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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 107ème jour de séance, 259ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 23 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      RAPPELS AU RÈGLEMENT 2

      RÉFORME DES RETRAITES (suite) 3

      ART. 10 (suite) 3

      ART. 11 9

La séance est ouverte à quinze heures.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Alain Bocquet - Un événement grave s'est déroulé hier, qui a scandalisé tous ceux qui sont attachés à la démocratie, à la République et aux libertés syndicales. Hier, en effet, dès potron-minet, le Gouvernement a déployé force moyens - compagnie de gendarmerie, blindés...

M. le Président - Le rappel au Règlement doit porter sur le déroulement de la séance. Je ne vous laisse pas terminer.

M. Alain Bocquet - C'est un scandale !

M. le Président - Il y a d'autres enceintes, il y a d'autres moments. Vous pourrez interroger le Gouvernement demain, lors de la séance consacrée aux questions d'actualité.

M. Alain Bocquet - Je n'accepte pas cela !

M. le Président - Vous pouvez ne pas l'accepter mais je suis maître du déroulement de la séance et j'applique le Règlement (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Alain Bocquet - C'est inacceptable ! Intolérable !

M. Jacques Brunhes - Un rappel au Règlement doit porter sur le déroulement de la séance et tel était bien le cas de celui de M.Bocquet.

M. le Président - Non.

M. Jacques Brunhes - Si vous l'aviez laissé poursuivre, vous auriez vu que si ! Après l'arrestation de José Bové, le groupe communiste et républicain demande en effet à entendre, ici même, le Garde des Sceaux, qui actuellement s'explique devant les radios et télévisions...

M. le Président - Si vous souhaitez interpeller le Gouvernement, il y a des formes et des règles à respecter. Notre ordre du jour est consacré à l'examen du texte portant réforme des retraites, poursuivons donc la discussion.

M. Alain Bocquet - Scandaleux !

M. Jean-Pierre Brard - Si on commence la semaine ainsi, Monsieur le Président, après deux semaines passées ensemble, qui ont finalement été assez conviviales, le taux d'adrénaline risque de monter et il se pourrait alors bien que nous n'avancions pas au rythme souhaité.

M. le Président - Ce n'est pas le problème. Je suis là pour appliquer le Règlement et faire respecter l'ordre du jour. Il y a d'autres moyens pour interpeller le Gouvernement sur des sujets d'actualité.

M. Jacques Brunhes - L'article 58, alinéa premier, dit que les rappels au Règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale. Notre demande a bien trait au déroulement de la séance puisque nous souhaitons entendre, dans le cadre de ladite séance, le Garde des Sceaux au sujet de l'arrestation de José Bové.

M. le Président - Ce sujet n'a rien à voir avec le déroulement de la séance. Si vous voulez qu'il soit inscrit à l'ordre du jour, adressez-vous au Président de l'Assemblée et demandez la convocation du Bureau (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 15 heures 5, est reprise à 15 heures 15.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement, touchant directement au débat sur les retraites. J'entends beaucoup de commentaires sur le fait que nous n'avançons pas vite, et l'on dit que le Président de la République et le Gouvernement auraient demandé au Président de l'Assemblée de nous bousculer un peu. Mais quand on veut bousculer le groupe communiste...

M. Jean-Pierre Brard - Et Maxime Gremetz en particulier (Sourires).

M. Maxime Gremetz - ...on obtient le résultat opposé : on va encore plus lentement. Il y aurait en revanche, Monsieur le ministre, un moyen d'avancer.

Malgré le tapage médiatique, le congrès d'un parti que vous connaissez bien, et les déclarations intempestives du type « on a gagné, les gens sont convaincus », vous avez certainement vu l'étude d'opinion parue dans La Croix. De 51 %, le soutien aux organisations syndicales est passé aujourd'hui à 56 %. Pour 61 % des Français, le soutien aux mouvements sociaux se renforce et il est très majoritaire pour 61 % d'entre eux dans le privé, 76 % dans le public. Si on veut vraiment avancer, si vous êtes des démocrates, je vous propose d'examiner immédiatement l'amendement du groupe communiste qui tend à consulter le peuple français par voie de référendum. Sinon, le Gouvernement prendra la responsabilité de retarder les débats, et de les retarder beaucoup.

M. Alain Bocquet - Voici la teneur d'une lettre que je viens d'adresser à M. le Président de l'Assemblée, en lui demandant de venir présider notre séance (Murmures sur les bancs du groupe UMP) : « Dès l'ouverture de la séance de cet après-midi, j'ai demandé un rappel au Règlement. A peine avais-je prononcé deux mots, relatifs au grave événement qui a scandalisé hier toute la France, avec l'arrestation spectaculaire d'un syndicaliste agricole, José Bové, que M. Baroin, qui présidait la séance, m'a coupé net, d'une manière totalement discourtoise. Jamais, de ma vie de parlementaire, je n'ai connu un tel autoritarisme, et un tel manque de respect pour un député, a fortiori président de son groupe. Serait-ce que du côté de la majorité on perd son sang-froid face à la montée du mécontentement dans le pays, tant à propos du dossier des retraites que des libertés syndicales ? Dans ces conditions, je vous demande instamment, Monsieur le Président, de venir présider la séance. Et je souhaite que le Garde des Sceaux M. Perben, qui s'est répandu sur les ondes toute la journée d'hier, vienne s'expliquer devant la représentation nationale. » Tel était le sens de l'intervention qu'on m'a interdit de prononcer.

M. le Président - Mais cette conclusion cesse d'être vraie, puisque vous avez délivré votre message. Nous n'avons pas, Monsieur le président Bocquet, la même lecture du déroulement d'une séance. La parole est libre, mais il n'y a pas de liberté sans règle. Et comme président de groupe, il vous appartient aussi de respecter le Règlement, qui est notre bien commun. Le rôle de la présidence de séance est de le faire appliquer.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

ART. 10 (suite)

M. Maxime Gremetz - L'article 10 repousse de 60 à 65 ans l'âge à partir duquel un salarié pourra voir rompre son contrat de travail sans que cela constitue un licenciement, si ce salarié remplit les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Vous voulez que les salariés travaillent plus longtemps, créant ainsi les « emplois vieux », alors que les salariés sont en sous-activité avant cinquante-cinq ans : c'est un contresens ! Deux actifs sur trois sont déjà exclus du marché du travail avant même d'être en retraite. Vous allongez la durée de cotisation, conformément aux exigences du Medef, alors que dans le même temps le patronat exclut les seniors de l'emploi... Pour stopper cette hémorragie des plus âgés, il faut avant tout agir sur leurs conditions de travail, ainsi que sur les salaires et la formation. Dans la plupart des branches, il est inconcevable de maintenir en activité un salarié usé avant l'âge par la pénibilité de son travail. Nous proposons donc par l'amendement 4739 la suppression de l'article 10.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 4741 a le même objet. Vous êtes un homme habile, Monsieur le ministre, et les médias apprécient non seulement votre stoïcisme, mais votre art de donner aux mots un sens que le Petit Robert n'avait pas prévu. Jusqu'à présent, un salarié qui a dépassé l'âge de 60 ans et qui remplit les conditions pour bénéficier du taux plein peut être mis à la retraite par son employeur sur ce simple motif. Avec l'article 10, vous donnez le sentiment que vous ôtez au chef d'entreprise ce pouvoir discrétionnaire. Mais le salarié qui fait un travail dur devra demander lui-même à faire valoir ses droits à la retraite, et sera ainsi privé des avantages qu'il aurait pu obtenir si l'employeur avait voulu se débarrasser de lui. En outre votre texte n'améliorera pas la situation des femmes, et c'est peu dire. Comme le rappelle la revue de l'association ATTAC, 39 % seulement des femmes retraitées ont pu faire valider une carrière complète, contre 85 % des hommes. Elles perçoivent 848 € mensuels en moyenne, contre 1461 pour eux. L'allongement de la durée de cotisation leur rendra plus difficile encore de constituer des droits complets à la retraite. En 1997, trois retraités sur dix percevaient une pension inférieure au minimum vieillesse. Parmi ces retraités pauvres, 83 % sont des femmes ! Nous demandons donc la suppression de cet article 10.

M. Jacques Brunhes - L'amendement 4742 est identique. Cet article révèle une véritable faiblesse : il ignore les conditions d'emplois des salariés « âgés ». Il néglige le fait que, selon l'OCDE, la France a un des plus faibles taux d'emploi des 55-64 ans : 36 % contre 48 % en moyenne. La même étude montre que le manque de formation des chômeurs âgés fait obstacle au maintien dans l'emploi ou au retour à l'emploi de ces salariés. C'est le problème-clef.

Nous sommes d'accord pour constater que nous aurons besoin dans le futur de plus de gens au travail, pour supporter le poids de retraités plus nombreux. Mais la solution proposée nous satisfait moins. On ne résoudra pas ce problème en maintenant coûte que coûte au travail des salariés de 55 ans et plus, jusqu'à 65 ans, au lieu d'offrir des perspectives d'emplois aux plus jeunes. Pour le résoudre, il faut changer les attitudes des entreprises, des salariés et des pouvoirs publics. Il faut mettre l'accent sur la formation des travailleurs peu qualifiés : sinon les suppressions d'emploi, comme les dispositifs de préretraites, ne déboucheront que sur le chômage.

Aujourd'hui, la retraite à taux plein n'existe pas réellement dans le privé. Elle est soumise à négociation entre partenaires sociaux pour la retraite complémentaire, fixée à 65 ans. C'est ce qui permet le chantage du patronat : ou bien on allonge la durée de cotisation, ou il ne finance plus les retraites complémentaires de 60 à 65 ans... De plus, depuis 1983, il existe des abattements entre 60 et 65 ans si le salarié n'a pas toutes ses annuités.

