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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 96ème jour de séance, 231ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 6 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR 2

LOI DE PROGRAMME POUR
L'OUTRE-MER (suite) 2

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 2

AVANT L'ARTICLE PREMIER 14

ARTICLE PREMIER 17

APRÈS L'ART. PREMIER 28

ART. 2 29

APRÈS L'ART. 2 29

ART. 3 30

ART. 4 30

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 30

La séance est ouverte à quinze heures.

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - La Conférence des présidents vient de se réunir. A la demande du Gouvernement, l'Assemblée tiendra séance ce soir, pour poursuivre la discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer.

L'ordre du jour est ainsi modifié.

LOI DE PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault une motion de renvoi en commission déposée dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Victorin Lurel - Notre collègue Kamardine nous a lu ce matin un extrait d'une « adresse des socialistes d'outre-mer » à leurs camarades de métropole. Peut-être avons-nous « mal à la gauche », mais elle est notre famille. Nous sommes exigeants, mais nous nous refusons à désespérer d'elle ! Et nous n'entendons pas laisser la politique nostalgique et clientéliste de la droite prospérer outre-mer. Notre terre est historiquement, presque sociologiquement de gauche. Comment être de droite quand on est issu de l'esclavage ?

M. Philippe Auberger, rapporteur de la commission des finances - Caricature !

M. le Président - Allons ! Ne répondez pas au propos quelque peu provocateur de votre collègue...

M. Victorin Lurel - M. Kamardine oublie au passage que la création de la collectivité départementale de Mayotte est l'_uvre de la gauche, qui n'a pas à rougir de ce qu'elle a fait dans les DOM.

« Et si nous envahissions les Etats-Unis ? » se demandait le personnage du roman qu'a cité Mme Taubira. Et si nous, nous aidions la ministre ? (Sourires) Tel est bien l'objet de cette motion, qui n'est pas une man_uvre dilatoire mais un rituel démocratique. Et si, bonheur immarcescible, vous acceptiez que nous vous aidions en amendant significativement ce texte ?

Comme l'a dit ici-même Philippe Chaulet lors du débat sur la loi d'orientation : « Ti wach, ti kout baton ; gran parad, ti kout baton » : que je traduirai par : « beaucoup de mousse, peu de chocolat » (Sourires). Force est de constater en effet que ce texte est bien décevant au regard de la « grande ambition pour l'outre-mer » affichée il y a un an à grand renfort de publicité. Qu'est donc devenu le « modèle original pour l'outre-mer » que le Président Chirac avait promis d'inventer ! Vous êtes, Madame la ministre, entourée d'excellents professionnels de la communication, mais les effets d'annonce ne suffisent pas.

Et, puisque l'on parle ici de communication, je veux protester solennellement contre l'interdiction d'antenne qui me frappe outre-mer tandis que le Gouvernement bénéficie d'une émission de télévision quasi mensuelle. Jamais le gouvernement de Lionel Jospin n'aurait agi de la sorte ! Or la presse est le quatrième pouvoir ; quand elle est verrouillée, la démocratie ne fonctionne pas bien.

La gauche soutient l'idée d'une collectivité unique en Guadeloupe, même si elle ne comprend pas bien le calendrier. Mais il lui semble qu'elle doit avoir comme contreparties le déverrouillage des médias ainsi que la liberté et l'indépendance des tribunaux.

Ce texte très attendu déçoit beaucoup. D'abord parce qu'il n'a été précédé que d'un semblant de concertation. Ainsi, les syndicats n'ont pas été consultés sur les grandes orientations stratégiques.

Dire que l'on avait déploré la longueur excessive de la concertation préalable à la LOOM ! MM. Lise et Tamaya s'étaient rendus partout. Ils avaient rencontré plus de 1 200 personnes. Je n'oublierai pas de sitôt l'accueil houleux, les insultes qu'ils avaient reçus en Guadeloupe...

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - C'est faux !

M. Victorin Lurel - ...pour de simples motifs de protocole et de place réservée aux indépendantistes.

Vraiment, nous n'avons pas de leçons à recevoir en matière de concertation. Nombreux sont ceux, y compris au sein de la majorité, qui critiquent les conditions d'élaboration de ce texte. Après ceux de M. Arthuis au Sénat, les propos de M. Méhaignerie hier montrent le peu d'engouement que suscite ce projet. Même le MEDEF, peu suspect de constituer ma clientèle, a parlé de « bricolage ».

La ministre a bien besoin d'être « béquillée » dans ses rapports avec Bercy. On comprend mal que les arbitrages ne soient pas systématiquement rendus en sa faveur. En effet, il aurait été à l'honneur du Gouvernement, en ces temps de disette budgétaire, de diète financière, de faire le choix politique d'accorder une forte priorité à l'outre-mer, qui a quelques longueurs de retard sur la métropole.

Il y a loin de la coupe aux lèvres, et la montagne de promesses a accouché d'une souris législative. Qui plus est, c'est une souris virtuelle, puisque désormais l'outre-mer est censé autofinancer son développement et en trouver en lui-même les ressources.

Ceci n'est pas un propos négatif. Il n'est pas négatif de dire qu'il faut aider l'outre-mer. C'est le sens de cette motion de renvoi. Dans la présentation de la LOOM, figurait cette phrase : « le développement des activités économiques et de l'emploi dans les DOM est une priorité de la nation ». Permettez-moi de le rappeler, la LOOM, c'étaient tout de même 760 millions d'euros de dépense publique ; ici nous en avons 65 millions tout au plus. Et si l'on enlève la compensation de la créance de proratisation, l'alignement du RMI des DOM sur celui de la métropole, nous restons créanciers de la République ! La LOOM accordait à l'outre-mer une véritable priorité politique, qui se traduisait par des crédits budgétaires, et par le fait que le chômage a reculé de plus de 7 % outre-mer.

Cette priorité a aujourd'hui disparu. Pourquoi ? Parce que ce gouvernement s'est transformé en apôtre du marché. J'ai même parlé d'évangélistes du marché - car c'est une théologie économique, et non plus un raisonnement objectif, pragmatique. C'est pourquoi on a tiré un trait sur le mot « volontarisme ». Il n'y a plus de volontarisme économique : l'initiative privée est censée porter à elle seule le développement. On peut le dire sans être trop sévère : l'outre-mer a perdu la priorité que le précédent gouvernement avait su lui donner. Sitôt arrivé, le Gouvernement a déjà donné des signes précurseurs de cet abandon - et j'entends dans ce mot comme un écho gaullien...

Le Président de la République s'était rendu - comme le bon commis-voyageur qu'il sait être - à la Guadeloupe proposer une loi de programme pour les îles du nord. Il avait également annoncé une loi de programme pour Wallis et Futuna. On me dira qu'il y a aujourd'hui une convention, qui repose d'ailleurs sur des financements partagés. Reste qu'on a oublié cela, qu'on a uniformisé et globalisé tout ce qui concerne l'outre-mer dans une même loi de programme. On a accepté sur le plan institutionnel l'idée d'une évolution différenciée, « à la carte ». Pourquoi ne raisonnerait-on pas de même sur le plan économique, avec une personnalisation, des mesures spécifiques aux besoins de chaque collectivité ?

Depuis un an on a vu s'installer la déception. La première loi, emblématique de cette législature, a été la loi d'amnistie. Et le premier abandon a été l'article 22 qui, par une sorte de cavalier - sinon au strict sens législatif, au moins par un procédé un peu « cavalier » - abandonnait tout le secteur des transports terrestres de voyageurs outre-mer, au motif que ce qu'avait fait le précédent gouvernement était idéologique et coûteux. La région Guadeloupe d'ailleurs refusait, pour développer un secteur aussi important, un petit prélèvement par solidarité interne. Et cela pour complaire à une clientèle politique ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

J'ai été pris à partie, la vie d'un de mes collègues a même été mise en danger par des gens qui avaient reçu des gages pour ne pas discuter avec les conseils généraux. Aujourd'hui l'ordonnance n'a toujours pas été ratifiée ; le secteur est laissé en déshérence par le Gouvernement. Et je pourrais citer bien d'autres exemples semblables.

Le deuxième acte symbolique a été le vote du budget. Nous nous sommes épuisés à dire qu'il n'était pas bon. Que nous a-t-on répondu ? Que les crédits du ministère étaient surabondants. Erreur stratégique ! Bercy, s'appuyant sur ce propos, a gelé ou annulé les crédits, et l'outre-mer est au régime sec. Mes collègues de droite le savent bien. Nous, à gauche, avons su dire à notre parti : nous vous demandons plus parce que nous nous demandons plus à nous-mêmes. Nous n'avons jamais fait dans la génuflexion ou la soumission.

Mme Christiane Taubira - C'est vrai !

M. Victorin Lurel - On connaît ma liberté de parole. Je suis sévère avec mes amis socialistes ; je demanderai donc à mes collègues la même lucidité et la même exigence, et je compte sur leur détermination.

J'évoquerai un troisième abandon. Le passeport mobilité, c'est bien, et j'en ai plébiscité le principe. Je ne suis pas sectaire, contrairement à ce qu'on pourrait croire (Rires sur les bancs du groupe UMP), et quand une mesure est bonne, je l'approuve. Le passeport mobilité, Madame la ministre, va dans le bon sens. Mais c'est en même temps une facilité, un trompe-l'_il. Il y a en effet une circulaire, très bureaucratique, qui exige des jeunes souhaitant en bénéficier une vingtaine de documents. En outre il y a eu, paraît-il - mais j'espère que vous pourrez me démentir sur ce point - une circulaire adressé à l'ANT pour lui signifier qu'il n'y a plus d'argent ! Je suis maire de Vieux-Habitants, commune sinistrée s'il en est par Objectif Guadeloupe. J'ai dû récemment financer quatre billets parce qu'il n'y a pas d'argent à l'ANT. Vous avez supprimé tous les concours de catégorie C, et même les concours d'infirmier : il n'y a pas d'argent.

Pourquoi ? D'abord, quant aux crédits budgétaires inscrits, je ne suis pas sûr de leur réalité. Ensuite Air France a porté le prix des billets à 1 000 ou 1 500 €, de sorte qu'on ne peut financer plus de 10 % de ce qui était prévu. C'est donc une supercherie. Je demanderai donc à ce que cette affaire soit réexaminée et que la transparence soit faite sur sa gestion. Au reste la mesure a été réservée aux étudiants et à ceux qui vont en formation continue. Mais la continuité territoriale est, d'une autre façon, un droit constitutionnel, celui d'aller et venir, qui doit être garanti pour tous. Le texte le reconnaît d'ailleurs puisqu'il parle des « résidents ».

En matière culturelle, c'est aussi l'abandon. Le beau projet d'une cité des outre-mer, avec le concours de Bertrand Delanoë, est tombé dans les oubliettes. On parle d'un centre d'affaires : gageons que ce sera une nouvelle déception. Aux oubliettes aussi la radio prévue par RFO pour le million d'ultramarins qui vivent en Ile-de-France.

C'est aussi une pluie d'insultes qui s'est abattue sur l'outre-mer, ce sont des crachats (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous n'avons pas aimé certain propos tenu à La Réunion sur le « carnet de chèques ». Nous avons notre fierté, voire un peu de susceptibilité : c'est dans notre culture, une culture « chaude » pour parler comme le sociologue Edward Hall.

Oui, nous sommes chaleureux mais parfois aussi un peu soupe au lait. Nous n'aimons pas être conduits au carnet de chèques et menés à la baguette. L'outre-mer a besoin de se sentir aimée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Nous avons essuyé des insultes. Le ministre de l'Education nationale a parlé des Réunionnais comme d'une population insurgée contre la stabilité de la République. Tout cela participe d'un état d'esprit que nous n'aimons pas.

Le lynchage médiatique n'a pas épargné le peuple guadeloupéen, avec la diffusion savamment distillée de la lettre de M. Pélisson, co-fondateur du groupe Accor, prétendant que nous serions agressifs et que nous recevrions mal.

Certes, pour bénéficier d'une niche fiscale, la meilleure défense, c'est l'attaque ! Mais était-il nécessaire, pour obtenir un arbitrage favorable de Bercy, de piétiner les peuples de l'outre-mer ? Nous n'avons pas aimé non plus cette manifestation d'abandon teintée de mépris.

Mon collègue Victoria a parlé de peuple. Je tiens à l'unité du peuple français. Mais ce n'est pas notre faute si les juristes et les constituants de la République se sont enfermés dans une aporie politique en affirmant qu'il n'existe qu'un peuple français. Qui oserait soutenir qu'il n'existe pas de peuple Kanak, de peuple amérindien, de peuple guadeloupéen ou de peuple martiniquais ? Des peuples avec leur façon propre d'être au monde ? Si on avait introduit dans la réforme constitutionnelle la formule : « peuples de l'outre-mer, composantes de la nation française », cela pouvait aller...

Mais les juristes, d'ordinaire si imaginatifs, ont été tétanisés. Je ne suis pas plus souverainiste que M. Pasqua, pas plus que je suis un nationaliste hirsute et échevelé, mais la dignité de l'outre-mer commande de respecter son identité et son histoire.

Or aujourd'hui, à la faveur de la décentralisation, on recentralise : on veut nous imposer le calendrier, les rythmes personnels de quelques-uns, au point que, pour la Guyane, M. Léon Bertrand commence à renâcler au sein du Gouvernement : « Festina lente », dit-il, c'est-à-dire « Hâte toi lentement »...

Sans doute puis-je vous féliciter, Madame, de faire disparaître à la faveur d'un décret la notion de « chef de famille » qui faisait tort à nos compagnes. Vous le voyez, je reconnais que mes amis n'ont pas tout fait ! (Approbations sur les bancs du groupe UMP) Certains, pour cette raison, m'imaginent dans l'antichambre de l'UMP... Mais attention : je serais pour eux un cactus ! (Rires)

L'abandon de l'outre-mer se vérifie aussi dans le calendrier et les conditions scandaleuses d'examen de votre projet, qui justifient de retourner en commission pour travailler de façon décente.

