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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 95ème jour de séance, 228ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 5 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      DROIT D'ASILE (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 15

      ARTICLE PREMIER 22

      ART. 2 33

La séance est ouverte à quinze heures.

DROIT D'ASILE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.

M. Christophe Caresche - Mon premier mot sera pour regretter l'absence du ministre, et les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte, car malgré un problème de calendrier manifeste, vous persistez à vouloir examiner beaucoup de textes importants dans les semaines qui viennent.

M. le Président - Permettez-moi de vous interrompre. Vous reprochez au ministre son absence, mais alors que cet hémicycle est presque vide, il nous faut faire preuve de modestie !

M. Christophe Caresche - Loin de moi l'intention de critiquer la personne du ministre, que par ailleurs je respecte, mais dans une démocratie parlementaire digne de ce nom, un texte aussi important impose la présence du ministre.

Chacun s'accorde pour constater la crise du droit d'asile, liée à une augmentation des demandes, forte en effet ces dernières années, mais qui, pour autant, n'atteint pas les sommes des années 1989-1990 : ces chiffres doivent être interprétés avec prudence. Le phénomène est lié aux troubles mondiaux, qui grossissent irrégulièrement le nombre des demandes d'asile, et il est inexact d'en attribuer la cause à la fraude, même si celle-ci existe.

Cette augmentation du nombre des demandes nous impose tout d'abord d'augmenter les moyens afin de restaurer le droit d'asile en France, et, à ce titre, je remercie M. Leonetti d'avoir reconnu qu'ils avaient commencé à progresser en 2001 et 2002.

Les délais d'instruction constituent un deuxième problème. Un demandeur doit attendre plus d'une année avant d'obtenir une réponse, ce qui le place dans une situation de précarité inacceptable.

Le droit d'asile doit donc être réformé : M. Jospin s'y était engagé, tout comme M. Chirac lors de la campagne présidentielle. Nous nous réjouissons donc qu'un texte vienne en discussion.

Votre texte comporte d'ailleurs un certain nombre de dispositions que nous approuvons, même si elles méritent d'être amendées. Tout d'abord, l'instauration d'un guichet unique qui rend l'OFPRA compétent pour examiner l'ensemble des demandes, que ce soit pour l'asile conventionnel ou pour l'ancien asile territorial. Ensuite la transformation de l'asile territorial en protection subsidiaire, qui substitue à une décision arbitraire du ministre une décision de l'OFPRA. Si des problèmes de champ d'application nous ont amenés à proposer un certain nombre d'amendements, cette décision va dans le bon sens. Enfin, l'abandon du critère de l'origine étatique des persécutions est un progrès incontestable.

Ainsi, à condition que ce projet de loi s'accompagne de moyens, nous aurions peut-être pu déboucher sur un accord. Malheureusement, vous avez voulu, Monsieur le ministre, être plus ambitieux.

M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des lois - Ce n'est pas un défaut !

M. Patrick Braouezec - Parfois si !

M. Christophe Caresche - Vous avez en effet introduit deux notions que nous jugeons inacceptables : l'asile interne et le pays d'origine sûr - le précédent gouvernement s'était d'ailleurs opposé à ce dernier concept dans une réponse relative aux propositions de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. En introduisant cette notion, vous remettez en question l'asile tel que le définit notre Constitution.

Au-delà, je m'interroge sur votre méthode et vos intentions. Ces deux notions sont en effet en cours de discussion au niveau européen, ainsi que d'autres points comme le droit au travail pour les demandeurs d'asile. Pourquoi alors anticiper des directives qui ne sont pas encore adoptées ?

M. Christian Vanneste - Tous nos partenaires l'ont fait !

M. Christophe Caresche - Ce n'est pas un argument ! Le même problème se posera du reste pour le texte à venir sur les flux migratoires. En agissant ainsi, la France ne se prive-t-elle pas d'une arme dans la négociation avec les autres pays européens ? M. le ministre évoquait ce matin, avec sincérité j'en suis convaincu, la grandeur de la France, mais ce n'est pas servir son image que de l'empêcher de défendre jusqu'au bout ses positions ! Avec ce texte, le Gouvernement abdique sans combattre.

Pour conclure, l'on peut se demander si le texte ne mélange pas deux problématiques, celle du droit d'asile et celle des flux migratoires... d'autant que le Gouvernement présente ce projet et celui qui sera présenté prochainement comme un ensemble cohérent. Voilà pourquoi nous avons le sentiment d'une dérive, d'un texte sous-tendu par une conception purement défensive du droit d'asile, droit que l'on affaiblit sous prétexte de mieux réguler les flux migratoires. Voilà pourquoi, aussi, nous ne pouvons pas vous suivre.

Dans son intéressant rapport d'information sur la politique européenne d'asile, notre collègue Thierry Mariani notait que les Etats européens sont tentés d'appliquer, à titre individuel, des politiques d'asile de plus en plus restrictives, au motif de mieux réguler les flux migratoires. Il nous faut constater que la France s'apprête à faire elle-même ce que M. Mariani dénonçait à juste titre.

M. Francis Vercamer - Notre objectif est de garantir le droit, fondamental, d'asile tout en améliorant l'efficacité de la procédure. Nul ne l'ignore, le nombre de demandes d'asile n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années. Le groupe UDF est attaché à ce que l'on différencie la politique d'immigration, qui tend à réguler les flux migratoires, et la politique de l'asile, qui tend à la protection des personnes, puisque c'est l'imminence d'un danger qui pousse les demandeurs d'asile à fuir leur pays et que rien, a priori, ne permet de mettre leur sincérité en doute. Contrôle d'un côté, ouverture de l'autre : à ce jour, aucun gouvernement, qu'il fût de gauche ou de droite, n'est parvenu à une solution satisfaisante.

Le mérite du texte qui nous est soumis aujourd'hui est d'envisager la question dans le cadre européen. Elu de Roubaix, je suis bien placé pour savoir qu'une commune ne peut, à elle seule, assumer la charge d'un fort afflux de demandeurs d'asile. Il convient donc soit de mieux répartir cette charge, soit d'accompagner efficacement les villes définies comme aires d'accueil de réfugiés. L'exemple de Sangatte a montré qu'il ne saurait plus être question de laisser une commune se débattre seule dans des difficultés qui la dépassent.

Le projet tend à réduire les délais de traitement des demandes d'asile, ce qui est bien, même si le traitement de la demande doit toujours se faire en deux temps avec l'intervention du préfet, puis de l'OFPRA. On peut du reste se demander si cet objectif sera atteint sans que des moyens humains et matériels supplémentaires soient mis à la disposition de l'OFPRA et des préfectures. Mais les fermes engagements du ministre sont encourageants.

Plus largement, la réforme souhaitée ne produira ses effets que si elle est appliquée avec la même rigueur par tous les Etats membres de l'Union. A ce sujet aussi, nous comptons sur la vigilance du Gouvernement. Il reste que la notion de « pays d'origine sûr » est suffisamment floue pour permettre des interprétations diverses, d'autant que le fait d'inclure un pays dans une telle liste peut avoir des conséquences politiques et économiques dommageables pour l'Etat qui le fait. Le risque est donc réel d'aboutir à une liste consensuelle ne tenant pas compte des dangers réels qui menacent une population donnée. Il importe que l'avis du HCR soit pris en considération en cette matière.

Enfin, il faudra convaincre les ressortissants des pays à forte émigration que c'est dans leur propre pays qu'ils pourront le mieux exercer leurs compétences. Cela signifie évidemment qu'une politique européenne d'asile harmonisée doit s'articuler avec une politique européenne de codéveloppement audacieuse, dans laquelle la France doit tenir toute sa place (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec - En France, le droit d'asile est moribond et, depuis le milieu des années 1980, l'accès à ce droit fondamental est remis en cause. Actuellement, les délais de réponse à une demande d'asile excèdent un an, la proportion de déboutés excède 90 % et les demandeurs vivent dans des conditions toujours plus précaires.

Le projet que nous examinons s'inscrit dans cette dérive répressive. Son exposé des motifs traduit une approche quantitative, son contenu une vision policière et l'emprise du ministère de l'intérieur. Le Gouvernement confond le droit fondamental d'asile avec la politique de maîtrise des flux migratoires.

Le principal objectif est de raccourcir le délai de traitement des demandes. Tout laisse craindre que cela se traduise par une proportion accrue de déboutés, renvoyés à la précarité absolue de la clandestinité.

Elu d'une circonscription populaire, je connais les effets de cette politique restrictive irréaliste, inefficace et aggravée depuis vingt ans, tant pour les intéressés que pour les quartiers qui les accueillent. A Saint-Denis, Pierrefitte, et Villetaneuse, des centaines d'hommes et de femmes déboutés du droit d'asile, et leurs enfants, nés ou scolarisés en France, vivent ainsi privés de tous droits en matière de logement, de protection sociale ou de travail. Les quartiers populaires sont, de fait, les seuls à maintenir la tradition du droit d'asile et à devoir assumer un minimum de solidarité internationale. Le comble, c'est qu'ils sont stigmatisés à cause des difficultés sociales qui résultent pour partie du rejet dans la clandestinité de l'écrasante majorité des réfugiés.

Depuis plus de vingt ans, une série de décisions politiques et juridiques ont réduit le droit d'asile à une peau de chagrin : le rétablissement de visas d'entrée pour les demandeurs originaires de la plupart des pays du tiers-monde ; la suppression de l'autorisation de travail accordée aux demandeurs d'asile ; une interprétation restrictive de la convention de Genève ; une plus grande sévérité dans l'examen des demandes par l'OFPRA, avec l'augmentation consécutive du taux de rejet ; l'interdiction d'entrée sur le territoire pour des requêtes « manifestement infondées », sans intervention de l'OFPRA ; les sanctions infligées aux transporteurs aériens et maritimes qui introduiraient des personnes ensuite déboutées ; les accords de Schengen et de Dublin permettant le renvoi des demandeurs vers le pays de premier accueil ; la multiplication des démarches imposées... tout cela a transformé la procédure en parcours du combattant.

Cette politique constitue une formidable fabrique à sans-papiers. Et c'est ce que l'on nous propose aujourd'hui d'aggraver un peu plus !

Oui, le droit d'asile est moribond en France. Pourtant, notre pays n'accueille pas « toute la misère du monde ». Il ne l'a jamais fait. Dans les périodes où son économie le demandait, il a importé de la main-d'_uvre. Aujourd'hui, dans le cadre de la politique libérale du Gouvernement et à force de dérégulation du marché du travail et de précarisation généralisée, il vaut mieux que cette main-d'_uvre soit privée de papiers : cela coûte moins cher !

La France n'accueille pas même la proportion de réfugiés qui lui reviendrait. Notre pays représente 5 % du PNB mondial et 1 % de la population d'une planète qui compte 22 millions de personnes réfugiées ou déplacées. Or plus des trois quarts des réfugiés sont accueillis dans des pays du Sud. Le Pakistan et l'Iran accueillent, chacun, près de deux millions de réfugiés, soit vingt fois plus que la France !

Le nombre de réfugiés reconnus comme tels n'a cessé de baisser dans notre pays depuis 1946 : il était de 350 000 en 1950, mais de quelque 110 000 en 1999. En 2002, 51 000 demandes ont été enregistrées. La France n'est donc pas submergée de demandes et malgré cela, elle se refuse même à assurer la part de solidarité internationale qui lui revient. En 2002, 8 500 personnes seulement ont obtenu un titre de séjour en qualité de réfugié, et encore ces chiffres incluent-ils les enfants de réfugiés parvenant à leur majorité, et les recours. Le taux d'accord de 17 % annoncé par le Gouvernement est donc gonflé.

Et que dire de la procédure de l'asile territorial mise au point, en 1998, par M. Chevènement ? Cette protection précaire, accordée pour un an et décidée arbitrairement par le ministère de l'intérieur, n'existe pour ainsi dire pas. En 2001, 31 000 demandes ont été faites, qui émanaient dans leur immense majorité de ressortissants algériens. Seules 353 ont eu une réponse favorable, soit à peine plus d'un pour cent, à l'issue d'une attente de deux ans passés à vivre sans aucuns droits sociaux et sans droit au travail, dans la précarité la plus absolue.

Sur ce point, on se félicitera que le projet supprime l'asile territorial, véritable leurre, et unifie le traitement de l'ensemble des demandes par l'OFPRA. Malheureusement, le projet introduit aussi une nouvelle précarisation en créant la notion « d'asile subsidiaire », que l'OFPRA peut retirer à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande du préfet.

Environ 90 000 demandes d'asile ont été faites à la France en 2002. Pour quel résultat ? Moins de 9 000 cartes de séjour, dans une société de 60 millions de personnes ! Où est l'invasion ? Et où sont la générosité, mais aussi l'abus du droit d'asile dont on nous parle régulièrement ?

En réalité, notre pays accueille beaucoup plus de réfugiés qu'il n'en reconnaît. Que deviennent la grande majorité des déboutés ? Personne n'est dupe, ils demeurent en France et ne regagnent pas leurs pays où règnent la guerre civile, la répression ou la violence qu'ils ont fuies au prix de lourds sacrifices.

Et chacun sait qu'aucun système policier ou judiciaire ne permet de les éloigner dans une proportion significative. Le taux d'exécution des mesures de reconduite à la frontière est de l'ordre de 20 %. Depuis plus de vingt ans, les ministres de l'intérieur rivalisent dans la surenchère répressive : les atteintes aux droits de l'homme et de la défense se multiplient, la durée de rétention administrative s'allonge, de graves violences en zones d'attente sont régulièrement dénoncées par des associations ou même par des parlementaires, des peines de prison condamnent le simple fait d'être étranger ; récemment, deux personnes ont trouvé la mort lors de leur rapatriement de force.

Dans deux semaines, nous devrions débattre du projet de loi du ministre de l'intérieur, 27e modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers. Ce projet comporte de nouvelles atteintes graves aux droits de l'homme et à l'insertion des étrangers en France. En héritier zélé de M. Pasqua, M. Sarkozy, présente cet énième texte comme un moyen supplémentaire pour lutter contre l'immigration clandestine. Vingt ans d'expérience nous instruisent que son seul résultat sera de fabriquer un peu plus de sans-papiers ! Il faut rappeler que l'arsenal répressif de M. Pasqua s'est traduit par 2 500 expulsions de plus par rapport à son prédécesseur immédiat. Considérant que notre pays compte 60 millions d'habitants, de qui se moque-t-on ? Le pire, c'est que cette politique où l'étranger est suspect par définition, alimente la xénophobie et tous ceux qui l'exploitent.

Pourquoi ne pas reconnaître l'ensemble des réfugiés présents sur notre sol ? Pourquoi choisir de fabriquer des sans-droits dont l'écrasante majorité est inéloignable, en droit comme en fait ? Chacun sait qu'il est matériellement impossible de reconduire des Tchétchènes, des Afghans ou des Mauritaniens.

Le réalisme devrait conduire à considérer que la gravité des persécutions subies à travers le monde nous impose d'assumer notre part de réfugiés, dans des conditions dignes pour les intéressés comme pour la société d'accueil.

Le taux d'acceptation des demandes est aujourd'hui de l'ordre de 10 %. Dans les années 1970, il se situait à environ 90 %. La prétendue qualité des demandes n'a pas fondamentalement varié depuis cinquante ans. C'est bien une politique délibérée qui a rendu leur examen de plus en plus draconien, avec des exigences de preuves de plus en plus importantes et la non-reconnaissance des groupes sociaux - notamment pour les femmes victimes de persécutions sexistes -, ou encore avec la jurisprudence sur les agents de persécutions. L'obsession de la fraude pourrait se résumer par l'adage « mieux vaut rejeter un vrai réfugié que de donner le statut à un faux réfugié ». Le doute joue toujours contre les demandeurs.

M. le Rapporteur - Ce n'est pas vrai. C'est faire offense à l'OFPRA que de tenir de tels propos !

M. Patrick Braouezec - Ce basculement complet du taux de reconnaissance ne s'explique pas par l'amélioration de la situation internationale ou par le recul des persécutions, des dictatures et des conflits armés de par le monde. Il tient à la politique de fermeture des frontières. Le bilan est clair. Les restrictions aux possibilités légales de déplacement favorisent les entrées illégales, cependant que la lutte contre l'immigration clandestine favorise le développement de réseaux organisés pour la contourner.

