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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 91ème jour de séance, 220ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 27 MAI 2003

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

CONSULTATION DES ÉLECTEURS DE CORSE (suite) 2

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 20

ARTICLE PREMIER 25

ANNEXE 26

ART. 2 33

ART. 3 33

APRÈS L'ART. 3 34

ART. 4 34

ART. 7 35

ART. 13 35

ART. 15 35

ART. 16 35

EXPLICATIONS DE VOTE 35

ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 28 MAI 2003 37

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

CONSULTATION DES ÉLECTEURS DE CORSE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse.

M. le Président - Dans la discussion générale, la parole est à M. Le Roux.

M. Bruno Le Roux - Toutes les conditions sont réunies ce soir pour que nous tenions un débat serein. Cela ne l'empêchera d'ailleurs pas d'être animé, car de nombreux autres débats ont montré combien humilité et passion allaient de pair au sujet de la Corse : lors de la création de la collectivité territoriale de Corse par les lois Defferre de 1982, par exemple, ou du vote du statut particulier de la loi Joxe en 1991. Plus récemment, la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, issue du processus de Matignon, exprimait la volonté du gouvernement de Lionel Jospin de donner une solution politique à un problème politique, en ancrant durablement la Corse dans une République qui reconnaissait sa spécificité et son identité et voulait l'accompagner dans la voie du développement économique, culturel et social tout en assurant la vitalité des principes républicains.

Ce débat, que j'ai vécu à la place du rapporteur, fut passionnant. Comme lors des deux premiers, les clivages y furent quelquefois transcendés. Le travail effectué par les députés et les élus de Corse, et surtout l'engagement d'hommes comme Jean Baggioni ou José Rossi, l'avaient permis. Certains députés de droite, tels Edouard Balladur ou Nicolas Sarkozy, se taisant, ou même approuvant, en dehors de l'hémicycle, les principes de ce texte, avaient permis de surmonter les clivages politiques et d'empêcher l'immobilisme de gagner. Mais le processus de Matignon est inachevé. Pourtant, il devait sortir la Corse de décennies de difficultés. Après la tuerie d'Aleria du 22 août 1975, l'Etat ne s'est jamais décidé à accepter ou non la discussion avec les terroristes. La trame politique n'a jamais été posée et, vingt-cinq ans durant, l'incompréhension a grandi entre l'Etat et nos concitoyens corses.

Le gouvernement Jospin a conduit pendant deux ans, et vous à sa suite, un processus politique dynamique qui oblige chacun à prendre toutes ses responsabilités. Chacun doit être redevable tant de ses engagements que des actes qui en découlent. Ce principe a été quelque peu oublié pendant des années, par les gouvernements de gauche comme de droite, même s'il faut rendre un hommage particulier à Pierre Joxe pour le travail qu'il a su accomplir. L'originalité du processus de Matignon a donc été sa volonté de clarté et de transparence : la discussion a été menée avec tous les élus corses, élus du suffrage universel et donc représentants des citoyens.

Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui s'inscrit dans la suite logique de cette politique. Il me plaît de trouver dans le rapport des marques de cette continuité, tout comme il me plaît que le ministre affirme à la tribune que la Corse mérite un traitement à part. C'était un des points d'achoppement du débat avec l'opposition de l'époque et je suis heureux que nous soyons désormais d'accord sur la spécificité de la Corse. Elle doit pouvoir prétendre au même traitement que les autres îles méditerranéennes qui, loin de s'éloigner de leur patrie, s'en sont rapprochées, tout en assurant leur développement grâce à leurs atouts particuliers. La Corse dispose, elle aussi, d'autres atouts que les régions du continent.

La majorité actuelle, après s'y être farouchement opposée, propose désormais de modifier l'architecture institutionnelle de la région, en créant une collectivité unique entraînant la disparition des deux conseils généraux. Vous souhaitez consulter les Corses sur cette évolution, rendue possible par la révision constitutionnelle du 17 mars sur l'organisation décentralisée de la République. Les socialistes avaient dit, dès le vote de la loi du 22 janvier 2002, leur volonté de mener une telle consultation dès que la Constitution le permettrait. Les 190 000 électeurs de Corse ont l'habitude de se rendre aux urnes pour les diverses élections. L'expression de leur opinion sera donc parfaitement légitime dès lors qu'elle sera le résultat d'un débat politique approfondi dans l'île. La population a non seulement besoin, mais également envie d'un tel débat.

C'est pourquoi nous estimons que la date du 6 juillet fixée par le ministre, même si le rapporteur parle plus prudemment de date « vraisemblable », est issue de trop de précipitation. On entend dire que le camp du non est en train de progresser, mais nous savons tous que les sondages peuvent se tromper ! Par ailleurs, le camp du oui est toujours plus difficile à mobiliser. Il a besoin d'objectifs clairs, alors que le « non » peut marquer une opposition à tout autre chose que le sujet de la consultation.

Le camp du oui a besoin de savoir que ce qui le réunit est plus fort que ce qui le divise. Or, le flou du projet fait courir le risque de voir se réunir ceux qui ne partagent pas les mêmes convictions pour l'île.

Comment les Corses donneraient-ils naissance à une nouvelle collectivité s'ils n'en connaissent ni le mode d'élection, ni les compétences, ni les relations avec les conseils départementaux ? Pourquoi ne pas appliquer en Corse le mode d'élection que nous avons adopté il y a peu pour tous les autres conseils régionaux, en laissant ouvertes les questions du seuil et de la prime ?

M. René Dosière - Très bien !

M. Bruno Le Roux - Je ne souhaite pas que l'on caricature nos propos quant au procès Erignac. Nous ne demandons pas que l'on prenne un peu de temps au motif que l'on s'apprête à juger ces lâches assassins, mais parce que, compte tenu de la situation du pays et de la Corse et de l'ambiguïté du texte, il nous semble difficile, dans les cinq semaines qui restent, d'organiser un débat ambitieux apte à mobiliser les Corses. Pour assurer la réussite du oui, nous vous demandons donc solennellement de prendre le temps d'organiser cette consultation à la rentrée et non le 6 juillet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Rudy Salles - Ce projet marque une avancée démocratique incontestable : pour la première fois, nous soumettons à des électeurs un projet de réforme de leurs institutions locales. Cette consultation est rendue possible par la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, qui a introduit la possibilité de consulter les électeurs d'une collectivité dotée d'un statut particulier, lorsqu'il est envisagé de modifier son organisation.

Ainsi la révision constitutionnelle a renforcé la démocratie, en reconnaissant que la décentralisation doit passer par les citoyens. C'est la bonne démarche, la plus efficace. Nous nous félicitons que vous l'inauguriez, Monsieur le ministre.

Cette consultation est d'autant plus particulière et symbolique qu'elle concerne le territoire de Corse où bien des drames se sont joués depuis plus de trente ans.

L'île de beauté connaît depuis le milieu des années 1970 un déchaînement de violence rare sur le territoire français. La paix civile a paru plus d'une fois menacée. Certains pensaient effrayer la République. Ils ont échoué, car nos institutions sont fortes et la « majorité silencieuse » des Corses n'a jamais approuvé ces actes.

A cette violence s'ajoutent les difficultés de développement économique, touristique et culturel. La Corse dispose pourtant de très nombreux atouts, mais ils n'ont pas été valorisés. Tels sont les défis qui se posent à nous. Le rôle de l'Etat dans ce débat est primordial. Longtemps, il fut le bouc émissaire des problèmes des Corses. S'il doit assumer une part de responsabilité, pour sortir de ces temps difficiles, la solution doit être politique et donner à la Corse des institutions locales efficaces.

Pour cela, le Gouvernement a choisi la voie du dialogue, de la fermeté et surtout, de la responsabilité. L'organisation institutionnelle est un enjeu majeur : il faut donner aux Corses les moyens de dessiner le chemin qui leur permettra le retour à la paix civile et au développement. Ces institutions, les Corses doivent les choisir. C'est pourquoi une consultation leur est proposée. Le groupe UDF approuve cette méthode qui met la démocratie en valeur.

L'affaire est d'importance, elle pourrait même être historique car ce projet ouvre de nouvelles perspectives pour la décentralisation de l'ensemble du territoire nationale.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Exactement.

M. Rudy Salles - En commission des lois, notre rapporteur a insisté sur la nécessité de rendre les institutions corses plus lisibles, de mettre un terme à l'enchevêtrement des compétences. C'est vrai en Corse mais également sur le continent. Le fonctionnement de nos institutions décentralisées, leurs compétences respectives, sont souvent méconnus de nos concitoyens. Or la démocratie ne doit pas être l'apanage des initiés.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Rudy Salles - C'est pourquoi une réforme des institutions territoriales sur l'ensemble du territoire est une nécessité, et l'UDF appelle de ses v_ux d'autres consultations de ce type.

Mais cet exercice ne va pas sans difficultés : il est essentiel de bien doser les exigences de négociation et de consensus local sans jamais oublier les prérogatives de la représentation nationale. Le vote de la loi relève du Parlement et de nulle autre instance.

Toutefois, si le « oui » était majoritaire, le Parlement pourrait difficilement aller à l'encontre de la volonté des Corses. C'est dire toute l'importance du texte que nous présentons en annexe, car le projet de loi statutaire que nous adopterons, probablement à l'automne, devra en suivre les grands principes. Il est donc souhaitable que nous ayons un vrai débat sur les points essentiels de cette annexe et que vous puissiez apporter toutes les réponses aux questions que nous nous posons.

Venons en au fond.

En premier lieu, vous proposez aux Corses un système nouveau. La meilleure façon de donner à un territoire dynamisme, responsabilité politique et second souffle démocratique, c'est de simplifier les échelons politiques. Ce projet reconnaît enfin que la collectivité régionale est la bonne échelle pour conduire une politique décentralisée. Mieux, on fait de la région Corse une fédération des deux anciens départements. C'est ainsi qu'on en finira avec les doublons et les enchevêtrements.

Ainsi, les Corses diront s'ils acceptent que la Corse, composée actuellement d'une collectivité territoriale et de deux départements, devienne une collectivité unique, qui décidera avec l'assemblée de Corse du budget et de la stratégie de développement de l'île. Dans cette nouvelle organisation, chacun des membres de l'assemblée de Corse - ou certains d'entre eux, comme le prévoit un amendement de notre rapporteur - siégerait dans l'un des deux conseils territoriaux, chargés de mettre en _uvre la politique décidée au niveau régional.

En fait, cette nouvelle organisation correspond à ce que l'UDF demande depuis longtemps : fédérer les départements en région, afin de respecter ces deux exigences de notre temps : la préservation des identités et l'efficacité de l'action publique. L'UDF approuve donc très largement cette mesure, qui doit être le point de départ d'un débat plus large sur la multiplication de nos échelons administratifs et politiques dans le reste du pays. J'espère que le Gouvernement nous proposera bientôt ce débat.

Mais pour que ce système fonctionne, le mode de scrutin qui désignera les élus de l'assemblée corse doit permettre la représentation et des courants politiques et des territoires. La rédaction actuelle du projet prévoit un mode de scrutin proportionnel dans le cadre d'une circonscription unique, avec une répartition des sièges dans le cadre de sections géographiques. La taille des sections serait déterminée par les commissions spécialisées que vous avez créées et qui sont composées d'élus insulaires. Conformément à votre engagement, les Corses devraient donc avoir reçu des précisions au moment où ils voteront.

Ce n'est pas le cas du Parlement, auquel est soumis un texte très vague qui sera précisé après son vote. Toutefois, l'annexe nous engage puisqu'il nous sera difficile, voire impossible, de revenir sur le texte qu'auront approuvé les Corses. Il nous paraît donc fondamental de recevoir ce soir des précisions sur le mode de scrutin.

Pour sa part, le groupe UDF est opposé à un mode de scrutin purement proportionnel. En effet, le mode de scrutin doit garantir une représentation des territoires et des opinions tout en assurant une proximité avec les élus. Si l'exigence de représentation des opinions est respectée avec un scrutin proportionnel, tel ne semble pas être le cas de l'exigence de représentation des territoires. Vous avez dit au Sénat, Monsieur le ministre, que les secteurs géographiques pourraient éventuellement représenter les arrondissements, voire sept territoires. Mais quid alors du lien de proximité entre l'élu et l'électeur, qui a toujours déterminé, à juste titre, les modes de scrutin des conseils généraux.

Cette exigence a été rappelée par le Président de la République et par le Premier ministre. Ainsi, le Président Chirac déclarait-il, en novembre 2001, devant l'association des maires de France que « toute collectivité doit être en mesure de mobiliser les capacités d'action nécessaires pour bien rendre les services que la loi lui confie et que les citoyens attendent d'elle. Trop grande et trop lointaine, elle n'aurait pas une bonne compréhension des hommes et des réalités. Elle se perdrait alors dans les règles et les procédures, qui sont les alliées les plus fidèles de la bureaucratie. » Tel est effectivement le danger qui guetterait la future assemblée de Corse avec un mode de scrutin strictement proportionnel.

Pour sa part, Jean-Pierre Raffarin, dans son discours devant les assises des libertés locales, a défendu la nécessité des départements, au nom de la proximité, et rappelé son objectif : « des départements proches, des régions puissantes face à de nouvelles responsabilités ». Dans la mesure où les conseils territoriaux sont chargés des politiques de proximité, leur mode d'élection doit refléter cet objectif.

Enfin, les élus corses eux-mêmes souhaitent cette proximité. Si l'idée d'une consultation fait l'unanimité des élus, l'architecture actuelle du texte est bien plus discutée, en raison surtout du mode de scrutin. La Corse est composée en majorité de communes rurales, trop éloignées des centres de décision. Les conseillers généraux font le lien entre leurs préoccupations et les institutions. Or, un scrutin uniquement proportionnel risquerait d'éloigner les élus régionaux des électeurs.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Rudy Salles - La suppression des conseils généraux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse et l'application du principe proportionnel pourraient distendre ce lien de proximité.

M. François Sauvadet - En effet !

M. Rudy Salles - Pour être juste, un mode de scrutin doit assurer la représentation équilibrée des hommes et des territoires. Ce lien ne peut exister que si certains élus représentent des secteurs géographiques de faible taille comme le canton. Un tel mode de scrutin existe en Allemagne et en Écosse : c'est un système mixte alliant un scrutin proportionnel de liste à circonscription unique et un scrutin majoritaire uninominal assurant le lien de proximité. Il n'a jamais empêché la constitution de majorités fortes ni la représentation de l'ensemble des sensibilités politiques. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement qui laisse la possibilité d'y recourir. Il nous semble important de la faire figurer dans l'annexe pour que les options restent ouvertes lors de l'examen de la loi statutaire.

Je fais appel, Monsieur le ministre, à votre esprit d'ouverture, à cette grande capacité d'écoute que vous avez déjà su montrer. Je fais appel également à l'esprit de responsabilité de mes collègues, pour entendre ces arguments de bon sens que nul n'a contestés en commission. Lors de la campagne électorale, nous avions pris l'engagement de rapprocher les pouvoirs et la population. Mettons-le en application.

Ouvrir ainsi la voie à un fonctionnement réellement démocratique de la Corse n'est qu'un premier pas. On sait bien que les réformes administratives menées dans l'île depuis vingt ans n'ont pas réglé les problèmes. Certes, ce projet est plus ambitieux, il résulte d'une concertation plus approfondie. Il devrait donc avoir plus de chance de réussir, et c'est le souhait du groupe UDF (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur certains bancs du groupe UMP).

M. Michel Vaxès - La Corse se mobilise. Les 13, 19 et 23 mai, 20 000 personnes de toutes catégories sont descendues dans la rue pour faire connaître leurs vrais besoins. En revanche, votre réforme institutionnelle, qui vise essentiellement à supprimer les départements, ne suscite guère l'enthousiasme. Les imprécisions parfois choquantes de l'annexe inquiètent même les Corses auxquels on demande de voter d'abord pour découvrir ensuite la portée réelle de la réforme.

Une fois encore, une fois de trop dit-on jusque dans vos rangs, les problèmes de la Corse sont abordés par la voie institutionnelle, qui n'a entraîné que des déconvenues.