D'abord, le Gouvernement n'a pas tenu ses promesses. Le 3 juillet 2002, dans son discours de politique générale, le Premier ministre promettait qu'une loi de programme pour l'outre-mer serait soumise au Parlement avant la fin de l'année, afin de développer une politique ambitieuse et de combattre l'inégalité économique. Or c'est tout le contraire qui se produit. Vous-même avez affirmé qu'avant l'été, c'est-à-dire dans quelques jours, tous les décrets d'application de la loi seraient publiés. Ce serait un tour de force ! Je sais bien que les fonctionnaires travaillent bien, en dépit du discrédit dont on tente de frapper le service public, la fonction publique et tout ce qui est public...

Nous avons attendu ce projet une année. Ne peut-on pas attendre encore une semaine et travailler encore sur un texte mal ficelé ? On a bien pris le temps de supprimer le jour de non-chasse, puis de réduire l'ISF de 400 millions, ce qui prouve qu'il y a de l'argent et que ce qui manque, c'est la volonté politique ; de fait l'outre-mer n'est plus l'objet d'une volonté politique.

Nous avons perdu même l'arbitrage du calendrier. Le projet a été présenté en Conseil des ministres le 18 mars, à grand son de trompes. Mais il a fallu attendre près de trois mois pour que nous l'examinions. Est-ce là le signe d'une priorité politique ? Il a paru plus urgent de se livrer à un tripatouillage électoral, ou d'abolir le code des marchés publics. Non, l'outre-mer n'était pas considéré comme une urgence, ce qui a suscité une vive indignation chez beaucoup d'ultra-marins.

Finalement, le texte est arrivé à l'Assemblée le 22 mai. Or ce jour est la date de commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique !

Imagine-t-on de légiférer sur les retraites le 14 juillet ? Il est des symboles, des événements qu'il faut respecter. Or, nous avons eu l'impression humiliante que cette date du 22 mai était banalisée.

Mme Christiane Taubira - Absolument !

M. Victorin Lurel - Puis, M. Renaud Dutreil est arrivé le 27 mai à la Guadeloupe, qui célèbre ce jour-là l'anniversaire du même événement. Le ministre m'a invité et comme je respecte les autorités républicaines, je me rends au-devant des ministres chaque fois que possible. Si au moins M. Dutreil m'avait dit être venu rendre hommage aux nègres marrons de la liberté ! Mais non : il m'a convoqué à plusieurs réunions de travail, avant de répondre le lendemain à mes protestations qu'il s'agissait d'une visite privée... Je veux bien, mais voilà qui n'est pas sérieux.

Le projet a été examiné le 28 en commission, j'aurais donc dû quitter les cérémonies de commémoration, prendre l'avion et, sans guère le temps de récupérer, venir travailler ici. Et le lendemain, c'était l'Ascension...

Le calendrier qui nous a été ainsi imposé est infernal et inacceptable.

Madame, vous m'avez reproché hier de n'avoir pas cessé de vous interpeller. Je n'ai pas été le seul à le faire, et c'était pour vous aider. M. Loueckhote, président de notre intergroupe parlementaire, dans des courriers à la forme naturellement courtoise, s'est impatienté lui aussi, et d'autres avec lui, au point que l'urgence a été déclarée.

A ce point, je nourris un affreux soupçon : ce texte est venu devant nous parce que le Président de la République a décidé de se rendre dans le Pacifique en juillet, et pour qu'il puisse se prévaloir d'une loi adoptée avant son départ (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Il faut le dire ! Toutes ces petites choses accumulées finissent par faire masse, et ce n'est pas bon.

Après les signes précurseurs, venons-en, à l'exécution. Pourquoi une loi de nature économique et surtout fiscale devait-elle être soumise en priorité au Sénat ? Je veux bien que M. Raffarin n'ait pas oublié son ancienne maison !

Le Sénat représente les collectivités, l'Assemblée représente le peuple et a, de plus, une grande histoire démocratique. D'autre part, sur 44 articles, ce projet n'en comporte que cinq qui concernent les collectivités. Eh bien, c'est pourtant le Sénat qui a été saisi le premier de ce texte ! L'affaire n'a rien d'anecdotique : mettant à profit des règles de recevabilité des amendements différentes des nôtres, la Haute Assemblée a supprimé le caractère obligatoire de la compensation versée par l'Etat aux collectivités pour favoriser la mise aux normes des habitations ! Il sera maintenant difficile de revenir en arrière, mais soyez assurés que nous essaierons de vous aider, même si plusieurs de nos amendements ont été « retoqués ».

Au Sénat encore, cinq commissions ont été saisies de ce projet, ce qui prouve son caractère transversal. Peut-être même eût-il fallu constituer une commission spéciale, mais on ne l'a pas souhaité pour éviter un examen éclaté. Ici, seule la commission des affaires économiques a été saisie pour avis ! J'avoue ne pas comprendre...

Autre signe patent d'un abandon : après avoir préparé le texte pendant un an et annoncé son dépôt à son de trompes, on déclare l'urgence ! Il n'y aura donc qu'une lecture à l'Assemblée et peut-être même essaiera-t-on d'obtenir un vote conforme. Notre pouvoir d'amendement est ainsi battu en brèche - à moins que vous n'acceptiez le renvoi en commission...

On me dit que la gauche aurait reçu une volée de bois vert des socialistes d'outre-mer. Monsieur Kamardine, sur les 400 amendements déposés, j'en ai signé 91 dont 70 pourront être défendus : eh bien, le groupe socialiste les a presque tous repris. En revanche, je n'en ai pas vu un seul qui soit signé du groupe UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Tous vos amendements sont présentés en vos noms propres. Parce que vous n'avez pas été suivis par le Gouvernement ! Ni par votre groupe ! (Mêmes mouvements)

Tout cela prouve qu'à gauche, nous ne sommes pas des godillots - ou des mocassins - et que vous n'avez pas eu, vous, tout le soutien que vous pouviez attendre !

Une seule réunion de la commission des finances vous a suffi, le 28 mai, pour entériner ce que le Gouvernement et le Sénat avaient décidé ; une seule commission a été saisie pour avis et il reste à vérifier que les deux ou trois amendements présentés par M. Beaugendre seront acceptés : on nous a imposé des conditions d'examen déplorables. Mais ce n'est pas tout. Madame la ministre, souffrez que je prenne un ton grave pour vous dire, après un silence comme en musique : vous nous avez manqué (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La commission ne vous a pas entendue. J'y vois un signe de négligence ou d'indifférence, mais il est encore temps de réparer cet oubli.

Il est clair aussi que ce projet a cessé d'être prioritaire quand on nous oblige à en discuter pour l'essentiel un vendredi, jour où l'Assemblée, habituellement, ne siège pas. On nous avait déjà fait le coup pour le budget et pour la réforme constitutionnelle, mais ce n'est pas acceptable et je suis sûr que M. Kamardine partage mon sentiment sur ce point.

De plus, cette discussion est prise au milieu de celle de cinq grandes lois : sur l'initiative économique, sur le droit d'asile, sur la violence routière, sur les retraites... Et, naturellement, nous venons bons derniers dans la hiérarchie ! N'est-il pas ahurissant, dans ces conditions, qu'on ose parler de priorité de la nation ?

Nous allons donc expédier cette discussion dans la nuit, devant une poignée de parlementaires endormis - j'espère ne choquer personne, d'autant que moi aussi, je vais « piquer un pijé-zié », comme on dit en créole ! Mais je compte aussi que nous serons tous assez vigilants pour améliorer ce texte !

Le mieux serait cependant qu'en bons démocrates, vous acceptiez de renvoyer ce texte en commission et d'offrir ainsi à Madame la ministre une session de rattrapage ! Je suis sûr que M. Raffarin comprendra.

Deuxième bonne raison pour voter ma motion : ce projet inabouti aura un coût budgétaire marginal, sinon nul, comme MM. Paul et Queyranne l'ont démontré. Vous avez chiffré la dépense à 236,7 millions d'euros, Madame. Arrondissons généreusement à 240 mais voyons ce qu'il en est exactement. Sur le titre I, lorsqu'on enlève les 20 millions de bonification de la LOOM, il reste 30 millions ; la dépense du titre II, pour la défiscalisation, n'est que virtuelle - un couteau sans manche auquel il manque la lame, ai-je dit. Ajoutons 10 millions pour les titres III et IV, 30 pour la continuité : nous n'arrivons qu'à 65 millions. D'autre part, vous avez « sucré » 152 millions de la créance de proratisation - c'est-à-dire de l'alignement du SMIC, qui reste au crédit de la gauche !

Il y a plus grave encore : je veux parler de la philosophie qui sous-tend ce projet. Vous invoquez des principes auxquels nous ne pouvons pas ne pas souscrire, en particulier la dignité par le travail, et vous parlez de « dynamique auto-entretenue », d'« émergence de forces nouvelles », de « développement de l'initiative privée », mais comment les démocrates, les humanistes - pour utiliser un mot que M. Raffarin ne récuserait pas - peuvent-ils comprendre votre volonté de favoriser une « politique de l'offre » ? On sait d'où vient la notion - de M. Reagan, de Mme Thatcher - et quels ont été les résultats de cette politique ! A lire le projet, d'ailleurs, on a le sentiment qu'on s'en prend à l'homme et à la femme d'outre-mer et à leur dignité. Pour vous, les chômeurs sont toujours des chômeurs volontaires, des fainéants. Ainsi le veut la doctrine de la « responsabilité nouvelle » et vous aurez beau enrober le texte de sucre et de miel, vous ne tromperez personne : on devine le stigmate que vous voulez inscrire au front des Ultramarins ! C'est une thématique partagée par tous les gouvernements libéraux : il faut casser la protection sociale et tout ce qui est public, quitte à refuser à l'outre-mer le rattrapage dont il aurait bien besoin.

J'admets qu'on critique la politique de M. Jospin et la LOOM, je ne condamne pas votre volonté de bâtir le développement de l'outre-mer sur le marché et sur l'initiative privée, mais il fallait faire du règlement des difficultés de l'outre-mer une priorité, et, cela, le Gouvernement ne l'a pas fait (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Je maintiens qu'un Gouvernement qui a su trouver 400 millions pour alléger l'ISF et imposer aux personnes âgées dépendantes une charge supplémentaire équivalente aurait pu, aussi, trouver les quelques centaines de millions nécessaires pour engager véritablement le rattrapage indispensable.

Le postulat dont vous partez est méprisant pour les hommes et les femmes d'outre-mer. Pourquoi donc fonder ce texte sur l'assistanat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) alors que l'outre-mer est plus créateur d'emplois que la métropole, ainsi que certains de nos collègues l'ont souligné fort justement ce matin ? Ce projet, fondé sur des chimères, doit être renvoyé en commission.

Il doit l'être, aussi, parce qu'il est inachevé. Pourquoi est-il prévu de n'aider que les emplois les moins qualifiés ? Pourquoi cette impasse sur les emplois intermédiaires ? Le rapport Malinvaud montre pourtant la corrélation entre créations d'emplois et allègement des charges sociales ! Et pourquoi le périmètre de la défiscalisation n'inclut-il explicitement ni les gîtes ruraux ni le petit commerce et l'artisanat ? Pourquoi laisser un tel pouvoir d'interprétation à Bercy ? Nous sommes, bien sûr, d'accord pour moraliser le dispositif, et pour éviter la répétition des dérives permises par la loi Pons, mais l'outre-mer méritait mieux que cela.

Ce texte risque de favoriser les grands groupes au détriment des petites entreprises. De plus, au mépris du bon sens, il n'admet pas les fonds propres au bénéfice de la défiscalisation. D'évidence, il doit être complété et amélioré, car il présente des lacunes béantes, et ce ne sont pas les quelques mesurettes annoncées qui permettront de remédier aux handicaps structurels bien connus. Une meilleure reconnaissance de la spécificité de l'outre-mer est indispensable.

J'ai lu, dans la presse, les déclarations de Mme la ministre, s'attristant que si peu de métropolitains sachent situer sur une carte l'ensemble des collectivités ultramarines françaises. Cette remarque est parfaitement fondée : il faut mieux faire connaître l'outre-mer et, pour commencer, imposer aux radios un quota de musiques ultramarines. Nous ne pouvons nous satisfaire, même si nous sommes fiers d'eux, que l'outre-mer n'existe dans l'esprit de nos concitoyens que par la grâce d'une miss France ou par les exploits de quelques athlètes ! Nous aimerions aussi que soit constituée une fête nationale des outre-mers, et que suite soit donnée à ce vote par lequel le Parlement s'est honoré en reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'humanité...

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Les décrets n'ont jamais été publiés !

M. Victorin Lurel - Nous voudrions que l'histoire de l'esclavage, cette plaie dans le corps de la République, soit enseignée et expliquée mieux qu'elle ne l'est.

Et encore : comment se satisfaire que l'agriculture soit la grande oubliée de ce texte ? Comment comprendre que l'exonération soit limitée à 40 hectares pondérés ? Il faut passer à 50 hectares, ou déplafonner, car le secteur de la banane connaît une crise structurelle qui ne sera pas résolue de la sorte, et l'échéance de 2006, suscite les plus grandes inquiétudes. Quel sera l'avenir de ce secteur quand le dispositif tariff-only entrera en vigueur ?

Nous ne pouvons nous satisfaire davantage du silence sur les filières riz, sucre ou rhum, alors que la production de la canne à sucre structure l'économie de la Guadeloupe et de la Réunion. Comment prétendre planifier à quinze ans dans ces conditions ?