L'inscription dans la loi de la retraite à taux plein à 60 ans fera barrage à toute retraite à la carte, comme le propose le Medef. Pour garantir la retraite à 60 ans, le nombre d'années de cotisations exigées doit être réalisable - 37,5 annuités - et les périodes d'inactivité forcée validées.

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires sociales - Défavorable. D'abord, l'article 10 introduit une liberté et une garantie supplémentaires pour les salariés. Ensuite, votre amendement irait à l'encontre de l'objectif du projet, qui est d'améliorer le taux d'emploi des plus de 55 ans. Enfin, il les priverait de l'avantage de la surcote instaurée à l'article 15.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Monsieur Brard, il n'y a aucun stoïcisme à siéger sur les bancs de cette assemblée. Sans aller jusqu'au plaisir, je dirais qu'il y a la satisfaction du devoir accompli. Le Gouvernement n'a jamais demandé que l'on bouscule le parti communiste, mais que le règlement de l'Assemblée soit respecté, et que l'on siège suffisamment pour examiner l'ensemble des amendements, notamment ceux du parti communiste. S'agissant de cet amendement, je vais épargner au groupe communiste une grosse bêtise. Si votre amendement était adopté, vous réussiriez l'exploit, le projet de loi étant voté par l'Assemblée, de permettre aux chefs d'entreprise de licencier des salariés à 60 ans, alors même que l'allongement de la durée de cotisation aura été décidé ! Pour vous sauver la mise, je demande à la majorité de rejeter cet amendement (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Habileté n'est pas réalité ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP) Monsieur le ministre, c'était évidemment dans le cadre de notre projet alternatif qu'il fallait envisager cet amendement ! Avez-vous lu la presse économique de ce matin ? Les Echos annoncent 60 000 suppressions d'emplois pour les mois à venir qui concerneraient, pour l'essentiel, les salariés de plus de 55 ans.

D'autre part, on annonce une baisse du pouvoir d'achat des salariés ! Comment ne pas faire le lien entre ces deux informations ? Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais la fiche de paie n'est pas l'ennemie de l'emploi, bien au contraire.

M. Jean-Michel Fourgous - Ce sont les 35 heures !

M. Maxime Gremetz - Alors que les 4 millions de salariés qui ont cotisé pendant 40 ans, qui ont travaillé jour et nuit, parfois à la chaîne, devraient pouvoir prendre leur retraite à 55 ans, vous permettez au Medef de continuer à les exploiter encore plus longtemps ! Je demande un scrutin public sur cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard - M. Fillon donne de la hauteur à nos débats, puisqu'il passe du stoïcisme au devoir et au plaisir. « Pour ceux qui ont l'austérité trop facile, disait Jean Rostand, le devoir peut être dans le plaisir ». Mais le plaisir peut-il être dans le devoir ? Par ailleurs, vous ajoutez à ce débat philosophique un concept nouveau, l'altruisme, au nom duquel, pour nous éviter une bêtise, vous nous conseillez de renoncer à notre amendement. Pourtant, avec cet article, vous proposez que ce soit le salarié lui-même qui, usé, fatigué, demande à partir avant 65 ans, évitant du même coup au chef d'entreprise de le licencier avec les contreparties afférentes. Mais nous ne tomberons pas dans le panneau !

M. le Président - Pendant que nos collègues nous rejoignent pour le scrutin public, permettez-moi de revenir sur notre échange de tout à l'heure. L'article 58-1 du Règlement dispose que « les rappels au Règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ». Jusque-là, nous sommes d'accord, et je n'ai rien à objecter à la prise de parole de M. Bocquet. Mais l'alinéa 2 ajoute : « Si, manifestement, son intervention n'a aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, le président lui retire la parole ». C'est ce que j'ai fait.

M. Jacques Brunhes - M. le président Bocquet n'a jamais remis en question l'ordre du jour, il a simplement demandé que le ministre vienne s'expliquer dans la journée sur l'affaire Bové, ce qui n'aurait pris qu'une heure.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le président, vous avez réagi avant même que M. Bocquet ait pu formuler son propos. A moins d'une grande connivence entre vous, comment pouviez-vous savoir ce qu'il allait dire ?

Vous lui avez fait un procès d'intention !

M. le Président - La lecture de sa lettre prouve qu'il n'y a pas eu de procès d'intention.

A la majorité de 40 voix contre 6, sur 47 votants et 46 suffrages exprimés, l'amendement 4739 et les amendements de suppression ne sont pas adoptés.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 1844 introduit plus de souplesse et de progressivité dans la mise en _uvre de l'article 10. Cela étant, cette question pourrait être abordée dans d'autres instances d'ici le passage au Sénat.

M. Jacques Brunhes - Courage, fuyons !

M. le Rapporteur - La question d'une application progressive se pose pour plusieurs dispositions de ce texte, mais la commission n'a pas retenu cet amendement.

M. le Ministre des affaires sociales - Je souhaite que M. Fourgous accepte de retirer cet amendement. L'article 10 est fondamental pour l'équilibre de notre dispositif. On ne peut pas demander aux salariés de cotiser plus longtemps et maintenir une disposition qui permet un licenciement pour raison d'âge à 60 ans ! La question de la mise à la retraite et de l'ouverture des droits à l'assurance chômage doit être traitée par les partenaires sociaux et cette réflexion demandera du temps.

M. Jean-Michel Fourgous - Je retire cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Je le reprends, provisoirement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Il est tellement mauvais qu'il mérite d'être discuté !

M. Jean-Pierre Brard - En tant qu'instituteur, je connais les vertus de la pédagogie. M. Fillon a dit, tout à l'heure, vouloir nous éviter de faire une bêtise. En l'occurrence, il sait qu'il ne peut pas vous suivre car cet amendement affiche trop clairement vos intentions. Il prévoit en effet qu'en cas de départ à la retraite volontaire entre 60 et 65 ans, des salariés usés par le travail, des éboueurs ou des agents de la voirie par exemple, ne perçoivent plus que l'indemnité de départ à la retraite, qui est très inférieure à l'indemnité de mise à la retraite !

Tout est dit ! Je comprends que le ministre ait interdit aux députés de l'UMP de prendre la parole, sauf Denis Jacquat, qu'il a investi de sa confiance : dès qu'ils s'expriment, ils confortent nos arguments ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Si l'on vous interdit de parler, c'est pour vous éviter de dire des bêtises ! Et M. Fourgous, qui a eu le courage de s'exprimer, vient de retirer son amendement, qui rendait vos intentions par trop compréhensibles...

M. Eric Raoult - Vous provoquez !

M. Pascal Terrasse - Cet amendement avait déjà été présenté en commission, mais, à la demande du rapporteur, il n'avait pas été examiné. Il porte atteinte à l'ensemble de la réforme, puisque vous ne cessez de répéter que les salariés doivent travailler le plus longtemps possible, y compris lorsqu'ils ont déjà leurs annuités. Cet amendement répond en fait aux exigences de M. Seillière. Mais on ne peut prétendre permettre aux salariés qui le souhaitent de continuer à travailler, d'autant que des déficits démographiques vont apparaître, notamment pour les travailleurs qualifiés, et les laisser licencier pour raison d'âge !

Le groupe socialiste pourrait voter l'article 10 en l'état, mais pas s'il venait à être modifié, au Sénat ou en CMP par exemple. Bien d'autres dispositions portent atteinte à la cohérence de ce projet de loi, mais celle-là serait vraiment trop voyante ! On sait que ce texte a été écrit par le Medef, mais trop, c'est trop !

M. Denis Jacquat - C'est une obsession !

Mme Martine Billard - On voit quand même beaucoup M. Seillière dans la presse, depuis trois semaines, et il se dit d'accord avec l'ensemble du projet de loi sauf l'article 10 !

M. Denis Jacquat - Comme M. Rocard !

Mme Martine Billard - Je comprends qu'on veuille introduire une certaine liberté de choix, mais pas au seul profit des chefs d'entreprise ! Par ailleurs, cet amendement est incompatible avec la surcote, qui est présentée comme une des avancées essentielles du projet.

Selon M. Fourgous, l'amendement serait justifié par l'intérêt des salariés, alors qu'un de ceux présentés en commission par l'UDF invoquait les conséquences que le passage brutal de 60 à 65 ans aurait sur la gestion des ressources humaines des entreprises. Mais s'il existe réellement une différence entre les indemnités de départ à la retraite et de mise à la retraite, le Gouvernement peut très facilement y remédier sans remettre en cause l'article 10 ! Nous serons très attentif à cette question, y compris si le Sénat ou la CMP aboutit à une formule plus vague renvoyant la décision à des décrets. Vous ne pouvez créer une prétendue liberté et la supprimer dès que le Medef tape du pied !

M. Jean-Michel Fourgous - Nous sommes en démocratie, Monsieur Brard, ce qui n'a pas toujours été le cas des systèmes auxquels vous avez apporté naguère votre sympathie, et l'UMP est un parti démocratique.

M. Jean-Pierre Brard - Voulez-vous qu'on examine les régimes que vous soutenez ?

M. Jean-Michel Fourgous - Les débats ont bien montré que personne n'était censuré, et mon amendement est examiné. Il n'y a pas de zone sombre. Cessez de présenter le sujet comme étant politique : il ne s'agit que d'un problème arithmétique, et l'arithmétique n'est ni de gauche, ni de droite, ni pour ou contre le Medef ! Une partie de la protection sociale des Français est en quasi faillite, car le gouvernement précédent n'a pas pris les décisions qui s'imposaient.

