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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 1er jour de séance, 2ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 1er JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 11

La séance est ouverte à neuf heures trente.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

M. Edouard Landrain - On parle de l'Europe, et beaucoup ont des craintes concernant l'Europe sociale. Sans doute faut-il donc aller voir ce qui se passe chez nos voisins.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - C'est toujours utile, en effet.

M. Edouard Landrain - Tous les gouvernements, quels qu'ils soient, s'inquiètent du devenir de l'assurance maladie : les constats sont les mêmes - des déficits importants - comme les réponses apportées. Partout il importe de maîtriser les dépenses tout en garantissant un bon accès à des soins de qualité.

Pour relever ce défi, cinq tendances se dessinent : décentralisation de la gestion et des financements conformément à des objectifs définis par l'Etat ; mise en concurrence régulée des prestataires de santé ; responsabilisation des professionnels de santé et des patients ; modernisation de la gestion par des méthodes performantes de management, rationalisation des ressources de soins et développement des nouvelles technologies d'information ; renforcement de l'évaluation et du contrôle par des organismes indépendants afin de supprimer les dépenses injustifiées et d'accroître l'efficacité des services.

En Allemagne, où les sociaux-démocrates sont au pouvoir, SPD et CDU se sont mis d'accord, dès le 21 juillet 2003...

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Eh oui !

M. Edouard Landrain - ...sur un programme présenté au Parlement le 17 octobre : ticket modérateur de 10 € par trimestre dès la première consultation, 10 € par jour pour les séjours hospitaliers, 10 % du coût des médicaments à la charge des patients - dans une limite de cinq à dix euros -, hausse de la fiscalité sur le tabac, augmentation des cotisations retraite, diminution globale des prestations, déremboursement des médicaments de confort, suppression du remboursement de certaines prestations et fin de la prise en charge par le régime général des indemnités journalières à partir de 2007 - l'assurance privé pouvant prendre le relais -, autonomie de gestion des caisses, création d'un institut chargé de contrôler et d'améliorer la qualité des soins, incitation aux soins préventifs, mise en place de médecins référents, lutte contre la fraude, carte de santé électronique, formation permanente obligatoire des médecins et développement des médicaments génériques.

Voilà un merveilleux exemple de courage et de maturité politique. Pour la première fois depuis dix ans, les comptes de l'assurance maladie, en Allemagne, sont revenus au vert.

Vous proposez la même chose pour notre pays, et on ne peut que regretter que chacun ne fasse pas preuve du même courage politique. Non seulement votre méthode est la bonne, mais il n'y en a pas d'autre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - J'ai laissé à M. Landrain un peu plus de temps que prévu pour s'exprimer car quatre orateurs de l'UMP ont renoncé à leur temps de parole.

Mme Maryvonne Briot - Vous proposez une réforme courageuse et innovante car, conjointement à l'indispensable redressement financier de notre système de santé, les notions de coordination et de qualité des soins sont clairement inscrites à l'article premier du projet, ce qui était attendu depuis des années par les professionnels de santé.

La création du dossier médical personnel est la pierre angulaire de la coordination des soins. Il s'agit à mon sens non d'une finalité, mais d'un début de changement profond des pratiques : je souhaite qu'à terme le dossier médical personnel devienne un dossier de soin personnel intégrant des données médicales et des informations liées à la prise en charge globale des patients, notamment la démarche de soins et le diagnostic infirmiers. Ainsi, l'infirmière hospitalière ou libérale aura la possibilité d'adapter rapidement les soins aux besoins des patients.

La notion de qualité est liée à celle d'évaluation des pratiques professionnelles. Les équipes soignantes évaluent déjà leurs pratiques grâce notamment aux cellules qualité, mais les critères et les outils d'évaluation différant souvent d'un établissement à l'autre, l'une des priorités de la Haute autorité de santé doit être de dresser un état des lieux de tous les outils d'évaluation puis de définir des critères communs.

Ainsi pourra-t-on mesurer de façon objective la qualité des soins et comparer réellement les pratiques professionnelles.

Je suis convaincue qu'il est possible de faire des économies en améliorant la qualité des soins. Cela suppose une réflexion globale, mais aussi individuelle de chacun, professionnels comme patients, sur sa propre utilisation du système de soins.

Je voterai avec fierté et enthousiasme ce projet de loi que le monde hospitalier, en particulier infirmier, attendait depuis longtemps (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Voilà quelqu'un qui sait de quoi il parle.

Mme Huguette Bello - On le voit à chaque nouvelle année, au moment des vœux : la santé est le désir le mieux partagé. Il n'y a donc pas à s'étonner de l'attachement, unanime et irréversible, à une assurance maladie universelle, ni de l'augmentation quasi-mécanique des dépenses de santé du fait du vieillissement de la population et du progrès des techniques.

En 1945, une France pourtant affaiblie, exsangue même, a su, avec énergie et générosité, jeter les bases d'un système exemplaire, l'un des meilleurs du monde. Aussi la France de 2004, infiniment plus riche et plus puissante, ne peut-elle que donner un nouveau contenu aux principes d'égalité, de solidarité et de qualité que nous ont légués nos aînés, conformément au programme du Conseil national de la Résistance.

Or, que nous propose-t-on ? Un plan de plus, vraisemblablement éphémère, et à l'efficacité incertaine. Plus grave, un plan injuste qui accroît les inégalités entre les territoires comme entre les individus. Au motif de lutter contre un prétendu nomadisme médical, on choisit de faire peser sur les assurés eux-mêmes le plus gros de l'effort. Pourtant qui ignore, comme l'a d'ailleurs rappelé le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, que « la grande majorité des assurés n'expose que des dépenses limitées », ou encore que « plus de la moitié des dépenses de santé sont imputables à 5 % des assurés, personnes âgées ou souffrant d'affections de longue durée » ?

Cette déformation de la réalité vise à faire accepter comme une fatalité l'instauration d'une médecine à deux vitesses. La nouvelle augmentation du forfait hospitalier et la franchise, aujourd'hui prévue d'un euro, par consultation, mais déjà beaucoup plus lourde dans certains pays européens, pénaliseront les plus modestes, déjà mis à contribution par l'alourdissement de la CSG.

De cette marche forcée vers une médecine à deux vitesses, la formule du médecin référent est l'illustration la plus éclatante. La mission d`information a été frappée du décalage entre le soutien unanime à cette organisation de l'offre de soins et le peu de succès des expériences déjà tentées en ce domaine. Quant au dossier médical partagé, version informatisée et obligatoire du carnet de santé, il ne sera pas accueilli avec plus d'enthousiasme que son prédécesseur. Sans doute permettra-t-il de lutter contre la multiplication des actes médicaux mais, dans le climat de contrôle de plus en plus insidieux où ils vivent, les Français, tout en ayant confiance dans leur médecin, s'interrogent sur l'usage extra-médical qui pourrait être fait des données de ce dossier.

A La Réunion, l'assurance maladie a permis rapidement d'améliorer de façon considérable la situation sanitaire. Mais dans l'île, les consultations coûtent 15 % de plus qu'en métropole et les médicaments 30,3 %, d'où un renchérissement des mutuelles. Dans ces conditions, votre réforme risque de dissuader les ménages modestes, déjà frappés par un très fort taux de chômage, de se soigner. Je demande donc à nouveau au Gouvernement d'étendre, une fois pour toutes, le bénéfice total de la CMU à ceux qui s'en trouvent, du fait de l'effet seuil, exclus pour quelques dizaines d'euros, notamment, à La Réunion, les titulaires du minimum vieillesse et de l'allocation adulte handicapé. Au moment où les complémentaires santé coûtent de plus en plus cher, il est urgent de prendre des mesures durables pour que nul ne soit contraint de renoncer à des soins ou de les différer.

Je regrette que la prévention, volet pourtant décisif de la politique de santé, soit absente de ce projet de loi. Dans un département comme le mien, où existe une surmortalité dans toutes les tranches d'âge, une politique active de prévention, notamment en matière de maladies cardio-vasculaires et de lutte contre l'alcoolisme, est indispensable.

Votre réforme n'atteindra pas les objectifs fixés. Elle fait supporter l'essentiel de l'effort par les assurés, tout en les soupçonnant. Agiter le fantasme de la mort de la sécurité sociale et brandir le spectre de sa privatisation interdit toute démarche sereine et réfléchie. Une réflexion approfondie serait pourtant nécessaire sur les finalités de notre société et les moyens qu'elles exigent. C'est avec les citoyens que ce travail doit être entrepris, ni contre eux, ni sans eux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Julien Dray - Ce matin, en me rasant et en ne pensant qu'à cela, j'écoutais néanmoins à la radio l'un de vos collègues un peu « destroy », Monsieur le ministre - vous voyez qui je veux dire... - et je me disais qu'il était sans doute difficile d'être membre d'un gouvernement où l'un passe son temps à défaire ce que l'autre a fait ! M. Borloo, puisque c'est de lui qu'il s'agit, vantait ce matin sur les ondes la solidarité, la cohésion sociale, le modèle français, et vous, ici, ce matin, que faites-vous, sinon défendre un projet qui porte atteinte à ces principes et à ce modèle ? Bref, dans ce Gouvernement, l'un creuse des trous que l'autre s'efforce de reboucher. Et qui l'emporte au final ? Le premier, puisque, décidément incapables de mener une politique juste et égalitaire, vous ne savez que mettre à contribution, toujours davantage, les salariés.

Mes collègues ont déjà insisté, les jours précédents, sur l'injustice et l'absurdité d'une réforme qui, une nouvelle fois, s'attaque aux plus modestes. J'insisterai, pour ma part, sur ce que devrait être une véritable réforme de l'assurance maladie. Car il est possible de réformer, et même de refondre totalement, notre système, tout en étant juste et en le sauvant du désastre financier, ce désastre qui vous arrange tant.

Si notre système curatif est certainement l'un des meilleurs au monde, la prévention est quasiment inexistante dans notre pays. Nous payons très cher le manque d'anticipation de notre politique de santé, comme on l'a vu lors de la canicule de l'été dernier. Plus de 90 % des dépenses de santé sont aujourd'hui consacrées au remboursement de soins curatifs. La prévention demeure le parent pauvre, alors que 50 % des morts prématurées pourraient être évitées. Cela n'est pas neutre sur la qualité de l'offre de soins mais aussi sur les dépenses de santé. L'URCAM de Languedoc-Roussillon a ainsi estimé que si rien n'était fait en matière de prévention, les dépenses consacrées au traitement du diabète de type II augmenteraient de 260 % entre 2000 et 2020 dans la région. Le vieillissement de la population est également un facteur d'augmentation des dépenses. L'enjeu est le suivant : cela se traduira-t-il par un allongement de la période de vie en bonne santé ou par une augmentation du nombre des périodes de maladie ?