La persévérance dans l'erreur des gouvernements successifs doit beaucoup au fait que ce formidable gâchis ne gêne en réalité pas grand monde. Il stigmatise et humilie des personnes qui ne votent pas. Il a même des avantages, en fournissant une main-d'_uvre à très bon marché aux secteurs les plus dérégulés de l'économie, et en permettant d'opposer entre eux les plus modestes. En définitive, les intéressés et les habitants des quartiers populaires paient seuls le coût humain de cette hypocrisie. Les bénéficiaires sont connus : employeurs peu scrupuleux, marchands de sommeil et de logements insalubres, courants politiques d'extrême droite.

Avant d'examiner les articles de ce texte, arrêtons-nous sur les nouvelles atteintes au droit d'asile qu'il prévoit et que les amendements que défendra M. Gerin viseront à supprimer.

Le projet introduit tout d'abord la notion d'asile interne. En clair, les demandes d'asile de personnes ayant accès à une protection sur une partie du territoire de leur pays d'origine seront rejetées. Or, les zones humanitaires en Bosnie et au Rwanda ont montré que, même sous la protection d'une force internationale, il ne pouvait s'agir d'une protection suffisante et durable. Seuls les Etats engagés par la signature de textes internationaux peuvent offrir une protection effective à leurs ressortissants. L'asile véritable, au sens de la convention de Genève, suppose de pouvoir s'installer durablement et de jouir de l'ensemble des droits attachés à une protection. La comparaison est connue, mais comment ne pas songer aux Français libres réfugiés à Londres durant la Seconde Guerre mondiale : avec une telle disposition, l'Angleterre aurait été en droit de les expulser ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Le projet de loi introduit une nouvelle exception à l'admission au séjour, dans le cas où le demandeur est originaire d'un pays considéré comme « sûr ». La notion de pays sûr constitue une grave entorse au caractère individuel des demandes et au principe de non-discrimination, énoncé à l'article 3 de la convention de Genève. La définition floue des pays sûrs ouvre la voie à toutes les restrictions. Songez qu'au cours des dernières années, trois ressortissants français se sont vu reconnaître le statut de réfugié aux Etats-Unis et que l'Angleterre a produit de nombreux réfugiés du fait du conflit nord-irlandais. Nous nous opposons donc catégoriquement à l'inscription dans la loi de cette notion et le fait que la liste en soit dressée par l'OFPRA - comme le propose un amendement de la commission n'est pas de nature à nous rassurer.

Je tiens à évoquer la situation des réfugiés Roms en France, qu'ils soient originaires de Roumanie, de Hongrie, de Tchéquie ou de Slovaquie. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que la notion de pays sûr va permettre de les exclure définitivement du droit d'asile. Là encore, le seul résultat de votre politique sera d'accroître le nombre d'habitants privés de tous droits au c_ur de nos villes.

En Ile-de-France et notamment à Saint-Denis, c'est dans de véritables bidonvilles que s'entassent depuis plusieurs mois des centaines de familles avec de nombreux enfants. Dans les baraquements misérables qu'ils occupent, la situation sanitaire est telle qu'elle ne peut qu'entraîner de vives tensions avec le voisinage.

Pour la plupart, ces personnes sont des citoyens roumains, tchèques, slovaques ou hongrois, qui disposent de la liberté de circulation au sein de l'Union. Elles sont ainsi dispensées de visa. A terme, avec l'adhésion pleine et entière des pays de l'Est de l'Europe à l'Union européenne, ces citoyens bénéficieront de la liberté d'installation et de travail dans tous les Etats membres.

Dans ces conditions, le recours aux éloignements du territoire est aussi illusoire qu'indigne. Les personnes reconduites dans leur pays seront en effet en droit de revenir. Là encore, l'hypocrisie tient lieu de politique et la question n'est finalement traitée ni par l'Union européenne, ni par les différents Etats.

Or, si certaines de ces populations subissent dans leur pays de véritables traitements dégradants, toutes y connaissent une situation de grave discrimination et ségrégation. Plusieurs personnes appartenant à la communauté Rom de Zamoly en Hongrie se sont ainsi vu reconnaître le statut de réfugié en France. Ce projet de loi achèverait de leur fermer la porte de l'asile et les priverait de toute possibilité d'insertion.

Par nos amendements, nous demanderons également pour tous les demandeurs d'asile l'accès à l'aide juridictionnelle et le droit au travail. L'allocation d'insertion ne permet pas de subvenir à ses besoins. Les bénéficiaires peuvent tout au plus tenter de survivre. Compte tenu de la misère du système d'hébergement actuel et du manque criant de places, nous considérons que l'ensemble du système d'accueil relève de la maltraitance. Le droit au travail est donc essentiel. Avec ces propositions, nous souhaitons sortir les demandeurs de la précarité indigne où ils sont maintenus. C'est pour nous une question de principe car il y va de l'égale dignité des hommes et c'est aussi une exigence réaliste visant l'intérêt général de la population. La tranquillité des quartiers où résident les réfugiés est à ce prix.

Au final, Monsieur le ministre, le contenu de ce projet de loi relève davantage de la politique du ministre de l'intérieur, laquelle tend davantage à fabriquer des sans-papiers qu'à garantir le bon exercice du droit fondamental que constitue l'asile. Ce texte est directement inspiré par le ministre de l'intérieur. Outre la coordination française pour le droit d'asile et la Commission nationale consultative des droits de l'homme, il a été sévèrement critiqué par la conférence épiscopale des évêques. Au reste, c'est M. Sarkozy et non M. de Villepin qui a alors défendu le projet. De même, le titre d'une dépêche récente de l'AFP est révélateur : « Droit d'asile : premier volet contre l'immigration illégale devant les députés. » L'emprise du ministère de l'intérieur est perceptible dans l'ensemble du texte. Ainsi, le directeur général de l'OFPRA sera nommé conjointement par les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur. Le ministère de l'intérieur obtient également la transmission des décisions de rejet motivées, et, dans certains cas, des documents d'état civil ou de voyage des demandeurs. Il s'agit d'une atteinte très grave au principe constitutionnel confidentialité de l'OFPRA, et du rôle, en son sein, du Haut Commissariat aux réfugiés auprès des Nations unies.

En d'autres lieux, le ministre des affaires étrangères a su trouver les mots pour défendre l'ONU et la coopération internationale. Non, décidément, on ne peut pas croire que ce texte soit le sien ! Dans un discours aux Nations unies qui restera, M. de Villepin a détourné avec esprit le qualificatif de « vieux pays », pour signifier la sagesse de la position française dans son opposition à la guerre en Irak.

M. le Président - Il faut conclure.

M. Patrick Braouezec - Le projet dont nous débattons ne relève pas de cette sagesse ancestrale mais de la tentation sénile du repli sur soi. Seul un pays qui n'a plus confiance dans ses valeurs peut se croire incapable d'accueillir dignement les victimes de persécutions. Entre ces deux visages de la vieillesse, nous sommes passés de la haute politique à la basse police, de Booz endormi à Tatie Danièle !

Ce projet est tout à fait conforme à la politique générale du Gouvernement : libérale en matière économique, rétrograde en matière sociale et répressive pour contenir les conséquences sociales de ce nouveau capitalisme sauvage.

Parce que ce projet ne répond pas à la crise du droit d'asile et ne propose que l'aggraver en augmentant le nombre de déboutés, parce que les quartiers populaires et leurs habitants feront les frais de cet égoïsme, parce que la dérive restrictive qu'il accentue ne fait que creuser le fossé entre le Nord et le Sud, le groupe communiste et républicain votera contre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et quelques bancs du groupe socialiste).

M. Christian Vanneste - A en croire l'Enéide, l'histoire de Rome tire son origine de la guerre de Troie. Quelques Troyens vaincus s'installèrent dans le Latium. Et, d'après la légende, Romulus décida de faire de la nouvelle cité un asile pour les exilés et les hors-la-loi. La notion d'asile naquit donc dans la mythologie. Force est de constater que la problématique de l'asile n'est plus un mythe mais une réalité souvent cruelle.

Obtenir l'asile, c'est trouver refuge sur une terre. Ce droit, offert aux persécutés, a été des siècles durant laissé à la discrétion des Etats et des souverains. Et ce n'est que le 28 juillet 1951 que les membres de l'Organisation des Nations unies adoptent la convention de Genève. Ce texte, s'inspirant des principes de la déclaration universelle des droits de l'homme, définit, pour la première fois, le statut de réfugié, le terme s'appliquant à toute personne « craignant avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » et cherchant secours hors de son pays. Les régimes totalitaires sont les premiers visés et, en particulier les nombreux régimes communistes qui sévissent encore en Europe. La France ratifie cette convention le 17 mars 1954.

Plus spécifiquement, la législation française sur le droit d'asile repose sur la loi du 25 juillet 1952. Cette ordonnance a connu de nombreux remaniements, la dernière modification lui ayant été apportée par la loi du 11 mai 1998, laquelle instaure l'asile territorial en sus du statut de réfugié. La création de l'asile territorial correspondait à une véritable demande : permettre à la France d'accorder l'asile aux victimes de persécutions non étatiques, à l'instar des Algériens victimes du GIA.

Cependant - et j'ai envie de dire comme d'habitude -, le gouvernement précédent, s'il a fait adopter une nouvelle loi, n'a pas remédié aux véritables dysfonctionnements du droit d'asile. On dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions : je mets sur le compte de la « naïveté » chronique de la majorité précédente les actions malencontreuses - ou pire l'inaction irresponsable - dont elle a fait preuve continûment.

M. Serge Blisko - Polémique !

M. Christian Vanneste - En effet, la loi de M. Chevènement s'est avérée la meilleure... à l'exception de toutes les autres ! Les dysfonctionnements qu'elle engendre sont nombreux : plus de deux ans d'attente pour conclure un dossier de demande d'asile, des préfectures et un OFPRA submergés par le flot des demandes, la situation inextricable de nombre de demandeurs, certains sombrant dans un état de semi-clochardisation.

Il existe désormais quatre formes d'asile différents. Surtout, cette législation déraisonnable a fait exploser les demandes de 22 000 en 1998 à 83 000 en 2002. Il ne s'agit plus de protéger quelques persécutés, mais d'une forme de gestion des flux migratoires. L'opposition dénonce la confusion entre politique d'immigration et droit d'asile, mais elle-même parle surtout de la pression du Sud, ce qui est une notion économique : c'est un aveu.

Une réforme courageuse s'imposait, nous vous remercions de l'engager. Claire et généreuse, elle va rendre au droit d'asile sa logique. Cette loi permettra d'aller vers un droit européen commun ; de traiter de nouveau efficacement les demandes d'asile ; enfin de mieux protéger le demandeur de bonne foi et de le traiter avec plus de dignité.

Une politique européenne du droit d'asile est indispensable, donc une collaboration accrue entre pays. Ce sont les incohérences de la législation passée qui ont créé les pressions que nous avons connues, par exemple à Sangatte. Croyez-vous que c'était là une situation digne de notre pays, digne des demandeurs d'asile ?

Plusieurs députés socialistes - Et aujourd'hui ?

M. Christian Vanneste - La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption de la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne tendant à approuver les propositions de directives européennes, à quelques réserves près qui doivent vous satisfaire. Elle a rappelé que les demandes doivent être traitées individuellement et que la référence aux pays sûrs a pour seul but d'éviter de garder les demandeurs trop longtemps en zone de rétention. L'article 6 inscrit dans notre loi cette notion de pays sûr. Une liste européenne commune de ces pays devrait être établie. Les demandeurs qui en proviennent feront l'objet d'une procédure prioritaire.

Une autre avancée est de tenir compte désormais de la persécution et de la protection d'origine non étatique, avec la création de l'asile de protection subsidiaire, qui reprend l'asile territorial. L'ensemble de nos partenaires sont en passe d'adopter cette mesure. Elle vise en particulier les personnes menacées de mort ou de traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme. Elle peut être obtenue même si la menace provient d'acteurs non étatiques.

Le projet introduit également la notion d'asile interne, qui permettra à l'OFPRA de rejeter la demande de ceux qui pourraient raisonnablement trouver protection dans une partie de leur pays d'origine. On pense ainsi à la vallée du Panshir en Afghanistan au temps du commandant Massoud.

En second lieu, la réforme va permette de traiter efficacement les dossiers. Sur ce point, elle était indispensable. Est-il normal d'attendre 24 mois une décision définitive ? Que 1,5 % des demandes soient acceptées, mais que la grande majorité des déboutés restent sur notre territoire en clandestins ? Désormais les demandeurs n'auront plus qu'une seule formalité à remplir, qui remplacera les nombreux formulaires inutiles et déshumanisants qui les plongeaient dans un enfer kafkaïen. En cas de refus, l'administration verra elle-même si le demandeur peut obtenir la protection subsidiaire. Un seul guichet une seule demande, que de temps et de dignité retrouvés !

L'OFPRA devient seul compétent pour tout ce qui concerne le droit d'asile. Le ministre des affaires étrangères restera son ministre de tutelle, mais son directeur sera nommé conjointement sur sa proposition et sur celle du ministre de l'intérieur. La compétence de la Commission des recours est également élargie. L'Office collaborera mieux avec le ministère de l'intérieur et pourra lui transmettre les documents facilitant les mesures d'éloignement. On rompra enfin avec le laxisme latent de ces dernières années.

Enfin, la loi protégera mieux les demandeurs de bonne foi, qu'il sera plus facile de distinguer de ceux qui cherchent à immigrer pour des raisons économiques.

Certains diront que cette loi est sécuritaire car les critères retenus pour accorder la protection subsidiaire sont plus contraignants que ceux qui valent pour l'asile territorial. C'est vrai, et nous nous en félicitons. Les décisions en seront moins arbitraires. Pour le demandeur de bonne foi, les délais seront plus courts.

Ce projet est clair, logique, courageux, responsable et généreux. S'y opposer serait une faute politique. Ce serait ne pas comprendre de quelles réformes a besoin notre nation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Blisko - Nous ne sommes pas convaincus.

M. le Président - J'appelle chacun à respecter son temps de parole, en pensant à nos collègues d'outre-mer.

M. Christophe Caresche - C'est un vrai problème.

M. le Président - Vous n'avez rien à me reprocher.

M. Christophe Caresche - Je ne vous reproche rien.

M. Victorin Lurel - C'est contre le calendrier que nous protestons.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Contrairement à ce que disait ce matin M. le ministre des affaires étrangères, dont je regrette qu'il ne soit pas présent, le fait que l'OPFRA se demandera si la présence d'un candidat à la protection subsidiaire constituerait une menace pour l'ordre public n'a rien d'un progrès. J'y vois plutôt la volonté pernicieuse de prise en mains de tous les dossiers de demandeurs d'asile par le ministère de l'intérieur.

Cette compétence dévolue à L'OFPRA est particulièrement contestable. Le ministre de l'intérieur ou le préfet conservent en effet la faculté de prendre un arrêté d'expulsion de l'étranger qui présente une menace grave pour l'ordre public. Au moment de l'admission, le préfet peut aussi refuser tout droit au séjour et décider d'une expulsion immédiate en invoquant une menace grave pour l'ordre public. Vous instituez des compétences parallèles avec un risque d'appréciations divergentes sur la notion d'ordre public.

M. Serge Blisko - C'est juste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Surtout, ce projet met à mal de nombreuses garanties offertes aux demandeurs d'asile.

D'abord, quand l'OFPRA retirera à quelqu'un le bénéfice de la protection subsidiaire pour menace à l'ordre public, le préfet prendra automatiquement un arrêté de reconduite à la frontière. Or, en droit positif, l'étranger dans ce cas doit faire l'objet d'une expulsion, dans le respect de certaines garanties prévues par l'article 24 de l'ordonnance de 1945. Ainsi, sauf urgence absolue, le préfet doit saisir la Commission des expulsions, qui remet son avis après avoir invité l'étranger visé à se présenter devant elle. Cette procédure contradictoire ne sera plus requise.