M. Pascal Terrasse - Il a rééquilibré les comptes !

M. Jean-Michel Fourgous - Cessez donc vos effets de manche. Monsieur Brard, il est très respectable d'être instituteur, mais si vous aviez été un jour dans un système de production de richesses, vous seriez plus attentif à prendre des décisions concrètes ! Cessez d'entretenir des polémiques d'une autre époque. Montrez aux Français que vous êtes sensibles à leurs problèmes.

M. Maxime Gremetz - Monsieur Fourgous, vous appartenez à un système de production, mais du côté des patrons ! Le Medef a dit très clairement que cette réforme lui convenait comme un gant, mis à part la question de l'article 10, celui précisément que vous remettez en cause... C'est d'ailleurs la première fois qu'on voit l'UMP déposer un amendement qui n'émane pas du rapporteur ou du Gouvernement !

Vous prétendez qu'il n'y a aucune zone d'ombre. En réalité, vous défendez une mesure qui a été promise au Medef mais que le Gouvernement ne considère pas opportun de prendre pour l'instant : il compte bien le faire plus tard ! Je vous conseille de lire « Retraites, le vrai récit » dans les Echos. Vous y apprendrez toutes les mesures qui sont envisagées, l'augmentation des cotisations salariales par exemple, mais que M. Fillon ne veut pas annoncer maintenant ... Vous devriez lire cet article, Monsieur le ministre, il est très documenté.

Nous avons repris cet amendement pour montrer où vous voulez aller et nous demandons un scrutin public pour voir ce que vous allez faire, Monsieur Fourgous...

A la majorité de 42 voix contre 3 sur 48 votants et 45 suffrages exprimés, l'amendement 1844 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement, sur le déroulement de nos travaux !

Il fallut toute une nuit à Pierre pour se renier ; à M. Fourgous, il n'a fallu que cinq minutes...

M. le Président - Je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public sur les amendements 4753 à 4759.

M. Maxime Gremetz - Je défends l'amendement 4758, mais d'abord je vous livre mes sources. Les Echos : « Pouvoir d'achat des salaires : léger recul au premier trimestre ». La Tribune : «  L'INSEE prévoit la destruction de 60 000 emplois en 2003 »...

En dix ans, le niveau des retraites liquidées par le régime général a baissé, suivant les carrières, de 7 à 12 % ; le taux de remplacement moyen pour une carrière complète est tombé de 50 % à moins de 47 %. Votre projet aggravant encore cette dégradation, vous en appelez aux employeurs pour qu'ils permettent aux salariés de travailler jusqu'à 65 ans. Mais comment accepter que, pour avoir droit à une retraite convenable, il faille encore, à 65 ans, travailler derrière un camion poubelle, manier le marteau piqueur ou faire les trois huit ?

Parce que chacun doit avoir droit à une retraite décente dès l'âge de 60 ans, nous demandons qu'il soit fait référence dans cet article non à l'âge prévu au 1° de l'article L351-8 - 65 ans - mais à l'âge prévu au premier alinéa de l'article L 351-1 - 60 ans.

M. Jacques Brunhes - Je défends l'amendement 4756.

Aujourd'hui un employeur peut mettre fin au contrat de travail d'un salarié âgé de 60 ans sans que cette rupture soit considérée comme un licenciement. En repoussant cet âge à 65 ans, cet article aggravera le taux de chômage des plus de 50 ans. Que feront, en effet les entreprises lorsque leurs salariés « âgés » ne pourront plus assurer le même rythme qu'en début de carrière ? Elles les licencieront...

Ce projet ne tient pas compte des aspirations des Français. D'après un sondage de la SOFRES, 67 % d'entre eux pensent que l'allongement de la durée de cotisation ne permettra pas d'éviter une hausse des cotisations. Et ils ne comprennent pas l'entêtement du Gouvernement, à vouloir retarder l'âge du départ à la retraite, alors que d'autres solutions existent.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 4759 est identique aux deux précédents. L'article 10 a pour but affiché d'augmenter le taux d'activité des seniors. Mais c'est le plein emploi, avant 60 ans et à tous les âges, qu'il est nécessaire d'atteindre. Supprimer les préretraites n'est qu'un aspect du problème. Il faut donner la priorité à la politique de l'emploi, en permettant aux jeunes d'accéder à un emploi stable, et aux salariés âgés qui le désirent de continuer à exercer une activité professionnelle.

J'ajoute que des salariés âgés de 60 ans qui n'ont pas cotisé pendant quarante annuités exercent des activités très dures et sont donc eux aussi usés et fatigués.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet article 10 est essentiel.

M. le Ministre des affaires sociales - Même avis.

A la majorité de 29 voix contre 8 sur 37 votants et 37 suffrages exprimés, l'amendement 4758 et les autres amendements défendus ne sont pas adoptés.

M. Gilbert Gantier - Les amendements 5091 et 5090 de nos collègues Préel et de Courson rendent progressif l'âge à partir duquel un employeur peut mettre un salarié à la retraite. La remontée brutale de 60 à 65 ans pourrait avoir en effet des conséquences négatives sur la gestion des ressources humaines des entreprises.

Le dispositif transitoire proposé est simple : l'âge prévu - 65 ans - est réduit de quatre ans pour les salariés nés en 1943 ou avant, de trois ans pour ceux qui sont nés en 1944, de deux ans pour ceux qui sont nés en 1945 et de un an pour ceux qui sont nés en 1946.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ces amendements sont pratiquement identiques à l'amendement 1844, déjà repoussé.

M. le Ministre des affaires sociales - Avis défavorable. La cohérence du projet gouvernemental suppose que l'âge auquel un employeur peut licencier un salarié soit repoussé à 65 ans.

Tel ou tel dispositif transitoire pourrait néanmoins faire l'objet de négociations entre les partenaires sociaux.

M. Pascal Terrasse - La loi permet à un salarié de continuer à travailler au-delà de 60 ans, même s'il dispose des quarante annuités. Mais que se passera-t-il, en cas de refus d'un employeur ? Je veux bien que vous évoquiez des négociations, mais la loi doit s'appliquer pour tous. Si un salarié souhaite continuer à travailler au-delà de 60 ans, il ne peut être question que l'employeur puisse le licencier, qu'il y ait eu accord de branche ou non. Sinon, à quoi bon légiférer ?

(M. le ministre des affaires sociales fait un signe d'assentiment). Je suis rassuré.

Les amendements 5091 et 5090, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Je souhaite faire une explication de vote sur l'article.

M. le Président - Je vous en prie.

M. Maxime Gremetz - Nous voterons contre cet article, qui participe d'une réforme inique. La retraite à 60 ans est remise en cause dès lors qu'augmente le nombre des annuités requises pour bénéficier d'une retraite à taux plein : quarante ans, puis quarante et un, quarante et un trois quarts ! Je vous renvoie au roman-feuilleton des Echos.

Nous avons un projet alternatif. Contrairement à ce que vous prétendez, il est possible d'augmenter les cotisations et de faire appel à d'autres sources de financement : il faut faire payer ceux qui ne paient jamais. Mais quand le Medef de M. Seillière trouve une réforme formidable, attention aux dégâts pour les salariés !

M. Jean-Paul Garraud - C'est un procès d'intention !

M. Maxime Gremetz - Notre groupe demande un scrutin public sur l'article 10.

M. Pascal Terrasse - Le groupe socialiste a indiqué qu'il ne s'opposerait pas à cet article, considérant que les salariés qui le souhaitent doivent être libres de pouvoir poursuivre leur activité professionnelle. C'est d'ailleurs ce que prévoit le code du travail pour un certain nombre d'entre eux.

Compte tenu des assurances de M. le ministre, nous voterons cet article en première lecture. Mais des modifications au Sénat - face aux exigences du Medef - ou en CMP, remettraient en cause cette position.

A la majorité de 41 voix contre 8 sur 50 votants et 49 suffrages exprimés, l'article 10 est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 30, est reprise à 16 heures 40.

ART. 11

M. Pascal Terrasse - Cet article assujettit les préretraites d'entreprise à une contribution spécifique, dont le taux serait de 23,85 % et dont le produit serait affecté au Fonds de réserve pour les retraites. Cela m'amène tout d'abord à demander au Ministre quand se fera cette affectation, le texte ne précisant pas la date d'entrée en vigueur de la contribution spécifique. Je fais ensuite observer que même si cette disposition apporte au Fonds de réserve un complément de ressources de 65 millions, nous sommes encore loin des 154 milliards prévus pour lui à l'horizon 2020. Il apparaît une fois de plus que l'un des grands défauts de cette réforme, c'est qu'elle n'apporte pas suffisamment de ressources au Fonds de réserve, censé pourtant lisser l'effet de l'augmentation substantielle du nombre de retraités entre 2020 et 2040.

Ce fonds a été doté régulièrement de sommes conformes aux engagements pris. Quand vous êtes arrivés, il était doté de 12,8 milliards d'euros. Il sera certes porté à 16,5 milliards à la fin de l'année, mais je crains pour les années suivantes. On évoque les recettes de privatisation, mais je n'ai rien trouvé dans le projet de réforme du statut d'Air France qui laisse prévoir une affectation au Fonds de réserve des retraites ; on peut le regretter. Le parti socialiste a proposé que le prélèvement de 2 % qui pèse sur les revenus du capital soit progressivement porté à 6 % d'ici à 2020, afin de porter le fonds à 150 milliards. Ce n'est pas le choix du Gouvernement, et l'on peut aussi le regretter. Les excellents travaux du COR soulignent pourtant l'exigence de trouver les financements nécessaires, sous peine de faire supporter aux générations futures l'effet du choc démographique. Dans l'immédiat, nous souhaitons savoir quand la nouvelle contribution entrera en vigueur, et si elle aura un effet rétroactif sur les dispositifs de préretraite déjà en place.

