Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session extraordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 1er jour de séance, 3ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 1er JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 2

La séance est ouverte à quinze heures.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme la Présidente - Les amendements 136 à 147 sont identiques.

Mme Jacqueline Fraysse - Notre pacte social est fondé sur des principes universels qui ont trouvé toute leur légitimité dans les combats de la Résistance. Ils font l'objet d'un large consensus et doivent continuer d'être appliqués. Rappelons-nous : le Conseil national de la Résistance proposait, en mars 1944, « un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail ». Des milliers d'hommes et de femmes sont tombés pour faire vivre ces idéaux, que doit rappeler tout texte relatif à la protection sociale. Les droits ainsi acquis sont inaliénables, puisqu'ils figurent dans la déclaration universelle des droits de l'homme. Il convient donc de redire que la nation garantit à tous, et notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs, et que tout être humain qui se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. Tel est le sens de l'amendement 136 dont le rejet marquerait une régression.

Mme la Présidente - Je constate que les onze amendements identiques ne sont pas défendus.

M. Jean-Marie Le Guen - Ils sont repris.

Mme la Présidente - Seuls peuvent être repris les amendements qui ont été soutenus.

M. Jean-Marie Le Guen - Allons donc ! Et pourquoi cela ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Parce que, conformément à l'article 100, alinéa 3 du Règlement, seuls peuvent être repris les amendements qui ont été soutenus en séance.

M. Jean-Marie Le Guen - Je n'en crois rien (Mêmes mouvements). Je demande une suspension de séance pour éclaircir ce point du Règlement.

La séance, suspendue à 15 heures 10, est reprise à 15 heures 20.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je suis désolé d'interrompre la discussion sur un amendement mais je tiens à préciser, pour prévenir de nouvelles demandes de suspension de séance, les conditions dans lesquelles j'ai appliqué l'article 40 de la Constitution (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) aux 8500 amendements déposés sur le présent projet de loi.

Dès 1961, le Conseil constitutionnel a décidé que les régimes d'assurance maladie sont inclus dans le champ de l'article 40. A ce titre, j'ai dû refuser le dépôt de tout amendement augmentant les remboursements à la charge de l'assurance maladie, en prévoyant que la convention signée avec les médecins permettait de prendre en charge de nouvelles dépenses, telles que la rémunération au forfait des praticiens...

M. Jean-Marie Le Guen - Il est sûr que ce ne sont pas des amendements de la majorité qui vont proposer un meilleur niveau de remboursement !

M. le Président de la commission des finances - Cher monsieur Le Guen, si le gouvernement précédent avait voulu modifier les conditions d'application de l'article 40 à l'occasion des trois révisions qu'il a orchestrées, il avait toute liberté de le faire, et cela m'aurait peut-être évité d'avoir le devoir - pas toujours agréable - de l'opposer à certains amendements.

De la manière la plus libérale possible, considérant que le débat doit avoir lieu sur un sujet d'une telle importance, j'ai déclaré recevables les amendements définissant le droit à la santé, lorsqu'il s'agit d'objectifs à caractère général. De même, au titre de la charge de gestion, j'ai estimé possible d'insérer une photo sur la carte Vitale, d'augmenter le nombre de visites en médecine scolaire ou d'informer les assurés sociaux sur la prise en charge des dépenses d'assurance maladie. En revanche, toute création de structure publique nouvelle coûteuse constitue une création de charges au sens de l'article 40..

M. Gérard Bapt - Et les ARS ?

M. le Président de la commission des finances - Il n'est pas possible de proposer par voie d'amendement parlementaire la création d'agences régionales de santé, même par regroupement d'organismes existants. Seul un amendement se contentant de demander au Gouvernement de mener une expérimentation visant à créer de telles agences a été déclaré recevable, car il laisse au Gouvernement l'initiative de proposer une telle mesure, sur la base du volontariat des régions, et chacun connaît mon attachement à l'expérimentation.

Dans ces conditions, messieurs les ministres, je considère que le débat pourra avoir lieu, sans être limité de manière arbitraire ou excessive, étant entendu qu'à tout moment, les ministres peuvent reprendre un amendement tombé sous le coup de l'article 40 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Laurent Fabius - Mon expérience me permet de connaître un peu ces sujets. Lorsque le président de la commission des finances, qui, de fait, appartient à la même majorité que le Gouvernement, se prononce, il le fait par délégation du président de l'Assemblée nationale. Lui-même, comme le président de l'Assemblée nationale, a la possibilité de prendre une position exactement inverse de celle qui vient de nous être rappelée. Je demande donc à M. Méhaignerie si la position qu'il prend est conforme à ce que souhaite le président Debré, lequel nous avait précisé qu'il devait présider l'ensemble des débats. Si tel n'est pas le cas, je demande que l'on interroge le Président de l'Assemblée nationale pour savoir s'il partage la position de M. Méhaignerie, laquelle aboutit en fait à ce qu'une grande partie des propositions de l'opposition ne soit pas même pas discutée. Si l'objectif est de faire en sorte que le Président de la République puisse annoncer dans son intervention du 14 juillet que la « réforme » de la sécurité sociale est derrière nous, au prix du bâillonnement de l'opposition, je puis vous garantir que la discussion durera longtemps. C'est la raison pour laquelle je demande qu'une application souple de l'article 40 permette à l'opposition de défendre son point de vue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président de la commission des finances - Monsieur le président Fabius, j'applique le plus largement possible l'article 40 et je transmets toujours au Président de l'Assemblée nationale les amendements qui ont été déclarés irrecevables. Je rappelle que sur les 8 500 amendements déposés, un peu plus de 500 ont été déclarés irrecevables, soit seulement 6 %, ce qui laisse toute latitude pour que le débat s'engage. S'agissant des ARS, auxquelles nombre d'entre nous sont attachés, j'ai bien dit que le débat, compte tenu de la rédaction de certains amendements afférents, pourra avoir lieu. Je puis donc rassurer totalement M. Fabius.

M. Richard Mallié - Madame la Présidente, le groupe UMP est offusqué par l'attitude de l'un de nos collègues socialistes, lequel vous a interpellée sur l'application du règlement de notre assemblée. Et pour répondre à M. Fabius, je crois que l'on peut raisonnablement considérer que le droit d'amendement de l'opposition n'a pas été entravé. Dans la liasse qui vient de nous être distribuée figure par exemple une série de 149 amendements identiques !

L'opposition a été écoutée. Nous ne comprenons pas son attitude d'obstruction. Madame la présidente, nous sommes choqués de la manière dont notre collègue vous a interpellée.

Mme la Présidente - Ne vous faites pas de souci pour moi ! (Sourires)

M. Jean-Marie Le Guen - Pendant la discussion générale, le ministre n'a cessé de dire qu'il attendait avec intérêt les propositions du groupe socialiste. Or on a fait tomber nos amendements sous le coup de l'article 40. On voit que nos propositions gênent.

S'agissant des agences régionales de la santé, certains sont favorables philosophiquement à cette formule, sur tous ces bancs, et d'autres pensent qu'il faut l'adopter si nous voulons procéder à une vraie réforme de notre système de santé. L'article 40 vous permet d'éviter le débat. Nous ne pourrons parler que de la création d'une mission, ou d'expérimentations. Alors que le Gouvernement multiplie les structures de gestion, nous vous proposons avec les ARS une simplification du dispositif. Il y a un paradoxe à ne pas en débattre.

Monsieur Méhaignerie, je reprends l'interpellation de M. Fabius : le Président de l'Assemblée nationale doit être informé des choix qui ont été faits et des réactions qu'ils suscitent.

Il faut aussi que le ministre, qui s'était dit prêt au dialogue, s'exprime sur nos propositions. Ce matin, Claude Evin vous a fait un certain nombre de suggestions. Vous n'avez pas répondu, parce que vous avez la volonté d'escamoter le débat.

Je demande que le Président de l'Assemblée nationale soit consulté et je demande une suspension de séance.

Mme la Présidente - M. Debré, consulté, me confirme que les avis de la commission des finances sont conformes aux siens.

M. Jean-Marie Le Guen - Je retire ma demande de suspension.

Mme Jacqueline Fraysse - Rappel au Règlement. A mon tour, je veux m'adresser à M. Méhaignerie. Nous avons tous ici le devoir d'appliquer le Règlement, mais il s'impose à nous un autre devoir qui ne devrait pas être contradictoire avec le premier : débattre sérieusement de ce texte qui concerne la santé des Français. Des amendements importants sont passés à la trappe. Je pense en particulier à ceux par lesquels nous proposions d'améliorer la prise en charge du patch anti-tabac ou de renforcer la prévention. Nous ne pourrons en débattre à cause d'une utilisation extrêmement formelle de l'article 40. Il s'agit en outre d'une incohérence économique : au motif qu'ils créeraient des dépenses supplémentaires, on écarte des amendements qui feraient gagner de l'argent aux caisses de sécurité sociale. On ne peut invoquer des arguments technocratiques pour éviter d'aborder des questions d'une telle importance pour la nation.

M. Jean Le Garrec - Rappel au Règlement ! Nous avons entendu des déclarations du Premier ministre et de M. Sarkozy sur le coût des abattements liés aux 35 heures. Or ces déclarations sont fausses. On trouble l'opinion. Le coût réel des 35 heures est de 1,9 milliard d'euros. On n'arrive à 16 milliards qu'en comptant la prorogation des abattements Juppé et Balladur, accordés sans contrepartie en termes de création d'emploi.

Le problème posé, c'est le coût du travail. Vous avez déjà institué une journée de travail non rémunérée et vous voulez faire travailler les salariés 40 heures en ne les payant que pour 35.

M. Richard Mallié - Ce sont les sociaux-démocrates allemands qui ont fait cela ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean Le Garrec - Pour une fois, monsieur le ministre, vous auriez intérêt à vous faire communiquer les études de la direction du budget. Vous prendriez ainsi l'initiative, ce serait en quelque sorte une revanche... (Sourires sur les bancs du groupe socialiste) Ces notes, nous les connaissons, mais vous semblez les ignorer. Elles figurent dans le rapport de la mission sur les 35 heures. On est en train de tromper l'opinion. Muni de ces notes, vous pourrez combattre à armes égales avec le ministre d'Etat.

