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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 101ème jour de séance, 244ème séance

1ère SÉANCE DU SAMEDI 14 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      RÉFORME DES RETRAITES (suite) 2

      AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite) 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite)

Mme la Présidente - Sur les votes des amendements identiques 2784 à 2790, 2792 à 2800 et 2910, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 65 voix contre 22, sur 87 votants et 87 suffrages exprimés, l'amendement 2784 et les amendements identiques ne sont pas adoptés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Les amendements 2767 à 2773, 2775 à 2783 et 2842 sont identiques.

M. Gaëtan Gorce - Avec l'amendement 2767, nous tenons à démontrer qu'une réforme des retraites doit s'accompagner d'une politique active en faveur de l'emploi des salariés les plus âgés, premières victimes de l'exclusion du travail, et pour lesquels les délais de retour à l'emploi, quand il est possible, sont les plus longs. Les entreprises, encouragées par les pouvoirs publics, favorisent le départ à la retraite de ces salariés quand il y a des plans sociaux, et comme M. Le Garrec l'a dit, la préretraite peut apparaître alors comme la moins mauvaise des solutions.

L'allongement de la durée de cotisation, préconisée par le Gouvernement, pose cette question avec plus d'acuité encore, car il y a un risque, reconnu par tous, que ces salariés de plus de 50 ans se retrouvent dans une période intermédiaire de chômage avant de pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein. Les économies réalisées sur l'assurance vieillesse seraient alors dépensées au titre de l'assurance chômage !

De surcroît, les propos tenus hier par le Gouvernement, sur l'éventualité d'une résorption du chômage moindre que celle prévue par le COR ne peuvent que renforcer nos préoccupations. Que compte faire le Gouvernement ? Il est regrettable, à cet égard, que la discussion avec les partenaires sociaux n'ait pas permis de compléter l'accord passé, et qu'il faille renvoyer cette question à une négociation ultérieure dont l'aboutissement est incertain.

Par ailleurs, la majorité semble hésiter sur les mesures à prendre. En effet, alors que la commission avait adopté un amendement sur l'allégement des charges par les entreprises employant des salariés de plus de 50 ans, celui-ci n'a semble-t-il pas été repris par le Gouvernement.

Dans le cadre d'un plan national pour l'emploi, l'action en faveur des salariés âgés devrait être prioritaire. Il faut développer leur formation au sein des entreprises. Faut-il adopter des mesures incitatives ? L'allégement des charges, en ce qu'il a un effet négatif sur l'équilibre de nos comptes sociaux, et crée une concurrence entre les catégories de salariés, n'a pas a priori notre faveur, même si la question mérite d'être discutée.

Il faudrait également négocier sur la pénibilité de l'emploi, qui justifie souvent le licenciement ou le départ des salariés les plus âgés, fatigués ou jugés moins à même d'être productifs. Pourquoi ne pas, par exemple, envisager à ce propos une modulation des cotisations vieillesse ? Enfin, l'ensemble des pouvoirs publics, et notamment l'ANPE, devrait se mobiliser pour favoriser le retour à l'emploi des chômeurs de plus de 50 ans.

C'est vrai, l'amendement 2767 a un caractère plus déclaratif que normatif - que celui qui n'a jamais péché nous jette la première pierre - mais il a pour objet d'interpeller le Gouvernement sur ses intentions et sur les échéances de son travail avec les partenaires sociaux. La date de 2008 a été fixée pour dresser un bilan et, le cas échéant, décider un allongement supplémentaire de la durée de cotisation et agir sur les cotisations. Au-delà de son caractère déclaratif, cet amendement vise les principaux enjeux de la réforme des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Denis Jacquat - Et ça continue ! Ils ne lisent même pas la presse !

M. Alain Néri - Avec l'amendement 2781, j'aborderai la question du travail des salariés de plus de 50 ans, qui n'est pas la moindre de celles que pose la réforme des retraites. Convenez du paradoxe. Vous souhaitez allonger la durée de cotisation des salariés. Mais dans le même temps, les patrons licencient d'abord les travailleurs de plus de 50 ans, que le Medef considère comme les moins rentables alors même que leur expérience est utile à l'entreprise. Pour ces salariés, c'est une situation difficile à vivre tant sur un plan économique, puisqu'ils se retrouvent privés de ressources, que sur un plan humain et social : c'est leur dignité même qui est atteinte.

M. Patrick Ollier - Il n'est pas facile de meubler le temps !

M. Alain Néri - Puisque notre souhait est de garantir à nos concitoyens une retraite convenable et de préserver leur dignité, faisons en sorte qu'ils puissent acquérir les annuités nécessaires.

M. Philippe Vuilque - Monsieur le ministre, il faut vous reconnaître sur ce sujet une réelle bonne volonté. Nous mesurons tous le gâchis humain et économique que représente la non-activité d'une part importante des 50-60 ans. Mais la bonne volonté ne suffit pas : il faut désormais une volonté politique.

Ce qui nous inquiète, et nous l'avons déjà dit, c'est que vous comptiez sur le seul Medef pour faire évoluer la situation. Celui-ci tient en effet un double langage : il cède à la surenchère, voire à la provocation - n'a-t-il pas été jusqu'à proposer 45 années de cotisation ? - mais, sur le terrain, les chefs d'entreprise continuent à se débarrasser de leurs salariés les plus âgés, et les plans de formation négligent les 40-45 ans. Il nous faut un Grenelle sur le taux d'activité des salariés âgés !

M. Patrick Ollier - En cinq ans, vous auriez pu le convoquer !

M. Philippe Vuilque - Permettez-nous de ne pas accorder la même confiance que vous au Medef.

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires sociales - Cela fait cinq minutes qu'il parle ! Six minutes !

M. Philippe Vuilque - Que se passera-t-il en 2008 ? Jean-Marc Ayrault vous a interrogé hier, vous n'avez pas répondu. Ou bien vous gagnez votre pari, et je le souhaite pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mais oui ! Croyez-vous que je puisse souhaiter une aggravation du chômage ? Ou bien le taux de chômage se situe aux alentours de 8 ou 9 %. Vous avez prévu une clause de revoyure. Mais que fera-t-on concrètement ? Hausse des cotisations patronales et salariales ? Hausse de la CSG ? Baisse des taux de pension ? Le réveil sera difficile ! Nous plaidons donc pour une vraie politique de l'emploi et une revalorisation des bas salaires. C'est une absolue nécessité, sans quoi je crains que le taux de remplacement pour le SMIC ne soit plus en 2008 que de 70 ou 60 %... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Monsieur Vuilque, votre temps de parole est écoulé.

M. Philippe Vuilque - Un mot : nous avons besoin de précisions sur ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - Monsieur le ministre, nous vous avons interpellé sur un certain nombre de sujets. Je voudrais préciser la logique qui est la nôtre... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Continuez, Monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen - Par notre premier amendement, nous avons d'abord insisté sur l'importance du régime par répartition. Pour défendre ce régime, nous avons, par le deuxième, souligné l'importance de la politique de l'emploi. Avec notre troisième amendement, nous sommes au c_ur du sujet. Car il ne suffit pas d'augmenter la durée de cotisation, encore faut-il que les salariés aient effectivement la possibilité de cotiser ! Votre réforme est injuste pour les plus défavorisés, dont les parcours professionnels erratiques intègrent de longues périodes de chômage : ils ne pourront pas consolider l'ensemble de leurs annuités. Quels que soient vos exemples théoriques, leurs revenus seront donc affaiblis.

Mais c'est aussi la question du financement que nous posons : votre réforme est fondée sur un taux d'emploi - et donc de cotisation - incertain. Le président du Conseil d'analyse économique, M. de Boissieu, vous a d'ailleurs conjuré, dans Le Figaro...

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - N'étiez-vous pas là hier soir ?

M. Jean-Marie Le Guen - Je maintiens qu'il met le doigt - et il n'est pas le seul à le faire - sur le vrai problème de votre réforme : l'absence de politique de l'emploi. Pas plus tard qu'avant-hier, une entreprise sous tutelle de l'Etat, l'AFP, annonçait qu'elle allait procéder à des licenciements en recourant à des préretraites ! Comment vous croire quand vous prétendez convaincre le Medef, qui souhaite une entrée de plus en plus tardive des jeunes dans la vie active et des départs précoces à la retraite - conception des relations sociales qui reste malheureusement au c_ur du contrat de travail dans notre pays ? Peut-être n'avons-nous pas prêté nous-mêmes assez d'attention à ce problème... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Monsieur Le Guen...

