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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 110ème jour de séance, 266ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 26 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      CONVENTIONS ET ACCORDS INTERNATIONAUX 2

      DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2004 2

La séance est ouverte à neuf heures.

CONVENTIONS ET ACCORDS INTERNATIONAUX

L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, de dix projets de loi, dont six adoptés par le Sénat, autorisant la ratification ou l'approbation de conventions ou d'accords internationaux.

M. le Président - Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets aux voix l'article unique de chacun de ces textes.

Sont successivement mis aux voix et adoptés :

l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie ;

l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination ;

l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Australie sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre ;

l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale du Brésil relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque Etat dans l'autre - ensemble un échange de lettres ;

l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels - ensemble treize annexes ;

l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Arabie Saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter des doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune - ensemble un protocole et un échange de lettres ;

l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif à une coopération sur l'observation de la terre ;

l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres complétant l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière du 3 octobre 1997.

DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2004

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement et le débat d'orientation budgétaire pour 2004.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - La tenue de ce débat témoigne de notre volonté commune de faire vivre la loi organique du 1er août 2001. Notre nouvelle Constitution financière ne l'a pas rendu obligatoire puisque seule la remise d'un rapport par le Gouvernement constitue une obligation juridique. Pourtant, malgré un ordre du jour chargé, votre commission des finances et le Gouvernement l'ont voulu conjointement.

Ce débat est nécessaire car, le budget de l'Etat se préparant tout au long de l'année, le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement ne peut plus se résumer à nos rendez-vous de l'automne. Nous aurons eu cette année deux débats d'orientation budgétaire, nos échanges du 8 avril dernier sur le contrôle et la maîtrise des dépenses publiques préparant notre séance d'aujourd'hui. Les souhaits émis notamment par votre commission des finances ont contribué aux premières orientations du Gouvernement dans la préparation du budget 2004 et plus précisément au choix de la norme globale d'évolution des dépenses.

L'article 48 de la loi organique, qui régit le contenu du rapport du Gouvernement, lui assigne deux champs principaux : préciser les évolutions enregistrées depuis l'automne en matière économique et budgétaire ; éclairer notre horizon à moyen terme.

La situation économique de cette année est complexe.

Il y avait un obstacle majeur à la reprise : le climat de tension international. Il est largement levé, et les conditions sont désormais remplies pour une reprise, au niveau mondial, dans la zone euro, et particulièrement en France.

Dans la zone euro, les taux d'intérêt sont bas, et la BCE a donné un signal important. La baisse du dollar ne favorise pas nos exportations mais elle permet la désinflation, donc des gains de pouvoir d'achat et la poursuite de la baisse des taux. Par ailleurs, la situation financière des ménages est bonne, notamment par rapport aux Etats-Unis.

M. Henri Emmanuelli - La consommation décroche !

M. le Ministre délégué - Pour stimuler la consommation, le Gouvernement baisse les impôts et relèvera le SMIC jusqu'à 5,3 % au 1er juillet prochain. La situation des entreprises s'est améliorée, elles ont des besoins d'investissement et de stockage.

Pourtant, la reprise n'est pas encore là.

M. Augustin Bonrepaux - La suite est pire !

M. le Ministre délégué - Les chiffres n'en sont pas encore connus précisément, mais le premier semestre a été décevant. La croissance pourrait ne pas atteindre le niveau de 1,3 % que nous avions retenu en mars.

Une bonne surprise est néanmoins possible. En novembre et décembre derniers, le consensus des prévisions privées pour 2002 était de 1 %. La croissance a finalement été de 1,2 %. Le Premier ministre a évoqué une fourchette de croissance, de 0,8 % à 1,5 %. C'est une approche raisonnable.

M. Augustin Bonrepaux - Et précise, surtout !

M. le Ministre délégué - Mais, Francis Mer l'a dit devant la commission des finances, nous avons encore le temps d'examiner l'éventualité d'une croissance plus faible.

Ce n'est un secret pour personne : les comptes publics se sont massivement dégradés l'année dernière. Entre 2001 et 2002, le besoin de financement des administrations publiques est passé de 1,5 à 3,1 points de PIB.

Cette dégradation résulte, certes, du ralentissement conjoncturel, mais également de facteurs structurels. Entre 1998 et 2000, période de forte croissance, l'effort d'assainissement a été très insuffisant (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

La Commission européenne souligne elle-même que l'effort d'ajustement des comptes publics entamé en 1995 avait été stoppé en 1999 au profit d'une politique budgétaire expansive en phase haute de cycle.

Le précédent gouvernement a conduit une politique de baisse d'impôt qui ne reposait sur aucun financement pérenne,...

M. Augustin Bonrepaux - Vous êtes là depuis un an, ne l'oubliez pas !

M. le Ministre délégué - ...c'est-à-dire sans réduction à due concurrence des dépenses publiques.

M. Henri Emmanuelli - Vous ne savez pas lire !

M. le Ministre délégué - C'est ainsi que les baisses discrétionnaires de prélèvements obligatoires ont été supérieures de 2,5 points à la baisse des dépenses publiques dans le PIB.

Cette dérive structurelle a été masquée un temps par les plus-values fiscales exceptionnelles de la bulle internet des années 1999 à 2001. Je rappelle que l'élasticité des recettes fiscales a été proche de 2 entre 1999 et 2001. A titre d'illustration, les recettes de l'impôt sur les sociétés ont quasiment doublé entre 1996 et 2001, passant de 26 à 49 milliards d'euros.

Quel usage a été fait de cette manne ? Une politique de « bon père de famille » aurait voulu qu'on la mette à profit pour assainir nos comptes publics. Mais le précédent gouvernement a préféré diminuer optiquement les impôts et augmenter les dépenses - qu'il avait d'ailleurs sous-évaluées. L'Etat s'est comporté comme ces start-up de la « nouvelle économie », qui ont brûlé en quelques mois tous leurs fonds propres.

Rendons donc à chacun ses responsabilités. Nous assumons notre part du déficit pour 2002 (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Oui, nous avons décidé 600 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour restaurer l'autorité de l'Etat : nous le revendiquons, et j'écouterai avec attention ceux qui nous les reprochent...

Quelle est la responsabilité du précédent gouvernement ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Didier Migaud - Nous sommes censés débattre de vos orientations budgétaires !

M. le Ministre délégué - Près de 20 milliards d'euros de dépenses pérennes nouvelles ont été engagées : les 35 heures, la création de 48 000 emplois à l'Etat, de 220 000 postes d'emplois-jeunes, et ces trois prestations nouvelles - APA, CMU, aide médicale au profit des étrangers en situation irrégulière.

M. Augustin Bonrepaux - Vous ne voulez pas payer !

M. Didier Migaud - Vous regrettez ces avancées ?

M. le Ministre délégué - Il faut encore ajouter à cela les sous-budgétisations de la loi de finances initiale, mise en évidence par l'audit de MM. Nasse et Bonnet, pour plus de 7 040 millions d'euros, ainsi que les 1 080 millions d'euros de dettes de l'Etat que nous avons dû apurer. Ainsi, outre celle de 2002, nous avons payé en décembre dernier les primes de Noël de 2000 et 2001 !

Nos finances publiques portent encore le poids des déséquilibres structurels accumulés depuis trois ans. Selon les organisations internationales, le solde structurel s'est dégradé d'1,5 point de PIB entre 1999 et 2002.

M. Henri Emmanuelli - Ce n'est pas ce que dit la Cour des comptes !

M. le Ministre délégué - Dans un contexte économique difficile, le Gouvernement a décidé de laisser jouer les stabilisateurs automatiques de recettes, tout en maîtrisant strictement les dépenses publiques. Le ralentissement de la conjoncture a pour effet une dégradation d'environ 5,1 milliards d'euros des recettes de l'Etat.

Le principal facteur de révision porte sur l'impôt sur les sociétés. Cette mauvaise nouvelle n'a pas de lien direct avec le ralentissement conjoncturel. Nous anticipons sur l'IS un écart d'au moins 3,1 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, qui s'explique par la diminution du bénéfice fiscal en 2002, lequel pèsera doublement sur les recettes en 2003, par le jeu du mécanisme d'acompte et de solde.

Le rapport du Gouvernement vous décrit l'ensemble des facteurs de correction envisageables, impôt par impôt.

C'est la première fois qu'une information aussi détaillée est fournie au Parlement.

M. François Goulard - C'est vrai !

M. le Ministre délégué - Nous tenons l'engagement pris devant vous à l'occasion du projet de loi de finances pour 2003. Les dépenses publiques seront maîtrisées : les dépenses de l'Etat ne dépasseront pas leur niveau de 273,8 milliards d'euros autorisé par le Parlement. A cette fin le Gouvernement a déployé de manière précoce un dispositif de mise en réserve, touchant à la fois des crédits de la LFI - pour 4 milliards - et des crédits reportés - pour 6,6 milliards. Conformément aux dispositions de la nouvelle « Constitution financière », le Gouvernement a informé, étape par étape, le Parlement. Le déficit 2003 pourrait finalement s'inscrire dans une fourchette de 3,5 à 3,6 % du PIB.

Quelles sont les perspectives pour 2004-2006 ? L'objectif du Gouvernement est de reconstituer des marges de man_uvre fiscales et budgétaires, pour une autre politique que celle du service de la dette, qui risque de devenir notre première et navrante priorité si nos finances publiques ne sont pas assainies.

Au regard du traité de Maastricht, la France se trouve aujourd'hui en situation de « déficit public excessif » : l'Europe nous invite à redescendre en dessous du seuil de 3 % dès 2004. Les règles européennes sont de bon sens : il n'est pas possible d'accumuler sans fin des déficits publics, nous ne ferions qu'accroître le fardeau de la dette que nous léguons à nos enfants.

Le pacte de stabilité est nécessaire : il constitue le réglement de copropriété de la monnaie unique européenne, que nous avons en partage. Si les déficits se pérennisaient, la stabilité de l'euro serait menacée et les taux d'intérêt augmenteraient dangereusement.

La France doit s'engager dans une véritable consolidation budgétaire. Les comparaisons internationales sont à cet égard réconfortantes : elles montrent qu'il n'y a pas de fatalité en matière budgétaire. Les exemples du Canada, de la Suède et des Pays-Bas attestent qu'il est toujours possible pour un pays d'assainir en profondeur ses comptes publics. Notre déficit prévisionnel est de l'ordre de 3,5 % du PIB en 2003. Mais le Canada, où je me suis rendu récemment, a résorbé en moins de quatre ans un déficit de plus de 6 points de PIB, et achève cette année son sixième exercice excédentaire consécutif. Il n'a pas résorbé son déficit par la hausse des impôts, mais par la maîtrise de la dépense (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard - Il a utilisé la croissance pour se réformer !

M. le Ministre délégué - Le facteur clef d'un tel succès est l'aptitude à réduire significativement le poids de la dépense dans le PIB.

Le cadrage du budget pour 2004 manifeste cette ambition. Les dépenses de l'Etat seront globalement stabilisées en volume, tandis que les dépenses hors dette et fonction publique seront stabilisées en valeur. Nous poursuivons cette stratégie jusqu'à l'horizon 2006, afin d'assainir nos comptes publics et de dégager des marges de man_uvre pour les baisses d'impôts et de charges.

M. Michel Bouvard et Mme Marie-Anne Montchamp - Très bien !

M. le Ministre délégué - Il ne faut pas sous-estimer l'effort que requiert une telle politique.

Dans un scénario de stabilisation sur trois ans des dépenses de l'Etat en volume, les crédits progresseraient au même rythme que les prix, soit une augmentation globale de 12,5 milliards, dont la progression mécanique des pensions, du service de la dette et de la masse salariale préempteraient 12,2 milliards. Afin de pouvoir assurer le financement des dépenses régaliennes, les autres dépenses de l'Etat devraient être réduites de près de 2 milliards.

Cette politique d'assainissement suppose que l'Etat se dote d'outils de redéploiement des crédits. J'ai donc proposé au Premier ministre de rénover en profondeur la procédure budgétaire : la préparation du budget s'inscrit désormais dans une démarche plus structurante.

Le Gouvernement a instauré des conférences de réformes structurelles, qui permettent d'identifier, très en amont, les ressources d'économies possibles et les voies de réforme. Celles examinées à cette occasion trouveront leur première traduction dans le PLF pour 2004 : non-renouvellement d'une partie des départs à la retraite des fonctionnaires, amélioration de la qualité du service public rendu aux usagers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

S'agissant de la réduction des impôts et des charges, notre cap est clair : alléger le fardeau des prélèvements qui pèsent sur les Français et brident les énergies.

En 2004, les charges sur les bas salaires seront allégées pour faciliter la convergence des SMIC. Des mesures ont été votées ou sont en passe de l'être pour développer l'initiative économique, promouvoir le mécénat, aider l'outre-mer, soutenir l'investissement locatif et le développement territorial à travers les zones franches urbaines.

Toutes ces mesures illustrent la volonté du Gouvernement d'aider les acteurs économiques par des aides précieuses, efficaces et ciblées. L'effort en 2004 sera substantiel.

Notre cap de réduction des impôts et des charges sera maintenu. L'effort dépendra de la vigueur de la conjoncture et de notre réussite dans la maîtrise de la dépense. La baisse des impôts devra demeurer compatible avec la résorption de nos déficits publics. La politique du Gouvernement se veut à cet égard réaliste et responsable.

Au total, notre action s'inscrit dans une cohérence à long terme, en dépit d'une conjoncture difficile. Elle se résume en quelques principes : maîtriser la dépense pour dégager des marges de man_uvre ; ne pas accroître les prélèvements, et au contraire continuer à les diminuer, au service de l'emploi et de la croissance ; enfin réformer, réformer dans la durée. Réformer les retraites, pour sauver notre système par répartition, le rendre plus juste en donnant plus de liberté à chacun ; réformer l'Etat pour rendre un service plus efficace, plus proche des citoyens grâce à la décentralisation, en prélevant moins sur la richesse nationale ; réformer la santé, pour sauver un système auquel nous sommes attachés, mais qui peut et doit être plus performant sans que son coût échappe à tout contrôle.

Les Français percevront nécessairement les fruits de cette politique de courage, à travers une économie plus forte, des finances publiques assainies et une plus grande liberté pour les agents économiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. La situation économique et sociale étant particulièrement préoccupante, je regrette - avec tout le respect que je dois à M. Lambert - que le ministre de l'économie et des finances ne soit pas présent. Eu égard aux déclarations contradictoires et démobilisatrices de ce dernier, notamment au moment de l'intervention américaine en Irak, nous avions besoin de traiter de ces questions au plus haut niveau.

M. Jean-Michel Fourgous - Voulez-vous que nous rappelions vos prévisions ?

M. Jean-Marc Ayrault - Vos propres déclarations successives, Monsieur le ministre délégué - et notamment la réponse que vous avez apportée hier à une question d'actualité - ne permettent pas d'avoir un débat serein (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Dès que nous vous interrogeons, vous caricaturez notre propos et esquivez nos questions. A chaque fois, vous nous « faites le coup » de l'héritage. Pour avoir un débat de qualité, il faut partir de l'audit que vous avez vous-mêmes commandé, et dont ressortent des prévisions précises sur le déficit budgétaire - les prévisions, vous les avez largement dépassées en 2002, et en 2003 nous allons crever le plafond. Vous êtes là depuis treize mois et vous continuez à dire que c'est de notre faute ! La vérité est que c'est la conséquence de vos choix politiques, assumez-les. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué - Je peux vous assurer de mon entière disponibilité pour répondre à toutes vos questions. Francis Mer, qui a participé à l'audition de la commission des finances, est aujourd'hui à La Baule pour une réunion sur les investissements étrangers en France. C'est tout l'intérêt de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Ce sont les bains de Mer ! (Sourires)

M. Didier Migaud - Il peut se réjouir de nos résultats en la matière !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Nous abordons aujourd'hui le cycle de discussions budgétaires 2003-2004. Je tiens à saluer dès maintenant la courtoisie et la confiance qui président aux relations que les ministres ont su nouer avec la commission des finances. Avant-hier, par exemple, M. Mer et M. Lambert ont passé plus de deux heures à répondre à toutes les questions de la commission.

M. Augustin Bonrepaux - Ils n'ont rien dit !

M. le Rapporteur général - J'aurais aimé que leurs prédécesseurs fissent de même sous la précédente législature, mais cela n'a pas été le cas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Le Gouvernement a estimé cette année qu'il n'était pas nécessaire de présenter un projet de loi de finances rectificative. L'année dernière, il avait à la fois à mettre en _uvre les premières décisions de la nouvelle majorité, notamment la priorité donnée aux dépenses régaliennes comme la sécurité, la justice et la défense et la baisse des impôts, et surtout à tirer les conséquences du dérapage général du budget de l'Etat, dû tant à une augmentation non maîtrisée des dépenses qu'à une perte de recettes sous-évaluée.

M. Augustin Bonrepaux - Cette année, c'est pire !

M. le Rapporteur général - Cette année, l'aggravation du déficit provient de la seule dégradation des recettes. Le décalage, d'environ 5 milliards, résulte d'une activité économique moins dynamique que prévu. En revanche, rien ne permet de penser que l'objectif de dépenses fixé par le Gouvernement ne sera pas tenu. Vous vous arc-boutez, Monsieur le ministre, sur le plafond de 273,8 milliards. Il n'y aura pas un euro dépensé en plus, et c'est toute la différence entre un gouvernement responsable et un gouvernement qui ne l'est pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - Ce n'est pas un propos de rapporteur général !

M. le Rapporteur général - Un collectif budgétaire d'été n'a de sens qu'en cas de changement de cap important. Nous ferons le point sur la régulation des dépenses et la dynamique des recettes dans le collectif de fin d'année. Notre débat actuel porte donc sur les options de l'année 2004.

C'est en période de croissance, on le sait, qu'il faut réduire les déficits publics. Mais rien n'a été fait entre 1998 et 2000.

M. Didier Migaud - Ce n'est pas vrai !

M. le Rapporteur général - Au contraire, face à des recettes exceptionnelles, non renouvelables, ont été engagées des dépenses nouvelles et permanentes : les 35 heures, la CMU ou l'APA. Nous héritons des dépenses, alors que vous avez gaspillé les recettes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Lorsque la dette publique dépasse 60 % de la richesse produite, que le niveau des dépenses est de cinq points et demi supérieur à la moyenne européenne, que la plus grande part du budget est consacrée à la dette et aux charges de personnel, que les prélèvements obligatoires freinent les agents économiques et que les dépenses progressent à un rythme démesuré, il y a urgence à revenir au bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Vous aurez trois heures pour vous exprimer, laissez la parole au rapporteur général !