Une politique ambitieuse de prévention est indispensable. Elle est, hélas, peu compatible avec la logique de l'équilibre financier annuel. Elle exige en effet d'importants moyens financiers. Il faut accepter l'idée de dépenser deux fois : une première fois pour les soins consécutifs aux maladies dont le risque n'a pu être encore prévenu, et une deuxième pour la prévention. Celle-ci est assurément un investissement « rentable », faire plusieurs pays de l'OCDE ont d'ailleurs choisi de faire. Le gouvernement québécois estime ainsi que chaque dollar investi dans la prévention peut, dans certains cas, faire économiser jusqu'à sept dollars en dépenses ultérieures de soins.

Pour sortir notre assurance maladie de l'ornière, il est temps de changer de logique et de placer soins et prévention sur un pied d'égalité. Nous sommes persuadés qu'il en résulterait à terme des économies très importantes. Ce choix, en réalité de « développement durable », ne peut plus être différé. Nous ne pouvons continuer de transférer sur les générations futures le coût de notre absence d'anticipation en matière de santé. Nous proposons de consacrer le quart des dépenses de santé à la prévention, dans le cadre d'un plan quinquennal qui définirait des priorités, votées par le Parlement, en tenant compte des conclusions des Conférences de santé. Il serait également indispensable de créer des maisons de santé pluridisciplinaires au cœur des villes. Elles permettraient de désengorger l'hôpital, de susciter des réflexes de prévention chez les patients et favoriseraient la continuité des soins. Il faudrait relever les taux de remboursement pour les patients qui accepteraient de suivre une démarche de prévention.

Un vaste plan Prévention pourrait comporter dix actions prioritaires parmi lesquelles la prévention du diabète, la lutte contre l'obésité, une ambitieuse politique d'éducation à la santé ou encore le diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer. Il serait urgent aussi de rendre les soins bucco-dentaires gratuits jusqu'à l'âge de 18 ans dans le cadre d'une intervention en milieu scolaire. Il faudrait aussi revaloriser la médecine scolaire et la médecin du travail en les dotant de moyens dignes de ce nom. Il faudrait enfin créer un cursus universitaire de médecine préventive et soutenir des recherches spécifiques en ce domaine.

Ce plan ambitieux pourrait être financé en le gageant sur le parc immobilier de l'Etat. Une agence nationale de la prévention pourrait coordonner l'action des différents instituts et agences qui travaillent déjà en ce domaine et conduire l'ensemble de la politique nationale de prévention.

Vous le voyez, Monsieur le ministre, le camp de la réforme, dont vous vous réclamez tant, n'est pas celui que l'on croit. C'est nous qui sommes les réformateurs et vous, les conservateurs (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). La vérité est que le principe même de la sécurité sociale vous gêne. Gens de droite, vous ne l'avez jamais vraiment accepté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Louis Fagniez - La maîtrise médicalisée des dépenses de santé, chacun la souhaite même si certains en doutent, y compris sur les bancs socialistes, où il n'y a pas eu plus vif critique de cette maîtrise que Jean-Marie Le Guen, toujours quelque peu provocateur comme lorsqu'il a parlé hier de maîtrise « à la papa ». Plus nuancé, Claude Evin a reconnu qu'elle était un élément important de cette réforme, notamment avec l'instauration du dossier médical partagé.

Pour l'UDF, Bernard Debré a jugé cette réforme moderne et structurante, mais l'investissement peut-être coûteux, pour un retour à long terme.

Pour ma part, je dégagerai quelques points saillants du projet et avancerai quelques suggestions pour les décrets d'application.

Actuellement, l'information médicale du patient est éparse et non partagée. Le malade se rend chez son médecin traitant, qui lui prescrit divers examens. S'il l'envoie chez un spécialiste, le dossier grossit. Une éventuelle hospitalisation donnera lieu à un dossier encore plus volumineux, comme peut-être un séjour en établissement de convalescence. Quand le patient retourne voir son médecin traitant, il existe ainsi cinq ou six dossiers, ce qui nuit à l'information et à la qualité des soins. Il existe pourtant des expériences de dossiers informatisés chez nous et à l'étranger, et je suis convaincu que le ministre les a examinées.

M. le Ministre - C'est vrai.

M. Pierre-Louis Fagniez - Désormais, tout bénéficiaire de l'assurance maladie de plus de 16 ans possèdera son dossier médical personnel unique et informatisé. Ces dossiers seront centralisés auprès d'hébergeurs assurant fiabilité et confidentialité. La nouvelle carte Vitale avec photo et éléments biométriques sera la clé d'accès au dossier Le médecin aura accès aux données en accord avec le malade, en utilisant sa carte de professionnel de santé : le croisement des deux cartes est une garantie supplémentaire de confidentialité. Le patient qui refusera de jouer le jeu et de donner accès au dossier à son médecin sera moins bien remboursé. Le calendrier annoncé est volontariste. Un appel d'offres a été lancé pour l'expérimentation en grandeur réelle qui aurait lieu en 2005, avec généralisation au milieu 2007. C'est peut-être faire preuve d'optimisme, mais il est de bon aloi.

J'aurai des suggestions en ce qui concerne les conditions d'accès au dossier - et je le répète, pour aider à la rédaction des décrets, non pour amender le texte.

Le patient aura, seul, un accès automatique au dossier. La loi du 4 mars 202 instituait cet accès, mais toujours par l'intermédiaire du médecin traitant ou de l'hôpital. Il n'est pas bon de donner un accès automatique à un dossier qui peut contenir des informations sensibles. D'autre part, il se posera un problème quand le patient ne sera pas en état de donner le code d'accès. La loi du 4 mars 2002 prévoit dans ce cas le recours à une personne de confiance. Je suggère donc de donner un accès direct limité à des données neutres et immédiatement compréhensibles pour le patient, mais de conserver l'intermédiaire d'un médecin pour accéder aux données sensibles qui nécessitent une explication.

Avec ces précautions, je ne doute pas que le dossier médical personnel permettra à la fois d'améliorer la qualité des soins et de faire des économies (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Je remercie les intervenants qui tous, je le constate, partagent le même attachement à l'assurance maladie.

L'opposition, notamment par la voix de Mme Guigou, a mis en avant un prétendu redressement des comptes qu'elle aurait opérée lorsqu'elle était au gouvernement. Il faut donc faire un peu d'histoire. Dans son rapport de septembre 2001, le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale écrit ceci : « Ces excédents restent néanmoins modestes...

Mme Elisabeth Guigou - Mais il existent !

M. Jean-Marie Le Guen - Excédents modestes contre déficits abyssaux !

M. le Ministre - Je comprends que cela vous fasse mal.

M. Julien Dray - Pour l'instant cela fait plutôt du bien !

M. le Ministre - Ces excédents étaient modestes, donc, « au regard du montant des dépenses et des recettes de la sécurité sociale et surtout au regard du caractère assez exceptionnel et très favorable aux recettes de la sécurité sociale de la conjoncture des deux dernières années. Il ajoute que « ces conditions auraient dû conduire à des excédents plus importants ».

M. Edouard Landrain - Et voilà !

M. Julien Dray - C'est sûr, on peut toujours mieux faire.

M. le Ministre - Ainsi, poursuit le rapport, le régime général aborde une période plus difficile sans que soit suffisamment rétablie sa situation financière, et les comptes de la CNAM restent déficitaires. En juin 2002, le secrétaire de la commission indiquait que les réaffectations de recettes opérées au détriment du régime général et du fonds solidarité vieillesse, notamment pour le financement du FOREC, ont limité l'ampleur des excédents..

M. Jean-Marie Le Guen - Des excédents !

M. le Ministre - ...laissant ainsi peu de marge au sommet du cycle économique pour affronter les temps à venir.

Sur les revalorisations d'honoraires, Mme Guigou a dit que M. Mattei les avait fait passer à 20 € sans aucune contrepartie.

M. Jean-Marie Le Guen - Absolument !

M. le Ministre - Mais c'est quand vous étiez aux affaires que l'augmentation de 17,5 à 18,5 € a été faite sans aucune contrepartie.

Mme Elisabeth Guigou - Si ! de vraies contreparties !

M. le Ministre - En juin 2002, le passage à 20 € a eu comme contreparties notamment la baisse du nombre de visites et la prescription de génériques - leur utilisation a effectivement augmenté.

J'ai déjà répondu sur le transfert immédiat de l'ensemble des droits sur le tabac et l'alcool à l'assurance maladie. Lorsqu'on a exercé des fonctions ministérielles éminentes, madame Guigou, il est surprenant d'avancer de telles propositions.

Mme Elisabeth Guigou - Et pourquoi ?

M. le Ministre - Cela consiste purement et simplement à transférer le déficit de la sécurité sociale à l'Etat. Les socialistes ont trouvé une idée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Auberger - Impensable !

M. le Ministre - On va prendre dix milliards à l'Etat de recettes sur le tabac et l'alcool...

M. Jean-Marie Le Guen - Eh oui !

M. le Ministre - ... pour les transférer à l'assurance maladie. Formidable ! Mais Mme Guigou, qui n'a pas été ministre du budget, ne sait pas comment on va remplacer ces dix milliards dans les finances de l'Etat.

De nombreux députés socialistes - Mais si !

M. Julien Dray - Ne faites pas de cadeaux au Medef !

M. le Ministre - Par des impôts, probablement.

M. Jean-Marie Le Guen - Allez donc dire aux buralistes que les augmentations sur le tabac servent à diminuer les impôts des riches !

M. le Ministre - Vous dénoncez une médecine à deux vitesses à cause d'une prétendue liberté tarifaire. Ce que nous mettons en place, c'est une médecine coordonnée, et vous devriez vous en féliciter. Vous appréciez la réussite des réseaux : c'est nous qui avons pratiquement sextuplé leurs moyens, les portant à près de 150 millions. Quant à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, elle ne pourra évidemment être une caisse supplémentaire de sécurité sociale car l'assurance maladie consacre 30 % de ses dépenses aux personnes très âgées et handicapées.

Pour Mme Robin-Rodrigo, la concertation sur la réforme n'a pas été suffisante. Xavier Bertrand et moi-même avons discuté pendant des centaines d'heures avec les partenaires sociaux. Elle prétend que nous pénalisons les patients et les assurés. Sans doute a-t-elle mal lu le projet, qui vise d'abord à améliorer l'organisation des soins et demande des efforts partagés.

Avec M. Renucci, nous avons au moins un point d'accord, sur l'importance du dossier médical et de la coordination des soins. Il est dommage qu'il ne voit pas les nombreux progrès qu'apporte la réforme.