M. Jean-Marie Le Guen - Un mot encore (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ce que je dis vous gêne ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Et pour toute réponse, M. Ollier, qui occupe des responsabilités importantes dans un grand parti, brandit sa montre ! Vous refusez nos critiques, vous estimez que vous n'avez pas à nous répondre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Votre temps de parole est écoulé.

M. Jean-Marie Le Guen - Je serais bien étonné qu'on découvre la moindre inexactitude dans mes propos. Mais quels que soient les arguments que nous avançons (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), c'est le débat que vous n'acceptez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement ! Je demande à nouveau à mes collègues de la majorité de respecter les propos de l'opposition (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Warsmann - L'opposition mobilise 95 % du temps de parole !

M. Jean-Marc Ayrault - Avant l'examen des articles, nous avons posé une question de fond : celle du niveau des pensions. Chaque fois que nous demandons des réponses, vous répondez la même chose. Mais le débat ne fait que confirmer que le problème est bien là !

Nous avons ensuite posé la question de l'emploi des plus fragiles, des salariés âgés, des jeunes, des femmes. Les Français attendent des réponses sur ces questions, comme sur la pénibilité du travail, les inégalités d'espérance de vie ou le financement de votre projet. Ces points essentiels doivent faire l'objet d'un débat.

M. Jean-Luc Warsmann - Alors cessez de faire de l'obstruction !

M. Jean-Marc Ayrault - Même si le ministre nous a répondu, sans d'ailleurs nous convaincre, je ne peux comprendre que les députés de la majorité n'interviennent jamais dans la débat pour défendre le projet du Gouvernement ! Ils regardent leur montre, mais ils ne jouent pas leur rôle de parlementaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Plusieurs députés UMP - C'est honteux !

M. Jean-Marc Ayrault - Et, s'ils étaient convaincus, ne seraient-ils pas plus nombreux en séance ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Hier soir encore, nous avons constaté que le quorum n'était pas atteint. Je demande une suspension de séance pour ramener le calme (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Plusieurs députés UMP - Obstruction !

M. Jean-Marc Ayrault - Ce matin encore, vous êtes à peine cinquante, sur 380 députés de la majorité. Quelle force de conviction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La séance, suspendue à 10 heures, est reprise à 10 h 10.

M. Jacques Barrot - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Je sais M. Ayrault respectueux de chaque député de cette maison. J'ai moi-même, en tant que président de groupe, demandé à mes collègues de ne pas intervenir dans ce débat qui, ce matin comme hier, n'apporte pas grand-chose à la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés socialistes - Ah bon ?

M. Jacques Barrot - Nous nous sommes largement exprimés lors de la discussion générale et recommencerons dès qu'un dialogue normal reprendra entre l'opposition et la majorité.

Par ailleurs, vous avez déclenché suffisamment de votes pour constater que nous étions présents en nombre, même au cours de ces longues séances d'obstruction. Ne mettez donc pas en cause des députés alors que nos tribunes sont pleines de jeunes spectateurs. Mes consignes de sagesse visaient à ce que les débats conservent de la dignité, et nous risquons fort de nous en éloigner si nous continuons à ce train-là (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. Mes propos, M. Barrot le sait bien, n'avaient aucune visée polémique (Rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je voudrais simplement vous rappeler le dernier sondage d'opinion sur la réforme des retraites. Les Français, dans une écrasante majorité, savent qu'il faut une réforme, mais ils se posent des questions. Ce sont celles que nous vous posons depuis hier...

M. le Ministre des affaires sociales - Vous n'écoutez pas les réponses.

M. Jean-Marc Ayrault - Nous ne demandons pas que l'UMP garde le silence, mais au contraire que le débat ait lieu.

M. Jean-Luc Warsmann - Vous faites de l'obstruction !

M. Jean-Marc Ayrault - Ce n'est pas de l'obstruction, mais une demande de débat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. René Dosière - On reproche souvent aux politiques de ne pas voir les choses à long terme. Notre débat d'aujourd'hui porte vraiment sur le long terme. Je vois d'ailleurs qu'il y a des jeunes auditeurs dans nos tribunes ; ils rentreront dans la vie active autour de 2020 : si le texte dont nous discutons est voté, ils devront travailler jusqu'en 2060. Ces temps qui nous paraissent fort éloignés forment leur avenir direct. Et tout l'objet du débat de ce matin, c'est de savoir s'ils seront considérés à 60 ans comme des rebuts du marché du travail ou comme des seniors dynamiques et productifs.

Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi la majorité s'offusque de la passion et de l'insistance que nous mettons dans nos questions et dans la défense de nos amendements, alors que le ministre lui-même reconnaît que l'allongement de la durée d'assurance n'a de sens que si la durée d'activité s'allonge également et affiche sa volonté d'agir pour que les salariés de plus de cinquante ans ne servent pas de variable d'ajustement. Mais il ne nous dit pas comment il compte s'y prendre pour cela. C'est pourtant ce que nous voudrions savoir, étant entendu, Monsieur le ministre, que nous n'avons aucun intérêt à vous voir échouer, d'autant qu'on peut se demander quelle sera en 2008, date du prochain rendez-vous, la majorité au pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Janquin - Je vais essayer, en défendant l'amendement 2772, de répondre au v_u des présidents Ayrault et Barrot. Votre projet, Monsieur le ministre, a au moins le mérite de jeter un coup de projecteur sur un problème que nous avons tous à gérer depuis longtemps, à savoir l'emploi des plus de cinquante ans. On sait bien, en effet, que depuis la première crise pétrolière et la montée progressive du chômage qui a suivi, les salariés âgés ont été considérés par les patrons comme une variable d'ajustement. En tant que député d'une circonscription minière, j'ai même vu des plans de préretraite où, à la demande des salariés eux-mêmes - au demeurant silicosés - le départ en retraite anticipée se faisait à 45 ans.

Le fait d'allonger la durée de cotisation ne règle pas cette question-là : son règlement devrait constituer un préalable. Vous dites, Monsieur le ministre, que vous allez prendre des dispositions, mais vous ne nous dites pas lesquelles. Et nous avons la conviction que votre projet va aggraver l'impasse où nous sommes déjà concernant les salariés âgés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Vidalies - Puisque vous ne répondez pas à la question que nous vous posons en termes mesurés, Monsieur le ministre, je vais la formuler autrement et les députés de la majorité feraient bien d'écouter (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : la surcote est-elle un énorme mensonge ?

Vous créez en effet une surcote de 3 % par année effectuée au-delà de 60 ans. Et vous reportez à 65 ans l'âge auquel un employeur peut obliger un salarié à partir en retraite. Mais si ce deuxième paramètre disparaît, alors la surcote n'existe plus. Elle n'est plus du moins qu'un droit potentiel laissé à l'initiative de l'employeur. D'où ma question : le Gouvernement est-il vraiment en mesure de garantir qu'il refusera toute remise en cause de ce report à 65 ans ? Comprenez nos inquiétudes si vous ne nous répondez pas à ce sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Le Garrec - Défendant l'amendement 2776, j'insiste sur l'importance de la question posée par M.Vidalies. Nous savons tous en effet qu'il y a un décalage entre la durée de cotisation demandée et la durée effective des carrières et nous dénonçons quant à nous la schizophrénie du Medef, qui d'un côté demande un allongement de cette durée de cotisation, de l'autre fait sortir les salariés âgés du marché du travail. Les préretraites constituent parfois la moins mauvaise des réponses à la pire des situations et nous y avons tous eu recours lorsque des grands groupes nous expliquaient que leur survie impliquait des départs. Mais le problème ne fait alors souvent que se reporter sur les PME et PMI sous-traitantes. On l'a bien vu récemment avec Metaleurop. C'est bien pourquoi nous avions essayé, dans la loi de modernisation sociale, d'imposer certaines obligations vis-à-vis des entreprises sous-traitantes. Il nous faut continuer dans cette voie, sinon le transfert des difficultés se fera sur l'assurance chômage, l'assurance maladie et les COTOREP. Cela rendra d'autant plus difficile de diminuer de trois points la cotisation chômage en 2008, comme vous le prévoyez. Enfin, le décret sur la passation des marchés publics soumettra encore plus les PME aux exigences des grands groupes. Un pacte social sur l'emploi, comportant un volet sur les relations entre les grandes entreprises et les PME, n'en est que plus nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - Sur le vote de l'amendement 2767 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Henri Nayrou - Je défends l'amendement 2780.