M. le Rapporteur général - Le Gouvernement a donc élaboré une stratégie d'assainissement des dépenses qui n'a été que trop longtemps différée. Le rapport d'orientation budgétaire propose que les dépenses restent stables en volume entre 2004 et 2006. Monsieur le ministre, vous avez mille fois raison ! Maîtriser la dépense publique n'est pas un choix dogmatique ! Ce n'est pas manier la hache à l'aveuglette !

M. Augustin Bonrepaux - C'est pourtant ce qu'il fait !

M. le Rapporteur général - Cela ne conduit pas au démantèlement des services publics : responsabiliser les agents économiques, ce n'est pas faire disparaître l'Etat régulateur ! L'Etat doit adapter ses interventions pour remplir ses compétences régaliennes : sécurité, défense, justice, cohésion sociale et territoriale, gestion de la croissance et des cycles économiques... Pour y parvenir, il faut redonner des marges de man_uvre au budget de l'Etat. Si nous ne faisons rien, nous serons asphyxiés par le poids de la dette. La réduction de la dépense publique n'est pas une fin en soi. Elle n'a de sens que pour construire un budget adapté à un Etat moderne.

Plutôt que d'arbitrer les querelles savantes des prévisionnistes, qui se trompent tous autant les uns que les autres, il me semble nécessaire d'exposer quelques recommandations simples. L'expérience des années récentes nous montre combien il est nécessaire d'adopter une démarche prudente pour l'évaluation des recettes. Les années 2001 à 2003 ont montré les limites du volontarisme. On a trop vite oublié que la prévision de croissance pour 2001 du gouvernement Jospin était de 3,3 %, pour un résultat d'1,8 % ! Dès 2001, le déficit a recommencé à augmenter ! En 2002, la prévision était de 2,5 % pour 1,2 % en réalité, et cette année nous ne devrions pas dépasser 1 %, contre 2,5 % initialement prévus. Dans ce contexte, la règle appliquée par le Canada prend tout son sens : il faut retenir le bas de la fourchette, et affecter les éventuels excédents à la réduction du déficit. C'est une règle un peu rustique, mais je crois de plus en plus aux règles simples en matière budgétaire ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

L'objectif de 0 % de croissance en volume des dépenses de l'Etat est d'une lisibilité parfaite. Son respect imposera des remises en cause importantes dans le fonctionnement de l'Etat. Le nombre élevé des départs à la retraite de fonctionnaires, ces prochaines années, rendront cet objectif plus aisé à atteindre. En ce qui concerne le solde budgétaire, la ligne directrice doit être que toute réduction d'impôt soit gagée par la réduction pérenne de dépenses équivalentes. C'est le contraire de ce qui a été fait pendant cinq ans, et c'est là aussi une règle simple (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il faut aussi insister sur la nécessité d'évaluer les aspects financiers de tous les textes législatifs et réglementaires. La loi de finances ne rassemble pas, en effet, toutes les dispositions ayant un impact budgétaire. Il faut donc, de la même façon que le Conseil d'Etat est saisi pour avis, que soient menées pour chaque texte, une étude d'impact budgétaire, tant du point de vue des finances de l'Etat que de celles des collectivités locales.

M. Didier Migaud - Eh oui !

M. le Rapporteur général - Si vous vous étiez livrés à cet exercice, nous n'en serions pas là en ce qui concerne l'allocation personnalisée d'autonomie, véritable gouffre pour les collectivités locales ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Enfin, il faut insister sur la qualité de la gestion. Une norme aussi stricte que celle de la globalisation en volume ne pourra être respectée que si les services administratifs y adhèrent. Il faut donc les intéresser à une partie des gains de productivité qu'ils feront. Les expérimentations en cours sont positives, et il est temps d'en tirer des règles générales.

Voilà quelques recommandations élémentaires et de bon sens. Vous tenez, Monsieur le ministre, le bon cap avec la poursuite de la réduction des prélèvements obligatoires pour favoriser le pouvoir d'achat, l'initiative économique et donc l'emploi, et avec la maîtrise absolue des dépenses d'un Etat mieux géré et recentré sur ses missions essentielles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gérard Bapt - Le malheur, c'est qu'il est de bonne foi !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Imaginons ce que serait ce débat si nous avions trouvé, il y a un an, la même situation que nos voisins européens : un déficit de 1,3 % et pas de loi sur les 35 heures... MM. Bonrepaux et Migaud ne pourraient se plaindre ni du gel de six à sept milliards de crédits, ni du niveau du déficit ! Après la période de croissance que nous avons connue, nous aurions dû partir d'un déficit de 1 %, qui serait aujourd'hui environ à 2 %. Nous aurions alors des marges d'action pour alimenter la croissance.

M. Augustin Bonrepaux - Vous les aviez, mais vous les avez gâchées ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Et y aurait-il le même débat sur l'hôpital si nous n'avions à subir les conséquences désastreuses des 35 heures ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Nos compatriotes ont besoin d'être éclairés.

M. Augustin Bonrepaux - Mais vous-mêmes n'êtes pas clairs !

M. le Président de la commission - J'ai moi-même soutenu dans le passé des mesures comme la prime pour l'emploi ou certaines réductions d'impôt. Nous devrions pouvoir aujourd'hui, les uns et les autres, donner un même éclairage à l'opinion. Mais le procès qu'engage la gauche sur les déficits, la situation budgétaire, les gels de crédits, l'assurance maladie...

M. Didier Migaud - Non : le constat !

M. le Président de la commission - .. est un procès qu'elle se fait à elle-même (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Quelle est la part du gouvernement actuel dans cette situation ?

M. Eric Besson - Voyez la Commission européenne !

M. le Président de la commission - La baisse de l'impôt sur le revenu que vous n'aimez pas et la baisse des charges parallèlement à l'augmentation significative du SMIC que vous passez sous silence sont peut-être pour quelque chose dans le niveau de notre croissance, faible mais tout de même supérieur de 0,3 point à la moyenne européenne.

M. Jean-Pierre Brard - Vous vous contentez de peu !

M. le Président de la commission - Le passé pèse donc lourd dans les orientations qu'il faut prendre aujourd'hui.

La première de ces orientations, c'est de retrouver un rythme de croissance plus élevé, la seconde une croissance zéro de la dépense publique. Nous les soutenons totalement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Lors de son premier débat budgétaire, M. Strauss-Kahn avait dit qu'un demi-point de croissance en plus ou en moins constituait une différence décisive dans l'évolution d'un pays par rapport à un autre. Or, si la croissance française fut supérieure à la moyenne européenne de 0,5 point de 1960 à 1973, de 0,25 point de 1973 à 1979, de 1980 à 2000 elle lui fut inférieure de 0,25 point (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Emmanuelli - Faites le détail !

M. Didier Migaud - Ce n'est pas honnête !

M. le Président de la commission - Ce retard accumulé en vingt ans explique notre taux de chômage plus élevé (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ce sont des faits.

M. Didier Migaud - Non ! C'est trop facile !

M. le Président de la commission - C'est bien pourquoi nous approuvons la double orientation du Gouvernement.

D'abord, il existe des marges de productivité dans le secteur public. Selon M. Migaud, y réduire les effectifs, c'est casser le service public. Il sait que ce n'est pas la vérité. Il y a des gaspillages, des marges de productivité à utiliser.

Mme Marie-Anne Montchamp - Absolument !

M. le Président de la commission - Depuis vingt-cinq ans, on parle d'alléger les procédures, de simplifier la vie des usagers sans résultat. Le meilleur moyen d'y parvenir, c'est la discipline budgétaire, accompagnée d'une comparaison constante du coût du service dans le privé.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Président de la commission - C'est cette discipline qui nous incitera à réformer : que l'on pense au Canada ! Nous avons un énorme effort à faire, car dans certains ministères la machine à produire de la complexité et des coûts supplémentaires continue de fonctionner. Il faut modifier les comportements à tous les niveaux,...

M. Gérard Bapt - Oui, à tous les niveaux !

M. le Président de la commission - ...y compris celui des collectivités locales.

Quant aux obstacles à la croissance, ils sont connus. La France n'a pas profité de prix compétitifs en raison de son image, entachée par des faiblesses qu'ont soulignées M. Fabius et M. Charzat. Notre pays est trop réglementé, trop bureaucratique, le système fiscal n'en encourage ni l'initiative ni l'investissement, les prestations sociales pèsent lourd alors que le salaire direct est relativement faible. La France est au quatrième rang en Europe pour le coût du travail, le onzième seulement pour le salaire net.

M. Henri Emmanuelli - Nous sommes la première destination des capitaux internationaux !

M. le Président de la commission - Vous vous contentez d'informations très sélectives ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Emmanuelli - C'est l'OCDE qui le dit !

M. Didier Migaud - Et M. Trichet !

M. le Président de la commission - Pour le budget 2004, nous soutenons la croissance zéro des dépenses. Quant aux déficits, il nous faut tenir nos engagements européens, même si c'est difficile, car la crédibilité de la France est en jeu.

Nous avons déjà diminué d'1,8 milliard les charges et les impôts. Aller plus loin, comme il serait souhaitable, nécessite de concilier l'efficacité et la justice. Il serait difficile d'expliquer une baisse de l'impôt sur le revenu, s'il fallait prendre en même temps des mesures pour financer les dépenses de santé. Des baisses sélectives en faveur de l'épargne ou de l'investissement dans le logement seraient mieux adaptées.

D'autre part, les dépenses des collectivités locales sont de plus en plus importantes. Pour réussir la décentralisation, il faut empêcher qu'on ne l'assimile à une hausse des impôts locaux. Aujourd'hui, il y a transfert de responsabilités des communes aux structures intercommunales, sans que cela conduise à une meilleure gestion de la dépense : c'est parce que le coefficient d'intégration fiscale joue en sens contraire du principe de subsidiarité. Il faut donc le corriger. D'autre part, plus une collectivité dépense, plus elle reçoit en DGF et en dégrèvements. C'est l'opposé d'une gestion vertueuse de la dépense publique. Dans ce domaine également, une correction s'impose.

Nous ne convaincrons les Français que tenir la dépense publique et réformer dans la durée est la seule voie pour réduire le chômage et améliorer le pouvoir d'achat que si nous prenons en même temps des mesures ressenties comme justes. C'est d'abord revaloriser le travail - nous avons commencé -, c'est améliorer les retraites, garantir la sécurité, favoriser l'accession très sociale à la propriété, prendre des mesures pour l'intégration des jeunes en chômage de longue durée. Enfin, ces dernières années, ce sont l'agriculture et l'industrie qui ont le fait plus gros efforts de productivité ; les autres secteurs doivent maintenant apporter leur contribution. C'est pourquoi nous soutenons totalement votre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Ce débat d'orientation budgétaire, désormais institutionnalisé, devait devenir, selon vous, Monsieur le ministre, un « moment fort » de la discussion sur les finances publiques. Le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques devait être enrichi et fournir les grandes orientations de la politique budgétaire au regard de nos engagements européens. On était donc en droit d'attendre une description des comptes des administrations publiques par sous-secteur, comme vous-même l'aviez évoqué.

Nous sommes donc très déçus par ce rapport qui ne répond ni aux nouvelles exigences de la loi organique ni à nos attentes. Malgré vos efforts que je crois sincères, le Gouvernement confond la transparence avec le marketing, les aveux tardifs et, le plus souvent, le mensonge (M. le ministre délégué rit).

M. le Rapporteur général - Quel excès !

M. Didier Migaud - Bref, le seul intérêt de ce rapport est de fournir l'aveu de l'insincérité de la loi de finances (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Puisque le Gouvernement ne le fait pas, je veux donc essayer de mesurer l'ampleur « titanesque », selon le mot d'un commissaire européen, de l'effort que les Français devront fournir en 2004.

Le Gouvernement ne dit pas la vérité sur la situation des finances publiques, dont la Commission européenne et la Cour des comptes ont bien décrit la dégradation. Il consent à la reconnaître, mais refuse d'admettre que ce sont d'abord ses propres décisions qui en sont la cause (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP). Il préfère invoquer la conjoncture, qui certes n'est pas brillante, et l'héritage. Il est étonnant qu'un gouvernement qui se targue de réaffirmer l'autorité de l'Etat cherche à se défausser de ses responsabilités après avoir fait pas moins de trois lois à caractère de loi de finances. La commission des finances de l'Assemblée fait d'ailleurs preuve d'un silence assourdissant à cet égard, et il est surprenant que ce soit celle du Sénat qui se montre plus lucide... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Laffineur - Vous ne disiez pas cela l'an dernier !

M. Gérard Bapt - La droite va supprimer le Sénat !

M. Didier Migaud - Je constate le progrès qu'elle accomplit. Si nous sommes en désaccord complet sur les propositions de M. Marini, nous notons qu'il partage à l'évidence notre constat.

Selon le président de notre commission des finances, la dérive des comptes peut être attribuée pour 90 % aux 35 heures. Le raisonnement ne tient pas car, d'une part, il ne s'agit pas de dépenses nouvelles et, d'autre part, les allégements de charges liés aux 35 heures ne coûtent pas plus cher que la ristourne Juppé ou les allégements de Robien, qui mobilisent la moitié du FOREC (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Rappelons d'ailleurs que celui-ci est équilibré en 2002.

M. Michel Bouvard - Grâce à des transferts du FSV !

M. Didier Migaud - Les 35 heures ne peuvent donc être tenues pour responsables de la dérive des comptes. Celle-ci, comme le constatent à la fois, la Commission européenne et la Cour des comptes, est due en grande partie aux décisions du Gouvernement, et en particulier aux dépenses supplémentaires - notamment pour les professions de santé - et à la baisse de l'impôt sur le revenu. Le Gouvernement a fait le choix de laisser le déficit se creuser pour mieux noircir le bilan de son prédécesseur (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Loin d'avoir fait jouer les stabilisateurs automatiques, il a abaissé de 6,5 % les crédits destinés à l'insertion des publics en difficulté, tout en accroissant fortement les dépenses militaires.

Quand nous avions été confrontés, en septembre 2001, à un brutal ralentissement de la croissance, nous avions réagi par l'injection de 10 milliards de francs, notamment grâce à la création de la prime pour l'emploi, alors que le Gouvernement actuel démantèle les politiques d'aide à l'emploi.

La dégradation des comptes publics - alors même que notre pays n'est pas en récession - a été recherchée par clientélisme et calcul politicien : le Gouvernement a prodigué les largesses fiscales aux foyers aisés tout en accusant ses prédécesseurs d'être responsables de la situation budgétaire.

Nous sommes maintenant menacés de sanctions par l'Union européenne. En vous affranchissant délibérément de vos engagements européens, vous avez bloqué toute avancée quant aux modalités d'application du pacte de stabilité et poussé nos partenaires de la Commission à réclamer une application stricte de ses règles. Le Conseil européen a adopté des recommandations particulièrement contraignantes à l'égard de la France, sans d'ailleurs qu'aucun député UMP ne réagisse, alors qu'il s'agit bien d'une mise sous tutelle de nos finances pour les années à venir !

C'est sous la pression européenne que le Gouvernement a mis en _uvre, dès le 4 février dernier, un plan de régulation qui a gelé plus de 10 milliards d'euros de crédits, dont 1,4 milliard sont même annulés purement et simplement. Cette régulation est profondément récessive car elle porte sur des dépenses civiles d'investissement, et elle vous a amenés à revenir sur votre engagement de laisser consommer en 2003 la totalité des crédits reportés de 2002 : en fait, les deux tiers des crédits reportés ont été gelés et seront sans doute annulés. L'ampleur de cette régulation, dont MM. Fillon et Mattei ont reconnu qu'elle paralysait l'activité même de leur ministère, n'est qu'un avant-goût de ce qui attend les Français en 2004. La Commission européenne a exigé des « efforts titanesques », d'autres ont parlé d'« équation impossible » ou, comme M. Marini, de « quadrature du cercle budgétaire ». C'est dire l'impasse dans laquelle nous nous trouvons, par la faute du Gouvernement et des promesses démagogiques du candidat Jacques Chirac (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

La France doit ramener son déficit public sous 3 % du PIB en 2004, sous peine d'une sanction financière pouvant atteindre 7,5 milliards d'euros. Or si le Gouvernement ne prend pas de mesures supplémentaires, la Commission estime que le déficit atteindra 3,7 % du PIB. Il faudrait donc le réduire de 13 milliards d'euros en un an. L'annulation des crédits gelés semble, dès lors, inéluctable, et elle aura lieu dans le collectif d'automne - car il en faudra bien un, Monsieur le rapporteur général : le Conseil constitutionnel a estimé que ce collectif était indispensable lorsqu'il y avait un écart important entre les prévisions et la réalité - ce qui est le cas.

On doit déplorer que ces crédits fictifs aient été inscrits en loi de finances initiale : c'est un manquement à l'exigence de sincérité (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Tron - Parlez-nous de la sincérité du budget 2002 !

M. Didier Migaud - Il faut ajouter à ces 13 milliards les exonérations promises pour 2004 au titre de l'ISF, de la loi Pons, du mécénat, des zones franches urbaines, ainsi que les baisses supplémentaires de l'impôt sur le revenu et de la TVA sur la restauration. Au total, il faudra trouver quelques 20 milliards d'euros pour éviter la sanction financière de l'Union européenne. Excusez du peu !

