Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session extraordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 3ème jour de séance, 10ème séance

3ème SÉANCE DU LUNDI 5 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      ART. 2 (précédemment réservé) (suite) 2

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 6 JUILLET 2004 16

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

ART. 2 (précédemment réservé) (suite)

M. Hervé Mariton - Rappel au Règlement pour dénoncer la volonté de ne pas aboutir de nos collègues socialistes, alors que le groupe UMP et le Gouvernement se sont employés tout au long de la journée, avec finesse et détermination, à mettre en place un dispositif équilibré pour ce qui concerne le dossier médical personnel. Le groupe socialiste a poussé le raisonnement jusqu'aux limites de l'absurde...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Avant la suspension, nous étions en effet en plein non-sens !

M. Hervé Mariton - ...puisqu'il tendait à proposer d'interdire l'accès aux données médicales personnelles au moment où les soignants peuvent en avoir le plus besoin, en situation d'urgence ou lorsque le patient est inconscient. Il y a bien, de notre côté de l'hémicycle, ceux qui veulent avancer, et, de l'autre, ceux qui sont prêts à utiliser les moyens les plus farfelus pour bloquer la réflexion !

Mme la Présidente - Je cherche en vain dans vos propos un motif de rappel au Règlement !

M. Maxime Gremetz - Je fais à mon tour un rappel au Règlement, car quelle ne fut pas ma surprise d'être interpellé aujourd'hui par plusieurs personnes sur le mode : « le débat à l'Assemblée nationale est sans doute déjà fini, puisque nous venons de recevoir la brochure de MM. Douste-Blazy et Bertrand expliquant ce qui a été décidé ! » De fait, je me demande ce que nous faisons là si tout est déjà bouclé ! A quoi bon siéger ? Supprimons l'Assemblée nationale ! Le Gouvernement n'a qu'à réformer l'assurance maladie par voie d'ordonnances...

M. Jean-Marie Le Guen - C'est bien ce qu'il avait prévu !

M. Maxime Gremetz - La vérité, c'est qu'il a franchi la ligne jaune !(Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission spéciale - Inutile de sortir les grands mots !

M. Maxime Gremetz - Naguère, vous n'auriez vous-même pas laissé passer de telles méthodes !

M. Jean-Luc Préel - Il y a pourtant des précédents !

M. Maxime Gremetz - De ma vie de parlementaire, je n'ai rien vu d'équivalent ! (M. Gremetz brandit la brochure qu'il a évoquée) Tout est déjà bouclé !

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, vous vous adressez directement aux ministres ! Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Maxime Gremetz - En tout cas, lorsque le ministre ne nous répondra pas sur le dossier médical, je serai en mesure, grâce à sa brochure, de le faire à sa place !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - L'amendement 8277 devrait nous permettre de retrouver un peu de sérénité, puisque, pour répondre à une demande de Mme Génisson,...

M. Jean-Luc Préel - La demande n'émanait pas que des socialistes !

M. le Rapporteur - ...il est proposé que seuls les professionnels de santé habilités des établissements de santé reportent sur le DMP les résumés de séjour. Pour répondre à l'observation qu'a faite tout à l'heure M. Mariton, je propose en outre de rectifier l'amendement en substituant aux mots «à l'issue du séjour », les mots «à l'occasion du séjour », le reste sans changement.

M. Jean-Luc Préel - La rectification n'est pas pertinente !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 8277 rectifié.

M. Jean-Marie Le Guen - On nage en pleine confusion, et la rectification que propose le rapporteur n'arrange rien ! Qui transmet quoi, à qui et quand ? La question reste posée...

M. le Président de la commission spéciale - On ne peut pas tout écrire dans la loi.

M. Jean-Marie Le Guen - Il y a bien un glissement. On a parlé de médecins, puis de professionnels de santé... Dans les établissements de santé...

M. le Rapporteur - Vous les connaissez, vous, les établissements de santé ?

M. Jean-Marie Le Guen - Sans doute moins bien que vous mais cela ne m'interdit pas de défendre mon point de vue. Au reste, du temps où vous osiez encore exprimer une idée personnelle légèrement différente de celle du Gouvernement, vous aviez vous-même proposé que dans chaque service, des personnes se spécialisent dans la transmission des données personnelles...

M. le Rapporteur - Mais non ! Cela n'a rien à voir ! J'avais parlé de techniciens informatiques, pas d'autre chose !

M. Jean-Marie Le Guen - Le moins que l'on puisse dire, c'est que la confusion n'est pas dissipée.

M. Jean-Luc Préel - Je ne suis pas d'accord avec la rectification proposée par le rapporteur. C'est bien à l'issue d'un séjour que l'on est en mesure d'en faire le résumé. La question soulevée par Hervé Mariton n'était pas inintéressante, mais la réponse proposée n'est pas pertinente !

M. le Rapporteur - Mais si ! les informations médicales peuvent être reportées à tout moment, au début, en cours ou à la fin du séjour ! Ma proposition de rectification est tout à fait pertinente (M. Préel s'exclame).

L'amendement 8277 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 8175, 7474 et 8188 tombent.

M. Hervé Mariton - L'amendement 7889 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen - Il était pourtant pertinent, en ce qu'il prévoyait que la profession médicale organise une formation sur place des médecins à l'informatique, dans la perspective de la bonne mise en place du DMP.

M. le Président de la commission spéciale - Cela ne relève pas du domaine de la loi !

M. Jean-Marie Le Guen - Il n'empêche que l'intention est bonne !

L'amendement 7889, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Je suis saisie de quatorze amendements identiques.

M. François Guillaume - Mon amendement 38 vise à supprimer le dernier alinéa de l'article L 161-46 du code de la sécurité sociale.

Nous parlons du dossier médical personnel comme s'il s'agissait d'une innovation. Depuis toujours, les médecins cherchent à fidéliser leurs clients et les clients à bénéficier d'un suivi médical. Le médecin de famille, quand il envoie un de ses patients auprès d'un spécialiste ou à l'hôpital, lui donne une lettre de recommandation qui contient des informations importantes. Les médecins de famille ont, pour chacun de leurs patients, un dossier personnel. Les spécialistes, les hôpitaux communiquent aussi aux généralistes des informations sur les soins dispensés. Il existe donc un réseau informel. Votre texte ne fait que conforter cette pratique.