Nous posons des questions, nous voulons des réponses. L'allongement de la durée du travail aurait dû avoir pour corollaire le maintien du niveau des pensions. Or cela va le faire diminuer. Les salariés ont le sentiment que ce gouvernement et ses alliés du Medef les prennent pour des imbéciles. Quand Matignon dit au grand jour, le poing hargneux et la main sur le c_ur : « Vous allez devoir travailler après 60 ans », les troupes du baron Antoine-Ernest Seillières se démènent dans l'ombre pour mettre en préretraite les plus de 50 ans et tirer le maximum des plans sociaux. L'homme de la rue comprend qu'on se moque de lui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Une nouvelle fois, on multiplie les amendements identiques qui auraient dû être déposés aux articles qu'ils concernent. Mais de toute façon, nous avons déjà entendu beaucoup de choses qui n'ont rien à voir avec la réforme.

Cet amendement, déposé en de nombreux exemplaires, évoque la nécessité de faciliter l'emploi des plus de 50 ans. Mais si nos collègues socialistes étaient venus en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), s'ils avaient lu le texte, s'ils s'intéressaient vraiment à la question (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) au lieu de régler leurs problèmes internes et de courir après l'extrême-gauche, ils auraient vu que, dans le texte, tout est prévu à ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ainsi l'article 10 repousse la possibilité de mise à la retraite d'office de 60 à 65 ans ; ils ne l'ont pas fait pendant les cinq ans où ils étaient au pouvoir (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). L'article 11 instaure la contribution de l'employeur pour les préretraites maison, ce qu'ils n'avaient pas fait en cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) S'ils avaient lu le texte jusqu'à l'article 12, ils auraient vu que les préretraites progressives sont supprimées, de même qu'à l'article 13 il est fait en sorte que la contribution Delalande ne pénalise pas les salariés de plus de 45 ans, que l'article 17 institue la majoration de pension pour les salariés ayant cotisé plus de 40 ans avant 60 ans. S'ils avaient participé aux travaux des commissions, ils auraient pu enrichir les amendements qui ont été adoptés, sur l'initiative de l'UMP et notamment grâce à Xavier Bertrand, et qui renforcent encore ces dispositions.

Je regrette vraiment cette obstruction stérile. Pour toutes les raisons que je viens de dire, la commission n'a pas accepté ces amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58-1. Le président Ayrault a rappelé qu'un débat sérieux exige la sérénité. Mais le rapporteur ne supporte même pas l'idée qu'on puisse lui poser une question. Il répond en permanence par la polémique, la mise en cause, l'invective. On n'est pas loin de l'injure politique ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Jamais un rapporteur ne s'est livré aussi systématiquement à une mise en cause de notre groupe, de nos idées, considérant que nous n'avons ni légitimité ni compétence ! Ce que nous souhaitons, c'est débattre au fond de l'emploi, de la précarité, de la valorisation du travail, et on nous répond par l'invective. Je demande une suspension de séance de quinze minutes.

Mme la Présidente - Je donne d'abord la parole à M. Barrot pour un rappel au Règlement.

M. Jacques Barrot - Je m'en tiens à l'organisation de nos travaux. Nos collègues socialistes se plaignent de ne pas avoir de réponse. Mais ils ont utilisé une procédure qu'à l'avenir on ne pourra plus accepter (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Madame la Présidente, je vous prie de faire en sorte qu'on me laisse parler ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Seul M. Barrot a la parole.

M. Jacques Barrot - Ils ont accumulé en début de discussion des amendements qui auraient dû être présentés sur chacun des articles auxquels ils se réfèrent au fond. Il est normal que le rapporteur et le Gouvernement attendent qu'on en arrive là pour répondre à des amendements dont nous ne contestons pas le bien-fondé, mais qui doivent s'articuler sur un article précis. Si l'on peut de temps à autre déposer quelques amendements avant l'article premier, dans ce cas il y a action délibérée, et dont les communistes sont en partie victimes...

De nombreux députés communistes et républicains - Non !

M. Jacques Barrot - ...puisqu'ils ont déposé des amendements sur les articles. Nous sommes dans un débat avant le vrai débat. Je saisirai le Président et le Bureau de l'Assemblée de ce problème. Le débat pourrait avoir lieu dans de bonnes conditions, mais sur chaque article (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Ministre des affaires sociales - Le groupe socialiste ne peut à la fois souhaiter des réponses du Gouvernement et demander des suspensions de séance avant que le Gouvernement ne s'exprime.

Plusieurs députés socialistes - Après !

M. le Ministre des affaires sociales - J'ai bien l'intention de répondre.

Je ferais cependant observer aux députés socialistes qu'il sera difficile de faire comprendre à l'opinion que l'examen du texte a commencé mardi, mais ne porte toujours pas sur l'article premier...

M. Pierre Hellier - Ça commence à se savoir.

M. le Ministre des affaires sociales - ...et qu'aucun des amendements déposés n'a la moindre valeur normative. Le groupe socialiste a toute liberté pour demander des précisions au Gouvernement, mais il ne pourra pas convaincre l'opinion qu'il n'est pas en train de faire de l'obstruction - pour gagner du temps, mais du temps pour quoi faire ?

Cela étant, l'emploi des personnes de plus de 50 ans est une question très importante. Nous vivons depuis plus de 20 ans dans une vision malthusienne du marché du travail. Certains ont critiqué, d'autres semblent admettre l'idée assez largement partagée qu'un départ en retraite libère un emploi pour un jeune. En fait, nous avons le taux d'activité des plus de 50 ans le plus bas de toute l'Europe et le taux de chômage des jeunes le plus élevé, ce qui montre bien qu'il n'en est pas ainsi.

Dans le cadre de ce texte, qui vise à sauver les régimes de retraite par répartition et non à régler l'ensemble des problèmes sociaux et économiques du pays, nous prévoyons d'allonger la durée de cotisation, comme l'ont fait tous les pays européens, pour tenir compte de l'allongement de la durée de la vie et de la démographie. Evidemment, un taux d'activité des plus de 50 ans aussi bas fait obstacle à cet allongement. C'est pourquoi nous avons prévu un rendez-vous tous les cinq ans pour adapter l'allongement de la durée de cotisation, mais aussi leur montant, à la réalité du marché. En 2008 donc, une commission indépendante composée du premier vice-président de la Cour des comptes, du premier vice-président du Conseil d'Etat, du président du Conseil économique et social et de celui du COR, sera chargée de présenter un rapport indiquant la situation du marché de l'emploi, le taux d'activité, la conformité des évolutions démographiques avec nos prévisions. Sur cette base, le gouvernement de l'époque prendra les décisions nécessaires pour y adapter notamment la durée de cotisations. Son allongement n'a donc rien d'automatique.

Pour allonger la durée de cotisation, il faut réduire le chômage des seniors. Nous avons proposé sur ce sujet aux partenaires sociaux un programme de travail qui a fait l'objet d'une très large adhésion et qui s'organise autour de quatre idées principales.

Premièrement, il faut changer le regard de la société sur les salariés de plus de 55 ans. D'autres pays européens, notamment la Finlande, l'ont fait avec succès, en lançant des campagnes d'information et de sensibilisation. Nous en lancerons une dès l'automne. Par ailleurs, l'ensemble du service public de l'emploi va être mobilisé pour accompagner les partenaires sociaux, afin qu'ils ouvrent dans les branches des négociations sur le sujet.

Deuxièmement, il faut assurer le recentrage des préretraites. Il s'agit, je l'ai dit, de « désintoxiquer » notre pays de ce système, en le recentrant sur les critères de pénibilité - première réponse aux questions qui nous sont posées sur ce point - et de redressement de l'entreprise, lorsque celui-ci est conditionné par des départs anticipés.

Troisièmement, il faut dynamiser la formation professionnelle, afin de répondre aux aspirations des salariés les plus âgés.

M. Jacques Barrot - Très bien !

M. le Ministre des affaires sociales - Pour cette réforme de la formation professionnelle, nous avons besoin d'un accord entre les partenaires sociaux.