J'en viens à la continuité territoriale, problème de fond que le texte ne résout pas convenablement. Pour quelle raison la solidarité nationale, qui s'exerce à hauteur de 660 € par Corse, se réduit-elle à 11,5 € par habitant ultramarin ? En musique, une blanche vaut deux noires ; on constate que, s'agissant de continuité territoriale, un Corse vaut près de soixante Ultramarins ! (Mouvements divers). Je ne prétends rien retrancher à la Corse, mais je demande l'égalité de traitement. Il convient, certes, d'alléger les charges qui pèsent sur les compagnies aériennes qui desservent l'outre-mer, mais à la condition que l'allégement ne soit pas réservé aux compagnies dont le siège social est domicilié outre-mer. A condition aussi que l'aide ainsi octroyée soit répercutée sur le prix des billets : il doit y avoir obligation de résultat.

A cet égard, la comptabilité analytique d'Air France devrait nous être communiquée, car je la soupçonne d'être éloquente. Mais elle tient du secret-défense ! J'aime cette compagnie, mais l'amour ne dispense pas du désir de transparence ! Or, que constate-t-on ? Que les 24 Boeing 747 qui desservent les Antilles ont une moyenne d'âge de 21 ans et qu'ils comptent 507 places chacun, cependant que les Airbus d'Air France qui desservent New York sont vieux de 7 ans en moyenne, et aménagés pour accueillir 252 passagers seulement ! Quelle différence de confort ! D'après mes informations, le « siège par kilomètre offert » coûte, pour l'outre-mer, 7 centimes. Autant dire qu'en faisant payer un billet 500 €, Air France, passez-moi l'expression, « fait un fric dingue » ! Je ne souhaite évidemment pas la faillite de la compagnie, mais je considère qu'une partie de cette marge sensationnelle pourrait être rétrocédée aux passagers. Quant à l'argument selon lequel les comptes de l'entreprise seraient plombés par un trop grand nombre de billets gratuits, seul l'examen de la comptabilité analytique - j'y reviens - pourrait nous permettre de juger de sa validité.

Les choses seraient différentes si l'Etat ne s'était pas retiré, ce dont je fais reproche à mes amis socialistes. Je ne suis pas opposé à la privatisation, dont je comprends la nécessité ; mais comment envisager de privatiser Air France sans organiser la concurrence ? Comment accepter de consolider son monopole, ou son duopole avec Corsair ? De continuer à payer un billet 1 500 € ? Un smicard avec deux enfants ne peut se permettre de donner dix mois de salaire pour se rendre chez lui ! Nous organisons ainsi la séparation, la désunion et l'indifférence.

La continuité territoriale est un droit constitutionnel. Imaginez-vous un Parisien qui ne pourrait aller voir ses proches à Marseille ? Nous réclamons sur ce dossier un engagement autrement important que les 30 millions dispensés aux régions. En Guadeloupe, il faut parfois montrer patte blanche rien que pour obtenir un billet pour la Désirade ! L'égal accès aux aides régionales n'est pas assuré.

M. le Rapporteur pour avis - Ce que vous dites est scandaleux !

M. Victorin Lurel - Dois-je vous rappeler qu'un plan d'apurement des dettes fiscales et sociales avait été prévu lors de la discussion de la LOOM ? On n'en entend plus parler le moins du monde. On pourrait pourtant enjoindre aux fonctionnaires des services fiscaux de le mettre en _uvre ! Votre projet ne comprend non plus aucun plan de rattrapage des équipements et services collectifs. Et, après l'Algérie et le Japon, et alors que nous sommes dans une des zones sismiques les plus dangereuses, il ne prévoit rien en cas de catastrophe... La loi Pons, elle, contenait des objectifs chiffrés et des crédits étaient dégagés chaque année en loi de finances.

Le secteur médico-social n'est pas plus avantagé. Comment oublier la situation des CHU de Saint-Denis et de Fort-de-France, sans évoquer le cas calamiteux de celui de Pointe-à-Pitre? Chez moi, il n'existe aucune structure d'hébergement pour les personnes âgées ou handicapées ! Et vous ne manifestez aucune volonté d'y remédier. Vous croyez que votre inaction sera suppléée par l'initiative individuelle. Mais compter sur les seules vertus du marché pour assurer la cohésion sociale, c'est être sûr de créer encore plus d'inégalités ! L'outre-mer en souffre déjà bien assez, par rapport à la métropole, à l'Union européenne et en son sein même. Le pacte républicain que vous deviez nous proposer n'existe pas.

J'aime ma patrie et j'aime la République ; c'est ce qui explique mon ton passionné. Je ne désespère pas de votre Gouvernement : ce sont les Français qui vous ont mis là, et nous attendons donc beaucoup de vous. Hier, nous avons su être exigeants avec la gauche. Nous le serons avec vous en toute loyauté. Je demande donc à l'Assemblée de renvoyer ce texte insuffisant devant la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Il est de tradition que le Gouvernement s'exprime avant les explications de vote des groupes.

M. le Rapporteur - Il me semble qu'il faudrait d'abord voter sur la demande de renvoi en commission, pour ne pas donner l'impression que le vote a lieu sur les réponses de la ministre aux orateurs de la discussion générale.

M. Victorin Lurel - Nous avons entendu au cours de la discussion générale 24 orateurs. Je souhaiterais que Mme la ministre réponde d'abord.

M. le Président - Le Gouvernement s'exprime quand il le veut. Le groupe socialiste ayant défendu sa motion de renvoi, il revient aux groupes qui le souhaitent d'expliquer leur vote.

M. le Rapporteur pour avis - Depuis hier, nous assistons à des man_uvres d'obstruction. Après la question préalable de Christian Paul invitant à ne pas débattre des problèmes de l'outre-mer, nous venons d'entendre un discours fleuve composé d'arguments contradictoires. M. Lurel, voulant régler ses comptes avec l'influence du CSA en Guadeloupe, nous a parlé de l'achat d'une radio... Qu'est-ce que cela vient faire dans le débat ? Aujourd'hui, l'outre-mer attend que nous prenions ses spécificités en considération. Assez perdu de temps ! Nous sommes missionnés pour donner à l'outre-mer les outils de son développement. N'excusons pas M. Lurel de son absence en commission et ne lui accordons pas un renvoi, alors qu'il félicite lui-même la commission des finances et celle des affaires économiques pour leur travail ! Continuons le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Louis-Joseph Manscour - Le groupe socialiste soutient la motion de renvoi de M. Lurel, et juge inacceptable qu'elle soit qualifiée de man_uvre d'obstruction et que les propos de M. Lurel soient considérés comme inutiles. Nous sommes en démocratie ! Le Règlement est là pour nous permettre de nous exprimer. On peut ne pas être d'accord, mais on ne peut pas nous reprocher de nous faire entendre !

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Ministre - Les interventions de la discussion générale ont été particulièrement riches. Béatrice Vernaudon, s'exprimant, comme d'habitude, avec son c_ur, nous a apporté un peu du soleil polynésien. Elle a dit que nous devions faire aimer l'outre-mer à la métropole. Nous sommes là pour cela, et j'espère que ce débat nous y aidera. Mais je regrette que nos amis de métropole ne soient pas nombreux dans cet hémicycle. Je ne peux que constater qu'ici comme au Sénat ils sont plus présents du côté droit que de l'autre... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je remercie les rapporteurs pour leur travail ; les délais étaient très courts et le texte important. D'aucuns regrettent qu'il n'aborde pas assez de sujets, mais il compte déjà plus de quarante articles ! MM. Auberger, Beaugendre et Ollier ont porté un regard objectif, responsable mais aussi passionné sur l'outre-mer. J'ai apprécié que la commission des affaires économiques ait pu se rendre aux Antilles pour examiner le problème de la crise du tourisme. Elle m'a beaucoup aidée à préparer le volet du texte qui s'y rapporte et est à l'origine de plusieurs mesures de nature à améliorer la situation, qui affecte particulièrement nos régions. J'adhère pleinement à l'idée d'assises du tourisme, qui prépareraient une charte d'objectifs. Nous devons tous nous mobiliser pour ce secteur, créateur d'emplois.

M. Ollier m'a interrogée sur la desserte aérienne. Le groupe de travail que j'ai créé avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau est destiné à préparer les décrets d'application et à définir les moyens d'optimiser la dotation de continuité territoriale et les cibles à privilégier. Nous souhaitons, bien évidemment, aider d'abord les populations les plus fragiles. Il n'est plus acceptable que les avions soient vides à certaines périodes et complets, avec des vols à des prix exorbitants, à d'autres.

M. Méhaignerie a évoqué les surrémunérations et les majorations de retraites. Je rassure M Thien Ah Koon à ce propos : le Gouvernement n'a aucun projet de réforme en la matière. M. Delevoye l'a du reste dit récemment à M. Manscour, qui l'interrogeait sur les retraites. Nous n'avons nullement l'intention de remettre en cause quelque droit acquis que ce soit. J'ajoute que, dans ce pays décentralisé que la France est en train de devenir, une telle réforme ne saurait en aucun cas être proposée par Paris : elle ne pourrait venir que du terrain.

Pour ma part, j'adhère à la proposition de René-Paul Victoria que, puisque la commission des finances et son président s'intéressent à ce sujet, une délégation se rende sur place pour mieux en mesurer la complexité.

M. Didier Quentin - Très bien !

Mme la Ministre - Un rapport serait une aide précieuse pour le Gouvernement.

J'ai beaucoup apprécié votre intervention, Monsieur Lagarde. Vous vous intéressez beaucoup aux Ultramarins qui résident en métropole et ils sont nombreux dans votre ville de Drancy. Je souscris à vos propositions. La plupart sont de nature réglementaire et je leur donnerai la suite qu'elles appellent. Après le passeport-mobilité, je souhaite créer un passeport-logement pour aider les jeunes qui, arrivant en métropole ou y résidant déjà, sont confrontés à de graves problèmes de logement. Un groupe de travail est chargé de tracer des pistes, parmi lesquelles figure un partenariat avec des communes de métropole.

Nous travaillons aussi activement à la réalisation rapide du centre culturel et d'affaires de l'outre-mer. Ce projet, qui dormait dans un tiroir depuis des années, est désormais celui du Président de la République.

Merci au président Barrot, qui a souligné que toute notre action était tournée vers la jeunesse. Il a aussi relevé à juste titre que ce projet instituait un dispositif de contrôle et d'évaluation de nature à éviter les dérapages et la gabegie. Nous éviterons toute critique car nous aurons ainsi le courage de dire que, si une mesure ne fonctionne pas, il n'y a aucune raison de s'entêter à la conserver (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). En revanche, si une autre contribue à créer des emplois, il y a lieu de l'amplifier. C'est cela, le pragmatisme de notre politique !

Les orateurs de gauche ont beaucoup parlé de problèmes budgétaires. Mais ils devraient apprendre à faire les additions : je ne propose pas de remplacer la LOOM par la loi de programme. Les dispositifs antérieurs ne sont donc pas annulés ; ils sont amplifiés !

Certains se demandent en quoi les exonérations de charges sociales pour les compagnies aériennes vont réduire le coût du transport et améliorer la desserte aérienne. Mais c'est bien ainsi, par des mesures sans précédent, que l'on favorisera la pluralité de l'offre, donc la rupture d'un monopole qui aboutit à des prix exorbitants. Nous sommes dans une économie, non pas administrée mais libérale ; il y a donc des ajustements automatiques entre l'offre et la demande. Quand Air France s'est trouvé en situation de monopole sur Cayenne, les prix ont augmenté de 20 %. Et, dès que j'ai annoncé le dispositif d'exonération de charges, Air Austral et Air Bourbon se sont déclarés intéressés par la desserte de la Réunion, ce qui entraînerait une diminution de 16 % du tarif d'Air France. Je suis aussi persuadée que les nouvelles mesures auront des effets bénéfiques pour la desserte des Antilles, pour laquelle Air France et Corsair ne suffisent pas.

Monsieur Grignon, votre inquiétude sur le remboursement de la CPS est sans fondement puisque l'article 29 de l'ordonnance de 1977 prévoit la compensation intégrale de toute exonération de cotisation sociale.

J'ai défendu auprès des autorités canadiennes, le dossier relatif à l'exploitation des hydrocarbures. Le Premier ministre vous a invité à participer à ses côtés à sa visite au Canada, cela montre que le Gouvernement est mobilisé et qu'il associera les élus locaux à ces difficiles négociations.

Nous essayons aussi, dans un contexte difficile, d'apporter des réponses concrètes aux pêcheurs de l'archipel. Nous avons, M. Gaymard et moi-même, plusieurs projets pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Les assises de la pêche outre-mer se tiendront prochainement.

Sans vouloir polémiquer, je n'accepte pas que l'on dise que ce projet est d'inspiration colonialiste.

M. Didier Quentin - C'est scandaleux !

Mme la Ministre - N'oubliez pas que c'est ce gouvernement qui a inscrit en toutes lettres dans la Constitution, les collectivités d'outre-mer, enfin reconnues comme parties intégrantes de la République.

C'est cette majorité qui a enfin unifié le peuple français dans la Constitution, grâce à un amendement historique de MM. Victoria, Thien Ah Koon et Audifax. Nous avons précisément mis fin aux dernières survivances juridiques de l'époque coloniale. Dois-je rappeler que c'est notre Président de la République qui, après avoir réalisé l'égalité sociale, s'est engagé sur l'égalité économique, et c'est tout l'objet de cette loi de programme. Est-ce faire preuve de colonialisme que de réaliser l'égalité entre tous les Français ?