Mais vous allez trop loin en exigeant l'accord du patient. En effet, un refus risquerait d'être préjudiciable au patient lui-même, mais aussi à la collectivité en cas de maladie contagieuse. En outre, faute d'informations sur un patient, le médecin doit prévoir un certain nombre d'actes médicaux préalables, ce qui a un coût.

Il est possible de respecter le secret médical en empêchant l'utilisation du DMP par un tiers et en scindant le dossier en deux volets : le premier serait à la disposition des médecins traitants et de l'intéressé, le second constituerait un relevé des actes médicaux, si bien que les organismes de sécurité sociale pourraient effectuer des contrôles. Si un abus était présumé, il appartiendrait au patient et aux médecins de justifier les actes notés.

M. Jean-Claude Sandrier - Notre amendement 616 a le même objet. Nous sommes opposés au traitement différencié qui est prévu dans cet article. La prise en charge doit être complète. L'expérience du carnet de santé tentée par Jacques Barrot n'a pas été concluante et il ne faut pas fixer comme condition des soins l'utilisation du dossier.

Selon le Gouvernement, il s'agit d'éviter les doublons. Mais nous n'avons aucune idée de la fréquence ni du coût des abus. Les chiffres avancés par les caisses primaires sont infimes.

M. Maxime Gremetz - Je défendrai l'amendement 617. On nous dit que le DMP permettra de faire des économies, mais les experts les plus compétents sont incapables d'en évaluer le montant. On sait, en revanche, que la mise en place du DMP coûtera 500 millions.

Le DMP est en soi une bonne idée, mais les spécialistes nous disent que les moyens techniques actuels ne permettent pas de garantir la confidentialité des données. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ) Pensez-vous que tel malade souhaite qu'on sache qu'il a un cancer ? Les assurances, oui, souhaitent savoir ! Et les employeurs ne vont pas se gêner ! C'est très grave. Monsieur le ministre, je vous propose d'entendre, en notre présence, des spécialistes de l'informatique. Nous allons, quant à nous, alerter l'opinion publique, car non seulement vous compromettez la santé des gens, mais encore vous violez leur liberté !

M. Gilbert Biessy - L'amendement 624 est défendu.

M. François Liberti - L'amendement 627 aussi.

M. Alain Vidalies - Nous sommes en face d'une des principales difficultés politiques et juridiques de ce projet. Le Gouvernement a manifestement voulu unir deux principes difficilement conciliables. Le premier est celui - affirmé par la loi sur les droits des malades - qui veut que le malade soit propriétaire de son dossier. Le deuxième est votre décision de rendre le dossier médical obligatoire. Pour faire la synthèse de ces deux démarches contradictoires, vous avez retenu l'idée que le choix éventuel du malade de ne pas donner accès à son dossier entraînerait une sanction financière sur le montant du remboursement.

M. le Président de la commission spéciale - Tout cela a été clarifié cet après-midi. Vous êtes de mauvaise foi.

M. Alain Vidalies - Du tout. Sur le plan social, le libre consentement, que vous invoquerez pour défendre juridiquement votre dispositif, ne sera évidemment pas libre : il sera nécessairement vicié, parce qu'il s'exprimera en fonction de la situation sociale des gens. Je ne pourrai exercer ce « libre consentement » que si ma situation financière me permet de prendre en charge une part du remboursement.

M. le Président de la commission spéciale - Caricature !

M. Alain Vidalies - C'est si caricatural que des formulations semblables aux miennes figurent dans le document signé par le président de la CNIL, où ne siègent que des parlementaires de l'UMP ! Je le cite : « Il faut alors se demander s'il est possible de tenir pour vraiment libre le consentement d'une personne à la création de son dossier médical personnel, alors que son choix déterminera le niveau de remboursement des soins par l'assurance maladie ». Ce n'est pas nous qui le disons : c'est la CNIL, dont vous connaissez la composition.

La question de la constitutionnalité de cet article va donc inévitablement se poser. Je ne dis pas que la réponse est certaine, car il y a conflit entre deux principes constitutionnels. Mais nous pensons que dans ce dispositif le libre consentement ne l'est pas, et que la mesure est à la fois socialement injuste et inconstitutionnelle.

M. le Président de la commission spéciale - Dites franchement que vous êtes contre le dossier médical personnel !

M. Alain Vidalies - Nullement. Mais vous avez choisi de pénaliser les gens en fonction de leur situation sociale : nous avons le droit de dénoncer cette méthode. Et nous ne sommes pas seuls à le faire.

M. le Rapporteur - Il existe une émission de télévision qui s'appelle « on refait le match »... (Sourires sur les bancs du groupe UMP) Ce match-ci, nous l'avons refait cinq ou six fois aujourd'hui. La commission a émis un avis défavorable à ces amendements de suppression, qui n'ont d'ailleurs pas le même sens. Tout d'abord, Monsieur Guillaume, les médecins ont des patients, non des « clients ». D'autre part, le seul objectif de cet article est la qualité, par la coordination des soins ; les aspects économiques ne sont qu'en arrière-plan.

M. Jean-Marie Le Guen - « Cachez ce sein que je ne saurais voir »...

M. le Rapporteur - Par ailleurs, Monsieur Gremetz, l'Assemblée a adopté un amendement 33 de la commission qui prend les précautions nécessaires pour que les assureurs privés, les employeurs, la médecine du travail n'aient pas accès à ce dossier. Cet article poursuit un but : responsabiliser le patient, ce qui est essentiel s'il doit être vraiment acteur de sa santé.

Enfin, Monsieur Vidalies, nous avons déjà eu le débat sur la constitutionnalité de cet article, et les ministres ont répondu à plusieurs reprises.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Maxime Gremetz - Ce que je vais vous lire n'est pas de moi : c'est un document du Conseil de l'Ordre. « Faute de garanties, y est-il écrit, les médecins ne pourront pas utiliser un tel dossier. »

M. le Président de la commission spéciale - Ce sont des conservateurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz - Il est grave d'insulter ainsi le Conseil de l'Ordre. Je croyais qu'il avait une certaine autorité morale et médicale. Or son président a déclaré : « Certains organismes ne devront en aucune façon pouvoir héberger ces dossiers ; je pense notamment aux caisses d'assurance maladie et de retraite, et aux assurances professionnelles. S'ils avaient accès aux données des dossiers, ces organismes pourraient en effet être en situation de nuire aux assurés ».