Ce qu'il faut absolument, c'est mettre en _uvre rapidement, sur les quinze ans à venir, le plan exceptionnel d'investissement, pour lequel les élus communistes ont beaucoup fait, et qui devrait supprimer des obstacles au développement. Nous avons noté avec satisfaction que les conventions ont été signées ou ont fait l'objet de décrets d'application. Mais l'urgence n'est-elle pas maintenant d'apporter un soutien technique à des projets concrets ? Pourquoi ne pas avoir mis en place cette logistique pour réaliser les investissements exceptionnels dont le principe et le montant ont été fixés dans la loi sous la précédente législature ? Pourquoi, si vous êtes si soucieux de concertation, ne pas avoir ouvert un débat public sur la programmation et le contenu de ces investissements ? Si vous l'aviez fait, nous vous aurions soutenu sans réserve.

Vous avez préféré aller demander à la Commission européenne, avec une délégation dont nous n'avons pas voulu faire partie, le maintien de la zone franche. Cette orientation libérale va à l'encontre du développement de la Corse, à l'encontre du progrès social.

Vous voulez enfermer les Corses dans un choix simpliste, pour obtenir une sorte de blanc-seing afin de pratiquer une expérimentation institutionnelle qui s'étendrait ensuite à tout le pays. La disparition des conseils généraux est une étape décisive vers une Europe fédérale des régions, dans laquelle la Corse souffrirait plus que d'autres de la perte de la solidarité nationale. Créer des conseils territoriaux sans grand pouvoir n'est qu'une étape intermédiaire.

Pourquoi une collectivité unique, sinon pour concentrer les pouvoirs entre les mains de quelques-uns, qui auront encore plus de mal à résister aux bandes organisées de toutes sortes ?

M. Maxime Gremetz - Pour décentraliser !

M. Michel Vaxès - Pourquoi s'attaquer aux départements, contre l'avis des conseils généraux, et alors que toutes les forces politiques sauf le parti communiste, sont divisées sur la question ? Les deux partis nationalistes appellent à voter « oui » sans cacher qu'il s'agit pour eux d'un pas supplémentaire dans la marche vers l'indépendance. Dès lors, comment ne pas s'indigner lorsque certains de vos amis, comme M. Poncelet, assimilent le « oui » à l'avenir et à l'apaisement, et le « non » à l'immobilisme et à la violence ?

La convergence entre l'UMP et les partis nationalistes est pour le moins troublante. Selon un sondage effectué il y a quelques semaines, 62 % des Corses étaient favorables à votre projet. Mais à mesure qu'ils découvrent combien il fissure le pacte républicain, les Corses, j'en suis persuadé, se rendent compte que la vérité est à l'opposé de ce que disent de concert l'UMP et les partis nationalistes.

En votant « non », ils sortiront d'une voie institutionnelle qui, par la suppression des départements, posera plus de problèmes qu'elle n'en résoudra. A qui fera-t-on croire que le chômage, la vie chère, les bas salaires, le recul du service public cesseront quand disparaîtront les départements ? Quant à dire que ce plébiscite mettra un terme au chantage à la paix des nationalistes clandestins, les Corses n'y croient pas.

Pour isoler les adeptes de la violence et arrêter la dérive mafieuse, il faut construire avec les Corses des avancées démocratiques et sociales répondant à leurs attentes.

La Corse a besoin de transparence, elle a besoin de retrouver les repères républicains fondamentaux dont l'effacement a favorisé les actes racistes et xénophobes comme ceux perpétrés à Ajaccio contre l'association Ava Basta ou contre les locaux de l'Union des Marocains, et comme les récents incidents de Bastia.

La Corse a besoin de logements sociaux, d'équipements, de services publics. Donnons aux Corses les moyens de vivre dignement sur une terre si attachante. C'est en menant cette politique pour laquelle nous avons toujours plaidé que l'on rassemblera les énergies citoyennes, celles de la grande majorité des Corses, pour construire l'avenir.

Mais le voulez-vous vraiment ? Nous en doutons. Votre priorité, c'est de remodeler les institutions de la République dans la perspective d'une Europe ultra-libérale selon le projet de refondation sociale écrit par le Medef.

Votre seul argument, qui cache mal un certain mépris, est que l'existence de deux départements serait un obstacle à la définition d'un projet global cohérent pour la Corse. Faut-il vous rappeler que vos amis dirigent la région depuis 1984 ? Faut-il insister sur les aspects positifs des lois de 1982 et de 1991, de la loi de 2002 qui a donné à la collectivité territoriale tous les moyens pour élaborer son plan d'aménagement ? Comment prétendre, comme vous le faites, qu'en Corse personne n'est responsable d'une stratégie d'ensemble, n'y a réfléchi et n'en a les moyens ?

Donnez la parole aux Corses dans une vraie concertation se terminant par une consultation n'offrant pas qu'un choix limité. C'est ce que nous demandions dans la proposition de loi que nous avons déposée en décembre 2000. N'enfermez pas les Corses dans un référendum réducteur. Vous verrez alors qu'ils sont capables de définir une stratégie cohérente pour leur territoire, si on leur en donne les moyens et le pouvoir.

Mais cette parole, ces moyens, ce pouvoir, vous les leur refusez, comme vous refusez aujourd'hui d'entendre le mouvement populaire. Et c'est aussi pourquoi grandit, en Corse comme sur le continent, l'idée qu'il n'est point de salut sans un peuple rassemblé dans la diversité de ses cultures, dans la communauté de ses revendications, dans l'unité de son action pour construire un avenir différent de celui que vous dessinez.

Les élus communistes et républicains, en Corse comme dans cette assemblée, seront de ce combat, et pour ces raisons voteront contre votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre - Voilà une bonne nouvelle.

M. Jacques Barrot - Je veux souligner au nom du groupe UMP l'importance que nous attachons à la démarche nouvelle que vous proposez, Monsieur le ministre, à nos compatriotes corses. Camille de Rocca Serra marquera dans un instant l'importance de cette nouvelle étape pour la Corse. Je remercie aussi notre rapporteur Guy Geoffroy, qui a su formuler les enjeux de cette loi.

D'emblée nous exprimons notre attachement aux hommes et aux femmes de Corse qui ont décidé de sortir de l'ornière de la violence et de la désespérance, qui croient en un avenir de paix et de développement au sein de la République. Je me réjouis qu'ils soient les premiers bénéficiaires des nouvelles libertés qu'offre la révision constitutionnelle du 28 mars. L'histoire de la Corse et sa spécificité le justifient.

Je salue au nom du groupe UDF votre courage et votre détermination, Monsieur le ministre. Dès votre arrivée, vous avez pris les dossiers à bras le corps en vous rendant sur place à maintes reprises pour dialoguer avec les élus et tous les acteurs de la société civile. C'est à votre énergie et à votre pragmatisme que nous devons aujourd'hui ce débat qui offre à la Corse une nouvelle architecture des pouvoirs, plus appropriée à sa spécificité ; c'est grâce à votre détermination que, pour la première fois, nos compatriotes corses pourront se prononcer sur leur propre avenir. Vous avez choisi une approche globale, où la recherche d'une meilleure organisation institutionnelle s'accompagne d'une lutte opiniâtre contre la violence et d'une attention soutenue au développement économique ; il fallait mener les trois de front. Pour cela, vous avez voulu rassembler le plus grand nombre d'élus et d'acteurs de l'île autour d'un projet institutionnel innovant, tout en créant les conditions du développement économique. A Bruxelles vous avez su montrer la légitimité d'un statut fiscal dérogatoire ; les entreprises bénéficieront ainsi d'un crédit d'impôt dont le taux sera généralisé à 20 %. Et l'effort d'investissement public va se poursuivre pour pallier les carences des infrastructures.

J'en viens au cadre institutionnel. La Corse, premier bénéficiaire de la révision constitutionnelle, pourra se doter de structures conciliant cohérence et proximité. D'un côté, la collectivité unique définira les orientations stratégiques et assumera la responsabilité de la cohérence d'ensemble. De l'autre, un échelon de proximité bien adapté permettra la mise en _uvre des orientations. Etant moi-même à la tête d'une collectivité départementale, je suis convaincu que la forte imbrication d'un tel échelon de proximité dans l'échelon régional est un moyen de concilier efficacité et proximité. La Corse devrait ainsi surmonter les inconvénients d'une prise de décision parfois trop longue et trop confuse, et bénéficier d'un processus de décision plus efficace.

Je crois que cette nouvelle donne inspirera à terme d'autres régions françaises, car nos compatriotes ont du mal à se repérer dans les financements croisés et les compétences enchevêtrées.

M. Marc Le Fur - Très bien !

M. Jacques Barrot - Il ne s'agit pas de faire disparaître un échelon territorial de proximité, mais de l'ancrer dans une institution régionale plus apte à assurer la cohérence des politiques. Il ne s'agit pas d'entraver l'Etat, de réduire son rôle, mais au contraire d'avoir un Etat plus réactif et plus efficace. Et, si M. Geoffroy me permet de le dire, il me semble que les travaux de notre commission ont dessiné un travail préfectoral qui serait exercé, plus qu'aujourd'hui, en équipe et en réseau. Je crois que ce modèle a des chances de s'imposer dans les années qui viennent.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Très bien !

M. Jacques Barrot - Cette architecture nouvelle devra bien sûr être complétée par une très bonne répartition des compétences. Vous avez clairement distingué, Monsieur le ministre, un socle de compétences exclusives garantissant que la Corse aura bien un pouvoir décentralisé fort ; un socle minimum de compétences appartenant aux conseils territoriaux ; enfin des possibilités de délégation assurant la souplesse. Je ne reviens pas sur le mode de scrutin, dont M. le rapporteur a parlé. L'important est qu'il y ait une bonne représentativité. Ce qui implique une représentation équitable de tous les territoires, urbains et ruraux. Ce qui implique aussi que soit assurée la représentation des minorités, sans priver la région d'une majorité efficace.

Saluons par la même occasion l'arrivée de la parité. Les femmes corses ont su déjà exprimer leur volonté de promouvoir une culture démocratique moderne, faite de débats et de confrontations. Elles doivent pouvoir jouer un rôle essentiel dans l'animation de cette nouvelle collectivité. C'est pourquoi, pour la Corse comme pour beaucoup de nos régions, l'enjeu de la parité n'est pas seulement l'égalité entre hommes et femmes, mais aussi celui d'une vie politique plus tolérante, plus conforme à l'idée républicaine.

Nos compatriotes corses attendent beaucoup de cette démarche décentralisatrice ; la République attend beaucoup de la consultation électorale à laquelle ils vont être appelés. Il va en effet leur appartenir de prendre la parole, de se saisir des chances que leur offre cette nouvelle organisation. Cette consultation, qui est une première dans l'histoire de la Corse, leur permettra de s'approprier individuellement des institutions régionales et locales qui sont le produit d'une élaboration collective. En se dotant de cette organisation innovante, les Corses manifesteront leur volonté de faire réussir leur territoire au sein de la République : tel sera le sens de cette consultation.

M. Gérard Léonard - Très bien !

M. Jacques Barrot - Des femmes et des hommes qui se prennent en charge, qui entendent prendre toute leur part dans l'émulation des régions françaises, vont pouvoir ainsi affirmer leur volonté d'être Corses dans une République française décentralisée. C'est pourquoi j'ai tenu, au nom du groupe UMP, à apporter notre soutien non seulement à ce projet, mais à toutes les démarches que vous avez engagées pour redonner aux Corses des raisons solides d'espérer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Paul Giacobbi - C'est avec un plaisir de gourmet que j'ai entendu M. Barrot parler de cette réforme tant de fois conspuée. En politique, il ne faut jamais dire « fontaine... ».

Ce texte est d'une importance capitale. Bien au-delà de la Corse, il inaugure un nouveau principe et une nouvelle méthode pour l'organisation territoriale de notre République. Pour la première fois, au moins en métropole, une consultation populaire est organisée pour recueillir l'avis des citoyens sur une proposition de réforme des collectivités locales. C'est aussi la première fois que l'on admet le principe que les structures des collectivités locales peuvent être adaptées à la géographie. Jusqu'ici, un schéma identique s'imposait jusqu'à l'absurde : il fallait partout un département, une région, une commune. L'application de ce principe a été poussée jusqu'à faire coexister deux collectivités différentes pour un territoire identique, comme dans l'outre-mer et à Paris.

Ce principe de l'adaptation des structures aux réalités géographiques, cette méthode de la consultation populaire préalable seront sans doute mis en _uvre dans l'avenir partout où le débat existe, c'est-à-dire au moins en Normandie, en Savoie, en Alsace et au Pays basque. Député corse, c'est-à-dire député de la nation tout entière, je le souligne à ce titre.

Mais c'est aussi, évidemment, un débat capital pour notre région. Celle-ci a connu successivement deux départements, puis un seul, puis à nouveau deux. On lui propose aujourd'hui une collectivité unique regroupant conseils généraux et région, mais une collectivité déconcentrée avec des conseils départementaux ressemblant singulièrement aux conseils d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille, tandis que demeureraient deux départements, circonscriptions administratives de l'Etat avec à leur tête des préfets. A ceux qui pensent que la République est ébranlée, je veux rappeler que les évolutions précédentes de l'organisation de la Corse n'ont ébranlé ni l'Empire, ni la monarchie, ni quelques Républiques. Je crois pouvoir assurer à la République l'innocuité de cette réforme. Mais surtout, après tant d'années, de décennies, peut-être même de siècles, c'est la première fois que la parole est donnée aux citoyens de Corse : au-delà de la réforme elle-même, le seul fait de poser une question, et la manière de la poser, constituent un événement politique essentiel.

Ce débat aurait dû intervenir dans une grande sérénité. Il semble malheureusement se perdre un peu dans la confusion, et la précipitation du calendrier rend difficiles les clarifications indispensables.

Si l'on remonte un peu dans le temps, tout le monde a appelé de ses v_ux la simplification administrative et politique de la Corse. En 1975, lors du débat sur la bidépartementalisation, deux parlementaires avaient fait part de leurs réticences.

Le député Nicolas Alfonsi avait dit ici même, avec le talent qu'on lui connaît : « On ne coupe pas la Corse en deux ». C'était une belle formule, mais lorsqu'on propose de la réunifier, il semble à nouveau déçu ! L'insatisfaction est peut-être le ressort de l'homme ! Quant au sénateur François Giacobbi, il avait déclaré au Sénat que si l'on voulait réparer « l'injustice faite à Bastia et au nord de la Corse » - parce que l'Empereur était né à Ajaccio, on avait un peu « déplacé » l'administration -, « il n'était pas nécessaire de rompre l'unité administrative et politique de la Corse, il aurait suffi d'implanter des services publics à Bastia et de leur déléguer certains pouvoirs. Il ne fallait pas, disait-il, employer le marteau pilon de la bidépartementalisation pour écraser la mouche du déséquilibre administratif du nord de la Corse. Le 10 mars 2000, au début de ce que l'on a appelé « le processus de Matignon » - et je n'aime guère ce terme -, les cinquante et un membres de l'assemblée de Corse se sont prononcés sans ambiguïté en faveur du retour à la collectivité unique. Puisque certains se croient autorisés à nous donner des leçons de vertu républicaine, je cite la motion ayant obtenu la majorité des membres de l'assemblée de Corse : « La simplification de la carte administrative, tant pour l'Etat que pour les collectivités locales, doit être mise en chantier. Dans ce cadre, la réunion de l'échelon départemental et territorial peut être envisagé comme il adviendra peut-être dans les autres régions ». On croit entendre M. Barrot ! Et, plus loin : « La simplification de la carte administrative et politique n'est acceptable que si elle se traduit par un meilleur service de proximité pour les usagers, par le maintien de l'emploi, par une représentation politique équilibrée des différentes parties et micro-régions de l'île à l'assemblée de Corse ». Est-ce là le crime contre l'Etat, l'attentat contre la République dont nous parlent certains ?