M. Denis Jacquat - J'ai trouvé M. Terrasse un peu « gonflé » quand il critique le Gouvernement sur le Fonds de réserve des retraites. Ce fonds, je l'ai défendu, pendant toutes ces années où j'étais rapporteur de l'assurance vieillesse. Il n'a pas du tout été abondé comme il devait l'être. Le gouvernement socialiste avait promis des versements qu'il n'a jamais faits. Et je ne parlerai pas des ressources qui devaient provenir de la téléphonie mobile... Je rappelle par ailleurs qu'il s'agit d'un fonds de lissage qui doit intervenir après 2020 : le problème de ce qui se passe entre maintenant et 2020 reste entier. Les syndicats avaient demandé une gestion paritaire du fonds et souhaité qu'il soit doté de ressources pérennes : vous ne l'avez pas fait. Si ce fonds a été créé en 1999, c'est Jean-Pierre Raffarin qui vient de l'installer il n'y a pas si longtemps. Et M. Accoyer, qui suivait la protection sociale pendant toutes ces années, pourrait vous rappeler que vous n'avez pas hésité à ponctionner le fonds, par le biais de ces usines à gaz dont vous êtes les champions, pour financer les déficits de la politique sociale, les 35 heures, et même l'APA dans certains cas... Personne n'est parfait, mais nous ne voulons pas recevoir de leçons de morale sur un sujet où nous n'avons pas du tout péché ! Il ne faut pas qu'on puisse dire n'importe quoi dans cette assemblée.

M. Robert Pandraud - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58. Nous abordons la troisième semaine de débat sur ce projet. Nous avons voté dix articles : il en reste soixante et onze. Pour un bon déroulement de la discussion et pour éviter les redites, je demande l'application stricte de l'article 57 du Règlement.

M. le Président - C'est la clôture de la discussion sur l'article qui est ainsi proposée. Permettez-moi une lecture partielle de l'article 57 : « En dehors des débats organisés conformément à l'article 49, et lorsque au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans la discussion générale, dans la discussion d'un article ou dans les explications de vote, la clôture immédiate de cette phase de la discussion peut être soit décidée par le Président, soit proposée par un membre de l'Assemblée. Toutefois, la clôture ne s'applique pas aux explications de vote sur l'ensemble. Lorsque la clôture est demandée en dehors de la discussion générale, l'Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. »

M. Pascal Terrasse - On sent bien que notre collègue est téléguidé.

M. Robert Pandraud - Personne ne m'a jamais téléguidé !

M. Pascal Terrasse - Cette nouvelle tournure du débat nous fait craindre que le Gouvernement, ne souhaitant pas utiliser l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, préfère s'appuyer sur quelques députés pour recourir à ce « 49-3 parlementaire »... Nous nous plierons évidemment au Règlement. Mais celui-ci nous offre également toute une série de procédures que nous n'hésiterons pas à utiliser. Vous ne nous bâillonnerez pas !

M. Maxime Gremetz - Monsieur le Président, vous pouvez appliquer le Règlement comme vous voulez. M. Debré l'applique avec intelligence ; vous avez le droit de l'appliquer brutalement. Mais nous avons encore 5 300 amendements, et nous les défendrons tous ! Nous pouvons aussi demander des scrutins publics ou la vérification du quorum. C'est dire qu'en choisissant de donner une telle tournure au débat, vous ne gagnerez pas de temps !

M. Jean-Pierre Brard - M. Raffarin a dit : le débat parlementaire n'est pas achevé, et nous avons le temps d'écouter attentivement les uns et les autres. M. Pandraud a décidé de s'opposer au Premier ministre. Il dit qu'il n'est pas téléguidé, et, le connaissant, je le crois volontiers : c'est un électron libre. Mais même un électron libre se déplace dans un champ magnétique donné... On peut aussi comparer sa trajectoire à celle d'un météorite. Mais prenez garde, cher collègue, de ne pas vous écraser en produisant une déflagration qui ferait durer outre mesure ce débat (Sourires).

M. le Président - A moins que le météorite tombe dans l'eau, provoquant un raz-de-marée d'applications strictes du Règlement... (Sourires)

M. Denis Jacquat - M. Gremetz dit qu'il lui reste 5 300 amendements, alors que leur nombre est de 5874. Je serais heureux qu'il nous dise quels sont les 574 amendements qu'il entend retirer...

L'Assemblée, consultée, prononce la clôture de la discussion sur l'article.

M. le Président - Nous en venons donc aux amendements. Je suis saisi des amendements identiques 4760 à 4766.

M. Maxime Gremetz - Je ne comprends pas M. Fillon quand il chante victoire, proclamant que, pour la première fois depuis plus de vingt ans, la droite, sans reculer, va jusqu'au bout d'une grande réforme sociale. Dans votre esprit, vous avez gagné, et dès lors le Parlement ne sert plus à rien. Pourquoi ne décidez-vous pas d'en finir avec lui ? Pour la forme, sans doute. Mais vous n'avez pas gagné ou c'est une victoire à la Pyrrhus. Je vous ai rappelé l'enquête d'opinion de La Croix. Dans le pays, rien n'est terminé !

J'en viens à l'article 11. Un redressement du taux d'activité des plus âgés reste subordonné à l'évolution des dispositifs comme la préretraite ou la dispense de recherche d'activité ; mais cette évolution est loin d'être fixée. L'ampleur des dispositifs favorisant les retraites anticipées ne fait que refléter la dégradation du marché du travail, laquelle, selon l'INSEE, va encore se poursuivre.

Tant que le taux de chômage demeurera élevé, la tentation de se séparer des salariés les plus âgés prévaudra, mais vous ne l'avez pas encore compris. Rompre avec vingt-cinq ans de pratique ne se fera pas sans mal. « Une véritable culture de la préretraite », déclare un chercheur, M. Quintreau, « s'est progressivement installée ». Pour de nombreux salariés, la préretraite apparaît comme une modalité normale de fin de carrière. Moins d'un retraité sur trois déclare qu'il aurait souhaité continuer à exercer son activité professionnelle un an de plus. Ce phénomène est d'autant plus répandu que les fins de carrière sont particulièrement risquées pour les salariés âgés. Seul un tiers des salariés passe directement de l'activité à la retraite, les autres transitent par le chômage ou la préretraite. Au sein des entreprises, la discrimination reste forte à l'encontre de salariés âgés, davantage perçus comme une main-d'_uvre sclérosée que comme une force de travail riche de son expérience et de son savoir-faire.

Selon une enquête de la DARES, la moitié des chefs d'entreprise n'envisage pas d'engager des salariés âgés, même en cas de pénurie de main-d'_uvre. La discrimination à l'encontre de ces salariés est plus forte qu'envers les jeunes sans qualification ou les chômeurs de longue durée, du fait de leur coût. Un tiers des chefs d'entreprise estime que le vieillissement du personnel conduirait à une augmentation des coûts salariaux, tandis qu'un sur cinq soulignait la grande résistance au changement et aux évolutions technologiques. Les salariés âgés de 50 et 64 ans avaient ainsi, en 1999, un taux d'accès à la formation continue près de deux fois plus faible que les salariés plus jeunes. Moins formés, les salariés âgés deviennent moins productifs.

Rendre le dispositif de préretraite moins attrayant, c'est nier toutes ces données sociologiques. Votre aveuglement nous inquiète.

M. Jean-Pierre Brard - Avec cet article, vous instituez une contribution spécifique affectée au fonds de réserve pour les retraites, assise sur les allocations de préretraite. Fait rare, cette contribution sera à la charge du patronat ; sans doute n'avez-vous pas pu faire autrement, puisque jusqu'à présent, vous faisiez confiance à l'engagement spontané de M. Seillière. En effet, le patronat a pour habitude de dégraisser les effectifs en licenciant les plus âgés. C'est devenu, ces dernières années, notamment dans les plans sociaux, une composante banale de la gestion des ressources dites humaines. C'est vrai, cette mesure est souvent bien accueillie par les salariés, car elle leur permet de cesser une activité professionnelle souvent pénible, stressante et mal rétribuée. Nous ne pouvons faire l'économie d'une réflexion sur le travail et la manière dont il est vécu. Vous invoquez à tout propos la réhabilitation de la valeur travail, prétendument vidée de son sens par la gauche qui aurait accordé trop d'avancées sociales et découragé les bonnes volontés. Paul Reynaud tenait déjà ce discours après le Front populaire.

Les incantations sont éloignées de la réalité du travail salarié d'aujourd'hui, qui devient pénible et aliénant à un point tel qu'une loi a dû traiter du harcèlement moral sur le lieu de travail.

Les enquêtes d'opinion montrent le détachement croissant des salariés, y compris des cadres, face à des entreprises dont ils savent qu'elles les licencieront sans état d'âme au moindre froncement de sourcil de leurs actionnaires, inquiets de la baisse de leurs dividendes.

Cette situation n'est pas viable, et pourtant les atteintes au droit du travail et aux droits des salariés se répètent, sans parler de l'annulation de nombreuses dispositions de la loi de modernisation sociale par l'actuelle majorité. C'est vrai, il ne s'agirait que d'une suspension, dans le langage, non du Petit Robert, mais du Petit Fillon. Si vous avez une aussi grande longévité que le Petit Robert, c'est un véritable filon !