M. le Président de la commission spéciale - C'est bien la première fois que vous manifestez tant d'égards au Conseil de l'Ordre !

M. Jean-Marie Le Guen - Pas du tout ! Vous connaissez mal l'histoire.

M. Maxime Gremetz - Ils se prétendent meilleurs que le Conseil de l'Ordre ! Celui-ci s'inquiète également des conséquences du système du médecin traitant. Il conteste par ailleurs l'espace de liberté tarifaire offert aux spécialistes dès lors que leurs patients n'auront pas accepté l'utilisation du dossier, système qui fait de la liberté tarifaire, écrit le Conseil, « une sanction qu'un médecin spécialiste infligerait à son patient en raison du comportement de ce dernier »... (M. Maxime Gremetz transmet à M. le ministre le document qu'il vient de citer) L'importance du sujet est telle que je demande un scrutin public.

M. François Guillaume - M. le rapporteur l'a dit avec raison : mon amendement de suppression n'a pas le même sens que ceux de nos collègues de gauche. Ce que je souhaitais, c'était éviter qu'on demande au patient son autorisation pour que le professionnel de santé puisse utiliser son dossier. Ce que veulent nos collègues, c'est exclure toute pénalisation financière pour le patient qui refuserait cette utilisation. Compte tenu de cette divergence, je retire l'amendement 38. Ceux qui refusent qu'on utilise leur dossier doivent en supporter financièrement les conséquences, car leur attitude peut conduire à effectuer des actes médicaux redondants, ce qui alourdit les coûts pour l'assurance maladie.

L'amendement 38 est retiré.

A la majorité de 43 voix contre 17 sur 60 votants et 60 suffrages exprimés, les amendements 616 à 627 et l'amendement 7830 ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Ce qui vient de se produire est si grave que notre groupe doit se réunir pour en délibérer.

La séance, suspendue à 22 heures 15, est reprise à 22 heures 25.

M. François Guillaume - Pour les mêmes raisons que précédemment, je vais retirer mon amendement 39, tout en regrettant que l'autorisation du patient soit requise pour compléter son dossier médical, dont la fiabilité sera ainsi altérée.

L'amendement 39 est retiré.

M. le Ministre - L'amendement 8442 dispose que les professionnels de santé seront tenus d'attester, lors de l'établissement des documents servant au remboursement, qu'ils ont pu accéder au DMP du patient et le mettre à jour.

M. le Rapporteur de la commission spéciale. La commission n'a pas examiné l'amendement, qui me paraît utile.

M. Jean-Marie Le Guen - Quelle façon déplorable de travailler ! Voici un amendement du Gouvernement qui arrive sans prévenir en plein milieu de la discussion. C'est exactement ce que nous vous avions demandé de ne plus faire ! Ne vous étonnez pas si cela ne reste pas sans conséquences. Sur le fond, ce dispositif revient loin en arrière par rapport à la position exprimée ce matin par M. Bur, puisqu'il conditionne le niveau de remboursement non seulement à l'accès au dossier, mais aussi au fait que l'acte médical a donné lieu à une inscription dans le dossier.

Avec cet amendement parachuté au dernier moment, vous apportez la preuve de ce que nous n'avons cessé de dénoncer tout au long de cette journée !

Mme Martine Billard - Cet amendement pose quand même un petit problème : il interdit de se rendre chez son médecin sans que cela ne débouche ni sur une prescription, ni sur un acte médical, sauf à se priver de remboursement. En fait, vous poussez à la consommation de soins alors que j'avais cru comprendre que vous poursuiviez l'objectif inverse...

M. Claude Evin - Vous tentez sans relâche de nous faire passer pour des opposants au DMP alors que nous l'approuvons en tant qu'élément de coordination des soins destiné à améliorer la prise en charge du patient.

Ce que nous ne pouvons accepter, c'est que l'on bafoue le droit fondamental de chacun de refuser l'accès et l'inscription de données nouvelles au dossier. Or, en fondant le déremboursement sur ce refus, vous annihilez tous nos efforts pour que des dispositions de la loi de 2002 soient introduites dans ce texte. Pire, vous obligez le médecin à dénoncer le patient qui a demandé à exercer ce droit fondamental. Au moins votre amendement nous aura-t-il permis d'expliquer ce désaccord profond entre nous...

M. le Président de la commission spéciale - Nous n'allons pas refaire le débat...

M. Claude Evin - Il ne fallait pas déposer cet amendement !

M. le Président de la commission spéciale - Cet amendement ne crée pas d'obligation aux professionnels de santé...

M. Claude Evin - Ah bon ! « est tenu », ce n'est pas une obligation ?

M. le Président de la commission spéciale - Mais il s'agit seulement de savoir « s'il a été en mesure d'accéder au dossier ». Si cela peut vous rassurer, je propose que le Gouvernement renonce à écrire « et de le compléter ».

M. le Ministre - D'accord. Je rectifie l'amendement 8442 en ce sens.

M. Claude Evin - L'opposition sert quand même à quelque chose...

M. Jean-Marie Le Guen - Nous prenons acte de cette rectification, mais dans quelles conditions travaillons-nous ? Nous croyions nous être mis d'accord sur une certaine conception de l'accès au dossier et voilà que le Gouvernement y revient, soit par inadvertance, ce qui serait révélateur du manque de préparation de ce texte, soit par volonté délibérée, ce qui nous inquiète fort quant à la valeur de tout ce que nous avons fait jusqu'ici et nous incite à redoubler de vigilance !

M. le Président de la commission spéciale - Il s'agit simplement de faire en sorte que les médecins donnent les informations nécessaires au meilleur remboursement possible.

Tout au long de cette journée, le Gouvernement a apporté des précisions importantes, mais je doute que cela vous fasse changer d'avis sur le DMP, vous dont toutes les propositions visent à le rendre inapplicable !