Je demande que le Premier ministre vienne dans cette enceinte nous exposer clairement ses intentions. On ne peut pas jouer avec les préoccupations des salariés en même temps qu'on discute de la politique de santé. Cela rend votre tâche encore plus difficile, Monsieur le ministre.

M. le Président de la commission des finances - Il est exact que le coût des 35 heures est voisin de 15 milliards. Il ne faut pas se limiter aux baisses de charges sociales, il faut aussi prendre en compte les dépenses supplémentaires pour les budgets de l'Etat, des collectivités locales et des hôpitaux (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Mariton - Rappel au Règlement. Nos collègues socialistes s'éloignent de l'ordre du jour. Ce matin, ils nous ont exposé leur méthode en matière de réforme. On voit, grâce à l'article 40, que leurs propositions ont pour premier mérite d'être coûteuses. Votre architecture s'effondre. Nous pouvons passer au vrai débat.

M. Julien Dray - Rappel au Règlement. Nous assistons à une offensive en règle de M. Sarkozy, par ailleurs victime du plan de cohésion sociale présenté par M. Borloo. C'est sans doute sa réponse, pour continuer d'occuper l'espace médiatique.

Quand la question des 35 heures a été en débat, le Premier ministre a estimé qu'il ne fallait pas revenir sur la loi, le Président de la République ayant quant à lui qualifié d'imbéciles les attaques contre la réduction du temps de travail. Le Premier ministre a changé d'avis. Il a décidé de remettre en question les 35 heures, ce qui aura des conséquences sur les recettes de l'assurance maladie.

Je sais que cette majorité a du mal à faire fonctionner le Parlement...

M. Yves Censi - Vous n'êtes pas en meeting !

M. Julien Dray - Ici, la parole est libre.

Dès lors que le Premier ministre et le ministre d'Etat remettent en cause les lois actuelles, ce qui a pour conséquence de fausser notre discussion, le Parlement a le droit d'entendre leurs explications. Je demande donc une suspension de séance à cet effet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement. En commission, les ministres nous ont expliqué que les 35 milliards de déficit accumulés par l'assurance maladie depuis trois ans étaient imputables à l'application des 35 heures à l'hôpital.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - C'est grotesque !

M. Jean-Marie Le Guen - Alors que vous avez, Monsieur le ministre de la santé, des difficultés à chiffrer votre plan, le Gouvernement a-t-il l'intention de combler le déficit de la sécurité sociale en revenant sur l'application des 35 heures à l'hôpital ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Nous sommes curieux de connaître l'opinion sur ce point de nos collègues de droite. Il est facile de critiquer les 35 heures lorsqu'on évite d'affronter directement les salariés en leur disant, comme l'a fait le Président de la République, qu'on n'y touchera pas. Mais cela, c'était avant les élections régionales et européennes ! Aujourd'hui, M. Seillière lance au Gouvernement : « Allez-y, vous avez trois ans devant vous ! » Nous voulons donc savoir si vous allez revenir sur les 35 heures à l'hôpital, ce qui changerait du tout au tout notre discussion. Pour répondre, le ministre a besoin d'y voir plus clair, ce que permettra la venue ici du Premier ministre. C'est pourquoi je confirme notre demande de suspension.

M. Alain Vidalies - Nous ne pouvons pas continuer à débattre en l'absence de réponse du Gouvernement. Nous aurons l'occasion de revenir sur le parfum de revanche sociale que fleure la mise en cause des 35 heures. Déjà, les conditions qui entourent votre démarche ne sont pas claires : cette mise en cause s'accompagnera-t-elle du maintien des allégements de charges sociales, ou bien seront-ils abandonnés en contrepartie, ce qui ajouterait au scandale social l'erreur économique ?

L'opposition n'est pas seule à s'interroger. Depuis ce matin, les dépêches ne cessent de tomber. Ainsi M. Devedjian, dont j'imagine qu'il exprime le point de vue du Gouvernement, vient de déclarer qu'il faut revenir sur les 35 heures. « On ne peut pas tous les matins verser 16 milliards pour empêcher les gens d'aller travailler » dit-il dans une formule qui mérite de passer à l'histoire. L'Etat a pris des engagements, ajoute-t-il, mais il peut les renégocier. Il semble donc avoir l'intention de revenir sur une partie des allégements accordés. Les recettes nouvelles ainsi dégagées seront-elles affectées par l'Etat à l'assurance maladie, ce qui est leur destination naturelle ? Si elles étaient utilisées pour équilibrer le budget général, ce serait un scandale que nous ne pourrions pas accepter. Si comme je l'espère, vous ne procédez pas à ce détournement de fonds, notre débat doit s'arrêter. En effet, si les 15 milliards d'allégements sont affectés au financement de la sécurité sociale, celle-ci n'est plus en déficit. Il nous faut donc entendre le Premier ministre.

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures.

Mme Jacqueline Fraysse - Je constate que le quart d'heure de suspension demandé par MM. Dray et Le Guen n'a pas permis au Premier ministre de venir. Je demande donc une suspension de séance supplémentaire de dix minutes pour lui laisser le temps d'arriver.

Nous évoquons un sujet extrêmement important. Si des difficultés se sont fait jour dans les hôpitaux, c'est faute de personnel. Des efforts doivent donc être accomplis en matière de formation, comme nous l'avions proposé dans des amendements qui n'ont pas survécu à l'article 40.

Le Premier ministre doit nous expliquer sa position.

Mme la Présidente - L'interruption de séance est de droit, mais ni vous ni moi ne pouvons enjoindre le Premier ministre à venir.

M. Richard Mallié - Deux ministres sont présents. En vertu de la solidarité gouvernementale, c'est au nom même du Gouvernement qu'ils s'expriment.

M. Jean-Marie Le Guen - Très bien ! Excellent ! (Sourires)

M. Laurent Fabius - Vous sous-estimez vos pouvoirs, Madame la présidente. Si vous considérez que les conséquences du flottement gouvernemental sont telles qu'elles ont une influence sur notre débat, vous constaterez que nous ne pouvons délibérer et la séance sera alors suspendue. Je ne doute pas que le Premier ministre, qui est informé de l'état de notre discussion, en tirera les conséquences.

Il est vrai que deux ministres sont présents et qu'ils peuvent prendre position. Mais qu'ils le fassent donc, et en particulier le ministre en charge du dossier ! Je souhaite seulement qu'il ne se contredise pas comme à l'accoutumée.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Nous discutons de l'assurance maladie depuis plusieurs heures. Or, comme vous n'avez aucune proposition à faire, vous parlez d'autre chose (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Nous ne pouvons que constater votre gêne.

Les 35 heures à l'hôpital ne sont pas remises en cause : je le dis au nom du Gouvernement et au nom du Premier ministre.

M. Jean-Marie Le Guen - Pourquoi, il y a quelques semaines, M. le ministre a-t-il déclaré que les 35 heures étaient à l'origine du déficit de l'assurance maladie et ne souhaite-t-il pas maintenant qu'elles soient remises en cause à l'hôpital ? Sans doute parce qu'elles étaient attendues et légitimes, mais je constate le peu de crédit que l'on doit accorder aux propos du ministre.

Je constate également que M. le ministre n'a pas répondu à l'interrogation de M. Vidalies. Quid des cotisations sociales ? Serviront-elles à financer l'assurance maladie ou y aura-t-il à nouveau un détournement grossier pour financer les baisses d'impôt des plus riches ?

Enfin, je constate que M. Méhaignerie n'a pas permis à l'opposition de présenter des amendements qui proposent des dispositifs dont le coût est peu élevé - je pense aux agences régionales de santé - alors qu'il l'a permis à la majorité. Le comble, c'est que M. le ministre prétende, dans ces conditions, que nous n'avons pas de propositions !

Nous aurons l'occasion d'expliquer nos propositions, de commenter les dernières déclarations sur le PLFSS, le rôle que vous octroyez aux assurances privées.

La politique du Gouvernement menace notre pacte social.

M. le Ministre - Nous ne remettons pas en cause les 35 heures dans le secteur hospitalier, mais je rappelle que leur mise en place a été faite en dépit du bon sens.

M. Yves Censi - Absolument !

M. le Ministre - Tous les personnels le savent.

M. le Président de la commission spéciale - Ce débat sur les 35 heures n'a pas lieu d'être, mais je tiens à dire que ces dernières étaient aussi peu attendues à l'hôpital que dans l'ensemble de la société.

M. Jean-Marie Le Guen - Pardon ?

M. Julien Dray - Demandez aux infirmières !

M. le Président de la commission - Les Français voulaient travailler pour gagner plus d'argent, et l'hôpital souffre encore de la désorganisation induite par leur mise en place.

M. Jean-Marie Le Guen - Changez l'organisation !

M. le Président de la commission spéciale - Ce n'est pas possible du jour au lendemain.

M. Jean-Marie Le Guen - Cela fait deux ans que vous êtes là !

M. le Président de la commission spéciale - J'ajoute qu'il est difficile de vous entendre nous reprocher une éventuelle réduction ou annulation d'aides liées à l'application des 35 heures. Ce n'est pas à ceux qui, selon les partenaires sociaux, ont fait un hold-up sur les finances sociales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et qui ont détourné plus de 4,5 milliards du FOREC au détriment de l'assurance maladie de donner des leçons.

M. Richard Mallié - En effet. Quel culot !

M. le Président de la commission spéciale - Monsieur le Guen, nous allons débattre sur des sujets fondamentaux, et notamment sur la régionalisation, à travers en particulier notre amendement sur les missions. Nous y sommes prêts.

Quant à l'article 40, nous pouvons tous regretter à un moment ou à un autre son application.

Abordons maintenant les questions de fond et cessez les manœuvres de retardement !