Les garanties offertes aux réfugiés sont également réduites. D'une part, la Commission des recours n'émettra plus d'avis préalable à leur refoulement ou leur expulsion pour des motifs d'ordre public. D'autre part, le projet supprime le caractère suspensif du recours devant la juridiction administrative pour les mesures prises sur la base des articles 31 , 32 et 33 de la convention de Genève. Quel superbe cadeau fait au ministère de l'intérieur !

Enfin, le projet sape une garantie constitutionnelle. En effet, dans sa décision du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel a jugé que la confidentialité des informations détenues par l'OFPRA sur la personne demandant le statut de réfugié était une garantie essentielle du droit d'asile. Or, aux termes de ce projet, en cas de rejet de la demande, le directeur général de l'Office ou le président de la Commission des recours transmettront la décision motivée au ministre de l'intérieur et, à la demande de celui-ci, le premier devra communiquer à des agents habilités les documents d'état civil ou de voyage permettant d'établir la nationalité de l'intéressé « à la condition que cette communication s'avère nécessaire à la mise en _uvre d'une mesure d'éloignement et qu'elle ne porte pas atteinte à la sécurité de cette personne ou de ses proches » - belle précaution, et qu'en termes choisis ces vilaines choses sont dites ! Il faudra nous expliquer comment cette disposition s'articule avec celle du cinquième alinéa de l'article 3, inchangé, qui veut que les locaux et les archives de l'Office, ainsi que « tous les documents lui appartenant ou détenus par lui » soient « inviolables » !

Vous m'opposerez que l'essentiel est préservé, l'OFPRA restant sous la tutelle du ministère des affaires étrangères. Sornette ! Selon l'article 4 du projet de décret d'application, sera créée au sein de l'Office une mission de liaison avec le ministère de l'intérieur, dont les agents seront nommés par le directeur général sur proposition du même ministère. Comment la confidentialité pourrait-elle être effective dans ces conditions ? Le ministre de l'intérieur n'aura même pas à solliciter la communication des documents d'état civil ou de voyage : il aura déjà placé ses agents au sein de l'OFPRA ! La disposition est donc au mieux naïve, au pis cynique. Ces agents seront certes placés sous l'autorité du directeur général, mais de bons policiers restent de bons policiers et, de plus, au lieu d'être nommé comme auparavant par le seul ministre des affaires étrangères, le directeur général le sera désormais sur proposition conjointe des deux ministres. Or il est des filiations qui constituent des handicaps irréversibles...

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre votre projet, à moins que le débat ne provoque en vous une prise de conscience et que vous ne rendiez à l'OFPRA son rôle de fidèle serviteur des libertés individuelles et des droits reconnus par la communauté internationale.

M. le Président - Je vous sais infiniment gré de ne pas avoir consommé tout votre temps !

M. Gilbert Gantier - L'article 14 de la déclaration universelle des droits de l'homme pose que, « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays ». Ce noble principe, auquel la France est demeurée fidèle, souffre aujourd'hui de dérives et d'abus et le nombre de demandeurs d'asile croît de façon si continue que les procédures se révèlent inadaptées. Comme bien d'autres réformes, ce projet s'imposait donc et il faut remercier le Gouvernement de nous l'avoir soumis. J'espère que cette initiative nous permettra d'adopter une attitude responsable et que le débat se conclura par un large accord sur le sujet.

Le texte est en effet équilibré, il va dans le sens d'une simplification administrative bien souhaitable et, surtout, il redonne au droit d'asile sa noblesse, le rendant à sa vocation première qui est de permettre à « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté » et à « tout étranger qui établit que sa vie ou sa liberté sont menacées dans son pays » d'accéder au statut de réfugié.

On découvre la valeur de la liberté quand on perd celle-ci et, dans ces cas, la France doit jouer son rôle de terre d'accueil : il en va de son honneur. Nous n'admettrons donc pas que l'on restreigne le droit d'asile pour de triviales raisons budgétaires : la liberté, les droits de l'homme doivent être la règle pour tous, quelles que soient l'origine, la couleur de peau ou la religion.

Attachés par ailleurs à la simplification administrative, nous nous réjouissons de la création d'un guichet unique pour les demandeurs d'asile conventionnel comme pour les demandeurs d'asile territorial. Nous nous félicitons également que le Gouvernement s'apprête à donner à l'OFRA les moyens de résorber le stock des dossiers en attente et de réduire la durée des procédures, qui atteint parfois quinze mois actuellement. Nous jugeons, enfin, bienvenu l'élargissement du champ du droit d'asile, avec la prise en compte des menaces d'origine non étatique. Le groupe UDF votera par conséquent ce texte.

Il émet toutefois des réserves sur la méthode suivie par le Gouvernement : nous aurions aimé connaître l'ensemble des dispositions régissant l'arrivée des étrangers en France et un seul texte abordant les questions de l'asile, de l'immigration et de l'intégration eût donc eu notre préférence. L'objection n'est pas de pure forme. Le présent projet unifie la procédure, mais non les statuts, de sorte que subsisteront deux catégories : les réfugiés, ayant droit à une carte de résident et qui pourront de ce fait travailler, et les bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui ne peuvent recevoir qu'une carte de séjour, renouvelable chaque année et ne leur donnant pas automatiquement le droit de travailler. Le projet de loi sur l'immigration, présenté par M. Sarkozy, devrait même créer une troisième catégorie, les titulaires d'une « protection temporaire », définie à l'échelle de l'Union... Que n'a-t-on intégré cette disposition au présent projet ?

On parle parfois de détournement de la procédure d'asile et mes collègues Lagarde et Perruchot ont eu, lors des auditions et visites qu'ils ont effectuées en zones d'attente et de rétention, la preuve que certaines associations incitaient des immigrants illégaux à demander l'asile sans fondement sérieux. Un droit qui devrait être la fierté de notre République devient ainsi objet de rejet et d'incompréhension. Le danger serait alors de considérer l'asile comme une variable d'ajustement de notre politique d'immigration, ce qu'il ne doit pas être à l'évidence - pas plus qu'il ne doit être le moyen d' « accueillir toute la misère du monde » ! Il conviendrait par conséquent de mettre en place des garde-fous, ce à quoi le Gouvernement ne s'attache pas encore assez, à notre gré. Ne pourrait-on par exemple prévoir un délai limite pour toute demande d'asile, pour éviter que des mesures d'éloignement ne soient mises en échec à la dernière minute ?

Nous aurions également souhaité que le rôle de conseil du HCR soit renforcé : son expertise permettrait certainement un gain de temps. Il conviendrait en outre de préciser la définition de la protection subsidiaire et de poursuivre dans la voie de la simplification. Cependant, dans ce domaine notamment, les progrès sont suffisamment notables avec la création du guichet unique pour que nous soutenions cette réforme urgente et indispensable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Noël Mamère - Ce projet se résume à un démantèlement du droit d'asile. Alors que les conflits de toute nature embrasent le monde, chassant de leur pays des milliers de personnes, vous construisez une machine à débouter et à refouler ! Les députés Verts refusent donc ce texte qui vise à transformer la France et l'Europe en forteresse. Prétextant une harmonisation européenne qui n'est qu'un alignement par le bas, vous affranchissez la France de ses engagements internationaux.

Comme l'a relevé le HCR, « la mise en _uvre du droit d'asile a atteint en France sa cote d'alerte ». Au sein d'une Union européenne où chaque Etat tente d'orienter les demandeurs de droit d'asile vers le voisin, la France se retrouve en pointe. Elle est devenue un pays de transit vers l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, comme l'a montré récemment la tragédie de Sangatte. Combiné à une politique européenne de gestion intégrée des frontières qui rend de plus en plus difficile l'accès légal aux Etats membres, votre projet renforce la logique d'une Europe qui ne veut plus être le refuge des persécutés.

Les députés Verts refusent votre projet parce qu'il introduit des notions dangereuses telles que l'asile interne, les agents de protection ou les pays d'origine sûrs. Ces dispositions visent à retenir à la source des candidats à l'asile ou à rejeter des demandes dans le cadre d'une procédure expéditive, sans recours suspensif.

En prévoyant que ne seront pas recevables les demandes d'asile de personnes pouvant trouver protection « sur tout ou partie du territoire de leur pays d'origine », votre projet entérine le principe de l'asile interne, selon lequel l'existence de zones sécurisées permet aux signataires de la convention de Genève de se défausser de leurs responsabilités. C'est au nom de ce principe que le Gouvernement a organisé le rapatriement en charter des ressortissants ivoiriens ou afghans. Une telle pratique révèle votre impératif principal : restreindre par tous les moyens l'accueil des réfugiés sur notre territoire.

Quelles garanties ont aujourd'hui les Kurdes de Turquie, les Afghans, les Ivoiriens, les Tziganes de Roumanie, les Algériens, les Tchétchènes ?

Les députés Verts refusent votre projet parce que l'introduction de la protection subsidiaire n'est qu'un sous-asile, aléatoire et précaire.

En substituant à l'asile territorial la protection subsidiaire, vous ouvrez la porte à la généralisation des statuts révocables. La convention de Genève est suffisamment souple pour permettre une évolution de la notion de persécution. La juxtaposition de plusieurs statuts réduit la protection prévue par la convention.

Les députés Verts refusent votre projet parce qu'il s'attaque au principe d'équilibre et d'indépendance qui doivent guider le dispositif français. Ainsi, le HCR était marginalisé dans les instances de détermination du statut de réfugié. Pourquoi avez-vous exclu le représentant des ONG du conseil de l'OFPRA ? Désormais, c'est le ministère de l'intérieur qui s'installe au c_ur du dispositif.

Les députés Verts refusent ce projet parce qu'il entretiendra le scandale des personnes déboutées mais non renvoyées du fait des risques encourus dans leur pays.

Loin des grandes déclarations du Président de la République, votre loi s'inscrit dans la stratégie sécuritaire que vous menez depuis un an. Elle n'assure plus l'effectivité du droit d'asile puisqu'elle privilégie le droit discrétionnaire des Etats contre le droit des personnes.

Parce que votre loi n'est pas conforme à l'image du pays des droits de l'homme, les députés Verts voteront contre (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Raoult remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Eric RAOULT

vice-président

M. Marc Reymann - Pour la sixième année consécutive, le nombre des demandeurs d'asile politique a enregistré une hausse. En 2002, 51 087 personnes ont demandé l'asile politique, soit une hausse de 8,7 % par rapport à l'année précédente. Parallèlement, un grand nombre d'étrangers - 30 000 en 2001 - déposent des demandes d'asile territorial du ressort du ministère de l'intérieur.

Ces chiffres peuvent varier d'un département à l'autre. C'est ainsi que dans le département frontalier du Bas-Rhin 1 116 demandes d'asile ont été enregistrées en 2002, soit une diminution de 21 %.

Par ailleurs, les demandes d'asile conventionnel progressent de 4 % alors que les demandes d'asile territorial marquent un recul de 60 %.

Au total, la France se trouve dans le peloton de tête des pays européens proche de l'Allemagne et après la Grande-Bretagne.

Nous sommes confrontés chaque semaine, dans nos permanences, à des problèmes posés par des demandes d'asile essentiellement pour des raisons de délais - d'où la réaction de notre Président de la République fustigeant, le 14 juillet 2002, la longueur des procédures.

Ce texte est le bienvenu : il respecte la tradition française, il rend le droit d'asile plus facilement accessible et met fin à une dérive : l'utilisation de la procédure pour des raisons économiques. L'accélération effective des délais de traitement réduira la perception, par les demandeurs, des prestations d'aide sociale fournies pendant l'instruction des dossiers. Selon l'inspection des affaires sociales, l'économie pourrait être de 85 millions d'euros.

La réussite de cette ambitieuse réforme dépendra avant tout des nouveaux moyens mis à la disposition de l'OFPRA, qui a bénéficié, en 2003, d'une embauche de 171 personnes supplémentaires pour venir à bout des demandes en attente. Sans moyens supplémentaires, votre projet de loi ne répondra pas aux attentes légitimes des demandeurs et des parlementaires.

Cette réforme s'inscrit dans un cadre européen. En l'absence d'harmonisation, il est probable que des transferts de demandeurs d'asile se feront vers des pays plus attractifs. Des directives européennes, prévues pour la fin de l'année, y remédieront.

Comme tous les parlementaires, j'ai reçu le document de la coordination française pour le droit d'asile. Il ne m'est pas possible de souscrire à ses objectifs, qui videraient de son contenu le projet qui nous est soumis.

C'est avec conviction que je voterai ce texte en n'oubliant pas, chaque année, lors du vote du budget, de vérifier la volonté politique du Gouvernement sur un sujet très sensible. Il va de soi que je souscris à l'amendement présenté par Eric Raoult qui demande la fixation par décret de la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs.

La France n'a, sur ce sujet, de leçons à recevoir de personne. Notre aide constante aux pays du tiers-monde est la meilleure réponse à apporter à tous ceux qui sont amenés à quitter leur pays d'origine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Etienne Pinte - Réformer la législation sur le droit d'asile est toujours un exercice délicat sinon périlleux. Dans un domaine aussi sensible, toute proposition de modification suscite l'inquiétude, des interprétations tendancieuses, voire des procès d'intention.

Le droit d'asile est par essence l'un des droits de l'homme les plus fondamentaux. Le Gouvernement vise à améliorer les procédures d'exercice de ce droit, qui remontent à la loi de 1952. Il est indéniable que la notion de droit d'asile a évolué. Il est urgent de modifier le fonctionnement de notre dispositif, qui pénalise les demandeurs.

Le texte est attendu par tous les acteurs concernés par les procédures d'examen des demandes d'asile.

Trois grandes novations sont proposées.

Tout d'abord, la création d'un guichet unique, chargé d'examiner les demandes d'asile conventionnelles ou non, est une très bonne mesure - à condition que le Gouvernement, comme il a commencé à le faire, accorde à l'OFPRA et à la CRR tous les moyens dont ils ont besoin pour exercer leurs missions et satisfaire aux objectifs fixés, au nombre desquels une réduction sensible des délais d'instruction des dossiers. Sur ce point, le projet est ambitieux puisque deux mois seulement seraient nécessaires à l'examen d'une demande d'asile. Toutefois, dans l'hypothèse où la procédure serait plus longue que prévu - et notamment supérieure à un an - quels seraient les moyens de subsistance du demandeur ? L'allocation d'insertion n'est en effet versée que pendant un an. Je ne peux que constater, malheureusement, que la réforme est totalement muette sur cette question.

Deuxième novation : la transformation de l'asile territorial en protection subsidiaire. Les demandes de protection subsidiaire relèveront de l'OFPRA, avec toutes les garanties de procédure qui s'y rattachent, dont la possibilité du recours. C'est là une avancée importante. Encore faut-il qu'il n'y ait pas des tentations de transformer trop rapidement une demande d'asile conventionnelle en protection subsidiaire.

Troisième novation : l'introduction, dans notre droit, de nouvelles notions telles l'asile interne et les pays d'origine sûrs. Ces évolutions sont intéressantes à étudier, mais sujettes à caution dans leur mise en _uvre. Toute modification de la loi de 1952 n'est acceptable qu'à condition que la protection des demandeurs d'asile soit renforcée et ne puisse en aucun cas, à aucun moment, souffrir de dysfonctionnements, de dérapages et par conséquent d'injustices.

M. Victorin Lurel - Très bien !

M. Etienne Pinte - La substitution à l'actuel asile territorial d'un régime de protection subsidiaire suscite des interrogations et des inquiétudes.

Nous souhaitons d'abord prendre toutes les garanties pour que la protection conventionnelle demeure la voie prioritaire d'accès à l'asile. Chez certains de nos voisins, comme en Allemagne, le HCR n'est pas représenté.

Second sujet d'inquiétude, le fait que la protection subsidiaire soit accordée pour un an renouvelable, alors que le renouvellement devrait être automatique, sauf cas particulier, afin de garantir une certaine stabilité aux intéressés et de ne pas ajouter l'angoisse de la précarité à leurs souffrances. J'ai déposé un amendement à ce sujet.