M. le Ministre - J'ai eu beau, en effet, apporter à l'opposition toutes les précisions qu'elle demandait, il y a toujours d'un côté ceux qui souhaitent le DMP et de l'autre ceux qui le refusent (Rires et protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et qui sont bien seuls puisque l'Ordre des médecins et les professionnels de santé y sont favorables.

M. Claude Evin - Je répète que le débat ne porte pas sur le principe du DMP...

M. le Ministre - C'est facile !

M. Claude Evin - ...mais sur le fait que vous liez les modalités du remboursement au fait que le patient accepte ou non que le médecin accède à son dossier.

Non, vous ne parviendrez pas à nous convaincre, tout simplement parce que vous n'aviez pas besoin d'une loi pour mettre en place le DMP. En revanche, le recours à la loi vous était indispensable pour assujettir le remboursement à l'accès à ces informations.

Mais, dans la mesure où le ministre et le président de la commission caricaturent nos positions, est-il bien utile de poursuivre le débat ?

M. Maxime Gremetz - Dans la brochure d'accompagnement de la loi, vous dites des choses que vous ne répétez pas ici, Monsieur le ministre !

Sur la forme, comment ne pas s'étonner qu'un gouvernement qui insiste tant sur la concertation marque aussi peu de considération pour les députés en déposant ainsi un amendement en séance sans même l'avoir soumis à la commission ? Sans doute conviendrait-il de suspendre la séance pour nous permettre de l'analyser sereinement...

Sur le fond, nous voyons bien qu'il aggrave encore les choses, car vous ne tenez aucun compte de l'avertissement de l'Ordre des médecins sur les risques pour la confidentialité des dossiers et vous mettez en cause la liberté de choix des patients.

Chacun doit prendre ses responsabilités ; c'est pourquoi je demande un scrutin public sur cet amendement. Ainsi, tous ceux qui sont d'avis de l'adopter le signifieront clairement.

M. le Président de la commission spéciale - Mais nous n'en avons pas honte !

M. Jean-Marie Le Guen - Je demande solennellement à M. le ministre de bien vouloir transmettre à la représentation nationale tous les amendements que le Gouvernement compte introduire, y compris ceux qui, tel celui que nous examinons en ce moment, ne figurent pas sur la feuille jaune de séance. Ainsi le Parlement pourra examiner le texte qui lui est soumis avec un minimum de sérieux.

M. le Ministre - Le Gouvernement peut, comme il vient de le faire, déposer un amendement au cours de la discussion. Mais il ne le fera qu'une autre fois, à l'article 8, et l'amendement vous sera communiqué.

A la majorité de 51 voix contre 22 sur 73 votants et 73 suffrages exprimés, l'amendement 8442 rectifié est adopté.

Mme Martine Billard - Par l'amendement 7659 nous proposons de renforcer la sécurité d'accès au dossier médical personnel, en le conditionnant à l'usage simultané de la carte Vitale du patient, de la carte professionnelle du médecin et d'un code secret. Je souhaite par ailleurs entendre le ministre confirmer que les caisses d'assurance maladie n'auront pas accès au dossier médical personnel. D'autre part, comment le dossier sera-t-il créé et consulté ? Cela sera-t-il fait en ligne uniquement, ou médecins et hôpitaux auront-ils la possibilité de télécharger les dossiers ? Cette seconde hypothèse n'est pas admissible car, dans ce cas, non seulement la confidentialité ne serait plus garantie mais l'on peut légitimement craindre la constitution de multiples banques de données pirates et, comme telles, incontrôlées. Enfin, dans quelles conditions le médecin stockera-t-il les informations relatives à ses propres consultations avec chacun de ses patients ?

M. le Rapporteur - L'amendement de Mme Billard me convient, car il répond de manière satisfaisante à de très nombreuses questions évoquées tout au long du débat. Pourtant, la commission l'a repoussé, car il lui est apparu que l'on ne peut figer dans la loi des notions techniques aussi précises, qui risquent à tout moment d'être remises en cause par l'évolution technologique, dont M. Dionis du Séjour nous a donné un exemple ce matin en citant le Texas. C'est pourquoi j'ai admis, à contre-cœur, le rejet de l'amendement. Il n'empêche, Messieurs les ministres : il faudrait s'inspirer de telles propositions pour préciser le projet ; cela éviterait bien des débats redondants.

M. le Ministre - Je vous le confirme, Madame Billard, les caisses d'assurance maladie n'auront pas accès au dossier médical personnel, qui sera effectivement rempli en ligne et que l'on ne pourra pas télécharger. Enfin, la transmission par voie électronique des informations médicales s'effectuera selon les dispositions de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, qui prévoit qu'un décret en fixera les règles. Le projet de décret sera très prochainement transmis à la CNIL et au Conseil d'Etat.

M. Gérard Bapt - Vous nous dites, Monsieur le ministre, que les caisses d'assurance maladie n'auront pas accès au dossier médical personnel. Mais qu'en sera-t-il lors des contrôles médicaux effectués par les caisses ? Il ne faut pas biaiser, mais nous dire clairement ce qu'il en est.

M. le Ministre - Cette question est très importante. Le contrôle médical des caisses aura accès demain au dossier médical informatisé des patients, comme il a accès aujourd'hui à leur dossier papier. Rien ne change par rapport à la situation actuelle.

M. Jean-Paul Bacquet - Lorsque a été instituée l'obligation d'indiquer les motifs de l'arrêt de travail sur les imprimés destinés au contrôle médical des caisses, je me souviens que l'opposition d'alors, aujourd'hui majorité, s'y était vivement opposée, arguant notamment que c'était inciter les médecins à « la délation ». J'avais, pour ma part, formulé des réserves quant à la méthode de transmission de ces imprimés comportant le motif de l'arrêt maladie, sachant que dans les services du contrôle médical, outre les médecins soumis au secret médical, il y a aussi des personnels administratifs issus des caisses et susceptibles d'y retourner selon le profil de leur carrière. La majorité aurait-elle changé de position depuis lors ?