M. Jean Le Garrec - Nous sommes au cœur du débat.

Les 35 heures ont rapporté 2,8 milliards de cotisations supplémentaires. Ce sont les abattements Juppé-Balladur qui sont bien plutôt en cause. Allez-vous les supprimer ?

Monsieur Bur, l'idée du Gouvernement n'est pas de permettre à ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus de le faire, mais d'obliger tout le monde à travailler plus en gagnant moins. Le mouvement a déjà été amorcé avec la journée de solidarité, et voilà maintenant les 35 heures menacées !

Votre tâche est impossible, Monsieur le ministre. Vous allez droit au mur. Vous allez être obligé de revoir toute votre réforme. Vous ne pourrez pas sortir du piège qui vous est tendu, dont les salariés seront les premières victimes.

M. Laurent Fabius - L'intervention du ministre est révélatrice de l'attitude générale de ce gouvernement dont la devise pourrait être : « J'accuse mes prédécesseurs et je me défausse sur mes successeurs ». Quelle est donc votre réforme - terme impropre, s'il en est, pour la caractériser ? Ce n'est même pas une « vraie fausse réforme », tout juste un PPT 2007, un plan pour tenir jusqu'en 2007 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Voilà votre martingale ! Votre projet, bien que très injuste, ne résout rien au fond, reportant la solution des problèmes après 2007. Ce n'est que poudre aux yeux ! Vous pouvez continuer à sourire, Monsieur le ministre. Tout cela sera à reprendre après votre mandat.

M. Julien Dray - Nous venons d'avoir l'éclatante démonstration que nos interrogations sur le sort des 35 heures sont parfaitement fondées. Alors que le ministre nous assure : « Pas touche aux 35 heures à l'hôpital ! », le président de la commission spéciale nous explique l'instant d'après qu'elles doivent être remises en question.

M. le Président de la commission spéciale - Je n'ai jamais dit cela.

M. Julien Dray - Qui dit la vérité dans ce gouvernement et dans cette majorité ? M. Sarkozy, lui, réclame « une réforme profonde des 35 heures », ajoutant qu'il ne faudra pas craindre d'aller jusqu'au bout. Si les 35 heures étaient supprimées, cela ferait en effet des recettes fiscales en plus, une cassette inespérée pour le Gouvernement, et le problème du déficit de l'assurance maladie serait réglé. Le Président de la République jugeait, lui, « imbécile » de revenir sur les 35 heures ! Il est donc parfaitement normal que nous demandions au Premier ministre de venir s'expliquer. Ce serait la moindre des marques de respect pour le Parlement.

Mme Jacqueline Fraysse - Je réitère ma demande de suspension de séance.

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 35.

M. Richard Mallié - Rappel au Règlement, en vertu de l'article 58. Son premier alinéa donne priorité au rappel au Règlement sur la question principale, mais son deuxième alinéa spécifie que si, manifestement, l'intervention de l'orateur « n'a aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, le Président lui retire la parole. » Je souhaiterais que tous les rappels au Règlement s'y conforment.

M. Laurent Fabius - Laissez la Présidente présider !

M. Richard Mallié - Or ce n'était le cas pour aucun de ceux que nous venons d'entendre. Il y a plus d'une heure et demie que la séance a commencé. Nous avons entendu un certain nombre d'orateurs de l'opposition, qui avaient des choses à dire...

Mme Jacqueline Fraysse - La Présidente a le sens de la démocratie !

M. Richard Mallié - ...mais pourront les dire au cours du débat, alors que nous en sommes encore avant l'article premier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Julien Dray - L'interprétation que fait notre collègue des rappels aux Règlement est totalement subjective.

Mme la Présidente - Ce n'est pas à vous d'en juger.

M. Julien Dray - J'exprime un simple avis. Pour ma part, j'observe que, depuis une heure et demie, nous demandons la venue du Premier ministre ou du ministre d'Etat pour s'expliquer...

M. Bernard Accoyer - Le Gouvernement est représenté par deux ministres !

M. Julien Dray - Oui, mais aujourd'hui, il n'y a pas un gouvernement, mais des gouvernements (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et selon le ministre qui s'exprime, l'explication est différente.

Mme la Présidente - Ne reprenez pas le débat d'avant la suspension. Soyez bref.

M. Julien Dray - Ce sont nos collègues de la majorité qui semblent chatouilleux lorsqu'on parle du Gouvernement. Je les comprends, au regard des péripéties auxquelles nous assistons depuis quelques semaines. Donc ni le Premier ministre ni le ministre d'Etat n'ont jugé bon de venir informer l'Assemblée. Je le demande de nouveau, et nous le demanderons encore dans les heures qui viennent.

Mme la Présidente - L'amendement 136 a été défendu. Pouvons-nous considérer que c'est le cas des 12 amendements identiques jusqu'à l'amendement 147, sauf si M. Lefort veut défendre l'amendement 144 ?

Mme Jacqueline Fraysse - Les amendements identiques sont défendus.

M. Jean-Claude Lefort - L'amendement 144 également.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - D'abord, madame la Présidente, j'admire le calme, le sang-froid, la sérénité avec lesquels vous résistez aux invectives d'une partie de l'hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - La sérénité me vient peut-être de l'âge.

M. le Rapporteur - Elle s'accroît donc chaque année.

Sans vouloir polémiquer, voici une bonne heure que nous parlons pour ne rien dire, ou de choses qui n'ont rien à voir avec le texte, ce qui prouve bien que les orateurs n'ont pas beaucoup d'idées sur l'assurance maladie - mais cela nous le savions.

M. Julien Dray - Nous avons jusqu'au 1er août.

M. le Rapporteur - Je ne veux pas polémiquer non plus sur le coût des 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Cependant, en parlant des 35 heures à l'hôpital, on aurait pu entrer dans le vif du sujet, puisqu'à l'article 41 on aborde la question des exonérations. Vous n'avez pas saisi cette occasion et vous êtes restés sur un plan général. Il fallait faire venir le Premier ministre, il aurait presque fallu changer la Constitution pour qu'on puisse faire venir le Président de la République !

Quant à l'amendement 136, il est important puisqu'il reprend le préambule de la Constitution de 1946. Mais il le reprend mot à mot. La commission s'est demandée s'il fallait procéder ainsi dans un projet de loi, et a répondu non. Elle a donc rejeté les 12 amendements identiques.

M. le Ministre - En effet, ces dispositions figurent dans le préambule de la Constitution de 1946 et sont confirmées par celle de 1958. Va-t-on déclasser ce qui a valeur constitutionnelle en le reprenant dans la loi ? Je suis défavorable à ces amendements.

M. Jean-Marie Le Guen - Le rapporteur invective l'opposition, avant de reconnaître que les sujets que nous abordons touchent à un article du projet. Qu'il nous excuse du peu si nous voulons savoir ce qu'il en est de ces 16 milliards qui pourraient demain financer l'assurance maladie ! Faut-il n'aborder la question qu'à la fin du texte, ou le Gouvernement ne doit-il pas nous éclairer d'entrée de jeu ?

L'amendement 136 a toute sa place dans ce texte. Ou plus exactement le fait que les valeurs fondatrices de la République qu'il reprend n'y figurent pas nous interroge.

Lorsque nous traitons de l'assurance maladie, nous ne débattons pas d'un sujet technique mais de l'un des piliers du contrat social. Or, toutes les craintes sont permises lorsque l'on prend connaissance de l'ensemble des mesures que vous proposez et, surtout, de la structure réelle que vous organisez : ce n'est qu'une machine à dérembourser, ainsi conçue que le recul progressif voulu de la protection sociale induira inexorablement une privatisation à terme. Vous ne pouvez le nier, puisque le rapporteur a fait avaliser par la commission, à l'article 88, un amendement qui institutionnalise le co-pilotage de l'assurance maladie par la sécurité sociale et les organismes d'assurance privés. De surcroît, un projet de loi organique de réforme de la sécurité sociale a été annoncé tardivement, dont l'objectif premier est la maîtrise comptable des dépenses de l'assurance maladie. On voit bien se dessiner une contre-réforme, à l'opposé exact de toutes les valeurs défendues jusqu'à présent par les gouvernements successifs, qui se sont attachés, avec plus ou moins de bonheur, à maîtriser les dépenses de santé.

Vous entretenez volontairement le brouillard, vous essayez d'endormir les Français en leur faisant croire que la réforme sera indolore et que, grâce à quelques gadgets, l'équilibre des comptes sera miraculeusement retrouvé. Mais la réalité est tout autre : en organisant un pouvoir caché, déresponsabilisé et sans contrôle démocratique, vous organisez en fait des déremboursements massifs...

Mme la Présidente - Je vous remercie.

M. Jean-Marie Le Guen - Si vous considérez que j'en ai terminé, je m'en tiendrai là sur ce point, mais comme j'ai bien d'autres choses à dire, j'interviendrai à nouveau dans le débat.

Mme la Présidente - Je n'en doute pas. Je donne la parole à M. Vidalies ; après quoi, l'Assemblée aura été suffisamment éclairée.

M. Alain Vidalies - L'amendement défendu par Mme Fraysse rappelle des principes constitutionnels. On peut, certes, se limiter à dire qu'il n'est pas besoin de répéter dans la loi ce qui figure dans la Constitution, mais nous sommes d'un avis contraire, car plusieurs points de votre projet contredisent le préambule de la Constitution. Par exemple, vous organisez silencieusement une sécurité sociale à deux vitesses en permettant que des spécialistes puissent pratiquer des honoraires libres si un patient se présente devant eux sans leur avoir été adressé par un médecin traitant. Apparemment, il s'agit de sanctionner l'assuré ; mais, en réalité, on octroie ainsi une liberté dont ne pourront bénéficier que les nantis, ceux qui pourront décider de dépenser davantage pour accéder plus vite à des soins spécialisés. Les autres n'auront pas le choix. En d'autres termes, vous organisez un accès rapide et facile aux soins pour une certaine catégorie de Français et un cheminement plus long pour les autres, le cheminement des pauvres. Et vous voudriez nous faire croire que le principe constitutionnel du droit égal à la santé n'est pas remis en cause ?