Troisième inquiétude : le risque d'injustice face à la possibilité, pour l'OFPRA, de retirer la protection, sur requête du préfet, sans que l'intéressé puisse se justifier. Des recours sont-ils prévus ?

Enfin, des notions comme la menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat qui relèveront de l'appréciation de l'OFPRA, demeurent bien floues.

Quant à « l'asile interne », il implique le rejet de la demande d'asile lorsqu'une protection est possible au sein du pays d'origine. Les autorités susceptibles d'offrir cette assistance peuvent être des organisations, y compris internationales, contrôlant l'Etat en totalité ou en partie. La rédaction de cet article est ambiguë : la personne concernée pourra-t-elle se rendre effectivement dans la partie sécurisée de son pays d'origine ? Pourra-t-elle s'y installer ? Les droits attachés à cette protection seront-ils bien assurés ? Que se passera-t-il quand l'agent de persécution est l'Etat ?

J'ai, du reste, noté que le Gouvernement allait déposer un amendement à ce sujet.

Dans le cas d'un « pays d'origine sûr », il est question d'une procédure prioritaire, donc rapide et sans recours suspensif. Aux termes du projet de loi, un pays est sûr lorsqu'on ne saurait présumer l'existence de persécutions autorisées et impunies. Il ne s'agit là que d'une présomption, et notre objectif est d'aboutir à l'établissement d'une liste commune de pays sûrs. Or le traité d'Amsterdam ayant prévu le passage, en mai prochain, de l'unanimité au vote qualifié, cette liste pourra être modifiée sans l'accord de la France.

Face à ces incertitudes, il est essentiel de maintenir la présence du Haut Commissariat aux réfugiés au c_ur des procédures d'asile. Or, le projet met un terme à sa représentation directe au sein de la Commission des recours des réfugiés, au nom de la souveraineté nationale. Or, le Conseil constitutionnel a jugé le 5 mai 1998 que la présence du représentant au HCR au sein de la Commission ne portait pas atteinte, du fait de son caractère minoritaire, à la souveraineté nationale. De même, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il a encore estimé que les demandes d'asile conventionnel et les demandes d'asile constitutionnel pouvaient faire l'objet d'une instruction commune. Il serait donc logique que ces principes s'appliquent également à la protection subsidiaire.

De surcroît, la protection subsidiaire dérivant d'engagements internationaux, la présence d'un représentant du HCR ne soulève aucune difficulté.

Le HCR, représenté en France depuis 50 ans, doit rester membre ès qualités de la Commission des recours des réfugiés, car il est le garant de l'application de la convention de Genève. Par ailleurs, il serait préjudiciable de se passer de son expérience internationale et de ses analyses. Enfin, l'introduction dans notre droit de concepts nouveaux, tels que l'asile interne, exigera la construction d'une jurisprudence, à laquelle le HCR pourrait concourir.

Le projet de loi n'évoque qu'une personnalité qualifiée, de nationalité française, nommée par le vice-président du Conseil d'Etat, sur proposition du Haut Commissaire pour les réfugiés, ce qui exclut la nomination d'un haut fonctionnaire international, issu du HCR.

Ce matin, M. Villepin parlait d'une désignation par le HCR lui-même de ses représentants au sein des sections du jugement de la CRR. Quid de ces représentants ? Est-ce la version adoptée par la commission ou celle de mon amendement ?

Enfin, alors que la France prône, à juste titre, le rôle de l'ONU, dans l'élaboration des processus de paix, il serait incompréhensible de marginaliser le rôle du HCR.

M. Noël Mamère - Très bien !

M. Etienne Pinte - Pour conclure, l'introduction de normes européennes dans notre droit interne, et l'augmentation des demandes d'asile, ne doit pas conduire la France, terre d'asile et berceau des droits de l'homme et du citoyen, à minimiser les garanties.

Paraphrasant Jean-Paul II, je rappellerai que la solidarité est une prise de responsabilité à l'égard de ceux qui sont en difficulté. Le migrant ne doit pas seulement être un individu selon des normes fixées par la loi, mais une personne dont la présence nous interpelle, et dont les besoins deviennent un engagement dont nous sommes tous responsables (Applaudissements sur de nombreux bancs).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Victorin Lurel - Même si nous apprécions la présence de M. Wiltzer, vous me permettrez de déplorer l'absence de M. le ministre, face à un texte si important.

Il est inscrit au préambule de la Constitution de 1946 que « tout homme persécuté, en raison de son action en faveur de la liberté, a droit d'asile sur les territoires de la République ». La Constitution de 1958 rappelle son attachement aux droits de l'homme, tels qu'ils sont définis par la déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de 1946.

Des conventions internationales, notamment la convention de Genève de 1951 et le protocole de New York de 1967, sont venues compléter ce dispositif. La loi du 25 juillet 1952, créant l'OFPRA a traduit dans notre droit la convention de Genève.

L'asile est le seul droit qui reste à un être humain, lorsque tous les autres lui ont été refusés dans son pays et il est le reflet des conflits qui secouent la planète.

Devant l'afflux toujours plus important des demandeurs d'asile en Europe, les Etats membres ont souhaité harmoniser leur législation afin d'éviter tout effet d'appel entre partenaires européens, et de freiner l'immigration irrégulière.

Malheureusement, la protection des réfugiés semble être le point noir de l'Union européenne, uniquement préoccupée du contrôle des flux migratoires. Elle définit des garanties minimales pour l'accueil des demandeurs, mais la France ne s'honorerait pas à la suivre dans cette voie.

Le projet de loi porte un mauvais coup au droit d'asile en créant de nouveaux obstacles et en posant en postulat que les demandeurs d'asile sont presque tous illégitimes, ce qui crée un amalgame avec les clandestins. C'est vrai, des abus existent, mais ils ne sauraient pénaliser les autres demandeurs.

Votre texte ne respecte pas les principes qui ont toujours été les nôtres en matière de droit d'asile. J'y vois une volonté de lutter contre l'immigration qui vous conduit à proposer des mesures fort éloignées des principes défendus dans notre Constitution.

C'est un progrès notable de confier au seul OFPRA l'instruction des dossiers des demandeurs d'asile : ainsi, les réfugiés n'auront plus qu'un interlocuteur. On se réjouira aussi que l'Office demeure un établissement public placé sous la seule tutelle du ministère des affaires étrangères et non, comme cela avait été envisagé, sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et celui de l'intérieur.

Cependant, d'importantes modifications des organes dirigeants sont proposées, et le texte confère au conseil d'administration des prérogatives renforcées. On peut voir là un renforcement du contrôle des ministères sur son fonctionnement, puisqu'il sera présidé par une personnalité nommée par décret du ministre des affaires étrangères.

Une autre nouveauté tient à la nomination par décret de trois personnalités qualifiées qui assisteront aux séances du conseil d'administration, auquel ils pourront présenter leurs observations au même titre que le délégué du HCR.

De plus, l'Office sera géré par un directeur général nommé par décret sur proposition conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'intérieur. J'y vois, en dépit des intentions affichées d'indépendance de l'Office, une mainmise indirecte du ministère de l'intérieur, qui cherche à réduire la question de l'asile à un problème de politique migratoire. Dans l'exposé des motifs du projet, il est souligné que « le cumul des procédures contribue à faire de l'asile un vecteur d'immigration irrégulière ». Il est aussi fait état des « dérives » affectant l'asile, des demandes dilatoires, du nombre élevé des déboutés et de la difficulté de leur renvoi.

Cette approche suscite quelques inquiétudes, d'autant qu'elle révèle une suspicion envers des étrangers qui exercent leur droit, reconnu par notre Constitution, de solliciter l'asile. On peut comprendre que le grand nombre de déboutés pose question, mais le droit d'asile ne doit pas en pâtir pour autant.

On constate par ailleurs que le HCR voit son rôle réduit. En premier lieu, il perd tout pouvoir de surveillance auprès de l'Office, et son rôle est réduit à une simple coopération, ce qui le marginalisera au préjudice de la protection des demandeurs d'asile. Cela vaut aussi pour la participation du HCR à la Commission des recours, dont l'indépendance n'est plus garantie, alors même qu'une décision du Conseil constitutionnel avait validé la représentation en tant que telle du HCR auprès de la Commission des recours, garantissant ainsi aux réfugiés le plein exercice de leurs droits.

Cette volonté d'affaiblir le HCR est surprenante, puisque la protection des réfugiés doit être la priorité de toute politique d'asile. Il serait souhaitable que la présence et le rôle du HCR au sein de l'OFPRA soient confirmés.

On notera également que les organisations habilitées à s'occuper des réfugiés disparaissent, tant dans la composition de l'OFPRA, que dans la Commission des recours, ce qui ne peut que nuire.

Or, la marginalisation du HCR intervient en même temps que l'introduction de notions nouvelles, qui auront pour effet de réduire le contrôle des modalités d'application de la convention de Genève par la Commission des recours. Certes, l'extension de la notion d'agents de persécution est une bonne chose, mais sa portée pratique est largement contrariée par d'autres notions nouvelles. On le sait, les persécutions peuvent être perpétrées par des Etats, mais il peut arriver aussi que les autorités refusent ou soient incapables d'offrir une protection. Je pense, par exemple, aux jeunes filles maliennes victimes de la pratique coutumière de l'excision.

Je salue donc la volonté du Gouvernement d'élargir la notion de protection en prenant en compte de telles persécutions. En revanche, je m'étonne d'une réforme du droit d'asile qui introduit des notions restrictives de ce droit, en particulier celles de « pays d'origine sûr », ou d'« asile interne », qui annulera tous les effets de l'extension de la notion d'agents de persécution.

La notion d'« asile interne » remet gravement en cause la jurisprudence de la Commission des recours des réfugiés, qui devra désormais rechercher si le requérant peut obtenir une protection sur son territoire, notamment auprès d'organisations internationales.

Ainsi, les camps de réfugiés sous contrôle d'organisations internationales pourraient être considérés comme une zone de protection interne, alors même que ces organisations peuvent être contraintes de quitter les lieux à tout moment, à la demande des autorités nationales. Pire : les exemples de la Bosnie et du Rwanda ont montré que, même sous la protection d'une force internationale, l'« asile interne » ne constitue pas une forme de protection efficace et durable.

Seuls les Etats internationalement reconnus peuvent offrir une protection effective à leurs ressortissants, et à condition qu'ils soient engagés par la signature de conventions. Autant dire que la notion d'« asile interne », largement inspirée par la proposition de directive européenne, est beaucoup trop floue et, de plus, en deçà de la norme minimale européenne en cours de discussion. De fait, l'OFPRA et la Commission des recours pourront rejeter une demande d'asile dès lors que le demandeur pourra trouver dans une partie de son pays une protection suffisante. Ainsi, un Tchétchène pourrait se voir refuser l'asile, car il trouverait la sécurité à Moscou !

Je vois là une volonté de limiter considérablement le nombre de dossiers acceptés et de privilégier une gestion restrictive des flux migratoires au détriment de la protection des personnes menacées. Le danger est réel que la possibilité théorique d'un « asile interne » soit utilisée pour rejeter les demandes d'asile de personnes qui ont dû fuir non seulement des persécutions dans une partie du territoire, mais également l'indigence et l'absence de droits dans une autre partie du territoire. Je citerai l'exemple du Rwanda, du Congo ou du Timor oriental.

Quant à l'autre nouveauté que constitue la « protection subsidiaire », inspirée des travaux européens, elle offrira une protection moindre que celle auxquels peuvent prétendre les réfugiés conventionnels.

Ce ne seront plus les motifs de persécution qui détermineront le bien-fondé de la demande mais la nature des persécutions et le degré qu'elles atteignent. On se réjouira certes que cette nouvelle forme de protection se substitue à l'asile territorial, dont l'octroi était laissé à la seule discrétion du ministère de l'intérieur. Avec cette réforme, l'OFPRA sera tenu d'octroyer la protection, alors qu'actuellement la loi prévoit que le ministère peut n'accorder que l'asile territorial. Cependant, le principe doit rester la protection au titre de la convention de Genève, car le bénéfice de la protection subsidiaire n'est subordonné à aucun motif de persécution : seules sont prises en compte les atteintes graves à la personne. Toutefois, il n'est pas précisé si la personne doit avoir subi ces atteintes graves, ou si la crainte de les subir suffit. Nous espérons que seront prises en compte, aussi, les craintes d'atteintes graves.

J'observe, par ailleurs, que le projet fait disparaître la notion de menaces graves contre la liberté d'une personne, qui figure dans les critères d'octroi de l'asile territorial. De plus, le projet fait état, au nombre des critères d'octroi, d'une violence généralisée qui s'ajouterait à une menace personnelle du demandeur. Comment le demandeur pourra-t-il prouver que les menaces qui pèsent sur sa vie résultent directement d'une situation de conflit généralisé ? On regrettera que le projet restreigne ainsi la définition de la protection subsidiaire telle qu'elle figure dans la proposition de directive européenne.

A cela s'ajoute que la protection subsidiaire, si elle est accordée, reste bien précaire, puisqu'elle peut être retirée à tout moment par l'Office ou par le préfet, sur la base des motifs énumérés par l'article premier.

On ne saurait évidemment remettre en cause le principe même de clauses d'exclusion. Pour autant, l'élargissement à des motifs autres que ceux stipulés par la convention de Genève risque d'exclure certains demandeurs du bénéfice de la protection subsidiaire, alors même qu'ils entrent dans l'un des cas où cette protection leur est théoriquement offerte.

En particulier, le texte ne précise pas si, par « crime grave de droit commun » il faut entendre un crime au sens du droit pénal français ou s'il faut retenir l'interprétation faite par l'OFPRA, qui retient les crimes commis pour des raisons personnelles, mais aussi ceux accomplis dans un but politique.

D'autre part, l'introduction d'une clause faisant état d'une menace sur l'ordre public ou la sécurité de l'Etat semble pour le moins floue. Seules les autorités de police peuvent apprécier si des raisons d'ordre public sont susceptibles de fonder une restriction au séjour des bénéficiaires de la protection subsidiaire. En aucun cas, l'OFPRA n'aura compétence pour apprécier la menace liée directement à la sécurité de l'Etat et à l'ordre public, sauf à considérer que l'Office exerce une compétence de police. Une telle confusion des missions de l'OFPRA serait particulièrement dangereuse. Il faut donc s'en tenir aux clauses d'exclusion prévues par la convention de Genève.

J'en viens à la notion de pays sûr. Nombre d'associations de défense des droits de l'homme s'alarment du choix du Gouvernement de restreindre par ce biais le champ d'application du droit d'asile. Au reste, il est prématuré d'introduire dans notre droit une notion qui reste en discussion au sein de l'Union européenne. Ainsi un demandeur d'asile ressortissant d'un pays considéré comme sûr pourra se voir refuser son admission au séjour par le préfet ! Un tel raisonnement introduit une discrimination inacceptable entre demandeurs, les dossiers des ressortissants des pays « sûrs » étant examinés selon la procédure prioritaire, laquelle ne prévoit qu'un examen rapide de la demande.

Par ailleurs, la convention de Genève ne prévoit pas que doive être prise en compte la nature du pays et énonce expressément le principe de non-discrimination entre les demandeurs. En élargissant le champ d'application de la procédure prioritaire, le législateur fait courir le risque que toutes les demandes ne soient pas examinées avec le niveau de garanties requis. En outre, la reconnaissance d'une liste - fut-elle établie par l'OFPRA - ne peut que nuire à l'exercice du droit d'asile dans notre pays.

Monsieur le ministre, en introduisant par anticipation des notions telles que le pays sûr ou l'asile interne, le Gouvernement fait le choix d'affaiblir le droit d'asile. Il le place en effet sous la dépendance d'enjeux diplomatiques ou commerciaux qui n'ont pas à interférer avec notre politique d'accueil des réfugiés.

Enfin, le texte méconnaît le droit des personnes, dans des domaines aussi sensibles que l'accès au marché du travail, la formation ou le maintien de l'unité familiale.