Bien des éléments vont dans le sens de la clarté et il faut les rappeler une fois encore. En premier lieu, la Corse compte 270 000 habitants. Qui peut croire qu'il soit nécessaire pour l'administrer d'avoir deux départements et une région, ainsi d'ailleurs que 360 communes ? Non seulement ce n'est pas nécessaire, mais c'est pernicieux. Chaque fois que je rencontre un collègue du continent qui m'interroge sur le pourquoi de la réforme, je lui demande combien d'habitants compte son département et j'en déduis en référence à la Corse le nombre de régions et de départements qu'il lui faudrait pour atteindre notre degré de « proximité ». Rappelons que la collectivité de Corse unique, avec ses 270 000 habitants, serait bien moins peuplée que la plupart des départements français. Je connais bien, Monsieur le ministre, votre département des Hauts-de-Seine. A cette aune-là, il lui faudrait quatre ou cinq régions et une bonne dizaine de départements. Et qu'on ne dise pas que la proximité y est mieux assurée qu'en Corse. Il me faut plus de temps pour la traverser en voiture que je n'en mets pour parcourir toute la Corse ! (Sourires)

Notre vie publique est en permanence altérée par cette complexité. Soyons concret, il faut aujourd'hui à peu près deux ans pour mener à bien le processus de financement d'un réseau d'assainissement, où interviennent l'agence de l'eau, le département au titre du FNDAE et sur ses fonds propres, et la collectivité territoriale de Corse. En outre, les différences de règles procédurales pour la liquidation des financements rendent l'exécution financière de ces opérations encore plus longue et difficile, voire aléatoire. Je vous le dis en confidence. Je ne crois pas qu'il soit possible d'obtenir sans faire un faux les financements définitifs. Les règles de procédure étant différentes, il faut mentir à un moment ou l'autre sur la date de début des travaux. Je m'excuse de le dire devant le directeur général des collectivités locales ! (Sourires) Quant on sait le retard pris par la Corse en matière de réseaux d'eau et d'assainissement, ce n'est pas une question secondaire.

Après cinq années au conseil général, je puis vous citer nombre d'exemples de cette effroyable complexité et vous affirmer que, dans ces conditions l'exécution du programme exceptionnel d'investissement sera presque sûrement un échec. J'admire ceux qui, n'ayant jamais exercé la fonction de conseiller général, et très peu celle de conseiller régional, peuvent discourir sur le fonctionnement quotidien de ces institutions. C'est un défaut très corse ; bien souvent nous faisons comme les gens de qualité qui savent tout sans jamais avoir rien appris (Sourires).

En second lieu, la réforme mettra fin à un débat institutionnel qui a certes passionné depuis trente ans la Corse, et parfois la France entière, y compris dans cette assemblée, mais qui l'a aussi empoisonné et qui n'a d'ailleurs pas été sans conséquences pour la vie politique nationale. Tout le temps qui a été consacré à ce débat nous a aussi éloigné des questions pratiques.

Ensuite, ce débat situe très clairement le problème de la Corse et les solutions qui doivent lui être trouvées dans le cadre de la République française. C'est dit de manière limpide dans votre projet, mais, surtout, la question n'est pas posée dans le cadre d'une procédure constitutionnelle à notre île, elle l'est dans une logique plus générale qui pourrait très bien être utilisée ailleurs.

Enfin, un point a été clairement tranché : il ne saurait être question de dire qu'il existe un « peuple corse distinct du peuple français » et dont l'existence serait juridiquement reconnue. J'ai assez combattu cette notion pour me réjouir aujourd'hui qu'elle ne fasse plus débat, ici ni ailleurs. Et je n'aurai pas la cruauté de rappeler à certains républicains autoproclamés leur faiblesse passée pour ce concept.

M. le Président de la commission des lois et M. le ministre de l'intérieur - Très bien !

M. Paul Giacobbi - Pour toutes ces raisons, nous devrions donc connaître un débat serein et facilement compréhensible pour tous, et notamment par les citoyens de Corse qui seront amenés à se prononcer. Malheureusement, depuis quelques semaines, la confusion et le trouble sont apparus. Les éléments les plus troubles et les plus violents de la famille nationaliste se sont mis en action pour multiplier les attentats et bien affirmer leur refus de toute réforme qui ferait aller la Corse un peu mieux. Quand on se nourrit, à tous les sens du mot, du trouble, l'apaisement, la stabilité, l'efficacité des politiques publiques sont évidemment des menaces qu'il faut combattre. Ces gens-là s'y sont employés.

D'autres ont multiplié les déclarations plus choquantes les unes que les autres à l'occasion du sinistre anniversaire de l'assassinat du préfet Claude Erignac. Je tiens ici à affirmer solennellement que la Corse, ce ne sont pas les quelques dizaines de personnes qui n'ont pas eu la pudeur, face à la souffrance et au deuil d'une famille, de s'abstenir de justicier ce crime odieux (Applaudissements sur tous les bancs). La Corse, notre Corse, ce sont les dizaines de milliers de personnes qui sont, à l'époque, descendues dans la rue, et qui ont défilé, en une foule immense et spontanée, rendant hommage à un serviteur de l'Etat. La Corse a porté le deuil de Claude Erignac comme celui d'un parent, dans la tristesse, dans un silence qui n'a été troublé que par les applaudissements saluant le cercueil de notre préfet quand il quittait la préfecture, à Ajaccio. La Corse a rendu un hommage que les déclarations indignes ne peuvent faire oublier ou ternir.

Enfin, la famille nationaliste a dit à cette réforme un « oui » pervers et inacceptable. Oui, ont-ils dit, parce que ce serait la première étape d'un processus devant conduire à toute autre chose. Je le dis aussi très clairement : dire oui à cette réforme, c'est accepter de clore le débat institutionnel, c'est accepter la République et ses lois, c'est accepter de renoncer à toute forme de violence. S'il y a des gens qui n'acceptent pas cela, il serait préférable qu'ils disent franchement « non ».

Bien entendu, ce premier trouble a été exploité sans vergogne par tous ceux qui, par principe, disent non à tout et considèrent que puisque tout va mal, mieux vaut ne rien changer ! Tomaso di Lampedusa, fin connaisseur des méridionalités, ne disait-il pas qu'il fallait « que tout change pour que rien ne bouge » ?

Je voudrais à cet égard rappeler qu'il ne faut pas galvauder la République. En Grande-Bretagne, on disait autrefois qu'était gentilhomme celui qui n'utilisait jamais ce mot. J'en dirai de même des républicains.

Et puis, il y eut, Monsieur le ministre, le trouble jeté par vos propres amis. Ceux qui, après avoir ardemment combattu la perspective de cette réforme, continuent de le faire assidûment par une campagne sournoise mais active en faisant mine, en public, de l'approuver solennellement. Ceux qui se répandent en disant qu'ils ont obtenu de vous l'assurance d'un mode de scrutin qui leur donnerait la victoire et exposent déjà dans le détail, avec force calculs à l'appui, les stratégies qu'ils mettent en _uvre et les succès qu'ils emporteraient par la grâce d'un mode de scrutin, voire d'un découpage, ajusté à leur main.

Enfin, le Gouvernement a entretenu - à son corps défendant, je veux le croire - cette confusion et ce trouble. Vous avez mis en place, Monsieur le ministre, des groupes de travail sur des questions essentielles comme le mode de scrutin et la répartition des attributions entre les différents échelons de la future collectivité unique et cela ne s'est pas très bien passé...

M. le Président - Il faut conclure.

M. Paul Giacobbi - M. Zuccarelli a parlé une heure et demie. Je serai plus bref et j'ai quand même quelque chose à dire ! (Sourires)

Il apparaît aujourd'hui qu'aucune conclusion ne pourrait en être tirée avant plusieurs semaines, en donnant, peut-être à tort, le sentiment que l'on a fait sien l'adage selon lequel « on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment ».

Sur un point essentiel enfin, votre discours et celui du Premier ministre avaient été à la fois clairs et convaincants. Vous avez affirmé que la réforme n'aurait pas d'incidence sur les circonscriptions administratives de l'Etat qui ne partageraient pas le sort des conseils généraux et demeureraient en Haute-Corse et en Corse-du-Sud, avec les préfets et les services extérieurs de l'Etat dans chaque département. Mais sur ce point, les travaux de la commission des lois ne nous ont pas éclairés, loin de là.

Alors, Monsieur le ministre, il nous faudrait faire campagne, à nous les partisans du oui, à ceux qui comme moi ont souhaité cette consultation et cette réforme. Faire campagne mais comment ? Quand on me pose la question de savoir quel sera le mode de scrutin de la future collectivité unique, je dois répondre que je n'en sais rien ; quand vient la question de l'organisation des attributions au sein de la collectivité unique, je dois dire « c'est en discussion » et quand arrive la question des services de l'Etat en Haute-Corse, je dois confesser que je n'ai aucune garantie, ni même aucune certitude !

Au surplus, nous vivons une époque troublée sur le plan social. L'amalgame n'existe pas de la part de ceux qui font grève sur le problème des retraites, mais il est encouragé par tous ceux qui veulent le trouble : retraite, décentralisation de l'Education nationale, décentralisation en Corse.

Il faut clarifier trois questions, au moins un mois avant le vote : le mode de scrutin, la répartition des compétences au sein de la collectivité unique, l'incidence de la réforme sur les services de l'Etat, à Bastia, comme à Ajaccio, et sur l'ensemble du territoire. J'aurai souhaité que le 6 juillet ne soit pas la date butoir. Il faut aller vite mais la démocratie va de pair avec la sérénité et avec la transparence.

Je suis président du conseil général de Haute-Corse depuis cinq ans et pourtant, je souhaite ardemment retrouver l'unité administrative et politique de la Corse. Faut-il être attaché à l'intérêt général pour accepter de sacrifier un mandat essentiel ! Y a-t-il ici beaucoup de présidents de conseils généraux qui accepteraient un tel sacrifice ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Non !

M. Paul Giacobbi - Peu suspect d'être opposé à cette réforme par intérêt ou par principe, je rappelle seulement qu'elle ne peut réussir que dans la clarté et la sérénité. C'est ce que nous attendons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Camille de Rocca Serra - Vous l'avez dit, Monsieur le ministre, la Corse est une terre de passion, et c'est en tant que citoyen français de Corse, élu de la nation, que je veux m'exprimer, avec force et émotion, en souvenir de tous les Français de Corse, morts pour la France. Je veux vous faire partager la souffrance de tous ceux qui aiment la République, au sein d'une île meurtrie, terre de France.

Si la véritable question est : les Corses souhaitent-ils rester dans la République ? Je vous répond que la Corse est française. Prenons garde à cette question insidieuse qui profite à l'infime minorité séparatiste.

Nous récoltons aujourd'hui les fruits amers de décennies d'incompréhension réciproque et de violence. Nous avons tous été des républicains blessés par le lâche assassinat du plus haut représentant des valeurs humanistes de la République, Claude Erignac. Aujourd'hui, à la veille du procès, rien ne serait pire que de reculer. Au nom de la mémoire de Claude Erignac, que la République revienne en Corse.

C'est aujourd'hui à votre honneur, Monsieur le ministre, de rétablir la permanence de l'Etat dans une Corse sclérosée et incomprise.

Vous êtes décidé à agir avec détermination contre la violence et l'insécurité, car vous avez su comprendre et aimer la Corse. Vous avez une stratégie que je partage : rétablir la prééminence de la République, promouvoir le développement économique, social et culturel, dans le respect de l'identité corse qui peut nier la particularité de la Corse, île sous-peuplée, micro-société, micro-marché, archipel de montagnes et de vallées. La Corse souffre de ses handicaps. Lors de votre premier voyage, Monsieur le ministre, vous avez su pourtant en souligner les atouts, et encourager à sortir de la spirale de la violence. En Corse, comme ailleurs, il n'y a pas de fatalité.

Mais la République, c'est aussi la générosité, et vous avez offert à la Corse d'ouvrir une porte sur l'espoir, une porte politique. Les autres gouvernements ont souvent buté sur cette question. Le précédent a eu la sagesse d'ouvrir le débat, et de poser la question de l'avenir de la Corse, mais il y a eu l'obstacle constitutionnel de la consultation, et le problème de la violence.

Au-delà de ces différences, je me félicite de la continuité de l'action de l'Etat. Il fallait rompre avec la culture des compromis et des négociations secrètes. Dans la transparence, vous avez, Monsieur le ministre, débloqué la situation et eu le courage de dénoncer les responsabilités des uns et des autres. Elu pendant quatorze ans au conseil général, pendant quatre ans au conseil territorial, maire de la troisième ville de Corse depuis 2001, et parlementaire, je ne nie pas nos responsabilités dans l'avancée de la violence.

Votre projet a le mérite de rompre avec la situation actuelle. Je n'ai jamais cru que la ligne Maginot fût la meilleure défense. Au contraire, il faut attaquer. A l'excès du volontarisme dont on vous accusait, vous avez répondu assistance à société en danger. Je vous en remercie, car au-delà de vos propres convictions, vous avez tenté de rassembler les Corses sur une adhésion. Qui peut nier que la clarification et la simplification administratives soient une bonne chose ?

Je l'entends dire, en Corse comme ailleurs, depuis plus de dix ans ! Je l'ai vu voter par au moins 26 élus de l'assemblée de Corse, dont certains sont devenus amnésiques depuis le 10 mars 2000. Pouvons-nous alors parler de précipitation ? Le débat institutionnel a toujours existé, mais au prétexte qu'il serait une revendication idéologique de certains, il ne faudrait rien faire ? Ce serait le meilleur moyen de donner satisfaction à ceux qui sont contre la République ! Ils pourraient ainsi arguer que cet immobilisme institutionnel les oblige à choisir d'autres méthodes...

La force du Gouvernement, sous l'autorité du Président de la République et sous votre impulsion, Monsieur le ministre, est de ne pas avoir attendu. Le cadre constitutionnel le permettant, il fallait mener une action urgente pour la Corse, lui apporter une réponse essentielle quant à l'efficacité et la cohérence de l'action publique. Il fallait surtout tenter de rassembler les enfants de France qui sont désunis. Ce ne sera peut-être pas possible, mais vous l'aurez tenté. Depuis votre premier discours à Ajaccio, vous avez prévenu que vous attendiez tous ceux qui sont de bonne volonté, qui veulent construire, mais que vous ne les attendriez pas indéfiniment. Vous leur avez tendu la main, tout comme je le fais à ceux qui ne pensent pas comme moi, car la République se doit de ne pas laisser ses enfants s'égarer. Il y a encore un espoir pour que certains rejoignent ses valeurs, mais il faudra un jour faire le choix de se séparer de ceux qui ne voient d'avenir que dans la violence, qui refusent l'espoir d'une vie meilleure et qui veulent empêcher la société corse de se développer, se condamnant par là-même à ses yeux. En même temps que nous tendons la main, il faut agir contre ceux qui ne respectent pas les valeurs fondamentales.

La consultation que vous offrez ne doit avoir pour objectif que de répondre à la question posée. En tant que maire de la troisième ville de Corse, je sais la complexité des niveaux, strates et règlements qui se superposent ou se contredisent dès qu'on veut monter un projet. Quand on demande un financement public et qu'on ne sait jamais à quelle échéance se fier parce qu'elles divergent selon les textes, on sait que l'objectif d'efficacité est important ! La consultation a aussi l'avantage d'entraîner l'adhésion et d'assurer une certaine stabilité : il faudrait être bien fort pour demander au peuple de défaire ce qu'il aura lui-même décidé ! Et la Corse a besoin de stabilité : il faudra du temps pour résoudre le problème de la violence, et il en faudra pour trouver les moyens du développement économique. Vous le savez, vous qui, le premier, en 1994, aviez soutenu un statut fiscal pour la Corse, qui avez essayé d'obtenir des aides européennes supplémentaires, défendu la zone franche et facilité la mise en place du programme exceptionnel d'investissement.

Outre l'objectif d'efficacité, il en est un de transparence. La lisibilité politique devra être assurée par le mode de scrutin, mais sa modification ne doit pas être un préalable. Le mode de scrutin devra plutôt être mis en cohérence avec la réforme institutionnelle. On invoque beaucoup la proximité et la territorialité, mais ce ne sont que des arguments pour repousser la solution ! En matière de scrutin comme pour le reste, il n'y a pas de modèle parfait. Il faut faire un choix. Je ferai celui de l'efficacité, de la stabilité, de la transparence et de la responsabilité. La Corse en a besoin. L'élu que je suis souhaite pouvoir en Corse, avec des pouvoirs et des moyens nouveaux, assumer sa responsabilité politique devant ses concitoyens. Le mode de scrutin devra le lui permettre. Quant au transfert de compétences, il devra être effectué selon les principes de la loi de 2002, au premier rang desquels le principe de subsidiarité.