Il y a, dans votre projet, d'autres raisons de vouloir rappeler les principes constitutionnels et la lecture du journal Les Echos ne peut que renforcer nos inquiétudes, puisqu'on y lit que les assureurs demandent communication du dossier médical personnalisé ! Estimez-vous réellement que le principe de protection des données personnelles n'est pas menacé ? D'ailleurs, la CNIL a bien avalisé le principe de la tarification, mais elle l'a fait dans des termes particulièrement alambiqués et en s'interrogeant sur la conformité des dispositions projetées au regard du préambule de la Constitution que vous refusez de rappeler.

Mme Jacqueline Fraysse - J'approuve évidemment les propos de mon collègue Vidalies. Etant donné la teneur du projet que vous nous soumettez, il n'est pas superflu de rappeler les principes qui figurent dans le préambule de la Constitution. Quant à prétendre que ce serait les « déclasser », c'est faux : au contraire, nous les mettons en exergue, pour affirmer que les articles qui suivront y seront parfaitement conformes. Qui peut le plus peut le moins, Monsieur Dubernard ! On peut, sans dommage, rappeler ces principes essentiels dans votre projet.

Les amendements 136 à 147, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - Je suis saisie de l'amendement 7324 de M. Ayrault et des 148 amendements identiques 7325 à 7472.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Il me semblait avoir compris que l'on pouvait reprendre tous les amendements, les uns après les autres. Les règles auraient-elles changé depuis l'accord que nous avions trouvé après la suspension de séance ?

Mme la Présidente - Les amendements ont été défendus et la parole a été donnée à plusieurs orateurs pour répondre à la commission et au Gouvernement. Les amendements ayant été reconnus défendus, ils n'ont pas à être repris.

M. Laurent Fabius - Rappel au Règlement. Si plusieurs amendements ont été déposés, il est toujours possible à un député non signataire de les reprendre et de les défendre, que leurs auteurs soient ou non présents dans l'hémicycle. Il appartient certes à la Présidence de décider de soumettre plusieurs amendements à discussion commune, mais dans ce cas, on ne peut donner la parole seulement à un orateur pour et à un orateur contre (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Goasguen - Mais laissez donc la présidente présider !

M. Hervé Mariton - Si le terme d'« obstruction » a un sens, c'est ici qu'il le trouve !

M. Julien Dray - Oui, dans votre cerveau !

M. Hervé Mariton - J'aimerais que le groupe socialiste nous explique ce qu'apporte au débat la présentation de 149 amendements strictement identiques, dont les auteurs n'ont ni l'originalité, ni le talent, ni le courage de les nuancer de manière même infime. Je prends mes collègues à témoin : qu'est-ce d'autre que de l'obstruction ?

M. Laurent Fabius - C'est minable ! Sans doute vous adressez-vous aux électeurs des régionales !

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement. On comprend bien que M. Mariton aimerait conclure rapidement un débat qui le gêne (Protestations sur les bancs du groupe UMP), et se satisferait fort bien qu'un vote intervienne ce soir. Mais c'est assez peu probable, et il aura le temps d'entendre l'opposition interpeller le Gouvernement.

Nous avons eu des réponses contradictoires sur les 35 heures à l'hôpital, et pas de réponse du tout sur les 16 milliards qui se baladent entre l'Etat et les caisses de sécurité sociale. Le Gouvernement se plaît à répéter qu'on perd 23 000 € par minute, mais il est curieusement incapable de s'expliquer sur 16 milliards ! Ce n'est pas nous qui refusons le débat mais bien le Gouvernement qui se dispense de répondre. Au reste, les quelques éléments de réponse que nous obtenons sont le plus souvent contradictoires, M. Bur et M. Douste-Blazy peinant à accorder leurs violons, sans parler de certains ministres absents cet après-midi... C'est pourquoi nous n'acceptons pas que M. Mariton se permette de remettre en cause le travail parlementaire...

M. Hervé Mariton - Ce n'est pas du travail, c'est de la copie !

M. Julien Dray - La copie fait partie du travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Elisabeth Guigou - Il est en effet inouï que nos collègues de la majorité refusent le débat sur l'un des textes les plus importants - sinon, hélas, le plus pertinent - de la législature en ce qu'il tend à ébranler l'un des piliers du pacte social conclu dans les conditions difficiles que l'on sait à la Libération. Les différentes motions de procédure défendues par MM. Gremetz, Le Guen et Claeys ont permis de poser les enjeux du débat ; souffrez qu'avant d'entrer dans le détail, nous fassions part des inquiétudes que suscite votre démarche de démolition ! N'oubliez pas non plus que M. Vidalies a dénoncé à plusieurs reprises le risque d'inconstitutionnalité de ce texte. Cela mérite bien quelques explications !

M. Gérard Bapt - Notre règlement vise à organiser nos débats et à nous permettre d'exercer un contrôle sur les projets du Gouvernement. M. Mariton comprendra que nous soyons quelque peu échaudés par ce qui s'est passé en commission spéciale et par le refus quasi systématique du Gouvernement de répondre précisément à nos interrogations - lesquelles ne font que relayer les inquiétudes des Français ! Et c'est par précaution que nous multiplions les amendements, dans l'espoir que la répétition de nos arguments puisse déboucher sur une esquisse de réponse ! Après que M. Ayrault a dénoncé ce matin la désinvolture choquante dont se rend coupable M. Douste-Blazy, voici qu'une dépêche de l'AFP relate qu'un parlementaire de la majorité - M. Préel - serait lui aussi scandalisé par l'absence de réponse du ministre. Notre collègue de l'UDF aurait même déclaré que jamais un ministre de la République ne s'était comporté d'une manière aussi désinvolte. Vous voyez donc bien que notre attitude n'est en rien motivée par une volonté d'obstruction.

M. Alain Claeys - Mon amendement 7356 est essentiel puisqu'il a trait aux principes de financement du système.

Un mot sur le climat de nos travaux, lequel, je le dis tout net, n'est pas de notre fait. Deux événements particulièrement choquants ont eu lieu au cours des dernières vingt-quatre heures. D'abord, en réponse à une question de M. Ayrault, M. Douste-Blazy s'est contenté d'une réponse d'une minute trente pour présenter sa conception des nouvelles règles financières tendant à déterminer l'ONDAM ! Est-ce sérieux ? Deuxième dommage collatéral, MM. Sarkozy et Raffarin ont cru bon de rouvrir la polémique sur les 35 heures...

M. Julien Dray - C'est pour embêter Chirac !

M. Alain Claeys - ... au moment même où s'engageait ce débat.

Contrairement à ce que vous répétez, les Français ne sont pas opposés à toute réforme...

M. le Président de la commission spéciale - 70 % d'entre eux soutiennent celle-ci !

M. Alain Claeys - ...et, s'agissant de l'assurance maladie, ils souhaitent avant tout que les indispensables évolutions du système n'attentent en rien à la qualité de l'offre de soins et tendent même à en garantir la continuité, temporelle et territoriale. Notre amendement tend par conséquent à inscrire dans la loi que le financement du droit à la santé doit être assuré de manière équitable et durable, qu'il est fondé sur le principe de la solidarité et qu'il repose de façon équilibrée sur les assurés, les employeurs et les acteurs du secteur économique de la santé. Force est en effet d'admettre que votre projet ne respecte pas ces principes, puisqu'il demande aux ménages - via les déremboursements et la prorogation de la CRDS - un effort supplémentaire de 9,8 milliards, contre seulement 800 millions aux entreprises, au titre de la taxe additionnelle à la contribution sociale de solidarité des sociétés. 800 millions d'un côté, 9 milliards de l'autre, l'écart est de un a douze ! Curieuse conception du partage équitable de l'effort ! C'est pourquoi les Français ne peuvent accorder aucun crédit à votre « réforme » !

M. Gérard Bapt - Mon amendement identique 7330 touche aux principes fondateurs de notre système de protection sociale. Tout au long de ce débat, nous allons nous employer à convaincre les Français que le plan du Gouvernement est une contre-réforme, ayant vocation à être complétée par une loi organique qui mettra en cause les fondamentaux de la sécurité sociale. Quant à son efficacité, elle est mise en cause par le directeur général de la CNAM lui-même ! J'ai là une dépêche de l'AFP selon laquelle il aurait estimé que même dans l'hypothèse où les dispositions du plan gouvernemental produiraient tout leur effet, le déficit atteindrait 5 milliards en 2007 ! M. Xavier Bertrand a beau jeu de dire que l'impact de la « réforme » sera évalué courant 2005 et que l'on peut compter sur le sursaut psychologique généré par la croissance, la vérité, c'est qu'après les directeurs de la prévision et du budget de Bercy, celui de la CNAM tempère quelque peu l'enthousiasme du Gouvernement. Selon lui, seule une « mobilisation des marges d'économies » et une « définition plus active du périmètre des soins remboursés » permettraient de juguler les déficits. Cela revient à ne conserver qu'une assurance minimale obligatoire pour ouvrir un champ toujours plus vaste aux assurances individuelles. Autrement dit, le camp des ultra-libéraux, emmené par M. Mariton, va remporter la mise ! C'est en revenir à l'exhortation de M. Denis Kessler, ancien président de la FFSA et haut responsable du Medef, d'aboutir à une nouvelle définition du panier de soins. Voici donc le panier des soins remboursables placé au cœur de ce premier jour de discussion des articles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Julien Dray - La brillante argumentation de mon collègue a achevé de me convaincre. Un architecte commence par les fondations, et c'est l'objet de mon amendement 7372. Nous voulons que l'effort soit équitablement réparti sur l'ensemble des acteurs économiques et non que la réforme soit supportée par les seuls assurés sociaux. Nous sommes attachés, en outre, au principe de la solidarité entre les générations.