M. Préel, en particulier, s'est inquiété du report des charges sur les générations futures. Le projet transfère effectivement la dette actuelle et celle de 2005 et de 2006 vers la CADES. Mais ce n'est pas ce transfert qui crée la charge, c'est l'existence même d'une dette structurelle. D'où l'importance de la réforme.

Mme Fraysse a nié l'existence de la fraude et des abus. Y mettre un terme ne suffira pas à trouver les financements nécessaires. Mais alors qu'on demande un effort à tous nos concitoyens, il serait injuste de laisser une minorité abuser du système.

Elle a aussi parlé d'une restriction de la prise en charge. Elle n'a sans doute pas eu le temps de lire le projet, qui ne modifie en rien le périmètre des soins remboursés par l'assurance maladie. Contrairement aux plans précédents, celui-ci ne procède à aucun déremboursement. Tous les plans depuis vingt ans se sont accompagnés d'une hausse des cotisations et d'une baisse des remboursements...

M. Jean-Marie Le Guen - Mais celui-ci aussi !

M. le Ministre - Vous ne le ferez croire à personne !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous augmentez la CSG !

M. le Ministre - Ce n'est pas un déremboursement.

M. Jean-Marie Le Guen - Et ne plus rembourser un euro par acte, c'est quoi ?

M. le Ministre - En dehors de cet euro par acte, il n'y a pas de déremboursement.

Mme Elisabeth Guigou - Pour vous, ce n'est rien ?

M. le Ministre - Je remercie M. Mariton de ses propos. Oui, notre but est de revenir à l'équilibre et oui, cela devra s'accompagner d'un effort de pédagogie.

De nombreux orateurs ont insisté à juste titre sur l'intérêt du dossier médical personnel, qui est en effet un élément clé de l'amélioration des soins et qui supposera une implication des médecins. Sa sécurisation préoccupe beaucoup d'entre vous. Nous y veillerons.

M. Mallié a insisté lui aussi sur la pédagogie. La proposition qui a été faite d'un numéro de téléphone spécifique me paraît excellente, je vais l'étudier, de même que celle concernant l'accompagnement des malades chroniques.

M. Hugon a salué la création d'une haute autorité scientifique de santé publique. Elle permettra de rapprocher les points de vue des médecins et des caisses...

M. Jean-Marie Le Guen - Elle sera désignée par le Président de la République et le Président du Sénat, qui sont des sommités scientifiques, comme chacun sait.

M. le Ministre - Ce n'est pas parce que le Président de la République, le Président du Sénat, celui de l'Assemblée nationale et celui du Président du Conseil économique et social nommeront ses membres que ceux-ci ne seront pas scientifiques et indépendants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Doutez-vous de leur impartialité ?

M. Jean-Marie Le Guen - Vous faites des choix impartiaux, c'est bien connu !

M. le Ministre - M. Bernier a raison d'insister sur la nécessité de rapprocher la médecine de ville de la médecine hospitalière. Ces deux mondes ne se parlent pas suffisamment. Il a raison aussi d'insister sur les difficultés que connaissent certaines régions. Il faut favoriser une meilleure répartition de l'offre.

Mme Gruny dénonce à juste titre les abus d'arrêts maladie, car il importe que les ressources de l'assurance maladie soient utilisées à bon escient et servent à ceux qui en ont vraiment besoin.

M. Door a insisté sur l'importance des économies que l'on peut faire si l'on évite les actes redondants et injustifiés. Il a raison.

M. Auberger a montré que la note de Bercy ne prenait pas en compte la dimension psychologique de la réforme, a souligné que les recettes nouvelles étaient équitablement réparties et a fait une intéressante proposition de méthode concernant la CRDS.

M. Préel s'inquiète du creusement du déficit que causera le transfert d'un milliard d'euros de l'Etat vers l'assurance maladie. C'est bien en effet ce creusement qui nous interdit d'affecter en une seule fois à l'assurance maladie la totalité des droits sur l'alcool et tabac. Au moment où la croissance repart, Monsieur Préel, il ne me paraît pas souhaitable de relever la CRDS de plus d'un tiers de point.

Nous sommes conscients, Monsieur Vannson, de l'impact économique du secteur thermal. Le projet ne modifie en rien les règles de prise en charge des cures thermales. Aucune décision ne sera prise en ce domaine sans une évaluation scientifique indépendante.

Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, Madame Briot, au sujet des personnels hospitaliers et sur la nécessité d'un meilleur échange entre la médecine libérale et la médecine hospitalière.

Je remercie M. Vitel pour ce qu'il a dit des médecins libéraux, qui font, c'est vrai, des efforts considérables et sur lesquels il ne faut pas jeter la suspicion. La convention que nous allons mettre en place avec eux sera à la fois rigoureuse et basée sur la confiance...

M. Jean-Marie Le Guen - Vous n'allez rien faire vous-même ! Jamais vous ne prendriez une telle responsabilité !

M. le Ministre - Pour la première fois, les syndicats médicaux accepteront, j'en suis persuadé, l'idée de sanctions individuelles - avertissement, amende puis déconventionnement. C'est possible grâce au climat de confiance qui a pu s'instaurer...

M. Jean-Marie Le Guen - Blabla !

M. le Ministre - M. Evin a parlé des agences régionales de santé et de l'agence nationale de santé. Je reste persuadé que nous devons aller vers un système qui coordonne mieux le monde hospitalier et le monde libéral. Cela se fera dans un premier temps au niveau régional, puis au niveau national. Alors que le malade est unique ainsi que le financement, les deux secteurs restent trop opposés. Je ne suis pas contre le fait que nous travaillions durant cet examen à un rapprochement. M. Préel y tient, le rapporteur et le président de la commission spéciale aussi. Nous proposerons donc un rapprochement régional.

M. Jean-Marie Le Guen - Quel courage !

M. le Ministre - Merci de m'avoir écouté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Huguette Bello - Pas un mot sur l'outre-mer ! Quel mépris !

M. Jean-Marc Ayrault - Le ministre n'a guère répondu aux interpellations de l'opposition, sinon par la polémique. Nous avons pourtant posé des questions importantes et fait des propositions concernant les ressources qui méritent les unes et les autres mieux que sa désinvolture.

Le ministre n'a en particulier pas répondu sur le « plan caché » et son attitude me rappelle étrangement celle du Gouvernement quand nous avons examiné la loi de décentralisation. Nous réclamions de pouvoir examiner d'abord, conformément à la logique, la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales. Dans le même souci de logique, nous aurions aimé savoir ce qui se prépare dans la loi qui va modifier les conditions de financement de la sécurité sociale. Vous avez reconnu qu `elle était en préparation. Nous pensons qu'elle va conduire à l'austérité médicale. Arrêtez en tout cas de parler de réforme à propos de ce projet alors que l'essentiel se prépare ailleurs !

Le plan caché doit nous être présenté. Je demande une suspension de séance, Monsieur le Président, pour réunir mon groupe et pour laisser le temps au ministre de préparer sa réponse à nos questions.

M. le Ministre - Il n'y a rien de caché derrière ce projet, dont vous me permettrez de souligner qu'il repose sur une maîtrise médicalisée, et non comptable, des dépenses. Pour moi, une régulation comptable suppose une enveloppe fermée. Ce n'est pas le choix que nous avons fait. La note de Bercy nous le reproche d'ailleurs.

En ce qui concerne les PLFSS, j'ai simplement dit qu'il me paraîtrait souhaitable, sans rentrer dans une régulation comptable, de voter les dépenses d'une année en tenant compte de l'éventuel déficit de l'année précédente.

Je n'ai fait là qu'avancer une idée et une idée, ce n'est pas un texte !

Vous ne pouvez soutenir que nous ferions de la maîtrise comptable...

M. Jean-Marie Le Guen - Il ne suffit pas de le dire. Vous faites bien de la maîtrise comptable, non des dépenses de santé, mais de l'assurance maladie !

M. le Ministre - Non : cela supposerait de voter un budget et de s'y tenir, en refusant toute augmentation. Or nous ne remettons pas en cause l'ONDAM, « objectif national des dépenses d'assurance maladie ».

Mme Muguette Jacquaint - Rappel au Règlement ! Vous rejetez l'idée d'une régulation comptable tout en prétendant réduire le déficit de la sécurité sociale. Or, sur ce point, les analyses se succèdent, démontrant la vanité de votre projet : après la note de Bercy, un quotidien faisait état ce matin du jugement de la CNAM, selon lequel ce déficit ne serait nullement moindre en 2007. Tout cela ne fait que confirmer ce que nous avons essayé de démontrer, à savoir que votre projet n'est pas sincère et que vous trompez les Français, qui seront obligés à de nouveaux sacrifices. Votre propos inavoué est en effet de laisser filer le déficit plutôt que le réduire afin de mieux imposer une réforme, certes, mais une réforme consistant en une privatisation au profit des compagnies d'assurance. On aura alors une santé à deux vitesses.

Ce texte ne servant à l'évidence à rien, sinon à fragiliser la protection sociale, nous demandons, ne serait-ce que par respect pour la représentation nationale mobilisée durant tout le mois de juillet, que le débat soit suspendu et que la commission se réunisse à nouveau pour réexaminer ces dispositions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Et, à cette fin, nous demandons une suspension d'une demi-heure (Même mouvement).

M. Jean-Luc Préel - Déjà fatiguée à 10 heures !

M. Richard Mallié - Il aurait mieux valu participer aux réunions de la commission !

M. Jean-Marc Ayrault - Je confirme ma demande de suspension. Le ministre n'a fait qu'une réponse embarrassée et il est clair qu'il manque un pan important à son plan. Nous demandons à connaître l'avant-projet de loi organique !

Vous ne nous avez nullement rassurés, Monsieur le ministre. Votre propos confirme même toutes nos craintes, qu'il s'agisse de l'austérité à venir ou de l'ouverture de notre système de protection sociale aux assurances privées. Vous nous avez sciemment caché quelque chose et ce n'est que par un pur hasard que nous l'avons découvert (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Sans doute vouliez-vous mettre à profit la torpeur de l'été pour imposer votre plan dans l'indifférence générale et, à la rentrée, transformer la loi de financement en loi organique. Vous avez en effet retenu la leçon de M. Seillière : il faut exploiter le fait qu'il n'y aura pas d'élections avant trois ans. Mais ne comptez pas sur notre complaisance. Nous serons là pour vous dire : « Halte ! »

M. le Président - Votre groupe aura encore tout loisir de s'exprimer à la faveur de la motion de renvoi et je vous propose par conséquent de réduire quelque peu la durée de la suspension demandée.