L'amendement 7659, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 7616 interdit l'accès du DMP aux employeurs et aux compagnies d'assurances. Il conviendrait d'ailleurs de l'interdire également aux banques et institutions de crédit. On sait en effet que les personnes ayant un problème de santé ont aujourd'hui les plus grandes difficultés à emprunter, même une somme modique.

M. Richard Mallié - Ce ne sont pas les banques qui sont en cause, mais les assurances.

Mme Martine Billard - C'est lié car il est impossible d'obtenir un crédit sans assurance !

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement au profit de son propre amendement 33 rectifié.

L'amendement 7616 est retiré.

M. Jean-Marie Le Guen - Le texte disposant sans ambiguïté que le DMP n'est accessible qu'à un médecin ou un professionnel de santé, on pourrait penser que certains des amendements à venir sont inutiles. Mais ce n'est pas le cas.

Notre idée était plutôt d'interdire l'accès du DMP aux médecins, notamment aux médecins-experts pouvant avoir un lien avec les institutions de prévoyance ou les compagnies d'assurance. Tel était d'ailleurs l'objet de l'amendement 8155 que je vais retirer, notre amendement 8172 rectifié étant préférable.

J'ajoute qu'il faudrait veiller à ne pas écarter de l'interdiction aussi les entreprises régies par le code de la mutualité. En effet, il est aujourd'hui très difficile de distinguer entre les structures et d'ores et déjà, beaucoup de mutuelles servent de prête-nom à des institutions de prévoyance ou des compagnies d'assurance. La forme juridique de l'entreprise n'offre plus la moindre garantie.

L'amendement 8155 est retiré.

Mme la Présidente - Les amendements 8082 à 8096 sont identiques.

M. Jean-Marie Le Guen - On peut considérer que l'amendement 8082, comme les suivants, ont déjà été défendus.

M. le Rapporteur - La commission les a repoussés pour les raisons déjà exposées.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 8082 à 8096, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Convaincus que l'accès au DMP doit être strictement encadré, nous proposons par l'amendement 33 rectifié que cet accès soit interdit lors de la conclusion d'un contrat de protection complémentaire santé ou de tout autre contrat exigeant une évaluation de l'état de santé d'une des parties, et ne puisse non plus être exigé comme préalable à la conclusion d'un contrat. De même, le médecin du travail ne pourra y avoir accès lors de la visite d'embauche. Tout manquement à ces dispositions sera puni d'une peine pouvant aller jusqu'à 15 000 euros d'amende et un an de prison.

M. Jean-Marie Le Guen - Dans notre amendement 8172 rectifié, nous précisions que l'accès au DMP est interdit « en-dehors des cas prévus à l'article L 161-46, même avec l'accord de la personne concernée », ainsi qu'à « tout médecin travaillant dans le cadre de fonctions qu'il pourrait assurer au service d'une institution de prévoyance ou d'un employeur du titulaire du dossier». Un cloisonnement étanche doit être imposé.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. L'amendement 33 rectifié est mieux rédigé et plus précis.

M. le Ministre - Le Gouvernement est tellement soucieux d'éviter que le patient puisse subir des pressions qu'il propose un sous-amendement 8437 encore plus explicite: « L'accès à ce dossier ne peut être exigé ni préalablement à la conclusion d'un contrat, ni à aucun moment ou à aucune occasion de son application. Le dossier médical personnel n'est pas accessible dans le cadre de la médecine du travail ». Ce sous-amendement répond, je le crois, à toutes les préoccupations exprimées.

M. Alain Vidalies - Nous pourrions nous rallier à l'amendement de la commission, à condition qu'y soit précisé que l'accès au dossier est impossible dans les cas indiqués, même en cas d'accord du patient.

M. Maxime Gremetz - Cet amendement a été longuement discuté en commission, et il faut dire les choses telles qu'elles sont : prévoir dans la loi des cas dans lesquels il est interdit de communiquer les données du DMP, c'est reconnaître implicitement que la communication de l'ensemble du dossier est le régime de droit commun ! Or, vous n'êtes pas aujourd'hui, Monsieur le ministre, en mesure d'affirmer qu'il existe des moyens techniques suffisants pour préserver la confidentialité des données. Si vous démontriez que tel est le cas - mais vous ne le pourrez pas ! - nous serions prêts à voter le dispositif. Las, la vérité, c'est que les assurances privées, les complémentaires et les médecins du travail pourront accéder au dossier et sélectionner les personnes en fonction de leur état de santé. Vous comprenez bien que nous ne pouvons pas l'accepter.

M. Jean Dionis du Séjour - Nous sommes favorables à l'amendement de la commission et à celui de nos collègues socialistes. Ils sécurisent le dispositif et donnent des garanties pratiques de respect de la confidentialité des données médicales personnelles.

M. Hervé Mariton - Exceptionnellement, mon sous-amendement 7728 n'est pas très bien rédigé... (Exclamations et rires) et c'est bien volontiers que j'admets que celui du Gouvernement couvre un champ plus complet, notamment pour ce qui concerne les fonctionnaires et agents publics. Je le retire donc au profit du sous-amendement 8437.

M. le Rapporteur - On peut rectifier l'amendement de la commission en précisant que l'accès au DMP ne peut être exigé en dehors des cas prévus à l'article L. 161-46 du code de la sécurité sociale, même avec l'accord de la personne concernée. Avis favorable au sous-amendement 8437 du Gouvernement.

M. le Ministre - D'accord sur la deuxième rectification de l'amendement 33.

Le sous-amendement 8437, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 33 2ème rectification ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Les amendements 8067 à 8081 sont identiques.

M. Alain Vidalies - Ils tendent à confier au législateur le soin de préciser le contenu du décret en Conseil d'Etat annoncé par l'article L. 161-47. Pris après avis de la CNIL, ce décret fixe les conditions et la mesure dans lesquelles, selon les types d'information, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, auxiliaires médicaux, directeur de laboratoires d'analyses de biologie médicale sont habilités à consulter, inscrire ou effacer les informations, et les modalités selon lesquelles ces opérations sont exécutées, à l'occasion de la dispensation des soins ou de la délivrance des prestations.