Pour toutes ces raisons, le présent projet aurait mérité un examen plus approfondi en commission et il est particulièrement regrettable qu'un travail de réflexion n'ait pas été entrepris avec les principales organisations de défense des droits de l'homme. Nous estimons que le travail parlementaire n'a pas été conforme aux bonnes pratiques. En voulant adopter dans l'urgence une directive européenne encore sur le métier, vous prenez le risque de réformer le droit d'asile d'une manière restrictive au regard du droit international.

Je voudrais m'adresser ici à M. de Villepin et lui demander où sont passées les convictions qui ont inspiré son discours mémorable du 14 février au Conseil de sécurité. Où est, dans ce texte, la France debout pour défendre la liberté et _uvrer à l'édification d'un monde meilleur ? Nous ne pouvons accepter ce projet qui renvoie les combattants de la liberté qui frappent à nos portes dans des pays où ils ont à craindre pour leur vie !

C'est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Je vous présente à nouveau les excuses de M. de Villepin qui a dû rejoindre Bruxelles pour participer à une réunion de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Comme vous le savez, la discussion sur les institutions a atteint un point crucial et la présence de notre ministre était requise.

J'aurai donc - n'en déplaise à M. Caresche - l'honneur de le suppléer pour la suite de ce débat important.

Je remercie votre commission des lois et son rapporteur, M. Leonetti, ainsi que le rapporteur de votre commission des affaires étrangères, M. Raoult, pour leur soutien et pour l'esprit constructif dans lequel ils ont abordé ce projet de réforme. Je remercie également l'ensemble des députés qui ont participé à ces discussions.

Tous les intervenants ont exprimé leur attachement au droit d'asile, et la nécessité pour notre pays d'en défendre le principe dans un environnement international souvent troublé. La France a du reste vocation à défendre les grands principes qui organisent les rapports entre les peuples et entre les Etats. Mais après le rappel des principes, doit venir, beaucoup y ont insisté, le temps de l'action. Si les voies de la réforme ont fait débat entre vous, tous les orateurs ont reconnu la nécessité d'adapter sans plus attendre les procédures de notre droit d'asile. Le Président de la République avait parlé de « situations absurdes », et votre rapporteur a relevé les situations de « désordre et d'injustice » que pouvaient engendrer l'exercice du droit d'asile dans notre pays. M. Caresche a parlé, pour sa part, de la « crise du droit d'asile » et M. Raoult nous a exhortés à sortir du « cercle vicieux dans lequel notre dispositif est enfermé ».

La France a vocation à conduire une politique équilibrée entre rigueur et générosité, à même de protéger tous ceux qui en ont réellement besoin. Je suis convaincu que le projet répond à cette exigence d'équilibre. M. Vanneste l'a souligné, cette loi conférera au demandeur de bonne foi plus de considération et davantage de dignité ; elle procède d'un souci particulier de garantir à tout demandeur la préservation de l'ensemble de ses droits.

MM. Le Bouillonnec et Lurel ont abordé ce texte dans un esprit de suspicion systématique qui m'a, je le confesse, un peu gêné. Nul ne s'étonnera que de tels a priori puissent conduire à quelques erreurs de jugement. Il n'est pas raisonnable de dénoncer la protection subsidiaire comme attentatoire aux droits de la personne, alors qu'elle introduit précisément des garanties supplémentaires. Je rappelle notamment que les recours pour refus d'octroi de la protection subsidiaire seront suspensifs, ce qui n'était pas le cas pour l'asile territorial.

Quant à la cellule de liaison entre l'OFPRA et le ministère de l'intérieur, votre soupçon n'est pas davantage fondé. Le ministère de l'intérieur renonçant à sa compétence sur l'asile territorial, il est normal qu'il soit associé à la désignation du directeur général de l'Office. Il est du reste illégitime de jeter un soupçon général sur les services du ministère de l'intérieur, dont la conscience professionnelle doit au contraire être saluée.

Dans son rapport, M. Leonetti a légitimement insisté sur l'urgence d'un raccourcissement de l'instruction des demandes. Les délais actuels sont incompatibles avec le respect dû aux demandeurs, et ils encouragent les détournements de procédure.

M. de Villepin a rappelé ce matin la distinction à opérer entre droit d'asile et immigration. J'y insiste à mon tour, puisque MM. Caresche et Braouezec ont exprimé la crainte que ce texte ne soit dicté par la préoccupation de mieux maîtriser les flux migratoires. A cet égard, M. Gantier a eu raison de rappeler que l'exercice du droit d'asile n'a pas vocation à devenir un instrument de gestion des flux migratoires.

Nos consulats reçoivent chaque année trois millions de demandes de visas, et en accordent deux millions. Que l'on compare ces chiffres aux six à huit mille demandes d'asile satisfaites : encore une fois, la politique d'immigration ne passe pas par le droit d'asile. C'est d'ailleurs pour cela que les réformes de l'ordonnance de novembre 1945 et de la loi de juillet 1952 vous sont présentées séparément.

Plusieurs d'entre vous, dont le rapporteur, ont évoqué le traitement social des demandeurs d'asile. Le Gouvernement réfléchit à plusieurs formules, notamment pour ce qui concerne l'hébergement. Les ministères de l'intérieur et des affaires sociales sont également concernés. Vous avez évoqué le vécu quotidien de ces personnes en situation précaire dans l'attente du traitement de leur dossier. Nous en avons bien conscience. C'est pourquoi nous voulons, par cette réforme, raccourcir les délais. Depuis le début de 2003, plus de 450 Turcs d'origine kurde ont engagé, dans diverses villes, une grève de la faim pour tenter d'obtenir la révision de décisions pourtant définitives. La plupart du temps, ils n'avançaient aucun élément nouveau. Pourtant l'OFPRA et la Commission des recours ont réexaminé chaque cas avec soin. De même, nous nous efforçons de traiter avec humanité les Roms, concentrés en région parisienne et qui sont souvent en situation irrégulière. Des opérations ponctuelles d'évacuation de bidonvilles sont menées pour des raisons de salubrité. Mais dans celle du Val-de-Marne, sur 150 Roms concernés, quatre seulement ont été reconduits à la frontière. Les autres ont été relogés, grâce surtout à la Croix Rouge dont je salue l'action dans ce domaine.

Sur un plan général, la France, fidèle à sa tradition d'accueil et d'intégration, entend défendre sans réserve à Bruxelles le droit au travail et l'égalité des droits sociaux pour les bénéficiaires du droit d'asile ou de la protection subsidiaire.

Sur la question du droit d'asile à la frontière, je salue le travail effectué par M. Mariani, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne sur deux projets de directives traitant du droit d'asile. Il s'agit d'une procédure particulière, qui est de la compétence du ministère de l'intérieur, avec avis du ministère des affaires étrangères, pour faire obstacle aux demandes d'asile infondées au terme de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Le nombre de demandes d'asile à l'aéroport de Roissy a augmenté de 2 719 en 2001 à 3 216 en 2002, et la hausse s'accélère. Pourtant, les réponses favorables sont passées de 18,8 % des demandes en novembre 2002 à 3,4 % en mars 2003. Des agents de la direction des Français de l'étranger du ministère des affaires étrangères sont présents en permanence, y compris les dimanches et jours fériés. Tous les demandeurs sont donc entendus, et les dossiers traités dans les délais légaux de rétention. Face à cet afflux, que faire ? On peut imaginer que l'OFPRA installe à Roissy une plate-forme pour instruire les dossiers dans des délais raisonnables. Il faut y réfléchir. Le Gouvernement a, sur ce point également, le souci de ne pas confondre droit d'asile et immigration. Aussi les propositions pertinentes qui ont été présentées trouveront-elles plutôt leur place dans la réforme de l'ordonnance de 1945.

Le rapporteur et d'autres intervenants ont lié le succès de la réforme aux moyens que nous y affecterons. De 2000 à 2002, la subvention à l'OFPRA a doublé pour passer à 34,5 millions d'euros. La réforme aura un coût, elle nécessitera des moyens supplémentaires, une amélioration des méthodes de travail et de la productivité. Les 171 emplois créés en 2002 seront reconduits, d'autres créés pour mettre en place les nouvelles procédures. Les crédits à affecter à l'équipement informatique et au fonctionnement sont en cours d'évaluation et figureront dans le contrat d'objectifs et de moyens en préparation. Le Gouvernement en rendra compte lors du débat sur le budget de 2004.

La dimension européenne est essentielle, comme l'a souligné notamment M. Vanneste. Il nous faudra tôt ou tard transposer le droit communautaire ; réformer sans en tenir compte dès maintenant ne serait pas responsable. Nous avons désormais avec nos partenaires un destin commun, et laisser subsister des différences dans les législations nationales entraînerait des migrations secondaires à l'intérieur de l'espace Schengen. C'est pourquoi nous nous sommes déjà inspirés du droit européen pour introduire les notions d'asile interne, de pays sûr, de protection subsidiaire et d'origine non étatique des persécutions.

C'est la pratique de l'OFPRA et de la Commission des recours des réfugiés qui donnera toute leur portée à ces notions. Ces deux organismes, gardiens du respect de la convention de Genève, poursuivront leur action dans le même esprit, avec la possibilité de cassation en Conseil d'Etat, et toujours avec le concours attentif du HCR, je le confirme à M. Pinte. Nous le savons tous, les menaces ont évolué, les violences et atteintes au droit des gens prennent des formes diverses, dans des espaces qui échappent à la légalité internationale. Il faut en tirer les conséquences en ce qui concerne le droit d'asile. C'est l'objet de ces innovations d'inspiration communautaire.

Ce projet a été examiné par la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Le ministre des affaires étrangères a reçu les représentants du Secours catholique, de la Croix-Rouge, de France terre d'asile et d'autres associations. Il a rencontré les rapporteurs. De ces contacts, le Gouvernement a retiré la conviction que ce projet indispensable apportait des solutions pragmatiques, équilibrées et conformes à nos principes. La discussion ayant été approfondie, le Gouvernement vous demande de rejeter la motion de renvoi en commission.

Je me réjouis de cet échange et vous sais gré de vos propositions. Puisse ce débat assurer l'indispensable renouveau du droit d'asile en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. André Gerin - Nous voterons bien sûr cette motion comme nous avons voté l'exception d'irrecevabilité. Selon M. de Villepin, il faudrait refuser le statu quo et c'est bien ce que vous faites avec ce projet, mais ce n'est pour l'essentiel qu'un enterrement de première classe du droit d'asile !

M. Noël Mamère - Les députés Verts voteront eux aussi contre cet enterrement du droit d'asile, n'y voyant que régression par rapport à la vocation d'accueil de la France et par rapport à la convention de Genève. Parlant de « recentrer » le droit d'asile, de le rendre plus « performant » - comme si c'était une entreprise ! -, l'exposé des motifs fait état d'un risque de submersion de notre pays par les réfugiés. Mettons donc les choses au point : alors qu'on comptait 200 000 réfugiés « statutaires » en France dans les années cinquante, il n'y en avait plus que 100 000 l'an dernier et, s'il existe bien 22 millions de réfugiés dans le monde, venant pour la plupart de pays pauvres, la majorité ont trouvé asile, non en Europe, mais dans d'autres pays pauvres ! Enfin, dans cette Union si peu accueillante, la France ne vient qu'au onzième rang pour le nombre des réfugiés.

Le Président de la République a justifié son souhait d'accélérer les procédures par le fait que les délais excessifs favoriseraient une augmentation du nombre de réfugiés. Ce projet porte la marque de ce prétendu constat et nous ne le voterons donc pas. Depuis un an, sous la pression du ministère de l'intérieur, le gouvernement mène une politique sécuritaire qui assimile l'étranger à l'indésirable : nous revenons ainsi au fâcheux état d'esprit des années 1930, évoquées par M. Gerin. On ne peut ainsi soupçonner systématiquement de mauvaise foi ceux qui cherchent asile dans notre pays !

Il faudrait, dit-on, s'aligner sur la politique de l'Union européenne. Or, non seulement il n'existe pas encore de directives sur le sujet, mais, en anticipant sur leur élaboration, nous allons en fait donner le mauvais exemple à l'Europe. Et si alignement il y a, c'est uniquement sur les pires politiques : celles de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne !

Nous devons donc résolument nous battre contre ce projet. Le ministre des affaires étrangères brille à l'ONU ou devant les sommets africains, appelant à lutter contre les inégalités et pour le droit, mais lorsqu'il revient dans la marmite française, devant la France d'en bas, il suit la ligne sécuritaire du Gouvernement : comment qualifier cela autrement que de schizophrénie politique ?

M. Serge Blisko - Nous soutiendrons évidemment la motion brillamment défendue par M. Lurel. Notre collègue a su relever les défauts essentiels de ce projet, marqué par le soupçon et introduisant des notions dangereuses telles que celles de « pays sûr » ou d'« asile interne ». Il a également noté avec raison que, même si les dossiers sont instruits par l'OFPRA, la « protection subsidiaire » offrira une moindre protection que l'asile territorial institué en 1998. La commission a certes travaillé sérieusement, mais ce texte mérite d'être amplement amendé et je constate d'ailleurs que, de tous les bancs, on demande des précisions. Comment pourrait-on se contenter, par exemple, de parler de « garanties raisonnables » de non-persécution ? N'oublions pas qu'il y va de la vie d'hommes et de femmes !

M. Christian Vanneste - L'UMP votera contre la motion, convaincue que la discussion des articles permettra de répondre aux remarques pertinentes présentées par M. Pinte et d'autres. Mais comment ne pas être scandalisé lorsqu'on entend dire que la France n'aurait pas une politique honorable ? Pour l'accueil des réfugiés en Europe, notre pays est, non le onzième, mais le troisième ! Elle vient après la Grande-Bretagne qui, pour des raisons essentiellement économiques, a attiré beaucoup de réfugiés en leur permettant de travailler au bout de six mois seulement...

M. André Gerin - Quoi de plus normal ?

M. Christian Vanneste - Quant à l'Allemagne, si le nombre de demandeurs d'asile y a baissé de 10 % au cours des trois dernières années, le ministre rétrograde qui en est responsable n'a-t-il pas nom Joschka Fischer, Monsieur Mamère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Souvenez-vous de ce qu'a dit le philosophe : les belles âmes ont les mains propres, mais elles n'ont pas de mains ! Vous plaignez le malheur des réfugiés mais, avec les procédures actuelles, ce malheur dure deux ans. Nous préférons essayer de réduire le délai à deux mois et j'ai le sentiment que, ce faisant, nous menons une politique honorable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. Serge Blisko - Cet article concentre toutes les imperfections que nous avons dénoncées et appelle donc bien des amendements. En premier lieu, s'il est bon que les dossiers soient instruits par l'OFPRA, il conviendrait de renforcer la « protection subsidiaire » de manière à ce que les garanties soient au moins égales au plus petit dénominateur commun - celui qu'énoncera la directive à venir. A défaut, mieux vaudrait en revenir à l'asile territorial de 1998.

S'agissant de la protection contre les persécutions infligées par des acteurs non étatiques, nous refusons de nous en remettre à des partis ou même à des organisations internationales, fût-ce l'ONU. A Srebrenica - et cela ne remonte qu'à 1995, non aux années 1930 -, nous avons vu un chef de gang serbe déclarer au général français commandant les forces de l'ONU : « Vous pouvez partir, nous protégerons la population ! ». Ligotés par leur mandat, les officiers ont dû accepter et 7 000 musulmans bosniaques ont été égorgés. Je suis donc très inquiet lorsqu'on propose de s'appuyer sur tel ou tel parti sous prétexte qu'il serait hégémonique dans une partie d'un territoire - ce qui ouvre d'ailleurs le risque d'ethnicisation.

Comme le dit une histoire juive, on n'est pas « un peu » enceinte. Il en est de même des réfugiés ! Et s'il n'existe pas de réfugiés « à demi », tous ont droit à être accueillis en France.

Enfin, il serait fâcheux de charger l'OFPRA d'une mission d'ordre public qui n'a jamais relevé de sa vocation.