Incapable de relancer la croissance, le Gouvernement n'a d'autre choix que de mener une politique d'austérité. Philippe Marini propose d'ailleurs des pistes, dont je redoute qu'elles ne soient suivies par le Gouvernement, comme le non-remplacement d'un fonctionnaire retraité sur deux, soit la suppression de 400 000 postes d'ici 2016 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Quant aux baisses d'impôts, que M. Marini juge dangereuses, elles seront encore plus ciblées sur les foyers les plus aisés - un journal affirme même aujourd'hui qu'elles devraient être réservées aux contribuables étrangers ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Je me réjouis de la lucidité de M. Marini ; M. Carrez n'est d'ailleurs pas en reste puisqu'il a crié hier à la tribune : « Halte aux prévisions mirifiques de recettes fiscales ! »

M. le Rapporteur général - Je parlais des budgets 2001 et 2002 !

M. Didier Migaud - On ne pourrait juger plus sévèrement vos propres prévisions pour 2003 ! Pendant des mois, Jean-Pierre Raffarin nous a bercés d'illusions : la France, libérée de ses entraves, allait se déployer tel un phénix et atteindre 2,5 % de croissance. En réalité, l'économie n'en finit pas de languir, et la croissance ne sera que de 0,8 % en 2003. Pour la première fois depuis 1996, le nombre d'emplois détruits excède celui des emplois créés et le chômage poursuit son ascension, à laquelle le Gouvernement contribue directement en supprimant les emplois-jeunes. Certains ont ainsi pu dire que l'Etat était le premier « licencieur » de France !

L'activité industrielle stagne. Heureusement, la forte compétitivité de notre économie continue d'attirer les investissements étrangers : sur ce point, plusieurs rapports objectifs ont complètement démenti les discours mensongers de la campagne électorale de M. Raffarin et de M. Chirac. L'OCDE place en effet la France en deuxième position, la Banque de France en première. J'espère que M. Mer se sera réjoui, à la réunion de La Baule, de ces résultats, qui sont l'aveu du formidable mensonge que vous avez proféré pendant des mois, trompant ainsi les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Quant à la consommation, elle a reculé de 1,6 % en mai. C'est la conséquence de la diminution du pouvoir d'achat des salariés. Une fois de plus, le Gouvernement y a contribué en refusant de réactiver la TIPP flottante et en autorisant de multiples augmentations de tarifs publics.

La révision de croissance à laquelle a procédé le Gouvernement réduit les prévisions de recettes fiscales de 9 milliards d'euros, ce qui nous rend perplexes quant à la prétendue « prudence » avec laquelle il prétendait les avoir calculées ! Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les propos d'Alain Lambert qui affirmait, le 22 octobre 2002, que « l'influence de la croissance sur le budget 2003 ne sera pas aussi importante que chacun veut bien l'imaginer ». La neutralité du taux de croissance sur le niveau des recettes fiscales est également mise en avant par Gilles Carrez. Pourtant, le 4 février, il nous indiquait lui-même qu'un point de croissance en moins coûte environ 1,7 milliard de recettes au budget général. L'aveu officiel de 5,1 milliards de moins-values représente donc trois points de croissance en moins : cela signifie que le Gouvernement a surestimé les prévisions de recettes fiscales dans son budget pour 2003. Pour satisfaire les recommandations pressantes de l'Union européenne, il devra donc réduire massivement les dépenses publiques et accroître les prélèvements sur le plus grand nombre, tout en ciblant quelques baisses d'impôts sur les foyers les plus aisés.

On le voit dans les propositions de M. Marini - et M. Raffarin l'a aussi laissé entendre - les baisses d'impôt en 2004 seront encore plus ciblées que celles de 2002 et 2003. Désormais seuls les contribuables suffisamment fortunés pour investir outre-mer, faire du mécénat ou investir au capital d'entreprises cotées, pourront profiter de vos largesses fiscales. Pour tous les autres, la seule question, à laquelle le Gouvernement ne répond d'ailleurs pas, est de savoir sur qui pèsera l'effort.

Sur la sécurité sociale, le Gouvernement se montre très évasif, et le pire est à craindre. Les déremboursements massifs déjà décidés seront, laisse-t-on entendre, suivis d'autres mesures. Le remède de cheval que prépare le Gouvernement tend à réduire la qualité des prestations et à augmenter les prélèvements.

De nombreuses charges seront transférées du budget général aux collectivités locales, lesquelles, n'ayant pas le droit de voter des budgets en déficit, devront augmenter leurs propres impôts, de sorte que les contribuables subiront une hausse globale des prélèvements obligatoires. Vis-à-vis de la Commission européenne, cela sera tout bénéfice pour le Gouvernement, puisque les comptes de l'Etat seront améliorés, tandis que les collectivités locales devront alourdir leur fiscalité pour couvrir leurs suppléments de charges.

A cet égard, il convient de mettre fin au mythe selon lequel le TIPP serait une ressource « dynamique », dont l'évolution couvrirait spontanément celle des charges transférées. De 1991 à 2001, la commission sur les produits pétroliers n'a augmenté que de 6 %, et le PIB de 20 %. Si le produit de la TIPP a augmenté de 32 % pendant la même période, c'est donc principalement du fait de la forte hausse de son taux, décidée par MM. Balladur et Juppé - et il en ira de même demain.

La situation des finances publiques laisse présager une véritable cure d'austérité budgétaire, alors que les ministères sont d'ores et déjà paralysés. Au-delà d'un discours aux relents poujadistes sur la réduction du train de vie de l'Etat, ce sont des pans entiers des politiques publiques qui sont mis en cause. Ainsi, en 2003, dans la région Rhône-Alpes, un tiers seulement de la dotation nécessaire au respect du contrat de plan en matière ferroviaire a été alloué, et sur cette enveloppe réduite plus de 15 % des crédits d'investissement ont été gelés. Le fonctionnement proprement dit de l'Etat ne représente que 7 milliards. Une hypothétique économie de 20 % ne ferait donc gagner que 1,4 milliard. On est donc loin du compte, d'autant que, contrairement aux affirmations de la droite, le précédent gouvernement a bel et bien maîtrisé la dépense publique : exprimée en proportion du PIB, celle-ci a diminué de 2,4 points entre 1997 et 2001, contre 2 points dans la zone euro. Si l'on veut aller plus loin brutalement pour des motifs idéologiques, ce n'est plus à l'os que l'on va s'attaquer en 2004, mais à la moelle, et ce sont les Français les plus modestes qui souffriront le plus.

Nos critiques, Monsieur le ministre, peuvent vous paraître sévères.

M. le Ministre délégué - C'est vrai !

M. Didier Migaud - Elles ne vous visent pas personnellement. Le premier responsable de la situation est le Président de la République. On cherchait hier « qui pilote l'avion ». Ce n'est pas le Premier ministre, qui est surtout, en fait, une sorte de ministre d'Etat chargé de la décentralisation (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Nos critiques correspondent à une réalité constatée, y compris par la Cour des comptes et la Commission européenne, voire par la commission des finances du Sénat. Le Gouvernement ne nous fournit guère d'indications sur sa politique. Les ministres déclarent aussi que la crroissance risque d'être plus faible qu'on ne l'a dit, et le déficit plus élevé ; mais, ajoutent-ils, le second semestre pourrait être meilleur...

Nous attendons du Gouvernement autre chose que ces considérations vagues. Voici donc quelques questions précises. Quelles conséquences le Gouvernement tire-t-il de la révision des prévisions de croissance ? Sur quels budgets pourraient porter de nouvelles annulations, et pour quel montant ? Les crédits aujourd'hui gelés seront-ils annulés ? Le Gouvernement va-t-il afficher, pour le budget 2004, un déficit de 2,9 % du PIB ? Comment sera réparti l'effort titanesque de 20 milliards qui s'ensuivra ? Quelle norme de remplacement des fonctionnaires partant à la retraite sera retenue ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de baisses d'impôts ? La baisse de la TVA sur la restauration est-elle toujours d'actualité ? Comment concrétiser la baisse de l'impôt sur le revenu annoncée par le Président de la République ?

Nous attendons des réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Nicolas Perruchot - Nous traversons une crise budgétaire extrêmement grave. Au cours des cinq dernières années, tous les efforts de rigueur déployés entre 1993 et 1997 ont été réduits à néant.

Aujourd'hui, confronté à une croissance molle, asphyxié par le manque de marges de man_uvre budgétaires, freiné par la baisse de la productivité du travail qu'induit la réduction imposée du temps de travail, contraint par l'insuffisance des investissements dans la recherche et le développement, ralenti par l'absence de réformes de fond, notre pays n'a plus d'autre choix que de se réformer en profondeur et à marche forcée.

M. le Président de la commission - Absolument !

M. Nicolas Perruchot - Depuis juillet dernier, le groupe UDF défend une position de principe constante : réduire la dépense, réduire la pression fiscale pesant sur le travail et sur l'initiative, engager les quatre réformes indispensables : réforme des retraites, décentralisation, réforme de l'assurance maladie, réforme de l'Etat.

J'aime l'expression du ministre : « agir en bon père de famille ». Nous ne pouvons plus continuer à dépenser à crédit et à payer nos crédits par d'autres crédits. Nous n'avons pas le droit de suivre le mauvais exemple de nos prédécesseurs, en refusant de nous serrer la ceinture, au risque d'accabler les générations suivantes.

Nous traversons, je l'ai dit, une crise budgétaire grave, qui fait de la France une exception au sein de l'Union européenne et dans laquelle la responsabilité du gouvernement précédent ne fait aucun doute.

Entre 1993 et 1997, nous avions réduit le déficit de plus de 3 points, pour arriver à 3 %, et ce en l'absence de croissance. Nous avons laissé à nos successeurs un taux d'imposition de 44 % du PIB et un niveau de dépenses de 53,9 %. Cinq années plus tard, qui furent cinq ans de croissance soutenue, 20 % seulement des recettes supplémentaires ont été investies dans la réduction du déficit public. La part des dépenses publiques dans le PIB n'a pas baissé et l'effort de réduction de la dette a été interrompu en 2000. Plus grave : aucune des quatre grandes réformes nécessaires n'a été engagée en cinq ans. La modernisation du ministère des finances a été abandonnée ; la réforme des retraites a simplement fait l'objet de nombreux rapports, préconisant notamment un allongement de la durée de cotisation ; la régulation des dépenses de santé s'est exclusivement traduite par le gel de la rémunération des actes et par le rationnement volontariste de l'offre médicale ; en guise de décentralisation, l'Etat a imposé aux collectivités territoriales d'assumer le coût faramineux de ses réformes ; en guise de renforcement du dialogue social, il a imposé une réduction obligatoire du temps de travail dont personne ne voulait.

Au lieu de prendre acte des dérives budgétaires, le gouvernement précédent a laissé filer les dépenses, laissant comme d'habitude aux successeurs la lourde tâche de payer les factures.

Ces comportements irresponsables nous ont menés à une grave crise budgétaire. Le déficit public, égal à 3,1 % en 2002, atteindra au minimum 3,5 en l'absence de mesures correctrices supplémentaires. Cette dégradation par rapport à la prévision de 2,5 % correspond à peu près à un point de PIB, soit 15 milliards. Elle est principalement imputable à la baisse des recettes, qui était prévisible dès l'automne. Nous avions alors appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de présenter un budget ajustable, avec plusieurs hypothèses de croissance.

M. Gérard Bapt - Il ne vous a pas écoutés !

M. Nicolas Perruchot - Nous estimions qu'une baisse de la croissance de 2,5 % à 1,3 % se traduirait par une obligation d'économies de 10 milliards si nous voulions stabiliser le déficit. Aujourd'hui il est vraisemblable que la croissance n'atteindra que 0,8 % en 2003, ce qui implique de moindres recettes fiscales et une dégradation encore plus forte de notre déficit public.

La dette publique s'élèvera à plus de 60 % du PIB dès 2003, contre 58,8 % annoncés. La dette par berceau, qui était déjà de 1,1 million pour chaque naissance dans l'année, croît encore obérant les dépenses pour l'avenir, sans compter les divers « faux nez » tel que l'EPFR, les fonds budgétisés comme le FOREC et le CADES, et les engagements invisibles de l'Etat.

M. Gérard Bapt - Quel réquisitoire !

M. Nicolas Perruchot - Pour rembourser les intérêts de cette dette, nous avons été obligés en 2002 de contracter de nouveaux emprunts, autrement dit de faire de la cavalerie budgétaire. Ce procédé inadmissible fait peser une charge considérable sur les générations futures, d'autant que les taux d'intérêt sont actuellement au plus bas. Imaginez-vous l'effet « boule de neige », lorsque la croissance reprendra et que les taux remonteront ? Je salue les prouesses faits par l'agence France Trésor pour réduire le coût de notre dette, mais il est temps maintenant de faire face à nos responsabilités.

Qui paye ce déficit ? Evidemment, les générations futures, mais également le pays tout entier et, surtout, les plus défavorisés.

M. Jean-Pierre Brard - C'est votre choix !

M. Nicolas Perruchot - L'accroissement constant des charges de la dette implique une réduction de la marge de man_uvre en matière d'investissement et donc de compétitivité. La baisse de la compétitivité nuisant à l'emploi, la priorité accordée à la réduction du déficit et de la dette est la condition sine qua non du respect de notre pacte social.

M. Henri Emmanuelli - Vous avez préféré la démagogie !

M. Nicolas Perruchot - Le Gouvernement en est conscient, et le groupe UDF soutiendra les efforts indispensables de rigueur budgétaire qu'il ne manquera pas de proposer.

M. Gérard Bapt - C'est contradictoire avec votre discours !

M. Nicolas Perruchot - J'entends déjà les cris de mes collègues de la gauche. C'est une technique bien connue que d'accuser en premier lorsque l'on est coupable. Nous n'avons pas fini de subir les conséquences funestes de vos mesures, au mieux, inopportunes, au pire, non financées.

M. le Rapporteur général - Bien dit !

M. Nicolas Perruchot - Elles affectent, en effet, doublement les déterminants de la croissance et de l'emploi.

En n'assainissant pas les finances publiques en période de vaches grasses, le précédent gouvernement a décrédibilisé les politiques fiscales de baisse d'impôts et entraîné une fuite vers l'épargne, au détriment de la consommation. La France a le plus fort taux d'épargne en Europe : en cinq ans, il est passé chez nous de 13 % à 17 % du revenu disponible alors que les Etats-Unis connaissent un taux d'épargne négatif et les autres payés européens des niveaux beaucoup plus normaux. Il conviendra d'ailleurs de s'interroger sur le taux de l'épargne réglementée au moment où la politique publique doit inciter à la consommation.

L'instauration des 35 heures fait peser une charge considérable sur les finances publiques à travers le détournement des recettes sociales vers le FOREC. En outre, les allégements de charges sociales mis en place dans le cadre de lois Aubry I et Aubry II n'ont que partiellement compensé la hausse du coût du travail. Plusieurs années seront nécessaires avant que ce choc soit absorbé et que nous puissions engager une réduction structurelle de la pression fiscale et sociale sur le travail.

L'absence de réforme ambitieuse de la fiscalité des entreprises est particulièrement défavorable aux PME qui sont surtaxées de 23 % par rapport aux grandes entreprises.

Enfin, la dégradation de nos finances publiques compromet notre capacité d'innovation technologique. Face à la concurrence des pays à faible coût de main-d'_uvre, la France ne peut créer de l'emploi et de la richesse qu'en développant son avantage technologique. Or, elle consacre seulement 2,2 % de son PIB à la recherche, qui souffre de plus d'un manque de performance économique (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Les incitations à la recherche privée n'ont pas été renforcées au cours des cinq dernières années, contribuant au retard de la France dans les technologies de l'information et de la communication, les biotechnologies et les nanotechnologies.

La France doit rejoindre la norme européenne, condition de la croissance et du plein emploi.

Le pacte de stabilité et de croissance a pour vocation d'assurer la solidarité entre les Etats européens. Il serait mal venu de le remettre en question, tout en appelant la Banque centrale européenne à baisser ses taux, pour lui reprocher ensuite d'avoir laissé filer l'inflation.

Ce pacte est fondé sur des objectifs communs : plafonnement du déficit à 3 % du PIB, de la dette à 60 % du PIB, et engagement à atteindre un équilibre ou un excédent budgétaire à moyen terme. Certes, on pourrait envisager un objectif de réduction des déficits structurels, corrigés des effets conjoncturels mais comment ne pas voir que cet objectif est plus ambitieux encore qu'un objectif nominal de 3 % du PIB.

Lors du Conseil des ministres de l'économie et des finances, la France s'est engagée à respecter des objectifs qualitatifs pour 2003 et quantitatifs pour 2004. En ce qui concerne 2003, elle doit aller au-delà de l'effort accompli de janvier à juin. Pour 2004, elle doit remplir deux conditions cumulatives : réduire le déficit structurel de 0,5 point de PIB et ramener le déficit nominal à moins de 3 %. Nous, parlementaires, serons les premiers juges des moyens qui nous seront présentés par le Gouvernement, lequel a désormais une obligation de résultat.

Dans la situation actuelle, nous ne pouvons confier à la seule croissance le rôle d'assainir nos finances publiques. Pour regagner des marges de man_uvre, pour améliorer la performance de la dépense publique, pour rétablir l'équilibre budgétaire à moyen terme, le groupe UDF estime que le projet de loi de finances pour 2004 devra respecter plusieurs impératifs.

Il s'agit tout d'abord de réduire d'au moins 0,5 point notre déficit structurel. Nous souhaitons que le Gouvernement traduise cet engagement européen en norme de progression des dépenses et d'évolution du déficit nominal selon différentes hypothèses de croissance, et qu'il nous tienne informés de son exécution, par exemple, sur une base trimestrielle.

Nous devons ensuite dégager un solde primaire positif. En 2002, et pour la première fois depuis plusieurs années, ce solde primaire, c'est-à-dire avant paiement des intérêts de la dette est négatif. Nous ne pouvons plus continuer à nous endetter pour rembourser les intérêts de nos emprunts.

Il s'agit enfin d'adopter une stratégie à long terme. La mise en _uvre des quatre grandes réformes - Etat, décentralisation, retraites, maladie - est la condition du retour à l'équilibre budgétaire. Le vieillissement démographique et la dérive tendancielle des dépenses de santé feront en effet peser une lourde charge sur notre budget dans les années à venir.

Le Gouvernement a pris ses responsabilités en proposant une réforme des retraites et en préparant une réforme de l'assurance maladie. La réforme des retraites devra être néanmoins prolongée car elle ne permet de financer que le tiers des besoins : 5,6 milliards sur 15 pour le régime général ; 13 sur 28 pour la fonction publique. Au total, 27 milliards d'euros environ restent à trouver.

M. Pascal Terrasse - Vous commencez enfin à le reconnaître !

M. Nicolas Perruchot - L'avenir est encore plus noir concernant l'assurance maladie, dont le déficit devrait passer de 6 milliards l'an dernier à 10 milliards cette année et à près de 14 milliards en 2004.