M. Jean-Luc Préel - Dans le même esprit de sécurisation du dispositif, notre amendement 7476 tend à ce que le décret en Conseil d'Etat fixant les conditions d'accès aux différentes catégories d'informations figurant dans le DMP soit pris après avis conjoint de la CNIL et du Conseil national de l'Ordre des médecins.

M. le Rapporteur - Rejet de l'amendement socialiste. Il serait bon que le ministre confirme qu'au départ, seuls les médecins seront concernés par le DMP, l'extension aux différents professionnels de santé selon des statuts différenciés d'accès à l'information devant intervenir ultérieurement.

Quant au 7476, j'ai le plaisir d'informer M. Préel qu'il est satisfait par l'amendement 34 de la commission spéciale, dont il est d'ailleurs signataire !

L'amendement 7476 est retiré.

M. le Ministre - Même avis que votre rapporteur sur les amendements 8067 à 8081.

M. Maxime Gremetz - C'est très bizarre ! M. Bur dénonçait à l'instant le conservatisme de l'Ordre, et voilà que l'on veut s'y référer ! Qui croire ? Moi, les membres du conseil de l'Ordre, je ne les connais pas. C'est trop haut pour moi ! (Sourires) Mais enfin, je n'étais pas hostile à ce qu'ils se prononcent conjointement avec la CNIL sur les modalités de communication des données du dossier. Je regrette que M. Préel retire son amendement...

M. Jean-Luc Préel - Mais puisqu'il est repris par la commission !

M. Richard Mallié - Pour nous, le texte du Gouvernement est largement suffisant. L'énumération des professionnels de santé concernés est inutile. Renvoyer à un décret en Conseil d'Etat est tout à fait raisonnable.

M. le Ministre - Très bien !

M. Gérard Bapt - Nos amendements méritent d'être pris en considération. Il serait légitime de recueillir l'avis conjoint de la CNIL et du Conseil national de l'Ordre des médecins, de bien distinguer les régimes d'accès à l'information auxquels pourront prétendre les différents professionnels de santé, et de s'entourer des garanties déontologiques qu'exige un tel sujet. Le législateur serait mal inspiré de renvoyer à un décret sur des enjeux aussi essentiels.

M. Jean-Marie Le Guen - Au risque de choquer, je veux arrêter la dérive qui consiste à confondre secret professionnel et secret médical. Le colloque singulier du malade et du médecin ne peut être mis sur le même plan que la relation du patient avec les autres professions de santé, aussi honorables soient-elles. Le secret médical n'est pas un simple secret professionnel, il est une des conditions fondamentales de l'acte thérapeutique. Un encadrement juridique est nécessaire.

M. le Ministre - Notre texte prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après consultation de la CNIL, fixe les conditions d'application de la loi, et en particulier les conditions d'accès au DMP.

M. Jean-Marie Le Guen - Ma remarque était d'ordre général.

M. Alain Vidalies - La liste de professionnels contenue dans mon amendement nous éviterait de laisser une trop grande marge de manœuvre au pouvoir réglementaire.

Les amendements 8067 à 8081, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 34 de la commission va donner satisfaction à tous, puisqu'il prévoit que le conseil national de l'Ordre des médecins donne son avis sur les conditions d'application de la présente section.

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 8160 est identique. Je suis heureux de cette unanimité en faveur du conseil de l'ordre, qu'après des centaines d'heures de concertation, le Gouvernement avait oublié ! (Sourires)

M. Richard Mallié - Vous aussi, Monsieur Le Guen, comme le rapporteur, vous oubliez que les médecins ne sont pas les seuls à prescrire. Je souhaite que soient aussi consultés les chirurgiens-dentistes.

M. le Ministre - C'est une réflexion de bon sens. Sur ce point, nous reverrons le texte devant la Haute Assemblée.

Les amendements 34 et 8160, mis aux voix, sont adoptés.

M. Hervé Mariton - L'amendement 7726 est défendu.

L'amendement 7726, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8164 est défendu.

L'amendement 8164, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 8166 vise à soulever le problème de la responsabilité médicale découlant du DMP. En cas d'accident thérapeutique, qui sera responsable ? Le praticien qui aura rempli le dossier ? L'hébergeur, je veux dire l'institution porteuse du dossier, sachant qu'il y a un vide juridique sur cet aspect du problème ? Ou bien poursuivra-t-on le médecin qui aura prescrit l'acte sur la foi d'un dossier mal rempli ?

Beaucoup d'entre vous sont persuadés que le DMP permettra de tout connaître du malade. Il faut savoir qu'aujourd'hui, pour une transfusion, la simple déclaration du patient ou la carte indiquant son groupe sanguin n'ont aucune valeur juridique, si bien que le centre de transfusion est obligé de faire un test. En ira-t-il autrement avec le DMP ? Quelle valeur juridique aura son contenu ?

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Un décret ne « stipule » pas. En outre, les règles en matière de responsabilité ne peuvent être fixées par décret. Je vous suggère de retirer cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous avons tout de même réussi à susciter le débat sans employer le mot de « rapport » (Sourires). Mais nous avons conscience que cet amendement procède d'une réflexion juridique inaboutie... Il reste que nous attendons avec intérêt la réponse du Gouvernement, même si nous sommes prêts à lui donner le temps d'y réfléchir.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Un décret en Conseil d'Etat est en cours de finalisation, pris sur la base de l'article L.1111-4, qui viendra préciser notamment les conditions de responsabilité. Ce n'est pas un décret, même en Conseil d'Etat, qui peut aujourd'hui valider le périmètre de la responsabilité pour l'utilisation du dossier médical personnel ; c'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. Alain Vidalies - Cet amendement n'était évidemment destiné qu'à provoquer le débat, et il est clair que cette question ne peut être réglée par un décret : les questions de responsabilité sont du domaine de la loi. Mais un problème se pose. Si nous ne prévoyons rien, le cas de l'hébergeur relèvera de la loi sur l'économie numérique, et pour le reste nous serons dans le droit commun de la responsabilité, alors qu'il s'agit ici de quelque chose de très particulier. Je souhaite donc que le Gouvernement ou la commission nous précise si nous sommes bien dans le droit commun, défini par le code civil.