La séance, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 10 heures 55.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. Alain Claeys - Le débat parlementaire a parfois toute son utilité. Le rappel au Règlement du Président Ayrault a été l'occasion de découvrir, Monsieur le ministre, ce que sera le véritable projet de loi sur l'assurance maladie que vous pourriez nous présenter en octobre.

Lorsque ce débat avait été annoncé par le Gouvernement, le groupe socialiste avait dit très clairement qu'il ne l'accepterait que s'il était global : si étaient abordées à la fois les questions de la gouvernance, de l'offre de soins et du financement. Or aujourd'hui, après une phrase sibylline dans une interview, vous nous révélez une partie de la vérité : en une minute trente, vous nous avez expliqué que les règles d'élaboration de l'ONDAM seraient modifiées et qu'à travers une loi organique, on passerait d'une démarche d'objectifs à une démarche strictement comptable.

M. le Ministre - C'est faux !

M. Alain Claeys - Ce débat mérite autre chose que des sourires ou des invectives.

M. le Ministre - Je le crois...

M. Alain Claeys - Monsieur le président de la commission spéciale, puisque nous nous réunissons à 14 heures 30, il serait utile d'aborder ce sujet, qui conditionne tout le reste. Connaissant votre rigueur intellectuelle et votre souci d'objectivité, je pense qu'au fond de vous-même vous êtes bien conscient que les propos du ministre méritent de notre part une véritable réflexion.

Par cette motion de renvoi en commission, je voudrais démontrer que le projet que vous nous présentez, Messieurs les ministres, ne constitue pas une réforme. Depuis deux ans, vous cherchez à faire croire que le gouvernement Raffarin serait réformateur, qu'il affronterait tous les immobilismes et conservatismes de la société française. Il aura au moins un succès à son actif : celui d'avoir réformé la définition du mot « réforme ».

Réforme et progrès sont devenus synonymes de rigueur et de régression. On est désormais très loin de la réforme qui vise à changer en mieux.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Vous pensez aux carrières longues, bien sûr !

M. Alain Claeys - Le mot a été réhabilité dans un sens très ancien : le rétablissement de l'ordre primitif des choses.

Depuis deux ans, une politique méthodique d'abandon social est menée avec constance et détermination. Elle est inspirée par un libéralisme sans limites, selon lequel il suffirait de baisser les prélèvements sur les plus riches pour soutenir l'activité économique. Elle consiste à regarder les droits sociaux comme des avantages indus, à culpabiliser ceux qui en bénéficient et à supprimer tout ce qui améliore la vie quotidienne des Français et leur donne confiance dans l'avenir. Ses résultats sont sans appel : augmentation du chômage, multiplication des plans de licenciement, explosion des déficits de l'Etat et de la sécurité sociale.

Le débat sur les fraudes à la carte vitale que vous avez lancé sur une grande chaîne de télévision vous a permis de justifier toutes les mesures de sanction et de suspicion prises à l'encontre des assurés. Ce sont des méthodes que nous rejetons.

Du fait de la baisse de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, vous n'avez d'autre solution aujourd'hui, pour réduire le poids des dépenses de santé, que de recourir à des financements individuels. C'est une logique que nous dénonçons.

Les Français ne sont pas opposés par principe aux réformes, sauf quand elles sont synonymes de régression et de rigueur, comme celles que vous menez depuis deux ans.

Malgré les résultats des élections régionales, cantonales et européennes, le Président de la République est resté sourd à l'avertissement lancé par ses concitoyens, ce qui est très inquiétant pour notre démocratie. Un gouvernement et une majorité parlementaire n'ont pas raison, seuls, contre les Français. L'action politique n'a de sens que si elle donne une perspective à la société française.

M. le Secrétaire d'Etat - Si l'on prend ses responsabilités !

M. Alain Claeys - Les Français, responsables, sont prêts à débattre du niveau de dépenses que la collectivité est prête à assumer pour la santé de chacun. Mais ce défi passe d'abord par le dialogue et l'écoute. Or, vous préférez stigmatiser et dénoncer les abus pour justifier les déremboursements et les efforts les plus injustes. A l'instar de M. Juppé, vous faites croire que ce projet est le seul moyen d'éviter la catastrophe. Mais elle est déjà là, et vous en êtes responsables ! En deux ans, vous avez conduit notre système de santé à la faillite, alors que les comptes étaient excédentaires en 2001. Mais vous avez choisi de fragiliser la sécurité sociale et l'assurance maladie pour financer les baisses d'impôt aux plus riches.

Aujourd'hui, vous vous contentez d'un plan de colmatage déséquilibré et injuste, alors que notre pays a besoin d'un plan audacieux de réforme de l'offre de soins.

Vous posez en préalable de votre réforme la gouvernance de l'assurance maladie, alors qu'il ne peut s'agir que de sa conséquence.

Vous choisissez de reporter le poids de vos déficits sur les générations futures, et ne proposez aucun financement durable et solidaire.

Votre réforme n'en est pas une.

S'il y avait une seule raison de renvoyer le projet de loi en commission, elle résiderait dans le dossier médical personnel. Monsieur le ministre, vous tuez une bonne idée. Première erreur, le DMP ne peut pas se substituer à la réorganisation du système de soins dont il ne saurait être que l'aboutissement.

Vous le présentez par ailleurs comme la solution miracle à tous les problèmes de coordination des soins et de financement. Cette idée d'un dossier médical partagé n'est pas nouvelle et elle peut permettre de lutter contre la discontinuité des soins entre la médecine de ville et l'hôpital. Mais votre projet ne fait que construire une arme de régulation financière. En conditionnant la prise en charge des actes et des prestations à la présentation du DMP, vous partez du principe que tout assuré qui consulte abuse du système.

Par ailleurs, vous inscrivez le principe du DMP dans le code de la sécurité sociale, et non dans celui de la santé publique, alors que la qualité des soins est un impératif de santé publique avant d'être un élément de calcul de la prise en charge par la sécurité sociale.

Vous vous écartez des principes de la loi Kouchner sur le droit des malades qui garantissent l'accès de chacun à son dossier médical et le droit de veto sur les informations qui y figurent. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements à ce sujet, qui n'ont pas forcément reçu un accueil défavorable en commission. Il faut laisser aux patients le loisir de protéger certaines données personnelles.

Quant à la confidentialité, elle n'est pas garantie ! Il faut impérativement verrouiller l'accès aux données. Imaginez que les assureurs y aient accès ! Comme l'a rappelé Alain Vidalies, l'hébergement des données de santé ne peut relever que d'un établissement public. Que se passerait-il, en effet, si l'hébergeur était à l'étranger ?

M. Jean-Marie Le Guen - Très bien !

M. Alain Claeys - Quid de la responsabilité des médecins dans la gestion du dossier ? L'aspect thérapeutique et sanitaire passe vraiment au second plan !

Par ailleurs, la date du 1er juillet 2007 est illusoire. Comment préparer en si peu de temps les dossiers, ou équiper les cabinets médicaux des zones non couvertes encore par le haut débit ? Sans chercher à polémiquer, il se trouve que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, saisi par la commission des affaires sociales, partage notre avis : moins de 5% des hôpitaux informatisent les dossiers. Le DMP nécessitera de lourds investissements : on parle de 10 milliards ! Et que dire, au delà de la question financière, de l'aspect déontologique !

Faute d'avoir été préparée avec soin, la belle idée du dossier médical sera gâchée. La précipitation médiatique ne remplace pas l'efficacité politique.

Tout au long des articles présentés sous le titre relatif à l'organisation de l'offre de soins et à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, vous cherchez à sanctionner le seul assuré social, même si vous faites mine de vouloir changer le comportement de tous les acteurs de la santé. Voyez dans le rapport de la commission spéciale les têtes de chapitre : d'un côté, on impose aux patients de changer, de l'autre on invite simplement les professionnels de santé à un meilleur comportement.

Vous avez commencé par culpabiliser les Français pour mieux leur faire accepter aujourd'hui le poids des nouvelles obligations. Certes, cette politique n'a pas commencé à votre arrivée puisque votre prédécesseur l'avait engagée avant vous, mais vous l'avez amplifiée. Votre prédécesseur avait donné deux euros aux médecins généralistes sans aucune contrepartie en terme de maîtrise médicalisée des dépenses. Aujourd'hui, vous prenez un euro aux patients au nom d'une logique de responsabilisation alors diminuer la prise en charge n'a jamais contribué à réduire les dépenses de santé mais pénalise les plus modeste et aggrave les inégalités.

En fait, vous voulez préparer l'opinion à l'idée d'un panier de soins dont la prise en charge par l'assurance maladie serait réduite à la portion congrue, la collectivité devant progressivement réduire sa participation au financement des dépenses de santé.

Cette franchise fixée aujourd'hui à un euro, quel sera son montant demain ? Sera-t-elle perçue par des médecins-percepteurs ? Les malades devront-ils payer avant ou après la consultation ? Cette franchise n'est qu'un instrument financier et rien d'autre. Vous prévoyez d'ailleurs deux exonérations à caractère social : pour les mineurs et les bénéficiaires de la CMU.

Pour faire croire que ce dispositif s'inscrivait dans une démarche médicalisée, vous auriez au moins dû exclure les patients qui choisissaient comme vous le proposez le médecin traitant ou le dossier médical. Mais vous avez préféré la sanction financière et la culpabilisation.

Vous faites porter le poids de vos mesures aux seuls assurés sociaux.

M. le Ministre - Faux !

M. Alain Claeys - Il en est ainsi du contrôle accru concernant les malades atteints d'une affection de longue durée comme du renforcement du contrôle des arrêts de travail. De plus, les patients pourraient être pénalisés s'ils consultaient sans le savoir un médecin sanctionné par l'assurance maladie pour délivrance abusive d'arrêts de travail.

Mieux vaudrait s'attaquer à la pression qui pèse sur les médecins du fait que les entreprises ont de plus en plus tendance à utiliser les arrêts de travail comme moyen de gestion de leurs personnels.

M. Jean Le Garrec - Très bien !

M. Alain Claeys - De plus, le renouvellement des arrêts de travail devrait plutôt relever des médecins conseils de la sécurité sociale.

De même, l'obligation pour chaque patient de plus de seize ans de désigner à la sécurité sociale son médecin traitant, relève de cette logique de sanction à l'endroit des assurés.

L'idée du médecin traitant est bonne, mais vous la dévoyez au nom de votre logique financière. La majorité s'est en son temps opposée à la création des médecins référents.

M. Jean-Marc Ayrault - Eh oui !

M. Alain Claeys - Aujourd'hui, vous proposez de mettre en place des médecins traitants sans d'ailleurs les rémunérer spécifiquement.