Mme Muriel Marland-Militello - Oh !

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'avez aucun humour, Madame !

Monsieur le ministre, interrogez-vous sur les moyens d'améliorer les conditions de travail dans les entreprises. Respectés et reconnus, les salariés auront envie de travailler plus longtemps. Pour toutes ces raisons, notre amendement 4766 tend à supprimer l'article.

M. Alain Bocquet - Monsieur Pandraud, convenez-en : les députés de la majorité ne vouent pas une grande passion à ce débat. Nous sommes 12 députés de gauche, et vous êtes 12 de l'UMP.

M. Denis Jacquat - De qualité !

M. Alain Bocquet - En pourcentage, de 11 %, vous êtes tombés à 3,5 % de taux de présence ! Comment comprendre l'absence de la majorité, alors que, selon le bon vouloir du Premier ministre, ce débat doit durer tout l'été ! Il est trop facile d'user d'artifices de procédures pour empêcher le débat ! Je demande une demi-heure de suspension de séance pour permettre aux députés de la majorité de venir en masse soutenir le Gouvernement.

M. Denis Jacquat - M. Bocquet, par ailleurs charmant comme beaucoup d'autres députés de l'opposition, est transformé dans cet hémicycle et nous trouve tous les défauts, alors que nous sommes cohérents et fins tacticiens. Vous voulez nous épuiser par des discours très longs, mais nous sommes sportifs, et nous gagnerons !

La séance, suspendue à 17 h 10, est reprise à 17 h 20.

M. le Président - Sur le vote des amendements identiques 4760 à 4766, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. Jacques Brunhes - L'article 11 rend le recours aux dispositifs de préretraite moins attrayant, en assujettissant les allocations de préretraite d'entreprise à une contribution spécifique affectée au fonds de réserve pour les retraites. Ces allocations constituent aujourd'hui un régime social très avantageux. Elles recouvrent quatre situations distinctes.

La préretraite progressive concerne les salariés âgés de 55 à 65 ans qui acceptent de réduire leur temps de travail. L'entreprise s'engage à embaucher ou à éviter des licenciements économiques et elle finance l'indemnité du salarié avec le fonds national pour l'emploi. La préretraite FNE s'adresse aux salariés d'au moins 57 ans. L'allocation est financée par l'Etat et par l'entreprise, et, le cas échéant, par le préretraité lui-même. La préretraite d'entreprise, qui concerne les salariés de moins de 65 ans, procède d'un accord conclu librement au sein de l'entreprise. L'entreprise verse soit une indemnité de départ, soit une allocation pour une durée déterminée. Enfin, la préretraite contre embauche, ou allocation de remplacement pour l'emploi, s'adresse aux salariés d'au moins 58 ans qui remplissent certains critères. L'allocation correspond à 65 % du salaire brut, mais l'entreprise doit compenser chaque départ par une embauche. Rendre les dispositifs de préretraite moins attrayants, c'est remettre en cause la transition entre l'activité et la retraite, et surtout oublier que les préretraites répondent à la fois aux besoins des salariés et à ceux des politiques de l'emploi.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements de suppression, en considérant que cet article apportait des garanties supplémentaires tant pour les salariés que pour le financement des retraites.

M. le Ministre des affaires sociales - Sur un tel article, qui vise à augmenter le taux d'activité dans notre pays, chacun doit prendre ses responsabilités. Les dispositifs actuels de préretraite sont extrêmement avantageux : ils ne font l'objet d'aucune contribution de la part des employeurs et seulement d'un faible taux de CSG et de CRDS pour les allocataires. Nous voulons limiter le recours aux préretraites aux seuls cas inévitables, alors qu'elles sont devenues un instrument de gestion de la pyramide des âges. L'article 11 incitera les employeurs à gérer leurs effectifs de façon plus positive et à mieux exploiter les ressources et les compétences de leurs salariés âgés. Je suis donc défavorable à cet amendement de suppression.

M. Jean Le Garrec - M. Brard a cité La Boétie, et je vous rappelle que c'est à 16 ans que fut écrit le Discours de la servitude volontaire... Olivier Schwartz, lui, dans un article extrêmement intéressant, rappelle l'extraordinaire attachement des salariés à la retraite comme compensation d'une expérience de travail massivement perçue comme usante et frustrante.

Je voudrais faire remarquer à M. Pandraud que ce qu'il vient de faire adopter n'est pas de bonne pratique. Nous étions convenus de nous limiter à deux ou trois interventions sur les articles. Ces interventions sont importantes. Si nous en sommes privés, nous nous exprimerons par le biais d'autres procédures, ce que je désapprouve sur le plan des principes.

En ce qui concerne l'article 11, je voudrais savoir précisément quel est le champ de la surcotisation. Les préretraites sont souvent, pour les grandes entreprises, un moyen de gestion du personnel qui évite de se soucier, par exemple, de la formation. Nous avons souvent évoqué le problème avec le Medef, qui, certes, veut retarder l'âge de la retraite, mais a également le souci constant de se débarrasser des salariés de plus de 55 ans. Nous nous étions préoccupés de limiter la préretraite, et les chiffres du FNE sont d'ailleurs en décroissance depuis quelques années.

Mais la contribution que vous créez à cet article me semble avoir un champ d'application extrêmement limité - les préretraites du type IBM - et ne pas viser celui du FNE. Cette mesure - qui néanmoins n'est pas inutile - n'aura donc pas d'effet sur les préretraites utilisées abusivement par de grandes entreprises performantes comme un moyen de gestion de leur personnel - je pense à l'automobile, ou à ce qui se prépare dans la métallurgie. Certes, je ne saurais reprocher au Gouvernement le recours à ce système pour éviter la casse sociale, mais il ne faut pas qu'il devienne systématique.

Est-ce que je me trompe, Monsieur le ministre, quant au champ d'application de cette disposition ? C'est la question que je vous aurais posée si j'étais intervenu sur l'article.

M. Pascal Terrasse - Pour ma part, j'aimerais que le ministre nous dise ce qu'il pense de l'avenir du fonds de réserve.

Le taux d'activité des plus de 55 ans est particulièrement faible en France, on l'a dit ; mais plutôt que de forcer les salariés à rester en activité, mieux vaudrait développer les préretraites choisies et progressives, permettant aux jeunes de bénéficier d'un tutorat.

Quant au fonds de réserve des retraites, ses recettes ont augmenté entre 2001 et 2002 de plus de 50 %. Il a bénéficié en 2002 d'un abondement de 5,8 milliards, provenant des droits de souscription à l'UMTS et des recettes de privatisation. La C3S, les excédents du FSV, le prélèvement de 2 % sur les revenus du capital contribuent à son alimentation ; cependant ses ressources pérennes ne sont pas suffisantes.

M. Denis Jacquat - Alors votez l'article !

M. Pascal Terrasse - C'est pourquoi nous proposons de porter progressivement le prélèvement sur les revenus du capital à 6 %. Il faut en effet prévoir des ressources non contributives pour être en mesure de faire face aux besoins en 2020 ou 2040 ; sinon, les générations futures en supporteront la charge (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Cet article est à l'image de tout le projet de loi : on fait semblant. Payer une contribution sur les préretraites reviendra moins cher aux entreprises que de garder les salariés, ou de remplir leurs obligations en matière de reclassement, de reconversion ou de réindustrialisation. Du reste, le Medef ne se plaint pas !

Au regard des besoins du fonds de réserve - qui ne doit avoir, au demeurant, qu'une fonction de lissage -, cette contribution ne représentera pas grand-chose. Quant aux recettes des privatisations, contre lesquelles nous nous battons, elles ne sont pas pérennes. Nous avions obtenu une cotisation sur les bénéfices, qui rapporte 2,5 milliards, au prix d'une bataille épique ; Mme Aubry avait accepté d'entrouvrir la porte, mais après on a fait du surplace...

M. Pierre Lellouche - Eh oui, c'était ça, Jospin !

M. Maxime Gremetz - Enfin, au moment où la bulle financière éclate, il n'est pas raisonnable d'escompter pour le fonds de réserve 260 milliards de profits financiers... Nous proposerons donc un autre mode de financement de ce fonds.

M. le Ministre des affaires sociales - Monsieur Le Garrec, cet article vise en effet les « préretraites maison » et non les « préretraites publiques ».

Le champ de la taxation est donc limité aux départs en préretraite qui ne sont pas aidés par l'Etat - l'Etat, qui a la possibilité de réguler le volume des préretraites publiques, au vu de l'intérêt public. C'est ce que nous ferons.

La date d'entrée en vigueur de ces dispositions, Monsieur Terrasse, est expressément mentionnée au III de l'article : la taxation s'appliquera aux conventions conclues après le 27 mai 2003.

M. Pascal Terrasse - Après la loi ?

M. le Ministre des affaires sociales - Quant au fonds de réserve des retraites, il a pour objet de lisser le pic démographique des années 2020 à 2040, non de résoudre le problème des retraites du régime général d'ici à 2020.

M. Jospin avait défini un plan de financement pour le fonds, faisant notamment, appel aux excédents du fonds de solidarité vieillesse. Il devait atteindre la somme de 152 milliards d'euros en 2020.