Quant à ceux qui dénoncent les promesses non tenues du Président de la République, ou parlent de mauvais arbitrages du Premier ministre, je les mets au défi de trouver un engagement du président qui ne soit pas tenu. Je vous ai bien écouté, Monsieur Manscour, et vous m'avez fait plaisir en citant le discours du Président de la République à Capesterre-Belle-Eau. Mais je me demande si vous avez lu correctement la loi de programme, car tous les engagements du Président y figurent, que ce soient ceux pris dans les discours de Madiana, de Champfleuri ou pendant sa campagne électorale. Quant aux arbitrages du Premier ministre, je tiens à dire qu'il m'a particulièrement soutenue dans la négociation de cette loi, et que, dans une situation budgétaire très difficile, j'ai obtenu des arbitrages extrêmement favorables, allant même au-delà des engagements du Président, notamment en ce qui concerne le tourisme.

Mme Huguette Bello - Comment expliquez-vous alors qu'il y ait tant de manifestations ?

Mme la Ministre - J'en viens précisément aux problèmes sociaux à la Réunion que M. Thien Ah Koon et vous-même avez évoqués. Ma position est qu'à la Réunion, comme sur toute autre partie du territoire français, l'Etat de droit doit être affirmé. Nous sommes tous mobilisés autour de la jeunesse d'outre-mer, et souhaitons qu'elle soit bien formée. Au nom de quoi laisserions-nous ces jeunes perdre un an parce qu'ils n'auraient pu passer leurs examens ? Je ne comprends pas. Le Premier ministre l'a dit récemment : la République reconnaît le devoir de dialogue et le droit de grève ; elle peut affirmer aussi le droit à passer le baccalauréat. Le Gouvernement ne tolérera aucun débordement dans ce domaine. Voilà pourquoi instruction a été donnée au préfet de faire que les centres d'examen ne soient plus bloqués par les manifestants, et que les examens se déroulent normalement. A la Réunion le libre accès au rectorat, bloqué depuis plusieurs semaines par les manifestants, a été rétabli hier pour permettre aux fonctionnaires non grévistes d'assurer la préparation des examens, à laquelle travaillent aujourd'hui cinquante d'entre eux. Et les centres d'examen pour les BEP et les CAP fonctionnent normalement. Ce faisant nous sommes uniquement guidés par le souci de répondre à l'attente légitime des familles et des candidats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il est de notre devoir de veiller à l'une des libertés fondamentales que garantit l'école de la République : assurer la promotion de tous par le savoir, dans le strict respect du principe d'égalité symbolisé par les examens.

Monsieur Marie-Jeanne, vous avez mis l'accent sur les petites entreprises, avec raison. Tout mon dispositif est centré sur les PME, car c'est celles qu'il faut aider à créer des emplois, Vous avez exprimé une inquiétude sur l'accompagnement financier des transferts de compétences : je tiens à vous rassurer. Dans le passé, notamment à la suite des lois de décentralisation de 1982, les transferts de compétences n'ont pas toujours été accompagnés de transferts financiers. Mais ce Gouvernement a inscrit dans la Constitution l'exigence qu'ils le soient, et désormais cette obligation constitutionnelle ne pourra être enfreinte.

MM. Frogier et Lafleur ont eu raison de demander un plan de développement propre à chaque collectivité d'outre-mer. Nous essayons - que ce soit par les contrats de plan, par les fonds structurels européens, ou par des conventions spécifiques de développement comme à Wallis et Futuna ou à Mayotte - de reconnaître à chaque collectivité sa spécificité. En Nouvelle-Calédonie, nous associerons évidemment les élus à la négociation avec l'Australie sur la délimitation du plateau continental. Je suis évidemment d'accord avec M. Frogier et M. Kamardine : on ne peut traiter l'outre-mer avec une vision purement comptable.

J'ai entendu les critiques de M. Manscour et de Mme Bello, disant que de nombreux sujets n'étaient pas traités dans cette loi. C'est que je me suis employée, conformément au v_u constant du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel, à ne mettre dans la loi que des mesures législatives, en m'interdisant l'affichage politique. Il est clair que l'action du Gouvernement ne se réduit pas à cette loi. Madame Bello, vous avez perçu le débat au Sénat comme très critique : il m'a plutôt paru constructif et je note que même vos amis n'ont pas voté contre mon texte, puisqu'il a été adopté au Sénat sans la moindre opposition.

Je vous remercie vivement, Monsieur Brial, pour vos propos, et aussi pour avoir associé mon équipe à vos remerciements : c'est vrai qu'elle a beaucoup travaillé. Vous avez évoqué les problèmes de Wallis et Futuna, et souhaité des mesures particulières. Je ne veux pas en dire plus à ce stade, mais dans le cours du débat vous verrez que j'ai pu vous entendre.

Merci, Alfred Almont, pour votre excellente analyse de la situation économique, et aussi pour avoir rappelé les importants dossiers agricoles que nous défendons chaque jour, notamment au plan européen. Ce qui illustre encore le fait que tout n'est pas dans cette loi. S'agissant d'agriculture, je veux rassurer M. Payet : le projet de décret sur la retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles des DOM est finalisé, et sera dès la semaine prochaine en consultation dans les collectivités territoriales.

Monsieur Audifax, j'approuve vos propositions pour l'après-loi de programme, en vous remerciant de souligner ainsi que tout ne s'arrête pas avec cette loi.

Le chantier social que vous évoquez, nous avons commencé à l'ouvrir, et c'est pour nous une préoccupation importante. Vous avez soulevé le problème de l'aide aux entreprises qui souhaitent exporter : sur ce point il faudrait qu'on utilise enfin un outil qui existe depuis la loi Perben de 1994, la prime export. J'invite les entreprises à y recourir.

Je suis d'accord, Monsieur Jalton, pour dire que de nombreuses dispositions sont encore perfectibles. Je souhaite que notre dispositif d'évaluation tous les trois ans permette de les améliorer. Tout ce que vous proposerez sera écouté, et nous essaierons d'intégrer progressivement les sujets qui vous préoccupent, en espérant que la situation budgétaire s'éclaircisse bientôt, car les mesures que vous avez évoquées sont opportunes.

M. de Saint-Sernin a souhaité un effort au-delà des DOM pour la réhabilitation hôtelière et le taux de défiscalisation proposé. Pour l'instant cette mesure est ciblée sur les DOM, et nous avions surtout en tête la crise aux Antilles ; nous verrons s'il est possible de l'étendre progressivement à d'autres collectivités.

Chaque fois que vous parlez de Mayotte, Monsieur Kamardine, nous sommes attentifs et admiratifs. Cette collectivité si française dans sa chair, nous devons l'aider, et accélérer les importants efforts de rattrapage qui s'imposent. Nous avons rétabli la convention de développement qu'avait supprimée le gouvernement socialiste, pour vous aider, en plus du contrat de plan, à réaliser plus vite ce rattrapage économique. Je souhaite m'engager fortement sur Mayotte, pour essayer de raccourcir les délais. J'espère que très vite on pourra prévoir une application à Mayotte de l'ensemble de notre dispositif. Nous allons y créer rapidement une vraie fonction publique, et je déposerai un amendement à ce sujet, afin que Mayotte évolue plus vite vers ce statut de département qui est déjà en filigrane dans son statut actuel de collectivité départementale. Je salue votre souci de modernisation de la société mahoraise, et il est remarquable d'entendre votre prise de position sur cette question difficile.

Nous ferons le maximum, Madame Vernaudon, pour que la double défiscalisation s'applique bien en Polynésie. Ce territoire fera bientôt l'objet de mesures nouvelles en faveur de ses communes. Le chantier est ouvert aussi sur le statut du personnel communal, et nous sommes très mobilisés sur les dossiers polynésiens.

Je vous remercie, Monsieur Victoria, de vos propos. Vous avez eu raison de soulever le problème du coût des intrants, qui se pose à La Réunion, alors que les trois autres DOM l'ont réglé dans le cadre des DOCUP et des fonds structurels européens. Il nous faudra y remédier pour que la Réunion ne soit pas pénalisée.

Vous avez eu raison, Madame Rimane, de rappeler que les problèmes budgétaires des collectivités locales ne sont pas dus à un manque de rigueur financière. De nombreux maires, en Guyane et ailleurs, conduisent une gestion rigoureuse, mais nous connaissons hélas les problèmes de ces communes. La défiscalisation appliquée aux concessions de service public va leur permettre de s'équiper en infrastructures, dont le manque est patent.

Nous allons corriger cette situation inéquitable par un système de péréquation. Je remercie Gabrielle Louis-Carabin pour la confiance qu'elle témoigne au Gouvernement dans sa politique d'exonération, de défiscalisation et d'aide au secteur touristique si important en Guadeloupe ; merci, Madame, de nous communiquer si bien votre énergie.

J'ai apprécié aussi le talent déployé par M. Quentin pour tordre le cou aux contrevérités répandues sur l'outre-mer. Je le remercie de l'appui apporté à la navigation de plaisance, sur laquelle on dit tant de choses fausses, alors qu'elle apporte tant au secteur touristique aux Antilles.

Sur les échéances européennes au-delà de 2006, nous avons pris toutes les dispositions pour que l'article 199-2 du traité d'Amsterdam se retrouve en bonne place dans la Constitution européenne, ce qui permettra à nos DOM de continuer à bénéficier des fonds structurels européens. Nous préparons ces échéances qui nous attendent dès 2004. Nous avons, avec l'Espagne, le Portugal et nos sept régions ultrapériphériques, sous la présidence d'Alfred Marie-Jeanne, président de la région Martinique, signé un mémorandum remis à Michel Barnier pour que nos RUP conservent leurs avantages dérogatoires au droit communautaire. Pour l'OCM banane, nous préparons avec Hervé Gaymard l'échéance de 2006. Certains ont déclaré douter de la position de Bruxelles sur notre système de défiscalisation. Naturellement, nous avons besoin du feu vert de Bruxelles. Comme nous nous y sommes pris très tôt, j'espère que nous n'aurons pas à attendre treize mois, comme le gouvernement précédent, l'accord de Bruxelles. Nous avons pris des contacts avec la Commission dès octobre, nous avons tenu avec elle cinq réunions, et nous sommes en train de répondre à un questionnaire.

J'ai donc confiance dans une réponse à bref délai.

Vous connaissez tous nos contraintes budgétaires. La loi fera tous les trois ans l'objet d'une évaluation, et nous verrons alors quels ajustements sont possibles. Je m'y engage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet dans le texte du Sénat.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Victorin Lurel - Je n'ai pas bien compris l'ordre dans lequel ont eu lieu les interventions de la ministre.

J'espère que Bruxelles répondra. La Commission est saisie depuis neuf mois. Le gouvernement de Lionel Jospin avait attendu onze mois, et non pas treize.

Nous avons déposé l'amendement 156 afin que soient respectés les engagements pris par le Président de la République à l'égard de Wallis-et-Futuna. Dans les deux ans, le Gouvernement devrait ainsi déposer un rapport présentant l'orientation générale d'un projet de loi de programme pour Wallis-et-Futuna.

Les outre-mer sont divers. Ces différences ont été reconnues en matière institutionnelle. En revanche, dans le domaine économique, tout est globalisé au sein d'une seule loi de programme. Appliquons les engagements du Président de la République.

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux amendements 156, 158 et 157, qui sont analogues. Il n'est pas question, dans une loi, de faire des injonctions au Gouvernement. Ce serait à la fois inconstitutionnel et déplacé. L'examen de la loi de finances sera l'occasion de présenter un état de la situation économique dans chacun des territoires en question.

Mme la Ministre - Même avis. Quand on envoie un texte à la Commission de Bruxelles, Monsieur Lurel, encore faut-il que le Parlement l'ait adopté.

A Wallis-et-Futuna, nous avons rétabli une convention de développement économique que vous aviez supprimée. Ce que vous demandez existe depuis la fin de l'année dernière. Nous ne vous avons pas attendu.

M. Victor Brial - Je voudrais rafraîchir la mémoire de MM. Queyranne et Christian Paul, qui furent en charge de l'outre-mer et qui ont signé l'amendement. M. Queyranne a refusé le renouvellement de la convention de développement de 1995-2000. M. Paul a refusé tout effort supplémentaire à la fin 2000. Son directeur de cabinet nous a fait des promesses. Ce sont le Président de la République et le nouveau Gouvernement qui ont honoré les engagements dont les wallisiens attendaient la réalisation depuis cinq ans.

Nous disposons désormais d'une convention de développement et d'une stratégie de développement durable sur quinze ans.

M. Victorin Lurel - Le rapporteur a parlé d'injonction. Si l'Assemblée adopte l'amendement, il ne s'agira plus d'une injonction. Déjà le projet est parsemé de rapports à remettre par le Gouvernement. Si nous ne pouvons plus rappeler celui-ci à ses engagements, sommes-nous encore au Parlement ?

J'espère, cher collègue Brial, que la convention respecte les engagements pris, et mobilise les crédits nécessaires. Prenons date pour le résultat !

L'amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - Notre amendement 158 est analogue au précédent, s'agissant cette fois de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Ces îles ont fait le choix de connaître très bientôt une évolution cosntitutionnelle, les dotant du statut prévu par l'article 74 de la Constitution. Je la soutiens.

En revanche, dans le domaine économique, le projet ne tient aucun compte des spécificités de nos deux îles, qui se trouvent dans un environnement international travaillé par le dollar, et sont entourées d'îles où la compétition économique est très sévère. Dans la partie hollandaise de Saint-Martin, séparée de la nôtre par une frontière fictive, le salaire minimum est deux fois moindre que notre SMIC. Nous avons donc besoin là d'un plan spécifique, comme s'y est engagé le Président de la République. Vous savez le respect affectueux que nous portons au Président Debré. Il est venu à l'époque, comme représentant du candidat Chirac, promettre à Saint-Martin une loi de programme spécifique.