M. Jean Dionis du Séjour - Permettez-moi d'apporter le témoignage de la loi sur l'économie numérique. Le régime qui vient d'être validé, y compris par le Conseil constitutionnel, c'est l'irresponsabilité de l'hébergeur et la responsabilité de l'auteur. Mais cette irresponsabilité a ses limites : l'hébergeur devient responsable s'il ne corrige pas un contenu illicite signalé par un internaute. Ici notre problème est de savoir si l'hébergeur est responsable dans le cas où il ne corrigerait pas une information erronée qu'on lui signale. C'est une réflexion qu'il faut avoir, en s'inspirant de la loi sur l'économie numérique.

M. Claude Evin - Le président de la commission a raison : ce problème relève de la loi. Mais il est très complexe, et la loi sur l'économie numérique ne peut sans doute pas être exactement transposée. On pourrait penser que la responsabilité de l'hébergeur soit engagée si un internaute lui demande de rectifier une information erronée. Mais dans le cas présent seul un professionnel de santé - l'auteur de l'information ou un autre - peut modifier cette information. Si une information erronée conduit à un préjudice subi par un patient, le problème de la responsabilité du professionnel sera donc posé. Celui-ci peut-il s'appuyer, pour ses propres décisions thérapeutiques, sur les informations contenues dans le dossier ? Si aucune sécurisation n'est prévue, le professionnel sera conduit, pour éviter un éventuel contentieux, à refaire tous les examens au lieu de se fier au dossier. Je ne pense pas que nous puissions régler cette question maintenant, Monsieur le Ministre, mais il faudra la traiter, sinon votre objectif - que nous partageons - de mettre fin aux examens redondants ne sera pas atteint.

M. le Président de la commission spéciale - Les règles de la responsabilité sont fixées par la loi et non par le décret. Et la loi qui s'impose ici, c'est le droit commun.

M. Jean Dionis du Séjour - Non ! Il n'y a rien dedans.

M. Claude Evin - Ils vont tous refaire les examens...

M. le Président de la commission spéciale - Si en revanche un droit spécifique devait être défini, il ne saurait passer par un simple décret. Je ne sais si nous pourrons conclure ce soir, mais je crois qu'il appartient au Gouvernement de bien préciser ses intentions d'ici le débat au Sénat.

M. Jean-Marie Le Guen - J'ai soulevé ce problème mercredi dernier dans ma question préalable. Il y a donc eu six jours de travail du Gouvernement et de ses services pour nous dire qu'on réfléchit à un décret... alors que s'il est un point que chacun accorde, c'est que la question est d'ordre législatif. Et cette question, c'est celle de savoir si l'on reste dans le droit commun - ce qui signifierait l'écroulement de tout ce qu'on a dit sur l'objectif d'éviter les examens redondants. La responsabilité médico-légale telle qu'elle résulte aujourd'hui de la jurisprudence conduit en effet chaque professionnel à refaire les examens, car chacun est censé vérifier l'information qui lui est donnée. Ou alors il faut prévoir un droit spécifique, mais il n'y a rien à ce sujet dans le projet. Nous sommes dans un vide absolu, qu'il s'agisse du caractère opposable du dossier médical personnel en matière médico-légale, de son efficacité économique ou de ses conséquences juridiques pour ceux qui vont y travailler. Nous ignorons qui sera responsable des éventuelles erreurs : la personne qui aura nourri le dossier ? Celle qui l'aura utilisé ? Celle qui aura garanti son existence ? Le dossier est nu, on ne sait plus à quoi il sert.

M. le Secrétaire d'Etat - Je souhaite savoir précisément de quelles erreurs parlent MM. Evin et Le Guen.

M. Claude Evin - Nous parlons du préjudice que peut subir un patient à la suite d'une intervention thérapeutique.

M. Jean-Marie Le Guen - Ou d'une non-intervention ! Bien des gens font une appendicite alors qu'ils croyaient en avoir été opérés.

M. Claude Evin - La question est de savoir, dans le cas où le préjudice médical résulte d'une mauvaise information, qui en est responsable : celui qui a réalisé l'acte, ou celui qui a inscrit l'information ? Pour moi c'est ce dernier, mais il faut se donner les moyens d'aller le rechercher - faute de quoi c'est l'autre qui sera en première ligne, à charge pour lui de prouver que l'information était erronée. La détermination de la responsabilité ne sera pas simple. Et vous courez le risque de voir les professionnels refaire systématiquement les examens, de peur d'être victimes d'une information erronée.

M. le Secrétaire d'Etat - Pour nous, les choses sont claires : nous sommes dans le droit commun de la responsabilité. Si la responsabilité d'un professionnel est engagée, la possibilité existe ensuite d'une action récursoire, dans le cas où les informations à sa disposition étaient erronées. Je ne vois pas comment nous pourrions modifier l'équilibre du droit de la responsabilité tel qu'il existe aujourd'hui, et quel type de garantie supplémentaire nous pourrions donner.

M. Alain Vidalies - Ce débat est déterminant pour l'avenir du dossier médical personnel. Le Gouvernement n'a pas de proposition sur le statut médico-légal de ce dossier, et nous dit que c'est le droit commun de la responsabilité qui s'appliquera. Ce sera en effet le cas si nous n'écrivons rien dans la loi à ce sujet. Le droit commun, c'est que chacun est responsable de ses actes, notamment celui qui aura inscrit une information erronée. Tel est le cas le plus simple. Mais dans de nombreux cas, la victime reprochera au second médecin une faute par abstention, parce qu'il se sera appuyé sur ce dossier médical personnel qui n'a aucun statut exorbitant du droit commun. Les juristes des compagnies d'assurance ne manqueront pas de dire aux professionnels que, pour se mettre à l'abri, ils doivent refaire tous les actes médicaux. On peut donc prévoir que votre dispositif va s'effondrer.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est incroyable que dans le contexte actuel, alors que le Président de la République s'est engagé à lutter contre la judiciarisation de la médecine, on nous présente un projet dont cette problématique est absente, en particulier faute d'étude d'impact. Nous voyons bien, dans l'état actuel du texte, qu'aucun acte, consistât-il simplement à nourrir le dossier, n'est neutre sous le rapport de la responsabilité juridique. De ce fait, non seulement les praticiens qui utiliseront le DMP en aval, seront placés dans une situation de complète insécurité juridique, mais il en ira de même pour ceux qui, en amont, auront à introduire des données. En effet, il peut arriver à n'importe lequel d'entre nous d'oublier d'introduire la moitié d'un compte rendu opératoire. Au total, vous créez de l'insécurité juridique sur l'ensemble de la chaîne.