Les études montrent que le médecin référent prescrit globalement moins et qu'il favorise une logique de prévention. Le médecin traitant n'a qu'une raison d'être : la possibilité, pour les médecins spécialistes, de majorer leurs tarifs pour tout patient qui ne se serait pas adressé à lui. Il s'agit ainsi de calmer la grogne des médecins spécialistes du secteur 1, de plus en plus nombreux à pratiquer sans autorisation des honoraires libres.

Avec ces deux articles, celui sur le médecin traitant et celui sur la liberté tarifaire, c'est la double peine pour les patients.

Vous cherchez en fait à mettre en place une médecine à deux vitesses.

Vous ne confiez, de plus, aucune mission spécifique au médecin traitant en matière de prévention ou de coordination des soins. Il se contentera de filtrer les patients.

M. Hervé Mariton - Vous prenez les médecins pour des ânes ?

M. Alain Claeys - Vous êtes prisonniers de la logique du paiement à l'acte. Pour en sortir, les médecins libéraux doivent être rémunérés au forfait pour toutes les actions de prévention, d'évaluation, de formation continue et de développement de pratiques innovantes. Nous proposons que cette forme de rémunération soit prise en compte dès la prochaine convention médicale.

La démarche initiée par le Premier ministre consiste à trouver un équilibre entre solidarité nationale et responsabilité personnelle en développant la prise en charge par les organismes complémentaires et les assurances privées. Ce faisant, c'est à la solidarité nationale que vous tournez le dos.

Enfin, tous les députés ayant participé aux travaux de la commission spéciale ont pu constater combien le dispositif du dossier médical personnel doit être revu.

Votre projet oublie de réorganiser l'offre de soins. Or, la santé doit être, comme l'éducation, une priorité nationale. Le droit à la santé est un droit fondamental garanti par la Constitution et pour qu'il soit respecté, le rôle de l'Etat est essentiel. C'est à lui qu'il revient de définir les objectifs de santé publique et les moyens à mettre en œuvre.

Notre société doit mieux répondre aux besoins de la population et des professionnels de santé avec l'ambition de garantir ce droit universel.

M. Hervé Mariton - Personne ne peut le nier.

M. Alain Claeys - Votre projet n'intègre pas cette ambition et oublie que l'urgence réside en une réforme globale de notre système.

L'hôpital est le grand absent de votre texte.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - C'est faux !

M. Alain Claeys - Comment ne pas traiter de l'hôpital alors que sont en jeu 45 % des dépenses de l'assurance maladie et qu'on a pu parler de boite noire ?

Vous avez préféré légiférer par ordonnance pour mettre en place la réforme de la gouvernance, alors que l'avenir de l'assurance maladie et de l'hôpital public sont intimement liés.

Il convient d'abord de modifier les conditions d'application de la tarification à l'activité. La renégociation de cette réforme doit permettre de revaloriser les missions de service public de l'hôpital.

Nous ne remettons pas en cause le principe de la tarification à l'activité, mais son application actuelle n'est pas acceptable en raison de l'enveloppe commune public-privé et parce que les missions d'intérêt général fixées à l'hôpital risquent d'être considérées demain comme une variable d'ajustement.

La prévention est également absente de votre projet, alors qu'il conviendrait de mener une politique ambitieuse de santé publique par pathologie et par catégorie de populations, de lutter davantage contre les comportements à risque liés au tabagisme et à l'alcoolisme, de donner la priorité à la médecine du travail et à la médecine scolaire.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Jamais une politique de lutte aussi vigoureuse que la nôtre n'avait été engagée contre le tabagisme !

M. Alain Claeys - Ces ambitions, qui ne figuraient pas dans le projet de loi de santé publique, ne figurent pas non plus dans ce projet.

Il n'y aura pas de réforme possible du système de santé sans volonté politique forte susceptible de faire se rassembler tous les acteurs autour d'une ambition partagée. Les professionnels vous remercieront peut-être de les avoir pour l'instant épargnés dans cette réforme. Ils ont tort car, hélas, c'est au final la pérennité même du système qui est en jeu, et donc leur place et leur rôle.

Votre projet renvoie toute la problématique de la qualité des soins au système conventionnel. Ce sont donc les médecins qui, dans leurs discussions avec l'assurance maladie, arbitreront eux-mêmes sur ces questions, donnant bien sûr la priorité à leur juste rémunération. Les questions de la qualité et de la coordination des soins, de la démographie médicale, de la formation continue et de l'évaluation ne seront pas vraiment traitées, en tout cas l'Etat ne fera rien pour qu'elles le soient.

La réforme de la fonction des visiteurs médicaux est de même renvoyée à la simple élaboration d'une charte avec l'industrie pharmaceutique.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est important.

M. Alain Claeys - Je vous dispense de vos commentaires (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Il serait pourtant indispensable de promouvoir un bon usage du médicament fondé sur la qualité afin de réduire de 20 % en trois ans la surconsommation de médicaments dont notre pays détient l'un des records. Le rôle de l'Etat serait là aussi essentiel. Or, votre projet n'en dit mot. La formation continue médicale ne peut plus être, comme aujourd'hui, dépendante du seul poids de l'industrie pharmaceutique.

Le besoin de décloisonnement de notre système de soins se fait chaque jour sentir davantage, comme l'a cruellement montré le drame sanitaire de l'été dernier. Votre projet, hélas, ne va pas jusqu'au bout d'une logique de rapprochement entre la médecine de ville et l'hôpital, le médical et le médico-social. L'échelon régional serait le plus pertinent. Là où il faudrait, dans une logique de déconcentration et de coordination des soins, créer des agences régionales de santé, vous vous contentez de renforcer les liens entre les unions régionales des caisses et les ARH. Comme vous ne cessez de reprocher aux socialistes de ne faire aucune proposition, permettez-moi de vous rappeler que sur la question des ARH, nous avons déposé au moins cinq amendements qui ont fait l'objet d'un large débat en commission spéciale et auxquels, me semble-t-il, le rapporteur n'était pas hostile. Hélas tombés sous le coup de l'article 40, ces amendements ne seront pas discutés en séance publique - à moins que le Gouvernement ne les reprenne, ce que je l'invite à faire, quitte à ce qu'il y donne ensuite un avis défavorable, mais au moins ainsi pourrions-nous débattre au fond. La commission spéciale doit absolument reprendre le débat sur ce sujet essentiel de la régionalisation. Les premiers échanges l'ont montré, le débat, riche et nourri, n'est pas achevé.

Vous tentez d'instaurer un pilotage d'ensemble du système de soins en créant une Union nationale des caisses de sécurité sociale, sans toutefois aller au bout de cette logique en la déclinant au niveau local.

Il faudrait donner la priorité aux réseaux de soins, comme l'avait fait le précédent gouvernement en unifiant les régimes juridiques et en identifiant une enveloppe spécifique au sein de l'ONDAM, déclinée régionalement. Ce qui est aujourd'hui encore une exception doit devenir la règle. C'est la clé de voûte de l'amélioration de la qualité des soins, à condition que le développement de ces réseaux soit axé sur la prise en charge des pathologies lourdes et le lien entre le sanitaire et le social. Cela seul est à même d'apaiser l'inquiétude des habitants et des élus des territoires sous-médicalisés, en ville comme à la campagne. L'Etat doit obliger l'assurance maladie à combler les déserts médicaux en proposant des modes alternatifs d'organisation des soins, indispensables face à la défaillance de l'offre libérale, compréhensible vu la pression qui s'exerce sur les professions de santé.

La médecine de ville, l'hôpital et le médico-social ne peuvent plus s'ignorer, notre collègue Paulette Guinchard-Kunstler y a insisté hier. Le problème est complexe, mais il doit être traité. Le niveau national doit rester le garant de l'égalité des soins sur l'ensemble du territoire.

Mais pour cela, il faudrait aller beaucoup plus loin que vous le faites, en modifiant seulement l'organisation générale de l'assurance maladie et en créant une Haute autorité de santé, chargée d'une évaluation scientifique des thérapeutiques et d'une évaluation économique.

Votre projet de nouvelle gouvernance n'est pas, contrairement à ce que vous prétendez, placé sous le signe d'un paritarisme rénové. Je ne reviens pas sur ce qu'a dit M. Le Guen hier...

M. Hervé Mariton - Mieux vaut ne pas le faire car cela révélerait toutes vos contradictions !

M. Alain Claeys - Le retour du Medef dans la gestion de l'assurance maladie coûtera très cher à l'organisation et à la qualité des soins (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). L'Union des caisses d'assurance maladie et des complémentaires apparaîtra vite pour ce qu'elle est : un formidable leurre. On s'interroge d'ailleurs sur la mise en place d'une telle cogestion... Le rôle tout-puissant que vous confiez au futur directeur de l'Union des caisses risque de conduire à un système hyper-centralisé où la logique comptable l'emporterait sur la logique médicale. Notre système de santé aurait besoin de démocratie et de clarté. Vous ne lui apportez ni l'un ni l'autre. Le futur projet de loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale validera définitivement cette logique strictement comptable au mépris de l'égalité d'accès pour tous à des soins de qualité sur tout le territoire.

En définitive, votre projet ne comporte aucune mesure structurante pour améliorer notre système de santé. Il n'en colmate même pas les brèches. Pis, il laisse se creuser les déficits. Il ne dégage pas les moyens nécessaires à un financement durable et solidaire. La remise en cause aujourd'hui de notre pacte social est la conséquence logique de la fuite en avant opérée depuis deux ans.

M. Hervé Mariton - Mais qu'y a-t-il donc derrière les mots ?

M. Alain Claeys - Je vais en venir aux chiffres, ne vous inquiétez pas !

Mme Claude Greff - La santé, ce n'est pas que des chiffres !

M. Alain Claeys - Les deux dernières lois de financement de la sécurité sociale ont été autant de rendez-vous manqués, ce qui vous permet, hélas, de développer aujourd'hui un scénario de liquidation de l'assurance maladie au détriment des assurés.

M. Hervé Mariton - C'est de la paranoïa !

M. Alain Claeys - Vous avez laissé exploser les déficits durant les deux dernières années, ce qui était le plus mauvais signal à adresser aux assurés. Vous avez même multiplié des dispositions dangereuses dont les assurés ont été les premières victimes : augmentation dès juin 2002 du tarif des généralistes, sans contrepartie en matière de qualité des soins et de bonnes pratiques (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), institution en janvier 2003 du tarif forfaitaire de responsabilité, qui conduit les patients à n'être remboursés que sur la base du prix du générique, sans en avoir été informés, augmentation du forfait hospitalier et baisse du remboursement des médicaments homéopathiques en 2004...