M. Jacques Barrot - Très bien !

M. le Ministre des affaires sociales - On nous dit qu'il n'y a pas eu assez de négociations sur les retraites, et en même temps, on déplore que ne figure pas dans ce projet l'ensemble des dispositions sur la formation professionnelle ! Les partenaires sociaux, qui n'avaient pas réussi pendant la législature précédente à se mettre d'accord sur ce thème, sont au travail et préparent des propositions. Le Gouvernement les reprendra et vous les soumettra à l'automne.

M. Jacques Barrot - Très bien !

M. le Ministre des affaires sociales - Quatrièmement, il faut assouplir la transition entre l'emploi et la retraite. Nous proposons quatre mesures en ce sens : la création de la surcote ; le report à 65 ans, par voie de conséquence - et vos injonctions sont sans objet, Monsieur Vidalies - de l'âge à partir duquel un salarié peut être mis à la retraite d'office par son employeur ; la création d'un nouveau dispositif de retraite progressive ; l'harmonisation et l'assouplissement des règles du cumul entre emploi et retraite.

Le parti socialiste nous dit qu'il aurait fallu régler tout cela avant de commencer à réformer les régimes de retraite. Je n'aurais pas été contre ; mais, après vingt ans pendant lesquels il a gouverné pratiquement quinze ans, nos régimes de retraite sont dans les difficultés que nous savons, et nous ne pouvons plus nous permettre de poser des préalables avant de les réformer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

En demandant à l'Assemblée de repousser ces amendements, je voudrais faire remarquer au groupe socialiste que pour accréditer l'idée qu'il veut vraiment un débat sérieux, il faut qu'il fasse preuve de cohérence dans ses arguments. La difficulté, quand autant d'orateurs défendent le même amendement, c'est que parfois cette cohérence fait défaut.

M. Jacques Barrot - Très bien !

M. Patrick Lemasle - Quel donneur de leçons !

M. le Ministre des affaires sociales - Pendant trois jours, le groupe socialiste nous a répété que ce projet n'était pas financé parce que l'objectif fixé par le Gouvernement en matière de chômage était hors d'atteinte. Je me suis longuement expliqué hier sur cette question, en indiquant que cet objectif pouvait être atteint notamment pour des raisons démographiques et que, par prudence, le Gouvernement s'était appuyé sur une prévision de chômage en 2020 entre 5 et 6 %.

Alors l'argumentation du groupe socialiste a changé : tout à l'heure, M. Gorce s'est dit très inquiet de constater que le Gouvernement ne prévoyait pas le plein emploi et ne pensait pas être capable d'atteindre les 4,5 % du COR.

Le débat que vous avez engagé, Mesdames et Messieurs de l'opposition, a donc des vertus polémiques, politiques, politiciennes : vous voulez, et c'est votre droit le plus strict, rendre les choses plus difficiles au Gouvernement et à la majorité ; mais démonstration est faite que vous avez les plus grandes difficultés à vous mettre d'accord entre vous sur le fond ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Brunhes - Madame la Présidente, permettez-moi de regretter que vous ne m'ayez pas donné la parole avant M. le ministre car je voulais répondre à M. Barrot.

Je le remercie de sa sollicitude envers notre groupe mais je voudrais lui dire que les victimes de ce projet, ce sont les Français. Nous avons toujours dit qu'une réforme était indispensable, mais une autre que celle-ci.

Plusieurs députés UMP - Laquelle ?

M. Jacques Brunhes - J'ai remis nos propositions au Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, vous ne facilitez pas le débat avec vos invectives permanentes. M. le ministre répond au fond, mais vous, vous ne cherchez qu'à polémiquer.

Monsieur Barrot, et c'est l'objet de mon rappel au Règlement, vous venez de dire quelque chose d'extrêmement grave au sujet du dépôt de nombreux amendements : dans l'avenir, avez-vous déclaré, on ne pourra pas poursuivre dans cette voie. Autrement dit, vous remettez en cause le droit d'amendement, alors que déjà le Parlement est muselé. Muselé par le Gouvernement, qui fixe l'ordre du jour, muselé par le Conseil constitutionnel qui corrige les copies des représentants de la nation, muselé par l'article 49-3, muselé par l'article 40.

M. Patrick Ollier - Muselé par les électeurs, qui vous ont rejetés !

M. Jacques Brunhes - Nous ne vous laisserons pas toucher aux quelques pouvoirs qui restent encore au Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Sans vouloir polémiquer, je m'interroge une nouvelle fois, et je demande à chacun de s'interroger, sur l'image que nous donnons de la démocratie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) au moment où nous débattons d'une question de société fondamentale.

Je remercie le ministre d'avoir une fois de plus apporté des réponses aux questions que vous posez sans cesse. Je remercie M. Barrot de la réponse qu'il a faite aux donneurs de leçons.

En tant que président de la commission, je ne peux pas accepter que notre rapporteur soit mis en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je suis le mieux placé pour savoir comment il a travaillé. Ses efforts continus depuis plusieurs semaines lui ont permis de faire des réponses précises et sobres (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) à des questions qui relevaient parfois de la provocation. M. Gorce est également bien placé pour apprécier la qualité de ses travaux et je lui demande d'être plus calme.

M. Jean-Marc Ayrault - Mon collègue Gaëtan Gorce était prêt à annoncer que nous renoncions à demander une suspension de séance. Mais voici que le président de la commission, que nous n'avions quasiment pas entendu tout au long de ce débat,...

M. le Président de la commission - Je suis intervenu plusieurs fois ! Vous n'étiez pas là !

M. Jean-Marc Ayrault - ...prend la parole pour une intervention polémique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il n'est pas question pour nous de mettre en cause la personne du rapporteur ou son travail, mais nous disons notre désaccord lorsqu'il s'exprime de manière trop partisane.

Les élus de la majorité - et je m'adresse à Jacques Barrot - auraient-ils la volonté de faire monter la tension ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Pour leur donner le temps de se ressaisir, je demande effectivement une suspension de séance de cinq minutes.

La séance, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 10.

M. Denis Jacquat - M. le rapporteur et le M. le ministre l'ont dit fort justement, la réforme n'est pas seulement nécessaire, elle est urgente. Depuis qu'ici même, en 1991, M. Michel Rocard appela, dans le cadre du livre blanc, à une réforme avant le 1er janvier 2006, il est certain que, plus on attend, plus les mesures seront drastiques.

Après une période de négociations, nous en sommes aujourd'hui au débat parlementaire. Il demeure que le texte prévoit encore d'autres rencontres avec les partenaires sociaux.

Vous avez été nombreux, ce matin, à vous inquiéter de la politique de l'emploi des seniors, et M. le ministre vous a répondu. Moi-même, en tant que porte-parole du groupe UMP, j'ai affirmé que l'allongement de la durée d'activité devait offrir des possibilités d'évolution ; aussi avons-nous insisté sur le problème des secondes carrières, et sur celui de la pénibilité. Pour ce qui est des secondes carrières, nous avons demandé qu'il y ait davantage de souplesse, notamment dans la fonction publique, et avons souligné l'importance de la formation continue, en particulier pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes, ou avec peu de formation.

Quant à la pénibilité, M. Fillon a fait le tour de l'Europe : les médias s'en sont fait l'écho, aucun pays n'a trouvé la solution. Aussi est-ce tout à l'honneur de notre pays de s'y atteler. Une fois la notion de pénibilité reconnue ici publiquement, il restera à en déterminer objectivement les critères grâce au dialogue avec les partenaires sociaux.

Malgré ce que certains prétendent, nous ne sommes pas victimes de notre texte. Nous sommes au contraire, à l'écoute de la France d'en bas (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et voulons inscrire dans le marbre ce qu'elle nous a demandé : vivre le plus longtemps possible, avec la meilleure retraite possible (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Néri - Vos critiques sur notre présence en commission, Monsieur le rapporteur, ne sont pas fondées, car - M. Dubernard s'en était d'ailleurs félicité - nous avons entamé la discussion de ce texte dans un esprit constructif et tout s'est bien passé. J'avais du reste accepté de ne pas intervenir durant l'audition publique de M. le ministre, pour ne pas allonger les débats.

Pour ce qui est de la liberté d'expression des parlementaires, et donc du peuple de France, en commission, comme dans l'hémicycle, j'appelle à davantage de modération. Si je me souviens bien, Monsieur le rapporteur, vous avez vous-même, lors de débats précédents, sur des sujets importants comme les 35 heures, été fort prolixe, présenté de nombreux amendements et posé force questions.

