses et qu'il fallait fixer les responsabilités respectives de l'Etat et des caisses dans la gestion de l'assurance maladie. La question est plus que jamais d'actualité.

On peut évoquer trois hypothèses d'évolution du système : le renforcement de l'étatisation, le Gouvernement reprenant en main la gestion de la médecine de ville, la transformation des caisses en véritables acteurs de soins, ou un mécanisme de gestion tripartite associant l'Etat et les partenaires sociaux. C'est cette dernière solution qui me semble souhaitable. Disposer d'une instance nationale où siégeraient des représentants de l'Etat et des caisses d'assurance maladie obligatoire et complémentaire, chargée de réguler les moyens alloués aux différents prestataires, améliorerait la cohérence de l'offre de soins. Elle permettrait de clarifier les responsabilités de l'Etat et des caisses et d'associer ces dernières à la gestion de l'ensemble de l'offre de soins. Dans une telle organisation, les caisses devraient avoir une plus grande responsabilité dans le suivi de chaque assuré social.

Autre élément de réforme : renforcer la régionalisation du système. Personne n'envisage plus de revenir sur les ARH. On évoque même la nécessité de disposer, au niveau régional, d'un institution qui gérerait l'ensemble du système de soins. Mais régionaliser le système de santé ne veut pas dire le décentraliser, comme on peut le craindre à voir ce mouvement débridé lancé par le Premier ministre de consultation des régions sur les expérimentations de nouvelles compétences. Transférer la gestion du système de santé aux collectivités locales serait s'engager vers la rupture du principe de solidarité nationale. Imaginer que les régions pourraient compenser financièrement les manques du système de sécurité sociale également. L'équité de l'accès aux soins doit être garantie, quelle que soit la région où l'on vit. Dans un système entièrement financé par la solidarité nationale, l'attribution des dotations ne peut pas non plus être dévolue aux conseils régionaux : il s'agit d'une responsabilité régalienne. La loi du 4 mars a prévu l'installation de conseils régionaux de santé, mais rien n'a été encore fait.

Nous aurons l'occasion de revenir plus largement sur le sujet dans les prochaines semaines. J'ai surtout voulu montrer que toute réforme devait sauvegarder les principes fondamentaux qui ont construit notre système - recherche permanente de l'équité de l'accès aux soins et de leur qualité. La réforme ne consiste pas à transférer des financements vers d'autres types d'assurance. C'est en améliorant l'organisation de l'offre de soins et l'allocation des ressources que nous pourrons surmonter la grave crise que nous connaissons aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Je voudrais d'abord remercier l'ensemble des intervenants, les parlementaires de la majorité, qui ont apporté leur soutien au Gouvernement et largement participé à l'élaboration de la réforme, et le groupe socialiste qui a proposé ce débat. Je regrette que M. Evin ait parlé le dernier, car c'est son intervention qui aurait dû servir de base à ce débat. Elle montre en tout cas que le dialogue est probablement possible. Nous sommes bien sûr pour un système solidaire, dans lequel chacun paye en fonction de ses moyens, et pour un système juste, où chacun reçoit en fonction de ses besoins.

M. Claude Evin - Encore faut-il le montrer !

M. le Ministre - Oui, il faut responsabiliser les professionnels de santé, les gestionnaires, l'Etat - mais aussi les patients, comme le montre l'exemple du Nord-Pas-de-Calais, où le nombre des visites à domicile a diminué de 40 %.

Oui, les complémentaires doivent devenir des partenaires à part entière.

Enfin, si nous défendons la régionalisation et les agences régionales de santé, nous ne décentraliserons pas pour autant. Il n'y aura pas vingt-six politiques de santé différentes, mais une politique nationale qui sera mise en _uvre dans les régions selon un système dont nous débattrons. Nous voulons mieux organiser et unifier l'offre de soins. Et, le moment venu, nous vous solliciterons pour confronter nos idées et en débattre, afin de construire un nouvel équilibre de notre système de santé.

Je ne répondrai pas davantage aujourd'hui, car cela doit être traité au fond. Nous sommes au travail et réglerons la question d'ici la fin de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons terminé avec le débat sur l'assurance maladie et la politique de santé.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au mercredi 28 mai 2003 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Il sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au mercredi 28 mai 2003 inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet relatif à la chasse.

MERCREDI 14 MAI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 15 MAI, à 9 heures 30 :

_ Proposition de M. Augustin BONREPAUX et plusieurs de ses collègues en faveur de l'égalité des chances des territoires et de la revitalisation de l'économie rurale ;

(Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures :

_ Communication du Médiateur de la République.

MARDI 20 MAI, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Déclaration du Gouvernement sur les infrastructures 2003-2020 et débat sur cette déclaration.

MERCREDI 21 MAI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

JEUDI 22 MAI, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Proposition de résolution sur la création d'un procureur européen ;

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

EVENTUELLEMENT, VENDREDI 23 MAI, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 27 MAI, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Sous réserve de sa transmission, projet organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse.

MERCREDI 28 MAI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.


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