M. le Rapporteur - Il n'y a plus d'excédent !

M. le Ministre des affaires sociales - Or, les excédents du FSV ont été affectés au financement des 35 heures.

Il est inexact de prétendre que l'essentiel de l'actuel financement du fonds de réserve est dû au précédent gouvernement. Nous l'aurons autant financé en un an que vous ne l'avez fait en trois ans. Le fonds de réserve, créé en 2001, disposait de 8,5 milliards d'euros en mai 2002, il atteindra 16,5 milliards à la fin de l'année.

M. Pascal Terrasse - Quelle mauvaise foi !

M. le Ministre des affaires sociales - Ne cherchez donc pas de mauvaise querelle au Gouvernement sur ce sujet.

J'ajoute que c'est ce Gouvernement qui a installé le conseil de surveillance du fonds en novembre 2002.

M. Pierre Lellouche - Le gouvernement de M. Jospin n'était pas pressé !

M. Pascal Terrasse - Cela n'apporte rien au débat.

M. le Ministre des affaires sociales - Je réponds aux questions que vous posez. Dans le meilleur des cas, le fonds de réserve correspondra en 2040 à un an et demi du déficit tendanciel des régimes de retraite. Il continuera à être alimenté par les ressources inscrites dans la loi de 2001, auxquelles nous ajouterons, pardonnez-moi Monsieur Gremetz, les produits des privatisations.

M. Maxime Gremetz - Eh voilà !

M. le Ministre des affaires sociales - Le groupe socialiste propose de financer ce fonds de réserve par une augmentation considérable - de 2 % à 6 % ! - du taux de prélèvement social sur les revenus de placements et du patrimoine. On peut s'interroger : le taux de 2 % n'a-t-il pas été arrêté par la majorité d'alors parce qu'il correspondait à ce qui semblait supportable ? Pourquoi, deux ans plus tard, proposer un taux de 6 % ?

En outre, la France est parmi les pays européens l'un de ceux qui taxent le plus le capital.

M. Maxime Gremetz - Non !

M. le Ministre des affaires sociales - Il est inacceptable d'aller au-delà.

A la majorité de 43 voix contre 8 sur 51 votants et 51 suffrages exprimés, l'amendement 4760 et les autres amendements identiques défendus ne sont pas adoptés.

M. Pascal Terrasse - M. le ministre se demande pourquoi nous proposons de porter à 6 % le taux de prélèvement social après l'avoir fixé à 2 % il y a deux ans. A ce petit jeu, quels mots n'avez-vous eus, lorsque vous étiez dans l'opposition, sur les 35 heures ou le PACS ? Vous n'avez pourtant abrogé aucune de ces mesures. Les uns et les autres, nous évoluons.

Nous pensons qu'une réforme des retraites doit être globale et, dans cette perspective, qu'il faut financer le fonds de réserve, dont personne n'a jamais dit qu'il avait pour fonction de répondre à un besoin immédiat. C'est entre 2020 et 2040 que se produira le pic démographique. Plutôt que de faire supporter à ce moment-là le financement des retraites aux seuls cotisants, il nous semble important, d'ores et déjà, de mettre de l'argent de côté. Tel est le sens de l'amendement 3042.

M. le ministre est imprudent lorsqu'il prétend que l'actuel gouvernement aurait financé le fonds à hauteur de 16 milliards quand le précédent gouvernement ne l'aurait financé qu'à hauteur de 8 milliards. La législature s'étant arrêtée, nous ne pouvions en effet financer la totalité de ce qui était prévu - le PLFSS de 2002 indiquait une somme de 13 à 14 milliards.

Je serais du reste curieux de connaître, au moment précis où je parle, le montant exact de ce fonds de réserve.

Ce n'est pas les 35 heures qui ont amputé le fonds de solidarité-vieillesse, mais bien plutôt la montée du chômage : 160 000 demandeurs d'emploi de plus en un an. Je vous renvoie sur ce point au rapport de M. Jacquat.

Je vous conseille, Monsieur le ministre, de lire le projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien, notamment en ce qui concerne la budgétisation de la privatisation. Vous devriez demander à M. Mer où sera affecté le montant de la privatisation d'Air France. Rien n'y figure concernant le fonds de réserve des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Cet amendement aboutirait à une augmentation de 300 % d'un taux d'imposition qui est déjà l'un des plus élevés en Europe.

En commission, nous avons entendu des choses étonnantes concernant en particulier les prestations vieillesse non contributives. Le déficit du FSV est dû au financement des 35 heures. Il a été pillé par le FOREC. L'APA a été financée - bien partiellement - en détournant un point de CSG qui était destiné au FSV. Enfin, la dette de l'Etat envers l'AGIRC et l'ARRCO, a été également mise sur le dos du FSV.

M. le Ministre des affaires sociales - Même avis.

M. Jean-Pierre Brard - L'avis du Gouvernement est lapidaire et mériterait d'être détaillé.

Tout le monde est d'accord quant à l'utilité du COR et du fonds de réserve. Mais quid de son financement ?

Vous dites, Monsieur le ministre, avoir trouvé une solution qui préserverait les salariés en limitant les préretraites. Si nous étions en période de plein emploi, cela mériterait réflexion. Mais, le chômage augmentant, les préretraites sont plus avantageuses que les licenciements.

La disposition que vous prenez, Monsieur le ministre, certes, taxe dans une certaine mesure les employeurs qui ont recours aux préretraites, mais elle nuira surtout aux salariés, qui, en fin de compte, seront sèchement licenciés.

Vous nous dites que le fonds de réserve ne permettrait en 2040 que de financer une fois et demie le déficit annuel des retraites, tout en reconnaissant sagement qu'il est bien difficile de faire des projections quarante ans à l'avance - rappelons-nous qu'Alfred Sauvy prévoyait après guerre une population française de 40 millions d'habitants, au lieu des 60 millions que nous sommes actuellement. En disant cela, vous oubliez deux choses : premièrement, que les richesses vont augmenter d'ici là, deuxièmement, que la natalité française est excellente...

M. Pierre Lellouche - N'importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard - Mais si ! La descendance finale atteint 2,18 enfants par femme, ce qui nous place juste après l'Irlande. Et si l'on développait davantage les équipements pour la petite enfance, ce taux pourrait atteindre 2,35 ou 2,40. Je sais bien, Monsieur Lellouche, que ces données bousculent le discours que vous avez l'habitude de tenir afin de faire passer la réforme, mais la reprise de la natalité est bien réelle. Admettez donc que, comme l'on dit dans ma Normandie natale, qui n'est pas loin de la Sarthe de M. Fillon, vous racontez des « menteries ».

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 40 voix contre 17 sur 57 votants et 57 suffrages exprimés, l'amendement 3042 n'est pas adopté.

M. le Président - Nous passons à l'examen des amendements 4767 à 4773, identiques.

M. Alain Bocquet - Notre amendement 4767 tend à supprimer le I de cet article. Peu d'entreprises françaises s'attachent en effet à gérer leur pyramide des âges en anticipant suffisamment, et quand elles le font, leur démarche consiste surtout à avancer le départ de leurs salariés les plus âgés. Elles n'adoptent qu'exceptionnellement des mesures destinées à maintenir dans leur emploi des salariés en fin de carrière. Au demeurant, les salariés ne sont pas tous considérés comme âgés au même moment de leur carrière et la perception du vieillissement est vraiment affaire d'opinion. La question est donc complexe et l'on ne saurait décourager a priori le recours aux préretraites d'entreprise.

M. Jean-Pierre Brard - Je défends l'amendement 4773. Mais surtout j'attends avec intérêt la réponse du Gouvernement à ma question : que compte-t-il faire pour protéger les salariés âgés qui n'auront pas le nombre d'annuités nécessaires mais dont les entreprises voudront se débarrasser en recourant non à la préretraite mais au licenciement ?

M. le Rapporteur - Considérant que l'article 11 est un article majeur, la commission a repoussé ces amendements qui visent à en supprimer le premier paragraphe et qui ne sont que des amendements de repli aux amendements de suppression que nous venons d'examiner.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Même avis.

M. Maxime Gremetz - M. Fillon a tout à l'heure affirmé que la France avait le taux d'imposition du capital le plus élevé d'Europe. En regrettant qu'il soit parti, je me permets de lui citer les chiffres d'Eurostat : en 2001, la charge fiscale globale, c'est-à-dire le montant brut de l'impôt et des cotisations sociales, représentait 41,1 % du PIB dans l'Union européenne, en baisse par rapport à 1999, où il était de 41,8 %, et à peu près stable par rapport à 1995 où il s'élevait à 40,8 %. En 2001, c'est la Suède qui avait le ratio recettes fiscales - PIB le plus élevé, avec 54,1 % - suivie du Danemark à 49,8 %, puis de la Finlande et de la Belgique à 46 % chacune... Je ne comprends pas que dans un débat de cette importance, on utilise des arguments fallacieux, en prétendant comme M. Fillon, que la France est le pays qui impose le plus les revenus du capital ! Je tenais à rétablir la vérité sur ce point.

M. Jean-Pierre Brard - Après le trophée Pinocchio, j'hésitais, pour M. Fillon, entre Merlin l'enchanteur et Gargamel... Mais c'est bien le second qui convient, si l'on regarde les conséquences de vos mesures : les salariés seront pénalisés. Pour eux, le licenciement et la préretraite, c'est très différent. Vous ne nous avez pas expliqué comment un salarié licencié entre 50 et 65 ans retrouvera du travail, et votre silence est un aveu. Sous prétexte de protéger les salariés contre une retraite anticipée, vous allez pousser à les licencier, et leur revenu comme le taux de remplacement auquel ils pourront prétendre diminuera encore davantage.

M. le Président - Sur les amendements 4767 à 4773, le groupe communiste et républicain demande un scrutin public.

La séance, suspendue à 18 heures 20, est reprise à 18 heures 25.

A la majorité de 21 voix contre 6, sur 27 votants et 28 suffrages exprimés, les amendements identiques 4767 à 4773 ne sont pas adoptés.

M. le Président - J'appelle les amendements identiques 4774 à 4780.

M. Jean-Pierre Brard - La pédagogie est l'art de la répétition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Puisque vous n'avez pas compris, il faut passer les mauvais élèves que vous êtes, comme des biftecks, à l'attendrisseur.

Le Gouvernement, lui, a compris que, si la parole est d'argent, le silence est d'or. Il s'acharne à ne pas répondre. Pourquoi ? Parce que nous avons levé le voile sur la réalité de ses intentions. Les salariés de 60 à 65 ans ne pourront plus comme aujourd'hui bénéficier d'une préretraite. Vous poussez au licenciement sec, et les personnes concernées ne pourront pas retrouver de travail dans leur qualification : quel employeur embauchera un fraiseur ou un informaticien de 62 ans ?

J'étais aux Etats-Unis en 1976, dans un hôtel proche du palais des Nations unies. Et j'y ai vu une chose qu'à l'époque je n'avais jamais vue en France : des gens attendaient que les clients du self-service aient fini leur petit déjeuner, et mangeaient leurs restes... Je n'imaginais pas voir un jour cela en France. Or nous y sommes... Il y a déjà longtemps qu'aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne des personnes âgées doivent faire de petits boulots, travailler la nuit dans les hôtels, pour payer leur nourriture et leur loyer, tant leurs retraites sont faibles. Voilà ce que vous nous préparez, avec tous ces salariés âgés qui seront licenciés sans préretraite et avec un taux de remplacement dérisoire. En fait d'harmonisation européenne, vous vous alignez sur le consortium Thatcher-Blair. Par l'amendement 4780, nous nous y refusons. C'est vrai, Monsieur le rapporteur, il s'agit bien d'un amendement de repli, et même, selon les termes que vous avez employés, d'un amendement de démantèlement de cet article car nous ne mettons pas le genou à terre, malgré vos exhortations à la capitulation !

Je faisais hier mon marché à Montreuil, place Jacques Duclos...

M. Denis Jacquat - Au lieu d'aller à la messe !

M. Jean-Pierre Brard - ...et mes concitoyens m'encourageaient à tenir bon !

M. Denis Jacquat - J'étais à la messe, et on m'a dit le contraire !

M. Jean-Pierre Brard - Bien sûr, car vous déformez la vérité !

M. Maxime Gremetz - L'amendement 4779 tend à supprimer le II du I de cet article, qui vise à définir cette contribution spécifique à la charge des employeurs. Il faut savoir se poser les bonnes questions pour y apporter les bonnes réponses. La gestion de la pyramide des âges au sein des entreprises est avant tout une anticipation des départs. Seuls 20 % des établissements qui ont répondu à l'enquête de la DARES de 2002 déclarent anticiper la gestion de la pyramide des âges. Pour autant, ces établissements ne se signalent pas par leurs initiatives en faveur du maintien dans leur emploi des salariés les plus âgés. En effet, ils ne sont qu'une infime minorité à avoir développé des missions ponctuelles pour les quinquagénaires, à avoir réalisé des bilans de compétences et instauré le tutorat entre des salariés d'âges différents. Seulement 10 % se distinguent des autres établissements par une adaptation un peu plus fréquente des postes de travail les plus pénibles.

Pour la plupart des établissements, gérer la pyramide des âges, c'est la rajeunir. Plus du tiers des établissements saisis de cette question envisagent une baisse de la proportion des salariés de plus de 50 ans au sein de leurs effectifs, alors même que la population vieillit et que, si l'âge est une donnée objective, la perception de la vieillesse reste subjective. Votre projet débouchera sur le chômage de ces salariés, sans améliorer pour autant notre système de retraite.

M. le Rapporteur - Défavorable. L'alinéa visé est justement celui qui met à la charge exclusive de l'employeur les nouvelles contraintes imposées par le texte.

M. le Ministre de la fonction publique - Vous dites que la pédagogie, c'est la répétition ? Je ne crois pas, Monsieur Brard, qu'il faille comparer les élèves à des biftecks qu'il serait bon de passer à l'attendrisseur.

M. Jean-Pierre Brard - Je parlais de mes collègues de droite !

M. le Ministre de la fonction publique - Cette manière d'élever les enfants me paraît contraire à votre philosophie et sans doute avez-vous parlé ainsi en raison d'une baisse de vigilance, dans des discours si répétitifs.

M. Maxime Gremetz - Mieux vaut se répéter que se contredire !

M. le Ministre de la fonction publique - La protection du salarié est au c_ur de notre réflexion. Qu'est-ce qui, du licenciement ou de la préretraite, protège le mieux ? Vous le savez bien, c'est le licenciement, parce qu'il exige un motif. Voulant accroître la protection du salarié et augmenter le taux d'activité, nous soutenons cette cotisation imposée à l'employeur...

Monsieur Brard, j'ai moi aussi mes références, et j'ai lu avec intérêt un article de Laurent Joffrin, dans le Nouvel Observateur, journal dont vous êtes proche.

M. Jean-Pierre Brard - Proche ? Il ne faut rien exagérer !

M. le Ministre de la fonction publique - M. Joffrin confirme que notre projet fait plus pour les retraités les plus pauvres que ce qui a été réalisé depuis cinq ans.

M. Maxime Gremetz - Mais M. Joffrin n'est pas un économiste !

M. le Ministre de la fonction publique - « La taxation du capital », ajoute-t-il, « confisquerait l'essentiel des profits réalisés dans l'économie française ; les victimes en seraient les salariés du secteur privé, car les jeunes actifs d'aujourd'hui, soumis aux incertitudes du marché de l'emploi, paieront pour les baby-boomeurs en retraite ». Cette affirmation de personnes qui ne partagent pas nos convictions prouve que nous avons vu juste.

M. Maxime Gremetz - Vous en avez fait une mauvaise lecture !

M. le Ministre de la fonction publique - Puisque vous vous dites déterminés, permettez-moi de vous livrer une réflexion de Charles Péguy : « la capitulation est essentiellement une opération par laquelle on se met à expliquer au lieu d'agir ». Quant à nous, nous agissons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - C'est mieux que Sénèque !

M. Jean-Pierre Brard - Charles Péguy est une belle référence souvent pervertie par la droite. C'est lui en particulier qui admirait les hussards noirs de la République, tels ceux qui ont été obligés de descendre dans la rue pour défendre l'éducation nationale ces dernières semaines. Quant à M. Joffrin, il serait sans doute aussi surpris que moi d'entendre dire que nous partageons les mêmes idées ! Libre à vous d'essayer de former un consortium de personnalités qui furent à gauche et qui défendent vos idées, mais il n'est guère convaincant de vous voir appeler à la rescousse Edmond Maire, Thomas Piketty ou Michel Rocard.

M. le Rapporteur - Et M. Kouchner ?

M. Jean-Pierre Brard - Il n'y a que M. Kouchner à avoir cru qu'il était de gauche, sans doute parce que c'est son épaule gauche qui avait penché quand il avait soulevé des sacs de riz en Somalie.

Quant à M. Rocard, c'est un modéré qui a choisi un long parcours, pour venir de l'extrême gauche jusque vers vous, qu'il rejoindra peut-être un jour.

M. Denis Jacquat - Et M. Attali ?

M. Jean-Pierre Brard - Même chose !

Vous dites que le licenciement serait plus protecteur que la préretraite parce qu'il y faudrait un motif ? Le bon M. François - je parle de Michelin - s'est-il embarrassé d'un motif pour jeter comme citrons pressés, à Clermont-Ferrand, 7 500 salariés, alors qu'aujourd'hui il réembauche ? En réalité, le seul motif de ces chefs d'entreprise est de faire plaisir aux actionnaires et de rentabiliser le capital.

Quant à M. Seillière et à sa famille qui affirment ne plus rien posséder et ne retourner en Lorraine que pour les enterrements...

M. Denis Jacquat - Mais c'est vrai !

M. Jean-Pierre Brard - ...ont-ils eu besoin d'un motif pour licencier les ouvriers de la sidérurgie ? Si ces derniers sont sur la paille, ce n'est pas le cas de M. Seillière, qui a diversifié ses activités à l'étranger où il a été protégé des poursuites judiciaires par un sombre accord.

Mais il n'est pas le seul. A qui a-t-on confié le rapport sur la bonne gouvernance dans les banques ? A M. Botton, mis en examen pour avoir triché. Quant à nous, notre morale n'est pas cotée en bourse, mais elle l'est sur l'échelle des valeurs de l'éthique républicaine.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 4774 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

La séance, suspendue à 18 heures 45, est reprise à 18 h 55.

A la majorité de 35 voix contre 6 sur 42 votants et 41 suffrages exprimés, l'amendement 4774 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 10831 rectifié vise à étendre les dispositions de l'article 11 aux employeurs de salariés agricoles alors qu'elles n'étaient prévues que pour le régime général.

M. le Ministre de la fonction publique - Avis favorable.

M. Pascal Terrasse - Compte tenu de la crise que traverse l'agriculture française, à laquelle s'ajoutent la perspective de la révision de la PAC et les négociations à l'OMC, de nombreux agriculteurs demandent à quitter leur activité. Depuis quelques années, un dispositif leur permet de bénéficier d'une retraite agricole dès l'âge de 55 ans. L'Ardèche a connu onze ou douze départs dans ces conditions l'année dernière, et de nombreux députés de la majorité demandent aujourd'hui au ministre de l'agriculture de renforcer ce dispositif. Si vous aviez fait parallèlement un gros effort pour l'installation des jeunes agriculteurs, cet amendement aurait pu se comprendre, mais en l'occurrence, le groupe socialiste ne pourra le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 10831 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 11216 permet d'harmoniser les références de cet article.

M. le Ministre de la fonction publique - Avis favorable.

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public.

M. le Président - Accepteriez-vous, à l'avenir, d'effectuer vos demandes de scrutin public au début de la discussion ?

M. Maxime Gremetz - Non, Monsieur le Président, puisque vous m'avez retiré la parole tout à l'heure.

M. le Président - Sur l'amendement 11216, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

La séance, suspendue à 19 heures, est reprise à 19 heures 5.

A la majorité de 31 voix contre 17 sur 48 votants et 48 suffrages exprimés, l'amendement 11216 est adopté.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le président, nous avons absolument besoin d'une suspension de séance pour réunir notre groupe.

M. le Président - Je vous accorde trois minutes.

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas assez pour réunir le groupe !

M. le Président - La suspension de séance est de droit ; le temps, j'en suis le maître...

La séance, de nouveau suspendue, est reprise à 19 heures 10.

M. le Président - Nous en venons aux amendements 4781 à 4787.

M. Maxime Gremetz - Je défends l'amendement 4786, qui vise à supprimer le III du I.

Les préretraites d'entreprise représentent plus du tiers des départs anticipés dans les établissements de plus de 500 salariés. Les entreprises préfèrent cette formule aux préretraites aidées par l'Etat car elle leur permet, d'une part, d'élargir la cessation anticipée d'activité à d'autres tranches d'âge que celles concernées par les dispositifs publics, d'autre part, d'afficher une politique sociale propre à l'établissement.

Une bonne moitié des établissements conservent les « préretraités maison » dans leurs effectifs, alors que les systèmes de préretraite publics entraînent la rupture du contrat de travail. Cette souplesse rend possible le rappel de ces anciens salariés en cas de circonstances exceptionnelles.

La préretraite d'entreprise est donc un dispositif à la fois souple et utile aux salariés, qu'il convient de maintenir.

M. Jean-Pierre Brard - Je défends l'amendement 4787.

Cette discussion devrait être l'occasion de dialoguer, mais le ministre n'est pas très disert... Sans doute se réserve-t-il pour la séance de nuit.

Monsieur le ministre, vous avez prétendu que le licenciement était plus favorable pour les salariés que la préretraite, sous prétexte que pour licencier, il fallait avoir un motif. L'expérience montre que telle n'est pas la réalité...

Par ailleurs, M. Lellouche, qui n'a fait qu'un petit passage dans l'hémicycle - il est vrai qu'il doit rentrer chez lui, pour le dîner, à dos de tortue ! - a contesté le fait que la « descendance finale » se situe actuellement à 2,18 enfants par femme (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le ministre, vous n'avez toujours pas répondu à mes questions. Le Parlement est une tribune, un lieu où se fait entendre la voix du peuple. Répondez au moins pour démentir mon affirmation !

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre de la fonction publique - Défavorable.

Les amendements identiques 4781 à 4787, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 4794 est défendu.

Nous nous acharnons à engager le dialogue. M. Accoyer dit : « Défavorable » et M. le ministre lui fait écho. Je sais bien qu'à l'UMP, pas une tête ne doit dépasser sous les férules de MM. Juppé et Barrot...

M. Jean-Marie Le Guen - Où est M. Barrot ?

M. Jean-Pierre Brard - Je dirai, sans allusion maligne : « Dieu seul le sait ! » (Sourires)

Monsieur le Président, je sais que vous ne pouvez intervenir dans les débats, sinon pour leur bon ordonnancement. Mais pourriez-vous inciter M. le rapporteur et M. le ministre à être plus diserts ?

M. Denis Jacquat - Il faudrait que vous soyez moins bavard !

M. Jean-Pierre Brard - Si nous étions convaincus du bien-fondé de votre projet, notre peuple le serait aussi.

A ce propos, je n'ai reçu la lettre de M. le Premier ministre que ce matin. J'ai été un peu choqué d'ailleurs que les Parlementaires n'aient pas été les destinataires de cette missive présentée comme très importante.

Allez-vous donc enfin sortir de votre mutisme ?

M. Maxime Gremetz - L'amendement 4793 vise à supprimer le IV du I de cet article.

Quelle est donc la culture de la préretraite dans notre pays ? Les départs anticipés sont souvent perçus comme un facteur de solidarité entre les générations et comme un outil efficace pour rétablir l'équilibre de la pyramide des âges dans certains établissements. D'où leur développement.

Selon l'IFOP - mes références à moi sont sérieuses ! -, les trois quarts des Français sont d'accord avec l'idée d'une réduction progressive du temps de travail pendant les dernières années de la vie professionnelle. 95 % approuvent que des salariés ayant exercé des métiers pénibles puissent partir plus tôt à la retraite.

Or, ces dernières années, compte tenu du vieillissement accéléré de la population active et des recommandations européennes sur la nécessité d'augmenter le taux d'emploi des travailleurs âgés, les entrées dans les dispositifs publics de préretraite ont été restreintes.

Les départs progressifs sont souvent présentés comme une piste pour maintenir les salariés âgés au travail tout en tenant compte de l'aménagement des fins de carrière. Leur développement a néanmoins été contrarié par le maintien de divers dispositifs de cessation anticipée totale d'activité.

Depuis le début de 2002, toutefois, les entrées en préretraite progressive sont en nette augmentation. Ce regain est dû aux restrictions apportées aux entrées ASFNE et à l'intérêt convergent des salariés et des entreprises pour les cessations anticipées d'activité.

Votre raisonnement nie cette culture de la préretraite. La suppression qu'amorce votre projet débouchera sur le chômage des salariés les plus âgés et n'améliorera en rien la situation du régime des retraites par répartition.

Je demande sur cet amendement un scrutin public.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Je rappelle, puisque M. Brard nous demande des explications, que l'amendement de suppression a déjà été repoussé car l'article 11 tend à instituer, à la charge de l'employeur et au profit du fonds de réserve, un dispositif de charges qui dissuade d'utiliser les « préretraites maison » et abonde le financement des retraites.

L'amendement 4793 et les amendements identiques s'inscrivent dans la stratégie des amendements de repli qui consiste à découper l'article par alinéas.

L'alinéa IV, précisément, évite de pénaliser les préretraites servies dans le cadre des allocations d'assurance aux travailleurs âgés privés d'emploi. Sa suppression serait particulièrement inopportune, avouez-le.

M. le Ministre de la fonction publique - Même avis.

A la majorité de 31 voix contre 11 sur 42 votants et 42 suffrages exprimés, les amendements 4788 à 4794 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 4801 est défendu.

M. le rapporteur s'est mal expliqué. Une contrevérité mille fois répétée ne fait pas une vérité (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Et M. Xavier Bertrand, sans doute promis à un bel avenir, devrait s'en pénétrer : il ne suffit pas d'être à l'UMP pour détenir la vérité.

M. Denis Jacquat - Jaloux ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard - M. le ministre reste enfermé dans son mutisme. Serait-ce qu'il en va pour lui comme pour les parlementaires de l'UMP ? A-t-il l'autorisation de parler ?

M. Denis Jacquat - Oui !

M. Jean-Pierre Brard - Il devrait répondre à mes interrogations.

Nous l'avons démontré : il est faux que, pour le salarié, le licenciement soit préférable à la préretraite. Un salarié licencié entre 60 et 65 ans aura bien du mal en effet à retrouver un travail. Qui le réembauchera ? Reconnaissez donc, Monsieur le ministre, que votre proposition est mauvaise pour les salariés et qu'elle a seulement pour but de réduire la dépense publique, les préretraites coûtant plus cher que les licenciements. Demain, les salariés, qui auraient pu auparavant bénéficier de préretraites, seront victimes de licenciements secs. Votre refus de répondre à ce sujet vaut un aveu.

M. Maxime Gremetz - La gestion des départs fait l'objet de peu de débats au sein des établissements. Parmi ceux qui ont utilisé des dispositifs de préretraite au cours de l'année 2000, il n'y en a qu'un tiers à avoir engagé sur le sujet un processus de consultation des institutions représentatives du personnel, seulement un cinquième à avoir négocié, et encore moins à avoir signé un accord. Il est vrai qu'hors situation conflictuelle engendrée par plan social, la mise en place de préretraites ne suscite pas de conflit entre les représentants du personnel et les employeurs. Ce consensus existe également au niveau national dans le cadre de la commission permanente du Conseil supérieur de l'emploi, au sein de laquelle les conventions de préretraites publiques rencontrent la plupart du temps l'approbation des représentants des salariés et des employeurs. Les chefs d'entreprise sont sans doute peu enclins à engager un processus formel de négociation sur un sujet dont ils savent qu'il ne provoquera pas de réticence de la part de leurs salariés. La préretraite étant plutôt favorable au climat social au sein des entreprises, il faut maintenir ce dispositif. Tel est le sens de nos amendements 4795 à 4801, pour lesquels je demande un scrutin public.

M. le Rapporteur - Défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le Ministre de la fonction publique - Même position.

La séance, suspendue à 19 heures 35 est reprise à 19 heures 40.

A la majorité de 31 voix contre 9 sur 40 votants et 40 suffrages exprimés, les amendements 4795 à 4801 ne sont pas adoptés.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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