La différence, c'est qu'on vous répondait ! Nous ne demandons que la réciprocité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Le président Barrot, qui siège à mes côtés au conseil régional d'Auvergne, m'avait habitué à plus de modération (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ! Je le sais attaché comme nous à la démocratie. On ne peut modifier le Règlement au fil de circonstances qui peuvent du reste changer très vite ; demain, vous pourriez être dans l'opposition !

Nous voulons des réponses, et nous demandons à M. le rapporteur de ne pas tomber dans la provocation : cela ne fait pas avancer le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gaétan Gorce - A la différence du rapporteur, M. le ministre a bien voulu engager un débat sur le fond. Il est dommage qu'il ait attendu le samedi matin pour le faire, mais enfin c'est ce que nous demandions. Vous attendez, dites-vous, nos contre-propositions. Nous faisons le même constat de départ, mais souhaitons équilibrer l'allongement de la durée de cotisation et le recours à d'autres mesures, alors que vous vous fondez sur le seul allongement des cotisations. La question particulière du financement doit être traitée à partir de ce choix. C'est tout le sens de notre débat, et c'est la raison pour laquelle nous nous soucions du niveau de pension. Il n'y a pas de honte, Monsieur le ministre, à considérer que l'on ne peut garantir que les deux tiers du niveau des pensions. C'est un choix que l'on peut faire, et nous ne refusons pas d'en débattre.

Vous voulez négocier sur la pénibilité et la place des salariés âgés dans l'entreprise, ce qui passe par la remise en cause des préretraites. Nous souscrivons. Mais cette discussion devrait être menée de front avec la réforme des retraites : c'est une condition de sa réussite.

Que ferons-nous en 2008 si la tendance à un départ à la retraite anticipé demeure ? Il faudra bien renoncer à l'allongement de la durée de cotisation ou augmenter encore les cotisations. Mes réserves me semblent justifiées lorsque je lis dans Le Parisien du 11 juin que M. Seillières (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)... Je me demande si vous n'entretenez pas la tension ! M. Seillières, dis-je, considère que le relèvement de l'âge de la retraite à 65 ans serait une contrainte qui n'inciterait pas les entreprises à négocier sur le travail des seniors. Autant le savoir ! M. Accoyer, à grand renfort de communication, avait déposé un amendement proposant un allégement des cotisations pour l'emploi des plus âgés. Le Gouvernement ne nous a pas dit pourquoi il ne l'avait pas repris (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

A la majorité de 130 voix contre 48 sur 178 votants et 178 suffrages exprimés, les amendements 2773 et identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Vuilque - L'amendement 2808 souligne que « la garantie du système de retraite par répartition avec le maintien d'un niveau élevé de montant de pension implique la mise en _uvre d'une politique de lutte contre l'emploi précaire et d'incitation à l'embauche des jeunes sur des emplois de qualité ».

M. Yves Bur - C'est un catalogue de bonnes intentions !

M. Philippe Vuilque - Non. Nous avons eu un débat intéressant sur le taux d'activité des salariés les plus âgés. Mais il faut tenir les deux bouts de la chaîne : les entreprises considèrent malheureusement l'emploi des jeunes comme une variable d'ajustement et recourent exagérément au travail précaire - CDD, temps partiel. Comment les jeunes peuvent-ils acquérir une qualification dans ces conditions ? Aussi important que celui de l'emploi des salariés âgés, ce sujet exige une vraie volonté politique. Vous avez une responsabilité historique : il vous est plus aisé qu'à nous d'encourager le Medef à vous suivre dans des dispositifs qui favorisent l'embauche des jeunes. Moins ils connaîtront l'emploi précaire, mieux leur taux de pension sera garanti. Or votre projet est insuffisant sur ce point. Fera-t-il l'objet de négociations avec les partenaires sociaux ?

Les dispositifs qui permettent à un jeune de remplacer un salarié quittant l'entreprise n'ont pas donné, dites-vous, les résultats escomptés. Peut-être pourrait-on faire un effort dans ce domaine. Pour l'entreprise, il est important de ne pas perdre la compétence des plus âgés comme d'accompagner les jeunes qui entrent dans l'entreprise. L'ARP était un dispositif intéressant. Vous aurez compris que nous vous interrogeons sur ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Depuis le début du débat, trois questions sont posées : celle du niveau des retraites, celle de leur financement et celle de la durée de cotisation. Or, vous parlez exclusivement de la dernière. Je veux parler pour ma part de la politique de l'emploi, et en particulier du soutien au retour à l'emploi. Seul le développement de l'emploi permet en effet de financer la sécurité sociale et les retraites. Je vous interroge donc sur votre politique de retour à l'emploi.

Vous avez adressé une lettre au Premier ministre pour lui expliquer que vous manquiez de moyens...

M. Jean-Luc Warsmann - Nous sommes là pour parler des retraites !

M. Augustin Bonrepaux - ...que vous n'aviez pas les moyens de votre politique.

M. Jean-Luc Warsmann - C'est une question d'actualité ! C'est de l'obstruction !

M. Augustin Bonrepaux - Pourtant, qui peut prétendre que l'insertion par l'économique n'est pas un moyen de lutter contre la précarité et l'exclusion - qui grèvent les dépenses de l'Etat - de contribuer à restaurer le niveau de l'emploi...

M. Jean-Luc Warsmann - Et enfoncer les portes ouvertes, c'est le moyen de faire de l'obstruction !

M. Augustin Bonrepaux - Ma question est simple.

M. Jean-Luc Warsmann - Les questions, c'est le mardi ou le mercredi !

M. Augustin Bonrepaux - Que faites-vous pour le retour à l'emploi et pour les entreprises d'insertion ? Allez-vous tenir les engagements du Gouvernement ? J'ai écrit à plusieurs reprises au ministre du budget pour que leurs crédits soient affectés. Elles ont attendu six mois ! Mais ces entreprises _uvrent pour l'insertion, et donc pour l'emploi et le financement des retraites !

M. Jean-Luc Warsmann - Cela n'a rien à voir avec le débat !

Mme la Présidente - Monsieur Warsmann...

M. Augustin Bonrepaux - De quoi faut-il parler dans cette assemblée ? Vous ne vous intéressez à rien ! Vous n'avez aucun argument ! Monsieur le ministre, êtes-vous convaincu de l'importance de l'insertion par l'économie et de la nécessité de ramener les exclus au travail ?

M. Jean-Luc Warsmann - Tout le monde en est convaincu !

M. Augustin Bonrepaux - Aurez-vous les crédits pour financer les entreprises d'insertion ?

M. Jean-Luc Warsmann - Ce n'est pas le débat !

Mme la Présidente - Monsieur Warsmann, c'est moi qui préside.

M. Jean-Luc Warsmann - Il faut bien que quelqu'un lui dise !

M. Augustin Bonrepaux - Ce sera aux départements d'assumer vos engagements. Une fois de plus, vous aurez transféré des charges sur les collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Néri - L'amendement 2832 est identique. L'insertion des jeunes dans la vie professionnelle est une question centrale. Nous connaissons de nombreuses divergences, mais nous nous accordons sur l'importance de la formation professionnelle, qu'elle soit initiale ou continue. Mais on ne profite de la formation tout au long de la vie que si on a une bonne formation initiale. Or, un grand nombre de jeunes entrent dans la vie active sans qualification, ce qui nuit tant à l'économie qu'à leur insertion dans la société. Il faut faire un effort dans cette direction.

Par ailleurs, il est courant que des jeunes bien formés ne trouvent pas leur place et se voient cantonnés dans les petits boulots et le travail à temps partiel. Leurs compétences ne sont pas valorisées, et cela a pour effet d'en décourager d'autres d'acquérir une formation. C'est un véritable gâchis de l'intelligence et de l'éducation, que nous ne pouvons pas tolérer. Notre amendement vise donc à encourager l'embauche des jeunes qualifiés sur des emplois durables et de qualité. Cela leur permettra de commencer à acquérir leurs annuités de cotisation tout en rétablissant la confiance dans le droit au travail et la formation professionnelle.

M. Serge Janquin - L'amendement 2823 est défendu.

M. le Rapporteur - Cet amendement affirme qu'il faut faciliter l'emploi des jeunes sur des postes qualifiés. La commission ne l'a pas adopté. De nombreuses dispositions du texte vont en effet dans ce sens. L'article 21, en particulier, s'attache à développer le système de la retraite progressive. Ce dispositif, très peu utilisé jusqu'à présent, permet une liquidation partielle de la retraite, proportionnelle aux droits acquis, favorisant l'insertion progressive d'un jeune et la transmission du savoir au sein même de l'entreprise.