S'agit-il à nouveau d'une injonction ? J'aimerais bien rappeler la majorité à ses engagements.

A Saint-Barthélémy, un rattrapage particulier est nécessaire, qui passe par une loi de programme adaptée.

L'amendement 158, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - L'amendement 157 a trait, lui, aux îles situées au sud de la Guadeloupe : la Désirade, les Saintes et Marie-Galante souffrent d'une triple, voire d'une quadruple insularité. Par exemple, les marchandises importées en Guadeloupe doivent y être réexpédiées à grands frais. Pour les développer, des mesures spécifiques sont indispensables. Un collectif de socioprofessionnels s'est constitué, auquel on a prodigué toutes sortes d'engagements sans que rien ne vienne. Aujourd'hui, la loi de programme ne tient pas davantage compte des spécificités de ces îles.

L'amendement 157, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - Les outre-mer contribuent au rayonnement culturel de la France et, pourtant, ce projet ne vise à assurer la dignité que par le travail, comme si l'homme n'était qu'un animal laborieux ! La dignité passe aussi par la culture et la nôtre est riche de sa diversité mais, comme l'a justement fait remarquer la ministre dans la presse, elle est méconnue, sinon totalement ignorée, dans la France européenne ! L'amendement 226 vise par conséquent à promouvoir la culture et la connaissance de l'outre-mer.

M. le Rapporteur - L'amendement est sympathique et nous ne serions sans doute pas ici si nous n'étions pas pour une meilleure connaissance de l'outre-mer. Néanmoins, la commission a repoussé cette disposition, estimant que les questions culturelles n'avaient pas leur place dans une loi de programme consacrée à l'emploi et à l'économie.

L'amendement 226, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - Par l'amendement 154, nous demandons, toujours dans le souci de mieux faire connaître l'outre-mer, que les enseignants consacrent une partie du programme à notre histoire et à notre géographie. Le gouvernement Jospin avait pris sur ce point des engagements qui n'ont pas été tenus. On ne peut laisser cette situation perdurer pendant quinze ans encore !

M. le Rapporteur - Rejet. Cet amendement aussi est sympathique mais la disposition est d'ordre réglementaire. D'autre part, si nous devions fixer ici les programmes du primaire, du secondaire et des universités, toute la loi de programme n'y suffirait pas !

Mme la Ministre - La disposition ne relève pas de la loi, en effet. Des instructions de 2001 et de 2002 ont d'ailleurs déjà répondu à la préoccupation de M. Lurel.

L'amendement 154, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - L'amendement 155 tend à jumeler chaque école d'outre-mer avec au moins une école de métropole. Sous réserve de réciprocité, les élèves de ces écoles se rencontreraient dans leur ville respective au moins une fois au cours de leur scolarité.

L'an passé, le Parlement des enfants a débattu d'une proposition semblable, puisqu'il s'agissait d'organiser un jumelage avec des écoles européennes. Ces échanges contribueraient à une meilleure connaissance de l'outre-mer, ainsi qu'à plus de compréhension et de fraternité.

L'amendement 155, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - L'amendement 227 vise à instituer sur tout le territoire de la République une « fête nationale des outre-mers » qui, ni fériée ni chômée, serait fixée au 19 mars en souvenir du 19 mars 1946, date où nos quatre vieilles colonies furent érigées en départements. J'ajoute que le 19 mars est aussi la date de la fête patronale de ma commune, la Saint Joseph, mais aussi celle de la Fête du Travail. Cela étant, pour mettre en valeur notre patrimoine et célébrer notre attachement à la France, on peut songer à d'autres jours. Certains proposeront peut-être une date en rapport avec l'abolition de l'esclavage - mais je crains qu'alors nous ne nous divisions entre le 27 avril, le 22 et le 27 mai...

M. le Président - Le 19 mars évoque aussi le 19 mars 1962...

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement. A titre personnel, je remarquerai qu'il n'a pas sa place dans cette loi et que les dispositions proposées sont un peu à géométrie variable.

Mme la Ministre - Je me préoccupe évidemment de mieux faire connaître les cultures d'outre-mer mais cette proposition exigerait une concertation préalable, ainsi qu'un large débat, car la mesure doit être consensuelle. Sauf à vouloir se livrer à une opération politique, on ne peut régler la question par le biais d'un amendement.

Puisque vous êtes attaché aux commémorations, Monsieur Lurel, je vous ferai remarquer que mon prédécesseur a négligé de prendre le décret d'application de la très belle loi votée le 21 mai 2001 à l'initiative de Mme Taubira : la loi qui reconnaît la traite et l'esclavage comme des crimes contre l'humanité ! Or, sans ce décret, on ne peut commémorer l'abolition de l'esclavage... Je m'engage donc à combler cette lacune dans les meilleurs délais (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Victorin Lurel - Vous voulez le consensus : soit ! Engagez le débat nécessaire. Quant au fait que le 19 mars soit aussi le jour anniversaire des accords d'Evian, je ne vois pas en quoi les anciens combattants pourraient en être choqués. Nous pourrions en tout cas en discuter. Et je n'ai pas d'arrière-pensée politicienne : mon seul propos est de défendre les intérêts de l'outre-mer ici même, en métropole !

Pour ce qui est de la loi Taubira, sous réserve de vérification, il me semble qu'elle contient des dispositions immédiatement applicables. D'autre part, le Sénat a tenté de retarder la discussion de ce texte et, sans la majorité socialiste, on n'aurait jamais abouti ! Qu'avez-vous fait, vous, depuis un an ? Avez-vous inscrit dans les programmes l'enseignement prévu ?

M. Eric Jalton - La préoccupation exprimée par notre collègue Lurel est légitime, et partagée. Le consensus existe donc, et il englobe même le Président de la République qui souhaite, lui aussi, que les outre-mers soient mieux connus en métropole.

L'amendement 227, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - La sous-représentation de la culture, notamment musicale, des outre-mer est manifeste sur les antennes françaises. L'amendement 228 tend à promouvoir cette expression, sous l'égide du CSA.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, qui n'a pas sa place dans le texte.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est défavorable à l'amendement, car les dispositions proposées existent déjà : elles figurent dans le cahier des missions et des charges de France 2 et France 3, dont l'exécution fait l'objet d'un compte rendu au CSA.

La diffusion souhaitée est encore insuffisante, mais l'amélioration attendue ne sera pas rendue possible par l'amendement.

M. Victorin Lurel - Je prends acte de cette réponse, qui n'apaisera pas les auteurs compositeurs réunis au sein de l'association Musique France Plus.

L'amendement 228, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - L'amendement 229 traite d'une question fondamentale : l'équilibre des pouvoirs. Il faut garantir la diversité des expressions, tout particulièrement dans les îles, petits territoires où la moindre concentration dans les médias, pèse sur l'exercice de la démocratie. Or, en Guadeloupe, par exemple, la présence obsédante du Gouvernement sur les ondes aboutit de fait à une mise sous tutelle et certaines personnes, dont moi-même, sont déclarées non grata sur les ondes. Le CSA doit veiller au respect du pluralisme dans les médias. Et comme il en va de la liberté d'expression, j'aimerais que l'on ne me réponde pas qu'une telle disposition n'a pas sa place dans le texte.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement, qui n'entre pas dans le champ d'un texte consacré à des mesures d'ordre économique.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 229, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Victorin Lurel - Loin de moi l'idée de critiquer par principe les exonérations de charges sociales, démarche engagée dès les années 1950 et reprise par M. Perben - mais financée par nous ! - puis par M. Jospin. Seulement, ces exonérations portent toujours sur les bas salaires, comme si l'outre-mer était voué au travail peu qualifié. Il faut favoriser, aussi, l'emploi des cadres moyens en augmentant le plafond retenu, comme je l'avais suggéré sans avoir, à l'époque, été suivi, et encourager ainsi l'embauche des salariés qualifiés. Il convient à tout le moins d'harmoniser les exonérations à 1,5 SMIC, sachant qu'en métropole, certains contrats proposés sous les auspices de la loi Fillon prévoient une exonération dans la limite de 1,7 SMIC. Les handicaps structurels de l'outre-mer étant clairement identifiés, il faut, pour les surmonter, procéder, d'une manière ou d'une autre, à une discrimination positive, et beaucoup reste à faire.

M. Louis-Joseph Manscour - C'est une tradition bien française de considérer que tout ce qui vient de l'autre est forcément mauvais ! Je rappellerai à mes collègues de l'actuelle majorité, qui nous reprochent nos critiques, que lors de l'examen de la LOOM, l'opposition de l'époque n'a voté ni les exonérations de charges sociales pour les rémunérations égales au plus à 1,3 SMIC, ni le dispositif d'insertion. Je suis socialiste et j'en suis fier car je crois dans les valeurs que je défends. Pour autant, je ne pense pas que tout ce qui vient de l'autre est forcément mauvais et, en particulier, si les mesures en faveur de l'emploi qui nous sont proposées amplifient et améliorent le dispositif mis au point par Christian Paul, je ne peux que m'en réjouir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Cela dit, aussi longtemps que la loi ne traduira pas une vision globale de l'outre-mer, les choses ne progresseront pas.

En ce qui concerne la défiscalisation des investissements, il faut savoir que les donneurs d'ordre sont à 70 % les collectivités. Ce sont elles qui investissent, même dans les nombreux hôtels qui se construisent ! Les exclure donc de l'exonération, ainsi que les banques, alors que les taux sont de deux points supérieurs à ceux de la métropole, ne paraît donc pas prendre en compte les réalités. Sans vision économique globale, comment voulez-vous faire avancer nos pays ?

Mme Gabrielle Louis-Carabin - L'article premier est fondamental. Le dispositif d'exonération des charges sociales donnera à notre jeunesse et à nos entreprises l'occasion de libérer leur imagination et leur esprit d'initiative, au profit du développement durable de leur département. Les emplois de la fonction publique ont été, dans nos départements, une véritable tromperie.

Des exonérations sont particulièrement prévues pour les entreprises de transport aérien. La disparition d'Air Lib nous a inquiétés et nous avons attiré l'attention de la ministre sur les politiques discriminatoires de certaines compagnies. Les disparités de prix entre les destinations françaises outre-mer et les destinations étrangères aussi ou plus lointaines sont trop fortes. L'exonération montre que le Gouvernement a su réagir dans l'urgence pour créer des conditions optimales de concurrence, en permettant l'émergence d'un plus grand nombre de compagnies et en rendant donc nos territoires plus attirants. La liberté de déplacement ne doit pas souffrir de décisions de pur profit. Nos productions locales doivent accéder à des marchés porteurs pour notre développement. Cet article rendra possible un développement économique durable.

Mme Christiane Taubira - Mme la ministre nous a souvent désignés, dans la discussion générale, par le terme « ce côté-ci de l'hémicycle ». Mais nous n'acceptons pas d'être considérés comme une zone géographique. Nous sommes l'opposition, et donc à ce titre l'honneur et la respiration de la démocratie. Je vous crois, Madame, très sincèrement attachée à l'outre-mer, et je suis donc inquiète de ce problème de vocabulaire. Nous présenter de façon misérabiliste, même si c'est avec compassion, parler de souffrances, de handicaps ou de chômage sans prendre le temps d'en expliquer les sources et surtout de rendre hommage au courage quotidien dont fait preuve la population pour éviter de sombrer dans la désespérance malgré toutes ces années où se sont additionnés projets de loi et promesses n'est pas bon. Si l'on ne prend pas le temps de parler de tout cela, il faut faire un gros effort pour changer de regard sur l'outre-mer.

A ce titre, je regrette que les deux motions de procédure n'aient pas suscité un vrai débat. Certes, de telles motions sont inhabituelles dans les débats sur l'outre-mer, mais il faudra s'y faire ; il faudra que les députés de la majorité acceptent la confrontation d'idées. Utiliser des procédures officielles et courantes n'est pas faire de l'obstruction, c'est accomplir son travail parlementaire. Hier, vous nous avez privés d'un débat contradictoire sur la question préalable. Que Christian Paul ait été secrétaire d'Etat, c'est son affaire. Que vous trouviez anormal qu'il puisse prendre librement la parole dans l'hémicycle, c'est votre affaire. Mais que nous ne puissions pas connaître votre point de vue sur le contenu de la motion, c'est notre affaire et je déplore qu'il en ait été ainsi.

M. le Président - Pourriez-vous vous exprimer sur l'article ?

Mme Christiane Taubira - Si des questions de fond restent en suspens parce que nous avons été privés de débat au stade où nous devions les examiner, la suite de la discussion en sera affectée !

Je salue votre engagement sur la commémoration de l'abolition de l'esclavage, et surtout le ton que vous avez employé, qui montre l'idée élevée que vous avez de notre histoire commune, même si elle est douloureuse. Je vous sais d'autant plus gré du respect sans ostentation que vous avez montré que nous avons entendu hier des réactions déplorables sur les bancs de la majorité. Des choses ont été accomplies dans ce domaine, comme le concours René Cassin et les bourses de recherche de l'année 2001.

Sur l'article premier, Monsieur le Président...

M. le Président - Il ne faudrait pas que la mansuétude dont la présidence fait preuve à votre égard incite tous vos collègues à refaire la discussion générale sur chaque article.

Mme Christiane Taubira - C'est moi qui suis pénalisée par ces digressions, puisqu'elles prennent sur mon temps de parole ! Je voudrais donc formuler trois observations sur l'article. D'abord, vous prenez le risque d'une recentralisation. Le poids des interventions d'Etat va pousser à ne pas tenir compte des priorités des collectivités, voire à contrecarrer leurs orientations. Ensuite, un processus est en cours outre-mer, et singulièrement en Guyane. Des concertations sont engagées, de façon à ouvrir des espaces de liberté locale et éventuellement aboutir à des règles générales. Enfin, vous renvoyez la création d'activité à l'initiative privée, alors qu'il s'agit d'une responsabilité hautement politique. J'aimerais que vous teniez compte de ces éléments dans l'examen des amendements.

M. Mansour Kamardine - Je m'associe à M. Manscour pour défendre la liberté d'expression et le débat contradictoire. On peut être en désaccord et s'estimer mutuellement, et mon côté de l'hémicycle est tout à fait disposé à entendre la différence qui fait la richesse de la République. M. Manscour estime, comme nous, que le titre premier prévoit un bon dispositif et nous serons heureux de le voter avec lui. Madame Taubira, nous partageons pour l'outre-mer la même affection. Ce qui nous a choqués hier n'était pas la contradiction, mais le viol d'une tradition républicaine. Vous avez certainement remarqué à son ton que M. Paul ne s'était pas rendu compte qu'il n'était plus le représentant du Gouvernement. Il faut remettre les pieds sur terre, c'est à ça que sert d'ordinaire le suffrage universel.

Le premier volet du projet de loi aborde la question fondamentale de l'emploi. Les élus d'outre-mer sont tous confrontés à des taux de chômage très élevés. Nous commençons donc le débat avec notre priorité absolue. Certaines améliorations ont été apportées par le Sénat, comme les aides aux employeurs pour proposer des contrats à durée indéterminée et faciliter les démarches administratives. Mais ce n'est pas suffisant. Dire que la situation de l'emploi à Mayotte est catastrophique n'est pas exagéré. Vous évoquiez dans la discussion générale un taux de chômage outre-mer d'un actif sur quatre, voire sur trois ; à Mayotte, c'est un sur deux. Mayotte détient donc un triste record, qui débouche sur une crise sociale majeure et frappe de plein fouet sa jeunesse. Les moins de 25 ans dont le niveau d'étude n'excède pas la troisième sont au chômage à plus de 71 %. En outre, aucun système ne permet aux sans emploi de subvenir décemment à leurs besoins. Il faut impérativement tenir compte de l'immense retard que connaît Mayotte et prendre des mesures ciblées pour sa jeunesse. En d'autres termes, il nous faut les moyens adéquats.

J'ai fait un certain nombre de propositions pour tenir compte de nos handicaps structurels. L'extension à Mayotte du congé solidarité visait à répondre à l'impérieuse nécessité de favoriser l'emploi des jeunes, tout comme la volonté des élus d'instaurer un revenu minimum d'activité.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Mansour Kamardine - Mayotte n'est représentée que par un seul parlementaire.

M. le Président - Vous me l'avez expliqué sur place à maintes reprises, mais j'applique le Règlement de l'Assemblée.

M. Mansour Kamardine - L'extension du dispositif des zones franches et la création de zones d'activités commerciales amélioreraient la situation de l'emploi. La création d'une ANPE me tient aussi à c_ur, afin d'accompagner les demandeurs d'emploi.

Les handicaps structurels de Mayotte, la taille de ses entreprises, exigent des mesures adaptées et de grande ampleur. Je souhaite que ce texte nous donne une nouvelle occasion d'en débattre, afin que nous endiguions le fléau du chômage, qui gangrène la société mahoraise.

M. le Rapporteur pour avis - Ce dispositif participe pleinement à la relance de l'emploi dans nos régions et j'espère donc qu'il sera couronné de succès.

Les plans successifs d'emplois aidés ont amené les collectivités locales à recruter un grand nombre d'agents en CES et en CEC. Or des syndicats entretiennent la confusion entre ces contrats de droit privé et des emplois précaires, qui ouvriraient droit à une intégration dans la fonction publique. C'est donner de faux espoirs à ces salariés.

L'exonération de charges prévue à cet article permettra de réduire l'écart entre emplois publics et privés et rendra donc le secteur marchand plus attractif. Les agents actuellement employés à mi-temps dans nos collectivités seront ainsi incités à rechercher ailleurs un emploi à plein temps, ce qui allégera la charge de nos communes et garantira aux intéressés une meilleure retraite. Toutefois, cette mesure nous serait encore plus bénéfique si elle se conjuguait avec les avantages de la loi Fillon, notamment en ce qui concerne l'aménagement et la réduction du temps de travail.

M. Victorin Lurel - M. Perben avait exonéré le SMIC de charges sociales patronales ; MM. Queyranne et Paul ont porté cette exonération à 1,3 fois le SMIC ; par l'amendement 231, je propose pour ma part de la porter à 1,5 fois le SMIC, sans distinction de secteur.

Sans doute invoquera-t-on des raisons financières pour rejeter cet amendement, mais il faut bien trouver des leviers pour favoriser la création d'emplois et on a vu, depuis 1986, que l'allégement en est un.

J'ajoute que cet amendement permettrait de mieux prendre en compte les handicaps et le niveau de qualification de l'outre-mer en exonérant les salaires de cadres intermédiaires. Si les 30 000 entreprises de Guadeloupe qui ne comptent aucun salarié en embauchaient un grâce à cette mesure, nous aurions fait _uvre utile.

M. le Rapporteur - Je vous remercie de rendre hommage, avec un peu de retard, à la ristourne Juppé, qui a été le premier allégement indifférencié de charges sociales.

La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable car il est très général alors que le Gouvernement a fait le choix d'une mesure ciblée. En outre, cet amendement aurait un coût très élevé car, depuis 1994, toute mesure de ce type fait l'objet d'une compensation intégrale par l'Etat. Compte tenu de l'état des finances publiques, cela n'est pas envisageable.

Mme la Ministre - Défavorable.

M. Victorin Lurel - En effet, ma proposition a un coût, mais il faut renforcer les effets d'une loi qui engage de bien faibles sommes en faveur de l'outre-mer. Ce gouvernement trouve de l'argent pour appauvrir les pauvres et pour enrichir les riches, en diminuant l'ISF, manifestement, il n'en a pas pour l'outre-mer car telle n'est pas sa priorité.

M. André Thien Ah Koon - Rappel au Règlement ! Monsieur le Président, je vous demande de faire une stricte application de l'article 100 de notre Règlement, qui limite à cinq minutes le temps imparti pour présenter un amendement. Manifestement, certains sont ici pour faire de l'obstruction mais nous, nous avons du travail à faire.

M. le Président - Le Président est là pour appliquer strictement le Règlement. En l'occurrence, M. Lurel n'avait pas épuisé ses cinq minutes, c'est pourquoi je lui ai redonné la parole.

En outre, le Règlement est une chose, le climat du débat en est une autre. Il vaut parfois mieux laisser un orateur dépasser son temps d'une minute que de subir une suspension de séance d'un quart d'heure...

Mme Christiane Taubira - Le Président est un homme avisé.

L'amendement 231, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bertho Audifax - L'article L.752-3-1 incite à la création de micro-entreprises de moins de 10 salariés mais il pénalise aussi, par effet de seuil, les entreprises qui en comptent plus de 10. L'amendement 4 vise donc à limiter l'exonération aux dix premiers salariés, mais quelle que soit la taille de l'entreprise.

M. Eric Jalton - Avant d'en venir à mon amendement, je veux préciser pourquoi nous n'avons pas fait de propositions relatives à la culture dans ce débat. C'est que nous avons lu la Constitution. Son article 34 dispose que « des lois de programme déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'Etat ». La culture n'entrait pas dans ce cadre. Ceci n'enlève rien à l'opportunité des propositions qui ont été faites de façon consensuelle.

Je propose par l'amendement 191 d'étendre à toutes les entreprises jusqu'à cinquante salariés le bénéfice de l'exonération de charges pour leurs dix premiers salariés. Cela réduirait la distorsion de concurrence que laisse subsister l'actuelle rédaction.

M. Victorin Lurel - Je propose par l'amendement 161, cosigné par Mme Taubira et M. Manscour, de porter le seuil de dix à vingt salariés, afin de mieux lisser les effets de seuil. On a souvent reproché à la LOOM cet effet de seuil. M. Paul, à qui je rends un hommage appuyé - ce n'est pas parce qu'il a été ministre qu'il doit être interdit de parole, et il s'est exprimé de façon correcte et courtoise - a eu raison de dire que nous n'avions pas supprimé l'effet de seuil. La loi Perben visait quelques secteurs : nous avons étendu la mesure à tous les secteurs. Du reste l'effet de seuil ne joue pas pour les secteurs exposés, qui regroupent 95 % des entreprises. Le coût budgétaire à la marge d'un passage de dix à vingt salariés ne serait donc pas très élevé. On a déjà exclu la banque, l'assurance et la grande distribution. Pour éviter des distorsions de concurrence, nous proposons de mieux cibler et de mieux lisser.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement 4. Elle n'a pas examiné les amendements 161 et 191, mais j'y suis personnellement défavorable. Tout d'abord, la création d'emplois, outre-mer comme en métropole, passe d'abord par les petites entreprises. Ensuite, et contrairement à ce qui était le cas précédemment, l'effet de seuil est gommé par le fait que les entreprises qui s'accroissent gardent, en passant au-dessus de dix salariés, le bénéfice de l'exonération pour les dix premiers. L'accorder pour dix salariés, quel que soit l'effectif, donnerait lieu à un effet d'aubaine. C'est pourquoi nous avons repoussé l'amendement 4. Le 191 devrait être repoussé pour la même raison. Enfin, pour le 161, le passage de dix à vingt n'est pas non plus de nature à favoriser la création d'emplois.

Mme la Ministre - La mesure d'allégement que nous proposons se veut doublement ciblée, sur les PME et sur les secteurs où la création d'emplois doit être encouragée. L'amendement 4 ne répond pas à cette logique. En outre, son coût sortirait du périmètre budgétaire de ce projet de loi ; c'est pourquoi il ne m'est pas possible de l'accepter.

Sur l'amendement 191, je rappelle que les entreprises de dix salariés ou moins concernées par les exonérations étaient environ 28 000 fin 2001, soit plus de 86 % du total ; elles regroupent 104 000 salariés, soit près de 40 % du total. La mesure, étendue aux entreprises de cinquante salariés ou moins, concernerait 31 900 entreprises et 141 500 salariés, ce qui accroîtrait de plus de 36 % le nombre des bénéficiaires. Ici encore, nous sortirions du périmètre budgétaire actuel.

Pour ce qui est enfin de l'amendement 161, les entreprises de 11 à 20 salariés sont environ 2 200 dans les DOM. L'amendement ferait porter l'exonération sur quelque 33 000 salariés supplémentaires pour un coût de 130 millions d'euros. D'une façon générale, Monsieur Lurel, il est dommage que vous n'ayez pas présenté vos amendements dans la LOOM, quand les contraintes budgétaires étaient moins fortes. Je suis désolée que vous ayez manqué cette occasion, mais je ne peux accepter une telle dépense.

M. Bertho Audifax - Je me range à l'argumentation de Madame la ministre. Je demande seulement que dans trois ans, lors de l'évaluation, on fasse le point pour voir ce qui est possible.

L'amendement 4 est retiré.

M. Eric Jalton - J'admets l'argumentation de Madame la ministre, qui est cohérente avec les contraintes budgétaires. En revanche, Monsieur le rapporteur, je ne vois pas en quoi mon amendement créerait plus d'effets d'aubaine que la rédaction actuelle.

L'amendement 191, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 161.

M. René-Paul Victoria - J'ai appelé ce matin l'attention de l'Assemblée sur les personnes de plus de quarante ans qui perdent leur emploi. Il y a là une force et une compétence. Mon amendement 405 vise à les insérer dans le tissu économique, notamment pour assurer l'encadrement.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. Le mécanisme prévu favorise l'emploi dans les petites entreprises, quels que soient le niveau de qualification et l'âge des personnes. L'amendement ne s'insère pas dans cette logique.

Mme la Ministre - L'esprit du texte n'est pas de cibler des publics particuliers, mais les PME et les secteurs d'activité. Pour répondre au souci de M. Victoria, je rappelle qu'il existe des mesures d'aide à l'embauche spécifiques à l'outre-mer, comme le contrat d'accès à l'emploi. Par ailleurs, la disposition qu'il propose serait difficile à mettre en _uvre. L'exonération de charges sociales est en effet automatique dès que l'entreprise est éligible, et gérée par la caisse de sécurité sociale au vu de l'effectif de l'établissement.

M. René-Paul Victoria - Au bénéfice de cette réponse, qui renvoie à d'autres dispositifs existant ou à créer, je retire l'amendement.

L'amendement 405 est retiré.

M. René-Paul Victoria - Mon amendement 286 tend à gommer l'effet de seuil des cinquante salariés, qui risque de conduire à une déstructuration de la profession du BTP. Il a pour but de sécuriser les grosses sociétés de plus de cinquante salariés pour éviter une atomisation de la profession.

M. le Rapporteur - Défavorable. Le dispositif du Gouvernement nous semble bien adapté.

M. le Ministre - Défavorable. Cet amendement pourrait présenter un inconvénient important pour certaines entreprises de BTP. Appliquer un coefficient de 70 % aux entreprises de 11 à 50 salariés pénaliserait environ 320 entreprises, dont un tiers à la Réunion, qui, grâce au dispositif que nous proposons, pourront bénéficier d'une exonération de 100 %.

M. Victorin Lurel - Je soutiens l'amendement de M. Victoria. Il y a un effet pervers qu'on n'a pas assez relevé. Ce qu'on reprochait déjà au seuil de dix salariés est plus vrai encore à cinquante : c'est le risque de scissions d'entreprises pour éviter les conséquences du seuil. Nous risquons de voir de grosses structures européennes ou métropolitaines débarquer dans les îles pour profiter de ce dispositif. Nous risquons d'avoir des entreprises boîtes aux lettres. Peut-être faut-il mieux lisser l'effet de seuil. Les socioprofessionnels ont d'ailleurs simulé un tel mécanisme.