Nous retirons l'amendement 8166, et nous demandons au Gouvernement comment il entend répondre aux questions que nous avons soulevées.

L'amendement 8166 est retiré.

Mme la Présidente - Le Gouvernement me fait signe qu'il considère s'être expliqué. Venons-en à l'amendement 8165.

M. Jean-Marie Le Guen - Il convient que chacun reprenne ses esprits, et je demande à cet effet une suspension de séance.

La séance, suspendue le mardi 6 juillet à 0 heure 5, est reprise à 0 heure 10.

M. Maxime Gremetz - Rappel au règlement. Assistant à ce débat d'experts, j'ai compris que des questions se posent, et je ne me sens pas très bien de ne pas obtenir de réponse.

M. Jean-Marie Geveaux - Vite un médecin !

M. Maxime Gremetz - Je ne comprends pas cette absence de réponse, alors que j'ai en main le document réalisé par les services du ministère à destination des médecins, qui contient des informations complètes sur la loi. Je lis : « Vos questions sur le projet de réforme, nos premières réponses ». Ainsi l'Assemblée est la seule à ne pas être informée. Vous répondez à tout le monde, sauf à nous ! C'est un médecin qui m'a remis cette brochure, en me disant qu'il avait cru que la discussion allait durer jusqu'en août, ce que je lui ai confirmé. « Mais non, m'a-t-il répondu, puisqu'on nous explique déjà tout ce qu'il y a dans la loi ».

M. Hervé Mariton - Alors, autant s'arrêter là !

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, je vous en prie, répondez aux questions majeures qui vous sont posées !

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8165 pose la question de la saisie du DMP par un juge.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé car il n'a pas sa place ici et il est trop imprécis.

M. le Ministre - En vertu du code de procédure pénale et de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, les dispositions relatives au secret professionnel ne sauraient limiter les pouvoirs d'une juridiction ou des experts qu'elle mandate. Cela vaut pour les informations du DMP. Je vous propose donc de ne pas retenir cet amendement.

L'amendement 8165 est retiré.

Mme la Présidente - Les amendements 2224 à 2235 sont identiques.

M. François Liberti - Ils visent à empêcher l'entrée en vigueur du DMP, qui n'offre pas de garanties suffisantes et qui sera un nouvel outil de la maîtrise comptable des dépenses de santé. En effet, le codage des actes et des pathologies répond à la nécessité qu'ont les caisses primaires d'assurance maladie de disposer d'informations pour contrôler les pratiques des médecins et les parcours de soins des patients. Ce contrôle sera réalisé en vue d'une maîtrise des dépenses de santé et s'appuiera sur des références de « bonne pratique » médicale. Le « nomadisme » médical, la redondance d'examens pour un même patient seront parmi les phénomènes les plus « traqués ». Si la recherche d'une meilleure efficacité est légitime, elle n'impose ni ce codage généralisé, ni un chaînage de toutes les informations sur le parcours de santé d'un patient.

De plus, les « dérives » qui ont des conséquences notables sur les dépenses peuvent être aisément repérées lors de contrôles plus simples, grâce à une conservation des actes codés, très strictement encadrée. L'artillerie lourde et hasardeuse du dossier médical personnel ne paraît donc pas nécessaire. Enfin, même notre rapporteur ne semble pas assuré de l'efficacité de la mesure proposée quand il note que « le financement de la mise en place du dossier médical personnel sera supporté par les régimes de l'assurance maladie et les gains attendus devraient, à terme, excéder les dépenses engagées, qui seront malgré tout considérables ».

M. Maxime Gremetz - Puisque lui-même ne le fait pas, je vais vous donner les réponses du ministre, telles qu'elles figurent dans la fameuse brochure.

« Où se trouvera ce dossier médical ? Les données seront centralisées et les dossiers seront hébergés en toute sécurité auprès d'un tiers, hébergeur de données de santé à caractère personnel. Ces hébergeurs seront désignés au terme d'un appel d'offres pour leur fiabilité, notamment pour les garanties apportées en matière de confidentialité des données. Ils devront être agréés. L'assuré sera ensuite libre de choisir l'hébergeur de son choix et pourra en changer s'il n'est pas satisfait.

Cela améliorera-t-il la qualité des soins ? Ce dossier permettra un parcours de soins optimal pour toute personne dans toute la France pour n'importe quelle situation et à tout moment. Grâce à l'information partagée, il facilitera une prise en charge coordonnée des soins et permettra, par exemple, de réduire les interactions médicamenteuses qui, à cause d'un manque d'information et de transparence, occasionnent chaque année plus d'hospitalisations et provoquent plus de décès que les accidents de la route. Cela générera-t-il des économies ? En améliorant l'information des différents praticiens qui traitent un même patient, en permettant une meilleure connaissance et un meilleur suivi de celui-ci, nous allons dépenser mieux, notamment en évitant les redondances -par exemple en évitant de démultiplier inutilement les examens complémentaires ». Autres questions traitées dans la brochure : « Quel rapport avec la carte Vitale ? Que deviendront mes dossiers ? Qui va transférer mes dossiers existants ? Mon outil informatique sera-t-il compatible ? Qui aura accès aux données ? »  Vraiment, tout est prévu, bien que la représentation nationale n'en soit pas informée...

M. le Rapporteur - Je ne reviendrai pas sur les réponses que j'ai déjà apportées à des arguments similaires. Je rappelle simplement que le DMP n'est pas uniquement motivé par des considérations économiques mais qu'il vise à améliorer la qualité des soins.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 2224 à 2235, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, mardi 6 juillet, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 25.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 6 JUILLET 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1675) relatif à l'assurance maladie.

Rapport (n° 1703) de M. Jean-Michel DUBERNARD, au nom de la commission spéciale.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


© Assemblée nationale