Par ailleurs, le Gouvernement a, dès son installation, mis en place les contrats jeunes non qualifiés en entreprise. Ce dispositif audacieux, qui s'attaque à une triste spécificité de notre pays, le chômage élevé des jeunes, connaît une grand succès. Ainsi, 160 000 jeunes sans qualification sont désormais insérés en entreprise avec un contrat à durée indéterminée qui éclaircit leur avenir et leur permet de commencer tôt à se constituer leurs droits à la retraite.

M. le Ministre des affaires sociales - Les questions qui viennent d'être évoquées par les orateurs socialistes sont importantes, mais elles nous détournent du débat.

M. Didier Migaud - Tout se tient !

M. le Ministre des affaires sociales - Certes, tout est dans tout. Il n'empêche, toutes les études du Conseil d'orientation des retraites montrent que l'impact de l'emploi sur les retraites est faible. Une variation d'un point du chômage n'a qu'un effet de 0,2 à 0,3 % sur la part des retraites dans le PIB. Vouloir faire de cette question un sujet central, c'est pour le groupe socialiste une manière de ne pas entrer dans le débat sur la réforme des retraites. Après quatre jours, il serait temps ! Les Français attendent de connaître les détails du projet du Gouvernement et surtout les propositions de l'opposition. En baladant le Parlement avec des questions annexes, vous retardez le moment des explications (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Denis Jacquat - Une fois de plus, depuis quatre jours et quatre nuits, il nous faut rappeler que l'emploi est une des clés de la réussite de la réforme (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il faudrait nous écouter ! Les jeunes connaissent des difficultés à entrer dans la vie active, et notamment les moins qualifiés d'entre eux. Les contrats jeunes non qualifiés en entreprise leur sont destinés. L'emploi ne se décrète pas. Pour créer des emplois en CDI et bien rémunérés, il faut se battre tous ensemble. Il est donc temps d'aborder le débat car les Français sont inquiets pour leurs retraites et craignent que la guérilla qui a lieu ici n'aboutisse au statu quo.

M. Gaëtan Gorce - Le Gouvernement nous accuse d'obstruction, mais le débat sur les amendements n'a commencé qu'hier, après la discussion générale. Quant au ministre, c'est l'occultation qu'il pratique ! Il refuse obstinément de considérer les arguments du groupe socialiste et ses propositions. La stratégie est de laisser penser qu'il n'y a qu'une solution possible, qu'il est irresponsable de ne pas l'accepter et que défendre autre chose est en dehors du débat. C'est une facilité rhétorique dont il faudrait sortir après quatre jours et quatre nuits !

Nous considérons que nous sommes dans un cadre contraint. Si une réforme est nécessaire, elle ne consistera pas en une disposition miracle sortie de je ne sais quel esprit audacieux, mais en un dosage entre diverses mesures. Dans cette optique, la première question à régler est celle du niveau des pensions. Les Français doivent savoir de quelle retraite ils bénéficieront à leur départ.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement ne parle pas de cela !

M. Gaëtan Gorce - C'est le sujet principal ! Si vous considérez que le principe de la retraite par répartition est assuré avec deux tiers du revenu, dites-le !

Peut-être considérez-vous que le dispositif d'épargne-retraite que vous proposez sera le complément nécessaire, mais alors pourquoi ne pas le rendre obligatoire ? On ne peut pas en tout cas ne pas parler des nouvelles participations financières - cotisations, CSG, revenus du capital - à mettre éventuellement en place pour garantir le niveau des pensions. Nous ne pensons pas qu'un alourdissement des prélèvements soit de nature à régler l'ensemble des problèmes de financement, mais ces éléments doivent se retrouver dans le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement. Je regrette que le Gouvernement esquive nos questions, qui sont pourtant très importantes, et nous accuse ensuite de faire de l'obstruction. L'emploi constitue bel et bien une clé importante du financement. Il est donc normal que nous demandions au Gouvernement s'il aura en 2003 les moyens de financer l'insertion. Si ce n'est pas là une question importante, qu'est-ce que c'est ?

M. Jean-Luc Warsmann - Rappel au Règlement ! Cela fait cinq jours que l'opposition accapare 95 % du temps de parole pour des développements qui n'ont rien à voir avec le débat. L'amendement 2808 parle de lutte contre l'emploi précaire et d'incitation à l'embauche des jeunes sur des emplois de qualité. Premièrement, il n'a aucune valeur normative. Deuxièmement, il n'a aucun rapport avec tous les arguments sur le financement que nous venons d'entendre. Je voudrais donc que l'obstruction cesse et que l'on puisse enfin discuter de l'article premier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 2808 et les autres amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - A votre logique, qui consiste à dire que la seule solution possible est l'allongement de la durée de cotisation, nous opposons la nôtre, qui part du constat que nous vivons dans un pays riche, dont la richesse s'accroît chaque année, et qui nous amène donc à considérer que la question primordiale est celle de la redistribution des richesses, étant entendu que depuis vingt ans, la part qui va aux salaires a baissé de dix points.

Si vous ne prenez pas en compte cet aspect des choses, Monsieur le ministre, vous excluez a priori beaucoup de solutions. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à penser ainsi, puisque le président de l'UPA, M. Buguet, regrette lui aussi que le Gouvernement n'ait pas prévu une diversification de l'assiette des recettes, qui repose selon lui trop exclusivement sur le travail. En demandant, comme nous le faisons dans l'amendement 2825 corrigé, la mise en _uvre d'une politique de lutte contre l'emploi précaire, nous allons dans le même sens, car nous sommes vraiment convaincus que le problème est d'abord celui de la redistribution des richesses (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Serge Janquin - Qu'il s'agisse des seniors, des jeunes ou des travailleurs précaires, M. Jacquat a raison de dire que l'emploi est au c_ur de la réussite d'une réforme des retraites. C'est bien pourquoi nous persistons à interroger le ministre sur sa politique de l'emploi. Force est de constater qu'elle n'est pas pour le moment à la hauteur des enjeux : l'emploi salarié a reculé de 0,3 % au premier trimestre.

Par ailleurs, M. le rapporteur nous assure que le dispositif des contrats jeunes est innovant, puissant et audacieux. Cela m'inspire ce commentaire amer, que je fais devant M. Delevoye : au mois de mai, dans le Pas-de-Calais, il n'a été créé qu'un seul contrat jeunes ! Peut-on dans ces conditions parler de réussite du dispositif ?

M. Jean-Luc Warsmann - On en est à 80 000 !

M. Serge Janquin - Vraiment, nous ne pouvons pas trouver crédible la politique de l'emploi du Gouvernement, ni par conséquent sa réforme des retraites.

J'ai défendu l'amendement 2840 corrigé.

M. Didier Migaud - Le débat avance puisque certains admettent maintenant qu'un haut niveau de retraite est conditionné à un haut niveau de l'emploi. Le problème, Monsieur le ministre, c'est qu'avec toutes les annulations et tous les gels de crédits que l'on vous impose, vous n'avez pas les moyens de la politique que vous entendez mener en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle. Cela vous a d'ailleurs amené à une démarche sans précédent auprès du ministre de l'économie : une lettre dans laquelle vous dites que les régulations budgétaires actuelles mettent votre ministère en péril !

En défendant l'amendement 2835 corrigé, j'insiste donc pour que vous nous disiez de quels moyens budgétaires réels vous disposez pour réaliser vos objectifs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements déclamatoires et sans relation directe avec le projet.

Mais puisqu'il a été question du financement social, je voudrais rappeler que lors de la mise en place du FOREC, destiné à financer les 35 heures, nous avons assisté à un détournement des moyens du fonds de solidarité vieillesse, qui avait été institué en 1993 à l'occasion de la réforme Balladur : le FSV s'est vu alors privé de ses recettes tirées des droits sur les alcools et tabacs ainsi que de la taxation des placements financiers, et s'est ainsi retrouvé en déficit.

Or, le FSV finance le minimum vieillesse et les cotisations de retraite des chômeurs. On mesure la gravité des conséquences de la réduction du temps de travail et des dispositions prises, contre certains partenaires sociaux, pour, à la suite des lois Aubry, détourner le financement de la protection sociale.

La commission a rejeté ces amendements.