Si ce débat était simple, le Gouvernement reprendrait à son compte nos amendements, mais son refus montre qu'il y a une divergence fondamentale entre la droite et la gauche. Cette majorité n'a plus rien à voir avec l'héritage historique du gaullisme. C'est pourquoi elle a fait peu de cas des amendements proposés par nos camarades communistes (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Nous voulons, quant à nous, rappeler les principes fondamentaux auxquels nos concitoyens sont attachés. C'est d'ailleurs parce qu'ils y sont attachés que vous avez subi deux défaites électorales particulièrement cinglantes (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Le Gouvernement aurait intérêt à reprendre nos amendements, pour montrer qu'il est attaché à la défense de la sécurité sociale et pour qu'on ne le soupçonne plus de favoriser les sociétés d'assurance.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Mon amendement 7399 vise lui aussi à rappeler les principes fondamentaux. Le financement du système de santé doit être équitable et durable. Or nous avons des inquiétudes. Aujourd'hui, 1er juillet, il faut faire entrer en ligne de compte la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Mme Guinchard-Kunstler vous a interrogé sur le devenir de cette caisse, dont le financement reste flou. Un certain nombre de missions vont disparaître des objectifs nationaux sans que nous soyons informés. Nous n'avons toujours pas reçu le rapport Briet-Jamet. Nous entendons parler d'une loi organique dont nous ne savons rien.

La solidarité entre les générations doit rester le fondement de l'assurance maladie.

M. Jean Le Garrec - Mon amendement 7416, comme ceux de mes collègues, est un amendement fondateur qui vise à construire une muraille de protection. Vous-même avez intérêt, Monsieur le ministre, à l'accepter, car il vous protège.

Il a pour mots-clés : « un financement équitable et durable ». Or la majorité est tentée de réduire la base que constitue la masse salariale. Vous avez déjà inscrit dans le code du travail le principe d'une journée de travail non rémunérée. Un certain nombre d'entreprises font du chantage social : « ou vous travaillez plus sans être payés, ou nous nous délocalisons. » La pression permanente qui est exercée sur les coûts salariaux vous obligera à augmenter les prélèvements, qu'il s'agisse du forfait hospitalier ou de la CSG. Il faut adopter cet amendement, sinon, quelle que soit votre volonté, tout volera en éclats.

Mme Françoise Imbert - Comme l'éducation, la santé doit rester une priorité de l'action publique. L'Etat a pour rôle de garantir l'accès de tous à des soins de qualité. L'allongement de la durée de la vie et l'apparition de thérapeutiques nouvelles ont pour effet d'augmenter les dépenses de santé. Notre société doit faire face à cette évolution avec l'objectif de mieux répondre aux attentes de la population et des professionnels de santé. C'est un défi majeur. Conformément aux principes fondateurs posés en 1945, il faut garantir l'accès aux soins, un haut niveau de prise en charge ainsi qu'un financement pérenne et solidaire.

Oui, les dépenses de santé augmentent, mais cela ne signifie pas que notre système de santé soit trop coûteux. L'Organisation mondiale de la santé l'a d'ailleurs consacré le meilleur du monde en 2000. Il est normal que les sociétés développées consacrent davantage de ressources à la santé, et notre système solidaire de prise en charge doit s'adapter à cette hausse des dépenses, ce qui suppose, d'une part, une politique de soutien à l'emploi, et d'autre part un programme pluriannuel qui mette en parallèle objectifs et moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Nayrou - Le financement du système de santé doit être assuré de manière solidaire, équitable et durable. Mon amendement 7439 vise à inscrire ces trois qualificatifs dans le marbre de la loi, au lieu des adjectifs « efficace » et « juste » qu'on trouve dans votre texte et qui sont trompeurs.

L'état catastrophique dans lequel vous avez mis les comptes de la sécurité sociale justifie que vous proposiez une réforme, mais vous vous contentez d'une approche comptable. Vous avez tort de traiter avec tant de désinvolture les propositions du groupe socialiste. Pour équilibrer les comptes, il suffirait de réaffecter à la santé le produit des taxes sur les tabacs, les alcools et les conventions d'assurance (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Ce ne serait qu'un juste retour des choses. Ces 15 milliards en moins dans le budget de la sécurité sociale, en plus dans le budget général, renvoient aux choix funestes du Président de la République, qui a préféré vous imposer la baisse d'impôts pour les plus aisés, au risque de compromettre la solidarité.

M. Bernard Accoyer - C'est scandaleux de dire cela !

M. Henri Nayrou - Une politique offensive de l'emploi réglerait bien des problèmes financiers de la sécurité sociale, puisque, vous le savez, 100 000 chômeurs de moins apportent 1,5 milliard de plus à la sécurité sociale. Or le chômage continue de croître inexorablement, puisqu'on vient d'apprendre que la hausse s'est élevée à 0,8 % le mois dernier, soit 20 300 demandeurs d'emploi supplémentaires, et 300 millions de manque à percevoir pour notre système de santé.

M. Alain Vidalies - Nous en sommes au niveau des principes, qu'il ne faut pas traiter comme quantité négligeable. Comme, avec vous, le diable se trouve dans les détails, mieux vaut fixer les règles du jeu avant de s'engager dans l'examen des articles. Nos collègues de la majorité devraient aussi en faire leur profit.

Monsieur le ministre, présentant le 17 mai votre projet de réforme à la télévision, vous avez répondu à une question sur la CSG que celle-ci n'augmenterait pas pour les salariés. La presse s'en est fait l'écho le lendemain. Mais, sans prévenir personne, vous augmentez l'assiette de la contribution, ce qui représente un milliard supplémentaire pris aux salariés.

M. Jean-Marie Le Guen - Une paille !

M. Alain Vidalies - Dans nos amendements, et notamment dans mon amendement 7470, nous rappelons le principe de solidarité entre les générations, c'est-à-dire exactement l'inverse de ce que vous faites, et qui crée des difficultés dans votre majorité, en renvoyant sur les générations futures la charge de la dette accumulée, suivant la règle « courage, fuyons ! ». Nous précisons que le financement doit être équilibré entre les assurés, les employeurs et les acteurs du secteur économique de la santé, alors que votre texte se distingue par de grands absents.

Si nous voulons que l'assurance maladie demeure au cœur de notre contrat social, tous les acteurs doivent contribuer de façon équilibrée. Or les employeurs ne figurent dans votre plan de financement que pour mémoire. Où sont les laboratoires pharmaceutiques et les professions de santé ? Votre démarche est donc socialement très ciblée. Dans ces conditions, ne parlez pas de réforme équilibrée : assumez plutôt vos choix, qui sont contraires à la solidarité entre les générations et favorables à un mode de financement sélectif.

M. Jean-Marie Le Guen - Le ministre ayant dû s'absenter, je vais lui rappeler la substance des propos de mes collègues (Rires sur les bancs du groupe UMP).

Gérard Bapt vous a demandé comment vous appréciiez la déclaration du directeur de la CNAM affirmant que le déficit de l'assurance maladie s'élèvera à 5 milliards en 2007, et demandant d'ici là une régulation au moyen de déremboursements du panier de soins.

Nous vous avons également interrogé, jusqu'ici en vain, suite aux déclarations de M. Devedjian concernant les 35 heures, sur les 16 milliards qui se baladent entre l'Etat et la sécurité sociale.

Danièle Hoffman-Rispal vous a ensuite interpellé, comme l'avait fait hier Paulette Guinchard-Kunstler, sur le statut et la compétence respectifs de la CNSA et de la CNAM.

Enfin, vous avez déclaré, selon une dépêche du 16 juin, que « cette réforme va jusqu'au bout d'une logique, celle de la régulation médicalisée, qui est l'exact contraire de la maîtrise comptable ». Mais, dans un entretien au Monde du 30 avril, on peut lire : «Nous avons besoin d'une régulation médicalisée et comptable ». D'où cette question : quelle est aujourd'hui votre position exacte ? Nous avons compris que, tout en prônant la maîtrise médicalisée, vous vous donniez les moyens, par le projet de loi organique relatif au financement de la sécurité sociale, d'imposer en fait une maîtrise comptable, c'est-à-dire le décrochage entre les dépenses de santé et celles d'assurance maladie. Aux termes de l'article 5, il n'y aura plus guère de rapport entre le tarif acquitté par le patient et le remboursement opéré. Ainsi aujourd'hui dans le domaine dentaire, où nous-mêmes n'avons pas fait progresser la situation, chacun peut constater ce qu'il en est - c'est ce que vous voulez généraliser (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Et vous n'avez rien fait ! C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Marie Le Guen - Si ! Dans le cadre de la CMU, les frais dentaires sont remboursés à 100 %. Nous avons constitué un panier de soins positifs, et non pas négatifs, comprenant les prothèses...

M. le Rapporteur - Cela n'a jamais été appliqué !

M. Jean-Marie Le Guen - Le fonds de la CMU que vous allez piller au profit des compagnies d'assurances était destiné à payer les prothèses ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Nous avons posé des questions précises qui touchent directement au projet en discussion, tant l'équilibre financier de l'assurance maladie est consubstantiel au principe d'égalité devant la santé. Chaque fois qu'un gouvernement met en péril les finances de l'assurance maladie, comme vous le faites depuis deux ans (Vives interruptions sur les bancs du groupe UMP)...

M. Jean-Michel Fourgous - Qui paie les 35 heures ?

M. Jean-Marie Le Guen - Votre ministre défend les 35 heures à l'hôpital ! Nous ne sommes pas chez M. Sarkozy, ici ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Calmez-vous, Monsieur Le Guen !

M. Edouard Landrain - Quel braillard !

M. Jean-Marie Le Guen - Répondez aux questions qui vous sont posées, Monsieur le Ministre.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur des amendements dont il ne fut au reste guère question... Leur rédaction laisse à désirer : « le droit à la santé » n'existe pas, mais bien plutôt le « droit à la protection de la santé ». Le groupe socialiste nous avait habitués à mieux...