M. André Gerin - L'amendement 110 vise à supprimer un article inacceptable, qui contribue à développer la suspicion. Sous couvert de rationalisation et de simplification, le droit d'asile est restreint.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement revient à supprimer le guichet unique, et à empêcher la transformation de l'asile territorial en protection subsidiaire. Il supprime donc ce qui est considéré par tous comme une avancée pour les droits des réfugiés.

L'amendement 110, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - Le droit d'asile se fonde sur le Préambule de la Constitution de 1946. Les garanties offertes par ce texte ne peuvent évoluer au gré des normes communautaires, sauf à modifier préalablement notre Constitution comme cela a été fait en 1998. En outre, depuis 1993, le Conseil constitutionnel considère que la convention de Genève était assimilable à un principe de valeur constitutionnelle.

Nous ne pouvons pas déléguer notre souveraineté sur ce sujet, même à l'Union européenne. Tel est le sens de notre amendement 74.

M. le Rapporteur - Avis favorable. Cet amendement apporte en effet un élément supplémentaire dans les garanties fondamentales offertes par le droit national.

L'amendement 74, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko - L'amendement 75 vise à donner plus de poids au HCR.

L'amendement 75, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 19 précise que l'instruction du dossier est personnalisée. Il reviendra au décret de préciser les modalités concrètes.

M. Serge Blisko - C'est mieux !

M. le Ministre délégué - Avis favorable. Pour que l'OFPRA puisse se prononcer en toute connaissance de cause, il importe que le demandeur puisse faire valoir ses arguments et présente tous les éléments dont il dispose.

L'amendement 19, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 44 tend à définir plus précisément la notion de protection subsidiaire. La définition du projet s'inspire de celle actuellement débattue au sein de l'Union européenne, issue d'une proposition de directive. Or, la définition de la protection subsidiaire, notamment si elle est couplée aux notions d'asile interne et d'acteurs de la protection, va créer de nouvelles situations de personnes ni éligibles, ni reconductibles, en particulier si elles viennent de pays où existe un conflit armé, interne ou international.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Nous ne serions pas en conformité avec la directive, alors qu'il est logique d'harmoniser la définition sur le plan européen.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. La protection subsidiaire vise les étrangers qui sont personnellement menacés en cas de retour dans leur pays. Il ne s'agit pas d'étendre cette appréciation à une situation générale.

M. Noël Mamère - Notre proposition est peut-être contradictoire avec les directives européennes mais elle est conforme à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme qui, jusqu'à nouvel ordre, prime.

L'amendement 44, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - Le projet de loi, concernant la protection subsidiaire, est imprécis et trop éloigné de la directive. Il convient d'adopter des critères plus conformes à ce que prévoit l'article 15 de la proposition de directive.

L'amendement 77 ajoute donc à la peine de mort « la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants » mais aussi une violation suffisamment grave de l'un de ses droits individuels pour engager les obligations internationales de l'Etat membre ».

L'amendement 76 est de repli : il propose de revenir au texte de la loi Reseda de 1998.

M. le Rapporteur - Défavorable. Si l'on étend le champ de la protection subsidiaire, ce pourrait être aux dépens du droit d'asile conventionnel. Le HCR s'est lui-même inquiété du risque de confusion entre les deux statuts.

Quant à votre second amendement, je lui préfère l'amendement 20 de la commission, dont la portée est plus large, puisqu'il vise la personne humaine et donc notamment la protection de sa liberté.

M. Christophe Caresche - Le Gouvernement fait son marché dans la directive ! D'un côté, il présente son adoption comme une nécessité, mais sur des points précis, il n'en veut plus ! Il faudrait choisir et aller au bout de la logique.

M. le Rapporteur - L'incohérence formelle est effective, mais vous faites référence à la directive initiale qui a été, depuis, amendée.

Les amendements 77 et 76, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Gerin - La rédaction du II de cet article est imprécise. Pourquoi seuls les civils ou les militaires pourraient-ils être menacés sans rapport avec leurs activités militaires ? Comment apprécier la formule « menaces graves et directes » ? Comment une menace peut-elle être personnelle lorsqu'elle résulte d'une violence généralisée ? Ces observations justifient notre amendement 111.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

La suppression du c) du II revient à éliminer le contexte de violence, ce qui serait contraire à vos objectifs.

L'amendement 111, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Gerin - L'amendement 112 tend à réintroduire la notion de menace contre la vie ou la liberté d'une personne parmi les critères d'éligibilité à la protection subsidiaire.

M. Etienne Pinte - Le projet de loi remplace l'asile territorial par la protection subsidiaire, notion reprise de l'article 15 de la proposition de directive européenne du 12 septembre 2001, dans sa dernière version.

Or, les motifs ouvrant droit à la protection, retenus par le projet dans le cas de la protection subsidiaire, sont plus restreints que ceux prévus actuellement dans le cas de l'asile territorial.

Ainsi, en vertu de la loi du 11 mai 1998, le candidat à l'asile territorial doit établir que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». L'amendement 63 tend à maintenir pour la protection subsidiaire les motifs de protection actuellement applicables à l'asile territorial en y ajoutant la menace à la liberté.

On ne peut à la fois invoquer l'harmonisation même anticipée, avec la proposition de directive européenne et repousser ceux de nos amendements qui y font référence.

M. le Rapporteur - Je vous opposerai les mêmes objections que précédemment. En schématisant, la convention de Genève concerne les persécutions et la protection subsidiaire remplace l'asile territorial - dont j'espère, personne n'a la nostalgie - avec des garanties procédurales supplémentaires. Trop étendre le champ d'application de la protection subsidiaire risque de porter atteinte au statut de la convention de Genève.

M. le Ministre délégué - Même avis, en rappelant que la décision d'accorder l'asile était facultative dans le cadre de l'asile territorial, alors que le système de la protection subsidiaire liera l'OFPRA, dès lors que les critères posés par la loi sont satisfaits, d'où la nécessité que ceux-ci soient définis très précisément.

M. Serge Blisko - Une nouvelle fois, la rapidité d'écriture et la diversité des sources nous donnent l'impression que cette protection subsidiaire est moins protectrice que l'asile territorial tel que défini dans la loi Reseda.

Par prudence, je me rallie donc à l'amendement 63 de M. Pinte, sur lequel je demande un scrutin public.

M. Noël Mamère - Je partage l'avis de M. Blisko et j'ai du reste déposé un amendement 46 - dont je m'étonne qu'il ne soit pas en discussion commune.

Jusqu'à nouvel ordre, la notion de liberté fait partie des critères d'éligibilité au droit d'asile. La protection subsidiaire, telle que vous la proposez, est en contradiction avec la convention de Genève. Une nouvelle fois, vous privilégiez l'arbitraire des Etats sur le droit de la personne.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 63, je suis saisi, par le groupe socialiste, d'une demande de scrutin public.

M. André Gerin - Je retire l'amendement 112, au bénéfice du 63, plus explicite.

L'amendement 112 est retiré.

M. le Rapporteur - Monsieur Mamère, l'arbitraire, c'était l'institution de l'asile territorial par la majorité plurielle !

M. Noël Mamère - J'avais voté contre !

M. le Rapporteur - Mais vous votez toujours contre tout, que vous soyez dans la majorité ou dans l'opposition ! Cela vous donne une certaine constance ! (Sourires et quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Noël Mamère - Mieux vaut être indépendant !

M. le Rapporteur - Bref, dans la procédure d'asile territorial, la préfecture pouvait refuser cet asile s'il était contraire à l'intérêt du pays. On ne fait pas mieux comme définition floue ! Du reste, sur 30 000 demandes, seules un peu plus de 350 ont abouti ! Il convient de ne pas calquer la protection subsidiaire sur le statut de réfugié au sens de la convention de Genève, au risque de faire disparaître l'asile conventionnel.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Très bien !

M. Etienne Pinte - C'est vrai, la protection subsidiaire, est une avancée, pour ce qui est de la procédure. En revanche, sur le fond on ne retrouve pas la notion de liberté, présente dans le cadre de l'asile territorial.

M. Noël Mamère - Monsieur Leonetti, j'appartiens à ceux qui se sont opposés à la loi de M. Chevènement, notamment en raison de l'asile territorial, considéré comme un recul par rapport à la convention de Genève ; aussi n'allons-nous pas nous plaindre de lui voir substituée la protection subsidiaire, à condition qu'elle soit conforme à l'esprit de Genève !

En tant que maire, je reçois régulièrement des personnes ni expulsables, ni régularisables, qui ont été placées dans des situations effrayantes par les lois Pasqua et Debré que la gauche n'a pas abrogées comme elle s'y était engagée. Et voilà que l'on invite ces personnes à retourner dans leur pays où elles sont menacées, alors que notre devoir est de les protéger. J'ai du reste déposé un amendement sur l'insécurité générale, pour témoigner de notre attachement à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme.

A la majorité de 35 voix contre 8, sur 43 votants et 43 suffrages exprimés, l'amendement 63 n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - L'amendement 4 tend à supprimer les trois adjectifs « grave, directe et personnelle » surabondants et sources de contentieux.

M. Gilbert Gantier - Si l'adjectif grave est essentiel, je m'interroge sur « directe et personnelle », notions délicates à établir, l'exemple des persécutions menées par les Hutus contre les Tutsis en témoigne. L'amendement 98 tend donc à les supprimer.

M. le Rapporteur - Je comprends l'inquiétude qui s'exprime au travers de ces amendements, et qui était celle, aussi, de la commission. L'écueil était double : si la définition était trop complète, elle pouvait conduire à exclure certaines personnes du bénéfice du dispositif si elle était trop vague, on risquait d'étendre la possibilité de protection subsidiaire au-delà de ce qui était souhaité. C'est pourquoi la commission propose, par l'amendement 20, de rapprocher la définition du champ de la protection subsidiaire de celle qui figure dans la proposition de directive. Cette rédaction, à la fois précise et large, nous semble la mieux à même d'assurer la protection voulue.

M. Noël Mamère - L'amendement 46 tend à maintenir la notion de « menace grave contre la liberté ».

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car l'atteinte à la liberté figure au nombre des atteintes à la personne.

M. le Ministre délégué - Le choix des mots est en effet de la plus grande importance en cette matière. Le nouveau dispositif offrira de plus grandes garanties aux personnes menacées ; il convient donc de le rédiger avec prudence. La synthèse réalisée par la commission donne une rédaction équilibrée et satisfaisante. J'y suis favorable, et donc défavorable aux trois autres amendements.

M. Gilbert Gantier - Je retire l'amendement 98 au bénéfice de l'amendement 20 de la commission.

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 46 tombe.

M. Noël Mamère - L'amendement 113 de M. Gerin tend à ce que le bénéfice de la protection subsidiaire soit renouvelé automatiquement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable : les visas sont renouvelés chaque année, et les dossiers sont réexaminés à cette occasion. Quoi qu'il en soit, l'amendement est satisfait par le IV de l'article, qui dispose que le renouvellement peut être refusé si les circonstances ayant justifié l'octroi de la protection subsidiaire ont changé : a contrario, le renouvellement aura lieu si les circonstances n'ont pas changé.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

L'amendement 113, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Etienne Pinte - L'objet de l'amendement 64 est d'étendre la définition des membres de la famille à des personnes qui en sont exclues, notamment les ascendants du demandeur et de son conjoint ainsi que les mineurs qui ne sont pas leurs enfants mais étaient à leur charge à la date du départ du pays d'origine. Ainsi, l'amendement garantit le choix fondamental du demandeur d'une protection internationale à sa vie familiale et protège les membres de sa famille de l'éventualité de persécutions « par ricochet ».

En effet, on ne peut que trop bien imaginer que des enfants mineurs aient été confiés à des tiers par des parents qui se savaient menacés de mort et ont effectivement été assassinés.

La commission a objecté qu'une telle extension de définition faisait courir le risque d'abus. C'est possible, mais ces situations n'en sont pas moins réelles.

M. le Rapporteur - Vous conviendrez, Monsieur Pinte, que c'est à une très large majorité que la commission a repoussé cet amendement, qui n'est conforme ni à la jurisprudence ni à l'esprit du texte et dont les conséquences seraient que tout un village pourrait bénéficier du statut protecteur à partir d'une seule demande. Gardons-nous d'étendre ainsi ce droit, au risque d'obtenir un effet contraire à celui recherché : la protection des réfugiés.

M. le Ministre délégué - Les personnes qui bénéficient du statut de réfugié se voient octroyer une carte de résident pour dix ans, tout comme leur conjoint et leurs enfants mineurs. Il serait donc très risqué de revoir les règles de regroupement familial en vigueur. Je comprends l'esprit de l'amendement, mais je n'y suis pas favorable.

L'amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Etienne Pinte - L'amendement 129 a le même objectif, mais il restreint l'extension de la définition des membres de la famille aux ascendants du demandeur et de son conjoint.

Il est à noter que la Commission des recours des réfugiés a, pendant des années, inclus les ascendants du demandeur dans le principe de l'unité de la famille.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. Serge Blisko - Le problème posé est réel et tout réfugié peut être mortellement angoissé à l'idée de laisser derrière lui ses vieux parents dont il sait qu'il vont subir des représailles en raison même de son départ. Voyez tous les charniers découverts en Irak, qui contenaient les corps de tant d'innocents exécutés parce qu'ils étaient les parents d'un opposant enfui !

M. Etienne Pinte - Imaginez, chers collègues, vous retrouver dans une telle situation... Laisseriez-vous vos parents seuls chez eux ? Pensez-vous que mes parents auraient abandonné mes grands-parents, lorsqu'ils ont dû immigrer pendant la guerre ?

M. le Rapporteur - Je suis plutôt enclin à la modération, mais il ne faut pas exagérer ! Ce que vous demandez, c'est que la France octroie le statut de réfugié à une famille élargie au-delà même de ce que prévoit la convention de Genève ! Les amalgames ne servent pas la cause de la protection des réfugiés, ni ce type d'amendements, même s'ils partent du c_ur.

M. Etienne Pinte - Vous préférez la loi à l'homme !

M. le Rapporteur - Non, je défends des lois qui protègent les hommes !

L'amendement 129, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Gerin - L'amendement 114 supprime le deuxième alinéa du III de l'article. Nous sommes catégoriquement opposés à l'inscription dans la loi de la notion d'acteurs de protection. Le Gouvernement tente d'user de cette astuce pernicieuse pour refuser à des personnes gravement persécutées l'exercice du droit universel que constitue le droit d'asile.

L'amendement 114, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - Je défendrai ensemble les amendements 78 et 5 car ils procèdent de la même inspiration. Ils tendent à réaffirmer que seuls les Etats sont des autorités susceptibles d'offrir une protection ? Je ne fais pas confiance aux « agents de protection » tels que vous les envisagez - qu'il s'agisse d'ONG ou de services d'ordre - pour assurer une protection valable aux personnes menacées. J'ai encore en mémoire ce qu'on m'a appris à la faculté : seuls les Etats sont à même d'assurer un degré satisfaisant de protection à leurs ressortissants. Il est choquant de voir apparaître dans un texte de loi des sous-catégories constituées de pseudo-protecteurs.

M. le Rapporteur - Il faut bien comprendre que la situation internationale a changé du tout au tout en cinquante ans. Nous n'évoluons plus dans un environnement bipolaire, avec le camp du totalitarisme derrière le rideau de fer et celui de la liberté à l'Ouest. Le temps où des réfugiés des pays du bloc soviétique venaient trouver asile dans nos démocraties est révolu...

M. le Président de la commission des lois - Les flux inverses étaient plus rares ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - De nouvelles fractures sont apparues - ethniques, religieuses, mafieuses, terroristes - et leur nature souvent inédite doit nous conduire à reconnaître l'existence de persécutions non étatiques. Parallèlement, cela impose d'admettre que certaines parties du territoire d'un Etat peuvent être sécurisées par des acteurs non étatiques. La notion d'Etat est remodelée par l'existence de situations de fait qui doivent nous inciter à renouveler notre approche de la souveraineté étatique. La commission est donc défavorable à ces amendements.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement partage le point de vue de votre rapporteur. Les situations de fait qu'il décrit ont du reste vocation à se multiplier. Il est ainsi tout à fait concevable que des organisations internationales régionales puissent être responsables de la sécurité d'un territoire.