M. le Ministre des affaires sociales - On constate de nouveau que le débat est bloqué. Voilà que le groupe socialiste somme le Gouvernement d'engager le débat budgétaire ! Nous sommes samedi, nous discutons depuis mardi d'un texte qui comporte 81 articles sur lesquels il y a de nombreux amendements. Il serait peut-être temps de parler enfin du sujet, les retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Répondez sur le fond.

M. le Ministre des affaires sociales - Je le ferai d'autant mieux que nous entrerons dans la discussion sur les articles.

Cet amendement porte sur l'emploi précaire. De ce point de vue, nous avons fait une avancée considérable en remplaçant des emplois-jeunes d'une durée de cinq ans par des contrats jeunes d'une durée indéterminée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). 80 000 ont été signés. S'il n'y en a qu'un dans le Pas-de-Calais, c'est que vous n'en faites pas beaucoup la promotion. L'objectif de 250 000 pour la fin 2004 semble parfaitement réaliste.

M. Vidalies a, du moins, évoqué une piste pour le financement des retraites, la création d'une contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. L'idée revient de façon récurrente..

M. Daniel Paul - Et nous continuerons !

M. le Ministre des affaires sociales - Je m'adresse plutôt au groupe socialiste. A l'arrivée de la nouvelle majorité en juin 1997, un rapport de M. Chadelat présenta deux pistes possibles pour la réforme des cotisations sociales patronales, à savoir le transfert progressif de la cotisation patronale maladie sur une nouvelle cotisation assise sur la valeur ajoutée, et la modulation du taux de cotisation à partir d'un critère de valeur ajoutée. Selon une pratique assez habituelle sous le gouvernement précédent, les conclusions de ce rapport entraînèrent la commande d'un autre rapport. M. Malinvaud le remit en juillet 1998 : il écartait tout changement d'assiette des cotisations patronales et plaidait pour une diminution des cotisations sur les bas salaires. Le gouvernement de l'époque ayant fait siennes ces conclusions, l'opposition me semble très mal venue de faire resurgir la taxation de la valeur ajoutée.

Mais puisqu'elle le fait, je vais rappeler les analyses qui ont prouvé qu'elle présente de sérieux inconvénients et de réelles difficultés de mise en _uvre. D'abord, la valeur ajoutée, soumise aux aléas de la conjoncture, est bien plus variable que la masse salariale, stable, régulière, prévisible ; or le financement des retraites doit être sécurisé. Ensuite, cette nouvelle taxe pénaliserait gravement l'investissement, donc la croissance et l'emploi, et cela d'autant plus que les entreprises performantes et exportatrices seraient fortement pénalisées. L'innovation serait également découragée. Enfin, la valeur ajoutée est difficile à appréhender, notamment dans le secteur financier.

Il ne serait donc guère opportun d'adopter une telle solution. Mais de toute façon, elle est bien illusoire. Apporterait-elle des recettes nouvelles substantielles à la sécurité sociale ? Non bien sûr ! Une nouvelle assiette des cotisations patronales ne se conçoit qu'en substitution à celle qui existe, de même qu'en 1998, on a substitué la CSG à la cotisation salariale d'assurance maladie. La proposition est hors sujet, n'est pas souhaitable et ne réglerait rien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Qu'on arrête de nous dire qu'il faut entrer dans le vif du sujet. Quand nous parlons d'emploi, nous y sommes, car l'emploi est l'essentiel pour le financement des retraites. Vous ne le niez pas, puisque vous demandez aux entreprises de faire un effort sur les préretraites. Ces préretraites d'ailleurs, appelons-les par leur nom : ce sont des licenciements déguisés. S'il n'y en avait plus, on aurait des licenciements secs, donc des chômeurs, que les ASSEDIC auraient à indemniser.

Un autre financement des retraites est possible, nous y revenons et nous y reviendrons, par un prélèvement sur les revenus du capital financier. Ce n'est pas concevable, nous dit-on. Mais on n'explore pas cette voie, on ne l'a jamais appliquée ! Ce qui l'a été, en revanche, ce sont les exonérations de charges sociales patronales. Elles atteignent aujourd'hui 16 milliards. Pourtant le chômage continue à augmenter, il y a eu encore 50 000 suppressions d'emplois en un mois.

Il est donc essentiel d'avoir un véritable débat. Il aura lieu, nous dit-on, aux articles sur lesquels le groupe communiste a déposé des amendements. Mais ils sont tombés sous le coup de l'article 40 !

M. le Ministre des affaires sociales - Il vous en reste quand même 6 000...

Mme Muguette Jacquaint - Et quand nous intervenons avant l'article premier sur ce débat qui est vraiment fondamental, on prétend que nous sommes hors sujet. Comme on nous l'a dit en commission....

M. le Président de la commission - Oh, Madame Jacquaint !

Mme Muguette Jacquaint - Mais si ! Nous avons dû insister. Les questions que nous posons, les réponses qu'elles appellent, c'est ce qui intéresse tout le pays. Le débat s'y poursuit et il s'y poursuivra. Mais, c'est vrai, nous proposons une autre politique, et c'est là que le bât blesse. En tout cas, ne nous dites pas que l'emploi n'est pas la question numéro 1 pour le financement des retraites.

M. Denis Jacquat - Contre l'amendement. Comme l'a rappelé M. Fillon, le système par répartition a besoin d'un financement stable et pérenne, et les autres solutions proposées sont aléatoires. Lisez donc Le Figaro (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) ou Libération. Des économistes de gauche y disent que la position du parti socialiste est irréaliste. Ce que vous proposez aurait des conséquences néfastes pour l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Or il est bien au c_ur de cette réforme des retraites. Alors, ne tuez pas l'emploi ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas continuer à dire que nous ne proposons pas de solutions alternatives.

Vous nous dites qu'une ressource supplémentaire assise sur la valeur ajoutée serait trop aléatoire, parce que trop dépendante de l'activité économique. Convenez qu'on peut dire la même chose d'une ressource assise sur l'emploi !

Votre position n'est pas cohérente avec le rapport de la commission des finances, signé de M. Bertrand et approuvé par tous les députés UMP, où l'on peut lire page 29 : « En revanche, le débat pourrait s'ouvrir sur l'allégement des prélèvements pesant sur les revenus d'activité, pour que progressivement les prestations universelles - comme les prestations familiales ou l'assurance maladie - soient financées par la CSG ou par une contribution assise sur la valeur ajoutée des entreprises et non plus par des cotisations assises sur le seul revenu d'activité ».

Autrement dit, ce que nous proposons, la commission des finances elle-même le propose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances - Quand on cite un rapport, il faut avoir l'honnêteté de tout lire. Cette phrase ne vise pas les prestations de retraite, pour lesquelles nous précisons bien que les cotisations doivent être assises sur les salaires.

Vous-même avez écarté l'élargissement de l'assiette à la valeur ajoutée pour le financement des 35 heures, en indiquant qu'on ne pouvait pas s'appuyer sur quelque chose d'aléatoire. Or, s'il est un domaine où nous avons besoin de financements pérennes, c'est bien la retraite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 2 825 corrigé et les amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 7 080 est défendu.

L'amendement 7 080, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 7 069 est défendu.

L'amendement 7 069, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 11 181 est défendu.

L'amendement 11 181, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 7 072 est défendu.

L'amendement 7 072, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 7 070 est défendu.

L'amendement 7 070, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 7 068 est défendu.

L'amendement 7 068, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Les amendements 3 276 à 3 282 sont identiques.

M. Daniel Paul - Afin de pérenniser le financement des retraites, nous proposons, par l'amendement 3 276, de moduler les cotisations sociales des entreprises en faisant entrer un peu d'éthique dans la gestion des ressources humaines et en encourageant le développement de l'emploi.

Les services chargés du recouvrement des cotisations sociales seraient chargés de procéder à une évaluation de la politique de l'emploi menée dans l'entreprise, en observant l'évolution de la part occupée par les salaires dans la valeur ajoutée globale - composée de la somme des richesses produites et des produits financiers. En cas d'augmentation de cette part, un coefficient réducteur serait appliqué aux cotisations ; dans le cas contraire, on appliquerait un coefficient amplificateur. Ainsi les politiques de déflation salariale seraient-elles pénalisées et les politiques de création d'emplois et d'augmentation des salaires encouragées.