M. Edouard Landrain - Toutes ces mesures sont excellentes.

M. Alain Claeys - ...suppression de l'exonération du ticket modérateur pour les soins de kinésithérapie après une hospitalisation, menace sur la CMU, dont l'Etat ne rembourse plus intégralement le coût aux caisses de sécurité sociale, restriction des conditions d'accès à l'aide médicale d'Etat.

Tout cela n'a pas empêché les déficits d'exploser. Le verdict de la commission des comptes de la sécurité sociale comme celui de la Cour des compte est sans appel : d'ici à 2007, les déficits cumulés dépasseront 60 milliards d'euros sur la législature.

Or, ils ne sont pas une fatalité. Nous les avions réduits entre 1997 et 2001 grâce à une politique active de l'emploi et à une amélioration de l'efficacité du système de santé due à une action structurelle comme avec l'institution de la CMU. Le régime général de la Sécurité sociale a été en excédent de 1999 à 2001, alors même que de nouveaux droits avaient été ouverts : indemnisation de l'aléa thérapeutique, indemnisation des victimes de l'amiante, amélioration du remboursement des soins dentaires et d'optique, prise en charge d'un examen de prévention bucco-dentaire chez les enfants. Nous avions aussi revalorisé la carrière de tous les personnels hospitaliers, développé les réseaux de soins, augmenté les places dans les écoles d'infirmières et le numerus clausus médical.

Nous avons toujours de front recherché l'équilibre des comptes et l'amélioration de la qualité des soins.

Certes, tout n'a pas été parfait...

Mme Claude Greff - C'est sûr !

M. Alain Claeys - Les réformes en matière sociale ne sont jamais achevées. La lutte pour l'égalité et la justice doit être sans cesse recommencée. Mais force est de reconnaître aujourd'hui que la loi sur les droits des malades comme celle ayant créé la CMU constituent de grandes réformes.

M. Pierre Cardo - Il est facile de faire des réformes quand on ne se soucie pas de leur financement !

M. Alain Claeys - La question aujourd'hui, Monsieur le ministre, est de savoir si vous allez ou non supprimer ces réformes (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). En observant ce que cette majorité fait depuis deux ans...

M. Jean-Marie Le Guen - Elle casse tout !

M. Alain Claeys - ...et ce que propose le Gouvernement avec ce projet de loi, toutes les craintes sont justifiées.

Vous nous présentez un projet qui permettrait de retrouver l'équilibre des comptes en 2007. Même si cet objectif a été fixé au début de l'année par le Président de la République, il y a fort à parier que vous serez bientôt le seul à le croire atteignable. La polémique née autour de la fameuse note de Bercy en apporte la preuve.

M. Edouard Landrain - Ne faites pas les fiers ! Cela peut vous arriver un jour.

M. Alain Claeys - Ecoutez, ce n'est pas nous qui avons choisi les personnes auditionnées par la commission spéciale. Le Président de l'Assemblée avait souhaité auditionner le directeur de la prévision. Celui-ci était, je pense, mandaté par le ministre dont il dépend, c'est-à-dire celui de l'économie et non celui du budget. Lors de son audition, je n'ai entendu ni questions ni remarques polémiques, alors qu'il disait déjà ce que la note a confirmé, à savoir que les comptes de l'assurance maladie resteront largement déficitaires, malgré votre projet - elle ne va pas jusqu'à dire que c'est à cause de lui, je vous l'accorde.

Devant la commission spéciale, vous avez présenté un plan en apparence équilibré, puisqu'à 15 milliards de déficit correspondaient 15 milliards de diminutions de dépenses et de prélèvements supplémentaires. Mais au total, en 2007, le déficit de l'assurance maladie sera entre 7 et 15 milliards. Votre plan ne donnera rien.

Et vous omettez de préciser qu'il ne modifie en rien les pratiques médicales. Il n'en est que plus scandaleux de reporter la dette sur les générations futures.

Mme Claude Greff - Vous ne compreniez rien avant, vous ne comprenez rien maintenant !

M. Alain Claeys - S'agissant des diminutions de dépenses, comment croire que le dossier médical personnel fera économiser 3,5 milliards en 2007, alors qu'il ne sera probablement pas mis en place ?

M. Edouard Landrain - Mais partout ça marche !

M. Alain Claeys - Si vous avez vraiment de bonne solutions, nous en débattrons à l'article 2.

Un plan comptable ne fait pas une réforme de l'offre de soins. Finalement, votre plan est une supercherie. Vous reportez la dette pour ne pas augmenter les prélèvements obligatoires. Ce n'est pas très honnête.

Vous invoquez le report de dette de 1998. Mais il s'agissait alors de reporter la dette accumulée entre 1996 et 1996 grâce au fameux plan Juppé, qui devait mettre le régime général en excédent de 8 milliards de francs en 1997, et a conduit à un déficit de 33 milliards de francs, soit 5 milliards d'euros. Après avoir épongé la dette d'un total de 18 milliards, nous avons mené une politique de maîtrise des comptes qui a permis des excédents en 1999, 2000 et 2001. Mais vous, vous reportez sur les générations futures au moins 60 milliards de déficit que vous avez accumulés depuis deux ans et que vous accumulerez jusqu'en 2007 et au-delà.

Vous ne cessez de dénoncer le coût des 35 heures. Laissez-moi rappeler ce que fut le déficit cumulé du régime général sur trois périodes. De 1993 à 1997, il s'est élevé à 40,49 milliards .

M. Yves Simon - Avec la récession.

M. Alain Claeys - De 1998 à 2002, il a été de 3,17 milliards, et de 2002 à 2004 de 22,5 milliards

M. Richard Cazenave - C'est honnête, comme présentation !

M. Alain Claeys - A la mauvaise gestion, vous ajoutez l'injustice. Dès le 1er janvier prochain, vous demanderez aux ménages 3,24 milliards en déremboursements et augmentation des prélèvements

M. Richard Cazenave - Après les socialistes, il y a toujours « la douloureuse » !

M. Alain Claeys - Le transfert de la dette sur la CRDS conduira à augmenter le taux de contribution dès le 1er janvier 2005. Au total, l'effort demandé aux ménages est de 9,8 milliards. Face à cela, les 780 millions que rapportera la taxe additionnelle de 0,3% à la contribution sociale de solidarité de sociétés est symbolique. Est-ce là le « partage équitable » ?

Lors de la suppression du FOREC il y a quelques mois, le Gouvernement a affecté au budget de l'Etat les droits de consommation sur les tabacs et sur l'alcool et la taxe sur les conventions d'assurance, soit 15 milliards qui étaient versés à la Sécurité sociale. Vous avez délibérément choisi de réduire l'impôt sur le revenu et l'ISF...

M. Jean-Marie Le Guen - Eh oui !

M. Alain Claeys - ...en détournant des recettes de la sécurité sociale.

M. le Président de la commission spéciale - Je vous en prie, pas vous !

M. Alain Claeys - Ces contributions, qui concernent directement la politique de santé, doivent revenir à l'assurance maladie au lieu de financer des baisses d'impôt pour une minorité ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - Raccourci pour le moins saisissant !

M. Alain Claeys - Devant l'urgence de la situation, l'ampleur du déficit, il faut les lui réaffecter directement, de même que la taxe sur les conventions d'assurance.

Respecter nos engagements européen et l'équilibre budgétaire devrait conduire à s'interroger sur la politique fiscale menée depuis deux ans. Elle n'a consisté qu'à appliquer l'engagement du Président de la République de baisser l'impôt sur le revenu.

M. Jean-Marie Le Guen - Démagogique et anti-social !

M. Alain Claeys - Cette baisse d'impôt ne peut se faire au détriment de la sécurité sociale.

M. Richard Cazenave - Quand on voit ce qu'a fait la gauche allemande !

M. Alain Claeys - Depuis des semaines, vous répétez que les socialistes n'ont aucune proposition. C'es faux. Elles ont été diffusées dans le cadre de la mission d'information. Cessez donc de caricaturer, de préférer le médiatique au débat démocratique.

M. Richard Cazenave - Quelle arrogance !

Mme Claude Greff - C'est n'importe quoi !

M. Alain Claeys - Ce renvoi en commission se justifie pour trois raisons. D'abord, en ce qui concerne le dossier médical personnel, différents rapports montrent la difficulté de sa mise en pratique et nos questions restent sans réponse. Il faut aussi réfléchir à sa compatibilité avec les droits des malades prévus par la loi Kouchner. En second lieu, sur la régionalisation du système de soins, que vous n'avez pas écartée, le débat doit se poursuivre. Enfin, la mise en chantier d'une loi organique va modifier profondément le financement de l'assurance maladie. Cela mérite un travail de fond en préalable à vos propositions. Je demande donc à l'Assemblée de renvoyer ce texte en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président de la commission spéciale - Une fois de plus, vous restez sur la défensive, en raison de la légèreté de votre « projet alternatif ». On l'a bien vu lors des débats de la mission d'information. On y relève que pour vous, la CSG doit bien rester le socle du financement et que la part qui en est affectée à l'assurance maladie doit être identifiée comme « contribution santé universelle ». C'est, si je ne me trompe, une proposition de l'institut Montaigne présidé par M. Bébéar. Pour ce qui est de l'organisation du système d'assurance maladie, vous vous bornez à nous dire qu'elle relève d'une discussion entre l'Etat, les partenaires sociaux, les organismes complémentaires, en affirmant clairement les compétences de chacun dans le cadre d'une démocratie participative rénovée. Mais que proposons-nous d'autre que d'appliquer le résultat de cette concertation ? Vous en restez à la réflexion, nous agissons.

Toujours sur la défensive, vous répétez à l'envi que cette réforme ne réussira pas. La méthode Coué ne suffit pas, face au consensus des différents acteurs. Mais vous ne faites confiance à personne, ni aux Français que vous jugez incapables d'évoluer, ni aux professionnels de santé, qui restent à vos yeux d'affreux corporatistes, ni aux partenaires de la gouvernance, suspects de collusion avec le pouvoir. Comme pendant les cinq ans du gouvernement Jospin, vous persévérez à mépriser le dialogue social, par propension à tout réglementer, tout imposer. Pensez-vous vraiment la société si figée que seule l'étatisation la fera bouger ? Nous faisons le pari inverse, nous misons sur le sens de la responsabilité des Français et des professionnels (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il est vrai que notre démarche est exigeante et qu'elle suppose une volonté partagée par tous.

Vous nous accusez de pénaliser le patient. Non, ce projet l'invite à devenir un acteur de son parcours thérapeutique, un acteur du système de santé. En ce qui concerne la confidentialité du DMP, je m'étonne que le groupe socialiste ne fasse plus confiance au dispositif qu'il a lui-même créé dans la loi sur les droits des malades, qui prévoit un cahier des charges très strict pour les hébergeurs...