M. Christophe Caresche - Nul ne conteste que le monde d'aujourd'hui soit plus complexe que celui d'hier et cela n'est d'ailleurs pas de nature à nous rassurer !

M. le Rapporteur - Avez-vous la nostalgie du mur de Berlin ?

M. Christophe Caresche - Voyez l'exemple irakien : peut-on vraiment considérer que la présence de forces armées a priori démocratiques sur le territoire est de nature à sécuriser totalement le pays ? Le déploiement de ces forces a-t-il empêché tout débordement ? Des règlements de compte et des pillages n'ont-ils pas eu lieu ?

Le concept d'agent de protection nous semble dangereux. Si vous l'introduisez dans notre droit, on voit mal comment le droit d'asile tel qu'il est d'usage de l'envisager pourra s'exercer de façon satisfaisante.

M. Noël Mamère - Je partage toutes les réserves de M. Caresche et les arguments de M. Leonetti ne résistent guère à l'analyse. Au reste, ne sont-ils pas contradictoires avec la position du Président de la République et du ministre des affaires étrangères dans la crise irakienne, position que nous avons soutenue dans la mesure où elle tendait à réaffirmer la primauté du droit et du multilatéralisme face à un George Busch tenté de réduire l'ONU au rang de simple organisation humanitaire. Il s'agissait donc bien, fût-ce indirectement, de marquer l'attachement de la France au respect des règles du droit international dont seuls les Etats sont les sujets.

Monsieur Leonetti, nul ne se plaint de la fin des totalitarismes, mais il est pour le moins simpliste d'opposer sans nuance le camp de la liberté et celui de l'oppression stalinienne ! Dois-je rappeler l'action colonialiste de la France en Afrique, son soutien récent aux régimes les plus autoritaires, au Congo ou ailleurs ? Son silence complaisant à l'égard de son nouvel allié privilégié, M. Poutine, dont les Tchétchènes vérifient chaque jour l'esprit d'ouverture et l'humanisme !

Va-t-on laisser se diffuser la notion à haut risque d'agent de protection ? N'ouvrons pas cette porte aux apprentis tyrans, et pour éviter tout retour de l'arbitraire, restons dans le champ des instruments traditionnels du droit des gens.

M. le Rapporteur - Monsieur Mamère, vous nous avez fait votre grand numéro habituel sur la défense des droits de l'homme et vous ne nous avez rien épargné de votre vision de la place que doit occuper la France dans le monde, mais je vous rappelle que nous sommes en train d'examiner des amendements, dans le cadre d'un texte bien précis, et que, plus généralement, nous n'avons pas de leçon à recevoir de vous (M. Mamère proteste).

Quant à la prétendue contradiction que vous avez cru déceler dans la position du Gouvernement, elle ne m'a pas davantage convaincu que l'exemple fort mal choisi que M. Caresche a cru devoir développer au sujet de la crise irakienne.

De grâce, laissez-nous poursuivre sereinement l'examen de ce texte et réservez vos grandes envolées à la salle des Quatre colonnes dont vous êtes l'un des plus fidèles habitués (M. Mamère proteste et demande la parole).

M. le Président - Monsieur Mamère, les interventions pour fait personnel, si tel est bien le sens de votre demande, ont lieu en fin de séance.

M. Noël Mamère - J'ai été mis en cause personnellement ! Je suis investi de la légitimité démocratique que m'ont donnée les élections qui m'ont porté ici !

M. le Président - Reconnaissez que ce débat s'est déroulé jusqu'à présent dans d'excellentes conditions et que les députés Verts, bien que n'appartenant à aucun groupe, ont pu déposer de nombreux amendements...

M. Noël Mamère - Le droit d'amendement du député est imprescriptible ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Si cela peut aider M. Mamère à retrouver son calme, je veux bien retirer mes propos à son égard.

M. Noël Mamère - Dont acte.

M. le Président - Reprenons le cours normal de nos travaux.

L'amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 5.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 97 est défendu.

L'amendement 97, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Vanneste - L'amendement 102 de M. Mariani est défendu.

L'amendement 102, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - Notre amendement 6 supprime l'inquiétante notion d'asile interne. Les exemples qui viennent à l'esprit montrent à quel point elle serait difficile à appliquer, voire dangereuse. Elle est du reste contraire à la convention de Genève.

M. Noël Mamère - Je tiens d'abord à rappeler que le droit d'amendement est imprescriptible, y compris pour les non-inscrits, porteurs comme les autres d'une parcelle de la souveraineté nationale et qui peuvent donc s'exprimer...

M. le Président - Tout au moins, jusque qu'à ce que l'Assemblée soit suffisamment éclairée.

M. Noël Mamère - Bien sûr.

L'amendement 45 est également de suppression. J'ai dit, dans la discussion générale que la notion d'asile interne n'est pas conforme à la convention européenne des droits de l'homme et est même anticonstitutionnelle. Que signifie-t-elle pour un Tzigane de Roumanie, pour un Kurde de Turquie, un Afghan qui, dans son pays « libéré », n'appartient pas au clan de tel ou tel seigneur de guerre ? C'est un recul par rapport à la convention de Genève.

M. André Gerin - L'amendement 115 est identique. Cette notion signifie-t-elle que la partition d'un Etat est une solution pour mettre en sécurité une partie du territoire ? A ce titre, la Grande-Bretagne de 1940 aurait-elle dû refuser l'asile au général de Gaulle parce qu'il existait en France une zone libre ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Charles Cova - Et Maurice Thorez à Moscou, il avait le droit d'asile ?

M. André Gerin - N'est-ce pas conduire l'OFPRA à rechercher des zones sûres plutôt qu'à examiner les demandes ? Mais la majorité devrait garder son calme.

M. le Président - Pour cela, il faudrait éviter les provocations.

M. André Gerin - Vous savez que ce n'est pas mon style. C'est la majorité qui réagit vivement.

M. le Rapporteur - D'accord, Monsieur Gerin, prenons votre exemple. Winston Churchill examine la demande d'asile du général de Gaulle. Il ne conclura certainement pas de l'existence d'une zone non occupée que celui qui s'est élevé non seulement contre l'occupant, mais contre un gouvernement qui collabore avec lui, peut y trouver refuge. Le général de Gaulle obtiendra donc le droit d'asile.

L'asile interne est certes une notion difficile à cerner, mais elle est conçue de façon très restrictive dans les termes comme dans l'esprit. Si l'on peut avoir le moindre doute sur le fait qu'elle bénéficie au demandeur, on ne l'appliquera pas. L'OFPRA est assez raisonnable pour ne pas mettre en jeu l'image de la France.

M. le Ministre délégué - Les conflits dans le monde ont beaucoup évolué, comme les formes de persécution. Il faut en tirer les conséquences. La notion d'asile interne n'est pas contraire à la convention de Genève, selon le HCR. Bien entendu elle est à manier avec une extrême prudence ; nous en avons bien conscience. Il n'est donc pas question de l'appliquer de façon abstraite et indistincte à tous les demandeurs d'asile, à partir d'une liste de régions ou de pays. Les dossiers seront examinés au cas par cas. Il existe par exemple en Afrique des régions où les membres de telle ethnie seront en sécurité, et où les membres d'une autre ethnie ne le seront pas. Le Gouvernement proposera, par l'amendement 88, une rédaction qui encadre bien cette notion. Il est évidemment défavorable aux amendements de suppression.

M. Serge Blisko - Puisque l'asile interne vous fait si peur, le mieux est encore d'y renoncer. Trop d'exemples en montrent la complexité. Dans le nord de l'Etat macédonien - la FYROM -, mosaïque de peuples, un village est albanais, le suivant est serbe, et chacun persécute le voisin. Au moment du conflit dans cette région, où l'OFPRA aurait-il renvoyé les demandeurs d'asile ? Et qu'aurait-il fait des couples mixtes de Sarajevo ? Aurait-il renvoyé le mari, musulman, en Bosnie, la femme, catholique, en Croatie, les enfants ayant le droit de se faire massacrer des deux côtés ? Dans notre monde éclaté, il faut donner un vrai droit d'asile aux victimes de l'Histoire.

Les amendements identiques 6, 45 et 115, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Serge Blisko - Notre amendement 79 est de précision et pour tout dire de méfiance. Il faut au moins reconnaître l'existence du droit d'asile avant de le refuser.

M. le Rapporteur - La commission, qui a travaillé dans un climat de confiance, y a été défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 79, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - Les amendements 80 et 81 sont défendus.

Les amendements 80 et 81, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Serge Blisko - Ne nous contentons pas de généralités ! L'amendement 82 est un amendement de précaution, plus que de défiance : il énonce tous les points qu'il appartiendra aux agents de l'OFPRA de vérifier.

M. le Rapporteur - Il est satisfait par l'amendement 88, qui suit.

M. le Ministre délégué - En effet !

L'amendement 82, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre délégué - Si le Gouvernement présente l'amendement 88, ce n'est pas parce qu'il serait brusquement saisi d'une inquiétude, comme on l'a soutenu tout à l'heure. Simplement, nous essayons de tenir compte des suggestions avancées à la faveur du débat et de préciser, lorsque cela paraît utile, les dispositions présentées. En l'occurrence, il s'agit de compléter le dernier alinéa du III par la phrase suivante : « L'Office tient compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire et de la situation personnelle du demandeur au moment où il statue sur la demande d'asile. » Je crois qu'il s'agit d'une bonne synthèse des amendements précédents...

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Christophe Caresche - Je m'interroge sur la portée juridique de cet amendement, au demeurant bien révélateur de l'inquiétude que le Gouvernement, quoi qu'il dise, éprouve devant la difficulté qu'il y aura à organiser cet « asile interne ». Ne lit-on pas, d'ailleurs, dans l'exposé des motifs, qu'il « convient d'être prudent et de s'assurer avec une vigilance particulière que nul ne pourra être renvoyé dans un pays ou une région où il risquerait d'être persécuté » ? Visiblement, vous ne parvenez pas à exclure la possibilité d'une persécution !

Il aurait, d'autre part, valu la peine que le Gouvernement rende public l'avis du Conseil d'Etat sur cette notion d'asile interne. Je crains bien, en effet, qu'elle ne puisse servir de fondement à une censure du Conseil constitutionnel.

M. Pierre Cardo - Nous verrons !

L'amendement 88, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 21 est rédactionnel.

L'amendement 21, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - S'agissant de la protection subsidiaire, il est inquiétant, sinon incompréhensible, qu'on ajoute des clauses d'exclusion autres que celles que mentionne la convention de Genève et, en particulier, le « crime grave de droit commun » sans se préoccuper du lieu où ce crime aurait été commis. Outre que cette notion est des plus floues en droit français, on ne voit pas pourquoi le demandeur de protection subsidiaire serait soumis à des conditions plus rigoureuses que le demandeur du statut de réfugié.

De plus, contrairement à ce qui est dit dans l'exposé des motifs, cette possibilité de refuser la protection subsidiaire aux auteurs de crimes graves ou aux personnes menaçant la sécurité ou l'ordre public n'a aucun équivalent dans l'article 1F de la convention de Genève de 1951. D'où l'amendement 47.

L'amendement 116 de MM. Gerin et Braouezec a le même objet. Dans certains pays, font valoir ses auteurs, il arrive que des infractions de nature politique soient considérées comme des crimes de droit commun et cette disposition serait une porte ouverte à l'arbitraire.

M. le Rapporteur - La protection subsidiaire relève de la compétence nationale, et non de la convention de Genève. Or quel Etat accepterait de faire entrer sur son territoire l'auteur d'un crime grave de droit commun ? Revenez un peu sur terre !

Les amendements 47 et 116, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Serge Blisko - Après le propos que vient de tenir M. Leonetti, je pense qu'il acceptera l'amendement 83 !

L'amendement 83, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - L'amendement 7 tend à supprimer le d) du IV : pourquoi ajouter à la charge de l'OFPRA en lui demandant d'écarter les individus dont le séjour représenterait un risque pour l'ordre public ? La loi donne déjà ce pouvoir au ministre de l'intérieur et au préfet et il serait absurde de déléguer cette compétence régalienne à l'Office, qui n'a pas à connaître de troubles à l'ordre public purement virtuels, d'autant que la disposition ne concernerait que quatre ou cinq personnes chaque année.

M. Christophe Caresche - C'est l'effet Sarkozy !

M. Noël Mamère - Si vous le voulez bien, Monsieur le Président, je présenterai ensemble les amendements 48 et 117, identiques au 7.

Le 3° de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 n'autorise à refuser un séjour que si le demandeur d'asile constitue une menace « grave » pour l'ordre public. Or, dans le projet, il ne s'agit que d'une menace simple. Comme M. Caresche, j'ai bien le sentiment que cette disposition a été inspirée par le ministre de l'intérieur...

M. Etienne Pinte - Ce matin, le ministre des affaires étrangères ne nous a rassurés qu'en partie : à ma connaissance, une telle compétence n'a jamais été attribuée à l'OFPRA. Dès lors, cette disposition du d) est-elle bien constitutionnelle ? D'autre part, puisqu'on invoque sans cesse la nécessité d'une harmonisation communautaire, je rappelle que cette clause d'exclusion ne figure pas à l'article 17 de la proposition de directive du 12 septembre 2001, en tout cas dans la dernière version publiée. D'où l'amendement 65.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Christophe Caresche - Ces réponses sont un peu courtes ! M. Pinte a fait valoir un argument juridique qui pourrait devenir un motif d'inconstitutionnalité : on ne peut confier à un établissement public une compétence d'ordre public, c'est-à-dire une compétence régalienne ! Il me semble que cela appellerait au moins quelques précisions de la part du Gouvernement.

M. le Rapporteur - Vous connaissez parfaitement la réponse !

L'amendement suivant précisera que, si la menace à l'ordre public est dépourvue de gravité, l'Office n'aura pas à la prendre en considération. Mais vous ne pouvez faire comme si le terrorisme n'existait pas ! La directive qui va être adoptée comportera donc, très certainement, une disposition de ce genre.

Vous vous inquiétez des immixtions du ministre de l'intérieur. Notez que, pour une fois qu'une compétence d'ordre public est donnée à l'OFPRA - organisme indépendant -, il n'y a pas lieu de s'en inquiéter.

M. Noël Mamère - Vous ne nous avez pas rassurés. Nous nous plaindrions de ce que le ministère de l'intérieur mette la main sur l'OFPRA. Vous venez de donner la réponse : c'est parce que le ministère de l'intérieur a mis la main sur l'OFPRA que l'Office assumera des fonctions d'ordre public et de police, qui sont des fonctions régaliennes.

M. le Rapporteur - Vous mettez un certain talent à détourner les propos des autres. Essayez d'abord de comprendre ce que vous exprimez avant de faire l'exégèse de ce que vous ne comprenez pas.

Les amendements 7, 48, 65 et 117 identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 22 est défendu.

L'amendement 22, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - Je demande à M. le rapporteur d'avoir la gentillesse de bien vouloir se calmer. Les débats doivent se poursuivre dans une atmosphère constructive. Nous sommes là pour défendre les libertés et les améliorer, non pour tourner en ridicule ceux qui siègent sur ces bancs et essaient de remplir la fonction pour laquelle ils ont été élus.

Le projet de loi prévoit que le titre de séjour du bénéficiaire pourra lui être retiré « à tout moment », ce qui risque de le laisser dans une incertitude permanente et prouve la nature précaire du nouveau statut de protection subsidiaire.

L'amendement 49 propose de supprimer l'avant-dernier alinéa du IV de cet article, tout comme l'amendement 118. MM. Guérin et Braouezec considèrent que cette possibilité de « réexamen » et de « retrait à tout moment » confond les clauses d'exclusion du statut et les clauses de cessation du statut que la convention de Genève distingue pourtant clairement.

Cette disposition est inquiétante car elle passe sous silence la procédure de réexamen et de retrait, alors que, pour les réfugiés, ces mesures ouvrent droit à un recours suspensif devant la Commission des recours.