Donner ostensiblement la priorité à l'emploi dans les petites entreprises, c'est bien, mais ce ciblage ne doit pas être trop restrictif : la création d'un emploi marginal dans une grosse entreprise sera finalement pénalisée, faute de soutien fiscal.

M. Gérard Grignon - Rappel au Règlement. L'article 100-7, relatif à la discussion des amendements, dispose que, outre l'auteur de l'amendement, la ou les commissions, et le Gouvernement, ne peut être entendu qu'un orateur d'opinion contraire ». Or M. Lurel est favorable à l'amendement. Il n'avait donc pas le droit d'intervenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Depuis qu'il a commencé, le débat se déroule bien. Efforçons-nous de préserver ce climat, alors que M. Lurel est en pleine forme ! Vous n'ignorez pas, au demeurant, que l'article 56-3 autorise le Président à donner la parole à un orateur pour répondre au Gouvernement ou à la commission.

M. René-Paul Victoria - Je vais demander au secteur du BTP de réaliser une étude assez fine, et je retire mon amendement.

MM. Victorin Lurel et Jean-Christophe Lagarde - Je le reprends.

M. Jean-Christophe Lagarde - Nous voulons aider des territoires à se développer économiquement en compensant leurs handicaps géographiques. L'amendement 286 nous paraît aller dans ce sens. Tout emploi créé dans une entreprise, qu'elle compte 49 ou 51 salariés, favorise la richesse. Je ne vois pas pourquoi fixer outre-mer des seuils, comme nous le faisons en métropole pour éviter des effets d'aubaine qui n'existent pas là-bas.

L'amendement 286, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - La démocratie serait-elle difficile parfois à supporter, cher collègue Grignon ?

La ministre m'a reproché d'être absent de cet hémicycle depuis 1997, sinon, dit-elle, j'aurais pu proposer plus tôt de porter le seuil à 1,5. Mais l'ubiquité est un attribut de Dieu, et je n'en suis pas encore là.

M. le Président - Revenez-en à l'amendement !

M. Victorin Lurel - L'amendement que j'ai présenté sur les 20 salariés l'avait été par M. Chaulet. Que n'avait-on alors entendu ! A l'époque, l'opposition faisait son travail. Pourquoi me reprocher aujourd'hui la même pugnacité ?

L'amendement 230 est symbolique. Je vous propose de transformer le mot « métropole » sur « territoire européen de la France ». « Métropole » est en effet historiquement connoté. Dans quelle République aujourd'hui y a-t-il une métropole et des colonies ? Dire que l'on va en métropole est une facilité de langage. Ma proposition ne devrait pas susciter d'opposition idéologique. Chez les marxistes on disait « centre » et « périphérie », ce qui est stigmatisant. Métropole et colonies, c'est encore pire.

M. le Rapporteur - Rejet. « Métropole » figure dans le droit positif français depuis longtemps ! En outre, demander de « procéder à la même substitution dans l'ensemble du projet » n'est pas conforme à la procédure parlementaire. Faudra-t-il ainsi modifier tous les textes où le terme apparaît ?

Mme la Ministre - « Territoire européen de la France » prête à confusion. L'Europe, en reconnaissant les régions ultrapériphériques comme frontières ultramarines n'entend pas être limitée à une seule partie continentale. Je suis par ailleurs surprise que vous reveniez sur une expression consacrée par la Constitution, à son article 74-1, et qui n'avait pas choqué vos amis politiques en 2000, lorsqu'ils ont présenté la loi d'orientation sur l'outre-mer, et en particulier son article 37.

L'amendement 230, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Sur l'amendement 160, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Victorin Lurel - Je m'apprêtais à retirer l'amendement 230, en me rendant aux arguments de la ministre.

L'amendement 160 est relatif à la continuité territoriale. Nous voulons subordonner les exonérations de charges accordées aux entreprises de transport aérien assurant la desserte entre l'outre-mer et la métropole à une baisse effective du prix du billet répercutée sur les usagers. Le collectif des Antillais et Guyanais créé en février 2003 et qui réunit déjà de très nombreux domiens, se plaint des tarifs aériens abusifs qui isolent et pénalisent les résidents ultramarins. Pour partir cet été avec son conjoint et trois enfants de plus de douze ans, il faudra dépenser sept à neuf mois de salaire. En mars 2003, le trafic passager entre la métropole et les DOM a reculé de 12 % en raison de l'explosion du prix des billets. La France, ajoute le collectif, ne respecte pas ses propres règles et viole ses obligations juridiques et morales envers ses citoyens ultramarins. La continuité territoriale, poursuit-il, est un droit constitutionnel. On donne 167 millions à 260 000 habitants de la Corse ; très bien. Nous demandons l'égalité de traitement. Le déni de continuité territoriale est aussi un déni de citoyenneté, conclut le collectif.

Nous voulons que l'allégement accordé aux compagnies aériennes soit effectivement répercuté. Les marges de ces compagnies-là, sur ces dessertes-là, sont conséquentes. Il ne convient pas d'augmenter la marge bénéficiaire de ces entreprises sans répercussion sur ceux qui demandent à disposer du droit d'aller et de venir. Tous les collègues contactés par le collectif ont signé son manifeste. Il ne leur reste qu'à voter l'amendement.

M. le Rapporteur - Rejet. Le dispositif du Gouvernement est conçu en faveur de l'emploi. M. Lurel propose d'introduire une condition relative aux prix. Si vraiment les compagnies qui desservent l'outre-mer étaient à ce point bénéficiaires, il ne serait pas nécessaire d'alléger leurs charges sociales. De plus, la concurrence serait vive. Si ce n'est malheureusement pas le cas, c'est que la rentabilité de la desserte n'est pas celle que croit notre collègue.

Mme la Ministre - Cet amendement pose une difficulté par rapport à la réglementation européenne en matière de concurrence, dans la mesure où les compagnies seraient traitées différemment selon qu'elles auraient signé ou non une convention. Les obligations de service public pour les compagnies aériennes existent déjà à destination des DOM. Les garanties que les compagnies doivent offrir pourront être renforcées. Le groupe de travail mis en place avec le ministère des transports sur la continuité territoriale étudie la question.

Enfin, sur le fond, Monsieur Lurel, votre préoccupation est satisfaite par le projet, qui prévoit une évaluation de l'impact des exonérations, éventuellement assortie d'une révision de la liste des secteurs bénéficiaires.

M. Jean-Christophe Lagarde - La préoccupation de M. Lurel est légitime, mais son amendement n'y répond pas de façon satisfaisante. En effet, à vouloir définir par avance un prix maximum sans tenir compte de l'évolution des coûts, on s'expose à des décisions arbitraires, en fort décalage avec la réalité. C'est d'ailleurs pourquoi certains décrets d'application ne sont jamais pris.

Mais il existe un autre moyen de maîtriser les tarifs des liaisons entre la métropole et l'outre-mer, ou entre DOM-TOM : je pense au dispositif adopté pour la Corse. C'est dans un tel cadre qu'il convient de négocier, territoire par territoire, des tarifs accessibles aux habitants de l'outre-mer ainsi qu'aux originaires d'outre-mer vivant en métropole.

M. Victorin Lurel - Madame la ministre, le texte européen de juillet 1992 est très clair : lorsque la concurrence ne joue pas suffisamment, il appartient à l'Etat d'organiser un appel d'offres et d'imposer des obligations de service public assorties de compensations financières. C'est ce qui a été fait pour la Corse et, en mars 2000, la Commission a même agréé des aides régionales.

On ne peut raisonnablement imputer l'insuffisance de la concurrence à une trop faible rentabilité : Air France réalise un bénéfice annuel net considérable sur ses lignes d'outre-mer ! Organisez donc des appels d'offres comme en Corse !

A la majorité de 27 voix contre 10 sur 37 votants et 37 suffrages exprimés, l'amendement 160 n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - L'amendement 232 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné mais, compte tenu de la position qu'elle a adoptée sur les amendements précédents, elle l'aurait certainement repoussé.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 232, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Le Sénat a tenu à inclure les centres d'appels dans les secteurs « exposés », mais cette disposition apparaît superflue : soit ces centres sont déjà intégrés dans des entreprises et ils bénéficieront alors du même régime que celles-ci ; soit ils ne le sont pas et, dans la mesure où ils font appel aux nouvelles technologies, il n'y a pas lieu de prendre de nouvelles dispositions. D'où l'amendement 66.

Mme la Ministre - La Haute Assemblée a voulu inclure explicitement les centres d'appels dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication afin de lever toute incertitude sur ce point. Je me prononcerai de même en faveur de la clarté.

L'amendement 66, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 5 est retiré.

M. Victorin Lurel - L'amendement 234 vise à inclure les cliniques privées dans la liste des secteurs bénéficiant d'exonérations, afin d'améliorer l'offre de soins. Nous proposerons ultérieurement d'autres dispositions pour le secteur public.

Mme Juliana Rimane - L'amendement 314 vise à développer le secteur de la santé outre-mer. En Guyane particulièrement, les centres hospitaliers publics ne peuvent satisfaire à tous les besoins de la population et le rôle des cliniques est donc essentiel pour compléter l'offre de soins. Elles doivent par conséquent être soutenues.

M. Éric Jalton - L'amendement 322, deuxième correction, vise également à étendre aux cliniques privées les exonérations de charges patronales prévues pour le secteur hôtelier, afin d'améliorer leur fonctionnement et de promouvoir la création d'emplois. N'oublions pas que ces établissements remplissent des missions de service public !

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ces amendements mais, dans la mesure où la fixation des prix dans l'hospitalisation privée dépend des ARH et où une exonération implique une dépense supplémentaire, tout allégement de charges sociales obligerait à revoir ces prix. Sagesse, par conséquent !

Mme la Ministre - Les cliniques bénéficieront des exonérations prévues par la loi Fillon et c'est pourquoi elles n'ont pas été incluses dans le présent dispositif. Rejet.

L'amendement 234, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 314 est retiré.

L'amendement 322, deuxième correction, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Éric Jalton - L'amendement 190 tend à étendre à des secteurs d'intérêt général contribuant au développement de l'outre-mer et dans lesquelles interviennent les SEM, entreprises des collectivités locales, les exonérations prévues par le projet pour des secteurs de l'industrie, de la restauration et des nouvelles technologies notamment.

M. René-Paul Victoria - Je retire l'amendement 288.

L'amendement 288 est retiré.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement 190 mais je me prononcerai contre, à titre personnel. En effet, s'ils sont dignes d'intérêt, ces secteurs ne relèvent pas tous du secteur productif, ou en tout cas n'en relèvent pas tous au même degré.

Mme la Ministre - Les SEM dont l'effectif est égal au plus à dix salariés bénéficient déjà d'exonérations de charges patronales. D'autre part, nous avons délibérément choisi de soutenir les seuls secteurs exposés. Enfin, une réflexion étant en cours sur les SEM, il ne nous semble pas souhaitable d'anticiper sur ses conclusions.

L'amendement 190 est retiré.

M. Éric Jalton - Le secteur hôtelier ayant été retenu comme secteur prioritaire, il semble indispensable d'étendre certaines des dispositions prises en sa faveur aux centres de formation professionnelle hôtelière, qui en sont le vivier. D'où l'amendement 187.

Sans ce soutien, la relance du secteur, et donc de l'ensemble des activités touristiques, serait vaine.

M. le Rapporteur - Avis personnel défavorable à l'amendement que la commission n'a pas examiné. Les activités des centres visés ne sont pas directement liées à l'emploi et il n'y a donc pas lieu de leur accorder l'exonération.

Mme la Ministre - Il est difficile de distinguer précisément quels sont ceux des centres de formation qui dispensent uniquement une formation hôtelière, ce qui rendrait très malaisée l'application de votre proposition, au demeurant généreuse, puisqu'alignée sur le taux de 1,5 SMIC accordé à l'industrie du tourisme, c'est-à-dire le plus élevé. Mais le plan d'urgence que M. Bertrand et moi-même avons élaboré comprend des mesures destinées à améliorer la formation du personnel du secteur, car le problème est réel.

Ayant entendu ces précisions, peut-être accepterez-vous de retirer l'amendement.

M. Eric Jalton - Je vous fais confiance, et nous verrons dans trois ans quel aura été l'effet de vos mesures. Je retire l'amendement 187.

Quant à l'amendement 321, deuxième correction, il vise à étendre aux établissements d'hébergement de personnes âgées les exonérations de charges patronales prévues pour le secteur hôtelier.

M. le Rapporteur - Je ne suis pas favorable à cet amendement, que la commission n'a pas examiné. Il me semble en effet hardi d'assimiler ces établissements à des établissements de tourisme ! Certes, des problèmes existent dans cette branche aussi, mais ce ne sont pas les mêmes.

Mme la Ministre - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. Eric Jalton - Il ne s'agit évidemment pas d'assimiler à des établissements de tourisme des établissements qui hébergent des personnes âgées dépendantes mais de promouvoir l'emploi dans ce secteur-là aussi.

L'amendement 321, 2ème correction, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bertho Audifax - La réponse que m'a faite Mme la ministre au cours de la discussion générale m'amène à retirer l'amendement 6.

M. Jean-Christophe Lagarde - L'amendement 359 corrigé tend à exonérer de charges patronales la partie des salaires équivalente au SMIC pour tout nouvel emploi créé quel que soit le secteur concerné. Ce dispositif pousse à la création d'emplois. Pour éviter tout effet d'aubaine, les conditions d'octroi de l'exonération sont strictement encadrées. Cette disposition apparaît d'autant plus nécessaire qu'il faut absolument réduire le coût du travail dans les DOM-TOM pour leur permettre de résister à la concurrence de territoires dont la législation n'a rien à voir avec la nôtre. Il convient donc d'amplifier les mesures proposées par le Gouvernement grâce à ce dispositif, qui présente l'avantage de ne rien coûter à l'Etat puisqu'il s'agit d'emplois non créés à ce jour. Mieux : en permettant que des chômeurs retrouvent un emploi, cette mesure serait source d'économies, le poids des indemnités de chômage diminuant tout comme celui du RMI.

M. le Rapporteur - Avis personnel défavorable à l'amendement, que la commission n'a pas examiné. Le dispositif proposé a bel et bien un coût, ce que son auteur admet implicitement en prévoyant un gage, puisque toute exonération doit donner lieu à compensation et que, dans la plupart des cas, la compensation est plus élevée que ne le sont les prestations sociales qui ne seraient plus servies. De plus, le dispositif est intéressant mais moins intéressant que celui du Gouvernement pour les secteurs ciblés parce que particulièrement créateurs d'emplois.

Je propose donc à l'Assemblée de s'en tenir au texte du Gouvernement.

Mme la Ministre - Le Gouvernement comprend l'objectif visé, mais s'interroge sur les conséquences, autres que budgétaires, qu'aurait l'application d'un tel dispositif, qui limiterait singulièrement la portée des mesures gouvernementales et dissuaderait les entreprises de prendre le risque des recrutements espérés. Au vrai, l'amendement est dangereux, et risque d'être contre-productif.

M. Jean-Christophe Lagarde - Je souhaite éviter toute confusion : il ne s'agit pas de mettre les deux dispositifs en concurrence. Celui du Gouvernement demeurerait intact, mais l'ensemble des entreprises, y compris celles que les mesures gouvernementales ne ciblent pas, bénéficieraient d'une aide. S'agissant de la compensation, je suis persuadé que le montant d'un RMI auquel s'ajoutent les aides sociales versées à une famille représentent largement les cotisations patronales sur un SMIC. L'Etat s'y retrouverait.

L'amendement 359 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Juliana Rimane - L'Union européenne a fait de l'année 2003 l'année des personnes handicapées dont le sort préoccupe le Président de la République au premier chef. Par rapport aux autres membres de l'Union, la France n'occupe pas une place enviable. Or, si la situation des handicapés est difficile à vivre en métropole, elle l'est bien plus encore dans les collectivités d'outre-mer. L'amendement 73 vise à améliorer significativement leurs conditions de vie en leur ouvrant plus largement l'accès au monde du travail.

M. le Rapporteur - La préoccupation est louable mais la législation relative à l'emploi des personnes handicapées s'applique aussi à l'outre-mer. Il n'y a donc pas besoin de mesures spécifiques, ce pourquoi la commission a repoussé l'amendement.

Mme la Ministre - Chacun s'accorde sur l'objectif, mais les exonérations proposées dans le projet concernent tous les salariés, y compris les salariés handicapés, qui sont par ailleurs éligibles à toutes les mesures spécifiques, tant en métropole qu'à l'outre-mer avec les contrats d'accès à l'emploi.

Pour le recrutement d'une personne handicapée par contrat d'accès à l'emploi par exemple, l'entreprise bénéficie d'une exonération jusqu'à 1,3 SMIC, d'une prime mensuelle et d'une autre prime financée sur le fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Les entreprises bénéficient également de primes à l'embauche, de subventions pour adaptation au milieu du travail et d'un abattement de salaire. Tous ces dispositifs couvrent vos propositions et je demande le rejet de cet amendement.

Mme Juliana Rimane - Compte tenu de ces explications, je le retire.

L'amendement 73 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 65 est un amendement rédactionnel.

L'amendement 65, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

Mme Gabrielle Louis-Carabin - L'amendement 122 vise à soustraire les entreprises d'outre-mer à la loi Fillon du 17 janvier 2003, qui exclut le cumul des exonérations de charges liées à l'alignement progressif des SMIC avec d'autres avantages de même nature. La loi de programme doit pouvoir produire son plein effet. Il faut donc prévoir des dispositions dérogatoires pour l'articuler avec le présent texte.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Personnellement, je suis assez dubitatif sur son intérêt. Dans la plupart des cas, l'exonération totale va jusqu'à 1,5 SMIC. Le dispositif Fillon, lui, est dégressif jusqu'à 1,7 SMIC. Il n'y a donc guère qu'une petite fraction, entre 1,5 et 1,7, qui serait légèrement avantagée par la loi Fillon. Pour plus de clarté, il faut éviter le cumul des différents dispositifs.

Mme la Ministre - Cet amendement pose en effet un problème de cumul. L'allégement supplémentaire de cotisations était dans les DOM associé à la réduction du temps de travail. Mais les modalités des 35 heures ont été modifiées et le présent texte prévoit des exonérations nettement plus favorables que le dispositif Fillon. Celui-ci ne concernant que moins de 4 % des entreprises, son maintien ne paraît donc pas justifié.

Mme Gabrielle Louis-Carabin - En effet.

L'amendement 122 est retiré.

M. Victorin Lurel - L'amendement 233 a le même objet. La LOOM consentait 9 000 F de bonifications. L'allégement des charges représente, lui, 2 440 F. Il y a de quoi s'émouvoir ! Les entreprises attendaient une articulation entre les lois Girardin et Fillon. Même celles qui bénéficieront du maximum d'aides perdent leur avantage comparatif. La discrimination positive en faveur de l'outre-mer est battue en brèche.

M. Christophe Payet - L'amendement 336 est défendu.

M. le Rapporteur - Ces deux amendements sont semblables aux précédents et, pour les mêmes raisons, je leur donne à titre personnel un avis défavorable.

Mme la Ministre - Avis défavorable sur les deux amendements.

L'amendement 233, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le 336.

M. Victorin Lurel - Les avantages de l'allégement que vous prévoyez vont être absorbés par l'augmentation du SMIC que les entreprises vont devoir appliquer. L'amendement 159 vise à préserver l'avantage comparatif dont dispose l'outre-mer et à articuler le présent dispositif avec la loi Fillon.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Le cumul des avantages aurait un coût non négligeable et le Gouvernement consent un effort déjà important. Pour cette raison ainsi que celles que j'ai déjà exposées à propos des amendements précédents, avis défavorable à titre personnel.

L'amendement 159, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Payet - L'amendement 335 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Personnellement, j'y suis défavorable.

L'amendement 335, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. René-Paul Victoria - L'amendement 285 est semblable à ceux de Mme Louis-Carabin et de M. Lurel. Je le retire.

M. Eric Jalton - L'amendement 368 est dans le même cas. Je ne me fais guère d'illusions sur son sort et je le retire.

Mme la Ministre - L'amendement 130 supprime une taxe additionnelle devenue sans objet : c'est la levée du gage sur les centres d'appel que j'avais annoncée.

M. le Rapporteur - Je n'étais pas très favorable à la mention des centres d'appel, mais il faut maintenant voter cet amendement de conséquence.

L'amendement 130, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. PREMIER

M. Victorin Lurel - L'amendement 235 vise à obliger les compagnies aériennes qui vont bénéficier de l'allégement de charges patronales à produire une copie de leur comptabilité analytique permettant d'identifier les coûts et recettes des dessertes d'outre-mer.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, je n'y suis pas favorable, même si je comprends son inspiration. Il n'est d'abord pas certain que les compagnies soient en mesure de produire une telle comptabilité.

Plusieurs députés socialistes - Quand même !

M. le Rapporteur - Même si elles le faisaient, les ministères n'auraient pas le pouvoir d'en vérifier le premier mot. Ensuite, cette disposition n'aurait aucun effet sur la baisse des prix, qui est votre objectif.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Victorin Lurel - Pensez-vous vraiment qu'une compagnie de la qualité d'Air France ne soit pas capable de fournir une telle comptabilité ? Si l'allégement des charges est subordonné à la desserte, une identification des lignes doit bien exister quelque part dans la comptabilité ! Et pourquoi ne pas conditionner l'aide à l'identification physique des personnes concernées outre-mer, ou à la domiciliation des avions, ce qui produirait en outre des recettes de taxe professionnelle ?

J'ai demandé au ministre de me transmettre cette comptabilité. J'ai demandé à des rapporteurs pour avis de la réclamer. Mais pour les représentants de la nation que nous sommes, cela semble être un secret défense ! En revanche, on nous répète que ces lignes ne sont pas rentables, et on dit même que c'est parce que trop d'Antillais voyagent ! Je voudrais pouvoir m'en assurer. Puisque cet amendement ne peut être adopté, je demande au Gouvernement de prendre l'engagement solennel de fournir cette comptabilité au rapporteur, qui en fera l'utilisation qui convient.

L'amendement 235, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Payet - L'amendement 337 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, avis défavorable.

L'amendement 337, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

M. Victorin Lurel - Cet article réserve le bénéfice de l'exonération de cotisations, dans la limite de 40 hectares pondérés, aux exploitations agricoles s'engageant à diversifier leur production ou à mettre en valeur des terres inculte. Or cela semble tout à fait inadapté à nos cultures bananière et cannière, très spécialisées et dont la seconde exige une surface importante pour être rentable et compétitive. Il n'y a donc là nulle générosité mais, au contraire, la volonté de revenir sur un avantage.

M. Christophe Payet - L'amendement 163 corrigé est défendu.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé car il supprimerait toute condition pour bénéficier de l'exonération alors que le Gouvernement, et c'est tout à son honneur, entend précisément exiger un certain nombre de contreparties à un avantage qui lui coûte plus d'un million.

L'amendement 163 corrigé, repoussé par la commission, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - Les amendements 236 et 237 ont le même objet que le précédent.

M. le Rapporteur - La commission ne les a pas examinés. Avis défavorable, à titre personnel.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 236, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 237.

M. le Rapporteur - L'amendement 67 vise à empêcher le cumul de certaines exonérations.

Mme la Ministre - Aucune interdiction de cumul n'était posée par la loi du 13 décembre 2000 et le Gouvernement souhaite s'en tenir là. En effet, soit l'exploitant travaille sa terre, et cette mesure ne l'intéresse pas, soit il a recours à un salarié et il y a lieu d'autoriser le cumul de l'exonération et de l'incitation à l'embauche.

Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

M. le Rapporteur - C'est parce que l'interdiction du cumul est posée à l'article 4 que, dans un souci de coordination, je proposais de l'appliquer également ici. Mais je suis désormais convaincu de la nécessité de permettre ce cumul et je retire l'amendement 67.

M. René-Paul Victoria - L'amendement 284 visait à supprimer l'effet de seuil des 40 hectares pondérés, mais je le retire.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Christophe Payet - Je vous félicite, Madame la ministre, d'avoir fait diligence puisque les décrets d'application sur les retraites agricoles sont prêts et vont être soumis aux collectivités territoriales. Je retire donc l'amendement 338.

M. Mansour Kamardine - Très bien !

M. Victorin Lurel - L'amendement 238 a pour objet que les ministères de l'agriculture et de l'outre-mer présentent un rapport qui permettra d'élaborer un plan pluriannuel de sauvegarde du foncier agricole. Comme le note Mme Berthelot dans un rapport du Conseil économique et social, « dans un contexte de compétition mondiale exacerbée, le maintien et le développement des activités agricoles et agro-alimentaires constituent des enjeux stratégiques ». Il faut donc tout faire pour maîtriser l'offre foncière dans les DOM.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, je pense que notre collègue a raison de se préoccuper de l'aménagement foncier même si la situation diffère selon les départements, certains disposant déjà d'établissements fonciers. Mais cette loi de programme traite surtout de l'emploi et de l'investissement et la future loi sur les affaires rurales nous donnera l'occasion de revenir sur ce sujet.

Mme la Ministre - Votre préoccupation, Monsieur Lurel, rejoint largement la mienne, et celle du ministre de l'agriculture ainsi que celles du Conseil économique et social et des professionnels des DOM. Aussi la protection du foncier agricole sera-t-elle un des volets de la future loi sur les affaires rurales.

M. Victorin Lurel - Au bénéfice de cet engagement, je retire l'amendement 238.

ART. 3

M. Victorin Lurel - Je ne veux pas retarder les débats et je renonce donc à prendre la parole dans cet article (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - L'amendement 68 avait à nouveau trait à l'interdiction de cumul, cette fois à propos de l'exonération de charges sociales pour les marins-pêcheurs exploitants. Je le retire.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - La loi du 1er juillet 2001 prévoit que le Parlement est pleinement informé de l'ensemble des crédits affectés à tel ou tel programme. Ce serait donc le cas du programme d'exonération de charges sociales outre-mer. La loi prévoit aussi une évaluation régulière de l'utilisation de ces crédits.

Toutefois, il m'est apparu qu'au lieu de faire figurer cela dans un document particulier, mieux vaudrait utiliser le jaune budgétaire qui récapitule l'ensemble des crédits engagés par tous les ministères en faveur de l'outre-mer. Tel est l'objet de l'amendement 406 rectifié.

Ce document devrait être annuel, et disponible lors de l'examen du budget. Or le ministère me fait savoir qu'il serait difficile de préciser chaque année le nombre d'emplois créés grâce aux exonérations. C'est pourquoi je propose un sous-amendement qui supprimerait les mots : « précisant notamment le nombre d'emplois qu'elles ont créés ». Bien sûr, serait maintenue l'idée que, périodiquement, en fonction des évaluations, le niveau des exonérations pourra être revu.

M. le Ministre - Compte tenu du sous-amendement que le rapporteur vient de proposer, je souhaite une brève suspension.

M. le Président - Compte tenu de l'heure, mieux vaut lever la séance, et reprendre la discussion de ce point au début de la séance de ce soir.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - M. le Président du Conseil constitutionnel m'informe qu'en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi urbanisme et habitat.

Prochaine séance ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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