M. Jean-Marie Le Guen - Il faut ici parler de l'hébergeur !

M. le Président de la commission spéciale - Des amendements du rapporteur et de M.Claude Evin ont renforcé cette confidentialité.

M.Claeys a parlé de « boîte noire » à propos de l'hôpital, mais c'est la politique brouillonne et désordonnée menée par la gauche et l'application brutale des 35 heures qui ont mis l'hôpital en déshérence. Nous, nous voulons qu'il puisse relever le défi de la qualité et de l'efficacité.

En ce qui concerne la T2A, je note votre retour en arrière, alors que nombre de directeurs de CHU et d'hôpitaux sont tout à fait prêts, eux, à accélérer le mouvement. L'hôpital bouge...

M. Jean-Marie Le Guen - Il s'enfonce !

M. le Président de la commission spéciale - ...grâce à la nouvelle gouvernance que nous allons mettre en œuvre, grâce aussi au plan 2007.

J'en viens plus précisément à votre demande de renvoi en commission. Le travail du Parlement sur le sujet qui nous occupe ne date pas d'hier. Nous avons eu la mission Couanau et l'initiative de M.Dubernard concernant la santé publique, nous avons fait des voyages d'étude au Canada, au Québec, à Londres et à Berlin, nous avons des représentants au Haut conseil sur l'avenir de l'assurance maladie...Je crois donc que le Parlement est prêt à la réforme.

Quant à la commission spéciale, elle s'est réunie huit fois et a travaillé 18 heures 30, examinant 1600 amendements et en adoptant 203, dont 155 à l'initiative du rapporteur, 19 du groupe UMP, 5 du groupe socialiste, 14 du groupe UDF, 9 du groupe communiste. Elle a bien travaillé et je vous invite donc à voter contre le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Je tiens d'abord à remercier M.Claeys, car son intervention me permet de faire une nouvelle mise au point.

Oui, la réforme est nécessaire, les Français l'ont compris, l'opposition aussi, j'espère. 23 000 € par minute de déficit ! Ce n'est pas une annonce médiatique, mais la simple vérité ! Et si nous ne corrigeons pas cela, ce seront les Français les plus modestes qui seront pénalisés. Il y a déjà une différence d'espérance de vie de cinq ans entre un chômeur de longue durée et un cadre supérieur. La médecine à deux vitesses consisterait à ne rien faire contre cette réalité actuelle.

Depuis vingt ans, on augmente les cotisations et on diminue les remboursements. Au final, ce sont toujours les mêmes qui en pâtissent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claeys a parlé de la prévention comme si nous ne nous en occupions pas, reprenant d'ailleurs en cela un reproche de M.Dray et de Mme Bello. Mais quel est le Gouvernement qui a permis de diminuer de 1,8 million le nombre de fumeurs, alors qu'il ne cessait d'augmenter ?

M. Jean-Marie Le Guen - C'est Bercy qu'il faut remercier !

M. le Ministre - Quel est le Gouvernement qui a permis de diminuer d'un quart le nombre de victimes d'accidents de la route ? Quel est le Gouvernement qui a généralisé le dépistage du cancer du sein ?

Mme Muguette Jacquaint - Parlons-en !

M. le Ministre - Quel est le Gouvernement qui a déposé le premier projet de santé publique depuis un siècle ?

M. Jean-Marie Le Guen - Toujours pas voté, d'ailleurs !

M. le Ministre - Oui, nous développons une forte politique de prévention et nous continuerons à le faire, notamment avec le volet prévention du dossier médical.

M. Jean-Marie Le Guen - Et sur l'alcool, vous faites quoi ? Sur la loi Evin ?

M. le Ministre - M.Clayes a parlé aussi de la gouvernance. Pour réussir la nouvelle organisation des soins, il faut modifier le pilotage de l'assurance maladie, ce qui passe par une délégation rénovée et élargie ainsi que par une clarification des responsabilités respectives du conseil d'orientation et de l'exécutif. Je voudrais cependant rassurer ceux qui y voient la marque d'une étatisation de l'assurance maladie. M.Préel a insisté sur la nécessité d'un paritarisme rénové. Peut-être faut-il améliorer le texte sur ce point. Des amendements ont d'ailleurs été adoptés par la commission à ce sujet. Nous en débattrons.

Pour l'heure, je voudrais rappeler l'avis positif émis par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sur ce projet. M.Vidalies nous a affirmé hier qu'il réunissait contre lui l'ensemble des partenaires sociaux. Ils ont pourtant voté pour...

M. Jean-Marie Le Guen - C'est faux ! Il n'y a pas de vote pour ou contre !

M. le Ministre - Je ne vous parle pas de la CNAM mais de l'ACOSS !

Le choix que nous faisons d'une plus large délégation aux partenaires sociaux nous contraint aussi sur l'organisation régionale. Le rapporteur et le président de la commission spéciale ainsi que MM. Préel et Evin ont dit leur volonté d'aller plus loin dans ce domaine. Nous allons en débattre, mais il faudra veiller à maintenir l'équilibre entre l'Etat et l'assurance maladie, sans quoi nous n'atteindrons pas notre objectif de rapprochement entre la médecine hospitalière et la médecine de ville.

M.Claeys a été courageux sur un sujet : il a remis en cause le paiement à l'acte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Claeys - Je n'ai pas dit cela !

Mme Elisabeth Guigou - Non !

M. Jean-Marie Le Guen - Ne faites pas dire aux parlementaires ce qu'ils n'ont pas dit !

M. le Ministre - Vous avez dit qu'il fallait trouver des alternatives au paiement à l'acte. Pour moi, ce dernier est un pilier fondamental de la médecine libérale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Là où je peux vous rejoindre, Monsieur Claeys, c'est lorsque vous souhaitez des expérimentations pour remédier à la désertification médicale qui touche certains points du territoire.

Pour nous, le médecin traitant assumera des fonctions de prévention et d'orientation de soins. Cela n'a pas besoin d'être écrit dans la loi. Comme l'a fort bien dit M. Bur, c'est aux partenaires conventionnels qu'il revient de bâtir ce dispositif.

S'agissant de la qualité des soins, je rappelle qu'une Haute autorité de la santé évaluera l'utilité médicale des produits et des actes et coordonnera l'élaboration et la diffusion des référentiels de bonnes pratiques ; des accords de bon usage s'imposeront à l'hôpital comme en médecine libérale, ce qui constituera une révolution. A cela s'ajouteront les dispositifs d'évaluation des médecins et le dossier médical personnel, qui contribuera à réduire le nombre d'actes redondants et d'interactions médicamenteuses.

A ce dernier propos, j'admets avec M. Claeys que l'idée n'est pas nouvelle : on parle de ce dossier depuis 1993. Mais j'entends en faire un véritable outil, non d'économies, mais de régulation. Et je compte bien que ce débat permettra de vous apporter toutes les réponses que vous souhaitez, en particulier sur les questions de l'accès et de l'hébergement des données. Pour l'instant, je note simplement que la CNIL a donné son accord à l'idée.

Vous ne pouvez soutenir que les professions de santé seraient exonérées de tout effort. Il existe, pour la première fois dans ce pays, une régulation médicalisée s'appuyant sur des contraintes et des sanctions individuelles, et non plus collectives. Et nous allons jusqu'au bout de cette logique !

L'obligation d'acquitter un euro est une mesure de responsabilisation et d'équité à la fois. Les consommateurs de soins ont trop pris l'habitude de la gratuité, oubliant que tout acte a un coût. Il faut donc faire prendre conscience de ce coût, mais nous le ferons en exonérant les bénéficiaires de la CMU, les moins de 16 ans et les femmes enceintes. Le dispositif est donc juste et n'entravera en rien l'accès aux soins.

Tous les outils sont en place pour une promotion volontariste du bon usage des médicaments...

M. Jean-Marie Le Guen - La brosse à reluire !

M. le Ministre - Aucun gouvernement n'aura avant nous passé avec l'industrie pharmaceutique une convention portant sur 2,3 milliards d'euros d'économies. Les référentiels de bons usages, la charte de qualité pour les visites médicales, le développement de logiciels d'aide à la prescription et le recours accru aux génériques participent également de ce plan d'économies - les génériques y contribuant à eux seuls pour 20 milliards par an.

Nous ne remettons pas en cause le dispositif même des arrêts de travail, Monsieur Claeys, mais nous entendons responsabiliser, au même titre que les salariés, les chefs d'entreprises qui obligeraient leurs employés à y recourir, pour éviter de licencier. Il ne serait pas normal que seuls les premiers soient pénalisés.

Vous souhaitez augmenter la rémunération du médecin traitant. Cela revient à accroître les dépenses d'assurance maladie...

M. Jean-Marie Le Guen - Vous y viendrez, vous verrez !

M. le Ministre - Avant d'y venir, il faut mettre en place la régulation médicalisée et mesurer les économies réalisées grâce à elle.

Il n'y aura ni médecine à deux vitesses ni « double peine » : chacun pourra consulter le médecin traitant de son choix, puis, si celui-ci le juge bon, le spécialiste de son choix, dont la consultation sera remboursée au tarif conventionnel - ce qui n'est pas tout à fait le cas aujourd'hui. Autrement dit, pour la première fois dans ce pays, le système conventionnel vaudra pour tous, à l'inverse de ce que vous proposez.

M. Jean-Marie Le Guen - Supprimez-vous le secteur 2 ?

M. le Ministre - Vous prétendez que l'hôpital serait absent de ce projet. Vous n'avez sans doute pas vu que nous y travaillons à rapprocher les URCAM des ARH. Quant à la T2A, refusant comme vous la dotation globale, nous estimons que cette tarification à l'activité convient aux services à haute valeur technologique mais non aux missions d'intérêt général telles que les urgences ou les consultations de médecine interne. Dans ce dernier cas, l'enveloppe doit au contraire augmenter. Je vous indique d'ailleurs qu'en Allemagne, M. Schroeder a pris position pour un rapport de 50/50...

M. Claude Evin - Ferez-vous de même ?

M. le Ministre - Vous devriez savoir que nous n'en sommes qu'à 10 pour la tarification à l'activité ! Si un rapport de 50/50 représente sans doute un bon équilibre, il faudra déjà faire un effort considérable pour y parvenir. Et il conviendra aussi de s'appuyer sur les audits et évaluations...

La modernisation financière de l'hôpital et la réforme de son organisation interne ne sont pas non plus des éléments négligeables, Monsieur Claeys. D'autre part, par définition, le dossier médical personnel exige une coordination entre l'hôpital et la médecine de ville.