M. le Président - Vous avez dépassé votre temps de parole, veuillez conclure.

M. Camille de Rocca Serra - Monsieur le ministre, il n'y a pas de temps à perdre. Ceux qui invoquent la précipitation se trompent. Trop de temps a déjà passé. Ceux qui cherchent des prétextes, qui font des effets de manche ou qui ne veulent surtout pas bouger se trompent également. Aucun ne sert la République. L'UMP sera à vos côtés parce que la Corse a besoin de la République. Vous offrez une chance à la Corse qui est aussi une chance pour la France. Merci de nous offrir l'espoir. Nous gagnerons ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Simon Renucci - Le courage et la transparence sont surtout à trouver chez le gouvernement précédent, qui a pris à bras-le-corps une situation difficile, et fait ce que d'autres n'auraient peut-être pas fait à sa place.

M. Bruno Le Roux - Très bien !

M. Simon Renucci - Cela ne change rien au fait que le projet de loi qui nous est soumis soit historique. Pour la première fois, à l'issue d'un riche et long processus dont le gouvernement actuel a accepté l'héritage, les Corses vont pouvoir se prononcer sur l'avenir institutionnel de leur île. L'exception corse, si souvent dénigrée, pourrait se transformer à cette occasion en modèle, pour le plus grand bénéfice de la démocratie.

Oui, la Corse va devenir un modèle à suivre pour la nation. Je me réjouis que les Corses soient les premiers à éprouver la possibilité ouverte par le nouvel article 72 de la Constitution. Opposant résolu à la politique économique du Gouvernement, et plus encore à sa politique sociale, j'ai sur le dossier corse, par conviction comme par respect de la parole donnée, la volonté de poursuivre, loin des clivages idéologiques, l'_uvre de rénovation des institutions de l'île. Je le fais dans un esprit de dialogue, d'ouverture, de tolérance et de transparence. Je le fais dans le respect des électeurs qui m'ont honoré de leur confiance. Il y a des moments dans l'histoire où les hommes de bonne volonté doivent s'unir pour choisir l'optimisme et le progrès.

M. le Ministre - Très bien !

M. Simon Renucci - L'historien Antoine de Lévis-Mirepoix prétendait qu'il n'y a guère d'expérience des peuples. Au contraire, je suis convaincu que nous sommes instruits des drames du passé, et que nous ne voulons plus les vivre. L'architecture qui est proposée au jugement du peuple, avec des pouvoirs normatifs et des moyens financiers importants et une simplification administrative, fournira un nouvel horizon à l'ambition de nos concitoyens. Ceux-ci veulent vivre en démocratie, et les désordres et les violences doivent donc cesser.

Je sais qu'aucune réforme institutionnelle ne peut régler une fois pour toutes l'avenir d'une région : le monde bouge, et les hommes avec lui. Mais la situation actuelle de la Corse et ses relations avec l'Etat ne me satisfont pas. Le développement des responsabilités locales est pour moi un objectif permanent, et je défends la réforme depuis ma candidature au conseil général d'Ajaccio. Dans une île qui compte 360 communes et des établissements de coopération intercommunale toujours plus nombreux, deux départements, une collectivité territoriale, diverses institutions et une administration déconcentrée, seules la simplification et la rationalisation peuvent conduire au progrès.

Dans les décennies précédentes, faute de moyens et de vision d'ensemble, nous n'avons pu empêcher l'exode rural, ni bâtir les infrastructures d'un pays moderne ou permettre le développement économique que réclamait notre jeunesse contrainte à l'exil. Je ne peux me résoudre à ce manque d'ambition. Aujourd'hui, seule la réforme institutionnelle peut servir une politique économique et sociale ambitieuse au service du peuple. La réforme, ce n'est pas l'aventure. Puisque tout est mouvement, il serait fou de croire que les forces vives, la jeunesse puissent rester prisonnières d'un corset mis par d'autres générations, pour d'autres hommes et d'autres défis.

Les réformateurs ne sont pas moins attachés à la patrie, à l'hymne, au drapeau, à la République et à la France que ceux qui se revendiquent d'une continuité frileuse héritée de l'Ancien Régime. Il est des aventuriers immobiles ; il est des conservatismes qui conduisent à l'exaspération ; il est aussi, fort heureusement, des réformateurs républicains. Nous en sommes. Notre pays est terre de traditions, d'identité, mais aussi de rencontres et d'échanges.

Sous l'impulsion de François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre, la France a, dans un sursaut, tourné le dos à plusieurs siècles de centralisation sclérosante. La modernité le lui imposait, et le général de Gaulle l'avait lui-même pressenti. Cette même modernité impose aujourd'hui à la Corse de baliser un nouveau chemin.

Il est réconfortant, en pareil cas, de se soumettre au jugement du peuple. Ce dernier doit, bien sûr, être clairement informé du choix qui s'annonce.

En premier lieu, il doit répondre à la question qui lui est posée et à elle seule : « Approuvez-vous les orientations proposées pour modifier l'organisation institutionnelle de la Corse ? ».

Pour ma part, vous l'avez compris, je voterai oui. Oui à la collectivité territoriale nouvelle, qui symbolise l'unité de la Corse en mettant fin à une division Nord-Sud qui n'a jamais eu d'existence que géographique ou administrative. A l'heure de la mondialisation, de la libre circulation des hommes et des marchandises, certains découpages anciens peuvent entraver le développement économique, social et culturel. Elle rétablit également l'indispensable unité d'action qui renforcera l'efficacité des politiques publiques, dont on connaît, en Corse, le poids considérable, et qui permettra, enfin, de penser l'aménagement et le développement à la seule échelle qui vaille, celle de la Corse toute entière.

Le principe de libre administration des collectivités territoriales et l'interdiction de tutelle entre elles est source de concurrence, d'enchevêtrements de compétences, de cofinancements complexes. Je dis oui aussi à une collectivité déconcentrée qui comprendra deux circonscriptions administratives, dont les limites territoriales seront la Haute-Corse et la Corse-du-Sud. Les conseils territoriaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud permettront le maintien voire le renforcement de la proximité entre citoyens et élus.

Je dis oui encore à l'élection au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans le cadre d'une seule circonscription pour l'ensemble de la Corse. Grâce à une désignation proportionnelle, les principales sensibilités politiques de l'île seront représentées.

Pour ma part, je suis favorable au maintien du seuil de 5 % pour être présent au second tour ainsi qu'aux deux tours, car le second offre la liberté démocratique, celle de fusionner et comme celle de se désister. Enfin, je suis favorable à une prime modérée, de l'ordre de 6 %, pour la liste arrivée en tête. Je souhaite que les groupes de travail rendent rapidement leurs conclusions et que le Gouvernement fasse connaître sa position définitive bien avant la consultation du 6 juillet.

Je dis oui, enfin, à ce projet car il indique expressément qu'Ajaccio sera le siège de l'assemblée de Corse et demeurera la capitale régionale. Je n'aurais pas accepté qu'il en fût autrement. Mais, précisément parce qu'Ajaccio fût, pendant longtemps, sous-représentée, presque oubliée, dans les instances dirigeantes de l'île, je comprends les inquiétudes de mes amis bastiais. Je veux les rassurer (Sourires sur divers bancs).

En conservant un préfet de plein exercice, des services déconcentrés de l'Etat et le siège du conseil territorial de Haute-Corse, et grâce à ses atouts et au dynamisme économique d'une population entreprenante, Bastia renforcera encore son rôle. Je veillerai avec objectivité à ce qu'il en soit ainsi et à ce que l'équilibre entre toutes les régions de l'île soit assuré. Ainsi le groupe social démocrate à l'assemblée de Corse a proposé que le Conseil économique, social et culturel de la Corse soit implanté à Corté pour donner à cette ville universitaire un nouvel élan culturel.

Grâce à la loi sur la parité votée par la gauche, les femmes feront une entrée en masse dans la future assemblée de Corse. Si, comme le dit le poète, « la femme est l'avenir de l'homme », la vie politique insulaire s'en trouvera heureusement renouvelée. Ne négligeons pas ce fait, car les grands événements passent souvent inaperçus aux yeux des contemporains.

Signe encourageant de la vigueur de notre démocratie, la parole est désormais au peuple. J'ai toujours été partisan de la consultation populaire et de cette évolution vers plus de pouvoirs normatifs, vers plus de compétences transférées, vers une organisation administrative simplifiée.

Je ne renonce pas à mes convictions parce que le Gouvernement qui les porte n'est pas de ma famille politique. Il en va de l'idée que je me fais de la responsabilité, de l'éthique, de la cohérence intellectuelle.

Il est grand temps que les enfants de la Corse retrouvent la paix et la prospérité à laquelle ils ont droit ; il est grand temps que la violence cesse ; que ceux qui l'ont érigée en moyen de pression ou de pouvoir proclament enfin l'adieu aux armes que les Corses souhaitent plus que tout ; il est grand temps qu'un terme soit mis à ces débats institutionnels.

Dans le préambule de la Constitution du 22 frimaire an VIII, le plus illustre des Ajacciens, Bonaparte écrivait de sa main « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie ». Sans doute est-il temps d'en finir aussi avec les réformes institutionnelles et de consacrer nos énergies à mobiliser moyens, ressources et compétences au service de nos concitoyens.

C'est dans cet esprit constructif que j'ai, avec mes amis, participé aux processus qui nous ont conduit à ce point. Convaincu que l'enchevêtrement des compétences et la superposition des échelons sont des freins à la modernisation de notre île ; que le nouveau maillage territorial permettra un aménagement du territoire plus équitable et plus équilibré ; qu'un développement économique durable s'offre à nous ; que la modernisation de notre tissu économique, social et culturel impose de l'imagination, j'attends avec sérénité la décision du peuple souverain, certain qu'entre le statu quo et l'innovation, entre l'immobilisme et le progrès, entre le renoncement et l'espoir, nos compatriotes sauront choisir. Ce sera oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Charasse - Mon ami Emile Zuccarelli l'a dit, les radicaux de gauche ne sauraient être défavorables à la consultation des Corses sur leur avenir : ils la revendiquent depuis longtemps. Il reste toutefois à définir la question à poser. Or c'est bien la méthode que vous avez choisie et le caractère réducteur de la question qui font problème. Vous vous êtes rendu en Corse à six reprises afin, avez-vous clamé haut et fort à son de trompe médiatique, de préparer avec les Corses les évolutions qu'ils souhaitaient ainsi que le projet qui leur sera soumis pour avis. Voilà la version officielle. Mais la vérité est semble-t-il différente : avant même votre arrivée au Gouvernement votre opinion était faite sur la réforme institutionnelle qu'il fallait à la Corse et sur les moyens d'y parvenir. Dans votre livre, Libre, vous vous prononciez dès janvier 2001 pour la suppression des départements, la création d'une collectivité unique et la négociation avec les nationalistes. Il ne vous restait plus qu'à parer votre projet des atouts du dialogue républicain... En ne soumettant à la consultation populaire que votre seul projet, en rendant systématiquement les Corses et leurs élus coupables de la violence et de sous-développement dont ils sont les premières victimes : les Corses et leurs élus ; en faisant vous-même campagne, avec des moyens considérables, en faveur du oui ; en satisfaisant l'une des revendications les plus anciennes des nationalistes sans qu'eux-mêmes aient renoncé ni à l'indépendance ni au terrorisme, vous faites le jeu des extrémistes et vous désespérez la grande majorité de la population, qui n'aspire qu'à vivre en paix et à agir pour le développement. L'image que leur donne l'Etat depuis trop d'années, statut après statut, recul après recul, sans qu'à aucun moment la violence, les attentats, les assassinats n'aient diminué de façon significative, ne les incite guère à croire en l'avenir au sein de la République. C'est d'abord pour cela que votre projet est dangereux. Il l'est aussi pour la proximité dont la Corse a besoin, comme toutes les régions françaises, dans la conduite des politiques publiques. Le Premier ministre a dit à plusieurs reprises qu'il considérait la Corse comme une zone d'expérimentation pour la refonte de la carte administrative. L'insistance que vous mettez à y obtenir, à l'arraché, la suppression des départements m'inquiète pour les autres conseils généraux partout en France. Ne prépare-t-on pas là une disparition totale des départements ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois - Ça n'a rien à voir !

M. le Ministre - Quelle vision d'avenir !

M. Gérard Charasse - Je m'étonne en outre que nous examinions ce projet avant d'avoir été saisis d'un texte plus global sur l'organisation des consultations ouvertes par la nouvelle rédaction de l'article 72 de notre Constitution. Il me paraîtrait en effet normal que, s'agissant de la disparition de deux départements, on les consultât séparément, fût-ce le même jour et sur la même question. A défaut, une collectivité pourra sans coup férir en absorber une plus petite sans que les habitants de cette dernière puissent s'y opposer.

M. le Ministre - C'est absurde !

M. Gérard Charasse - J'aborde ce débat, comme la plupart de mes collègues radicaux de gauche, avec une réelle inquiétude pour l'avenir de la Corse et même de tous les départements français (Applaudissements sur divers bancs).

M. René Dosière - Sur la Corse, Monsieur le ministre, vous n'avez pas de difficulté de principe avec les socialistes car, vous l'avez dit à plusieurs reprises, votre démarche s'inscrit dans la continuité du processus de Matignon. D'ailleurs, entendre un ministre du gouvernement Raffarin rendre hommage à la politique de Lionel Jospin et la faire applaudir par sa majorité est un moment rare, qui mérite d'être apprécié à sa juste valeur.

M. le Ministre - N'en faites pas trop !

M. René Dosière - Du passé faisons table rase, j'en suis d'accord - mais sans oublier le devoir de mémoire. Le 15 mai 2001, un de nos collègues disait à Daniel Vaillant ressentir un malaise à discuter du processus de Matignon alors que les assassins du préfet Erignac n'étaient pas arrêtés et que la violence était toujours présente dans l'île. Résoudre ces deux points était un préalable à toute discussion, poursuivait M. Rudy Salles - c'était lui -, qui soutient aujourd'hui avec enthousiasme votre projet. Par la grâce du fait majoritaire, ce qui était hier inacceptable recueille aujourd'hui l'approbation.

M. Lionnel Luca - On en a vu d'autres !

M. René Dosière - Ce n'est pas le moindre de vos mérites que d'avoir favorisé ce retournement. Mais pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas changé d'opinion. Vous êtes bien inspiré de ne pas faire de l'arrêt de la violence le préalable à toute avancée ; ce serait donner raison à ceux qui détruisent et tuent lâchement. Cela ne vous dispense pas, bien sûr, de lutter avec détermination contre ceux qui dissimulent derrière des slogans politiques leurs actes de banditisme, ni de rechercher avec obstination le lâche assassin du préfet Erignac. Si vos amis doutaient hier de la volonté de Daniel Vaillant de le faire, nous ne doutons pas aujourd'hui de la vôtre.

Cela étant, je suis très insatisfait des conditions d'examen de ce texte par l'Assemblée. Sur ce point, Monsieur le ministre, vous n'êtes pas en cause. Alors que, depuis un an, vous vous êtes saisi du dossier avec énergie, la commission des lois de l'Assemblée n'a pas jugé utile de faire la moindre mission d'information ni d'auditionner qui que ce soit, pas même le ministre, laissant ce soin au Sénat. C'est au Sénat, en effet, que le texte est venu en première lecture...

M. le Ministre - C'est la Constitution.

M. René Dosière - Certes. Nous étions d'ailleurs contre cette disposition. Une délégation de l'UMP est allée assister au débat, puis le rapporteur a fait en sorte que, dans un premier temps, notre commission adopte le texte conforme. Puis il s'est rendu compte que c'était peut-être beaucoup exiger de la seule assemblée élue au suffrage universel. Mais cet épisode montre bien à quel point la réforme constitutionnelle a abaissé le rôle de l'Assemblée.

M. le Rapporteur - Ce n'est pas vrai.

M. Paul Giacobbi - Si, absolument !

M. René Dosière - Je ne l'accepte pas, et j'espère qu'un certain nombre d'entre vous non plus, même si l'appartenance à la majorité leur laisse moins de liberté qu'à moi pour le dire.

Vous avez décidé d'aller plus loin et plus vite que Lionel Jospin, puisque ce que vous proposez faisait, dans ses propositions, l'objet d'une étape ultérieure, une fois rétablie la paix civile. Vous n'attendez pas qu'elle soit rétablie pour agir ; je ne vous le reproche pas. En effet, la réforme constitutionnelle permet s'accélérer le processus et de consulter la population.