M. Augustin Bonrepaux - A qui la faute ?

M. Nicolas Perruchot - Nous estimons que le financement supplémentaire des retraites coûtera 0,15 point de PIB par an après réforme, et l'assurance maladie entre 0,15 et 0,2 point. Face à cette dérive structurelle, la maîtrise des dépenses selon une norme de progression de 0,2 %, voire de 0 %, en volume ne suffira pas. Seule une réduction des dépenses sur certains postes, à hauteur de 0,3 point de PIB, permettra de stabiliser la hausse, sans pour autant améliorer le déficit public. L'explosion du déficit de l'assurance maladie pose la question d'une nouvelle source de financement. Nous ne pourrons accepter que le déficit soit rejeté sur les générations à venir.

M. Pascal Terrasse - Eh oui !

M. Nicolas Perruchot - Le groupe UDF attend du Gouvernement qu'il se comporte avec responsabilité et qu'il dise la vérité aux Français : comment financerons-nous dès 2004 les déficits de l'assurance maladie ?

Il ne s'agit pas pour nous de rendre la tâche du Gouvernement plus difficile, mais de compenser l'incertitude qui pèse sur la fixation d'une prévision de croissance, généralement cinq ou six mois avant l'adoption du budget pour l'année suivante. En prévoyant plusieurs scénarios, le Gouvernement annoncerait dès l'automne sa règle de conduite en cours d'année, en cas de dégradation de la conjoncture.

Mal expliqués aux Français, mal perçus par les ministères dépensiers et souvent mal ciblés, les gels et annulations de crédits sont mal ressentis. En cours d'année, on ne joue en effet que sur les dépenses en capital et sur les dépenses d'intervention - l'Etat, mauvais payeur, met aussi en péril ses fournisseurs et sous-traitants.

Le Gouvernement a tout à gagner à une telle procédure. J'espère donc que nous serons entendus sur ce point, clef d'une gestion transparente, souple et responsable des finances publiques.

Le choix de la prévision de croissance ne doit pas être volontariste, mais responsable. Dans un contexte de marges de man_uvre nulles, nous ne pouvons pas nous permettre de dépasser, même de quelques dixièmes de point, la prévision moyenne des économistes. Il sera toujours temps de discuter de l'usage, le cas échéant, d'une cagnotte bienvenue. Ce ne serait pas agir en bon père de famille que de retenir une borne haute de prévision sous prétexte de ne pas freiner la consommation. Une entreprise qui agirait de la sorte s'exposerait au risque d'une sévère sanction boursière. Il n'y a pas de raison pour que l'Etat agisse autrement.

Je suis donc inquiet lorsque le Gouvernement prévoit une hypothèse de croissance de 2,5 %. Quand les prévisionnistes l'envisagent à 1,8 %, d'autant que, le mois dernier, ils prévoyaient encore 2 %, il y a trois mois 2,2 %. Le groupe UDF souhaite que le Gouvernement retienne l'hypothèse la plus basse, soit entre 1,3 % et 1,5 %.

Il convient également de réduire la dépense publique. Sans baisse des dépenses de l'Etat, il ne pourra y avoir de stabilisation des dépenses publiques du fait de la dérive des dépenses sociales. Les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités en augmentant les contributions aux dépenses sociales et en réduisant les dépenses. A nous maintenant de prendre les nôtres.

M. Augustin Bonrepaux - L'Etat n'a plus de moyens, et vous proposez de les réduire encore !

M. Nicolas Perruchot - A ceux qui font valoir que d'autres pays ont des niveaux de dépense publique supérieur au nôtre, je rappelle que si, par exemple, la Suède dépense apparemment plus, son périmètre de dépense publique est bien plus large que le nôtre. Autrement dit, elle dépense plus pour recevoir plus et mieux. Elle peut d'ailleurs se le permettre, car elle connaît un excédent budgétaire.

En France, la dépense publique n'est pas assez efficace. Ainsi l'augmentation des moyens de l'éducation nationale n'a pas permis de résoudre ses problèmes structurels. Le nombre de brevets déposés par les chercheurs publics n'est pas à la hauteur du budget de la recherche. Nous finançons un grand nombre d'associations, sans pour autant nous assurer de l'efficacité du service rendu.

L'efficacité budgétaire suppose de responsabiliser les acteurs de la dépense ; de cibler la baisse sur la base d'une mesure de la performance de la dépense publique ; d'améliorer la productivité du travail dans la fonction publique comme dans tous les secteurs de l'économie ; de mettre sur le marché les biens et les services pour lesquels l'Etat est moins performant que le secteur privé ; et, enfin, d'expliquer cette politique aux Français.

M. Jean-Pierre Brard - On va faire comme les Anglais !

M. Nicolas Perruchot - Le groupe UDF veillera à ce que des réductions substantielles et pérennes de dépenses soient proposées et à ce que les crédits mis en réserve ne soient pas redistribués à d'autres ministères. Le cas échéant, nous proposerons des amendements de réduction des dépenses.

Il ne saurait cependant être question de réduire des dépenses utiles. A cet égard, le groupe UDF ne peut approuver le principe d'une réduction globale du budget de l'éducation nationale, qui est, avec la recherche, la clef de la croissance et de l'emploi de demain.

Il est aisé d'améliorer la productivité du service public. La mise en _uvre de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu représenterait ainsi une économie substantielle. Il faut partir des missions pour redéfinir, le cas échéant, les structures. Les plus efficaces sont souvent des structures ad hoc, dérogatoires au droit commun, empruntant à la culture du secteur public comme à celle du secteur privé. Je pense aux autorités administratives indépendantes et aux agences comme l'agence France Trésor. La réforme de l'Etat a toute sa place dans celle des finances publiques.

Mon collègue Gilbert Gantier vous parlera des baisses d'impôts. Je me bornerai à rappeler que, pour être pérennes, elles doivent être gagées par une réduction des dépenses. Or, nous n'avons plus de marges de man_uvre pour réduire les recettes fiscales en 2004.

Pour l'UDF, le meilleur gage à long terme d'une gestion saine des finances publiques est la responsabilisation de tous les acteurs. Si l'argent que je dépense sort de mon propre porte-monnaie et non de celui du voisin, je réfléchirai à deux fois avant de dépenser. Tirons donc les conséquences de ce principe.

M. Jean-Pierre Brard - Il y a des gens qui sont plus généreux que vous !

M. Nicolas Perruchot - Pourquoi maintenir les collectivités locales sous tutelle ? Le groupe UDF demande la liberté de fixer les taux des impôts locaux - sous certaines conditions - et l'autonomie fiscale des collectivités locales. Le Gouvernement a refusé d'inscrire ce principe dans la loi constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République, lui préférant celui de compensation intégrale des transferts de compétences et celui de part déterminante des ressources propres, sans que tout le monde s'accorde d'ailleurs sur le contenu de ces ressources propres. Pour nous, il ne saurait y avoir de démocratie locale sans autonomie fiscale. Les élus locaux ne sont pas moins responsables que les autres. Ils sont en outre plus exposés à la sanction électorale.

La réforme de l'assurance maladie passe par la responsabilisation de tous les acteurs. Nos prédécesseurs ont cru que la fixation volontariste de normes de progression des dépenses et la pénalisation des praticiens suffiraient à équilibrer le système. La situation calamiteuse dans laquelle nous nous trouvons m'épargne tout commentaire.

Le Gouvernement entend redélimiter le périmètre entre dépenses socialisées relevant de la solidarité nationale et dépenses privées pouvant faire l'objet d'assurances complémentaires. Nous soutenons cette démarche, si elle se traduit par l'instauration d'une franchise jusqu'à un certain montant.

Mais, pour réguler les dépenses de santé, on ne pourra faire l'économie d'une responsabilisation des praticiens, des patients et des collectivités locales. L'UDF soutient une régionalisation de la gestion des ressources : les acteurs locaux sont le plus à même de définir les besoins et d'attribuer les ressources. Trop souvent, on a subi une politique de numerus clausus déconnectée des besoins, de sorte qu'on se retrouve aujourd'hui avec des déserts médicaux. Les acteurs locaux sauront apprécier l'opportunité d'une réorganisation du maillage médical.

Enfin, la maîtrise des finances publiques passe par la réforme de l'Etat, notamment par la responsabilisation des acteurs de la dépense. Le ministère de l'économie et des finances, et principalement sa direction du budget, assume aujourd'hui seul la responsabilité de la réduction des dépenses. Je suis frappé, en tant que nouveau parlementaire, par la schizophrénie qui affecte le débat budgétaire. Le Gouvernement adopte une ligne budgétaire, mais les ministères dépensiers ne s'y rallient que du bout des lèvres. Les députés réclament l'assainissement des finances publiques, mais ne proposent aucune réduction de dépense, voire demandent des hausses.

La loi organique sur les finances publiques est donc une chance que nous devons saisir.

Le groupe UDF attend du Gouvernement qu'il propose dès cette année une vision stratégique du budget, sur le modèle de ce que seront les missions et programmes, par exemple sur quelques ministères pilotes. Cette présentation ne peut se contenter d'être un simple habillage du statu quo. Elle doit correspondre à une vision stratégique de la dépense et être assortie d'indicateurs fiables, afin que nous puissions en tirer un bilan l'année suivante.

Cette réforme essentielle mettra fin à une situation déprimante : confrontés à des bleus budgétaires par ministère, sans visibilité de l'efficacité de la dépense, nous en venons naturellement à reconduire les enveloppes ou à nous en remettre à la sagesse du Gouvernement.

Enfin, la réforme vise à responsabiliser les responsables des missions et des programmes. Nous souhaitons savoir comment le Gouvernement entend-il mettre en _uvre cette responsabilité.

Sur tous ces points, la mission d'information sur la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances a interpellé le Gouvernement. Nous ne doutons pas de la détermination du ministre délégué à donner tout son sens à une réforme qui lui doit beaucoup et qui permettra enfin à la France d'avoir une gestion moderne de la dépense publique, conforme aux attentes de nos concitoyens.

Il nous faut respecter nos engagements, sous peine de perdre toute crédibilité aux yeux de nos partenaires et d'aggraver encore et toujours la dette publique.

Il nous faut expliquer aux Français les difficultés de financement de l'assurance maladie et ne pas leur cacher, par des montages techniques, les choix qui s'imposent.

Il nous faut assumer pleinement notre pouvoir financier en n'hésitant pas le cas échéant à revoir les hypothèses de croissance du Gouvernement, ou en proposant des réductions de dépenses.

La tâche du Gouvernement est aujourd'hui complexe. La seule façon de passer ce cap difficile est de dire la vérité aux Français. C'est ainsi que le groupe UDF envisage son rôle au sein de cette assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Président de la commission des finances - Très bien !

M. Jean-Claude Sandrier - Monsieur le ministre, vous venez devant l'Assemblée nationale avec un double handicap. Vous nous avez présenté un budget 2003 établi sur des bases erronées. Vous déclariez en 2000 vouloir « en finir avec le mensonge budgétaire », mais vous vous y êtes parfaitement acclimaté, à tel enseigne qu'à sa façon, notre rapporteur général a cru devoir vous dire : « Halte aux prévisions mirifiques ! ».

Autre handicap : après plus d'un an de gouvernement, votre bilan est catastrophique. Record absolu pour le déficit budgétaire, records du taux de chômage, record de la baisse des impôts des plus riches - y compris de l'ISF -, record des gels et annulations de crédits - et il paraît que ce n'est pas fini ! -, record des coupes dans des budgets importants pour la croissance - emploi, logement, recherche, éducation nationale, transports... Bref, votre bilan est désastreux. Et il ne sert à rien de vous réfugier derrière « la mauvaise gestion » de vos prédécesseurs : en criant si haut au déficit légué, vous ne vous rendez que plus coupables de l'avoir aggravé par votre choix de multiplier certaines dépenses et baisses de charges tout en réduisant les rentrées fiscales !

Le document d'orientation budgétaire qui nous est soumis ne tend qu'à justifier une fuite en avant vers un capitalisme dur. Nous n'échappons pas, en le lisant, à la litanie des lamentations : les Français ne travaillent pas assez, le poids des dépenses publiques est trop élevé, des dépenses sociales inconsidérées - APA, CMU, 35 heures - ont plombé le budget de l'Etat et le sempiternel « il faut baisser le coût du travail » !

Imputer les difficultés à vos prédécesseurs ne peut durer qu'un temps, et ce temps est désormais écoulé. Vous êtes responsables de la situation économique et budgétaire du pays.

M. le ministre de l'économie et des finances nous expliquait en préambule au budget 2000 que « la situation réelle, sous-jacente, de nos finances publiques s'améliore donc ». Remplacez donc « réelle » par « virtuelle », et ce sera réel ! (Sourires)

La dernière note de conjoncture de l'INSEE, qui annonce une croissance de 0,8 % pour 2003, une hausse du chômage et une baisse des investissements des entreprises, ne plaide pas en votre faveur.

C'est la faillite de vos choix budgétaires. Diminuer les prélèvements progressifs pour favoriser les plus aisés est une hérésie. Quand la décentralisation annonce la hausse des impôts locaux et que la réforme des retraites programme la baisse des pensions, on comprend que nous ne soyons pas du même côté de la barrière.

Ceux qui ne se rendent pas compte du dogme politique et économique qui les gouverne n'ont qu'à jeter un _il à ce document. Il illustre à la fois l'insincérité budgétaire et la soumission à des règles érigées en lois universelles et immuables, sur lesquelles l'homme n'aurait d'autre pouvoir que celui de s'adapter.

Chacun d'entre nous mesure aujourd'hui l'influence des marchés financiers sur l'économie. Certains de nos collègues de la majorité, poussés par je ne sais quel vent contestataire, avaient même eu l'audace - passagère - d'envisager d'abonder le fonds de réserve des retraites par un prélèvement sur certains produits du capital. C'est la preuve que de telles richesses existent et pourraient être mobilisées.

Selon vous, tout coûte trop cher : la dépense publique et les charges sociales sont trop élevées, le coût du travail n'est pas compétitif, les retraites et la sécurité sociale coûtent trop cher. A propos de la baisse des dépenses publiques - qui rejoint votre grand principe, Monsieur le ministre, selon lequel « un bon budget n'est pas forcément un budget en augmentation », je vous soumets, pour vous demander si elles sont conformes à votre conception de la maîtrise des dépenses publiques, ces suggestions de l'OCDE : « si on diminue les dépenses publiques de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité du service rendu, quitte à ce que la qualité baisse.

« On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles et aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d'élèves ou d'étudiants ; les familles réagiront violemment à un refus d'inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l'enseignement, et l'école peut progressivement obtenir une contribution des familles en supprimant telle activité.

« Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l'établissement voisin, de telle sorte que l'on évite un mécontentement total de la population ».

Quel cynisme ! Et comme j'entends beaucoup parler de « courage politique », je ne voudrais pas que l'on confonde les deux. Or, j'ai tout de même un doute devant l'hommage singulier que vous rendiez aux fonctionnaires tout en expliquant que vous alliez à la fois diminuer leurs effectifs et améliorer le service rendu - ils apprécieront votre délicatesse...

Certains oublis de votre rapport rendent son acharnement suspect. On y cherche vainement les mots : « coûts financiers », « marchés financiers », « profits », « dividendes », « stock-options ». C'est à croire que vous êtes fâchés avec une partie du dictionnaire ! Mais nous savons pourquoi vous fuyez ces mots : les vrais coûts à la charge de la société, ils sont là ! Dans une entreprise, les coûts les plus importants sont les coûts financiers. Et ce qui pèse sur sa gestion, c'est l'exigence de rendement des actions. Le responsable d'une grande entreprise de mon département, MBDA, me confiait récemment que les actionnaires lui imposaient un taux de rendement annuel des actions de 15 % ! Pour atteindre ce chiffre, il est inévitable de supprimer des emplois. Et pourtant, vous ne manquez jamais d'affirmer combien vous tenez à défendre l'emploi... Comment imaginer exiger une rémunération de 15 % dans un pays où la croissance est à 0,8 % et l'inflation à 2 % ? C'est économiquement suicidaire ! Et comment s'octroyer une moyenne d'augmentation de 13 % par an, comme l'ont fait les grands patrons français, qui ont d'après une étude récente les revenus les plus élevés d'Europe ?

Le partage de la valeur ajoutée a été profondément modifié. En 1982, 69 % des richesses produites étaient consacrés aux salaires, pensions et cotisations, contre 31 % au profit. En 2002, le rapport est passé à 58 % contre 42 ! La première conséquence est l'amputation des ressources du financement des retraites, à hauteur de 150 milliards par an. Des sommes faramineuses sont stérilisées dans les marchés financiers. C'est pour cette raison que le taux d'investissement est resté à la baisse. L'allégement des charges ne peut servir la croissance et l'emploi que s'il est conditionné à la création d'emplois et de richesses, ce que vous refusez. Tous les indicateurs montrent que vous ne valorisez pas le travail, mais le capital.

Il y a urgence à rééquilibrer le partage des richesses, en mettant en _uvre d'autres outils de financement de l'économie et en cherchant des solutions conjointement avec nos voisins européens. Il convient de faire reculer le financement des entreprises par appel aux marchés financiers dans toute l'Union. Une forte baisse des taux d'intérêt, ciblée sur l'emploi et la formation, et une diminution des dividendes excessifs permettraient d'alléger les charges financières des entreprises. Si nous n'acceptons pas les critères de Maastricht, ce n'est pas parce que le déficit nous indiffère, mais parce que nous estimons que les citoyens doivent pouvoir agir sur tous les leviers de la politique économique et monétaire. La Banque centrale européenne, Etat dans l'Etat, doit être contrôlée par les parlements nationaux.

Parallèlement à la baisse des taux de la BCE, nous proposons la création d'un pôle public du crédit qui offrirait des crédits bonifiés non seulement aux entreprises mais aussi aux collectivités locales, principaux vecteurs de l'investissement public. La fiscalité doit donner une plus grande part à l'impôt le plus juste, l'impôt proportionnel. C'est justement celui que vous réduisez ! Porter l'impôt sur le revenu à 8 ou 9 % du PIB et augmenter significativement l'ISF permettraient d'améliorer le pouvoir d'achat des catégories modestes, en baissant la TVA et la TIPP. La richesse financière est également un gisement à exploiter. Jean-Paul Delevoye, alors président de l'association des maires de France, l'a dit ainsi : jusqu'au XIXe siècle, la richesse était foncière et agricole et les impôts aussi ; au cours du XIXe et de la presque totalité du XXe, la richesse était dans les manufactures puis dans les industries, et les impôts aussi ; aujourd'hui, la richesse est financière, mais l'impôt n'est pas assis sur cette richesse...