J'en viens à la loi organique, par laquelle vous avez commencé et fini. Xavier Bertrand en a effectivement évoqué la réforme, pour cet automne, mais ce projet visera essentiellement à donner plus de lisibilité à la loi de financement en améliorant les modalités de son vote, qui se fait aujourd'hui par types de recettes et agrégats de dépense, et en l'inscrivant dans un cadre pluriannuel. Le gouvernement n'a rien caché de ses intentions !

M. Jean-Marie Le Guen - Mais du texte, si !

M. le Ministre - Mon prédécesseur avait annoncé cette réforme en octobre 2003...

M. Jean-Marie Le Guen - C'est bien la première fois que vous le citez !

M. le Ministre - Les règles de l'ONDAM ne sont pas remises en cause pour 2005, non plus (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

L'un des points forts de notre projet est d'organiser le partenariat entre le régime de base et les régimes complémentaires, dans le respect de la prééminence du premier. Cela suppose entre eux un dialogue intelligent et nous ne prévoyons aucun déremboursement, aucun désengagement du régime de l'assurance maladie car nous avons fait le choix de la maîtrise médicalisée.

Plutôt que de critiquer la méthode du Gouvernement, vous devriez vous féliciter de son sens de la responsabilité, Monsieur Claeys ! Nous ne nous contentons pas, en effet, des deux premiers D : diagnostic et dialogue. Nous ajoutons le troisième : décision. C'est ce que vous n'aviez pas fait, même quand la commission des comptes de la sécurité sociale tirait la sonnette d'alarme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Mariton - Si ce que M. Claeys dit était vrai, notre pays serait déjà sens dessus dessous ! Or cette réforme est bien accueillie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Que le Gouvernement et la majorité le constatent n'est pas inutile, et c'est même indispensable compte tenu de l'enjeu. Si vous préférez, vous, que vos projets soient mal accueillis, il faut le dire aux Français : au moins, ils seront prévenus !

Vous ne supportez pas plus que ce bon accueil le caractère pratique et raisonnable de cette réforme, qui lui assure de bonnes chances de réussite. Sans doute ne donnons-nous pas le même sens au mot « réforme ». Ainsi notre collègue aurait voulu tout mettre dans ce projet, ce qui reviendrait à se condamner à l'échec. Certes, la réforme de l'assurance maladie participe d'une politique globale, mais il serait déraisonnable de tout traiter à la fois. Vouloir tout faire, c'est vouloir ne rien faire. Ce projet ne vise donc pas à régler l'ensemble des problèmes de santé publique ni ceux de l'hôpital : pour progresser, il faut sérier les questions. Et l'enjeu financier est bien suffisant, avec la seule assurance maladie, pour que nous consacrions à celle-ci toute notre énergie au cours des semaines qui viennent. D'où cette réforme à la fois ambitieuse et circonscrite.

Le propos de M. Claeys était également contradictoire. Je comprenais chacune de ses phrases prises isolément, mais non la totalité de son exposé. Il disait tantôt vous dites qu'il y a trop de gouvernance, tantôt qu'il n'y en a pas assez...

Sur le dossier médical personnel, vous posez, Monsieur Claeys, des questions sensées, mais voulez-vous démarrer, oui ou non ? J'aimerais comprendre ! Vos propos relèvent de l'incantation pour une réforme virtuelle ; mais ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est d'une réforme réelle ! En commission, nous avons abordé les questions graves et sérieuses que pose le DMP.

M. Jean-Marie Le Guen - En cinq minutes !

M. Hervé Mariton - Non, longuement, et le groupe UMP attend du Gouvernement des précisions (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste),mais le débat en séance publique est destiné à cela. Acceptez-vous ce débat ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) Eh bien chiche ! Allons-y !

Vous faites un procès d'intention au sujet du contrôle parlementaire. Oui, le progrès de ce contrôle est essentiel au succès de la réforme de l'assurance maladie. Oui, des progrès sont à faire dans la discussion et la mise en œuvre des lois de financement de la sécurité sociale : le Gouvernement a commis le crime de dire aussi cela ! En d'autres lieux, nous en convenons tous... Vous ne faites que pratiquer le cynisme et la démission (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Au fond, ce qui ne vous va pas, c'est que notre réforme soit comprise, qu'elle fasse appel à la responsabilité de tous - patients, professionnels, parlementaires - plus qu'à la contrainte. Notre réforme n'est pas parfaite (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - certes votre brouillard, lui, était parfait (Rires sur les bancs du groupe UMP) -, mais elle est opérationnelle. Elle permet d'assainir les bases de l'assurance maladie à l'horizon 2007.

M. Alain Vidalies - De préparer la privatisation et les déremboursements !

M. Hervé Mariton - Notre démarche est pragmatique. Le projet est perfectible : c'est l'objet du débat en séance. Alors, non, il ne faut pas le renvoyer en commission, mais engager le débat, parce que plus que jamais, il est temps d'agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Elisabeth Guigou - Alain Claeys vient de démontrer avec compétence, pertinence et précision que votre réforme ne passe pas la rampe, et que derrière les effets d'annonce et les cartes Vitale brandies à la télévision, il y a une très triste réalité.

La faillite financière va perdurer et sans doute, hélas, s'aggraver. Ces déficits abyssaux, c'est ce gouvernement qui les a créés depuis deux ans (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié - Les 35 heures et le FOREC, c'était qui ?

Mme Elisabeth Guigou - Alain Claeys a rappelé les chiffres. Les déficits ne relèvent pas de la fatalité conjoncturelle, puisque le Haut conseil de l'assurance maladie lui-même évalue à seulement un quart la part qui est imputable à de moindres recettes. La vérité est que vous avez laissé filer les dépenses et que votre politique macro-économique a produit ses effets pervers (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Votre plan financier ne convainc personne : ni votre gouvernement, la note de Bercy en témoigne, ni votre majorité - j'ai écouté très attentivement les orateurs de l'UDF, qui s'interrogent beaucoup sur ses résultats -, ni la caisse nationale d'assurance maladie, qui a fait savoir ce matin même qu'elle ne le croyait pas susceptible de rétablir l'équilibre.

M. Hervé Mariton - Ce n'est pas cela !

Mme Elisabeth Guigou - Elle dit qu'au minimum, le déficit restera de 5 milliards, et qu'il est possible qu'il soit encore de 23 milliards en 2007.

M. Hervé Mariton - Elle dit, comme nous, qu'il faut que les comportements changent !

Mme Elisabeth Guigou - La dette risque ainsi d'exploser : nous en sommes déjà à 38 milliards, et nous passerons, selon vos propres chiffres, à 50 milliards, et même peut-être, comme Jean-Marie Le Guen l'a bien montré, 70 milliards !

En outre, vous préparez une sécurité sociale à deux vitesses.

M. le Président de la commission spéciale- Fantasme !

Mme Elisabeth Guigou - Vous avez déjà depuis deux ans considérablement aggravé les inégalités, en augmentant le forfait hospitalier, en supprimant la gratuité de l'aide médicale d'Etat, en restreignant l'accès à la CMU ; vous continuez, avec le forfait de 1 euro - que nous savons destiné à faire l'objet d'augmentations -, et vous faites porter 80 % des efforts sur les ménages, ne demandant qu'une contribution symbolique aux entreprises qui font des bénéfices - sans parler des entreprises du médicament, qui sont extrêmement peu sollicitées (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP).

Vous permettez aux spécialistes de s'exonérer de toute discipline dès lors qu'un patient ne passe pas par l'intermédiaire d'un médecin traitant. C'est absolument scandaleux !

De plus, vous organisez l'explosion du champ des complémentaires et la réduction de celui du régime de base. Non seulement l'article 25 permet aux assureurs de contribuer à la fixation du prix des médicaments, mais l'amendement 1675 de M. Dubernard, dont nous venons de prendre connaissance, propose que les assureurs fixent de surcroît les tarifs de remboursement !

En outre, vous avez considérablement dénaturé le financement des assurances complémentaires pour les plus modestes. Nous ne sommes pas contre le principe du crédit d'impôt, mais le financer en prélevant sur les crédits sociaux des caisses, c'est scandaleux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) !

Vous n'engagez aucune réforme structurelle, et vous ne faites quasiment rien pour la prévention. Monsieur Douste-Blazy, permettez-moi de vous rappeler que c'est Bernard Kouchner qui a lancé la prévention du cancer du sein ! Et vous avez complètement abandonné les financements du plan Alzheimer...

M. le Président - Veuillez conclure.

Mme Elisabeth Guigou - Très peu sur la médecine scolaire, très peu sur la médecine du travail, presque rien sur l'installation des médecins, rien sur la rémunération forfaitaire...

M. le Président - Veuillez conclure, c'est une explication de vote.

Mme Elisabeth Guigou - Je conclus. Jamais Alain Claeys n'a prétendu qu'il fallait supprimer le paiement à l'acte ; il a parlé de rémunération mixte.

Puisque M. Douste-Blazy semble s'ennuyer, au point de passer son temps à jouer avec son téléphone portable (Protestations sur les bancs du groupe UMP), je lui conseille de lire attentivement les propositions du groupe socialiste et d'accepter le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Accoyer - Vous, vous lisiez un roman posé sur vos genoux !

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste et républicain votera la motion de renvoi en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Nous serions, paraît-il, sur la défensive. C'est vous qui l'êtes !

M. le Président de la commission spéciale - Pas du tout, nous sommes dans l'offensive !

Mme Muguette Jacquaint - La note de Bercy montre que cette réforme ne va rien régler sur le plan financier. On nous parle de loi organique à l'automne, et nous n'en connaissons même pas la teneur ! Et si vous êtes si sûrs de votre réforme, pourquoi ne pas demander au pays de se prononcer ? D'ailleurs, le vote a eu lieu : votre politique a été sanctionnée.

Vous allez frapper une nouvelle fois les gens modestes en cassant la sécurité sociale. Vous allez épargner une fois de plus les revenus financiers et demander encore davantage d'efforts aux familles modestes. Depuis des mois, vous creusez les inégalités dans notre pays !

Mme Claude Greff - Tout le monde est soigné en France !

Mme Muguette Jacquaint - Il y a de plus en plus de gens pauvres, de Rmistes, d'exclus du système bancaire !

Mme Claude Greff - Rien à voir avec la sécurité sociale !

Mme Muguette Jacquaint - C'est le résultat de votre politique antisociale et inégalitaire ! Et vous ne pouvez pas le nier ! D'ailleurs, vous n'avez pas même réagi aux chiffres qu'a donnés Maxime Gremetz !

17 000 pétitions ont déjà été signées, et j'ai reçu hier plus de 300 comités de défense de la sécurité sociale. Comptez sur nous pour qu'ils viennent vous harceler dans vos permanences, et nous verrons si vous êtes aussi arrogants qu'aujourd'hui !

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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