Toutefois, la volonté de gagner du temps tourne à la précipitation. Prendre du temps, ce n'est pas pratiquer l'immobilisme, mais permettre une maturation, gage d'un développement économique plus solide. Votre gouvernement a certes agi pour appliquer le plan pluriannuel d'investissement prévu par la loi de 2002. Il est important de l'évaluer régulièrement, car son succès permettra de limiter l'influence des idées nationalistes.

S'agissant du texte, je suis gêné par la date limite un peu trop rapprochée. Les électeurs vont devoir se prononcer sur un texte imprécis. Ainsi, on supprime les conseils généraux. Mais que deviennent les départements comme entités administratives et quel sera le rôle des préfets, qui subsistent ? La réunion de ce matin a montré que la confusion règne sur ce point dans l'esprit des membres de la commission. Nous attendons des explications.

En second lieu, l'annexe est vague sur le mode de scrutin. Au Sénat vous avez indiqué vos préférences, mais dit également qu'il y avait d'autres possibilités. Or ce choix aura des conséquences. Des précisions sont nécessaires et nous avons déposé un amendement sur le sujet. Je souligne que, dans un référendum, un texte compliqué ou flou risque de provoquer le désintérêt ou la conjonction des mécontentements. En outre, les conditions que vous aviez vous-même fixées ne sont pas tout à fait respectées. Vous souhaitiez un audit approfondi sur les départements et la collectivité territoriale. Qu'en est-il ? En installant les deux groupes de travail, vous disiez aussi que l'avis de l'assemblée corse seraient pris en considération pour éclairer le Gouvernement et le Parlement. Il faut reconnaître que ce dernier ne l'est guère. N'est-ce pas que le calendrier est trop resserré ?

Ce texte important mérite mieux que l'examen précipité auquel nous avons procédé en commission, ce qui justifie la motion de renvoi. Les Corses veulent vivre et travailler dans leur pays, un pays magnifique, mais qui souffre des faiblesses de son développement et de sa démographie. Le statut institutionnel spécifique que vous proposez est justifié par l'insularité et devrait favoriser ce développement. Ce faisant, l'île sera d'avantage ancrée dans la République, car la République que nous aimons est décentralisée, elle respecte les diversités. Comme le disait Péguy, « Il y a pire que d'avoir une mauvaise idée de la République, c'est d'en avoir une idée toute faite. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Ministre - D'abord, une bonne nouvelle. Il n'est pas si fréquent qu'à l'Assemblée, au lieu de s'opposer camp contre camp, on accepte, sans renoncer à ses convictions, mais en s'abstenant pour les uns ou en renonçant à certaines idées pour les autres, de cheminer ensemble. La question corse, qui nous permet de faire ce chemin, comme le souhaitent les Français, serait donc propre à fédérer les hommes de bonne volonté de gauche et de droite. Réjouissons-nous en !

Le processus a été lancé il y a quelques années. Bien sûr, c'est l'action des uns qui permet aux autres d'aboutir. Je l'ai dit à Daniel Vaillant, à propos du Conseil français du culte musulman, et j'ai rendu hommage à mes prédécesseurs, y compris quand leur échec a préparé le succès d'aujourd'hui. Il y a donc continuité des efforts des hommes de bonne volonté, et c'est aussi une bonne nouvelle de voir la Corse rassembler plutôt que diviser.

J'ai apprécié le soutien de M. Le Roux à la consultation et à l'accord politique et j'ai trouvé son intervention très mesurée. Il y a cependant un point de désaccord entre nous : la date. Le sujet est complexe. Pourquoi le Gouvernement considère-t-il que le 6 juillet est la date ultime ? Parce qu'il faut considérer la suite.

Si, le 6 juillet, les Corses disent oui, ils auront approuvé un principe, une direction ; mais il restera à préparer le statut, et il faudra y travailler tout l'été, pour le discuter au Parlement à l'automne. Or, il y a une échéance : l'objectif du Gouvernement est d'engager les élections territoriales en Corse et ailleurs à la même date. Que ne diraient pas ceux qui nous donnent des leçons de républicanisme, si je prévoyais dès maintenant qu'en 2004 les Corses ne voteront pas à la même date que les autres ? J'entends déjà leurs discours outragés devant cette horreur antirépublicaine. C'est pour le coup qu'on viendrait nous dire que nous sortons la Corse de la République !

M. Emile Zuccarelli - Vous faites les questions et les réponses !

M. le Ministre - Voilà pourquoi le Gouvernement est attaché à cette date. D'ailleurs, M. Le Roux et M. Dosière parlent de septembre ou d'octobre, mais est-on sûr que le climat politique et social sera plus apaisé alors ? Il me plaît - pardonnez-moi cette malice - de constater sur ce point l'optimisme des orateurs socialistes (Sourires), qui semblent suggérer que septembre sera si calme que nous n'aurons à parler que de la Corse... J'accepte volontiers cette prévision optimiste !

Le Gouvernement vous proposera donc de maintenir la date du 6 juillet. Mais le décret de convocation des électeurs devrait être signé vers le 15 juin : il sera toujours possible d'y revenir si d'ici là était apparue en Corse une situation - que je ne saurais prévoir - qui rende impossible de faire la consultation à la date prévue. Nous avons donc encore deux ou trois semaines pour voir comment les choses évoluent.

Je remercie M. Salles pour le soutien précieux du groupe UDF. Oui, ce texte ouvre de nouvelles perspectives de décentralisation ; et quoi de plus normal que le soutien de l'UDF, qui a toujours affirmé que l'échelon régional était un échelon majeur, et la décentralisation une orientation incontournable ? Ce que nous faisons avec la Corse, d'autres régions, si elles le souhaitent, pourront le faire ; c'est ce qu'a toujours dit le Premier ministre.

Sur le mode de scrutin et les circonscriptions territoriales, Monsieur Salles, je vous rends attentif au problème que poserait un redécoupage. Qui dit territoires différents, pour assurer la proximité, dit redécoupage ; et qui dit redécoupage laisse entendre magouillage... Entendons-nous bien : le Gouvernement n'a pas d'objection de principe à la proposition de l'UDF. Mais dans un territoire comme la Corse, où la confiance n'est pas spontanée (Mouvements divers), où les procès d'intention surgissent aisément, conseilleriez-vous vraiment au Gouvernement de mettre en place un découpage administratif qui ne corresponde pas à une règle territoriale incontestable ? Or, les seules règles incontestables sont la circonscription unique, les limites de deux départements et - éventuellement - celle des cinq arrondissements. Si, de surcroît, l'on juxtaposait une part de scrutin proportionnel et une part de scrutin majoritaire - en prenant, pour cette dernière, les ciseaux -, cela risquerait de faire douter de la sincérité du projet du Gouvernement. Pas d'objection de principe, donc, mais une impossibilité politique et technique. De toute façon, nous en reparlerons quand nous discuterons du statut.

M. Vaxès me pardonnera de ne pas lui répondre très longuement. La dénonciation du libéralisme est un thème si classique qu'on pourrait exhumer des tonnes de discours en ce sens - et d'autres discours tenus en réponse... Quant à l'évocation du contexte social, je ne vois pas ce qu'elle vient faire dans ce débat. Enfin, j'avais cru comprendre que le parti communiste était attaché au scrutin proportionnel : or, le voici qui défend une assemblée départementale élue au scrutin majoritaire ; peut-être est-ce le signe d'une évolution doctrinale ?

M. Michel Vaxès - Je n'ai jamais dit cela ! Je défends la proportionnelle dans les deux départements !

M. le Ministre - J'ai été sensible au fait que Jacques Barrot soit l'orateur du groupe UMP, comme pour souligner officiellement l'implication de tout le groupe dans ce projet de réforme.

M. René Dosière - Était-ce à ce point nécessaire ?

M. le Ministre - Dans la situation qui est la mienne, abondance de biens n'a jamais nui !

Monsieur le président Giacobbi, je vous le dirai simplement : votre intervention était passionnante. Il est rare qu'un président de conseil général se déclare prêt à supprimer les fonctions qui sont les siennes, au nom de l'idée qu'il se fait de l'intérêt général. La démarche est digne et mérite le respect. Je sais que vous n'approuvez pas l'ensemble de la politique du Gouvernement : cela ne donne que plus de prix à votre soutien à sa politique en Corse. J'ai beaucoup apprécié vos citations de M. Alfonsi, notamment sur la Corse qui « ne se divise pas en deux », et je prends l'engagement qu'il n'y aura pas de « combine » sur le mode de scrutin. Le Gouvernement fera connaître avant la consultation ses orientations précises en la matière. Je pense comme vous que la première quinzaine de juin est le moment idoine pour que le Premier ministre clarifie les choses, qu'il s'agisse des modes de scrutin ou des compétences.

Monsieur de Rocca Serra, ce n'est pas parce que vous êtes un ami de longue date que votre soutien allait de soi. Je sais ce qu'il vous demande d'engagement personnel, et j'aurai l'occasion, vendredi, d'en porter témoignage dans votre région. Vous avez évoqué le souvenir du préfet Erignac. Dans votre bouche, celle d'un élu corse dont le nom est symbolique pour la Corse et pour la France, ce propos avait une dimension émotionnelle, que nous avions déjà perçue dans le discours de M. Giacobbi.

Ici encore, un homme de la majorité et un homme de l'opposition se retrouvent pour condamner la violence avec la même force et la même émotion ; vous donnez tous deux une belle image de la Corse. J'ai apprécié enfin que vous disiez que le mode de scrutin n'était pas un préalable, distinguant ainsi le principal et l'accessoire.

M. Renucci, député-maire d'Ajaccio, ne s'est pas renié en apportant son soutien au Gouvernement. Il m'appelle à mettre fin au débat institutionnel : c'est bien ce que je veux faire ! Si les Corses répondent oui, et même s'ils répondent non, croyez-vous qu'il y aura un gouvernement qui se donnera autant de mal pour organiser la consultation des 190 000 électeurs corses sur le statut ? C'est en quoi M. Renucci a raison : la consultation n'ouvre pas un débat, elle le clôt. C'est la différence avec le processus de Matignon, Monsieur Dosière : Matignon, c'étaient cinquante personnes, et la consultation 190 000 !

M. Charasse a exprimé son inquiétude. Je la comprends : c'est que je n'ai pas été clair, et qu'il n'a donc pas compris le texte, ni ce que veut faire le Gouvernement. Je tenterai encore de le convaincre.

J'ai apprécié, Monsieur Dosière, que vous disiez que je n'aurais pas de difficulté de principe avec les socialistes.

M. René Dosière - Sur ce texte !

M. le Ministre - J'entends bien (Sourires). Quant au devoir de mémoire, je pourrais vous renvoyer la balle sur la Corse et peut-être sur les retraites... Tournons-nous plutôt vers l'avenir. Tout responsable politique a ses faiblesses et ses contradictions : je ne suis pas sûr que nous gagnerions à trop les utiliser. Sur la violence, je partage votre point de vue.

Vous m'avez interrogé aussi sur les départements comme circonscriptions administratives de l'Etat. Ils seront maintenus, ainsi que les préfets, en Haute-Corse comme en Corse-du-Sud. Enfin je publierai dans quelques jours l'audit des inspections générales des finances et de l'administration.

Il va de soi, s'agissant du projet du Gouvernement, que j'irai en Corse pour essayer de convaincre les Corses ! Qui comprendrait que j'y croie si peu que je renonce à convaincre ? Avec le soutien du président de la commission des lois, et la passion qu'il met à soutenir le Gouvernement, je m'en vais confiant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à minuit, est reprise le mercredi 28 mai à 0 heure 15.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Bruno Le Roux - Avant de défendre cette motion, je veux, comme nous le faisons à l'occasion de tout débat intéressant la Corse, rendre hommage à la mémoire du préfet Erignac et exprimer toute notre sympathie à sa famille. Qu'il me soit permis aussi de témoigner de l'indignation qui nous saisit lorsqu'à quelques jours de l'ouverture du procès de plusieurs de ses assassins présumés, certains ont l'impudence de le présenter comme un procès politique. L'indignation du groupe socialiste est celle, j'en suis sûr, de toute notre assemblée. Ce lâche assassinat doit être apprécié pour ce qu'il est : une atteinte profonde à la République, portée par ceux qui font du crime un style de vie et tentent de maquiller leurs forfaits sous des prétextes qui ne peuvent plus tromper personne. Ne relâchons pas notre vigilance et n'oublions pas Claude Erignac (Applaudissements sur tous les bancs).

J'en profite aussi pour dire, après René Dosière, que nous nous dispensons pour notre part d'aboyer le nom d'Yvan Colonna chaque fois que l'ordre du jour de nos travaux nous conduit à nous intéresser au devenir de la Corse. Certains, dans l'opposition d'hier, n'avaient pas cette réserve ! Daniel Vaillant a tout fait pour qu'Yvan Colonna soit arrêté...

M. Christian Estrosi - Il ne fallait pas le laisser s'échapper !

M. Bruno Le Roux - ...Et je ne doute pas, Monsieur le ministre, de votre détermination à persévérer dans cette voie ! La présente motion vise à vous aider...

M. Christian Estrosi - M. Sarkozy n'en a pas besoin !

M. Bruno Le Roux - ...à vous libérer des contraintes que fait peser sur vous le calendrier que vous avez vous-même fixé.

Vous me faites l'effet d'un randonneur, parti par beau temps sur le « GR 20 » sans prévoir que le temps pouvait tourner (Sourires). Le gros temps est en train de s'installer et je serais tenté de vous envoyer un hélicoptère pour vous ramener à la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Croyez-le, nous voulons vous donner le temps de remplir l'objectif que vous vous êtes fixé, de poursuivre dans la sérénité le processus d'installation de nouvelles institutions. C'est de cette façon que l'on aidera la Corse à réussir son développement.

Certes, le travail de notre rapporteur n'est pas en cause, mais notre assemblée n'a pas accompli l'effort d'approfondissement que l'on était en droit d'attendre d'elle sur ce texte. Dois-je rappeler que la commission des lois de la précédente législature avait, elle, procédé à de très nombreuses auditions - Daniel Vaillant en 2000, l'année suivante José Rossi et les présidents des groupes politiques de l'assemblée de Corse, puis, le 4 avril 2001, MM. Baggioni, Sarrola et Giacobbi, respectivement présidents du conseil exécutif de Corse, du conseil général de Corse-du-Sud et du conseil général de Haute-Corse ?

De plus, le 9 novembre 2000, une mission d'information avait été créée dans le but de préparer l'examen du projet de loi relatif à la Corse. Son objectif était de permettre à l'Assemblée nationale de se saisir du texte en amont de son dépôt. En effet, la question de l'avenir institutionnel, économique et social de l'île de beauté nous semblait d'une importance considérable pour la République. Du travail réalisé préalablement au dépôt du texte dépend la qualité du débat devant notre assemblée, et la majorité de l'époque tenait à ce que la représentation nationale soit informée du processus en cours. En effet, la mission d'information s'est déplacée à deux reprises dans l'île. Elle a rencontré les principaux élus de Corse, des responsables des services de l'Etat et des représentants du monde socio-économique. En tant que rapporteur de cette mission, j'ai moi-même eu le plaisir d'assister aux délibérations à l'assemblée de Corse sur l'avant-projet de loi transmis par le Gouvernement. Au total, 143 auditions ont été menées.

M. René Dosière - En ce temps là, l'Assemblée ne renonçait pas à ses prérogatives !

M. Bruno Le Roux - Il en va tout autrement aujourd'hui ! Pas de mission d'information, pas une seule audition, même pas celle du ministre - sans doute est-ce une marque de confiance envers lui... (Murmures sur les bancs du groupe UMP) L'Assemblée ne gagnera rien à se dessaisir de ses prérogatives. Est-il acceptable que nous en soyons réduits à découvrir dans la presse la teneur de vos projets ?

Monsieur le ministre, vous n'êtes pas venu une seule fois en commission des lois pour expliquer votre démarche !

Plusieurs députés UMP - On ne le lui a pas demandé !

M. Bruno Le Roux - A elle seule, cette anomalie dans le fonctionnement de nos travaux justifierait le renvoi en commission ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs questions de fond essentielles restent en suspens : comment envisagez-vous la suite du processus ? Est-il envisageable d'élargir le débat à d'autres régions françaises ?

M. le Ministre - Oui !

M. Bruno Le Roux - Il est de notre devoir d'accompagner la naissance d'un texte aussi important. En renonçant à le faire, nous commettons une faute politique. Il est absolument essentiel de rencontrer les acteurs politiques, économiques et sociaux de la Corse. Ces contacts, M. Vaillant ne me démentira pas, sont extrêmement utiles pour adapter le projet aux attentes et aux réalités locales.

Monsieur le ministre, nous regrettons vivement que le président de la commission des lois n'ait pris aucune initiative pour vous permettre de nous faire appréhender tous les enjeux de ce projet. Cette forme de dessaisissement de notre assemblée justifie le renvoi en commission.

Car le sujet dont nous débattons est d'une haute importance. L'attente de nos concitoyens corses au sujet du devenir de leur région est immense. Nous ne devons pas économiser notre temps ou notre énergie pour apporter enfin une solution durable à leur demande de paix et de développement.

C'est ainsi qu'en décembre 1999 le gouvernement Jospin avait engagé avec les représentants de la Corse, parlementaires, élus de la collectivité territoriale et présidents des conseils généraux, une réflexion sur l'avenir de l'île dont l'objectif était de mettre fin aux situations de crise et de violence, en accompagnant la Corse sur la voie d'un développement maîtrisé, respectueux de sa spécificité et de son identité au sein de la République.

Comment ne pas saluer, au passage, l'extraordinaire conversion de certains ? M. de Rocca Serra considère que l'erreur majeure de Lionel Jospin aura été de subordonner la phase des réformes institutionnelles à l'arrêt de la violence. Dois-je rappeler que ses amis de l'ex-opposition nous reprochaient avec véhémence de n'avoir pas fait de l'arrêt de la violence un préalable à toute discussion ? Dois-je citer les propos tenus sur ce sujet par MM. Plagnol, Devedjian et nombre de leurs amis ? (M. Estrosi proteste) Il faut que la majorité assume ses contradictions (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP).

Je vois dans leur évolution, pour ma part, un effet de la force de persuasion du ministre de l'intérieur et de la compétence universelle du président du groupe UMP, capable d'incarner à lui seul la totalité des sensibilités de ses membres...

A l'époque, la démarche était transparente : fondée sur le dialogue avec les élus du suffrage universel, elle consacrait la primauté du débat politique démocratique. Les discussions qui ont eu lieu depuis le 13 décembre 1999 ont d'abord permis d'examiner l'ensemble des problèmes de l'île - institutionnels, économiques, culturels ou d'équipement. Ensuite, le 20 juillet 2000, le Gouvernement a présenté un relevé de conclusions, largement approuvé par l'assemblée de Corse huit jours après, et qui a donné lieu à un projet de loi adopté en 2001 par le Parlement après un débat difficile, où seuls quelques députés de l'opposition d'hier privilégièrent l'analyse de fond par rapport au positionnement politicien. En la matière, il convient pourtant de se défaire des a priori partisans et de donner priorité à l'intérêt de la Corse et de la République. C'est heureusement le choix qui est fait aujourd'hui.

Le Gouvernement, soutenu par de nombreux députés qui s'étaient farouchement opposés hier au processus de Matignon, nous propose de modifier l'architecture institutionnelle de la région corse en créant une collectivité unique et en supprimant donc les deux conseils généraux. Est-ce choquant ? Je ne le pense pas : c'était la deuxième étape des accords de Matignon. Faut-il demander aux Corses leur avis ? Pourquoi pas, dès lors que n'est pas remise en question l'appartenance de la Corse à la République ? La déclaration du 3 mars 2000 appelait d'ailleurs à soumettre « l'ensemble du processus à une consultation populaire » et réclamait « une loi programme de mise à niveau économique sur dix ans pour combler les retards de l'île en matière d'équipements structurants ». Ce fut le plan exceptionnel d'investissement, dont nous nous réjouissons de voir que ses engagements sont respectés.

Mais pourquoi tant de précipitation ? Ne vaut-il pas mieux attendre que la loi du 22 janvier 2002 soit effective, ainsi que le plan exceptionnel d'investissement ? Quant aux résultats en matière de diminution de la violence, ils ne sont pas encore probants. De surcroît, tous les éléments du débat ne sont pas sur la table : le mode de scrutin, les compétences, les services publics sont autant de questions essentielles auxquelles il n'est pas répondu. Nous ne voulons pas reporter le débat en septembre pour ralentir votre démarche, mais pour nous donner le temps de faire campagne, d'aller sur le terrain, participer au débat public.

Pensez-vous vraiment qu'entre le 15 juin et le 6 juillet puisse s'organiser un débat public à la hauteur des attentes de la population ? Au contraire, ce sont ceux qui véhiculent de fausses idées et des peurs injustifiées qui feront entendre leurs voix. Aussi serait-il sage de revenir en commission, afin de nous permettre de faire campagne à vos côtés. Vous êtes bien seul aujourd'hui, Monsieur le ministre, mais vous le cherchez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - M. Le Roux me propose un hélicoptère pour aller moins vite - d'ordinaire, c'est plutôt le contraire (Sourires). Plus sérieusement, de deux choses l'une : s'il estime que j'agis dans la continuité de M. Jospin, pourquoi exiger de reprendre les discussions depuis le départ, en ignorant le travail préparatoire des accords de Matignon ? C'est s'il jugeait que mon action n'a rien à voir avec celle de M. Jospin qu'il serait fondé à le dire !

Ensuite, je ne puis croire que le mois de septembre soit sans doute plus propice : comment peut-on penser que les mois d'été, où les touristes afflueront dans l'île, soit la période idoine pour mener campagne et tenir des réunions dans les préaux d'école ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Nous aurions donc, tout au plus, quelques semaines en septembre pour faire campagne - c'est-à-dire guère plus qu'entre le 15 juin et le 6 juillet !

J'ajoute que notre débat ne sera pas terminé : je viendrai aussi souvent que nécessaire en commission des lois pour débattre du statut, du mode de scrutin et des compétences - et complaire ainsi au groupe socialiste... (Sourires)

Enfin, je vais répondre précisément à vos trois questions : sur les services publics, le Gouvernement fera des annonces précises vendredi et samedi ; sur le mode de scrutin, le Premier ministre se prononcera aux alentours du 10 juin ; quant aux compétences, des éclaircissements vous seront donnés début juin. Pourquoi pas maintenant ? me demanderez-vous. Parce qu'il est difficile d'expliquer aux Corses qu'après avoir constitué des groupes de travail - qui comptent à la fois, soit dit en passant, des partisans et des adversaires de la réforme - on fige les choses dès le premier débat au Parlement ? Cela ne veut pas dire, naturellement, que celui-ci n'aura pas le dernier mot.

Voilà pourquoi les réponses ne peuvent pas être données avant que les élus en aient débattu. La question n'est d'ailleurs pas simple : pour certains, le mode de scrutin doit être identique à celui du continent car la Corse appartient à la République ; pour d'autres, il ne faut rien changer au mode actuel, qui garantit la représentation des minorités ; pour d'autres encore, il faut trouver un juste milieu. Lorsque le débat aura eu lieu, le Gouvernement prendra ses responsabilités. Il est d'ailleurs discutable de nous reprocher de nous engager sur le statut et de craindre que nous ne le fassions pas sur le mode de scrutin !

Monsieur Le Roux, j'ai essayé de vous répondre le plus honnêtement possible. Vous connaissez mon calendrier et vous savez qu'il n'y a pas de problème de principe entre nous. Puisque vous vous voulez si différents de ce que nous étions, ne suivez donc pas l'exemple que vous avez moqué, et songez à la force que prendront vos arguments si vous avez le courage de faire le contraire de ce que vous venez de dénoncer ! J'attends donc avec plaisir votre vote en faveur du projet !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. René Dosière - Jamais demande de renvoi en commission n'aura été aussi justifiée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). On sait que les motions de procédure sont généralement détournées de leur objet.

Plusieurs députés UMP - Quel aveu !

M. René Dosière - Elles donnent à l'opposition un temps de parole supplémentaire, ce qui est bien le dernier droit qui lui reste (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). Mais en l'occurrence, ceux qui ont appris de la bouche de Bruno Le Roux la façon dont la commission des lois a travaillé ne peuvent que soutenir cette motion. Le ministre nous promet d'autres précisions dans la suite du débat, mais ce n'est pas ce que nous lui demandons ! Nous voulons que la commission puisse travailler, ce qui n'a pas été suffisamment le cas.

M. le Rapporteur - Mais si !

M. René Dosière - Monsieur le rapporteur, vous n'êtes pas en cause. Vous avez élaboré en très peu de temps un rapport dont les qualités ont été soulignées, mais vous ne pouvez pas parler des auditions ou des visites que nous n'avons pas faites !

On nous dit également que le Premier ministre va exposer ses orientations en ce qui concerne le mode de scrutin. Je regrette qu'il ne le fasse pas devant la représentation nationale. Il y a en effet fort à craindre qu'on nous apporte un texte probablement déjà verrouillé au Sénat et que nous n'aurons plus qu'à adopter conforme ! Ce n'est pas ainsi qu'on respecte la voix du peuple. Le Sénat, qui prend au cours de cette législature le pas sur l'Assemblée nationale, est loin d'avoir la légitimité de celle-ci (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président de la commission - L'Assemblée est largement informée. Le ministre a amplement pris le temps, dès le début de la discussion et encore aujourd'hui, de répondre à toutes les questions qui lui étaient posées. Il a même pu mettre en évidence, avec le brio qu'on lui connaît, certaines contradictions ici et là... Quant à la commission, je ne puis laisser dire qu'elle n'a pas pris le temps de travailler. M. Dosière n'y a pas été avare d'interventions, et M. Zuccarelli encore moins. Comment demander aujourd'hui de mandater une mission en Corse alors que ni eux, ni aucun des élus corses, qui se sont tous exprimés, n'en ont exprimé le besoin ? Ne soyez pas plus royalistes que le roi ! Il ne s'agit que d'un argument de tribune ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

La commission a écouté tous ceux qui ont voulu s'exprimer, et notamment tous les élus corses, même s'ils étaient membres d'autres commissions. Elle a choisi entre rester sur l'échec du processus de Matignon et le relancer. Le ministre, avec une grande honnêteté intellectuelle, a rendu hommage à ce travail préparatoire. Soyez aussi élégants que lui : n'empêchez pas l'Assemblée de travailler...

M. Bruno Le Roux - Elle n'a rien fait !

M. le Rapporteur - ...et le Gouvernement d'aider les Corses ! S'il y a bien une demande de renvoi en commission qui nuirait la cause que vous prétendez défendre, c'est bien celle-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Camille de Rocca Serra - Vous qui avez contribué à cette réforme à travers des débats, longs et fructueux, des commissions d'enquête ou d'information, des auditions en commission, je suis surpris que vous ne vouliez pas nous permettre de tirer les fruits de cet acquis ! Pourquoi revenir à la case départ ? Il y a eu neuf mois de concertation, le ministre de l'intérieur s'est beaucoup investi et les élus ont été parfaitement informés. Vos arguments ne sont que des subterfuges !

Nous ne voulons pas créer la confusion dans les esprits. Les 190 000 électeurs auront à se prononcer sur une question très simple. Ne confondons pas l'annexe, qui fixe des orientations, avec le statut dont nous débattrons à l'automne, et sur lequel le Parlement aura le dernier mot. Vous avez les réponses que vous désiriez et il serait superflu de revenir en commission. Je demande donc à l'Assemblée de rejeter cette motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Paul Giacobbi - M. Le Roux proposera de modifier cet article pour laisser au Gouvernement un délai de six mois, plutôt que de trois, à compter de la promulgation de la loi pour organiser la consultation. Le Gouvernement aura, bien sûr, toute latitude pour ce faire à l'intérieur de ce délai. En faisant cette proposition, nous montrons notre bonne volonté, car chacun sait que votre calendrier est terriblement serré ! Vous comptez que la prochaine étape sera aux alentours du 10 juin, mais que se passera-t-il si, à cette date, se produisent des événements imprévisibles ?

Par ailleurs, si, en tant que citoyen corse, je me réjouis que vous exposiez vos orientations directement à la population de Corse, cela ne doit pas vous faire oublier la démocratie représentative ! Je souhaite donc que vous les annonciez au Parlement, ce qui prendra un peu plus de temps.

Vous voulez à tout prix que la consultation ait lieu le 6 juillet pour que le Gouvernement puisse travailler cet été au projet de loi et le présenter - au Sénat bien sûr - à la rentrée. Mais le fait que la consultation ait lieu en septembre ne devrait pas empêcher le Gouvernement de travailler cet été - on travaille aussi l'été en Corse ! - même sans garantie que la réforme sera approuvée. Cette proposition ne représente donc nullement une contrainte pour le Gouvernement, mais bien une liberté supplémentaire. Il aurait tort de ne pas en profiter !

M. Bruno Le Roux - L'amendement 16 ne sera pas mieux défendu que par le ministre lui-même : il a dit que le Gouvernement souhaitait maintenir la date du 6 juillet, mais que l'on ne sait jamais ce qui peut arriver ! Nous lui proposons donc de se donner un délai de six mois. Nous souhaitons, pour notre part, le report de la consultation, mais nous ne voulons pas l'y forcer. Nous lui donnons seulement la possibilité juridique, si la consultation venait à être empêchée pour un quelconque motif, de la reporter sans revenir devant le Parlement.

M. le Rapporteur - L'exposé sommaire montre que l'intention des auteurs de l'amendement est en fait de disposer du temps nécessaire pour relancer le débat. La commission a donc repoussé cet amendement.

M. le Ministre - Tant de sollicitude me touche, je le dis sans malice. Mais s'il s'agit vraiment de rendre possible le report à septembre, le délai de trois mois est suffisant.

En outre, le Gouvernement croit en ce projet, il y a urgence et une date a été annoncée. On verrait dans un report une faiblesse de ma part et on imagine l'exploitation que certains en feraient.

M. Bruno Le Roux - Pas nous !

M. le Ministre - Non, pas vous, ni M. Giacobbi, mais je vois quelqu'un non loin de lui...

J'irai bientôt en Corse ; le Premier ministre s'y rendra en juin ; le Président de la République s'exprimera aussi. Bref, chacun prendra ses responsabilités. Vous comprendrez donc que, dans votre proposition, je prône le soutien et je rejette l'amendement... (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Emile Zuccarelli - Monsieur le ministre, ne faites pas parler ceux qui ne se sont pas exprimés. Si je n'ai rien dit, c'est parce qu'il n'appartient qu'à vous d'assumer les péripéties de la réforme malencontreuse que vous avez engagée.

J'ajoute que mes collègues qui tentent de vous aider en sont manifestement pour leurs frais. Je le regrette pour eux.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bruno Le Roux - L'amendement 17 rétablit la consultation de l'assemblée de Corse sur le décret portant convocation des électeurs, que la hâte du Gouvernement a conduit à supprimer.

M. le Rapporteur - Cette consultation devrait être organisée si le décret portait aussi sur les modalités de la consultation. Or, ces dernières figurent dans le projet, le décret se contentant de fixer la date. C'est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

M. le Ministre - Même avis.

M. Paul Giacobbi - Il s'agit simplement de permettre à l'assemblée de Corse, qui est de bon conseil et dont on sait qu'elle est majoritairement favorable à la réforme, de donner son avis sur la date. Cette consultation pourrait être très rapide.

M. Emile Zuccarelli - Contre l'amendement. M. Giacobbi veut-il dire qu'il ne demanderait pas cette consultation si l'Assemblée était hostile au projet ? Cela ne paraît guère conforme à l'éthique du travail législatif...

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

ANNEXE

M. Paul Giacobbi - Mieux vaut, pour qualifier le rôle des collectivités locales, parler de « politiques publiques » que d'« action publique ». Tel est l'objet de l'amendement 3 corrigé.

M. le Rapporteur - Cette rédaction plus précise lève un risque de confusion. Avis favorable.

L'amendement 3 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Paul Giacobbi - L'amendement 4 visait à rappeler la distinction de la loi et du règlement. Je le retire dans la mesure où l'annexe n'est pas la loi.

M. Bruno Le Roux - L'amendement 19 vise à distinguer clairement l'exécutif collégial de l'assemblée de Corse du président des conseils territoriaux.

M. le Rapporteur - C'est une fausse bonne idée : on ne peut pas parler d'exécutif collégial puisque le président dispose de pouvoirs propres.