M. Maxime Gremetz - Bonne citation !

M. Jean-Claude Sandrier - ... Telle l'anomalie que nous voudrions corriger.

Enfin, il faut moduler les cotisations sociales en fonction de la création d'emplois et de richesses. Il est impératif d'en finir avec vos baisses sans contrepartie, cadeaux à fonds perdus qui n'ont aucune efficacité. Le Gouvernement préfère le chemin des partisans du moins d'Etat, d'un capitalisme synonyme de loi de la jungle. Il cite les modèles anglo-saxons en exemple, où la violence de la concurrence fait de notre monde un monde contre les hommes... Mais dans le modèle américain, ce que l'Etat providence a perdu de chair, c'est l'Etat censeur, l'Etat garnison et l'Etat prisons qui l'a gagné ! Et l'Angleterre symbolise le plus terrible recul social et humain de ces trente dernières années ! Paris n'aurait-elle comme horizon que de prendre la place de Londres comme capitale la plus riche d'Europe, où 53 % d'enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté ?

Vous voulez être les Reagan et Thatcher de la France. Vous faites au début de ce siècle ce que vous n'avez pas pu faire à la fin du précédent, par pure idéologie, pour défendre les intérêts d'une minorité. Contrairement à ce que vous affirmez, les Français ne vous ont pas élus pour cela et ils auront bientôt des occasions de vous le faire savoir (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 11 h 10 est reprise à 11 heures 15.

M. Marc Laffineur - Ce débat d'orientation budgétaire, retardé par celui sur les retraites, est un moment privilégié pour dresser un premier bilan un an après que le gouvernement Raffarin a engagé son _uvre de réforme et de modernisation.

La loi de finances 2003 a déjà permis une baisse des impôts et des charges, un effort inédit pour la sécurité, la justice et la défense. Le budget 2004 sera votre premier budget de plein exercice, mais aura encore à pâtir de cinq ans d'errements de la gestion précédente.

M. Michel Bouvard - Oh que oui !

M. Marc Laffineur - Plus que jamais, il faut engager les réformes qui remettront a France sur la voie de la compétitivité, du plein emploi, de la croissance.

Le gouvernement Raffarin a trouvé une situation budgétaire difficile en raison de l'héritage et d'une conjoncture morose.

M. Eric Besson - Que vous aggravez.

M. Marc Laffineur - Pendant la croissance, la France n'a ni réduit son déficit ni entamé de réformes de structure.

M. Michel Bouvard - Elle a même accru sa dette !

M. Marc Laffineur - Le Gouvernement a préféré s'engouffrer dans des dépenses de fonctionnement non financées - 35 heures, CMU, APA, emplois-jeunes - et créer de nouveaux emplois de fonctionnaires. Il vous a donc fallu créer un compte de « remboursement des dettes antérieures à 2002 », telles les deux dernières primes de Noël.

Sans doute, à l'occasion de l'audit sur les finances de l'Etat, n'avons-nous pas assez dit combien la gestion socialiste a été désastreuse, tout en laissant dans un dénuement extrême des secteurs comme la défense et la sécurité.

En outre, depuis deux ans la conjoncture est défavorable. La croissance est en panne dans le monde depuis le 11 septembre, faible en Europe. L'Allemagne, en quasi-déflation, et la France sont les seuls Etats européens qui ont à la fois des déficits publics supérieurs à 3 % du PIB, des soldes primaires négatifs et une dette publique croissante par rapport au PIB. Enfin, l'appréciation de l'euro pénalise nos exportations.

La France cumule donc tous les désavantages. La hausse du déficit entraîne mécaniquement celle de la dette. Celle des rémunérations, pensions et charges sociales, non financée, soit 40 % des dépenses nettes du budget général, a entraîné une croissance de 4,2 % de celui-ci en 2002. Avec les charges de la dette, ces deux grands postes représentent 55 % du budget et plus de la moitié de la hausse des dépenses !

Il est donc urgent de diminuer nos dépenses de fonctionnement, car elles compromettent l'investissement et l'avenir.

Le Gouvernement a engagé la baisse des impôts et poursuit dans cette voie en réduisant les charges sur les salaires et en faisant voter les lois sur l'outre-mer et sur l'initiative économique.

En 2002, nos dépenses publiques ont représenté 54 % du PIB, soit, en moyenne, 12 % de plus que dans l'OCDE et 7 % de plus que dans l'Union européenne. Or malgré des prélèvements obligatoires parmi les plus élevés du monde, le Gouvernement va enregistrer cette année une moins-value fiscale de 5,1 milliards. C'est un véritable non-sens économique. Il faut donc poursuivre la baisse des prélèvements obligatoires. Mais il ne peut y avoir de baisse d'impôts durable sans baisse durable des dépenses.

On ne peut que féliciter le Gouvernement pour son courage à entreprendre les réformes - celle des retraites, sans cesse différée, celle de l'assurance maladie, désormais prioritaire...

M. Augustin Bonrepaux - Que vous financez comment ?

M. Marc Laffineur - Vous n'avez rien fait en cinq ans, ne venez pas nous donner des leçons !

M. Augustin Bonrepaux - Non, des conseils.

M. Marc Laffineur - Elles sont essentielles pour maintenir la cohésion sociale.

Pour restaurer la compétitivité, il a assoupli la loi Aubry en augmentant le quota d'heures supplémentaires et fait voter la loi Dutreil sur la création d'entreprise.

Il faut aussi réformer l'Etat . Nous devrions, comme au Canada, évaluer la légitimité, le coût et l'efficacité de tous les programmes gouvernementaux, ainsi que la possibilité de les décentraliser ou d'en confier la gestion au secteur privé. L'Etat doit se comporter comme n'importe quelle entreprise privée pour optimiser ses dépenses et proposer les meilleurs services au meilleur coût. Il ne cherche pas un profit, mais à utiliser au mieux l'impôt. C'est en se recentrant sur ses missions régaliennes qu'il rendra sa compétitivité à « l'entreprise France » et permettra notre renouveau sur la scène internationale. Il peut et doit recentrer ses agents sur le contrôle et la prestation de fournitures non marchandes pour rendre sa place à l'initiative individuelle.

Le budget de 2004 a donc plusieurs objectifs. Il s'agit d'abord de retrouver une croissance robuste. Il faut ensuite poursuivre la baisse des prélèvements obligatoires. Dans cette politique de rétablissement du pouvoir d'achat, le Gouvernement n'oublie pas les plus faibles, puisqu'il a annoncé une hausse de 5,3 % du SMIC horaire, la plus importante depuis vingt ans, et garantit une retraite de 85 %, et non plus 75 % du SMIC net pour ceux qui ont perçu ce revenu pendant toute leur carrière.

Pour relancer le logement social, il faut baisser le taux de rémunération du livret A, alors que la BCE vient de diminuer son taux directeur. Un mécanisme d'adaptation automatique du taux du livret A serait souhaitable. Il faut encore retenir une hypothèse de croissance réaliste, tendre dès l'an prochain, si possible, à moins de 3 % de déficit, et relancer les dépenses d'investissement.

Nous approuvons donc votre décision de ne pas augmenter le budget en euros constants pendant trois ans. Les priorités - défense, justice, sécurité - seront financées par des économies réalisées ailleurs. Les grandes réformes engagées devront également être source d'économie. Surtout, on ne stabilisera pas les dépenses sans véritable réforme de l'Etat.

Le bon budget ce n'est pas celui qui augmente, c'est celui qui rend le meilleur service au meilleur coût. Il faut donc réduire fortement les dépenses de fonctionnement pour éviter les augmentations mécaniques de la dette et des rémunérations de la fonction publique, comme nous avons su le faire dans nos communes, en ne remplaçant pas tous les départs en retraite. Il faut mettre fin à la croissance de l'emploi public, qui, pour l'Etat, a augmenté de 110 000 unités entre 1990 et 2002.

La modernisation budgétaire est une des clés de tous les autres chantiers du quinquennat. L'Etat doit montrer qu'il est capable de desserrer l'étau de la dépense et de moderniser la gestion de l'argent public.

Stabiliser la dépense, c'est moderniser les procédures, rationaliser les achats, évaluer, mieux gérer le patrimoine immobilier, externaliser certaines tâches. Chaque ministre doit utiliser ces gisements de productivité pour réduire ses dépenses. Une démarche budgétaire pluriannuelle permettra d'en finir avec les interminables marchandages entre ministères.

Le Gouvernement mène une action courageuse. Je lui sais gré de maintenir bon le cap de la réforme. La majorité le soutiendra pour retrouver le chemin vertueux de la croissance, gage d'emploi et d'une retraite sereine pour nos concitoyens. Il en va de la crédibilité de notre pays dans une Europe agacée par les promesses sans lendemain de nos prédécesseurs. C'est l'intérêt de la France et des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Augustin Bonrepaux - La vôtre, de crédibilité, est fortement entamée !

M. Eric Besson - Monsieur le ministre, à vous écouter ce matin, à écouter vos collègues du Gouvernement et les députés de la majorité, une question vient à l'esprit : à partir de quand vous estimerez-vous responsables de la situation de notre pays ?

L'absence de M. Mer est choquante, même si la réunion sur les investissements étrangers en France à laquelle il participe lui permettra de se réjouir de la compétitivité de notre pays, que vous avez niée... Mais la gravité de la situation plaiderait pour sa présence ici.

La croissance faiblit : l'INSEE annonce 0,8 % pour 2003, vous avez parlé de 1 %, aujourd'hui vous vous refusez à toute hypothèse. En tout cas, nous ferons moins bien que la moyenne européenne, contrairement aux années 1997 à 2002 (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe UMP).

Si vous contestez ces chiffres, dites à vos services de modifier leurs documents ! Vous avez fait, dès votre arrivée, une erreur de diagnostic...

M. le Président de la commission - Ce n'est pas vrai !

M. Eric Besson - Si, c'est vrai !

Le chômage augmente ; pour la première fois depuis 1996, le solde des emplois créés et détruits est négatif. Le déficit va atteindre 3,7 % du PIB et la dette publique 61,8 %.

Selon l'OCDE et la Commission européenne, plus des deux tiers de cette dégradation budgétaire sont imputables à votre politique économique et financière (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste). Non qu'il soit illégitime de soutenir la croissance par le déficit, en faisant jouer les stabilisateurs économiques : mais comme l'a montré Didier Migaud, s'appuyant sur le rapport de la Cour des comptes, ce n'est pas ce que vous avez fait. Vous étiez lié par les promesses démagogiques du candidat Chirac - « Je vais augmenter les dépenses, notamment régaliennes, je vais baisses les impôts, je vais baisser les charges sociales » - et vous avez adopté la plus mauvaise des politiques fiscales au plus mauvais moment.

Nous avions dit que la baisse de l'impôt sur le revenu, telle que vous l'aviez conçue, ne soutiendrait pas la croissance : c'est exactement ce qui s'est passé.

Finalement l'absence de Francis Mer est logique : c'est un lapsus, presque un aveu. Il s'efforce de ne mentir que par omission. L'an dernier, il avait du mal à masquer le peu de crédit qu'il accordait à votre prévision de croissance et il a qualifié de « farfelu » le prétendu rapport de Davos. Vous, selon un hebdomadaire du mercredi, vous réservez votre lucidité aux séminaires intergouvernementaux.

Je vous laisse le soin de décider s'il est plus grave de mentir par action ou par omission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Deniaud - Vous, vous avez fait les deux !

M. Gilbert Gantier - Un de mes professeurs de finances publiques disait que la fiscalité est « l'art de plumer la volaille sans la faire trop crier » (Sourires).

Plus sérieusement il faut rendre notre système fiscal plus performant : il doit rapporter plus sans pénaliser la consommation ni paralyser le dynamisme économique.

Le Gouvernement a fait plusieurs pas en ce sens, mais beaucoup reste à faire et je voudrais faire quelques propositions concrètes.

En ce qui concerne la fiscalité sur les sociétés, un récent rapport du Conseil d'analyse économique montre que la pression fiscale sur les PME est de 23 % supérieure à celle des grandes entreprises, alors qu'elles sont les plus créatrices d'emplois. Cette différence tient au taux marginal élevé de l'impôt sur les sociétés, mais aussi aux trop nombreuses niches fiscales. Une refonte s'impose.

En ce qui concerne la fiscalité des personnes, je souhaite reprendre les engagements de François Bayrou lors de la campagne présidentielle : la baisse des prélèvements doit viser en priorité à réduire le coût du travail ; la baisse de l'impôt sur le revenu, bien que souhaitable, se traduit parfois par une augmentation du taux d'épargne. Nous prônons également le passage au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, qui permettrait des économies de fonctionnement.

J'évoquerai également la fiscalité du patrimoine et l'ISF, en soulignant que nos propositions ne visent qu'à assurer l'égalité des citoyens devant l'impôt : il s'agit d'indexer le barème de l'ISF sur l'inflation et de supprimer le plafonnement du plafonnement, qui fait fuir les contribuables les plus aisés hors de notre pays, ce qui n'est pas l'objectif.

L'application du taux réduit de TVA aux travaux dans les logements a eu un effet très positif. Il faut pérenniser cette mesure et l'étendre au secteur de la restauration, comme s'y est engagé le Gouvernement.

Un nouveau modèle de fiscalité est à inventer, prenant en compte les exigences de la concurrence mondiale, mais aussi celles de notre système social. Le groupe UDF appelle donc à une refonte de notre fiscalité.

M. Jean-Pierre Brard - Notre rapporteur général disait que nous étions arqueboutés au plafond. Il est vrai, Monsieur le ministre, qu'on reconnaît un vrai Normand au fait qu'à sa naissance, quand on le jette au plafond, il y reste accroché... (Sourires)

Ce débat met en évidence les dégâts de la politique financière, mais aussi économique et sociale, que vous conduisez avec une cohérence redoutable.

Ce gouvernement n'a qu'un mot à la bouche : pragmatisme. En réalité, il faudrait dire : idéologie.

Monsieur Lambert, vous êtes l'idéologue du Bocage ! (Rires) M. Fillon et M. Copé sont aussi des idéologues, les auteurs du programme « Alternance 2002 » aussi.

M. Jérôme Lambert - Ce sont des idéologues à la petite semaine.

M. Jean-Pierre Brard - Ne les sous-estimez pas !

M. Yves Censi - Et vous, vous êtes doctrinaire !

M. Jean-Pierre Brard - Vous savez, certains adhèrent à une doctrine vieille de plus de 2 000 ans, alors...

Les indicateurs passent au rouge. L'emploi salarié a reculé pour la première fois depuis 1996 et cette dégradation sera lourde de conséquences pour les finances sociales. C'est l'industrie qui accuse les plus lourdes pertes avec 31 000 suppressions nettes de postes, soit 0,8 % des emplois au premier trimestre 2003 et plus de 89 000 en un an.

La semaine dernière, l'INSEE a annoncé une nouvelle hausse du chômage, qui passera de 9,3 % en mai à vraisemblablement 9,6 % en décembre. Personne ne peut s'en réjouir.

S'y ajoute un fort ralentissement de l'évolution du pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages, qui ne progressera que de 1,2 % en 2003 contre 2 % en 2002 et 3,9 % en 2001. La Cour des comptes a dénoncé votre choix budgétaire, en 2002, de laisser le déficit se creuser plutôt que d'assainir les finances publiques. La majorité a ainsi chargé l'héritage du précédent gouvernement et laissé filer les dépenses.

Le journal Les Echos du 4 juin décrit la manipulation révélée par la Cour des comptes, ou plutôt votre idéologie mise en action, avec habileté. C'est que, dans les chemins creux du bocage, Monsieur le ministre, on est plus rusé qu'ailleurs (Sourires et murmures) - et M. Méhaignerie se montre, me semble-t-il, un peu jaloux de cet éloge de l'Orne !

Je lis donc dans Les Echos : « En l'absence de contrôle réel, les ministères dépensiers ont consommé le maximum de leurs crédits disponibles en puisant dans leurs réserves. Au total, le déficit de 49,3 milliards est le plus fort depuis huit ans, et même supérieur aux objectifs réajustés dans le collectif de décembre ». Du jamais vu depuis 1997 !

Outre ce constat sévère sur les dépenses, il faut revenir sur les baisses d'impôts, appelées à se poursuivre pour atteindre l'objectif, là encore purement idéologique, de baisse de 30 % annoncé par le Président de la République au cours de sa campagne électorale. Les assujettis à l'impôt ne réclamaient rien, et à cette tribune particulièrement nous tenons à défendre l'impôt, qui fournit les moyens de garantir notre contrat social.

Chacun se souvient de la profession de foi exprimée par le Président de la République le 14 juillet 2002 : « Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y aura une poursuite de l'allégement de l'impôt sur le revenu. Quand je parle de baisse des impôts et des charges, je ne suis pas en train d'affirmer un credo politique ou idéologique »... Quand quelqu'un dit qu'il ne fait pas d'idéologie, on comprend ce que cela veut dire !

M. Yves Censi - Vous savez de quoi vous parlez !

M. Jean-Pierre Brard - Vous reconnaissez qu'en matière d'idéologie, Monsieur Censi, je suis habilité à juger qui est pratiquant ou non.

Le Président de la République continuait : « C'est une mesure de sauvegarde, c'est un choix de survie. Si nous ne le faisons, nous continuerons à augmenter notre chômage et notre pauvreté ». Or les impôts ont été baissés, et le chômage a augmenté. Vous avez tout faux !

M. le Président de la commission - Vous verrez le résultat sur une longue période !

M. Jean-Pierre Brard - Nous ne vous laisserons pas gouverner sur une longue période ! Il reste quatre ans, et c'est déjà un peu long !

M. Philippe Auberger - Vous n'êtes pas un démocrate, alors !

M. Jean-Pierre Brard - Si ! Je compte sur le Président de la République pour dissoudre une nouvelle fois !

A un journaliste demandant si, en 2004, les Français doivent s'attendre à un peu de rigueur, le Président répondait : « Je ne pense pas du tout, compte tenu des perspectives de croissance, que la rigueur soit à l'ordre du jour ». Or nous savons ce qui s'est passé depuis un an. La rigueur se profile à un horizon très rapproché, et s'annonce très douloureuse.