Le principe de solidarité est bel et bien inscrit dans la loi à l'article premier et dans le code de la sécurité sociale. Les amendements sont donc satisfaits, et je vous suggère donc de les retirer.

M. le Ministre - Même avis.

L'article premier précise le caractère solidaire du financement de l'assurance maladie. Depuis 2002, nous avons renforcé la pérennité de ce financement à travers la réaffectation progressive des droits sur le tabac.

On ne peut que se réjouir de vous voir intéressés par le financement de l'assurance maladie, lorsque l'on sait ce que vous avez fait des recettes de la sécurité sociale entre 1997 et 2002 pour financer les 35 heures ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je vous renvoie à l'article 39 du projet, relatif aux « mesures visant à garantir les ressources de la sécurité sociale ».

Monsieur Le Guen, les allègements de charges sur les bas salaires sont compensés : il n'y a donc pas d'impact sur les comptes de la sécurité sociale. Quant au directeur de la CNAM, il a bien précisé que sa prévision valait « si la tendance observée au cours des dernières années se maintenait... » Or, je suis persuadé que tel ne sera pas le cas si ce projet est adopté. Vous n'aurez donc pas à craindre que la perspective évoquée par le directeur de la CNAM se confirme...

M. Jean-Marie Le Guen - Vous pensez donc qu'il fallait le craindre ?

M. le Ministre - Si nous laissions dériver les comptes comme vous l'avez fait, oui !

Concernant la CSNA, j'ai répondu en détail il y a un instant.

S'agissant enfin de la régulation, je confirme qu'il s'agit bien d'une régulation médicalisée. Je n'ai parlé de régulation comptable qu'à cause des 5 milliards de recettes nouvelles attendues ; les 10 milliards d'économies relèvent bien de la maîtrise médicalisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - Je suis surpris de notre discussion. Jusqu'à présent la majorité et le Gouvernement prétendaient que le redressement des comptes de la sécurité sociale sous la gauche était dû à une croissance dont nous n'étions pas responsables, car elle était internationale.

M. Jean-Michel Fourgous - C'est ce que disent les organismes internationaux.

M. Alain Vidalies - Et maintenant, vous nous imputez la responsabilité de la dérive des comptes ! Donnez-nous donc les chiffres sur lesquels vous étayez cette accusation ! Le déficit de l'assurance maladie était de 6,15 milliards en 1995, de 0,93 milliard en 2000. Le contestez-vous ?

J'ajoute qu'il a fallu du temps pour que vous me répondiez, Monsieur le ministre, concernant les allègements de charges. Si vous attendez des recettes supplémentaires, peut-être pourriez-vous rendre à la sécurité sociale les milliards qui ont été détournés, c'est-à-dire le produit des taxes sur l'alcool et le tabac ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Fourgous - Qui l'a détourné pour financer les 35 heures ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Vidalies - Enfin, le Gouvernement avait déclaré jusqu'à présent qu'en matière de recettes, toute hausse de CSG comme toute prolongation de la CRDS était exclue.

Nous avons, semble-t-il, un gouvernement à géométrie variable ; c'est une première dans l'histoire de notre République !

M. Gérard Bapt - Le directeur de la CNAM parle en effet d'un hypothétique maintien de la tendance, mais il ajoute que ce sont les gestionnaires de l'assurance maladie qui devront s'efforcer, une fois votre réforme en vigueur, de limiter la croissance des dépenses en mobilisant les marges possibles d'économie - d'autres économies seront donc nécessaires - ainsi que par « une définition active du périmètre des soins remboursés » - c'est-à-dire que ce périmètre sera rétréci, et que sera élargi à due concurrence le champ de l'assurance individuelle. Un amendement de M. Dubernard inclut d'ailleurs les sociétés d'assurance dans la gouvernance, qui sera désormais tripartite. A cet égard, la réponse faite à M. le Guen ne nous a pas rassurés. On comprend bien que le directeur de la CNAM, qui ambitionne peut-être de devenir directeur de l'UNCAM, cherche à donner des gages (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Pour notre part, nous dénonçons ce qui se prépare.

M. le Rapporteur - Je ne peux pas laisser dire cela. Pourquoi être opposés à tout dialogue entre les complémentaires et l'Union des caisses ? Alors que vous n'avez jamais rien fait pour améliorer les remboursements des prothèses dentaires et auditives ou des lunettes, nous pensons, nous, qu'il y a place, là, pour un dialogue avec les complémentaires, en accord avec l'UNCAM, qui gardera toujours, bien sûr, le dernier mot. Contrairement à vous, nous sommes, nous, pour le dialogue.

M. Richard Mallié - Rappel au Règlement ! L'article 57 de notre Règlement dispose qu' « en dehors des débats organisés conformément à l'article 49, lorsque au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans la discussion générale, dans la discussion d'un article ou dans les explications de vote, la clôture immédiate de cette phase de la discussion peut être soit décidée par le président, soit proposée par un membre de l'Assemblée ». C'est à ce titre que je demande la clôture de la discussion pour mettre un terme à cette obstruction manifeste.

Mme la Présidente - Nous ne nous trouvons pas dans le cadre de l'article 57, car nous discutons d'amendements, et non de l'article lui-même.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous sommes dans la plus totale confusion. Je demande une suspension de séance d'un quart d'heure pour avoir tous éclaircissements sur l'interprétation du Règlement.

Mme la Présidente - La suspension est de droit.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 15.

Mme la Présidente - M. Mallié a procédé à une extrapolation à partir d'un article qui ne concernait pas les amendements en discussion. Quant aux collègues qui sont parmi les signataires des 149 amendements identiques, je leur fais observer que tous les présents ont défendu leur amendement. Le Règlement permettrait à chacun de répondre à la commission et au Gouvernement, mais cela n'éclairerait pas les débats. On peut donc raisonnablement s'en tenir à un orateur pour répondre à la commission et un orateur pour répondre au Gouvernement, quitte à ce que, sur un sujet très important, un troisième orateur intervienne.

M. Richard Mallié - Très bien.

M. Jean-Marie Le Guen - Je souhaite intervenir.

Mme la Présidente - Je vous donne la parole avant de passer au vote.

M. Jean-Marie Le Guen - Les sommes qui devraient être affectées à la sécurité sociale et ne le sont pas représentent un énorme enjeu. Sur les 16 milliards d'allégements de charges dont il était question, 50 % seulement sont liés aux 35 heures, le reste portant sur les allégements Juppé ou le les mesures de Robien de réduction du temps de travail. Sur ces 16 milliards, 80 % sont remboursés à l'assurance maladie. Lorsque vous avez présenté votre plan initialement, le milliard que M. Sarkozy avait bien voulu vous allouer était pris sur les deux milliards non remboursés, avant de l'être sur des droits liés à l'alcool et au tabac, lorsque le groupe socialiste a insisté pour que leur produit revienne à l'assurance maladie.

Sur ces questions de financement, soyons rigoureux. Ainsi, vous prétendez que les comptes de l'assurance maladie seront équilibrés en 2007 - mais c'est à 5 milliards près, excusez du peu ! Soyons donc précis sur les produits qui ne sont pas affectés aujourd'hui à l'assurance maladie. D'abord les 9,6 milliards provenant des droits sur le tabac, 21,46 % seulement y sont affectés, plus de 7 milliards ne le sont pas !

M. le Président de la commission - Avant, ces droits allaient au FOREC !

M. Jean-Luc Préel - Oui !

M. Jean-Marie Le Guen - Revoyons l'historique. Auparavant, de tradition, les taxes sur l'alcool et le tabac - les droits d'accise en un autre temps - étaient des recettes de poche de l'Etat. Pour financer le FOREC, fonds destiné à favoriser l'emploi, donc à produire des cotisations sociales, le gouvernement de Lionel Jospin n'avait pas distrait ces sommes du budget de l'assurance maladie, mais pour l'essentiel de celui de l'Etat. Vous pourrez vous reporter au rapport du Haut conseil de l'assurance maladie.

Dans le même temps, les 6,4 milliards de la taxe sur les assurances remboursables et les 0,5 milliard de la taxe sur les contrats complémentaires de prévoyance étaient affectés à l'assurance maladie.

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

M. Jean-Marie Le Guen - Je tiens à être très précis. Je peux aller chercher le rapport du Haut conseil, pour que nous poursuivions le débat.

L'enjeu, c'est donc de réaffecter 16 milliards à la CNAM. On nous rétorque que les prendre à l'Etat pour les donner à la sécurité sociale ne changera rien au déficit. Mais puisque M. Devedjian, en remettant en cause les 35 heures, veut se faire une petite cagnotte, à qui va-t-elle aller ?

M. le Président de la commission - Vous devriez éviter de parler de cagnotte !

M. Jean-Marie Le Guen - Va-t-elle aller à l'Etat, à la baisse des impôts pour les plus riches ?

La « cagnotte » de 2000, que vous nous reprochez aujourd'hui de ne pas avoir conservée, vous étiez les premiers à nous la réclamer alors que nous l'utilisions à diminuer la TVA au profit de tous les Français.

Mme la Présidente - Monsieur Le Guen, je vous remercie.

M. Jean-Marie Le Guen - N'ayant pu terminer ma démonstration, j'y reviendrai. Je suis prêt à entendre la contradiction sur cette question des droits sur l'alcool et le tabac et sur la contribution sociale sur les bénéfices, qu'au moment de la dissolution du FOREC.....

Mme la Présidente - Monsieur Le Guen, c'est terminé, vous y reviendrez à un autre moment.

Les amendements identiques 7325 à 7472, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Richard Mallié - L'amendement 7886 de M. Houssin est défendu.

L'amendement 7886, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Nous en arrivons aux amendements identiques 5998 à 6146.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Je défends l'amendement 5998 de M. Ayrault.

Mme la Présidente - Et en même temps votre amendement 6073.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Soit.

Que la santé soit un droit pour chaque français, tel était l'objectif des fondateurs de la sécurité sociale à la Libération. Avec le progrès médical et la croissance, elle a permis des améliorations fondamentales et prolongé notablement notre espérance de vie. Son principal défaut est sans doute la faiblesse de la prévention.