M. le Ministre - Même avis.

M. René Dosière - Le système de l'assemblée régionale de Corse, qui sépare exécutif et délibératif, me paraît particulièrement démocratique. Je souhaiterais qu'il soit étendu aux autres régions.

L'amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Paul Giacobbi - L'amendement 5 visait à clarifier le texte, mais je le retire.

M. Bruno Le Roux - Je retire l'amendement 20 au profit du 7 de M. Giacobbi, que nous examinerons ultérieurement.

M. Paul Giacobbi - Jusqu'à présent, l'adjectif « territorial » désignait en Corse la collectivité territoriale, que l'on appelle ailleurs région, et ses élus. Désormais seront ainsi visés les conseillers de chaque département. Si l'on veut que les gens s'y retrouvent, il faut au moins baptiser autrement les conseils et les conseillers départementaux. Tel est l'objet de l'amendement 6.

M. Bruno Le Roux - L'amendement 21 est identique.

M. le Rapporteur - Faire référence aux collectivités départementales n'éviterait pas la confusion puisque l'on supprime les départements...

M. René Dosière - Pas les départements, les conseils généraux !

M. le Rapporteur - ...au profit d'une collectivité unique. C'est pourquoi la commission a repoussé ces deux amendements.

M. le Ministre - Le Gouvernement n'en fait pas une question de principe. Il propose la dénomination de « conseiller de Corse » pour les élus de la collectivité unique et de conseillers territoriaux pour ceux des deux conseils territoriaux. Les premiers parlent au nom de toute l'île et assurent une vision cohérente, les seconds expriment la proximité au territoire. Ce n'est peut-être pas parfait, mais cela évite la confusion qu'introduirait à coup sûr l'appellation de conseillers départementaux.

M. Paul Giacobbi - Le rapporteur dit que l'on supprime les départements. Soyons plus précis.

M. le Ministre - On supprime les conseils généraux.

M. Paul Giacobbi - Par département, on entend soit une collectivité territoriale, administrée par le conseil général, soit une entité administrative, c'est-à-dire un ensemble de services déconcentrés sous l'autorité du préfet, ou encore un territoire, en l'occurrence celui de Haute-Corse ou de Corse-du-Sud. On le voit, la définition est large. Si l'on me permet un sous-amendement oral, je proposerai qu'à côté des conseillers de Corse, on parle non pas des conseillers territoriaux, mais des conseillers de Haute-Corse et des conseillers de Corse-du-Sud.

M. le Président - Vous exprimez une opinion, mais pour le transformer en sous-amendement il aurait fallu respecter un ensemble de procédures.

M. Paul Giacobbi - Etant donné ce qu'ont été les travaux de la commission, faut-il un tel formalisme ?

M. le Président - Monsieur Giacobbi, j'ai accepté que vous dépassiez votre temps de parole, mais il faut également respecter certaines règles. La motion de renvoi a été rejetée, discutons des articles dans les formes.

M. Bruno Le Roux - Rappel au Règlement.

M. Rudy Salles - Les conseillers territoriaux s'appelleront-ils conseillers territoriaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud et le préfet de Bastia sera-t-il celui du territoire de la Haute-Corse ? La notion de département est claire, mais celle de territoire, alors qu'il existe actuellement l'assemblée territoriale de Corse, est plus confuse, et les habitants risquent de s'y perdre !

M. Émile Zuccarelli - On peut juger que ce débat n'est pas passionnant, mais ce que dit M. Giacobbi est exact. Les intégrismes sémantiques se sont succédés. La Corse étant une assemblée territoriale, il n'était pas question de parler de conseillers régionaux ! On parlait de conseillers territoriaux, mais on écrivait dans les textes « conseiller régional (pour la Corse) » ! C'était ridicule. Pour familiariser la population avec des institutions qui restent dans le cadre des anciens départements, mieux vaudrait parler de conseillers départementaux.

M. le Ministre - Je trouve pour ma part que le débat ne manque pas d'intérêt. Mais nous aurons tout le loisir de fixer la dénomination exacte dans le cadre du statut.

Je précise à M. Salles que, l'organisation administrative de l'Etat restant la même, on parlera du préfet de Haute-Corse et du préfet de Corse-du-Sud.

Pour les noms des élus, je n'ai pas de vanité d'auteur. Mais pour la collectivité unique, mieux vaut parler de conseiller de Corse. On parlera ensuite des conseillers territoriaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud. La notion de territoire exprime le mieux la proximité. Haute-Corse et Corse-du-Sud restent des réalités, mais parler de conseillers départementaux dans ce cadre laisserait penser que les conseils généraux existent encore. Nous proposons cette solution au moins pour la consultation des habitants. Mais pour la suite, nous sommes très ouverts.

M. Émile Zuccarelli - Je trouve aussi la question importante, et, une fois n'est pas coutume, j'apportais mon soutien à Paul Giaccobi. Mais j'insiste pour qu'elle soit réglée tout de suite, et non dans une deuxième phase. Il faut que les électeurs sachent ce que devient leur territoire.

M. Bruno Le Roux - Le débat montre que règne une certaine confusion. Vous avez appliqué avec rigidité les règles de présentation d'un sous-amendement. Nous demandons une suspension de séance pour en rédiger un dans les formes.

M. le Président - Elle est de droit. Mais reconnaissez que vous n'avez guère à vous plaindre de la Présidence.

La séance, suspendue à 1 heure 25, est reprise à 1 heure 40.

Les amendements 6 et 21 sont retirés.

M. Paul Giacobbi - L'amendement 7 est retiré.

M. Simon Renucci - L'amendement 14 aussi.

M. Rudy Salles - Et l'amendement 41 !

M. Camille de Rocca Serra - De même que l'amendement 42.

M. le Rapporteur - L'amendement 43 résulte des réflexions de la commission. Il a pour objectif de répondre au besoin accru de proximité. Dans l'annexe initiale, il était prévu que les conseillers territoriaux soient, dans chacun des deux ressorts géographiques de Haute-Corse et de Corse-du-Sud, les élus de l'assemblée de Corse. Notre amendement dispose que siègent en outre dans les conseils territoriaux d'autres conseillers, élus en même temps et selon les mêmes modalités que ceux de l'assemblée de Corse, dans un dispositif apparenté à celui de la loi dite « PLM ».

Le sous-amendement 52 permettra de dénommer de manière précise, dès ce texte de loi, les conseils territoriaux des deux circonscriptions administratives que resteront la Haute-Corse et la Corse-du-Sud. J'y suis favorable.

M. Bruno Le Roux - En effet, notre sous-amendement 52 tend à ajouter à l'amendement 43 : « Ils seront appelés conseillers territoriaux de Haute-Corse et conseillers territoriaux de Corse-du-Sud ».

M. le Ministre - Favorable à l'amendement et au sous-amendement.

Le sous-amendement 52, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 43 ainsi sous-amendé.

M. Paul Giacobbi - L'amendement 8 est rédactionnel. La formulation « toujours pour son compte » n'est pas suffisante.

M. le Rapporteur - Cette mention n'est pas seulement rédactionnelle, elle a l'utilité de bien marquer l'absence de personnalité juridique des conseils territoriaux, ce qui n'est pas négligeable. Défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Paul Giacobbi - Il y a une confusion. L'Assemblée nationale n'a pas de personnalité morale, sauf pour ses besoins propres. Pour autant, nous prendrions assez mal qu'on indique dans un texte constitutionnel qu'elle agit toujours pour le compte de l'Etat ou du Gouvernement !

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Paul Giacobbi - L'amendement 9 est retiré.

M. Rudy Salles - J'ai souligné dans la discussion générale la nécessité d'assurer, d'une part, une représentation des courants politiques, ce qui est réalisable dans le cadre de la circonscription unique régionale, et d'autre part, d'avoir le plus possible de proximité. Je suis d'accord avec vous, Monsieur le ministre, pour dire que la représentation politique demande la circonscription la plus grande possible, et que la représentation des territoires demande la plus petite possible. Vous avez dit aussi avec raison que prendre les ciseaux pour faire un redécoupage serait mal perçu et sentirait la magouille. La solution que je propose par l'amendement 47 est d'établir un système mixte. Il y aurait dans la future assemblée de Corse, d'une part, des conseillers élus au scrutin de liste pour la représentation des courants politiques et, d'autre part, les anciens conseillers généraux, quitte à augmenter quelque peu le nombre des élus de la future assemblée. Il faut garantir cette double représentation.

Devant succéder au perchoir à notre Président de séance, j'indique d'ores et déjà que le groupe UDF votera le texte. Nous sommes très attachés au principe de la double représentation - représentation politique et représentation des territoires. Nous souhaitons par conséquent que nos demandes à cet égard puissent être prises en compte.

M. le Rapporteur - Le texte du Gouvernement prévoit bien qu'il faut prendre en compte les conclusions du groupe de travail. Il dispose que « l'élection aura lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, avec attribution d'une prime majoritaire dans le cadre du secteur géographique. Le mode de scrutin permettra d'assurer à la fois la représentation des territoires et des populations. Il garantira le respect du principe de parité entre hommes et femmes, en imposant que chaque liste de candidats soit composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ».

Or, je rappelle que le Conseil constitutionnel a souligné l'obligation faite au législateur de mettre en _uvre un mode de scrutin respectant scrupuleusement la parité. Si nous lancions ici un appel trop explicite à un mode de scrutin majoritaire, nous nous exposerions donc à des difficultés. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable à cet amendement, bien qu'elle comprenne tout à fait l'intention de M. Salles.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 47, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Salles remplace M. Baroin au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

M. Bruno Le Roux - Rédigé dans l'esprit de l'annexe, l'amendement 40 donne une indication aux groupes de travail, en précisant que l'élection des membres de l'assemblée de Corse se fera selon le même mode de scrutin que celle des conseillers régionaux, tout en laissant ouverte la réflexion sur les seuils et sur la prime majoritaire.

M. le Rapporteur - Défavorable. N'anticipons pas sur les conclusions des groupes de travail qui ne tarderont plus.

M. le Ministre - Même avis. Tous ces amendements tournent autour de la même question : précise-t-on davantage avant le mode de scrutin, ou s'en tient-on à la démarche préconisée par le Gouvernement, qui tend à laisser prospérer le travail avec les élus corses ? Je réunis les groupes ce vendredi. Pourquoi fermer d'avance une discussion qui n'entame en rien les droits du Parlement ? Donnons sa chance à la concertation. Sur le fond, la proposition qui fonde l'amendement me choque d'autant moins qu'elle rejoint ma propre analyse, mais laissons les discussions se poursuivre sans a priori. Début juin, il sera temps de choisir le mode de scrutin le mieux adapté.

M. René Dosière - L'article 34 de la Constitution dispose tout de même que la loi fixe le régime électoral des assemblées locales...

M. le Ministre - Ce sera le cas le moment venu !

M. René Dosière - Il faudra donc bien que notre assemblée se prononce, et elle est dans son rôle en indiquant l'orientation qui lui semble devoir être privilégiée.

La logique du Gouvernement tend à nous dessaisir de nos prérogatives, puisqu'elle donne aux groupes de travail la faculté de faire valoir d'abord leur position. Au reste, nous ne fermons nullement la discussion puisque des questions essentielles - seuils et prime - sont laissées à l'appréciation des groupes de travail.

Sur le fond, je crois savoir que notre point de vue ne vous choque pas...

M. le Ministre - C'est exact !

M. René Dosière - Je le répète, il est plus conforme à la Constitution que l'Assemblée fixe les grandes orientations et que le Parlement se prononce sur le texte en sachant quel sera le mode de scrutin retenu.

M. le Rapporteur - En toute hypothèse, l'article 34 de la Constitution sera respecté. N'anticipons pas sur les conclusions du groupe de travail. Cela serait préjudiciable à l'ensemble de la démarche.

L'amendement 40, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Paul Giacobbi - Mon amendement 10 tend à faire en sorte que chaque secteur électoral corresponde aux limites des départements. A l'évidence - et M. le ministre en a convenu -, il serait risqué de créer des micro-régions électorales dont les limites géographiques seraient inférieures au département. L'arrondissement ne conviendrait pas, puisqu'il ne procède pas d'une logique démographique : son choix ne serait donc pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Au surplus, il ne jouit d'aucune légitimité électorale.

Il faut apporter cette précision dès à présent, au risque de brider un peu les discussions en groupes de travail.

M. le Ministre - Le processus repose sur la confiance. La stratégie du Gouvernement, c'est de laisser se poursuivre pendant quelques jours des travaux auxquels nombre d'entre vous participent. Quel est l'intérêt de figer une démarche qui a vocation à rester dynamique ? Nous serons fixés dans quelques jours.

Lors de la visite en Corse du Premier ministre, M. le député-maire d'Ajaccio a indiqué sa préférence pour le choix de sections départementales, tendant à s'inscrire - de ce point de vue au moins - dans un mode de scrutin de type continental...

M. Simon Renucci - Ce n'est pas exactement ma position !

M. le Ministre - Quoi qu'il en soit, est-il vraiment décisif de gagner deux ou trois jours ? Je n'en suis guère convaincu et cela ne signifie nullement, Monsieur Giacobbi, que quelque chose de différent se profile ! Je tiens à vous rassurer sur ce point !

M. Simon Renucci - L'amendement 15 est identique au précédent.

M. Bruno Le Roux - Convenez, Monsieur le ministre, que votre calendrier présente une double incohérence : d'abord parce que - contre toute logique - nous légiférons avant que les groupes de travail aient rendu leurs conclusions ; ensuite parce que le déroulement de nos travaux nous conduit à adopter une annexe qui va être modifiée dans les tout prochains jours !

Heureusement que les Corses sont bien informés et qu'il y a un débat public ! L'amendement 22 apporte donc une précision souhaitable.

M. le Ministre - Sans polémiquer, le débat est simple. On demande à l'Assemblée son accord pour organiser une consultation, établir une collectivité unique, supprimer les départements, créer des conseils territoriaux de Haute-Corse et en Corse-du-Sud. Ce n'est pas compliqué, et rien ne sera modifié. Les seules décisions tiendront au mode de scrutin et encore ! L'annexe le définit comme proportionnel, avec une prime majoritaire : il restera à préciser le nombre de secteurs, le montant de la prime majoritaire, et le seuil pour obtenir un ticket d'entrée. Ce n'est pas cela qui modifiera l'annexe ! Où est l'incohérence ? Quant au Parlement, si les Corses disent oui, il votera un statut détaillé à l'automne.

M. le Rapporteur - La commission a rendu un avis défavorable sur les amendements 10, 15 et 22 et je suggère à nos collègues de les retirer. Les groupes de travail ne pourront apporter que des précisions à l'annexe, sans en modifier le fond.

M. le Ministre - Contre les amendements.

M. Paul Giacobbi - On ne peut nier le problème de chronologie. Loin d'éclairer le débat, les résultats des groupes de travail le rendent plus compliqué. N'y revenons pas. Il demeure qu'une fois accomplie leur mission, que se passera-t-il si leurs travaux ne nous conviennent pas ? Nous devrons voter contre ! Il aurait mieux valu disposer de plus de temps et que l'Assemblée soit complètement éclairée. Vous dites que ce qui manque n'est qu'accessoire mais Dieu réside souvent dans les détails ! Et de tels détails risquent de faire basculer un vote.

M. le Ministre - En quoi sommes-nous en désaccord ? Promesse a été faite que les groupes de travail pourraient poursuivre leur mission, et que j'écouterais leurs conclusions. Pourquoi donc bloquer la discussion avant la réunion ? Que je vous donne tort ou raison, maintenant ou dans deux jours, vos convictions politiques en seront-elles changées ? Je le répète, il n'y aura pas de décision secrète, ni de complot politique.

M. Bruno Le Roux - Nous ne voyons pas là de man_uvre, mais convenez que, dans votre calendrier, l'Assemblée n'intervient pas au bon moment ! Chaque fois que nos présentons un amendement, vous nous renvoyez aux groupes de travail !

Les amendements 10 et 15, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 22, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 44 est rédactionnel.

L'amendement 44, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Bruno Le Roux - L'amendement 23 est rédactionnel.

L'amendement 23, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Paul Giacobbi - L'amendement 12 précise que les conseils territoriaux auront la charge non de l'ensemble du réseau routier, mais des routes secondaires.