Baisser les impôts est une absurdité : alors que l'on recherche des économies et des ressources nouvelles pour financer les retraites par répartition, le Gouvernement va consentir un fabuleux cadeau de 30 milliards à des contribuables qui n'en ont pas besoin.

M. le Président de la commission - Ce n'est pas fait !

M. Jean-Pierre Brard - Ah ! Ah ! Voilà qui intéressera les journalistes, en les tirant de l'atonie de nos débats. M. Raffarin vient de déclarer que la baisse de l'impôt sur les ménages et les entreprises sera poursuivie. Pourtant, vous ne touchez pas à l'impôt le plus injuste, la TVA. C'est que vous avez le c_ur non pas à gauche, mais à droite, là où les privilégiés ont leurs coffres-forts. Au lieu de faire des gestes pour soutenir la consommation et donc l'activité économique, vous continuez à réduire l'impôt pour ceux qui dirigent leurs disponibilités vers la spéculation. Nous avons entendu Gilbert Gantier, un excellent député car il défend toujours ses électeurs, les archiduchesses du XVIe arrondissement et autres privilégiés (Mouvements divers). Il s'est dit scandalisé que l'ISF ne soit pas maintenu tel qu'il était, alors même, et il le sait bien, que vous avez commencé à le démanteler.

La France, répétez-vous, n'est pas un Etat moderne parce que l'ISF n'existe pas dans les autres pays. Ce n'est pas vrai ! Pas plus qu'il n'est vrai que son recouvrement soit particulièrement coûteux : avec 1,63 %, il est moins élevé que celui de l'impôt sur le revenu. De plus, l'ISF est fraudé à 50 %, et vous ne faites rien là contre.

Chez nous le taux maximum de l'ISF ne dépasse pas 1,8 % pour un patrimoine supérieur à 15 millions, alors qu'il s'élève à 2,5 % en Espagne pour un patrimoine supérieur à 10 millions. Cet impôt existe en Finlande, au Luxembourg, en Suède, en Suisse même, où les collectivités ont le droit de l'instituer. Monsieur Bouvard, puisque la Suisse est près de chez vous, allez voir comment nous pourrions transposer chez nous les rares bonnes pratiques de ce pays.

M. le Président - Il faut vraiment conclure !

M. Jean-Pierre Brard - Au total, Monsieur le ministre, vos orientations budgétaires conduisent à une politique d'injustice, dure aux plus modestes, favorable aux privilégiés. En son for intérieur, l'idéologue du bocage le sait bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Bouvard - Le contexte dans lequel nous débattons est difficile : le déficit de nos finances publiques est élevé, avec 3,1 % en 2002 et sans doute 3,4 % cette année, et il est difficile d'établir une prévision de croissance fiable pour 2004, alors que le redémarrage de l'économie mondiale tarde à se manifester.

Peut-on alors, comme le fait l'opposition, reprocher au Gouvernement de ne pas être plus précis, et lui faire de plus porter la responsabilité de la situation présente, en feignant d'ignorer un passé encore récent ?

Je ne peux que souscrire à vos options novatrices, la première consistant à construire le budget sur une hypothèse de croissance nulle de la dépense publique. Cette croissance nulle s'impose dans le contexte de dépassement des règles fixées par l'Union européenne, mais elle doit être un acte politique volontaire.

La croissance, entre 1998 et 2001, a masqué en partie les effets désastreux d'une politique qui consistait à présenter le poids d'annuité de la dette au regard du pourcentage du PIB, de même que celui du poids des dépenses de personnel de l'Etat. Ce raisonnement qui s'appuie sur des chiffres justes en pourcentage ne vaut que dans un contexte de croissance soutenue et durable.

Les gouvernements de l'époque, comme certains grands patrons, se sont laissés prendre au piège d'un nouvel âge d'or fondé sur le développement des nouvelles technologies, au moment où le débat sur la cagnotte faisait oublier le déficit et où le rapporteur général s'efforçait d'épargner des dépenses nouvelles au pays.

Vous avez cru différer le traitement du dossier des retraites en trouvant une solution partiellement virtuelle...

M. Augustin Bonrepaux - Votre solution à vous n'est pas virtuelle, peut-être ?

M. Michel Bouvard - ... dans le seul fonds de réserve doté par les produits des privatisations, dont on attendait une augmentation annuelle permettant d'ailleurs à votre gouvernement de réaliser plus de produits de ventes de cession d'actifs de l'Etat que les gouvernements Balladur et Juppé réunis.

M. Yves Censi - C'est vrai !

M. Michel Bouvard - Je pense également à la cession des licences de téléphones mobiles.

M. Augustin Bonrepaux - Parlez de ce que vous comptez faire !

M. Michel Bouvard - Pour sauver la face et remplir un engagement hâtif sur la dotation au fonds de réserve, nous avons vécu la semi-privatisation d'Autoroutes du Sud de la France, ce qui a donné lieu à une belle bataille entre M. Gayssot et Mme Guigou.

Nos concitoyens ont rendu leur jugement.

Le choix de la prudence et de la modestie que fait le Gouvernement est pleinement justifié. Le renversement de conjoncture engagé dès 2001, accentué entre 2002 et 2003, ne saurait être imputable à la majorité d'aujourd'hui ou à celle d'hier, dans un contexte mondialisé. Il concerne l'ensemble des pays européens, dont l'Allemagne, qui n'a pas achevé de payer le prix de sa réunification, qui est confrontée à une démographie catastrophique et qui nous entraîne dans ses difficultés.

Le poids des emplois publics, qui se sont déraisonnablement accrus malgré les incessantes recommandations de la Cour des comptes, se fait sentir plus que jamais puisque les recettes diminuent et que les dépenses augmentent, dévorant ainsi nos marges d'intervention. C'est bien entre 1997 et 2002 que nous sommes passés de près de 41 % à plus de 43 % du budget pour rémunérer la fonction publique.

M. Augustin Bonrepaux - Nous sommes en 2003, bientôt en 2004 !

M. Michel Bouvard - L'emploi a crû aussi dans les entreprises publiques, à la SNCF, à EDF. L'application des 35 heures a contribué à fragiliser leurs comptes. Un relèvement des tarifs a ainsi été nécessaire, et vous le dénonciez tout à l'heure sans pudeur !

M. Yves Censi - Eh oui !

M. Michel Bouvard - Je pourrais également faire état, s'agissant d'EDF, d'une politique hasardeuse d'acquisition dans certains pays étrangers. Le volume de la dette n'a jamais cessé de s'accroître en valeur absolue : 645 milliards d'euros en 1995, 897 milliards en 2002. Encore échappons-nous, grâce à la diminution des taux d'intérêt, à un effet ciseaux qui serait désastreux.

Le budget en croissance nulle nous met à l'abri des tentations de dépenses nouvelles. Je souscris à ces orientations. Elles nous obligent à nous attaquer à la réduction des effectifs de l'Etat, qui correspond à une nécessité et non à une orientation idéologique. Les départs en retraite des fonctionnaires civils de l'Etat jusqu'en 2015, comme l'indique le rapport du Gouvernement, entraîneront une augmentation du nombre des pensions dans une proportion inédite. La réduction du nombre de fonctionnaires actifs est indispensable, tout comme était indispensable la réforme des retraites de la fonction publique pour laquelle il n'existe pas de prévisions. La création du compte des pensions prévue par la LOLF constitue à ce titre une véritable avancée.

M. le Rapporteur général - C'est vrai !

M. Michel Bouvard - La poursuite de la baisse des prélèvements obligatoires peut rendre nos entreprises plus compétitives, renforcer l'attractivité de notre territoire et donner des marges de man_uvre à la consommation.

La croissance nulle du budget ne devra pas pour autant réduire les budgets d'investissement et d'intervention de l'Etat, dont je rappelle qu'ils n'ont pas bénéficié des années de croissance et que leurs parts dans le PIB ont diminué. Les ministres devront être plus que jamais les gestionnaires de leur administration.

Dans le cadre de la décentralisation, nous souscrivons au transfert de compétences vers les collectivités comme à l'externalisation de certaines activités. Il convient néanmoins que ces transferts s'effectuent sur des bases sincères et que l'on ne reproduise pas de transferts non pris en compte, comme ce fut le cas avec l'APA.

Au moment où l'Europe se dote d'une Constitution, il est temps de demander à la BCE de ne pas être seulement la garante du taux d'inflation mais qu'elle contribue également à soutenir la croissance.

Après six mois d'auditions dans le cadre de la LOLF, je pense qu'il existe encore des marges de performance et de productivité dans l'Etat. Je pense également que notre administration est prête à accomplir cet effort. Il faut lui faire confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Augustin Bonrepaux - Ce débat est un peu surréaliste. M. Mer est à la mer et laisse M. le ministre délégué assumer cette politique désastreuse, condamnée ce matin même par l'UDF de M. Bayrou.

M. le Président de la commission - Certainement pas !

M. Augustin Bonrepaux - La majorité semble oublier qu'elle est au pouvoir depuis plus d'un an. Elle ne tire aucune leçon de ses erreurs, des rapports de la Cour des comptes, de la Commission européenne, de la situation « catastrophique » de notre économie, comme a dit M. Bayrou. Votre politique est fondée sur l'idéologie libérale qui nous a conduits où nous sommes.

L'audit de juin 2002 situait le déficit à 2,6 % du PIB ; il est aujourd'hui de 3,5 %.

La Cour des comptes et la Commission européenne pointent vos responsabilités.

M. Michel Bouvard - Et les vôtres !

M. Augustin Bonrepaux - Assumez vos décisions dont la réduction de l'impôt sur le revenu, par exemple, cadeau fiscal qui n'a pas accru la consommation, ou la réduction de l'ISF. Vous poursuivez une politique suicidaire.

M. Yves Censi - Ce n'est pas suicidaire de baisser les impôts.

M. Augustin Bonrepaux - Le fonds social du logement diminue. Tous les ministères connaissent une dégradation de leur situation.

La consommation a chuté de 1,6 % au mois de mai. C'est un record depuis cinq ans.

Vos cadeaux fiscaux ne s'adressent qu'aux privilégiés. Vous oubliez les plus modestes.

M. Michel Bouvard - C'est sans doute le cas avec la hausse du SMIC de 5 % !

M. Augustin Bonrepaux - L'emploi chute, lui, de 0,3 %. Vous entretenez cette politique en gelant les crédits alloués à la formation. L'Etat ne peut même pas honorer, par exemple, les contrats avec la fédération des industries textiles.

L'union des industries textiles et les partenaires sociaux ont signé en mars 2003 un accord national sur la formation et l'emploi : en Midi-Pyrénées, l'objectif de 1 500 salariés en formation n'a pu être atteint, parce que l'Etat n'a pas les moyens de financer les 120 000 € de sa participation ! De même, le contrat de formation prévu pour les salariés licenciés ne peut être honoré : il manque 85 000 € ! Allez-vous enfin dégeler les crédits de la formation ?

En gelant les dépenses d'investissement, vous compromettez par exemple l'avenir du fonds national des adductions d'eau, au détriment des zones rurales. Le gel des crédits du FNADT compromet tous les projets des associations de pays, qui n'ont même pas perçu les crédits contractualisés l'année dernière par l'Etat. Et je ne parle pas de la remise en cause des contrats de plan ! Y a-t-il une politique d'aménagement du territoire ? Quels sont ses moyens ?

Si je persiste à qualifier ce débat de surréaliste, c'est qu'à la réunion de la commission, nos questions et vos interventions n'ont pas suffi à nous éclairer. Nous ne savons même pas si vous avez des orientations !

M. Mer nous a assurés que la politique du Gouvernement était claire : laisser jouer les stabilisateurs automatiques, refuser d'augmenter les prélèvements obligatoires, accepter que le déficit franchisse le seuil des 3 %. Mais se laisser ainsi ballotter au gré des événements, ce n'est pas une politique ! Il est vrai que l'idéologie vous conduit aussi à aggraver la situation par des réductions d'impôts et de charges mal évaluées. Le rapporteur général lui-même a demandé à ce que soit évalué le coût de tous les projets de loi votés. Il représente déjà - hors réforme des retraites - 1,8 milliard supplémentaire pour 2004.

M. Mer nous explique que l'évaluation de la croissance pour 2004 est un exercice délicat. Devant l'incertitude qui affecte les recettes fiscales, comment le Président de la République et le Premier ministre peuvent-ils encore annoncer une baisse de l'impôt sur le revenu ? Sur quelles prévisions se fondent-ils ? On nous dit qu'il faut restaurer l'attractivité de notre pays. Mais la France est le pays le plus attractif du monde ! En réalité, on veut surtout faire des cadeaux fiscaux aux plus favorisés !

M. Georges Tron - La baisse de l'impôt et l'attractivité, ce n'est pas lié ?

M. Augustin Bonrepaux - On ferait mieux d'écouter le président et le rapporteur général de la commission des finances quand ils demandent une évaluation préalable du coût des réformes ! Est-il bien raisonnable de poursuivre dans la voie de la baisse de l'impôt, que critique jusqu'à M. Bayrou, qui a déclaré ce matin qu'il était temps de cesser d'en parler ! Ni le Président de la République, ni le Premier ministre n'ont eu ce courage. Et M. Bayrou ajoute qu'il est temps de choisir une politique responsable pour revenir à l'équilibre.

Nous sommes dans l'impasse. Votre manque de sérieux est flagrant en matière de dépenses : comment pouvez-vous annoncer un grand projet pour le logement alors que vous n'êtes même pas capables de financer les dépenses courantes, comme le montre la lettre que vous ont adressée MM. Fillon et Mattei ? Et vous devez emprunter 400 millions pour payer l'APA ? Nous nous interrogeons sur la pérennité de la participation de l'Etat.

La dette explose, elle dépasse 60 % du PIB ! La réforme des retraites est-elle financée ? A 40 % ! Le reste, c'est une traite sur l'avenir (Protestations sur les bancs du groupe UMP), bien sûr après les élections de 2007 ! Vous êtes mal placés pour donner des leçons !

La décentralisation vous permettra de transférer des charges sur les collectivités locales. Mais la man_uvre est grossière. Vous voulez transférer des charges de personnel dont les crédits sont insuffisants !

M. Michel Bouvard - Confer l'APA !

M. Augustin Bonrepaux - Vous allez d'ailleurs ponctionner les collectivités locales dans le prochain budget pour combler le trou ! Notre collègue Pascal Terrasse vous interrogera sur l'assurance maladie. Où allez-vous trouver 14 milliards ? C'est votre démagogie envers les médecins qui vous a conduits dans l'impasse. Aujourd'hui, il faut payer l'addition ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Vous voulez vraiment terminer à 14 heures, Monsieur Bonrepaux ?

M. Augustin Bonrepaux - A quoi bon ce débat puisque le Gouvernement ne tire aucun enseignement de ses erreurs, ne répond pas à nos questions et ne trace aucune perspective ? Monsieur le ministre, je vous plains : vous êtes bien seul au banc du Gouvernement pour défendre cette politique...

M. le Ministre délégué - C'est un honneur pour moi.

M. Augustin Bonrepaux - ...que critiquent vos amis de l'UDF et qui, vous le savez bien, nous mène au bord du gouffre. Et votre majorité vous dit encore d'accélérer en fermant les yeux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Georges Tron - Nous venons de vivre un moment extraordinaire... M. Bonrepaux nous a expliqué tout ce qu'il aurait fallu faire pendant cinq ans et pourquoi nous, nous le faisons mal. La palme revient au passage sur les retraites : on reproche au Gouvernement de financer 45 % de ce qui manque, alors même que rien n'a été fait pendant cinq ans !

J'avais prévu d'intervenir sur la fonction publique, mais je voudrais tout de même rétablir la vérité. Au risque de me répéter, le besoin de financement des administrations publiques est passé de 1,5 % en 2001 à 3,1 % en 2002. Cela, c'est vous, Monsieur Bonrepaux, qui n'avez rien trouvé à y redire en tant que président de la commission des finances ! M. Migaud s'interrogeait tout à l'heure sur le silence de MM. Méhaignerie et Carrez. Mais sous la législature précédente, il est resté de marbre devant le dérapage de 50 % du budget ! Les leçons, c'est bien, mais il y a des limites ! La dette est passée de 56,8 % du PIB en 2001 à 59 % en 2002 (M. Bonrepaux proteste). Monsieur Bonrepaux, vous avez engrangé 71 milliards d'euros de surplus de recettes fiscales entre 1990 et 2002. Vous en avez consacré 40 % à l'augmentation de la dépense publique ! Vous avez créé 48 000 postes de fonctionnaires entre 1998 et 2002 : cela explique 40 % du déficit ! Avant de nous donner des leçons, vous feriez bien de vous retourner sur votre bilan !

Monsieur Migaud parlait de sincérité. Faut-il rappeler la sous-évaluation des dépenses par le gouvernement Jospin ? (M. Bonrepaux proteste) Le déficit budgétaire de 2002 dépassait de 50 % les prévisions ! C'était dû pour un tiers seulement à la baisse des recettes ! Et M. Bonrepaux, qui connaissait les chiffres, n'en a rien dit ! Avec un tel bilan, comment peut-on raisonnablement donner des leçons ? La situation que vous nous avez laissée est catastrophique (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) comme chaque fois que vous avez été au pouvoir ! En 1993, nous avions déjà trouvé un déficit abyssal de 320 milliards de francs ! Chaque fois que vous êtes aux affaires, vous aggravez les déficits et vous revenez immanquablement donner des leçons ! Il y a heureusement une autre politique, et je remercie Alain Lambert de rester aussi insensible à vos appels hypocrites. Si la France est aujourd'hui difficile à gouverner, c'est parce que la gestion de la dernière législature a été calamiteuse. M. Migaud lançait tout à l'heure un appel à la sincérité. Où est la pudeur ? Cela étant, il faut une politique courageuse pour remettre la France dans le droit chemin.

Il n'y a eu aucune politique de la fonction publique pendant cinq ans. Mais si, depuis dix ans, la part des dépenses rigides de l'Etat s'est fortement accrue, c'est notamment du fait de la charge de la dette, qui a augmenté de 3 000 € par Français entre 1997 et 2002, et des dépenses pour la fonction publique ! Les rémunérations et les pensions des fonctionnaires sont par exemple passées de 40 à 44 % du budget entre 1990 et 2002, et plus de 100 000 emplois publics ont été créés durant la dernière décennie ! Toute consolidation budgétaire suppose donc la maîtrise des dépenses de la fonction publique. A moyen terme, cet objectif se heurte à l'alourdissement du poste des pensions, qui a représenté 70 % de l'augmentation des dépenses liées à la fonction publique entre 2001 et 2002. Chaque année, il faut débourser un milliard supplémentaire !

L'ampleur des départs à la retraite, qui vont connaître un pic en 2008, permettra de réformer et de repenser le fonctionnement des services publics, de consolider les comptes publics et en même temps d'offrir de nouvelles perspectives aux fonctionnaires. Car il y a une véritable crise de la fonction publique, et je profite de l'occasion pour rendre hommage à M. Sapin, qui avait commencé à prendre des mesures en conséquence. La politique qui va être menée devra donc être courageuse, mais également veiller à rendre la fonction publique plus attractive. Valeur traditionnellement refuge dans les temps de morosité économique, la fonction publique n'attire plus. Le nombre de candidats aux différents concours a baissé depuis 1998, alors que celui des postes augmentait : le taux de réussite est donc passé de 13 à 9,5 candidats pour un admis. Par ailleurs, la fonction publique a de plus en plus de mal à conserver ses agents. Par exemple, 64 % des enseignants du second degré ont atteint 60 ans sans remplir les conditions d'une pension à taux plein en 2000, et 90 % d'entre eux n'ont pas voulu prolonger leur activité.

Il faudra donc faciliter la mobilité, tant entre les trois fonctions publiques qu'au sein de chacune d'entre elles, et adapter la réglementation sur les incompatibilités pour pouvoir attirer les personnes qui souhaitent accomplir leur carrière alternativement dans le privé et dans le public. Il faudra par ailleurs redynamiser les carrières. En effet, les membres des catégories B et C sont complètement démotivés à partir d'un cinquantaine d'années, car leur carrière ne présente plus aucune perspective. L'élévation du niveau de diplôme des fonctionnaires plaide pour qu'une place bien plus importante soit donnée à la promotion interne, grâce à une politique de formation et de validation des acquis professionnels. Les agents de 40 ou 45 ans commenceraient ainsi une seconde carrière qui leur donnerait de nouveaux motifs de satisfaction.

Je suis convaincu qu'un politique courageuse pour la fonction publique permettra de concilier le rétablissement des comptes publics, tellement mis à mal par cinq ans de gestion irresponsable, et la réponse à la crise que connaissent les fonctionnaires. C'est notre devoir que de répondre à l'appel qu'ils nous lancent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Voilà qui montre qu'un discours de fond peut rester dans les limites du temps de parole.

M. Alain Claeys - Ce débat d'orientation budgétaire est une nouveauté. Il résulte de la loi que nous avons votée à l'unanimité l'année dernière. Son objectif est à la fois d'examiner l'exécution du budget durant l'année et de connaître les orientations du Gouvernement pour la suite. Nous sommes donc surpris de n'entendre parler ni de l'année écoulée, ni de l'avenir.

M. Didier Migaud - Nous sommes comme S_ur Anne...

M. Alain Claeys - L'exécution du budget est marquée par deux caractéristiques. Dans une conjoncture difficile, vous avez d'abord sacrifié les dépenses d'avenir. Les décrets d'annulation pris en mars concernent l'enseignement supérieur, les dépenses pédagogiques, la jeunesse, la construction et l'habitat et la recherche... Ensuite, vous avez cassé la confiance des Français. Le constat est simple : le ministre de l'économie annonce un taux de croissance de 1 %, et l'INSEE de 0,8 %. L'épargne de précaution se développe fortement et la consommation chute. Pour la première fois depuis plusieurs années, notre économie supprime des emplois. Votre responsabilité, Monsieur le ministre, est entière. Vous avez refusé de soutenir la consommation des ménages. Les baisses d'impôts sur le revenu et de l'ISF n'ont aucunement soutenu la croissance. Au total, le pouvoir d'achat des Français se réduit, à cause de l'augmentation du chômage et de l'inflation, de la hausse des tarifs publics et des annulations de dépenses sociales.

Vous alimentez cette spirale infernale. Le ralentissement de la croissance provoque une chute des recettes que vous compensez par des annulations de crédits. Vous sacrifiez notamment la recherche et le progrès technique. Le budget 2003, pour reprendre les termes du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, est l'expression d'un déclin ; il rompt ainsi avec les années précédentes. A un budget pour 2003 déjà en diminution, le Gouvernement a ajouté des annulations de crédits ! La mise en réserve des crédits de février a porté sur 4,17 % des dépenses d'intervention et 8,03 % des dépenses d'investissement... Au moment où le Président de la République parle de la lutte contre le cancer...

M. le Président - Veuillez conclure, Monsieur Claeys.

M. Alain Claeys - ... les crédits publics de l'institut Cochin ont été réduits d'un tiers !

M. François Loncle - Lamentable !

M. Alain Claeys - Des programmes de recherche vont être stoppés et nos chercheurs s'en vont augmenter la puissance des Etats-Unis. Un budget sert à assurer à la fois la solidarité et l'avenir. Comment donner espoir à nos concitoyens si nous devons réduire des budgets aussi importants pour eux ? Allez-vous, en 2004, poursuivre cette politique de régression et laisser nos cerveaux partir dans les pays qui se préoccupent, eux, de la recherche médicale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Auberger - Ce débat d'orientation est marqué par des motifs d'incertitude. Au plan économique d'abord, l'INSEE vient de ramener ses prévisions de croissance à 0,8 %, sans qu'elles soient définitives, et la reprise attendue à la fin de la guerre en Irak n'a pas encore eu lieu.

M. Didier Migaud - Vous ne faites rien pour !

M. Philippe Auberger - Ce n'est ni de notre fait, ni du vôtre.

Au plan budgétaire ensuite, les moins-values fiscales sont évaluées à 5 milliards, et ce n'est qu'un minimum.

M. Didier Migaud - Il y a aussi les recettes non fiscales !

M. Philippe Auberger - Mais rien ne sert de pleurer sur le lait répandu. L'audit de l'an dernier a révélé un dérapage de 15 milliards du déficit, expliqués par une insuffisance de provisionnement en ce qui concerne les dépenses et par le fait que certaines plus-values fiscales aient été totalement illusoires. On nous oppose systématiquement la baisse de l'impôt sur le revenu, mais elle n'a coûté que 2,5 milliards ! Nous ne sommes pas dans le même ordre de grandeur, et ce rappel fait justice de tout ce qui nous a été reproché.

Quelles doivent être les priorités du budget 2004 ?

D'abord, il faut retenir une prévision de croissance réaliste. Valéry Giscard d'Estaing, ministre de l'économie, et Gilbert Mathieu, alors célèbre journaliste du Monde, ont pu autrefois débattre des prévisions normatives et des prévisions réalistes. L'expérience montre qu'à s'écarter trop de la réalité, les distorsions ont des effets néfastes. Réalisme donc, et la commission des finances partage ce point de vue. Il ne faut pas anticiper sur une reprise de la croissance internationale, quand on voit que l'Allemagne, notre premier client, est en récession depuis deux trimestres. Quand aux prétendues vertus des stabilisateurs automatiques, j'en ai fait justice en commission. Pour mener une politique keynésienne, il faut s'assurer qu'elle va avoir des effets sur la demande. Or actuellement, le pilier faible, c'est l'investissement. De ce fait, la baisse des taux par la BCE est certainement plus prometteuse.

Notre second objectif doit être de réduire le déficit budgétaire d'au moins 0,5 % de PIB. Nous éviterons ainsi les foudres de Bruxelles, voire des pénalités lourdes - de l'ordre de 5 milliards - en faisant à notre tour l'effort qu'ont fait d'autres pays pendant la période de croissance. La bonne tenue de l'euro a peut-être des inconvénients pour la compétitivité, mais elle permet de maîtriser l'inflation, donc de financer plus facilement la dette publique, qui atteint un niveau préoccupant. Alors que nous ne voulons pas faire reposer sur les générations futures le coût des retraites, ne serait-il pas paradoxal de leur laisser le poids d'une telle dette publique ?

M. Augustin Bonrepaux - Voilà des propos raisonnables.

M. Philippe Auberger - Cela passe par la maîtrise des dépenses publiques, donc des charges de la fonction publique.

M. Michel Bouvard - Et voilà !

M. Philippe Auberger - A cet égard je regrette que l'on n'ait pas retenu la notion de recrutement annuel dans la fonction publique, qu'utilisent les entreprises, plutôt que de création d'emplois. D'autre part, alors que les classes creuses arrivent dans la vie active, il serait paradoxal que la fonction publique les embauche au détriment du secteur privé.

Ensuite, il faut donner la priorité aux dépenses qui contribuent à l'amélioration de l'emploi dans le secteur privé, en favorisant la création d'entreprise, le développement des PME, l'innovation - une prochaine loi-programme y contribuera - et l'investissement. Il faut donc alléger les charges sur les bas salaires, poursuivre l'effort pour le contrats jeunes en entreprise, développer les formations et les reconversions pour prolonger l'activité des plus âgés. Si l'on a quelques disponibilités, il faut aussi revoir le crédit d'impôt-recherche et penser aux infrastructures les plus utiles pour nos entreprises.

Monsieur le ministre, votre tâche est extrêmement difficile. Mais plus elle l'est, plus il faut affirmer des choix clairs, pour obtenir le soutien non de la majorité - il vous est acquis - mais de l'opinion. Bon courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt - J'ajouterais volontiers « bonne santé », car c'est de ce domaine que je vais vous entretenir.

La situation économique et budgétaire est grave, ce qu'a reconnu M. Bayrou, et ce qui a même conduit M. Perruchot à dresser un réquisitoire sévère. Dans ces conditions, que fait le Gouvernement ? Alors que l'on ne connaît pas encore le déficit de 2003, vous avez déjà indiqué que vous ne changerez pas de politique, que vous accepterez que le déficit et la dette augmentent, en masquant votre laxisme, à l'intention de l'Union européenne, par la création d'une réserve constituée après les annulations et gels de crédits. Vous allez poursuivre aveuglément une politique de réduction d'impôts que, même dans vos rangs, on conteste désormais. Cerise sur le gâteau, le sénateur Bourdin réclamait ce matin plus d'allégements fiscaux sur les revenus des actions.

Ce débat d'orientation budgétaire est quelque peu virtuel. Encore faudrait-il que, pour 2003, les gestionnaires de crédits publics aient une visibilité suffisante pour engager les investissements et les actions programmés. Ils ne l'ont plus. C'est un véritable appel de détresse que vous ont lancé le 14 mai le ministre de l'emploi et celui de la santé - encore a-t-il fallu que le Canard enchaîné nous en informe. Dans leurs notes, ils montrent que la structure même des dépenses de fonctionnement ne permet pas d'économies, a fortiori en cours d'année. Les seules dépenses ajustables - par exemple, les logiciels nouveaux - sont celles qui permettent une meilleure productivité sur le long terme.

Les économies pourraient affecter les campagnes de communication de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Mais comment comprendre alors que le Premier ministre ait imposé des dépenses de communication de 20 millions à propos des retraites, alors que le ministère de la santé n'honore pas ses dépenses de communication ? Vous mettez à mal vos propres outils de gestion, comme la directive nationale d'orientation. En tant que rapporteur spécial pour le budget des personnes handicapées j'ai pu constater que dans les régions, 20 à 25 % des crédits pour la promotion de la santé et la prévention ont été annulés. Pour ce même chapitre, la totalité des reports sont gelés. Comment y aura-t-il décentralisation sans déconcentration ?

Toujours dans le domaine de la santé, la prévention insuffisante en France, doit s'appuyer sur des études. Mais le budget « études générales statistiques » ne permet même plus d'honorer les engagements de l'année passée. La situation est analogue pour le ministère du travail, et j'espère que les rapporteurs spéciaux membres de la majorité auront à c_ur de le souligner.

Allez-vous, dans ces conditions, diminuer encore les impôts des plus favorisés ? Où nous entraînez-vous ? On nous disait hier qu'il y avait un pilote dans l'avion. N'est-il pas plutôt le capitaine d'un nouveau Titanic ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Louis Giscard d'Estaing - Monsieur le ministre, il est clair qu'avec vous nous sommes sortis des procédures budgétaires opaques de ces dernières années. Vous avez le courage de la transparence et de la franchise, vous êtes déterminé à assurer la vérité dans la gestion.

Les Français doivent mesurer l'impact des déficits accumulés depuis 1997. Sans revenir sur les causes d'une situation préoccupante, rappelons que les cigales socialistes ont fait vivre la France du public au-dessus de ses moyens à une époque où la conjoncture favorable aurait permis de rétablir les grands équilibres. Chacun se souvient de la tristement célèbre prophétie de François Mitterrand : « La France ne passera pas le cap des deux millions de chômeurs ». C'est sous sa présidence qu'elle a passé le cap des trois millions.

Notre croissance moyenne est restée, jusqu'à 2002, inférieure à celle de beaucoup de nos concurrents. La dette publique atteint des sommets, malgré des « cagnottes » malheureusement dilapidées.

Cela résulte de l'augmentation continue des dépenses publiques, en particulier sociales, générant des situations acquises irréversibles.

On pourrait dramatiser à plaisir la situation, mais il suffirait à M. Fabius de faire un voyage d'études en Argentine pour constater qu'il n'y a jamais de situation désespérée, dès lors qu'on en prend la mesure et que cesse la fuite en avant.

Nous pouvons et devons sortir du cercle vicieux de la hausse de la dépense publique et donc de prélèvements, qui sape la confiance, décourage l'investissement et accélère la faillite financière de la nation.

L'alerte a été donnée avec la remontée du chômage en septembre 2001. Il faut prendre des mesures d'économie sans handicaper la croissance. Le retour de la confiance passe par le courage du Gouvernement et le sens des responsabilités de sa majorité. Votre objectif de stabilisation en valeur en trois ans des dépenses publiques, hors service de la dette et dépenses de sécurité, est un minimum. Il exigera une grande détermination de l'administration et aussi des collectivités territoriales. Il faudra profiter des départs en retraite pour réduire les effectifs et supprimer des dépenses de fonctionnement superflues. C'est par ce sens de la responsabilité publique qu'on pourra rendre confiance aux Français et relancer la croissance.

Messieurs de l'opposition, compte tenu de l'addition que vous nous avez laissée, ce ne sera pas facile, mais nous n'avons pas le choix. Monsieur le ministre, vous pourrez compter sur notre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - C'est bien un budget de rigueur que vous nous annoncez, Monsieur le ministre. Après de nombreux gels et annulations de crédits, MM. Fillon et Mattei ont d'ailleurs estimé que leurs dépenses courantes ne pourraient pas être couvertes. Qu'en est-il, à ce sujet, du coût pharaonique de la campagne de propagande sur les retraites ?

Notre pays connaît une crise économique sans précédent. Tous les indicateurs sont au rouge. La France doute de vos choix politiques, y compris une partie de votre majorité.

Dans une telle situation, les pouvoirs publics devraient s'efforcer de relancer la croissance et la consommation. Vous avez décidé de faire le contraire en favorisant les hauts revenus, plus portés vers l'épargne, déjà trop importante en France.

Les budgets de la recherche, de la formation, de l'éducation sont en chute libre ; les investissements prévus dans les contrats de plan sont abandonnés ; la politique du logement, de l'environnement, de la famille, de la jeunesse, de l'agriculture sont sacrifiées sur l'autel de la rigueur. Ce n'est pas en transférant des dépenses aux collectivités locales que vous nous rassurerez.

Vous ne dites pas la vérité aux Français, vous la cachez même à Bruxelles. La route est de moins en moins droite et la pente de plus en plus forte, pour paraphraser le Premier ministre.

Un mot sur les comptes sociaux. Vous êtes face à des lobbies qui veulent creuser le déficit de l'assurance maladie et je crains que le ministre de la santé leur résiste mal.

Nous allons voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans quelques semaines et nous ne savons rien de vos orientations. Faut-il croire le ministre de la santé ou le Président de la République, qui tiennent des propos contraires ?

Deux problèmes se posent : celui de la dette et celui de la réforme structurelle.

Allez-vous prolonger la CADES et donc reporter le fardeau sur les générations futures ? Augmenter les cotisations sociales ? Continuer à dérembourser ? Privatiser partiellement la sécurité sociale ?

M. Michel Bouvard - Fantasmes !

M. Pascal Terrasse - Je ne fantasme pas sur les comptes : 15 milliards d'euros à trouver !

La CNAV, aujourd'hui en excédent, sera dans le rouge l'an prochain du fait de votre réforme des retraites.

En conclusion, 2004 sera pire que 2003 : 2003 aura été l'année des gels de crédits, 2004 sera celle de la glaciation ! Monsieur le ministre, attention aux rhumes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Deniaud - Nous sommes tout à fait solidaires de l'orientation générale de votre budget.

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez du mérite et nous de la compassion !

M. Yves Deniaud - La croissance zéro des dépenses est une nécessité absolue pour 2004 et les années suivantes.

Vous devez, en effet, composer avec un déficit bien supérieur aux prévisions. Comme l'a rappelé M. Auberger, le dérapage dû à la précédente gestion est de 15 à 16 milliards d'euros, alors que la baisse des impôts que nous avons opérée n'a porté que sur 2 milliards d'euros : cela ne laisse aucun doute sur la responsabilité du déficit ! C'était bien le plus gros mensonge budgétaire depuis 1993...

Vous devez composer aussi avec l'impossibilité d'accroître les prélèvements obligatoires. La croissance de la France reste supérieure à la moyenne européenne, mais elle est fragile et ne résisterait pas à une nouvelle hausse des prélèvements.

Il ne reste donc qu'une solution, la maîtrise absolue des dépenses publiques, plus précisément des dépenses de fonctionnement, car l'investissement public a déjà été réduit par l'explosion des dépenses sociales à guichet ouvert décidées par le précédent gouvernement.