Or ce projet nous rapproche du système des Etats-Unis, où les dépenses de santé sont parmi les plus élevées du monde, mais où pourtant des millions de personnes n'ont pas une couverture sociale correcte.

Nous refusons cette logique contraire à ce doit être la solidarité nationale et qui constitue une véritable régression sociale.

A ce sujet, on entend beaucoup parler, ces jours-ci, de cohésion sociale. Mais le socle n'en est-il pas, avant tout, le rapport à l'assurance maladie ? Une fois de plus, ce sont les plus modestes qui seront les victimes de votre réforme - les malades, cette fois -, après que vous vous en êtes pris aux personnes âgées dépendantes aux ressources faibles. Cette fois, c'est le droit à la santé pour tous qui est remis en cause par une multitude de mesures qui vont toutes dans le même sens et qui auront des conséquences néfastes en matière de santé publique aussi. Il suffit, pour s'en convaincre, d'aller constater dans les hôpitaux les conséquences de votre politique relative à l'aide médicale d'Etat.

M. Bur remplace Mme Mignon au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. YVES BUR

vice-président

M. Gérard Bapt - Par l'amendement 6004, j'insiste sur le fait que le système de santé et d'accès aux soins, qui fonde le pacte social, doit demeurer une priorité nationale. Il est donc important de rappeler que la réforme de l'assurance maladie doit s'inscrire dans le champ plus vaste de la santé publique. Il faut aussi préserver un égal accès sur l'ensemble du territoire, ce qui n'est plus le cas ; pourtant, le projet ne dit rien de la régulation de l'offre de soins ni, donc, de leur continuité. De même, la démarche engagée dans la réforme Juppé avec la création des ARH et dans la réforme Mattei avec la constitution de groupements régionaux de santé publique, cette démarche s'essouffle. Tel le cheval qui renâcle devant l'obstacle, le Gouvernement fuit la difficulté. Il oublie l'échelon régional, pourtant le plus apte à organiser un système de santé solidaire efficace.

M. Alain Claeys - Par l'amendement 6030, je plaide en faveur d'une réforme globale et structurelle de l'offre de soins. J'ai abordé, ce matin, la question des inégalités territoriales, et le ministre m'a répondu de manière polémique. Pourtant, bien que l'égalité d'accès aux soins soit un impératif constitutionnel, l'inégalité territoriale est de fait. Il faut donc aborder la question dans son ensemble sans dissocier les acteurs qui concourent à l'offre de soins : professionnels libéraux, hôpitaux et secteur médico-social. De même, il était tentant pour le ministre de polémiquer sur la rémunération des médecins. Mais si l'on s'en tient au seul exemple d'un département que je connais bien, la Vienne, on sait que, dans certaines zones, le remplacement des médecins qui partent à la retraite est difficile, à la fois pour des raisons qui tiennent à des exigences de qualité de vie mais aussi parce qu'avant de s'installer, un médecin est très attentif à l'environnement médical qu'il trouvera sur place. Le problème est réel, et il ne trouvera de solution que si l'on confie aux médecins des missions de service public. En disant cela, je ne remets pas en cause le principe du paiement à l'acte...

M. le Rapporteur - Voilà une précision intéressante.

M. Alain Claeys - ...mais j'explique qu'il faudra définir avec les médecins libéraux, en parallèle à leur activité privée, une autre forme de régulation.

S'agissant de l'hôpital, on ne peut se limiter à la seule évaluation de la tarification à l'activité pour justifier une implantation, car un tel raisonnement conduira inexorablement à la concentration. Il faut donc, préalablement à toute réforme, engager une réflexion sur l'hôpital et singulièrement sur les relations entre les CHU et les hôpitaux de proximité.

Tel devrait être le socle de la réflexion sur une véritable réforme de l'offre de soins. Or, votre projet ne dit rien de tous ces sujets. Voilà qui explique l'importance de l'amendement qui rappelle la priorité de la santé pour tous, en tous points du territoire.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement. J'apprends qu'une dépêche de l'AFP m'attribue la paternité d'un amendement adopté par la commission spéciale et proposant de fixer un seuil au-delà duquel le forfait d'un euro par consultation à la charge de l'assuré est suspendu. Je n'ai évidemment jamais déposé un amendement de ce genre, puisque je suis opposé au principe même de ce déremboursement. Il est un peu fort de profiter, je pense, d'une homonymie...

M. le Président - Dont acte.

M. Jean-Marie Le Guen - Je n'en resterai pas là : je demande une suspension de séance pour aller m'expliquer avec la presse.

La séance, suspendue à 18 heures 40 est reprise à 18 heures 45.

M. Henri Nayrou - Je défends mon amendement identique 6113, lequel, en parlant d'égalité des chances, de solidarité nationale, de prévention ou de droit à la santé, tranche singulièrement avec l'esprit du texte du Gouvernement. La vérité, c'est que votre bilan depuis deux ans est catastrophique : l'accès aux soins a reculé, le dialogue conventionnel est bloqué et le déficit est désormais colossal. Pis, toutes vos mesures de restriction drastique des droits des assurés sont impuissantes à rétablir l'équilibre des comptes et la commission des comptes de la sécurité sociale relève que, pour la première fois depuis 1994, les quatre branches sont en déficit ! La gravité de la situation exigeait un sursaut. Las, alors que les Français étaient en droit d'attendre une vraie réforme, le Gouvernement ne propose - selon les termes du porte-parole de l'UDF - qu'un énième plan de redressement dont les lacunes sont incontestables.

Plutôt que de vous attaquer aux causes du mal, vous vous lancez dans une partie de Monopoly à l'issue hasardeuse et vous lancez vos signaux de détresse alors que le navire est déjà échoué ! Il est faux de prétendre que l'effort sera partagé. La vérité, c'est que votre plan tend à transmettre un lourd héritage aux générations futures et que vos objectifs prétendument « réalistes » - 9 milliards de dépenses évitées, 5 milliards de recettes nouvelles - ont été cruellement démentis par les prévisionnistes de Bercy.

Votre texte, Messieurs les ministres, est plus important par ce qu'il cache que par ce qu'il dévoile, et votre jeu sur le calendrier, qui vous conduit à présenter une réforme de cette importance au cœur des congés estivaux, ne dupe personne.

Mme Françoise Imbert - Mon amendement 6077 est identique et vise notamment à ce que chacun puisse accéder à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire. Nous avons déploré que, dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, le Gouvernement tende à décharger l'Etat de ses missions régaliennes en matière de santé pour les faire assumer par les collectivités locales. Il est inadmissible de donner aux collectivités - dont les ressources sont très inégales - la responsabilité de s'assurer que chacun puisse accéder à des soins de qualité. Et tous les rapports disponibles montrent que les mesures d'incitation financière ne permettront pas de résoudre la crise de démographie médicale à laquelle sont confrontés un trop grand nombre de territoires.

Mme Mignon remplace M. Bur au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 6091 est identique. Le diagnostic du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie est désormais bien connu. Au-delà du volet financier proprement dit, il faut prolonger l'action sur les comportements individuels et collectifs par une profonde réforme de l'organisation des soins. Certes, le rapport coût-efficacité des actions menées doit être strictement évalué et tendre à l'optimum, mais il faut aussi s'attaquer aux problèmes de qualité car des milliers de vies sont en jeu.

Au reste, vous avez, Monsieur le ministre, vous-même évoqué les 8 000 morts annuels par intoxication médicamenteuse...

M. le Ministre - Merci de lire mes publications !

M. Jean-Marie Le Guen - C'est un sujet essentiel et par l'un de nos amendements - s'il échappe au couperet de M. Méhaignerie ! -, nous proposerons que le pharmacien ait un droit d'intervention directe sur les prescriptions. Nous plaidons pour que les ordonnances comportant plus de cinq médicaments puissent être suspendues et que toutes les prescriptions se fassent en DCI, notamment pour desserrer l'étau du marketing sur l'industrie pharmaceutique. Il convient aussi de doter tous les praticiens d'un logiciel de prescription, afin de prévenir toute interaction médicamenteuse. Il faut bien reconnaître que certaines prescriptions sont faites dans des conditions de sécurité insuffisantes. Attaquons-nous au problème en relançant la politique de formation continue et d'évaluation sensiblement relancée, que votre texte a le front de renvoyer à la discussion conventionnelle. Pour nous, la qualité des prescriptions, de la formation continue des professionnels de santé ou de l'évaluation des pratiques n'est pas négociable. Vous vous êtes attaché à défaire ce qu'avait construit la loi sur les droits des malades en matière de formation continue. Ayez le courage de reconnaître votre erreur !

M. le Rapporteur - Madame la Présidente, l'orateur abuse de votre libéralisme ! Son temps de parole est largement dépassé.

M. Jean-Marie Le Guen - Je suis désolé d'asséner à cette majorité intolérante des vérités qu'elle préfère éluder ! Mais je tiens à défendre notre bilan, quand elle se plaît à raconter que nous n'aurions rien fait !

M. Alain Vidalies - Mon amendement 6144 vise à garantir l'égalité d'accès aux soins. On a pris l'habitude de dire que notre système de santé était le meilleur au monde. En réalité, il existe des disparités considérables entre les régions, ce qui pose un problème d'aménagement du territoire. C'est une difficulté qu'il faut prendre en compte.

Dans la forêt landaise, la densité est de 6 à 7 habitants au kilomètre carré - le seuil de désertification se situe à 20 habitants au kilomètre carré. L'hôpital se trouve à plus de 50 km des chefs-lieux de canton où résident les médecins. Ceux-ci ont exercé pendant longtemps un véritable sacerdoce. Mais ceux qui partent en retraite ne parviennent plus à trouver de successeurs. Les jeunes médecins accepteraient de s'installer en zone rurale s'ils pouvaient y vivre normalement. Or on ne trouve dans votre texte aucune mesure en faveur de leur installation. Le précédent gouvernement avait prévu des aides forfaitaires, mais le problème n'est pas seulement financier. Il faut trouver des solutions, car les entrepreneurs ne veulent pas s'installer là où il n'y a pas de médecin. Les Français ne comprennent pas que nous ne débattions pas de ce problème.