M. le Rapporteur - Cette précision est pertinente.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Paul Giacobbi - Lors de leur venue en Corse, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ont été très clairs : la substitution d'une collectivité unique à la collectivité territoriale de Corse et aux deux conseils généraux sera sans influence sur les circonscriptions administratives de l'Etat. L'amendement 13 propose de le dire expressément. Le manque de précisions à ce sujet a déjà donné des arguments à certains. Vos propos sont certes limpides, mais c'est l'annexe qui sera diffusée. En rendant sa rédaction moins floue, vous rassurerez nos concitoyens sur les engagements que vous venez de prendre oralement.

M. le Rapporteur - Le texte de l'annexe sur les préfets a en effet soulevé des débats assez vifs. C'est pourquoi la commission précise par l'amendement 45 que le préfet, représentant de l'Etat dans la collectivité unique, sera maintenu à Ajaccio et qu'un préfet exerçant l'ensemble de ses attributions dans la circonscription administrative de Haute-Corse sera maintenu à Bastia et apportera son concours au préfet de Corse dans l'exercice de ses fonctions territoriales. Ainsi que le ministre l'a très clairement affirmé, la réforme institutionnelle ne modifie nullement la présence de l'Etat, et la population corse continuera à bénéficier de l'ensemble des services de la collectivité nationale.

M. Emile Zuccarelli - J'ai déposé un sous-amendement 51 à l'amendement 45, mais je m'étonne qu'on n'ait pas suivi la procédure habituelle, selon laquelle l'on part de l'amendement le plus éloigné du texte pour en arriver au plus proche. Mon amendement 39 était le plus éloigné du texte. Je l'ai déposé pour défendre les intérêts de la Corse, et plus particulièrement de la Haute-Corse, mais par réalisme parlementaire, je vais le retirer au profit de ce sous-amendement.

L'équilibre territorial doit être pris en compte. Le rapporteur a parlé avec beaucoup de légèreté de la bidépartementalisation, mais elle a été un ballon d'oxygène pour toute la moitié nord de la Corse ! La présence des services publics est primordiale pour les électeurs, qui sont également très attentifs à ce qui va advenir des services anciennement de l'Etat et qui sont transférés aux collectivités territoriales. Je conviens qu'on ne peut traiter de ce sujet dans un seul amendement, mais le travail du législateur aura, sur ce point, une grande importance pour nos concitoyens.

Le sous-amendement vise donc à préciser que le préfet maintenu à Bastia est le préfet de la Haute-Corse et qu'il disposera des services de l'Etat dans le département, et notamment des structures départementales dans leur forme actuelle. Parler de services départementaux n'est pas blasphématoire ! Faudrait-il donner aux populations ébahies le sentiment qu'on a banni du paysage cette notion honnie de département ? Ce périmètre a encore aujourd'hui toute son importance. Si les services de l'Etat dans l'ancienne Haute-Corse ne sont plus désignés comme départementaux mais deviennent de quelconques services subdivisionnaires, ils ne seront plus assimilés, par exemple, dans le cursus d'un fonctionnaire d'Etat, à une direction départementale.

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. Emile Zuccarelli - Je ne veux pas abuser de la parole, mais le sujet est très important.

M. le Président - Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Emile Zuccarelli - J'ai retiré l'amendement 39 ! Ces questions sont loin d'être anodines. Ne les traitez pas du revers de la main. Le peuple que vous comptez consulter y est très attentif.

M. le Président - Si votre amendement 39 n'a pas été appelé d'abord, c'est que les amendements 13 et 45 rédigent le dernier alinéa du 5, alors que l'amendement 39 n'en modifiait qu'une phrase.

M. le Rapporteur - La commission ne peut pas être favorable à l'amendement 13, dont la rédaction est moins précise que la sienne. Quant au sous-amendement 51, elle ne l'a pas examiné. A titre personnel, j'émets un avis défavorable. Il a été clairement affirmé que l'Etat serait maintenu dans toutes ses dimensions, y compris en Haute-Corse.

M. le Ministre - Autant je comprends l'exposé des motifs de l'amendement 13, autant je suis surpris de sa rédaction, qui fait du préfet de Haute-Corse un délégué du préfet de Corse ! Nous voulons, au contraire, qu'il s'agisse d'un préfet de plein exercice. Je ne donne donc pas un avis défavorable par polémique, mais parce que je suis sûr que cet amendement est contraire à la volonté de ses auteurs.

Je suis favorable à l'amendement 45, mais j'accepterais de le sous-amender en m'inspirant de la rédaction de M. Zuccarelli : il s'agirait de préciser que le préfet, dans la circonscription de Haute-Corse, dirige les services de l'Etat en Haute-Corse. On ne peut être plus clair. Prenons garde, Monsieur Zuccarelli, à ne pas trop préciser les attributions de ce préfet de plein exercice, sans quoi on finira par les limiter ! Tout ce qui ne serait pas mentionné serait considéré comme n'entrant pas dans ses fonctions... Mieux vaudrait se limiter à parler de « préfet de plein exercice », mais j'accepte la précision que je viens d'indiquer.

M. Paul Giacobbi - J'admets que la rédaction de l'amendement 13 n'était pas sans reproche, mais le texte issu du Sénat parlait d'un préfet, représentant de l'Etat dans la collectivité unique, qui serait installé à Ajaccio. On réduit donc le préfet à son rôle dans la collectivité unique, et non dans le territoire. Ce préfet bénéficiait, pour la circonscription administrative de Haute-Corse - dont on ne nous rappelle même plus qu'elle est aussi celle de l'Etat, ce qui laisse à penser qu'elle est une subdivision de la collectivité unique - du concours d'un préfet installé à Bastia. Je sais bien qu'un Corse célèbre, qui d'ailleurs a créé les préfets, avait dit : « Je veux que les Français datent leur bonheur de l'institution des préfets »... Mais pour les citoyens, ce qui compte, c'est la présence des services publics. Il conviendrait de lever toute ambiguïté à ce propos, car cela pourrait influer sur le résultat de la consultation.

M. Emile Zuccarelli - Je pourrais jouer la politique du pire en laissant adopter le texte le plus repoussant, le plus inquiétant qui soit... Mais je préfère quand même limiter la casse. C'est pourquoi j'insiste pour que l'on fasse référence aux directions départementales.

M. le Ministre - Je comprends mieux pourquoi tout le monde est désespéré en Corse...

M. Bruno Le Roux - Afin de parvenir à une rédaction acceptable par tous, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 2 heures 35, est reprise à 2 heures 40.

M. le Rapporteur - Je propose à l'Assemblée une rédaction de compromis de l'amendement 45 rectifié : « Un préfet, représentant de l'Etat dans la collectivité unique, sera maintenu à Ajaccio ; un préfet de Haute-Corse exerçant l'ensemble de ses attributions dans la circonscription administrative de Haute-Corse, sera maintenu à Bastia et dirigera en Haute-Corse les services de l'Etat organisés de la même façon que dans les autres départements. Il apportera par ailleurs son concours au préfet de Corse dans l'exercice de ses fonctions territoriales. ».

M. Paul Giacobbi - Je retire par conséquent l'amendement 13.

M. Emile Zuccarelli - Je retire également le sous-amendement 51 au profit de cette rédaction de repli.

L'amendement 45 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier et l'annexe modifié, mis aux voix, sont adoptés.

ART. 2

M. Bruno Le Roux - L'amendement 24 vise à préciser la question posée aux Corses en rappelant que l'essentiel est la substitution d'une collectivité territoriale unique déconcentrée à l'actuelle collectivité à statut particulier et aux deux conseils généraux.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La question posée est suffisamment précise. Elle renvoie en outre à l'annexe détaillée que nous venons d'adopter. Les électeurs se prononceront donc en connaissance de cause.

L'amendement 24, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Paul Giacobbi - L'amendement 1 est défendu.

L'amendement 1, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Paul Giacobbi - L'amendement 2 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission est prête à l'accepter, dans cette rédaction rectifiée : « et, à ce titre, de communiquer au parquet toute fraude ou tentative de fraude qu'elle aurait pu constater ».

M. Paul Giacobbi - D'accord.

L'amendement 2 ainsi rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Émile Zuccarelli - Lors du débat sur la loi constitutionnelle, il a été indiqué que lorsqu'une communauté se substitue à d'autres, on peut consulter les électeurs des dites communautés. J'ai voulu faire préciser par amendement qu'on consulterait alors les électeurs de chacune de ces communautés. Le moment n'était pas propice, on me renvoya à la loi organique. Mais voici que le Gouvernement précipite la Corse dans la voie exaltante de la réforme avant même l'examen de cette loi.

Je pose donc de nouveau la question : si demain l'on organise une consultation sur la fusion de la Savoie et de la Haute-Savoie, ou d'une commune de 10 000 habitants et d'une autre de 100 000 habitants, tiendra-t-on compte de la majorité sur le total des voix ou dans chaque entité ? Il est important que le décompte des résultats se fasse pour chaque collectivité. C'est l'objet de mon amendement 27.

M. le Rapporteur - Il y aura bien deux commissions de recensement, mais une seule commission de contrôle. Il est normal qu'elle présente les résultats pour la circonscription unique. Vous pouvez faire confiance à la presse pour détailler les résultats par canton, arrondissement et département. Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Émile Zuccarelli - Je constate que le législateur s'en remet à la presse pour traiter de questions de cet ordre ! (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP)

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. Bruno Le Roux - Dès lors que le texte ne sera pas adopté conforme ce soir, il n'y a aucune raison de ne pas tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel sur l'application stricte de la parité en Corse, en adoptant notre amendement 25.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis négatif. Le principe de parité figure dans l'annexe. L'amendement préjuge d'un vote négatif sur le texte, puisqu'il veut permettre qu'en cas de rejet, le principe de parité alternée soit appliqué au mode de scrutin en vigueur actuellement.

M. le Ministre - Même avis.

M. Bruno Le Roux - Sur cette question importante, il faut donner un signe fort. Vous affichez une intention, mais quand l'occasion se présente, vous ne faites rien.

M. le Ministre - Vous avez le génie de compliquer ce qui est simple, puisque vous proposez qu'en cas de rejet du texte, une partie s'applique quand même.

M. Bruno Le Roux - L'amendement ne modifie ni l'annexe, ni le bulletin de vote, ni la question posée. C'est seulement l'occasion de modifier le code électoral.

M. le Ministre - C'est un cavalier.

M. Bruno Le Roux - Non. C'est une façon, si le texte est refusé, de faire passer dans les faits la décision du Conseil constitutionnel.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 46 corrigé est rédactionnel.

L'amendement 46 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Émile Zuccarelli - Mon amendement 28 institue une heure unique de fermeture des bureaux de vote dans toutes les communes.

M. le Rapporteur - Défavorable. Laissons le préfet faire preuve de souplesse.

L'amendement 28, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 amendé, mis aux voix, est adopté.

Les articles 5 et 6, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 7

M. Émile Zuccarelli - L'amendement 29 ouvre aux maires le droit de se rattacher à un parti ou groupement politique à même de participer à la campagne électorale et porte en conséquence à 10 le nombre minimal d'élus nécessaires pour cela.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Trois parlementaires, conseillers généraux ou membres de l'assemblée ou conseillers de Corse pourront parrainer une formation, ce qui permettra déjà d'en parrainer 38. Aller plus loin serait excessif.

L'amendement 29, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Émile Zuccarelli - L'amendement 30 est défendu.

L'amendement 30, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Émile Zuccarelli - L'amendement 38 est défendu.

L'amendement 38, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

Les articles 8, 9 et 10, successivement mis aux voix, sont adoptés de même que les articles 11 et 12.

ART. 13

M. Emile Zuccarelli - L'amendement 33 est défendu.

L'amendement 33, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les articles 13 et 14, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 15

M. Emile Zuccarelli - Je persiste à penser que, pour la clarté des résultats de cette consultation, il faut les totaliser séparément dans les deux départements actuels. Tel est l'objet de l'amendement 36.

L'amendement 36, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Emile Zuccarelli - L'amendement 37 est défendu.

L'amendement 37, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. Emile Zuccarelli - Avec obstination, quoique sans illusion sur son sort, je soutiens l'amendement 34 qui tend à ce que les résultats soient proclamés de manière distincte dans chacun des deux départements.

L'amendement 34, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les articles 16 et 17, successivement mis aux voix, sont adoptés.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Bruno Le Roux - La bonne atmosphère qui a marqué cette discussion n'enlève rien à la profonde irritation du groupe socialiste devant la manière dont on nous fait débattre de la future consultation. Des précisions importantes, certes promises pour les jours qui viennent, n'ont pas été données, ce qui retarde le moment où nous aurons toutes les données nécessaires pour nous engager dans la campagne. Notre débat ne nous a donc pas suffisamment éclairé sur les possibilités existantes. Nous persistons à penser que, pour assurer un vrai débat en Corse, il faut retarder la consultation jusqu'à la fin de l'été ou au début de l'automne.

Dans son principe, nous jugeons la consultation nécessaire ; mais celle-ci est mal préparée et opérée avec précipitation. Pour ces raisons, nous nous abstiendrons.

M. Camille de Rocca Serra - Les débats nous ont éclairés sur de nombreux points. Les amendements adoptés témoignent, Monsieur le ministre, de votre souci d'associer l'Assemblée à votre démarche. Avec ce texte, une question simple est posée, sans ambiguïté et sans préalable. Nous avons apporté une réponse essentielle en permettant dans les meilleurs délais une consultation qui concerne tous les électeurs de Corse. Il appartient maintenant aux élus de l'île de faire comprendre qu'un autre chemin s'ouvre pour la Corse, un chemin de paix et de progrès. Le groupe UMP apporte un soutien sans faille au projet du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Vaxès - A la fin de la discussion générale, Monsieur le ministre, vous vous réjouissiez d'un certain consensus sur votre texte, que vous présentiez comme fédérateur de la droite et de la gauche. Bien que faisant partie de l'opposition de gauche, nous renouvelons notre opposition à ce projet. Vous avez d'ailleurs distribué nombre de gratifications en direction de nombreux bancs, mais non des nôtres - ce qui nous rassure d'ailleurs plutôt. Au moins, de ce point de vue, les choses sont claires : nous n'avons pas la même analyse des conséquences qu'auront les dispositions du texte.

Vous n'avez pas jugé nécessaire de répondre aux arguments qui nous conduisent à rejeter ce projet. Vous m'avez demandé de ne pas m'en formaliser. Je vous rassure : non seulement je ne m'en formalise pas, mais je comprends que vous refusiez d'engager le débat sur l'essentiel. Et, par conséquent, ce débat sur l'essentiel n'a pas eu lieu. Sur la concision de votre réponse à mes propos, j'ai une tout autre interprétation que vous. Pour vous, les questions que nous posons ne sont pas les bonnes ; mais elles le sont pour une partie significative de nos concitoyens corses, et c'est ce qui nous importe. Le débat sur le terrain avec eux en témoigne, j'en suis convaincu.

Vous proposez une nouvelle évolution institutionnelle de la Corse, ce n'est pas ce que les Corses attendent. Ce choix vous conduira à de nouvelles déconvenues. Vous dites vouloir débattre avec la population de l'île, mais vous emprisonnez son expression dans le piège d'un choix qui n'en est pas un ; le dialogue qu'elle réclame depuis longtemps est celui qui l'associerait à la recherche de réponses à ses difficultés quotidiennes.

Vous dites espérer que vos propositions contribueront à l'apaisement : nous pensons plutôt, et nous le déplorons, qu'elles seront l'occasion de nouvelles surenchères de la part de ceux qui les soutiennent aujourd'hui en sachant déjà qu'elles seront insuffisantes demain.

Vous dites vouloir contribuer, par ce texte, à créer les conditions de l'élaboration efficace d'un projet cohérent pour la Corse. Nous sommes convaincus que vous visez en réalité un remodelage profond des institutions de notre pays, dans la perpsective d'une Europe qui se construit contre l'intérêt des Français, sur le continent et plus encore en Corse. Le débat sur les amendements le confirme : ce que vous demandez est un blanc-seing. Ces observations justifient amplement notre vote contre ce projet.

M. Emile Zuccarelli - Très bien !

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 3 heures 10.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 28 MAI 2003

A QUINZE HEURES : SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

M. Jean PRORIOL, rapporteur

(Rapport n° 879)

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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