Les recettes fiscales affectées au FOREC s'élèvent à 15,6 milliards d'euros, soit le tiers du déficit et elles ont augmenté de plus de 7 % en un an ; l'APA, la CMU, l'aide médicale d'Etat crèvent les plafonds. Comme vous l'avez dit en commission des finances, Monsieur le ministre, la France va dépenser davantage pour les soins aux étrangers en situation irrégulière que pour ses routes nationales : si on continue comme cela, M. Le Pen fera ses choux gras longtemps !

De réelles petites marges de man_uvre commencent ainsi à apparaître, ce qui n'était pas le cas avec le grotesque épisode de la cagnotte il y a trois ans.

Maîtriser la dépense publique conduira à réduire le nombre de fonctionnaires, sans dogmatisme, partout où le permettront des gains de productivité. On peut, par la simplification des procédures, par la lutte contre la bureaucratie tatillonne, faire maigrir l'Etat tout en le rendant plus efficace. Cette évolution est nécessaire parce que les dépenses de pensions vont augmenter de 14,8 % en trois ans. Si les recrutements continuaient au niveau des années précédentes, il ne resterait plus un centime dans le budget pour quoi que ce soit d'autres.

La réduction du nombre des fonctionnaires n'aura d'ailleurs pas d'effets si terribles, car les classes d'âge concernées étant moins nombreuses et le nombre de départs en retraite s'élevant brutalement, la proportion de fonctionnaires recrutés dans une classe d'âge ne sera pas sensiblement inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui si nous ne remplaçons qu'une partie des retraités.

Pour cet effort indispensable, vous pouvez compter sur la majorité. Faites-lui confiance, de votre côté, pour décider avec vous les changements nécessaires dans l'organisation de l'Etat. Nous connaissons les pressions qui s'exercent pour vous prouver l'utilité d'accroître la dépense. Aussi vaut-il mieux vous appuyer sur autrui pour trancher dans le vif. Soyez assuré de notre totale détermination pour trouver avec vous les moyens de revenir à l'équilibre financier qui a garanti à tant de nos voisins un chômage plus faible, un pouvoir d'achat en hausse plus forte, bref une prospérité que nous voulons rendre à la France d'ici 2007 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Thierry Carcenac - Vous indiquez dans votre rapport que « la France connaît un niveau de dépenses publiques parmi les plus élevés du monde, supérieur de 12 points à la moyenne de l'OCDE et de près de 5 points et demi à celle des pays de la zone euro ».

Tout en précisant que le poids de la dépense reflète des choix nationaux en matière de services publics, de protection sociale et de redistribution, vous concluez que « la progression des dépenses publiques est France davantage le résultat d'une dérive que d'un choix collectif. »

Voilà qui montre que votre analyse est purement idéologique. Le Premier président de la Cour des comptes a du reste rappelé que les comparaisons internationales directes reflètent surtout des effets de structures et des choix fondamentaux de société.

Dès lors on comprend mieux les raisons qui ont poussé nos concitoyens à battre le pavé pour s'opposer à vos choix de société et manifester leur attachement aux services publics. Votre inaction n'est que la traduction du vieux thème du welfare state. Vous êtes seuls à croire que les lois du marché, dans lequel l'intervention de l'Etat est réduite, permettront à l'individu de s'épanouir.

M. Jean Le Garrec - Très bien !

M. Thierry Carcenac - Revenez donc à une conception moins simpliste du système économique.

Un an après votre arrivée, tous les indicateurs sont au rouge. Le déficit public dépasse 3 % du PIB ; l'endettement dépasse 60 % du PIB, le chômage augmente ; la consommation languit. Face à cela, vous ne connaissez qu'une recette, diminuer les impôts, ce qui est économiquement contestable. En effet, la baisse profite principalement aux redevables aisés qui, à la différence des plus modestes, ne consomment pas directement le supplément de revenu ainsi disponible. En outre, l'allégement accroît le déficit budgétaire. Vous ne précisez pas que l'impôt sur le revenu n'est acquitté que par un foyer sur deux, alors que les impôts directs locaux frappent davantage de contribuables.

Vos choix sont injustes et inéquitables.

Vous déclarez vouloir améliorer la productivité de Bercy d'au moins 1 % par an. Or, dans son rapport de performances pour 2001, la DGI indiquait que la productivité moyenne, entre 1995 et 2001, avait augmenté de 2,15 % par an. Vous n'avez donc pas le monopole de la réforme de l'Etat. Que comptez-vous faire dans ce domaine ? Allez-vous inciter des agents du ministère à partir, par exemple parmi ceux affectés au contrôle technique des véhicules lourds, en contradiction avec votre plan de réforme des retraites ? Ou bien l'informatique sera-t-elle l'élément magique de la réforme du ministère ?

Vous l'avez compris, nous ne pouvons pas approuver vos orientations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Hervé Mariton - Le budget a pour vocation de permettre à l'Etat d'agir, et aux acteurs privés de développer leurs initiatives. Or l'Etat est le plus souvent contraint à l'inaction, les dépenses d'investissement ont diminué, la structure des dépenses de l'Etat n'est pas satisfaisante. L'Etat occupe désormais une telle place que les acteurs privés n'ont plus beaucoup de latitude pour agir. Les dépenses d'administration publique atteignent 50 % du PIB, ce qui constitue un record européen.

Pour redresser la situation, nous devons convaincre nos concitoyens de sa réalité. Qui la question intéresse-t-elle ? Le spectacle qu'offre à cet instant l'hémicycle ne facilite pas la réponse. En France, on ne croit pas aux chiffres, et l'on se dit que tout ne va pas si mal. Si les choses vont ainsi depuis quarante ans, elles dureront bien quarante ans encore. Il est donc essentiel d'avoir bien conscience de la gravité des difficultés, et de ne pas s'abriter derrière une prétendue exception française. Sait-on que l'endettement de l'Etat a augmenté chez nous de 7 500 € par habitant en dix ans, et diminué de 6 000 € en Irlande ?

Heureusement, nous disposons d'un règlement de copropriété, le pacte de stabilité et la protection de l'euro. Prenons garde de ne pas être un jour expulsé de la copropriété, selon un processus digne de l'Argentine. N'imaginons pas que nous pourrons rester indéfiniment dans la même situation.

M. Jean-Pierre Brard - Vous ne durerez pas indéfiniment !

M. Hervé Mariton - Le travail de pédagogie, on le voit, est considérable. Le redressement s'impose, il y faut de la discipline et surtout un projet politique. Pour réussir et pour convaincre, évitons le dogmatisme. Ce que nous voulons, c'est réduire la part de la dépense publique dans la richesse nationale. Ce discours est celui de la réforme. Pas de tabou non plus : l'éducation nationale est une priorité du pays, mais l'ampleur des moyens dont elle dispose a peu de rapport avec la qualité du service obtenu, et la crise sociale récente ne doit pas tétaniser l'action publique et empêcher de porter au budget de l'éducation toute l'attention nécessaire.

Pas davantage de masochisme : n'a-t-on pas l'impression parfois que le prélèvement supplémentaire vaut viatique de réforme ? Nous aurons bientôt à étudier la réforme de l'assurance maladie. D'évidence, la solution ne se trouve pas tout entière dans l'augmentation des prélèvements.

Nous devons conserver à notre politique le cap de la cohérence. Depuis un an, nous avons tenu notre engagement de baisser les impôts ; nos compatriotes comprendront que le mouvement doive s'adapter aux circonstances, mais la moindre atteinte à la cohérence de notre démarche aurait des effets désastreux.

A la cohérence s'ajoute la sagesse. Il faut savoir ce que l'on peut et ce que l'on ne peut pas faire. Abandonnons l'idée selon laquelle « je dépense, donc je suis ». L'Etat ne doit pas céder au vertige des dépenses supplémentaires. Et celles qu'il ne peut pas engager, il ne doit pas les imposer à d'autres. Il lui revient aussi d'appeler les élus locaux à la responsabilité. Veillons à la manière dont l'Etat appliquera la décentralisation, pour que le redressement que nous souhaitons avec vous ne soit pas immédiatement contredit par un dérapage de la dépense locale.

Pour tout cela, courage et lucidité sont nécessaires, et vous en faites preuve.

La pédagogie sera difficile, il n'est donc pas trop tôt pour l'entreprendre. Merci de ce que vous ferez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Anne Montchamp - Le rapport sur l'évolution de l'économie et sur les orientations des finances publiques montre quelle est la réalité de nos finances, avec les contraintes qui pèsent sur le Gouvernement - l'héritage de la précédente législature, le ralentissement de la croissance, la rigidité des dépenses ;

L'action du Gouvernement vise, à moyen terme, à corriger les dérives structurelles liées à l'évolution de notre société - démographie, contexte mondial, rapidité des mutations économiques - et les dérives conjoncturelles liées à une croissance ralentie.

Vous avez souligné, Monsieur le ministre, l'importance de deux orientations du Gouvernement : réforme de l'Etat, maîtrise des dépenses publiques.

La réforme de l'Etat est engagée, et il est sage de vouloir la maîtrise de la dépense publique par le respect, en exécution, du niveau des dépenses autorisé par le Parlement en loi de finances initiale, soit 273 milliards d'euros.

Cette sagesse prend le contre-pied d'une nouvelle catégorie de dépenses constatée ces dernières années et initiée par le précédent gouvernement : il s'agit de dispositifs choisis par dogmatisme, dans l'oubli de leur financement. Nous devons assumer collectivement les risques politiques qui ont été pris. Je pense aux 35 heures - 11,3 milliards en 2002 -, à la CMU - 1,2 milliard -, à l'aide médicale d'Etat - 800 millions prévus en 2003 -, pour ne pas citer les emplois-jeunes ou l'APA.

Ainsi, le dispositif de l'AME a été imaginé constant, à moins de 30 millions à l'origine, alors que son coût dépasse aujourd'hui de près de 500 millions la prévision initiale. Cette sur-dépense est aujourd'hui, à elle seule, presque équivalente aux prévisions de dépassement des dépenses de l'assurance maladie.

Il faut rompre avec l'approche démagogique selon laquelle la seule alternative est l'abandon, à terme, de notre devoir de solidarité, ou le dérapage permanent et incontrôlé de la dépense publique.

Une autre voie existe, celle de la responsabilisation. Dans ces conditions, crier à la révolte face aux tentatives d'encadrer la dépenses des guichets sociaux est fondamentalement irresponsable. Vigilance et maîtrise doivent entraîner une plus grande performance de la dépense publique. C'est l'un des enjeux de la LOLF et l'un des défis de la décentralisation.

Nous avons besoin d'une évaluation stricte, d'une modélisation de l'analyse de l'évolution de toute mesure nouvelle à moyen terme. Les premières années de vie d'un dispositif social ne permettent en effet que des estimations partielles de son coût. La phase d'expérimentation limite la dépense et crée un effet de trompe-l'_il.

M. Michel Bouvard - Belle démonstration !

M. le Rapporteur général - Très juste !

Mme Marie-Anne Montchamp - Nous devons admettre la pluralité des scénarios, les projections à long terme et le caractère erratique des recettes en fonction de la conjoncture, tout comme la non-linéarité des dépenses.

L'encadrement de la dépense publique doit amener un progrès. Nous devons plus que jamais concilier justice sociale par les performances de la dépense et soutien aux acteurs économiques par la baisse des prélèvements obligatoires et des charges (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur général - Très bien !

M. le Président - Le débat d'orientation budgétaire est clos.

M. le Ministre délégué - A l'heure où nous sommes, vous comprendrez que je ne puisse répondre à chacun des intervenants, mais je m'engage à répondre par écrit à ceux d'entre vous qui souhaiteraient une réponse précise sur tel ou tel point.

La contribution de chacun des orateurs a été utile et le soutien de certains d'entre eux au Gouvernement précieux.

Je souhaite tout d'abord faire écho au rappel au Règlement de M. Ayrault. Il a souhaité que le Gouvernement dialogue avec l'opposition. Je suis sincèrement disponible pour répondre à toutes les questions, mais convenez avec moi que ce n'est pas lors des questions au Gouvernement, en deux minutes et demi, que l'on peut traiter de sujets aussi complexes que ceux que nous évoquons ce matin. La qualité d'un débat démocratique, de plus, suppose la bonne volonté des deux parties.

M. Didier Migaud - Nous le souhaitons aussi.

M. le Ministre délégué - Monsieur Migaud, le rapport du Gouvernement est totalement fidèle à l'article 48 de la loi organique. Jusqu'ici, il n'y avait jamais eu de précision d'exécution : il y en a une.

M. Michel Bouvard - Tout à fait !

M. le Ministre délégué - Jamais il n'y avait eu de projections pluriannuelles sur les recettes : elles y figurent. Jamais la méthodologie de la prévision des recettes n'avait été exhaustivement développée : c'est aujourd'hui le cas. Jamais il n'y avait eu de projections sur les dépenses : elles y sont. Jamais il n'y avait eu de transparence intégrale sur les régulations : ce fut le cas depuis notre arrivée au pouvoir. Il est injuste de prétendre que le rapport n'a pas été enrichi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Didier Migaud - Peut mieux faire...

M. le Ministre délégué - S'agissant de la Cour des comptes, nous pouvons tous partager certains constats : la France n'a pas suffisamment réduit son déficit pendant les années de croissance, contrairement à ses voisins ; l'endettement de l'Etat est une préoccupation majeure, de même que la rigidification croissante du budget de l'Etat due à l'augmentation continuelle des charges de la dette, des dépenses de rémunérations et des pensions de fonctionnaires.

A propos de la responsabilité des différents exécutifs quant à la dégradation des comptes en 2002, je vous ai dit que le Gouvernement non seulement assume mais revendique les 600 millions d'euros dépensés pour la restauration de l'autorité de l'Etat. Si les critiques concernant l'impôt sur le revenu sont légitimes, le Gouvernement ne les partage évidemment pas.

Pourquoi faudrait-il un collectif ? Augmenter les dépenses ? Il n'en est pas question. Augmenter les impôts ? Il n'en est pas question. L'équilibre de la loi de finances pour 2003 est-il bouleversé ? La masse financière concernée, en recettes comme en dépenses, est de 500 milliards. L'écart estimé n'est que de 5,1 milliards. Il repose de plus sur des prévisions, non des certitudes. En tout cas, le Gouvernement tiendra bon sur les dépenses, et je vous confirme à nouveau notre engagement de respecter l'autorisation parlementaire.

L'engagement d'informer le Parlement, notre rapport le respecte. Nous ne disposons, à ce stade, d'aucune information supplémentaire. Jamais un gouvernement n'a fait preuve d'autant de transparence.

M. Michel Bouvard - Tout à fait !

M. le Ministre délégué - M. le rapporteur général suggère, d'adopter, je le cite, « une démarche prudente dans l'évaluation des recettes ».

M. Augustin Bonrepaux - Il était temps !

M. le Ministre délégué - Êtes-vous bien placé, Monsieur Bonrepaux, pour donner des conseils en la matière ?

Le Gouvernement est d'accord, Monsieur le rapporteur général, pour examiner les pistes que vous proposez, dont l'appui sur le consensus et la croissance potentielle.

J'ai observé néanmoins que le consensus peut évoluer rapidement, et qu'il peut se tromper. Je vous rappelle qu'en septembre 2002, on parlait de 2,4 % et au mois de mars 2003 de 1,3 %. De plus, choisir l'hypothèse la plus basse, n'est-ce pas toujours trop excessif ? Serait-il raisonnable de retenir le chiffre de 0,6 % ? Nous avons aussi besoin de prévisions d'inflation et d'assiette des emplois taxables.

L'interprétation des statistiques est toujours délicate. Je rappelle que le financement de l'aide médicale d'Etat avait été évalué à 50 millions d'euros. Je n'accuse d'aucune déloyauté l'ancienne majorité, mais voilà un bel exemple du caractère aléatoire de toute prévision. Et il faut bien financer les dérives spontanées. L'aide médicale d'Etat coûte dix fois plus cher que prévu : c'est plus que ce que nous investissons sur le réseau routier français.

Les dernières statistiques de l'INSEE font état d'une baisse de la consommation au mois de mai. Mais ce n'est pas le moment le plus propice pour saisir une tendance. En mai, les incertitudes internationales étaient encore fortes. Le mois compte beaucoup de jours fériés, de ponts, et enfin il y a eu des mouvements sociaux. Cette statistique n'est donc pas significative, d'autant que des achats ont dû être différés dans l'attente des soldes.

La tendance résultera d'éléments tangibles : les gains de pouvoir d'achat - le Conseil des ministres a revalorisé hier le SMIC et avalisé de nouvelles baisses d'impôts -, les taux d'intérêt
- qui sont très bas - et la bonne situation financière des ménages et des entreprises. Ce sont ces facteurs-là qui permettent d'espérer une reprise.

Je crois comme vous à la nécessité des dépenses d'avenir. Savez-vous que la France est le quatrième pays de l'OCDE pour son effort de recherche-développement, qui représentait 2,19 % du PIB en 2000 ?

Mais cette performance est due à l'importance de l'effort public de recherche, pour lequel notre pays occupe la première place.

M. Pascal Terrasse - Nous en sommes très fiers !

M. le Ministre délégué - C'est la faiblesse de l'effort de recherche privé qui nous empêche d'atteindre le niveau espéré. En matière de recherche, un euro de dépense publique correspond à 1,35 € de dépense privée en France contre 3,5 € au Japon.

Avant de faire un procès au Gouvernement et de déplorer la baisse des dépenses, regardez comment sont alloués les moyens.

J'en viens aux mesures de régulation. Il ne s'agit pas de consommer moins de crédits que vous n'en avez autorisés, mais simplement de ne pas en consommer plus que ce que vous avez autorisé. Or sans mesures de régulation, le dépassement de votre autorisation est assuré. Nos administrations disposent et disposeront de tous les crédits que vous avez autorisés, qui sont plus importants que dans les pays comparables au nôtre.

Il n'y a pas lieu de douter de l'avenir de la France. Il est riche de l'effort de tous ceux qui se battent pour que notre pays réussisse. Ne décourageons pas les bonnes volontés par des prélèvements excessifs. Maîtrisons nos dépenses. Ne cherchons pas à dépenser plus - nous avons atteint un niveau maximum -, cherchons à dépenser mieux. Offrons aux Français le meilleur service possible au meilleur rapport coût-efficacité. Oui, c'est ainsi que nous rassemblerons toutes les bonnes volontés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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