Ce dispositif pourrait se substituer aux actuels dispositifs incitatifs, qui consistent à alléger les cotisations sur les basses rémunérations et constituent ainsi une formidable incitation au développement du travail non qualifié - ou plutôt à qualification non reconnue.

Nous proposons également, dans le même esprit, de créer une cotisation sociale assise sur les revenus financiers des entreprises.

Mme Muguette Jacquaint - Je défends l'amendement 3 277. Le Gouvernement repousse à 2008 la question du financement, pourtant primordiale. Il prévoit d'augmenter le taux de cotisation de 0,2 % au 1er janvier 2006, ce qui rapportera un peu plus de 900 millions d'euros, ce qui reste très en deçà du besoin de financement global à l'horizon 2020.

Sur la base d'un taux de chômage de 5 %, ce besoin est évalué en effet à 9,8 milliards d'euros, ce qui représente environ trois points de cotisation. Si le taux de chômage restait à son niveau actuel, soit 9 %, il faudrait trouver 13 milliards d'euros.

Le Gouvernement estime qu'en ramenant le taux de chômage à 5 % grâce à sa politique d'allégement des cotisations patronales, on pourrait affecter les cotisations de chômage excédentaires au financement des retraites. Mais la moitié des cotisations chômage représentent 3 % des cotisations retraites : c'est un marché de dupes ! L'expérience montre qu'une politique d'exonération des cotisations patronales n'a jamais d'impact sur la création d'emplois. En revanche, une baisse des retraites aura un effet négatif sur la consommation des ménages. N'oublions pas que la part des plus de soixante ans dans la population va augmenter de moitié dans les prochaines décennies et que leur consommation est importante et créatrice d'emplois, notamment dans le secteur des loisirs.

Il est paradoxal de voir le Gouvernement insister sur l'urgence d'une réforme, avant l'apparition des déficits, et repousser, dans le même temps, la réforme du financement à 2008, au moment de l'apparition de ces déficits. La réforme doit, au contraire, être engagée immédiatement si l'on veut qu'elle soit progressive.

Le groupe des députés communistes et républicains propose de fonder la réforme sur une augmentation des cotisations patronales, bloquées au même niveau depuis 25 ans, et un élargissement de leur assiette à la valeur ajoutée.

M. Michel Vaxès - Je défendrai l'amendement 3280. Monsieur le ministre, vous fondez votre réforme sur la seule évolution démographique, et ses effets sur le rapport entre les actifs et les retraités, alors que l'explosion du chômage et la montée de la précarité sont les facteurs-clés de la crise du financement de la protection sociale, et des retraites en particulier. La composition de la population active s'est peu à peu modifiée, du fait de la montée du chômage, et de l'entrée toujours plus tardive des jeunes sur le marché du travail. Entre 1974 et 1996, l'emploi global n'a augmenté, en France, que de 1,6 %, alors que la population active progressait de 19,8 %.

Autre phénomène : l'éviction massive du marché du travail des salariés les plus âgés, sous forme de licenciements déguisés en préretraites, ainsi que l'a dit Mme Jacquaint. La France est, avec la Belgique et les Pays-Bas, l'un des pays européens où le taux d'activité des plus de 55 ans est le plus faible. Les deux tiers des personnes arrivant à l'âge légal de la retraite sont déjà sorties du marché du travail ! C'est à cette politique qu'une réforme profonde du financement des retraites devrait s'attaquer. A cet égard, nous proposons de modifier le mode de cotisation des entreprises, en faveur de celles qui créent des emplois, augmentent les salaires, améliorent la qualification et renflouent les fonds sociaux pour la formation et le financement de la protection sociale.

Ces entreprises devraient payer moins de cotisations que celles qui privilégient les placements financiers. L'assiette des cotisations serait alors modifiée pour intégrer les produits financiers, contrairement à la CSG qui ne prend en compte que les revenus financiers des ménages - le taux de cotisation serait d'autant plus bas que le rapport entre la valeur ajoutée produite et les salaires serait bas. Cette réforme, tout en générant de nouvelles ressources pour le financement de la protection sociale, inciterait à un développement économique plus vertueux.

Mme Muguette Jacquaint - Les autres amendements sont défendus.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le Gouvernement a inscrit dans ce texte l'élargissement des missions de la COR à une réflexion sur la diversification des financements sociaux, notamment de la vieillesse, ce qui permettra d'écarter nombre d'hypothèses irréalistes, voire utopiques. Je pense notamment à la taxation de la valeur ajoutée qui pose le problème de la compétitivité des entreprises dans une économie ouverte, même si ce débat doit avoir lieu pour éviter certains dérapages dans la distribution.

Il en va de même de la taxation des revenus financiers, notamment dans les entreprises. Asseoir le financement des retraites sur des ressources fluctuantes n'est pas une solution. Et puis, quid des périodes défavorables, quand les revenus financiers sont négatifs ? Du reste, même en période favorable, leur produit ne suffirait pas à financer le centième des besoins.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des finances - Avec ces amendements, vous explorez de nouvelles sources de financement, et vous vous démarquez de vos collègues socialistes qui prônent une augmentation de la CSG. Malheureusement, et M. Gremetz l'a reconnu, vos propositions ne sont pas à la hauteur des enjeux, puisqu'il faudrait, si l'on vous suit, 100 milliards d'euros en 2020.

Par ailleurs, les produits du capital sont déjà taxés, notamment à 2 % pour alimenter le fonds de réserve des retraites.

Vous proposez de moduler le taux de cotisation sociale, en fonction du ratio salaire-valeur ajoutée, mais quelle est votre visibilité à moyen terme pour assurer un financement efficace de notre système de retraite ? Ne voyez-vous pas le risque qu'à travail égal, les salariés soient taxés différemment ? Il reste aussi à vérifier la viabilité juridique d'un tel dispositif.

Cela étant, nous sommes persuadés que toute augmentation des cotisations sociales, même patronales, au titre des charges des entreprises, finirait par pénaliser les salariés, sans pour autant répondre aux enjeux de la réforme.

M. le Ministre des affaires sociales - J'ai déjà répondu sur la taxation de la valeur ajoutée. Pour ce qui est de la création d'une cotisation sociale supplémentaire sur les revenus financiers, je rappelle que ces derniers sont déjà taxés à hauteur de 10 % pour financer la protection sociale, par le biais de la CSG, de la CRDS et du prélèvement spécifique de 2 %. De surcroît, nous ne pouvons déroger à nos engagements européens, notamment sur la monnaie unique et l'ouverture des marchés (Mme Jacquaint s'exclame). Les ressources proposées par le parti communiste ne sont pas à la mesure des besoins.

Mme la Présidente - Sur le vote des amendements identiques 3276 à 3282, je suis saisie par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. Denis Jacquat - Nous avons bien compris la teneur du projet du parti communiste, mais il n'est pas adapté à la situation de notre pays. Nous rejoignons donc les deux rapporteurs et le ministre.

M. Michel Vaxès - Les objections des rapporteurs, du Gouvernement et de la majorité s'inscrivent dans une logique et un choix de société qui ne sont pas les nôtres. La question fondamentale est en effet celle de la société dans laquelle nous voulons vivre.

Même si le système actuel ne nous convient pas, des marges de man_uvre existent. C'est le sens de nos amendements. Contrairement à ce que vous voulez faire croire aux Français, l'alternative que nous proposons est crédible puisque nous faisons des propositions de financement. Pour garantir à chacun un haut niveau de pension et une retraite à taux plein dès 37,5 annuités de cotisation, nous proposons d'élargir l'assiette des prélèvements sur les revenus financiers des entreprises, des banques, des assurances et des ménages fortunés - 23 milliards d'euros de recettes - de moduler les cotisations vieillesse des entreprises en fonction de l'effort qu'elles fournissent en matière de création d'emplois, de salaires et de formation - 15 à 17 milliards de recettes - et de mettre fin aux exonérations de cotisations patronales, qui alimentent le déficit de la sécurité sociale. Les 18 milliards correspondants seraient utilisés pour diminuer de façon sélective le coût du crédit aux entreprises, afin de favoriser les investissements orientés vers l'emploi et la formation. Nous arrivons bien au total de 26 milliards d'euros. A terme, d'ailleurs, les cotisations évolueraient dans les mêmes proportions que l'emploi, ce qui assurerait le financement des mesures que nous proposons.

A la majorité de 107 voix contre 11 sur 119 votants et 118 suffrages exprimés, les amendements 3276 à 3282 , mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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