M. le Rapporteur - Monsieur Mamère, je respecte autant votre personne que vos électeurs. Votre interprétation était contraire à ce que j'avais exprimé. Je ne pouvais pas ne pas penser qu'il s'agissait d'une intention perverse de détourner la vérité.

Il faut relire le texte. Certes, l'OFPRA procède à un réexamen qui peut « à tout moment... » conduire au retrait de la protection subsidiaire. Mais vous oubliez de dire « pour les motifs énumérés aux alinéas a) b) c) et d) précédents ». Je vous rappelle que ces alinéas font mention, entre autres, d'activités terroristes.

Les amendements 49 et 118, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Serge Blisko - L'amendement 72 propose, dans l'avant-dernier alinéa du IV de cet article, de supprimer les mots « ou à la demande du représentant de l'Etat ».

M. le Rapporteur - L'exemple précédent montre que le préfet est à même de demander le réexamen. C'est le ministre de l'intérieur qui aura connaissance des actes susceptibles de justifier le retrait.

L'amendement 72, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 73 tombe.

M. le Rapporteur - L'amendement 23 est rédactionnel.

L'amendement 23, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 50 tend à supprimer le dernier alinéa du IV de cet article.

Le projet de loi prévoit un réexamen à chaque renouvellement et peut être interprété comme laissant la charge de la preuve du non-changement au bénéficiaire de la protection. Or, selon la proposition de directive du 12 septembre 2001, le titre délivré au bénéficiaire de la protection subsidiaire doit être automatiquement renouvelé, et la preuve d'un changement permettant de refuser le renouvellement incombe aux autorités.

M. le Rapporteur - Sur le fond, M. Mamère a raison. Il convient toutefois de relire le texte intégralement. Le bénéfice de la protection judiciaire peut être retiré « lorsque les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond pour que celles-ci ne soit plus requises ».

L'amendement 50, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Etienne Pinte - L'amendement 66 propose de rédiger ainsi le dernier alinéa du IV de cet article : « Le bénéfice de la protection subsidiaire doit être renouvelé automatiquement, à moins qu'il soit établi par l'Office que les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond et durable pour que la protection ne soit plus requise. »

Cet amendement met le projet de loi en conformité avec l'article 16 de la proposition de directive du 12 septembre 2001, dans sa dernière version publiée.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. L'idée est la même que celle que nous défendons mais nous préférons la rédaction telle qu'elle est formulée dans le projet.

L'amendement 66, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. le Rapporteur - Par l'amendement 24 rectifié, la commission propose que deux parlementaires, l'un désigné par l'Assemblée nationale, l'autre par le Sénat, siègent à l'OFPRA.

Leur participation est d'ores et déjà prévue dans d'autres établissements publics placés sous la tutelle du ministre des affaires étrangères, tels que l'agence pour l'enseignement français à l'étranger.

L'amendement 24 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko - L'amendement 8 tend à substituer aux mots « des représentants de l'Etat » les mots « un représentant du ministre des affaires étrangères, un représentant du Garde des Sceaux, ministre de la justice, un représentant du ministre de l'intérieur, un représentant du ministre des finances, un représentant du ministre du travail et de la sécurité sociale, un représentant du ministre de la santé publique et de la population ».

M. le Rapporteur - C'est une bonne proposition que de conserver le caractère interministériel de l'OFPRA, mais elle relève du domaine réglementaire. Il existe aujourd'hui un ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité mais dans un autre gouvernement, son titre pourrait changer ; il faudrait donc changer le texte de la loi. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Je confirme le caractère interministériel du conseil d'administration de l'OFPRA.

Le Conseil d'Etat a estimé en effet que l'énumération des départements ministériels considérés relevait plutôt du domaine réglementaire.

A ce stade, avis défavorable.

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 25, 2e rectification, tend à confier, à titre transitoire, au conseil d'administration de l'OFPRA, l'élaboration de la liste des pays d'origine sûrs, à laquelle seront associés le représentant du HCR et les trois personnalités qualifiées autorisées à assister aux séances du conseil d'administration.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

M. Noël Mamère - Qu'est-ce qu'un pays sûr ? La Turquie l'est-elle pour les Kurdes ? La Côte d'Ivoire pour les « gens du Nord » ? L'Algérie pour ceux qui s'opposent à la dictature des généraux et des intégristes ? Cette notion, couplée à celle de l'asile interne, est dangereuse.

M. le Rapporteur - La notion de pays sûr n'est pas nouvelle. M. Chevènement disait en 1997 qu'il ne faut pas encombrer l'OFPRA et la Commission des recours de demandes manifestement infondées. C'est le sens de la procédure accélérée, ajoutait-il, qui concernera les ressortissants de pays devenus ou redevenus démocratiques. La notion de pays sûr existe depuis longtemps, mais elle était à la discrétion d'un seul homme. Aujourd'hui, nous vous proposons un dispositif plus démocratique, avec une liste évolutive qui tiendra compte des aléas de la situation internationale. Comme M. Jourdain avec la prose, on utilisait la notion de pays sûr en le sachant et sans le savoir.

M. Christophe Caresche - J'ai ici la réponse du Gouvernement à l'avis de la CNCDH sur l'asile en France, en date du 6 juillet 2001 : « Les autorités françaises regrettent, comme la CNCDH, la place importante réservée par la Commission au concept de pays tiers sûrs, et de pays d'origine sûrs, étrangers à notre tradition juridique en matière d'asile. Ces concepts, pourtant appliqués par la plupart de nos partenaires européens, pour écarter d'office l'examen de certaines demandes, paraissent difficilement acceptables. La France maintient le principe d'un examen individuel de toutes les demandes d'asile ».

M. Serge Blisko - Il y a aussi des pays à moitié sûrs, et des pays aux trois quarts sûrs ! Voyez La résistible ascension d'Arturo Ui : on commence par une petite atteinte sans gravité aux libertés, et on termine par la dictature la plus féroce. Cette notion est trop subjective : un Français n'a-t-il pas obtenu l'asile politique aux Etats-Unis ? Et pourtant, la France est un pays sûr !

M. le Rapporteur - C'est vrai, la démocratie parfaite n'existe pas, et méfions-nous des pays qui croient y être parvenus. En revanche, être un ressortissant d'un pays sûr n'exclut pas l'obtention d'une demande d'asile. La situation était la même dans la loi Chevènement, si ce n'est que désormais sera établie une liste évolutive de pays sûrs.

L'amendement 25, 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko - J'attends les propositions de M. le rapporteur pour savoir si je défends l'amendement 9.

M. Noël Mamère - L'amendement 53 restaure la représentation des organisations chargées de l'accueil des réfugiés et demandeurs d'asile aux séances du conseil d'administration de l'OFPRA. Leur suppression marquait un recul important du dialogue et de la coopération entre l'OFPRA et les associations, alors même que la compétence du conseil d'administration est accrue.

M. le Rapporteur - L'amendement 26 prévoit qu'au moins l'une des trois personnalités qualifiées représente les organismes participant à l'accueil et à la prise en charge des demandeurs d'asile et des réfugiés.

M. Serge Blisko - Je retire l'amendement 9.

L'amendement 9 est retiré.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable au 53, favorable au 26.

M. Noël Mamère - Ces personnalités auront-elles une voix délibérative ou uniquement consultative ?

M. le Rapporteur - Sur ce point, votre amendement ne se différencie pas du mien. Elles n'auront qu'une voix consultative.

L'amendement 53, repoussé par la commission, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 26, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 52 exclut la participation du ministre de l'intérieur au choix du candidat au poste de directeur de l'OFPRA, ce choix ne relevant pas de ses compétences, ni de ses domaines de responsabilité. Votre projet, loin de se préoccuper de la protection des persécutés, ne vise qu'à une gestion restrictive des flux migratoires et à une stratégie sécuritaire.

M. le Rapporteur - Etes-vous sérieux ou est-ce de la provocation ? Si nous ne votons pas cette loi, 30 000 demandes d'asile territorial continueront de relever des préfets, qui sont sous la tutelle du ministère de l'intérieur, personne n'en disconviendra !

L'OFPRA étant rattaché au ministère des affaires étrangères, la moindre des choses est qu'une collaboration s'instaure entre ce ministère et celui de l'intérieur, puisqu'il y va de l'intérêt de la nation - mais je sais que ce mot a pour vous, Monsieur Mamère, des propriétés urticantes (M. Mamère proteste). Il faudrait aussi que l'on cesse de considérer le ministère de l'intérieur comme un repère de tortionnaires, d'éjecteurs de demandeurs d'asile uniquement désireux de refouler aux frontières des malheureux à la recherche d'un peu d'humanité ! Est-il besoin de rappeler que certains ministres de l'intérieur ont été ou sont de grands démocrates et qu'en République les forces de l'ordre ne répriment pas les individus, mais les défendent ? Il me semble donc insultant de donner à penser que toute action policière serait attentatoire aux droits de l'homme.

M. Noël Mamère - J'observe que vos amalgames caricaturaux n'ont rigoureusement rien à voir avec l'amendement. Cessez donc de prétendre avoir le monopole de l'amour de la nation et de la patrie ! Ce n'est pas parce que je n'ai pas la même conception que vous de la République que je ne la défends pas ! Déjà, votre gouvernement multiplie les ségrégations envers les plus faibles...

M. Pierre Cardo - Pas de provocations !

M. Noël Mamère - ...alors, arrêtez !

S'agissant de l'amendement proprement dit, je répète que l'OFPRA, qui dépend du ministère des affaires étrangères et non de celui de l'intérieur, n'a rien à voir avec l'ordre public. Faire intervenir le ministre de l'intérieur dans la désignation du directeur de l'office, c'est bien introduire la politique sécuritaire du Gouvernement dans la protection des persécutés, ce que nous récusons. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que nous tenons le ministère de l'intérieur pour le ministère des casseurs ! Pour autant, nous entendons critiquer ce qui doit l'être, comme nous en avons le droit.

M. le Président - Mes chers collègues, je vous rappelle que notre ordre du jour est particulièrement chargé et je vous invite à la concision.

M. Noël Mamère - Ce n'est pas nous qui avons défini le calendrier des travaux !

M. Christophe Caresche - Personne ne peut nous accuser d'avoir allongé les débats ! J'ai compris des arguments du rapporteur que la désignation conjointe du directeur de l'Office est la contrepartie de la disparition de l'asile territorial, ce qui peut se concevoir. Mais que se passera-t-il si les deux ministres ne sont pas d'accord sur le nom du candidat ?

M. le Rapporteur - Votre imagination est sans limites ! Ne pourriez-vous imaginer, aussi, un arbitrage du Premier ministre ? Je tiens à dire à Monsieur Mamère que je ne tiens pas particulièrement à caricaturer, mais qu'il ne doit pas s'étonner que ses provocations trouvent un écho.

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - Je rappelle à la présidence que nous avons écourté nos interventions, ce matin, à la demande du ministre, et que nous ne faisons rien pour allonger le débat, qui d'ailleurs va bon train. Sur le plan strictement médical, je m'inquiète du surmenage qui guette notre ministre de l'intérieur : après la décentralisation, la Corse, l'école, maintenant l'OFPRA ! (Sourires) C'est trop !

Plus sérieusement, l'Office se débrouillera très bien sans la grosse main du ministère de l'intérieur. Je n'ai rien contre les préfets - qui peut oublier que Jean Moulin était des leurs ? - mais l'on sait bien qu'aucune des polices du monde n'a de sympathie particulière pour ceux qui passent les frontières. Et puis, aux brodequins de l'intérieur, je préfère les escarpins de la diplomatie (Sourires). Il est en effet très délicat de devoir accorder le droit d'asile à des ressortissants de pays avec lesquels nous entretenons par ailleurs des relations politiques et économiques. Ainsi, par exemple, les réfugiés kurdes. Je suis membre du groupe d'amitié France-Turquie et je n'ignore pas que ce sujet va devenir très délicat lorsque la Turquie finira par rejoindre l'Union européenne. Je ne vous cache pas que je préfère voir le ministère des affaires étrangères traiter cela plutôt que la place Beauvau. Voilà ce qui explique l'amendement 10.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Je me garderai de commenter les considérations de M. Blisko, sauf pour lui dire qu'il me semble de bonne politique de garantir la concertation interministérielle s'agissant de l'OFPRA. J'ajoute que la désignation conjointe est de pratique courante. Avis, donc, défavorable.

L'amendement 10, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - L'article organise la transmission des informations concernant les demandeurs d'asile au ministère de l'intérieur. Mais si ceux-ci sont arrivés clandestinement pour échapper à ceux qui les persécutent, ils cessent d'être des clandestins au moment où ils demandent l'asile, puisqu'ils donnent leur identité véritable. C'est même le signe distinctif des demandeurs d'asile abusifs que de donner une fausse identité.

Il n'y a pas moins clandestin que le demandeur d'asile. Outre sa nationalité et son état civil, c'est tout son douloureux parcours qu'il dévoile à l'officier de protection - titre enviable ! - de l'OFPRA. Il est bien conscient que tout mensonge peut le conduire à ne pas obtenir l'asile. Il se doit donc de fournir des éléments biographiques très précis, des coupures de presse, des photos, le récit détaillé des souffrances endurées...

Dans bien des cas, une véritable relation de confiance s'instaure. Dès lors, quelle marque de défiance à l'endroit du demandeur que de lui signifier que tout ce qu'il a pu livrer pourra être transmis au ministère de l'intérieur, ainsi que se retourner contre lui. Il y a là quelque chose de profondément choquant. On ne peut s'engager dans la voie pernicieuse qui conduirait à transformer les officiers de protection de l'OFPRA en auxiliaires du ministère de l'intérieur.

M. Noël Mamère - M. Blisko a défendu son amendement avec beaucoup de justesse et d'humanité. Les amendements 51 et 119 corrigé sont identiques au sien.

M. le Rapporteur - Je vous renvoie au texte. Si, à l'issue d'une instruction très attentive du dossier, la demande d'asile est rejetée, le demandeur peut former un recours devant des juges dont l'impartialité ne peut être mise en cause. Si ces derniers rendent une nouvelle décision négative, le demandeur devient un débouté du droit d'asile. Il ne s'agit donc pas de communiquer des données confidentielles sur la vie intime d'un demandeur lambda mais de transmettre sous certaines conditions des informations relatives à l'état civil et à la nationalité d'origine d'un débouté ayant épuisé toutes les voies de recours.

J'ai consulté la Commission des recours des réfugiés et l'OFPRA sur le point de savoir si le doute profitait au demandeur. Sans ambiguïté, la réponse est affirmative. Il existe donc un double filtre impartial.

De plus, les données ne sont transmises que si cette communication est nécessaire et si elle ne porte en rien atteinte à la sécurité de la personne considérée ou de ses proches. Le dispositif est donc entouré de toutes les garanties nécessaires.

Au reste, il n'est nullement envisagé d'appliquer brutalement la loi. Un débouté ayant épuisé les voies de recours aurait théoriquement vocation à être reconduit dans son pays d'origine. Or, compte tenu des délais d'instruction des demandes, cela n'arrive jamais. On ne peut renvoyer dans son pays d'origine un ancien demandeur installé depuis quatre ans dans notre pays ! On n'ose pas le renvoyer et on a raison. Si la décision de refus intervient dans un délai raisonnable, il est concevable que la personne puisse être incitée à rentrer chez elle mais cela ne sera envisageable que s'il n'y a pas de risque avéré pour sa sécurité ou pour celle de ses proches.

Le droit c'est des mots et les mots ont un sens. Ce texte offre des garanties supplémentaires : adoptons-les.

M. Christophe Caresche - Le problème, Monsieur Leonetti, c'est que cette disposition méconnaît la décision du Conseil constitutionnel du 22 avril 1997 aux termes de laquelle la confidentialité des éléments détenus par l'OFPRA est une garantie essentielle du droit d'asile et qu'elle contredit le cinquième alinéa de l'article 3 du présent texte disposant que les locaux, les archives et tous les documents détenus par l'OFPRA sont inviolables !

Comment expliquez-vous une telle contradiction ?

Les amendements 11, 51 et 119 corrigé, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 27 est rédactionnel.

L'amendement 27, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30

La séance est levée à 20 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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