Nous avons proposé la mise en place des ARS, pensant que des responsables de terrain trouveraient des solutions adaptées. Le rapporteur a fait preuve d'une grande lucidité en reconnaissant, dans son rapport, que sur cette question « l'ambition du projet peut paraître limitée ». Elle l'est en effet.

Les inégalités territoriales risquent de s'aggraver avec le développement des honoraires libres, les spécialistes tendant à s'installer plutôt dans les zones où résident nos concitoyens les plus aisés. Ailleurs, nos territoires vont continuer de se désertifier.

Mme Elisabeth Guigou - Je défends quant à moi l'amendement 6070.

Il y a aussi des territoires urbains qui souffrent de votre politique. En Seine-Saint-Denis, de plus en plus d'associations nous disent qu'elles ne peuvent plus faire face, parce que les personnes les plus défavorisées n'ont plus accès à l'aide médicale d'Etat. Pour combattre des pathologies comme la tuberculose ou le VIH, qui comportent des risques d'épidémie, il faut aller vers ces personnes qui n'iront pas spontanément chez un médecin, ni même à l'hôpital. De nombreuses associations vont ainsi trouver des femmes d'origine africaine pour les convaincre de subir des examens de santé. Un grand nombre de médecins qui soignent bénévolement les gens dans le besoin s'inquiètent de voir que vous rognez l'aide médicale d'Etat.

La caisse primaire d'assurance maladie de ma circonscription a publié un communiqué alarmant : « Les crédits sociaux des caisses vont être drastiquement réduits. Les pouvoirs publics ont annoncé des économies sur ce poste de 600 millions d'euros, ce qui représente les frais de fonctionnement de cinq régions françaises. Si cette mesure se confirmait, elle se traduirait par une sérieuse dégradation du service public de proximité. En Seine-Saint-Denis, elle aurait des conséquences dramatiques. La CPAM ne serait plus en mesure d'assurer ses missions. Une conquête sociale majeure risque d'être fragilisée, ce qui ouvrirait la voie à la privatisation du système de santé. » Ce n'est pas nous qui le disons, ce sont les responsables de la CPAM.

M. le Ministre - C'est faux !

M. le Rapporteur - Ces amendements identiques, déposés par 142 députés socialistes, portent sur la solidarité nationale, qui est garantie par le Préambule de la Constitution de 1946. « Droit à la santé » n'est pas une expression correcte, il convient de parler de « droit à la protection de la santé ».

Je rappelle qu'en octobre dernier, nous avons discuté ici, pendant deux semaines, d'un projet relatif à la santé publique. Il nous est revenu en deuxième lecture quand M. Douste-Blazy a pris ses fonctions. Ce texte, actuellement examiné au Sénat, devrait être adopté définitivement avant la fin de la session extraordinaire.

Vous prétendez que ce texte est incomplet, boiteux. En réalité, il s'inscrit dans un ensemble, dont il est la pièce maîtresse mais qui comporte aussi des textes sur l'hôpital, les personnes âgées, l'autonomie, le secteur médico-social... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Le texte sur la santé publique s'articule à ce projet, vous le verrez lorsque nous débattrons de la gouvernance de l'assurance maladie. De même, au plan local, les ARH s'articuleront avec les groupements régionaux de santé publique.

La commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre - Même avis.

Mme Jacqueline Fraysse - Il faut garantir tout particulièrement le droit à la santé des plus modestes, qui ne parviendront pas à se débrouiller dans le système que vous mettez en place. Comme je l'ai déjà dit pendant le débat sur les retraites, vous avez fait tourner la roue du progrès à l'envers. Dans un pays qui se développe, qui n'a jamais créé autant de richesses, il faudra travailler plus longtemps pour une retraite par ailleurs diminuée.

De même, dans notre pays où les techniques progressent, où il y a de l'argent, vous créez un système dans lequel certains de nos concitoyens ne pourront pas accéder aux techniques les plus modernes. Il est très inquiétant de constater que, plus la médecine progresse, moins l'ensemble de la population peut y accéder. Ce recul de société devrait vous préoccuper vous aussi. Il serait pourtant possible de consacrer à la prévention tous les moyens nécessaires. Ce n'est pas à quoi conduit la loi de santé publique. Vous préférez culpabiliser les patients et les professionnels. Comment ne pas voter l'amendement qui prévoit que chacun doit pouvoir bénéficier des progrès de la médecine ?

M. Hervé Mariton - Nos concitoyens ont compris qu'il fallait sauver l'assurance maladie, et qu'on n'y parviendra pas en se bornant à enfiler des évidences. Aujourd'hui nous en sommes à l'assurance maladie. « Droit à la santé » est une formule qui laisse perplexe. Naturellement nous souhaitons à tous la meilleure santé possible, et pour cela leur garantir l'accès aux soins. Mais à quoi bon énoncer de simples et creuses généralités ?

M. Jean-Marie Le Guen - Le rapporteur nous parle de santé publique. Or, l'organisation des soins qui nous est présentée s'inscrit en contradiction complète avec la première partie de la loi de santé publique.

M. le Rapporteur - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Le Guen - En effet, Monsieur le rapporteur, la commission avait à l'époque adopté des amendements rétablissant notamment la conférence nationale de santé. En revanche la création des GRSP placés sous l'autorité des préfets est parfaitement superflue. La loi de santé publique élève en réalité une barrière infranchissable au nouvel exercice de la pratique des soins, qui intègre de plus en plus des actions de prévention, face en particulier au développement des pathologies chroniques, qui requièrent de la part des praticiens toute une éducation du patient. La frontière que vous voulez dresser entre la santé publique et l'assurance maladie est de plus en plus obsolète.

Vous empilez comme à plaisir les structures et les organismes de toute sorte, c'est un véritable capharnaüm ! (Vives interruptions sur les bancs du groupe UMP) Puisque nous parlons de santé publique, voici maintenant une question directe qui appelle une réponse de même nature. Jean-Marc Ayrault qui a dû regagner Nantes momentanément est tombé dans le journal Ouest France, sur ce titre : « Le lobby des vignerons contre la loi Evin » (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - N'est-ce pas un autre débat ?

M. Jean-Marie Le Guen - Que pense le Gouvernement du lobbying intense exercé par certains de nos collègues, dont l'actuel président de l'UMP Alain Juppé ? Avez-vous l'intention de remettre en cause la loi Evin ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous attendons votre réponse.

Mme la Présidente - Sur l'amendement 5998 et les amendements qui lui sont identiques, je suis saisie par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 35 voix contre 15 sur 50 votants et 50 suffrages exprimés, l'amendement 5998 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - Les amendements 6311 à 6325 sont identiques.

M. Jean-Marie Le Guen - Le ministre va-t-il nous répondre sur la loi Evin ?

M. le Ministre - C'est la sixième fois que je vous réponds. Dans le domaine de la prévention la majorité actuelle a fait dix fois plus que vous. Vous n'avez donc aucune leçon à nous donner, en particulier sur la loi Evin.

M. Jean-Marie Le Guen - D'un côté les lobbies agissent, de l'autre certains se parent de toutes les vertus. Je souhaite une réponse plus satisfaisante.

M. le Ministre - Je n'y reviens plus.

Mme la Présidente - Monsieur Le Guen, vous avez la parole pour défendre l'amendement 6311.

M. Jean-Marie Le Guen - Cet amendement 6311 vise à inscrire notre politique de santé dans une dimension européenne et, plus largement, internationale. La médecine française est réputée sur le plan international. Le rayonnement de notre pays dépend aussi de sa médecine (« C'est de l'obstruction ! » sur les bancs du groupe UMP).

Dans les années à venir, nous devrons en outre coordonner nos politiques de santé à l'échelon européen.

M. le Président de la commission spéciale - Il est question de l'assurance maladie !

M. Jean-Marie Le Guen - L'agence européenne du médicament existe déjà, mais il faudra aller plus loin face à des trusts pharmaceutiques américains, notamment en œuvrant au rapprochement des puissances d'achat française et allemande.

M. Gérard Bapt - L'amendement 6314 a le même objectif.

Nous avions déjà regretté, à l'occasion de la discussion de la loi sur la santé publique, l'absence de toute dimension européenne. M. Le Guen a évoqué l'industrie pharmaceutique ; je souhaiterais évoquer l'exemple de la recherche. Cette dernière doit certes retrouver au plus vite les moyens que lui ôte votre politique budgétaire mais également trouver d'autres moyens de développement. La coopération européenne pourrait sur ce plan lui donner un nouvel élan.

Il en va de même concernant l'éducation sanitaire et en particulier ce problème fondamental qu'est l'obésité juvénile, quand il faut adopter où que l'on soit le même comportement nutritionnel. J'ai d'ailleurs participé à un colloque à Munich à ce sujet.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement. Je demande une réponse claire à M. le ministre concernant la loi Evin (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Comme il a sans doute besoin de se concerter avec d'autres membres du Gouvernement, je demande une suspension de séance d'une demi-heure.

Mme la Présidente - La suspension est de droit, mais je donne d'abord la parole à Mme Imbert.

Mme Françoise Imbert - Notre système de santé s'intègre dans une dimension internationale et européenne. Or, la politique du Gouvernement, en la matière, est dénuée d'ambition. Ce projet ne dit rien, n'affirme rien, mais vise seulement à renforcer des structures étatiques.

Peut-on limiter une politique de santé publique aux frontières nationales quand nous devrions au contraire relever les défis internationaux qui se posent à nous ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal - M. Le Guen a demandé une suspension de séance.

Mme la Présidente - Nous devons examiner trois amendements avant de suspendre.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est incroyable ! Je ne comprends pas votre attitude, Madame la présidente !

Mme la Présidente - Je lève la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale