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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 99ème jour de séance, 240ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 12 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      RÉFORME DES RETRAITES (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (suite) 2

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 2

      ORDRE DU JOUR DU VENDREDI 13 JUIN 2003 26

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (suite)

M. le Président - En application de l'article 61-3 du Règlement, le vote sur la motion de renvoi en commission a été reporté.

Sur le vote de la motion, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 173 voix contre 67 sur 240 votants et 240 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Maxime Gremetz - Pour commencer à discuter des amendements, encore faudrait-il que nous les eussions. Nous ne disposons que de trois amendements sur les neuf qui ont été déposés et nous ne savons pas ce que sont devenus les autres. Je demande donc une suspension de séance (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Vous en avez le droit, mais je trouverais dommage que nous abordions une discussion difficile par une suspension de séance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Vous savez qu'à un certain nombre d'amendements, l'article 40 a été opposé, ce qui a déjà fait l'objet d'un long débat.

M. Maxime Gremetz - Certains de nos amendements sont tombés sous le coup de l'article 40, mais d'autres sont également absents de la liasse dont nous disposons. Nous voulons réunir les conditions d'un débat sérieux.

M. le Président - Vous êtes trop fin parlementaire pour ne pas pouvoir suivre un débat d'amendements sur un thème que vous connaissez si bien. Je vous accorde une suspension de cinq minutes.

La séance, suspendue à 21 h 40, est reprise à 21 heures 50.

Mme Martine Billard - L'amendement 74 des députés Verts tend à préciser notre conception de la solidarité, laquelle diffère radicalement de la vôtre. Au préalable, qu'il me soit permis de déplorer que plus de la moitié de nos amendements aient été repoussés au titre d'une application parfois quelque peu drastique de l'article 40... (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Vous vous êtes, Monsieur le ministre, référé à nombre de tribunes d'opinion émanant de divers économistes. L'expérience prouve que l'économie n'est pas une science exacte et qu'il peut y avoir, sur un sujet donné, des points de vue divergents.

Vous n'avez de la solidarité qu'une vision étriquée. Pour vous, elle ne peut que s'exercer entre salariés, entre ceux dont le salaire est suffisant et les autres. Pour nous, elle doit aussi impliquer ceux qui placent leur argent en Bourse ou qui ont assez pour consommer de manière discutable. Les exemples ne manquent pas de dirigeants d'entreprise ayant dilapidé les ressources qui appartenaient à l'ensemble de la collectivité de travail. Il faut mettre fin à ces années de gâchis...

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Propos démesurés !

Mme Martine Billard - Quant au développement durable, notion aujourd'hui très à la mode, nous n'en avons pas du tout la même conception... (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Charles Cova - Cela n'a rien à voir !

Mme Martine Billard - A l'évidence, vous ne savez pas ce qu'est le développement durable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Mme Billard est seule ce soir à représenter son courant. Ayez la courtoisie élémentaire de la laisser s'exprimer.

M. Jean-Pierre Brard - C'est vrai ! Un peu de courtoisie ! (Bruits sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - De même, le Gouvernement prétend défendre la répartition mais il consacre un titre entier à son projet - le cinquième - à des dispositions favorisant l'épargne-retraite. Où est la cohérence ? Si l'épargne-retraite devient obligatoire, on sort de la logique de la répartition !

Le développement durable, c'est créer les conditions qui permettront à nos descendants de vivre mieux sur cette planète. N'hypothéquons pas l'avenir des habitants de ce pays...

M. le Rapporteur - Ce pays, c'est la France !

Mme Martine Billard - Pour nous, la solidarité doit s'exercer à l'égard de tous, Français ou pas !

M. le Rapporteur - Avis défavorable à l'amendement 74.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Même avis sur un amendement que je qualifierai, pour être aimable avec Mme Billard, de « littéraire ». Outre le fait qu'il n'a rien à voir avec le texte, il n'a manifestement pas sa place dans un texte normatif.

L'amendement 74, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement sur la base de l'article 58, alinéa premier ; j'ai écouté très attentivement Mme Billard et j'observe que tel n'a pas été le cas de nombre de ceux qui nous ont fait beaucoup de leçons de morale depuis le début de l'examen de ce texte ! Pour le bon déroulement de nos travaux, ayons un peu de respect pour ceux qui s'expriment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Merci de formuler un v_u que j'ai déjà exprimé ce soir, comme il m'appartient de le faire.

Plusieurs députés socialistes - Ils n'écoutent pas !

M. le Président - Nous examinons à présent l'amendement 3164 et six amendements identiques que j'appellerai les uns après les autres.

M. Jean-Claude Sandrier - L'un des principaux procès d'intention qui nous est fait consiste à nous accuser d'hérésie lorsque nous défendons l'idée qu'il est possible et même souhaitable de travailler moins, afin que la fin de la vie ne soit pas un temps de relégation sociale et que les enjeux de la réduction du temps de travail soient envisagés à l'échelle d'une vie entière.

Il y a pourtant quelque paradoxe à inciter à travailler plus alors même que notre société n'est pas capable de fournir un emploi à tous ceux qui le souhaitent. Là est la véritable hérésie. Et comment ne pas tenir compte de l'effet des gains de productivité ? Si l'on en croit les projections disponibles - même si je concède qu'il est assez extravagant de prévoir à si long terme ! - 1,7 salarié en 2040 produiront autant de richesse que 4 salariés aujourd'hui !

Au reste, la position du Gouvernement et de la majorité ne vous surprend pas puisque le grand patronat et la droite n'ont jamais accepté les réformes tendant à réduire la durée du travail.

Nous proposons la retraite à 60 ans à taux plein pour tous ceux qui peuvent se prévaloir de 37,5 annuités de cotisation, que les périodes d'études, de recherche d'emploi, de contrats d'insertion, de chômage ou de fin de droit soient validées gratuitement ; il convient d'assurer un taux de remplacement garanti de 75 %, calculé sur les dix meilleures années pour le privé et sur la totalité du dernier traitement pour le public. Nous plaidons aussi pour la possibilité de départ anticipé avant 60 ans et dès quarante annuités, pour gommer les inégalités d'espérance de vie liées à la pénibilité, à l'insalubrité ou aux astreintes qui s'attachent à certaines professions. Nous voulons rompre avec la régression du pouvoir d'achat des retraites, en indexant les pensions sur l'évolution des salaires et non des prix, et en revalorisant le minimum contributif.

Nous sommes favorables à une véritable réforme du financement : développer l'emploi, augmenter les qualifications et les salaires sont ainsi des conditions primordiales pour garantir le financement des retraites. Il faut aussi moduler les taux de cotisation en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée globale, afin de favoriser les entreprises qui créent effectivement des emplois et de sanctionner celles qui choisissent la croissance financière contre l'emploi. Il convient également d'instaurer une cotisation additionnelle sur les revenus financiers des entreprises et des banques à hauteur de la contribution des salariés.

Enfin, nous proposons des mesures d'accompagnement : intégrer tous les éléments de la rémunération dans l'assiette des cotisations sociales, augmenter la part patronale dans les cotisations, bloquée depuis 1979. Il faut aussi stopper les exonérations de cotisations sociales patronales, qui coûtent très cher et dont l'effet, négligeable sur l'emploi et la croissance, est désastreux pour le financement de la protection sociale. Il y a lieu également de mener une politique du crédit sélective, pénalisante pour la croissance financière et la spéculation, encourageante pour l'emploi et la formation.

Telles sont les motivations de cet amendement 3164.

M. le Président - Les six amendements suivant étant identiques, leur présentation pourra peut-être être un peu plus rapide...

M. Jacques Desallangre - Pour défendre l'amendement 3165, je compléterai les propos de M. Sandrier par quelques citations destinées à montrer que répartition et fonds de pension sont incompatibles car ces derniers laissent chacun seul face à sa retraite.

Ainsi, selon le Medef, « la retraite par répartition, par le sentiment de sécurité qu'elle crée, contrarie l'alimentation des marchés financiers ». Cela a au moins le mérite de la franchise...

Dans l'Express du 22 novembre 2001, soit avant les affaires Enron, Vivendi et autres, on trouve ce commentaire du directeur des études économiques de la Caisse des dépôts qui, ajoutant que la capitalisation n'est pas une garantie absolue, estime « qu'à partir de 2005, le prix des actifs risque de se dévaloriser. Les fonds de pension du monde entier vendront leurs actions pour payer les pensions des baby-boomers ». Selon l'Express, « la thèse est contestée, toutefois elle met en lumière que la capitalisation n'est à l'abri ni des caprices de la Bourse, ni de ceux de la démographie ».

En 1999, sous le titre « Retraites, la fête est finie », on lit qu' « imaginer que placer de l'argent sur un compte nominatif garantit de récupérer sa mise 40 ans plus tard, agrémentée d'une plus-value, est illusoire. Un organisme gérant un fonds de pension peut faire faillite, un krach boursier, une crise financière, une affaire Maxwell, tout cela met les travailleurs à la merci de forces imprévisibles, contre lesquelles il n'existe pas de recours. La répartition reste plus sûre en ce qu'elle garantit toujours le principe d'une retraite, alors que la capitalisation reste soumise à des aléas importants que la communauté nationale ne peut maîtriser et qui peuvent aboutir à la spoliation des actionnaires ».

A l'évidence, tout cela mérite réflexion.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 3167 est identique. Il vise à ce que tous les salariés bénéficient d'une retraite à taux plein au bout de 37,5 annuités de cotisation. Cela n'a rien d'archaïque au regard de la réalité économique et sociale. Qui plus est, cela répond à l'aspiration des salariés à ne pas travailler au-delà de 60 ans. C'est, en outre, tout à fait possible grâce au progrès technique et à l'amélioration de la productivité. Alors que les mesures Balladur de 1993 produisent leurs effets négatifs sur les salariés, vous voulez aujourd'hui les étendre à tout le monde. Mais les Français savent bien que cela ne marche pas et ils vous le disent dans la rue !

Vous leur demandez à la fois de travailler plus longtemps et de gagner moins quand la retraite sera venue, en portant à 40 annuités la durée de cotisation tout en faisant passer à 25 ans la période de référence. Les plus mauvaises années seront ainsi forcément prises en compte et cela jouera au détriment de tous ceux, de plus en plus nombreux, qui auront eu une carrière courte, en premier lieu les femmes.

L'indexation des pensions non plus sur les salaires mais sur les prix sera également défavorable aux salariés, tout comme la décote dans la fonction publique.

C'est pour combattre toutes ces dérives que nous avons déposé ces amendements.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 3168, identique, réaffirme la nécessité de mener une réforme audacieuse.

Il faut pour cela, comme les syndicats le demandaient tous en janvier dernier, garantir que les pensions représenteront 75 % du dernier salaire. Tel n'est pas le cas avec ce projet et c'est l'inquiétude des salariés à la perspective d'une aggravation des mesures Balladur, qu'exprime le puissant mouvement social qui perdure.

Il convient également de garantir un taux de remplacement de 100 % pour les salariés payés au SMIC. C'est une question de justice sociale et d'équité : comment admettre que ceux qui n'ont connu tout au long de leur vie que les bas salaires et le chômage voient leurs ressources amputées de 15 % ? Ce serait indécent dans une société comme la nôtre. Qui plus est, le taux de 85 % n'est même pas assuré : il ne s'agit que d'un objectif, susceptible d'être atteint en 2008, et qui sera alors réexaminé « en tenant compte des perspectives financières des régimes de retraite et des réformes intervenues ». Enfin, ces faibles pensions seront, comme les autres, réduites par leur indexation sur les prix et non plus sur la croissance.

M. Maxime Gremetz - Je défends l'amendement 3169, identique et important.

Plusieurs députés UMP - Bien sûr...

M. Maxime Gremetz - Je vous en prie, ne nous empêchez pas de débattre sérieusement. Nombre de nos amendements sont tombés sous le coup de l'article 40, aussi, j'avertis le Gouvernement que s'il veut jouer le jeu de l'obstruction (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous saurons utiliser toutes les armes en notre possession. Car c'est bien d'obstruction qu'il s'agit quand on empêche, par un artifice de procédure, que soit pleinement débattues les propositions alternatives des députés communistes.

M. Patrick Ollier - Le Gouvernement n'est pour rien dans l'application de l'article 40...

M. Maxime Gremetz - Mais il peut faire ce qu'il veut. Là, il se contente de laisser faire. J'en appelle donc à lui pour que le débat ait vraiment lieu car, à défaut, nous utiliserions tous les moyens pour nous opposer à cette réforme profonde de notre société.

Quant à l'amendement 3 169, je n'ajouterai rien à la présentation qui en a été faite.

M. Jean-Pierre Brard - Je défends l'amendement 3170.

Penchons-nous sur les bases historiques et théoriques de ce projet très important. Marx a fait une découverte importante : c'est que les êtres humains sont capables de produire plus qu'il n'est nécessaire à leur propre subsistance. Il y a donc un excédent, et tout l'enjeu, dans les sociétés modernes, est de savoir ce qu'on en fait. Celui qui achète la force de travail essaie de le confisquer. Cet enjeu avait été entrevu par Sénèque, entre 49 et 55 après Jésus-Christ. « Puisque la vie est brève, disait-il, il faut lutter de vitesse avec le temps, par sa promptitude à en user ». Les hommes les plus puissants, dit-il, souhaitent la retraite, la préfèrent à tous leurs biens. « Elle est le temps des méditations vertueuses et doit être prise de bonne heure, car c'est un peu tard de commencer à vivre à l'heure où il faut cesser ».

M. Pierre Lellouche - L'espérance de vie était alors de vingt-quatre ans et demi !

M. Jean-Pierre Brard - Sénèque ne parle évidemment pas encore de la retraite comme d'un droit, mais il en fait une obligation morale de la société envers chacun de ses membres. Ecoutons-le encore : « Les hommes se dépensent pour recevoir des pensions, des distributions ; ils leur consacrent leur peine, leurs soins, leur travail. Personne n'attache de valeur au temps. On en use largement, comme s'il ne coûtait rien. Mais ces gens, vois-les malades, s'ils sont en danger de mort, aux genoux de leur médecin, s'ils craignent la peine capitale, prêts à dépenser tout leur avoir pour vivre ! Tant les passions chez eux sont discordantes. Si l'on pouvait présenter à chacun le compte des années à vivre, comme celui des années passées, comme ceux qui verraient le peu qui leur en reste trembleraient ! Comme ils les épargneraient ! Or il est facile d'administrer ce qui est tout petit mais sûr. Il faut conserver plus soigneusement encore ce qui te fera défaut à une date inconnue ».

Dans son échange avec Jean-François Copé, Bernard Thibaud... (Murmures sur les bancs du groupe UMP) M. Warsmann ignore que les dirigeants de la CGT ont parfois une culture encyclopédique : rappelez-vous par exemple Henri Krasucki. Bernard Thibaud, donc, déclare : « L'acte politique devrait être aujourd'hui de faire reconnaître, par exemple, la pénibilité du travail par la loi, comme un des paramètres de l'équité ». A propos de cette dernière, que M. Copé lui oppose, il dit : « L'équité ne nous choque pas. Cela ne veut pas dire qu'elle doive se traduire par un allongement de la durée de cotisation quand il y a 10 % de chômeurs. Vous proposez une équité dans la régression ». Votre réforme, Monsieur le ministre, n'est pas peu de chose. La première régression a été opérée par M. Balladur, mais avec vous il y a, comme dirait Marx, un bond qualitatif. Ce n'est pas une simple répression : c'est une rupture avec toute l'évolution de ce que Bush et Rumsfeld appellent la Vieille Europe.

M. le Rapporteur - Nos collègues, s'appuyant sur les travaux les plus pertinents de Karl Marx, ont décliné des solutions qui constituent les fondements de leur « projet alternatif ». Mais nous ne partageons pas leur argumentation. Ce que propose le parti communiste, c'est la liste habituelle des prélèvements de toute sorte, qui aboutiraient à la modeste somme de 100 milliards d'euros supplémentaires chaque année... Si nos collègues pensent qu'il y a là une solution, la commission ne l'a pas cru et a émis un avis défavorable.

M. le Ministre des affaires sociales - Le Gouvernement est défavorable. L'audacieuse réforme que propose le groupe communiste ne servirait pas les intérêts du « peuple de France », comme dit l'amendement : elle l'accablerait de charges et réduirait la croissance, donc l'emploi et le financement des retraites.

Je saisis cette occasion pour préciser à M. Gremetz que le Gouvernement n'a rien à voir avec l'application de l'article 40 ; dans un pays de droit comme le nôtre, il n'a pas tous les pouvoirs... Il a le devoir de respecter la Constitution. Je n'en souhaite pas moins que le débat soit aussi transparent et intéressant que possible. Si donc, à l'occasion de la défense de ses innombrables amendements, le groupe communiste veut interroger le Gouvernement sur les sujets qu'abordaient les amendements tombés sous le coup de l'article 40, je me ferai un devoir d'essayer de répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les amendements 3 164 à 3 170, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Je suis saisi d'une demande de scrutin public sur les amendements identiques 3 171 à 3 177 que nous abordons maintenant.

M. Jean-Claude Sandrier - M. le ministre et M. le rapporteur devraient se mettre d'accord sur les propositions du groupe communiste. Leur coût était estimé hier à 50 milliards d'euros : M. Accoyer vient de parler de 100 milliards. Je vous saurais gré de nous expliquer ce doublement.

L'amendement 3 171, comme les six suivants, est un amendement de principe, un « amendement-solidarité ». Il vise à rappeler que la solidarité est un préalable de notre système de retraite et une valeur essentielle à toute civilisation qui entend se renforcer et durer. Ce n'est pas par hasard que ce principe s'est affirmé au c_ur de la Résistance. A la Libération, il a présidé à la construction de tout notre système de protection sociale. C'est lui qui a permis de réaliser pour tous les Français une avancée sociale sans précédent dans l'histoire face aux aléas de la vieillesse. Ce système audacieux s'est pourtant réalisé dans un pays dévasté par la guerre. Toute à son effort de reconstruction, la France a su pourtant trouver les ressources pour créer un système d'assurance vieillesse fondé sur la solidarité, que sa richesse ne lui permettait apparemment pas de bâtir... Par quel miracle ne pourrait-on pas, aujourd'hui, avoir une retraite décente dès soixante ans ? Ce système s'est consolidé au cours des « Trente Glorieuses » - preuve que solidarité et efficacité ne s'opposent pas ; bien au contraire, la première est condition de la seconde. C'est ce que vous remettez aujourd'hui en cause, au nom de l'efficacité économique. Nous sommes pourtant une des cinq premières puissances économiques du monde et nous sommes infiniment plus riches qu'au sortir de la guerre ! Mais, paradoxalement, vous voulez mettre toujours moins d'argent dans la protection sociale. L'individualisme monte, la solidarité décline.

La part du PIB à consacrer aux retraites doit être multipliée par 1,5 d'ici 2040. Or, d'après les projections théoriques, le PIB pendant le même temps aura doublé, ce qui ouvre tout de même certaines possibilités. Mais vous voulez faire de l'individualisme le seul principe régulateur de nos sociétés. Face aux risques de la vieillesse, de la santé et du chômage, vous demandez toujours plus aux individus et toujours moins à la solidarité. Celle-ci est pourtant seule capable de maintenir la cohésion de notre peuple. C'est ce que nos amendements entendent réaffirmer solennellement.

M. Jacques Desallangre - Défendant l'amendement 3172, je veux souligner l'aspect inégalitaire de votre projet. Aujourd'hui 8 % des personnes dont le salaire net est de 1 000 € ont une épargne salariale, contre 45 % de ceux dont le salaire dépasse 3 000 €. Mais, de façon plus pernicieuse encore, vous détruisez la substance même des mécanismes de mutualisation et de solidarité, parce que vous détruisez la confiance. Celle-ci est la base des régimes par répartition : les actifs cotisent pour leurs aînés, parce qu'ils ont l'assurance que la génération suivante cotisera pour eux. Votre projet ruine cette certitude : les jeunes actifs pensent qu'ils devront payer pour leurs aînés, mais assurer ensuite leur retraite par leurs propres moyens... En sapant la confiance, vous retirez la solidarité des c_urs, et vous préparez le terrain au régime individualiste de la capitalisation. Votre réforme n'est donc pas seulement injuste, reposant sur les seuls salariés et retraités ; elle est très dangereuse pour le régime par répartition, car, par idéologie, vous faites croître le germe de l'individualisme.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 3174 est l'occasion d'affirmer notre volonté d'inscrire dans la loi le droit à la liquidation à taux plein pour les salariés qui, ayant commencé à travailler très tôt, ont totalisé les 40 annuités exigées avant 60 ans. Nous tenons à affirmer ce principe car vos dispositions sur ce sujet sont trop restrictives. Ce droit s'appliquerait uniquement à ceux qui ont commencé à travailler entre 14 et 16 ans, ce qui ne concernerait que 200 000 personnes, alors que plus d'un million de personnes ayant cotisé 40 ans et n'ayant pas 60 ans pourraient y prétendre. De plus, ce droit au départ anticipé risque d'être amoindri puisque vous le liez au versement de cotisations à la charge de l'assuré. C'est méconnaître la réalité sociale. Il s'agit souvent de femmes qui comptent des périodes validées au titre des droits non contributifs et qui de ce fait n'auront pas accès au dispositif. Or, à nos yeux, l'exercice de ce droit ne doit subir aucune restriction. En le proclamant, nous conjuguons progrès social, lutte contre le chômage, développement de la solidarité entre les générations.

Mme Muguette Jacquaint - A l'appui de notre amendement 3175, je veux montrer que votre projet contredit le principe d'égalité du citoyen devant la loi. En effet, à contribution égale, la pension ne sera pas égale. Certains citoyens le seront moins que d'autres. Ainsi la décote pénalise surtout les femmes. Près de 63 % des femmes adhérant au régime général ne comptent pas 40 années validées à 60 ans, contre environ 18 % chez les hommes. Il s'ensuit que la majorité des femmes est victime de l'exploitation engendrée par la décote au profit de la majorité des hommes.

Combien de femmes, en raison des circonstances de la vie, n'atteignent pas les 40 annuités ? Doit-on punir les femmes qui ont contribué aux succès français à l'exportation ? Certaines femmes ont dû interrompre leur carrière pour suivre leur mari à l'étranger. Doit-on punir ces femmes qui ont dû s'occuper d'un parent, d'un enfant, de leur mari victime d'un accident de la vie ? Doit-on punir les femmes qui ont suspendu leur carrière pour élever leurs enfants ?

Doit-on aussi punir les hommes et les femmes qui ont galéré ? Je pense à ceux qui, n'ayant pas de droits suffisants à la retraite, sont conduits à demander le bénéfice du minimum vieillesse, ouvert seulement à partir de 65 ans. La retraite à 60 ans est refusée aux RMistes, aux personnes marginalisées, comme à la majorité des femmes.

Il y a là une inégalité flagrante, et vos dispositions ne répondent pas aux cas précis que j'ai cités.

M. Maxime Gremetz - Je défends l'amendement 3176. Nos propositions, a dit le rapporteur, coûteraient 100 milliards. Hier, c'était 50 milliards. Il y a donc eu doublement d'un jour à l'autre.

On ne peut pas considérer les retraites sous le seul aspect financier, même s'il existe. Vous estimez la somme nécessaire à 56,5 milliards. D'accord. Aussi vous ai-je indiqué que nous préconisions des solutions rapportant 56 milliards, soit juste le montant correspondant. Pour y parvenir, il suffit d'une volonté politique que beaucoup de gouvernements n'ont pas eue, et que d'autres pays n'ont pas non plus. Dans tous les pays, dites-vous, la réforme des retraites est à l'_uvre. Nous avons donc cessé d'être originaux, comme nous l'étions en 1945 en créant la sécurité sociale. Tout le monde aujourd'hui veut appliquer les mêmes recettes avec d'ailleurs les mêmes résultats. La libéralisation a pris partout le dessus.

Nous ne proposons aucune source de financement, dites-vous. Mais si ! Un million d'emplois nouveaux représente 20 milliards supplémentaires mais je ne prends même pas en compte cette recette-là. En revanche, nous suggérons d'élargir l'assiette des cotisations aux revenus financiers, ce qui rapporterait 23 milliards en année pleine. Vous répondez que le produit de cette taxe additionnelle risque d'être aléatoire. Mais aujourd'hui, où vont tous ces milliards de profits, sinon à la spéculation ?

Il faut ensuite moduler les cotisations vieillesse des entreprises selon les efforts qu'elles fournissent en matière d'emploi, de formation et de salaire, ce qui ferait rentrer 15 à 17 milliards. Mettons fin aux exonérations de cotisations patronales ; le budget de votre ministère comporte en effet 16,6 milliards d'exonérations, qui profitent pour l'essentiel aux grandes entreprises et à leurs actionnaires. Nous pouvons avoir sur tous ces points un vrai débat. Vous avez cité beaucoup de prétendus experts qui, hier, conseillaient certains (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et qui les conseillaient mal, puisque le 21 avril est arrivé.

M. le Président - M. Brard défend l'amendement 3177, sans faire référence à Sénèque !

M. Jean-Pierre Brard - Il n'y a pas que Sénèque. Il y a aussi Virgile, Pline, Platon, sans compter ceux du futur...

Monsieur le ministre, vous avez cité les relaps : Bernard Kouchner...

M. le Ministre - Pas moi !

M. Jean-Pierre Brard - Alors c'est votre garde du corps, M. Dubernard !

Je vais faire référence à un ancien collègue, membre du forum de la gauche citoyenne, Dominique Taddéi. Vous vous êtes borné à évoquer un rapport car, l'ayant lu, vous avez constaté que son raisonnement démolissait le vôtre, et vous avez jugé prudent de ne pas le citer. Je vais le faire, moi : « Pourquoi parle-t-on autant de retraite depuis une dizaine d'années ? Parce qu'un choc démographique inéluctable est en train de s'abattre sur nous. Telle est du moins la réponse des experts officiels. A y regarder de plus près, les phénomènes à venir n'ont rien d'inattendu ! » Jusque-là vous êtes d'accord. Attendez la suite. « Ils s'étendent sur plusieurs dizaines d'années. Tout au plus doit-on prendre conscience que se présente devant nous un défi démographique. » Ainsi intervient la génération issue du baby-boom, née entre 1944 et 1974, qui partira bientôt à la retraite, et dont les derniers représentants devraient s'éteindre vers le milieu du siècle. A partir de 2005, et jusqu'en 2030, les sexagénaires devraient augmenter, avant d'être remplacés par ceux issus de générations moins nombreuses.

Monsieur le ministre, vous n'avez pas osé contester les conclusions du rapport de Dominique Taddéi, que vous savez exactes. Les baby-boomers ont eu moins de successeurs, contraception aidant, tandis que l'immigration reculait, et le chômage de masse augmentait. D'où une diminution du nombre des cotisants par rapport au nombre des retraités, mais des solutions urgentes s'imposent-elles pour autant ? Si les Français pouvaient cesser de discuter, comme ils en ont l'habitude depuis Vercingétorix, alors que vous vous chargez de penser à leur place !

Soyons francs, le prétendu constat démographique avec lequel on nous affole n'est qu'une imposture, peut-être est-ce l'escroquerie du siècle ! Commençons par le commencement.

M. le Président - Les développements de M. Dominique Taddéi sont longs : je préférerais que vous concluiez.

M. Jean-Pierre Brard - Les démographes se trompent souvent. Voyez Alfred Sauvy qui, dans les années 1930, prévoyait, pour la France, une population de 40 millions d'habitants en 2000 !

Aujourd'hui, en l'absence de prévision démographique relative à la population française, on peut se demander d'où sortent les chiffres que l'on nous assène. La réponse est simple : ils viennent de la direction de la population de l'INSEE, qui nous dit et nous répète qu'il ne s'agit pas de prévisions, mais de projections des tendances passées.

A la majorité de 135 voix contre 56 sur 191 votants et 191 suffrages exprimés, les amendements 3171 à 3177 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Dufau - Monsieur le Président, j'avais, alors que mes collègues défendaient ces amendements, levé la main pour demander la parole, mais vous ne m'avez pas vu. Je souhaitais indiquer qu'il serait préférable, dans les amendements en question, de remplacer « fin » par « finalité », afin d'en rendre la lecture plus aisée.

Plusieurs députés socialistes - Il a raison.

M. Pascal Terrasse - Nos collègues du groupe communistes et républicains avaient d'ailleurs accepté en commission cette modification, qui améliorait la rédaction de l'amendement.

M. le Président - J'ai saisi l'importance du problème. Il est dommage qu'un sous-amendement n'ait pas été déposé.

M. Jean-Marie Le Guen - On a levé la main, mais vous ne nous avez pas vus.

M. le Président - Nous en venons aux amendements identiques 3178 à 3184.

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 3178 vise à placer la répartition au c_ur de notre système de retraite. En effet, la répartition est le mécanisme qui décline concrètement le principe de la solidarité : les actifs cotisent pour les retraités et l'individuel passe après le collectif.

L'assurance vieillesse est considérée comme un revenu de transfert, assuré par la communauté nationale, et elle est beaucoup plus solide que des placements à la Bourse ou une assurance individuelle.

Au contraire, l'allongement de la durée de cotisation, la capitalisation, quelque nom qu'on lui donne, et la disparition de toutes les solidarités collectives développeront l'individualisme.

Dans votre projet, seule la capacité contributive du salarié tout au long de sa carrière déterminera le montant de sa retraite. En bénéficieront les hauts revenus, les personnes qui ont eu la chance de travailler toute leur vie et qui ont les moyens financiers de partir avant terme. Comment un smicard pourrait-il épargner pour sa retraite ?

Le principe de la répartition est simple. La richesse créée est partagée entre les actifs et les retraités. Quand la proportion de ces derniers augmente, la part des richesses qui leur est consacrée doit croître également. Il s'agit donc de créer de nouvelles richesses, grâce à l'emploi, à la formation, et aux salaires. Un million d'emplois représentent tout de même vingt milliards d'euros.

La situation économique est bien meilleure qu'à la Libération et depuis vingt ans les profits boursiers se sont accumulés, le PIB a plus que doublé et il doit encore doubler d'ici quarante ans. Et vous prétendez que nos systèmes sociaux sont devenus trop chers ! En réalité, vous voulez libérer toujours plus d'argent pour les marchés financiers, et atteindre les objectifs que la Banque mondiale avait définis dans un rapport en 1994 : continuer à baisser, voire supprimer, les cotisations patronales, et dégager de l'argent frais pour le capital.

Vous assimilez l'efficacité économique à la richesse de quelques élites. Les valeurs que vous prétendez défendre sont anéanties dans les faits par les lois que vous promulguez. Le jour est proche où, face à une compétition sans partage, vous renoncerez à défendre le principe de la solidarité.

M. Jacques Desallangre - Défendant l'amendement 3179, je dirai que la répartition est le seul moteur efficace de la solidarité intergénérationnelle, et seule à même d'assurer un revenu décent à chacun face aux aléas de l'existence.

Vous mettez en danger la répartition au nom de l'évolution démographique. Certes, le rapport du nombre des retraités à celui des actifs augmentera, passant pour dix actifs, de quatre à sept, entre 2000 et 2040. Le vieillissement de la population aggravera le taux de dépendance. Mais en raisonnant ainsi, on aurait pu, en 1945, prédire que 50 ans plus tard, notre pays traverserait la crime alimentaire la plus dramatique depuis le Moyen Âge. Pourtant, nous ne manquons pas de denrées, grâce à l'augmentation spectaculaire de la productivité. Il en va de même pour la productivité au travail : moins d'actifs, mais qui produisent plus. Ainsi, dans ma circonscription 250 ouvriers remplacent les 2 000 d'il y a trente ans, pour produire dix fois plus de tôles électrozinguées pour le compte d'Usinor. Mais il est vrai que ce sont autant de cotisations en moins que d'emplois disparus pour la caisse des retraites et la caisse de sécurité sociale.

Selon un rapport Charpin, avec une croissance annuelle de la productivité du travail de l'ordre de 1,7 %, la charge par actif devrait même diminuer jusqu'en 2020 pour retrouver son niveau actuel en 2030.

Entre 2000 et 2040, le rapports actifs-retraités sera ainsi divisé par deux, et l'on passera de deux actifs pour un retraité à un pour un. Or, ce rapport a déjà été divisé par deux entre 1960 et 2000, ce qui n'a pas empêché les pensions de progresser. Pourquoi ? Parce qu'une part suffisante de la richesse nationale a été consacrée à leur financement. D'ici 2040, il faut accroître cet investissement social que refuse le patronat. Le maintien du système par répartition est possible pour peu que notre société continue d'être solidaire.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 3181 est identique. Nous sommes attachés au principe de retraite par répartition, avec un niveau de pension décent pour ceux qui ont travaillé toute leur vie. La suppression de l'indexation des pensions sur les salaires, en 1993, contenait déjà en soi les germes d'une remise en cause du statut même des retraites. La retraite est un revenu du travail, un acquis de la Libération. Supprimer l'indexation, c'était reconnaître un statut dérogatoire au revenu des inactifs, multiplier les catégories pour opacifier le système et dénouer la solidarité. La diversification des contrats de travail et l'encouragement de l'opposition public-privé font partie de la même logique.

Selon des chiffres officiels, le pouvoir d'achat des retraites a baissé de 10 % en dix ans. Le taux de remplacement des revenus moyens d'activité est aujourd'hui de 76 %. Au rythme actuel, il devrait descendre à 64 % d'ici 2040. L'institution, en 1993, de l'indexation sur les prix a rompu la solidarité entre les générations qui est la base du système par répartition. Les accords AGIRC et ARRCO sur les retraites complémentaires de 1993, 1994 et 1996 ont fortement amplifié cette tendance. Les prélèvements sur les retraites - cotisations maladie, CSG, CRDS - ont au total été multipliées par 2,5 entre 1993 et 1997. Ils représentent un mois de retraite net par an ! Les retraités ne sont donc pas des nantis. Ce sont les oubliés de la croissance et il est urgent de déterminer des garanties pour le rattrapage du pouvoir d'achat perdu.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 3182 est identique. La retraite par répartition répond à un souci de justice et d'efficacité sociale. Le ministre a rappelé lui-même que beaucoup de pays de l'Union nous l'envient. Elle est la reconnaissance de la communauté à ceux qui ont contribué toute leur vie aux avancées de la société.

La retraite par répartition est en danger, même si vous ne cessez d'affirmer solennellement que vous voulez protéger cet acquis social inaliénable. Il est indispensable d'inscrire son principe dans la loi si vous voulez que les petits salaires continuent à y avoir droit, et surtout qu'ils puissent partir à 60 ans à taux plein. Sans cela, votre projet de loi ne vaudra que pour les hauts revenus, ceux qui pourront se payer une retraite complémentaire. De nombreuses solutions existent pour assurer une retraite à taux plein à 60 ans. Vous n'avez voulu étudier aucune des options de financement qui vous étaient proposées. Si vous n'inscrivez pas ce principe dans la loi, vous briserez l'égalité des citoyens devant les risques de la vieillesse. Alors que les détenteurs de hauts revenus auront une totale liberté de choix, ceux qui ont des petits salaires n'auront qu'à décider entre partir avec une retraite misérable ou continuer à travailler après 60 ans, voire 65... Peut-être ne verront-ils pas la retraite du tout ! Mettre en péril la retraite par répartition, c'est donc creuser les inégalités.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 3183 est identique. Le Gouvernement multiplie les contrevérités dans une campagne de communication sans précédent. Il proclame qu'il veut sauver le système par répartition. Il cherche surtout à faire oublier que la réforme, pour les salariés du privé, est enclenchée depuis 1993, et qu'il l'a confirmée et même aggravée sur plusieurs points ! Nous discutons en fait d'une réforme Fillon-Balladur, qui professe une extrême sévérité à l'égard des salariés, et en particulier de ceux du privé. L'égalité dans la régression !

Le Gouvernement table sur l'allongement de la durée d'activité. La durée moyenne validée de travail est aujourd'hui de 35 ans dans le privé et de 32 ans et demi dans la fonction publique. Peut-on penser que les salariés travailleront 42 ans en 2020 ? Certainement pas, et les pensions ne seront donc pas servies à taux plein. La réforme est un marché de dupes. Le Gouvernement prétend garantir le pouvoir d'achat des retraites. C'est également une illusion : les retraites sont indexées sur les prix, dont l'évolution sur le moyen terme est moins favorable que celle des salaires. Les retraités du privé ont déjà perdu 10 % de pouvoir d'achat depuis le changement d'indexation !

Enjeux sociaux et financiers sont étroitement liés. Alors qu'il faudrait 90 milliards pour maintenir les retraites sur la base antérieure à la réforme de 1993, le Gouvernement a voulu faire des économies. Il ne peut pas dire qu'il sauve le régime par répartition ! Il prévoit d'ailleurs lui-même le cumul d'un emploi avec la retraite : ce sera le sort des salariés dont la pension sera si maigre qu'elle devra être complétée. Le Gouvernement entend en outre développer une épargne-retraite, amorce des fonds de pension. Je vois encore notre ancien collègue Jean-Pierre Thomas... Il est vrai que ses positions ne lui ont pas porté chance aux élections.

Plusieurs députés UMP - Et Robert Hue ?

M. Maxime Gremetz - Il nous a fallu quatre ans d'acharnement pour faire abroger la loi Thomas. Vous ne pouvez pas revenir dessus directement, alors vous baissez les pensions en donnant des pistes pour les compléter. Vous amorcez la pompe...

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 3184 est identique. Le préambule de la Constitution de 1946 affirme que la nation garantit à l'enfant, à la mère et au vieux travailleur la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. Mais ce projet de loi rompt avec une évolution séculaire. C'est en effet la première fois, depuis 1944, que l'on réduit la durée de la retraite et les revenus qui vont avec. Nous multiplierons les exemples précis jusqu'à ce que l'opinion en soit pleinement convaincue, ce qui ne devrait pas être trop difficile si l'on en juge au nombre de Français qui battent le pavé depuis des semaines.

Vous rompez avec une tradition qui plonge ses racines dans la Révolution française. Songez à l'abbé Mably qui, en 1794, fait de la commercialisation des produits de première nécessité et de la protection des conditions d'existence une obligation de l'Etat et une propriété sociale appartenant à tous les citoyens : « si les pauvres sont citoyens comme les riches, si de trop grandes richesses d'une part, et une trop grande pauvreté de l'autre, multiplient les vices d'une société et la plongent dans de trop grands malheurs, qui sera l'homme assez raisonnable pour prétendre qu'une saine politique ne peut prescrire aux riches les conditions auxquelles ils jouiront de leur fortune et les empêcher d'opprimer les pauvres ? »

Et citons encore quelqu'un qui vous donne encore de grands frissons, plus de deux siècles après : Maximilien Robespierre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Robespierre et Saint-Just sont des symboles de l'intégrité morale, de la justice et de l'égalité ! En avril 1791, Robespierre dénonce « l'aristocratie la plus insupportable de toutes, celle des riches » et il ajoute : « Le peuple ne demande que le nécessaire ; il ne veut que justice et tranquillité. Les riches - et vous en connaissez, Monsieur le ministre ! Au reste, M. Copé me reproche de ne faire la promotion que de Mme Bettencourt mais il y en a d'autres ! J'ai là une liste de cinq cents...

M. le Président - Veuillez poursuivre.

M. Jean-Pierre Brard - « Les riches prétendent à tout, continuait Robespierre. Ils veulent tout envahir et tout dominer. Les abus sont l'ouvrage et le domaine des riches. Ils sont les fléaux du peuple. L'intérêt du peuple est l'intérêt général ; celui des riches, l'intérêt particulier ». Et le 2 décembre 1792, Maximilien Robespierre ajoutait : « Quel est le premier objet de la société ? C'est de maintenir les droits imprescriptibles de l'homme. Quel est le premier de ces droits ? Celui de subsister. La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d'exister...

M. le Président - Il faut conclure !

M. Jean-Pierre Brard - ...toutes les autres sont subordonnées à celle-là. La propriété n'a été instituée et garantie que pour la cimenter. C'est pour vivre d'abord que l'on possède. Il n'est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes ».

M. Jean-Marie Le Guen - Fondamental !

M. le Rapporteur - Sur ce bloc d'amendements, les références se succèdent et nos collègues font dans la nuance et dans la délicatesse : Marx tout à l'heure, Robespierre à présent... Il est vrai qu'avec les méthodes de Robespierre, le problème des retraites ne se posait guère ! En particulier pour ceux qui croisaient son chemin ! (Sourires sur divers bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Vous préférez Barras !

M. le Rapporteur - Tout ce qui a été évoqué par nos collègues communistes est dans le texte du Gouvernement, qu'il s'agisse de sauver la répartition, d'assurer un bon niveau de remplacement ou de résister à la tentation dangereuse de ne rien faire. Ces amendements sont donc inutiles.

M. le Ministre des affaires sociales - Même avis. Ils reprennent, dans une rédaction beaucoup moins bonne, l'article premier, en répétant que la répartition est le principe de base de notre système de retraite.

Je n'ai pas eu l'occasion de répondre à la question posée tout à l'heure par M. Gremetz sur le chiffrage du projet du groupe communiste et républicain. Je le fais donc bien volontiers.

Les seules mesures supplémentaires qu'il propose représentent un coût de 56 milliards d'euros. Et elles ne comblent pas le besoin de financement initial de 15 milliards : on en arrive donc à 71 milliards, auxquels s'ajoutent les 28 milliards de besoin de financement des retraites de la fonction publique - j'imagine du reste qu'il s'agit là d'un montant sous-évalué compte tenu de l'imagination dont ne manquerait pas de faire preuve le groupe communiste pour améliorer les retraites des fonctionnaires ! En tout cas, on arrive au moins à 99 milliards d'euros en 2020 pour que le régime général et les régimes de la fonction publique soient équilibrés (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Les amendements 3178 à 3184, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle était prévue !

La séance, suspendue à 23 heures 20, est reprise à 23 heures 35.

M. le Président - Nous en venons à 149 amendements identiques, qui portent les numéros 250 à 398.

M. Pascal Terrasse - L'amendement 250 est le premier de ceux qu'a présentés le groupe socialiste. Pas plus que les autres, il n'a trouvé grâce aux yeux de la commission des affaires sociales. C'est un fait sans précédent : au cours de la dernière législature, nous acceptions toujours quelques amendements de l'opposition.

Répondant à Gaétan Gorce qui venait de défendre la motion de renvoi en commission, vous avez dit, Monsieur le ministre, que nous n'avions pas de projet alternatif, eh ! bien, nous allons vous prouver le contraire en défendant nos amendements.

Cette première série vise à rappeler, en préambule à l'article premier, que le système de retraite par répartition est au c_ur du contrat social entre les générations et qu'il garantit à chacun un niveau élevé de pension.

Force est en effet de constater que, cumulé à la funeste réforme Balladur, votre projet va entraîner une forte dégradation des pensions par rapport aux revenus d'activité, ouvrant ainsi la porte à la capitalisation. Le COR a bien montré la dégradation du taux de remplacement brut, qui devrait l'amener à seulement 41 % en 2008. Pour le salaire moyen ARRCO, le taux de remplacement net, actuellement de 29 %, devrait passer à 21 % en 2020 et à 19 % en 2040. Que pensez-vous de ces prévisions, Monsieur le ministre ? Osez-vous encore prétendre que vous défendez la répartition ?

Vous aurez beau répondre que les retraites vont augmenter en valeur absolue, vous savez bien que la seule question qui préoccupe les Français, c'est « combien toucherai-je quand je partirai à la retraite ? ». Cette question simple, vous n'y avez jamais répondu...

Vous allez donc pousser nos concitoyens à épargner, mais l'épargne est déjà très importante dans notre pays. Or, plus on épargne, moins on consomme, moins la croissance est vigoureuse, plus le chômage augmente, moins il y a de rentrées pour les caisses d'assurance vieillesse. Votre réforme va donc bien appauvrir les retraités.

Il importe donc de préciser dans la loi que l'on entend garantir le niveau des pensions.

M. Jean-Marc Ayrault - Le Gouvernement doit nous répondre de façon précise sur le niveau des pensions et du taux de remplacement. M. le ministre dit vouloir garantir ce niveau, mais le doute subsiste, si l'on examine les cas-types que vous avez cités. D'autres simulations donnent en effet des résultats très différents des vôtres, laissant craindre une baisse moyenne de 15 à 20 % des pensions à l'horizon 2020. Ainsi, dans le cas du « man_uvre Gilbert », vous assurez 85 % du SMIC en 2008. Mais ce chiffre s'entend-il en incluant la retraite complémentaire ? Si c'est le cas, il y a une incertitude, car on ne sait quels seront les résultats de la négociation qui s'engage entre les partenaires sociaux sur l'avenir des retraites complémentaires - et en la matière, l'approche du Medef n'est guère généreuse. Comment pouvez-vous dès lors garantir les 85 % ? Du reste, ce taux est insuffisant : nous souhaitons, quant à nous, 100 %. Parmi les fonctionnaires, il y a aussi plusieurs cas-types. Un enseignant qui commence à travailler à vingt-cinq ans et part en retraite à soixante ans, a aujourd'hui un taux de remplacement de 70 % de son revenu des six derniers mois. Si votre réforme est adoptée, ce taux ne sera plus que de 47 %. Ce débat doit nous permettre de savoir ce qu'il en sera du niveau des pensions et nous vous demanderons de répondre point par point et avec précision.

M. Gaëtan Gorce - La question centrale de ce débat est celle-ci : quel niveau des pensions votre réforme peut-elle garantir ? Notre inquiétude est qu'on voie se poursuivre la dégradation du taux de remplacement, par un effet mécanique du dispositif proposé.

Le taux de remplacement est calculé sur le dernier revenu d'activité, mais ensuite les pensions progresseront, non comme les revenus, mais comme les prix. Il y aura donc un décrochage, encore accentué par les décotes. Le Conseil d'orientation des retraites estime qu'en moyenne ce dispositif se traduira par une baisse de 78 à 64 % du niveau moyen de pension obtenu lors du départ à la retraite.

M. Jean-Jacques Descamps - Si on ne fait rien, ce sera pire.

M. Gaëtan Gorce - Cessez de caricaturer notre position. Nous savons tous qu'il faut faire quelque chose. Vous n'êtes pas les seuls réformateurs. Et quand vous réformez, il arrive d'ailleurs que nous, revenus aux affaires, ayons à gérer les conséquences... Je préférerais éviter d'avoir des centaines de milliers de gens dans la rue pendant les années qui viennent, quand les gens prendront conscience des conséquences de votre réforme !

La première conséquence, ce sera une baisse du niveau des pensions par rapport au dernier revenu d'activité. Vous devez nous dire quel niveau de pensions vous jugez légitime. Sommes-nous prêts à accepter qu'il soit réduit de 20 % ? Tel aurait dû être le débat engagé avec les partenaires sociaux - et avec les Français. Nous ne pouvons agir que sur un petit nombre de leviers et il faut discuter du dosage. Mais cela n'a jamais été clairement débattu. C'est à ouvrir ce débat que tendent nos amendements.

M. Philippe Vuilque - Garantir le niveau des retraites est une exigence sociale forte de nos concitoyens. C'est aussi une exigence économique. Le Gouvernement mise sur l'hypothèse d'une forte baisse du chômage, ramenant son taux à 4,5 % à partir de 2010. Mais au vu de la situation actuelle, on peut douter que le Gouvernement parvienne à atteindre ce résultat. Comment y arriver sans politique de l'emploi ?

A législation constante, compte tenu de l'évolution démographique et malgré la baisse du chômage, le besoin de financement augmenterait pour atteindre 1,8 % du PIB en 2020 et 3,8 % en 2040. Ce qui signifie un besoin de financement supplémentaire de 38 milliards d'euros en 2020 et 106 en 2040. A titre de comparaison, les promesses de réduction d'impôts de M. Chirac représentent 18 milliards, qu'il aurait été plus judicieux de consacrer au fonds de réserve des retraites.

Le développement de l'emploi est assurément la meilleure garantie pour les retraites par répartition. Le gouvernement précédent avait travaillé dans ce sens et 900 000 emplois avaient été créés. Réduire le taux de chômage réduirait le besoin de financement du système de retraite. Mais cela suppose une politique orientée vers le plein emploi. On en est loin ! En refusant de soutenir la consommation des ménages, notamment modestes et moyens, en multipliant les avantages fiscaux pour les ménages aisés, qui se tournent vers l'épargne, le Gouvernement crée un risque de ralentissement de la croissance et de hausse du chômage. La France compte 100 000 chômeurs de plus depuis un an, d'où une perte de ressources considérable pour les caisses de retraite. Dès lors, préjuger d'une baisse du chômage est un pari risqué. Le Gouvernement ne s'y prendrait pas autrement s'il voulait prouver que le système par répartition n'est pas finançable. Son projet, qui suppose une réduction de moitié du chômage d'ici 2007, est en total décalage avec sa politique économique. Il suppose en outre que des excédents apparaissent à l'UNEDIC et puissent contribuer à l'assurance vieillesse. Mais l'UNEDIC est un régime paritaire : en cas d'excédents, ce sont les partenaires sociaux qui en définissent l'usage et l'Etat ne peut en disposer.

Quant au fonds de réserve des retraites, il n'est pas abondé par le projet du Gouvernement. Ce fonds a été créé en 1998 en vue de sécuriser le financement de la répartition à partir de 2020 : il s'agissait d'amortir la moitié du coût supplémentaire. Bref, votre réforme n'est pas financée et repose sur un pari qu'à notre avis vous ne pouvez pas tenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Nos amendements ont pour objet de préciser que nous souhaitons garantir un niveau élevé de pensions. Le projet du Gouvernement ne s'en préoccupe pas : il n'agit que sur la durée de cotisation. C'est pourtant un point auquel les travailleurs sont attentifs. Or, l'allongement de la durée de cotisation entraînera finalement une baisse des pensions. Prenons l'exemple des enseignants. Les professeurs des écoles commencent à travailler à vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Autrefois, et jusqu'à l'an dernier, ils pouvaient avoir été maîtres d'internat ou surveillants, et avoir commencé à cotiser à vingt ans. Vous leur avez supprimé cette possibilité au nom de ce que vous appelez le progrès social. Ils devront donc, avec votre réforme, prendre leur retraite à soixante-quatre ou soixante-cinq ans. Mais la réduction des moyens accordés à l'éducation nationale rend le travail des enseignants de plus en plus difficile. Certains seront donc tentés d'arrêter plus tôt et ils subiront la décote. Ceux qui continueront le feront dans de très mauvaises conditions (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Ça n'a pas l'air de vous préoccuper !

De même, la réponse faite hier à Pascal Terrasse qui traitait de la situation des salariés de l'équipement montre que le ministère de l'aménagement du territoire ne tient pas compte de la réalité. Pendant l'hiver, en montagne, ces hommes se lèvent à cinq heures du matin pour déneiger. Ils exercent un métier difficile et surtout dangereux (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). C'est pourquoi ils sont classés dans la catégorie travail pénible, et ont droit à la retraite à 55 ans. Ils conserveront ce droit, répond le ministre. Mais à quel niveau de pensions, puisqu'il faudra avoir cotisé quarante ans, sauf à subir une décote ? Votre projet conduit donc bien à une baisse du niveau des retraites, que nous voulons au contraire garantir. Avançant toujours de bonnes raisons pour perpétrer vos mauvais coups, vous mettez en avant la nécessité d'assurer la pérennité du système par répartition. Il le faut en effet, mais en trouvant d'autres sources de financement. Vous vous êtes gargarisé d'un article de Libération, concluant à notre adresse : « On ne peut pas taxer le capital ; même vos amis le disent ». Mais votre lecture est sélective. Voici comment l'article se poursuit : « Ce que proposent les promoteurs de la taxation du capital, c'est d'introduire une dimension solidariste et de fait capitalistique dans un système contributif et de répartition ; c'est-à-dire d'altérer sensiblement le modèle mis en place en 1945. Pour la part des retraites qui relève de la solidarité, les petites retraites notamment, la démarche est légitime ». C'est bien ce que nous proposons.

M. le Président - Veuillez conclure !

M. Augustin Bonrepaux - Nous souhaitons qu'une part du capital puisse financer la solidarité pour les retraites. Notre amendement se justifie donc tout à fait (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Marylise Lebranchu - Notre amendement se justifie d'autant plus que, depuis l'annonce du projet et la fin de ce que vous avez appelé des « négociations », nous observons certains comportements. Ainsi les offres d'emplois de conseiller de clientèle dans les banques ont augmenté. Deux responsables du secteur m'ont expliqué que la demande de produits d'épargne se développe, certains clients ayant déjà intégré l'idée que le taux de remplacement va diminuer, et jugent nécessaire de constituer une épargne de précaution. Les personnes concernées perçoivent souvent des salaires modestes, de 1 700 à 1 900 €. De plus, en période de reprise du chômage, on ne recourt pas à l'épargne de précaution seulement pour soi, mais aussi pour ses enfants et petits-enfants.

En 1997, après la dissolution provoquée par l'échec de la réforme des retraites et le quasi-drame budgétaire qui l'accompagnait, on se demandait comment relancer la croissance. C'est que la conjoncture économique se pilote. Nous sommes parvenus à redonner espoir, grâce à l'allocation de rentrée scolaire, aux emplois-jeunes et aux 35 heures, qui ont relancé la consommation et favorisé la reprise. L'épargne de précaution a cédé devant ces signes positifs.

Aujourd'hui, la situation est inverse. Au-delà de la rage qui s'exprime dans la rue, il existe une rage silencieuse qui se manifeste dans l'épargne de précaution. Je signale que l'union professionnelle des artisans a publié un communiqué approuvant à 90 % la réforme, mais regrettant l'absence d'une mesure essentielle, une nouvelle assiette de cotisation de retraite pour soutenir la consommation.

M. Yves Bur - Les artisans veulent payer moins de cotisations !

Mme Marylise Lebranchu - Ils demandent que le taux de remplacement soit étudié de près, pour éviter une baisse de la consommation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Serge Janquin - Il est indispensable de garantir le niveau des retraites, du fait des incertitudes pesant sur la fin de vie du travail, que vous prétendez par ailleurs allonger.

Le Gouvernement met les travailleurs dans une situation ubuesque. Ne serait-il pas atteint par le SRAS, syndrome de restructuration des actifs surnuméraires ? Votre objectif est en effet de requalifier les jeunes retraités en vieux chômeurs. Actuellement, les chefs d'entreprise font en sorte que tout travailleur, à partir de 57,5 ans, ait toute chance de se retrouver en préretraite. Les retraités de cet âge n'ayant aucun espoir de retrouver un emploi, il convient, à vous entendre, de les obliger à travailler pendant 42 ou 43 ans, de façon théorique, en sachant qu'ils ne pourront être que de vieux chômeurs. Molière avait dit : je bâillonne votre fille, et voilà pourquoi elle est muette. Je vous épargne les commentaires du père Ubu.

N'ayant pas pu acquitter leurs 42 ou 43 annuités, ils seront soumis à décote, et ne percevront donc qu'une retraite rétrécie. Après cela, au prochain congrès du Medef, M. Raffarin pourra rendre compte : « Baron, j'ai rétréci les retraites ». Comprenez que nous demandions des garanties pour y faire obstacle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Vidalies - Notre amendement tend à affirmer notre attachement à la retraite par répartition, qui doit continuer à garantir un niveau élevé de pensions. C'est bien la question majeure que se posent les gens à l'approche de la retraite.

Vous avez commencé la discussion en tenant pour acquis les effets de la réforme Balladur de 1993. Or, nous faisons face à une dégradation importante du niveau de remplacement par le système de répartition. J'en veux pour preuve un rapport de la commission des finances, écrit par un député de votre majorité, qui pose la nécessité d'un supplément pour compenser la dégradation du taux de remplacement, estimée entre 15 et 20 %, selon les carrières accomplies. Pour reprendre son exemple d'un salarié ayant eu une carrière en dents de scie avant de retrouver un emploi conforme à sa qualification, l'ancien système lui assurait un niveau de retraite important, alors que le nouveau ne lui garantit qu'un faible taux de remplacement, du fait du passage aux 25 ans. Une réforme des retraites ne peut éluder cette question.

Le rapport précité est clair, les Français ne pourront se satisfaire d'un taux de remplacement réduit à 60 % de leur dernier salaire, et ils devront se tourner vers d'autres sources de revenus, notamment les fonds de pension.

Du reste, une directive européenne a étendu, il y a quelques jours, l'activité des fonds de pension au territoire français. S'agit-il d'une brèche ? Le secrétaire national à l'économie de la CGC observe : « Au moment où le Gouvernement veut instaurer des fonds de pension, cette décision fait de la France une cible privilégiée. On va chercher à nous « refiler le mistigri ». Cela sauvera peut-être la veuve de Gloucester, mais qui paiera demain pour la veuve de Carpentras ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Le Guen - Plusieurs intervenants ont posé des questions précises, auxquelles vous devrez répondre. La France doit connaître les véritables enjeux de ce projet de loi, dont vous essayez de dissimuler la réalité.

Un premier point concerne la retraite par répartition. Pendant des années, vos amis ont voulu démontrer que l'avenir des retraites, dans notre pays, était lié aux fonds de pension. Pourquoi n'en parlez-vous plus aujourd'hui ?

Est-ce que vous savez les Français opposés à tout système de retraite par capitalisation ? Tenteriez-vous ainsi de contourner la difficulté ?

M. Julien Dray - Machiavélique !

M. Manuel Valls - Ils sont démasqués !

M. Jean-Marie Le Guen - Non sans habileté polémique, vous avez demandé l'objet de notre contre-réforme. Mais vous-même, avez-vous seulement une réforme ? J'en doute au vu de son financement ! On peut s'interroger sur vos arrière-pensées. Deuxième aspect de cet amendement, le contrat social. Sous prétexte d'équité, vous avez opposé le secteur public au privé, alors qu'il aurait fallu se demander qui va profiter de sa retraite ! Il aurait fallu aborder le problème de la pénibilité et de l'espérance de vie à 60 ans, plutôt que de provoquer une opposition idéologique entre le public et le privé, et un affrontement politique prenant en otages nombre de nos concitoyens.

Dans le même temps, vous laissez dériver l'assurance maladie. En novembre dernier, vous annonciez un déficit de 7 milliards d'euros. Nous en sommes à plus de 16 milliards, et dépasserons les 25 milliards en 2004, soit la moitié de votre réforme de financement des retraites. Comment croire qu'il n'y aura pas de hausse des prélèvements ? Vous avez menti aux français ! Il faudra leur répondre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Permettez-moi d'insister sur un point oublié de ce débat, celui du niveau des retraites des femmes, souvent inférieur de moitié à celui des hommes, du fait du temps partiel imposé, de l'emploi précaire, de l'interruption des carrières au profit des enfants, des salaires au rabais et du chômage.

Les femmes prennent leur retraite en moyenne deux ans plus tard que les hommes et 80 % d'entre elles ont des pensions inférieures au SMIC. On peut donc se demander comment vous allez assurer aux femmes un niveau de retraite décent.

La rapporteure de la délégation aux droits des femmes a abordé de nombreux aspects du problème et vous a fait de prudentes recommandations. Elle n'a reçu aucune réponse. Elle a certes noté que la bonification pour enfants sera remplacée par une validation des périodes d'interruption d'activité, mais elle écrit dans son rapport que cela pénalise les femmes qui ont voulu poursuivre leur activité professionnelle tout en élevant leurs enfants... Que nous propose donc votre projet, à part tout simplement inciter les femmes à retourner dans leur foyer ? Cela arrangerait beaucoup de monde dans la majorité, et surtout au Medef, qu'elles quittent le marché du travail pour s'occuper de leurs enfants et de leur mari !

M. Denis Jacquat - C'est faux !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Notre amendement est donc parfaitement justifié (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilles Cocquempot - La réforme ne peut en aucun cas remettre en cause les grands acquis sociaux de la Libération. Les retraités ont aujourd'hui un niveau de vie équivalent à celui des actifs et doivent le conserver. Or, la baisse du taux de remplacement conduit inévitablement au recours à la capitalisation. Mais les plans d'épargne-retraite ne concerneront pas tous les salariés ! Vous avez beau dire que vous donnez une garantie supplémentaire aux salariés les plus modestes, le minimum de 85 % du SMIC promis pour 2008 n'est rien d'autre qu'un v_u pieux. Un salarié avec un enfant, dont la femme est sans profession, gagne 1 100 € par mois. Comment voulez-vous, après avoir payé son loyer et assumé les charges courantes, qu'il puisse capitaliser pour sa retraite ? Et les inégalités seront aussi régionales : songez que le Nord-Pas-de-Calais concentre 10,5 % des dossiers de surendettement ! Aucune baisse de la solidarité n'est concevable pour des populations en si grande difficulté, et nos amendements sont donc parfaitement justifiés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - M. Valls va défendre spécialement l'amendement 394 (Sourires).

M. Manuel Valls - Cet amendement éclaire en effet notre débat, en montrant la différence entre nos deux conceptions. Le ministre, depuis des semaines, nous reproche de ne pas proposer d'alternative, bien que notre projet ait été très clairement exposé. Mais c'est vous qui ne voulez pas assumer vos choix. Vous vous réfugiez derrière des déclarations de personnes proches de la gauche, mais ne citez jamais vos propres sources, l'original de votre projet : le Medef. Assumez vos convictions !

Au fond, vous n'avez pas de véritable idée de réforme. Encore marqués par l'échec de 1995, vous avez décidé de vous montrer plus habiles, mais en conservant le même objectif : la fragilisation de la retraite par répartition pour obliger les salariés qui le pourront à se tourner vers l'épargne individuelle. Vous avez donc monté une réforme par tiroirs : d'abord les fonctionnaires, puis les salariés du privé et enfin ceux des entreprises publiques, au gré d'ailleurs des privatisations à venir. Le résultat sera commun : l'appauvrissement des retraités.

La baisse des pensions ne dit pas son nom, mais elle est inéluctable. La création d'un système de malus pour ceux qui n'auront pas toutes leurs années de cotisation engendrera une baisse généralisée des revenus de remplacement ! Chaque trimestre manquant donnera lieu à une pénalité de 1,25 %, entraînant une baisse dramatique des pensions des salariés entrés tardivement dans la vie active ou des femmes qui ont interrompu leur carrière. La combinaison de la réforme Balladur et de ce dispositif rendra la situation explosive. Vous avez refusé d'inscrire dans la loi un montant minimum des pensions garanti. Mais le montant des retraites ne peut pas être la variable d'ajustement de la réforme, au risque d'ouvrir la porte à la smicardisation des retraités.

Monsieur le ministre, il est temps de dire la vérité aux Français et d'assumer vos choix. Vous êtes en train de saper la retraite par répartition pour ouvrir la voie à la retraite par capitalisation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Brottes - Monsieur le ministre, les Français commencent à comprendre que vous gouvernez par la peur, et presque par la terreur (Rires sur les bancs du groupe UMP). C'est votre côté main de fer dans un gant de velours. Mais aujourd'hui, il y a une forme d'escroquerie dans votre comportement. Vous semez le trouble dans les esprits et la panique dans les perspectives. Vous déclarez une urgence absolue alors que quelques mois de négociation auraient permis d'élaborer un véritable contrat social dans la sérénité. Vous laissez croire que la courbe entre actifs et retraités est exponentielle alors que nous connaissons actuellement une crête. C'est en cela d'ailleurs que la création du fonds de réserve pour les retraites était parfaitement adaptée à la situation : il devait permettre de faire face à cette période exceptionnelle.

Gérer l'effet papy et mamy-boom dans le respect du contrat social, c'est d'abord garantir une retraite aux vivants ! Et l'allongement de la durée du travail a des parfums d'indécence. Derrière cette phrase qu'on entend si souvent chez les gens modestes, « je ne sais pas si je pourrai profiter de ma retraite », il y bien sûr la préoccupation d'arriver à cet âge, mais aussi celle qui concerne le montant de la retraite. C'est une honte de ne pas garantir au moins 100 % du SMIC ! Ceux qui n'ont jamais eu qu'un bas salaire n'ont pas acquis leur logement. Comment continuer à payer un loyer avec nettement moins que le SMIC ? Notre amendement pose donc dans la loi un principe de solidarité vital pour des millions de gens que votre projet va flouer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre des affaires sociales - Nous avons déjà eu droit à de nombreuses leçons. J'essaye pour ma part de faire en sorte que ce débat reste serein, que chacun puisse s'exprimer et qu'il reçoive des réponses, mais un membre du parti socialiste vient d'accuser un membre du Gouvernement d'être ni plus ni moins qu'un escroc ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je ne peux pas laisser passer un telle insulte. Le parti socialiste aura intérêt à modérer son expression s'il veut regagner la confiance des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Brottes - En aucun cas je ne me serais permis de traiter quiconque dans cette assemblée d'escroc, et encore moins vous, Monsieur le ministre. J'ai dit que votre méthode était une forme d'escroquerie, ce qui n'a rien à voir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. André Vallini - Monsieur le ministre, non seulement votre réforme remet en cause la retraite par répartition mais elle est l'une des plus brutales qui aient été menées en Europe. Elle va entraîner une baisse de pouvoir d'achat de 20 % pour les anciens fonctionnaires et de 30 % pour les retraités du secteur privé.

Au Royaume-Uni, le minimum garanti par le régime de base est de l'ordre de 480 €, et les salariés bénéficient d'un régime complémentaire obligatoire fondé sur la capitalisation...

M. le Rapporteur - Ce sont des fonds de pension !

M. André Vallini - Dans une démarche assez analogue à la vôtre, l'Italie a réformé son système de manière très brutale, le taux de remplacement moyen - jadis garanti à 80 % - chutant de 10 % à 30 % selon l'âge du départ et le niveau de la croissance.

L'Allemagne s'est engagée dans une toute autre voie, en prévoyant une baisse très maîtrisée du taux de remplacement - de 70 % à 67 % -, compensée par divers relèvements...

M. Yves Bur - Et par une retraite par capitalisation ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Le Guen - Au moins, M. Bur, il est franc ! Il avoue le fond de votre pensée.

M. Manuel Valls - M. Bur n'a pas peur de dire la vérité ! (« Honteux ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. André Vallini - Vous refusez de le dire, mais la capitalisation se tient présente en embuscade dans tout votre projet.

Enfin, la Belgique et la Suède ont prévu des baisses du pouvoir d'achat des retraites sensiblement inférieures à celles que vous envisagez.

En résumé, votre réforme est porteuse d'une régression, sociale comparable à celle qu'ont connue le Royaume-Uni et l'Italie. Le comité de la politique économique du Conseil européen ne s'y est du reste pas trompé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. David Habib - Je suis fier de défendre à mon tour cet amendement essentiel. Nous sommes ici à un point de rupture : ne pas garantir dans la loi un revenu de remplacement tiré de la répartition et permettant de vivre dignement, c'est encourager la capitalisation (« Voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Accepter cet amendement, ce serait marquer votre attachement à la solidarité entre les générations, ce serait redire de manière éclatante que ceux qui vont quitter la vie active doivent passer le témoin de la solidarité à ceux qui y entrent ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Il est essentiel de rappeler que notre société est fondée sur l'équilibre entre les générations, Mme Lebranchu a insisté à juste titre sur l'importance des équilibres macro-économiques (« Elle a raison ! » sur les bancs du groupe socialiste). Veillons à ce que nulle partie du territoire ne se paupérise à l'excès, et luttons contre la « smicardisation » de nos retraités. Comme beaucoup de Pyrénéens, la décision prise par Total de fermer le site du bassin de Lacq m'a profondément heurté...

M. Manuel Valls - Chantez-le ! (Rires)

M. David Habib - ... et nous attendions beaucoup de la réunion qui devait avoir lieu en préfecture pour tenter de préserver les 178 emplois directs concernés, notamment grâce à la constitution d'un groupement d'intérêt public... (« Cela n'a rien à voir ! » sur les bancs du groupe UMP ; bruits sur les bancs du groupe socialiste)

Mais le préfet des Pyrénées-Atlantiques a annulé cette réunion, au motif que la situation sociale qui prévaut actuellement dans le Béarn n'était pas propice à des échanges sereins ! Alors, je vous le demande, y a-t-il encore une politique de l'emploi dans ce pays ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) Total, qui a pourtant hérité d'Elf, sacrifie des centaines d'emplois dans un département en situation déjà difficile, et loin de s'engager, le Gouvernement ne s'exprime même pas ! (« Indigne ! » sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Aubron - Je défends l'idée de la répartition car je connais de l'intérieur la situation des plus modestes et je sais combien ceux qui, comme moi, ont fait une carrière d'ouvrier sidérurgiste en ont besoin. J'ai déjà du mal à admettre que beaucoup, après une vie de labeur difficile, n'aient pas assez pour vivre. J'ose à peine imaginer ce que sera leur situation si un système aussi dur que celui que vous proposez leur est appliqué. Je n'arrive pas à comprendre que l'on envisage sereinement de faire vivre des gens avec moins que le SMIC. Comment vit-on avec moins qu'un SMIC ?

Un député UMP - Que n'y avez-vous pensé plus tôt !

M. Jean-Marie Aubron - Nombre de ménages de retraités ne perçoivent qu'un seul revenu, le développement du travail féminin restant un phénomène assez récent. Comment faire face aux dépenses obligatoires avec 85 % du SMIC ? Et encore faudrait-il préciser s'il s'agit du SMIC net ou brut.

M. le Rapporteur - Net, évidemment !

M. Jean-Marie Aubron - Et le sort des jeunes auxquels s'appliquera demain le système que vous voulez instituer n'est pas plus favorable. Les jeunes d'aujourd'hui connaissent souvent des périodes de travail précaire et irrégulier. Pourront-ils prétendre à une retraite décente dans ces conditions ?

Quant à l'allongement de la durée de cotisation, il ne peut être envisagé qu'en tenant compte de la pénibilité de certaines professions. Ouvrier sidérurgiste pendant plus de trente ans, me levant à 4 heures du matin, souvent le dimanche compris, pour exercer un travail posté, je perçois à ce titre une pension qui n'est guère supérieure au SMIC, et tous mes proches sont dans le même cas. Je sais donc de quoi je parle et c'est pourquoi je suis aussi attaché à la retraite par répartition. Elle seule peut garantir à ceux qui n'ont pas les moyens de capitaliser pour leurs vieux jours des conditions d'existence décentes (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Cohen - Tout le monde semble prêt aujourd'hui à se battre pour défendre la retraite par répartition mais tel n'a pas toujours été le cas. Les réformes Balladur et Juppé ouvraient clairement la voie à la capitalisation ; les Français ont tranché !

Le gouvernement de Lionel Jospin a su rétablir la confiance en renouant avec l'idée que le plein emploi était un objectif réaliste...

M. Yves Bur - Les Français lui en ont été reconnaissants !

M. Pierre Cohen - Votre projet tend à allonger le temps de travail, alors même que les jeunes ont de plus en plus de difficultés à entrer dans la vie active,...

M. Pascal Terrasse - C'est vrai !

M. Pierre Cohen - ...que les périodes de chômage non indemnisé deviennent monnaie courante et que trop de nos concitoyens sont condamnés aux revenus de l'assistance - RMI et autres minima sociaux - ou à exercer une activité à temps incomplet.

Si les dispositions que vous prévoyez entrent en vigueur, nombre de retraités ne bénéficieront pas d'une retraite à taux plein.

Il est donc patent que, contrairement à toutes vos affirmations, le niveau des retraites ne sera pas préservé.

C'est pourquoi il est essentiel d'adopter cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Nayrou - Parce qu'elle fonde le pacte entre les générations, la retraite par répartition est essentielle pour la cohésion nationale. Il ne saurait donc y avoir pire réforme que celle qui rompra ce lien de solidarité. On le voit, le débat ne se limite donc pas à la durée de cotisation, il porte sur un véritable enjeu de société. C'est ce qui fait que les yeux de nos concitoyens sont tournés vers cet hémicycle.

Le système français est fondé sur l'assurance collective, les cotisations des salariés finançant les retraites d'aujourd'hui et permettant d'acquérir des droits pour demain. Votre projet, lui, ne garantit pas un niveau suffisant de pensions. Vous faites le choix, très libéral, que chacun cotise pour sa propre retraite selon sa capacité d'épargne.

Nous, nous proposons une réforme bien plus équilibrée, qui ne ferait pas supporter aux seuls salariés le maintien du système par répartition et qui passerait, d'abord, par une politique ambitieuse en faveur de l'emploi, afin de relancer la consommation et la croissance.

Votre projet est particulièrement injuste parce qu'il ne prend pas en compte les inégalités au regard de la pénibilité du travail et de l'espérance de vie. Il confond durée d'activité et durée de cotisation ; il conduira à une diminution des pensions ; il sonnera la fin de la retraite à soixante ans.

Coluche disait avec ironie qu'il fallait taper sur les pauvres parce qu'ils sont les plus nombreux. C'est ce que fait, sans humour aucun, ce gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Kléber Mesquida - Vous nous avez demandé, Monsieur le ministre, quel était notre projet. Eh bien, il vous suffit d'accepter tous nos amendements pour disposer d'un bon projet, juste, rationnel et sensé.

Dans le document, que vous avez distribué à grand renfort de publicité, « Nous sauverons les retraites en partageant les efforts», ...

M. Philippe Cochet - Très bien !

M. Kléber Mesquida - ... vous énoncez un grand nombre de contrevérités.

Ainsi, quand vous affirmez que la durée de cotisation sera la même, quarante ans en 2008, pour tous, salariés du public et du privé, ayant travaillé à plein ou à mi-temps. C'est faux !

M. le Ministre des affaires sociales - Non, c'est vrai !

M. Kléber Mesquida - Car les années à temps partiel ne compteront que pour la décote.

Vous prétendez aussi que le niveau de pension des fonctionnaires restera le même en travaillant six mois de plus chaque année à partir de 2004. C'est faux ! Un enseignant certifié au 11e échelon, qui aura soixante ans et trente-cinq annuités en 2008, toucherait, sans cette réforme, une pension de 2 012 €. Après la réforme, il percevrait 1 775 € en partant en 2008 et 1 822 € s'il restait jusqu'en 2011.

M. le Ministre des affaires sociales - C'est faux !

M. Kléber Mesquida - Vous dites qu'on ne travaillera pas plus longtemps pour avoir une retraite plus basse et que, sans la réforme, le niveau des retraites serait, à terme, divisé par deux, c'est faux !

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances - C'est vrai !

M. Kléber Mesquida - Il faudrait pour cela qu'il n'y ait d'ici-là aucune croissance. Or toutes les prévisions misent sur un doublement du PIB. Il est vrai qu'il faudra travailler plus longtemps, mais la retraite sera plus basse. Vous poussez donc bien insidieusement les Français vers un système par capitalisation. Mais, seuls les hauts revenus pourront épargner suffisamment et se constituer une retraite suffisante.

Quant aux salariés au SMIC, il ne se voient même pas garanti une pension équivalant à leur dernier revenu d'activité !

M. Claude Bartolone - M. Barrot a dit ce soir à M. Hollande qu'il souhaitait avoir en face de lui une opposition responsable, comme lui-même l'a été dans le passé. Mais il faudrait pour cela que le Gouvernement renonce à jouer au bonneteau avec les retraites. Comment ose-t-il prétendre que le taux de remplacement ne se dégradera pas, alors que des membres éminents de la majorité affirment le contraire ?

Pour M. Novelli, l'effort demandé aux Français laisse subsister une incertitude à l'horizon 2020 et il faut sécuriser le financement par un dispositif d'épargne retraite. Selon M. Laffineur, faute d'un mécanisme par capitalisation, les départs en retraite se traduiront par un changement brutal de la situation des intéressés. Si l'on en croit M. Woerth, il faut compenser la dégradation du taux de remplacement, cette compensation dépendant de l'ampleur de la réforme des régimes de base.

J'ai reçu cet après-midi des représentants syndicaux d'Avantis et d'Alsthom, qui craignent que les plus de cinquante ans soient mis bientôt au chômage, sans perspective de retour à l'emploi. Votre texte ne leur autorise plus aucun espoir : comment des salariés plongés dans la détresse sociale pourraient-il épargner pour leur retraite ?

Alors que Le Nouvel Economiste titre « Sauvez vos retraites », je vous conseille de vous rendre auprès des promoteurs immobiliers qui ont aujourd'hui comme argument la baisse des taux d'intérêt, mais aussi l'idée qu'avec ce que prépare le Gouvernement, mieux vaut, à quarante ans, se lancer dans l'accession à la propriété si l'on veut disposer d'un petit capital pour sa retraite... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Le Déaut - Vous affirmez, Monsieur le ministre, que vous allez sauver les retraites par répartition (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Rappelons quelques chiffres. Le PIB, ce sont 1 500 milliards d'euros. Les 6 % de hausse nécessaires pour sauver les retraites à l'horizon 2040, ce sont 90 milliards. Le dispositif que vous proposez assure une vingtaine de milliards, avec une hypothèse de réduction du chômage à 4,5 %. Mais comment y parviendrait-on, alors que votre gouvernement sacrifie la recherche, c'est-à-dire l'avenir ? La recherche subit de terribles ponctions, suppressions ou gels de crédits. C'est ruiner la possibilité de nous développer dans des secteurs-clés, comme les NTIC ou les biotechnologies.

Par ailleurs, comme l'écrivait un journal du 23 mai sous le titre « Sauvez vos retraites », « quelles que soient les mesures qui peuvent être prises, le montant des pensions peinera de plus en plus à assurer un bon taux de remplacement ». Comme vous faites porter l'effort sur les seuls salariés, que vous refusez de vous attaquer à la valeur ajoutée, et ne prenez pas le chemin du plein emploi, vous arriverez demain dans une impasse. Vous la préparez en favorisant la capitalisation et non la répartition. Demain, seuls s'en sortiront ceux qui auront des compléments, grâce aux entreprises, ou à des mesures fiscales de l'Etat - vous avez déjà opéré une baisse d'impôts de 2,6 milliards, qu'il eût été plus avisé de verser au fonds de réserve des retraites. Je conclurai sur ce propos que m'a tenu un chauffeur de taxi : ce gouvernement est excellent, il est de droite, et il mène une politique de droite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Bur - Ils ont du bon sens, les chauffeurs de taxi !

M. le Président - Sur les amendements 250 à 398, le groupe socialiste demande un scrutin public.

Mme Ségolène Royal - Dans la question du niveau des retraites entre celle des avantages familiaux. Vous aviez dit, Monsieur le ministre, que vous n'y toucheriez pas. Vous avez menti : l'article 27 supprime pour les femmes fonctionnaires la bonification d'un an par enfant élevé. Ces femmes l'ont bien vu, et c'est sans doute un des facteurs qui expliquent la vive émotion ressentie dans l'enseignement, où elles sont nombreuses. Dans cet article 27, vous procédez de deux manières. Tout d'abord, vous modifiez la règle générale : désormais, pour bénéficier d'un avantage, les femmes devront s'arrêter de travailler. En connaissez-vous beaucoup qui peuvent se passer de salaire pendant trois ans ? Aujourd'hui, elles ont la bonification, qu'elles interrompent ou non leur activité.

Depuis des années, la politique familiale essaie d'aider les femmes à concilier vie familiale et vie professionnelle : en exigeant l'arrêt d'activité, vous remettez en cause ce fragile équilibre.

Deuxième tour de passe-passe : vous remplacez le terme de « bonification » par celui de « validation ». C'est prendre les femmes pour des imbéciles ! La bonification permet de relever le niveau des pensions. La validation n'intervient que dans le calcul de la durée de cotisation, et le fait de faire jouer ou non la décote. Vous supprimez la hausse de pension à laquelle donnait droit la bonification. Contrairement à ce que vous disiez, il y a bien pour les femmes fonctionnaires une perte importante d'avantages familiaux. C'est d'autant plus choquant que vous justifiez votre projet par le choc démographique : si celui-ci existe, ne portez pas atteinte aux droits des femmes qui mettent au monde et élèvent des enfants !

Cette mesure est d'autant plus scandaleuse qu'il existe déjà pour les retraites un écart important entre les hommes et les femmes. La différence des niveaux moyens de pensions est de 42 %... Le recul que vous organisez creusera encore l'écart. D'autre part, parmi les femmes retraitées, 39 % seulement peuvent faire valider une carrière complète. En portant la durée de cotisation à 40, 41 puis 42 ans, vous allez pénaliser les femmes plus lourdement qu'elles ne le sont déjà. La réforme Balladur avait fait passer la période de référence de dix à vingt-cinq ans, et le COR a mis en garde sur ce point, en recommandant des mesures pour réduire les conséquences de la réforme pour les femmes. Nous souhaitons que d'ici la fin de ce débat, vous puissiez donner à l'Assemblée une mesure de l'impact de vos décisions sur la situation des femmes. Et nous vous demandons de rétablir l'avantage familial, qu'elles aient ou non arrêté leur activité.

M. Julien Dray - Je souhaite une dernière fois tenter de convaincre nos collègues de la majorité de voter notre amendement, et de les protéger de leur propre turpitude. Si vous êtes sincères, si vous croyez en notre système par répartition, votez cet amendement ne vous posera pas de problème. Il rappelle en effet deux principes essentiels auxquels vous vous dites attachés.

Le premier, c'est que le système de retraite par répartition est au c_ur de notre contrat social. Vous ne pouvez pas être contre, Monsieur Fillon, vous qui étiez connu dans votre jeunesse comme gaulliste et ardent défenseur de ce contrat social ! Quant au second principe, c'est la garantie d'un niveau élevé de pensions. Mes collègues ont fait état de l'angoisse des citoyens, qui veulent finir leur vie dans la sécurité et la dignité. Comment un député républicain serait-il contre ce principe ?

Si votre effort est sincère, vous ne prenez aucun risque en votant cet amendement. Ce serait démontrer aux Français que vous prenez l'engagement de maintenir le niveau des retraites. Mais si vous refusez de le voter, c'est avouer que votre réforme met en péril la répartition, et que les critiques et les inquiétudes qui s'expriment dans cet hémicycle et dans la rue sont justifiées.

Dès lors un doute pèsera sur votre sincérité, et l'on pourra penser qu'au fond vous ne croyez plus en notre système et préparez l'avènement de la capitalisation.

Ce qui m'attriste, c'est de voir des députés qui se réclament de l'héritage du Conseil national de la Résistance, et du préambule de la Constitution (Protestations sur les bancs du groupe UMP) - je ne parle pas de M. Novelli et de la droite libérale dure - de les voir, dis-je, tourner le dos à ce bel héritage qui devrait nous réunir. L'erreur est humaine, mais persévère est diabolique. Je comprends que M. Barrot ne soit pas là : c'est qu'il mesure la situation et que sa conscience proteste ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Votez cet amendement : vous pourrez rentrer dans vos circonscription en étant fiers de vous, et en disant : « j'ai sauvé le niveau des retraites » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Je précise tout d'abord que M. Barrot était là tout à l'heure, mais que M. Dray est arrivé trop tard pour le rencontrer (Dénégations sur les bancs du groupe socialiste).

149 amendements identiques, une ligne et demie pour répéter ce qui figure dans le projet, voilà ce qui nous aura occupé pendant deux heures. Votre communication interne est-elle mauvaise à ce point, ou êtes-vous animés d'une volonté d'obstruction délibérée ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous avons entendu des arguments pitoyables, confinant parfois à la désinformation et au mensonge (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Beaucoup d'entre vous paraissent tout ignorer de la question des retraites, et le groupe socialiste n'a en réalité aucune proposition à présenter, comme M. Gorce l'a reconnu.

Hier vous vous référiez au COR, avant-hier au livre blanc, entre les deux au rapport Charpin, à présent vous abandonnez tout projet. Hier vous assuriez que vous ne feriez pas d'obstruction, aujourd'hui vous déposez 149 fois le même amendement, après avoir quitté l'hémicycle et à la suite d'une demande de quorum (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Nous n'avons pas de temps à perdre. Jacques Attali l'a bien dit : « Je n'approuve pas la stratégie du parti socialiste, qui est incomplète, voire dangereuse. Je n'approuve pas un parti de gouvernement qui n'a pas de programme de gouvernement ». Il faut rejeter cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre des affaires sociales - L'article additionnel proposé est inutile, car les principes qu'il énumère figurent dans l'exposé des motifs dont vous savez qu'il a été rédigé par le groupe confédéral, y compris la notion de contrat social et le haut niveau de pensions.

M. Julien Dray - Alors, acceptez l'amendement !

M. le Ministre des affaires sociales - Dans la loi elle-même, l'article premier dispose que notre système de retraite est fondé sur la répartition, et l'article 2 reprend les autres éléments de l'amendement, qui n'a donc pas de raison d'être adopté.

M. Ayrault, au début de ce qui a ressemblé à une deuxième discussion générale, a posé la question du taux de garantie à 85 % pour les petites retraites. Nous y parvenons par l'augmentation du minimum contributif. En 2000, un salarié smicard reçoit au titre du régime de base une retraite équivalant à 56 % du SMIC net et 25 % au titre du régime complémentaire. En 2008, le premier taux atteindra 60 %, le second restant identique. Nous ne plaçons pas sur les régimes complémentaires la responsabilité de parvenir à l'objectif de 85 %. Les organisations patronales, qui sont cogestionnaires de ces régimes, ont approuvé le relevé de décisions du 15 mai dernier.

En second lieu, un fonctionnaire qui acceptera de travailler deux ans et demi de plus en 2008 aura exactement le même niveau de retraite qu'en 2003. L'exemple du professeur certifié cité tout à l'heure est faux. S'il prend sa retraite à soixante ans aujourd'hui avec trente-cinq ans de cotisation, son taux de liquidation s'élève à 70 % ; en 2008, s'il prend sa retraite à soixante-deux ans et demi, le taux sera le même et atteindra 71,25 % s'il part à soixante-trois ans. Il ne subira pas de décote puisque celle-ci s'annulera à soixante-deux ans.

Mme Ségolène Royal - Et les femmes ?

M. le Ministre des affaires sociales - J'y viens.

Dans cette deuxième discussion générale, le groupe socialiste s'est entêté à brandir le spectre de la capitalisation, à croire qu'il vous obsède.

M. Jean-Claude Lefort - Oui !

M. le Ministre des affaires sociales - Ce n'est pas moi qui ai rédigé avec M. Kessler un ouvrage sur la capitalisation. C'est M. Strauss-Kahn. Il écrivait : « Cessons d'opposer répartition et capitalisation dans des joutes forcément stériles ». Et M. Fabius, dont j'ai cru comprendre que M. Bartolone était proche, écrivait en 1999...

M. Julien Dray - Et Séguin, que dit-il de votre réforme ?

M. le Ministre des affaires sociales - « Il serait bon », écrivait M. Fabius, « qu'il soit possible de souscrire à des fonds de partenariat-retraite ouverts à tout le monde, mais aussi qu'obligation soit faite à ces fonds de pension que 50 % de leurs avoirs soient investis en actions françaises » (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Nous n'avons pas choisi de privilégier la capitalisation que préconisaient naguère certains d'entre vous.

M. François Brottes - Et la loi Thomas ?

M. le Ministre des affaires sociales - Mme Royal a présenté notre réforme de façon scandaleusement malhonnête (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Qu'en est-il des avantages familiaux ? Pour les femmes relevant du régime général, rien ne change. Pour les femmes fonctionnaires, il existe une jurisprudence communautaire dont je ne suis pas responsable et qui nous a obligés à trouver une manière de leur conserver les avantages familiaux. Pour les femmes qui auront un enfant avant le 1er janvier 2004, rien n'est changé.

M. Yves Bur - Il faut qu'elles se dépêchent ! (Rires)

M. le Ministre des affaires sociales - Elles prendront leur retraite dans vingt ou trente ans et pour elles tout est réglé jusqu'à cette date. Pour les enfants nés après le 1er janvier 2004, une bonification sera accordée aux femmes et aux hommes cessant ou réduisant leur activité professionnelle. Cette compensation familiale pourra aller jusqu'à trois ans par enfant. Il s'agit d'un dispositif généreux.

Nous ne pouvions pas échapper à cette jurisprudence européenne. Si Mme Royal peut proposer une solution juridique plus élégante pour les femmes fonctionnaires qui prendront leur retraite dans trente ans, je suis prêt à l'examiner (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Denis Jacquat - Contre l'amendement. Voici un conseil à certains intervenants : « Qui veut aller loin ménage sa monture ».

L'hyperexcitabilité de nos collègues et la terminologie utilisée nous ont surpris. La violence verbale, pensons-nous, n'a pas sa place ici (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je suis membre du COR depuis l'origine. Jamais je n'y ai entendu des propos tels que ceux de ce soir sur la situation des retraites. La politique sociale est un sujet sérieux qui doit être traité sans invectives (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous sommes avant l'article premier, qui fait référence à la répartition, au pacte social. Ne tombez pas dans la confusion ni la redondance.

Le niveau des retraites est abordé aux articles 2 et 4. Pourquoi en parler maintenant ? Le Gouvernement garantit une retraite minimale de 85 % du SMIC, ce qui constitue une revalorisation de 9 % en quatre ans, alors que sans réforme le taux tomberait à 60 % en 2020. Les années précédentes, dans la discussion sur le financement de l'assurance vieillesse, c'est nous qui avons jugé anormal que le minimum contributif soit inférieur au minimum vieillesse. Or vous n'avez pas touché au minimum contributif, et c'est nous qui nous en occupons. Vous n'avez pas le monopole du c_ur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

A la majorité de 108 voix contre 59 sur 167 votants et 167 suffrages exprimés, les amendements 250 à 398 ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est reportée à la prochaine séance qui aura lieu ce matin, vendredi 13 juin, à 9 heures 45.

La séance est levée à 1 heure 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 13 JUIN 2003

A NEUF HEURES QUARANTE-CINQ : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 885) portant réforme des retraites.

M. Bernard ACCOYER, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Rapport n° 898)

M. François CALVET, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

(Avis n° 895)

M. Xavier BERTRAND, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Avis n° 899)

Mme Claude GREFF, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

(Rapport d'information n° 892)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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