Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session extraordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 8ème jour de séance, 22ème séance

1ère SÉANCE DU SAMEDI 10 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      ART. 12 (suite) 2

      APRÈS L'ART. 12 9

      ART. 13 9

      APRÈS L'ART. 13 16

      ART. 14 17

La séance est ouverte à neuf heures trente.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

ART. 12 (suite)

M. le Président - Je suis saisi des amendements identiques 3052 à 3063.

M. Maxime Gremetz - Il s'agit de supprimer la première partie de l'article qui est assez peu compréhensible. Quel intérêt y a-t-il à faire connaître au médecin le taux de remboursement des soins qu'il prodigue à son patient, si ce n'est pour le culpabiliser ? Il n'est pas question ici de coordination, et encore moins de qualité des soins, mais bel et bien de comptabilité !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - Avis défavorable.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Même avis.

Les amendements 3052 à 3063, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Guillaume - L'amendement 59 tend à lutter contre la fraude à la carte Vitale qui s'exerce avec la complicité involontaire des médecins puisqu'ils ne peuvent demander à leurs patients de prouver leur identité.

M. Claude Evin - C'est extraordinaire !

M. Jean-Marie Le Guen - Ils ont un bac plus douze, et ils seraient complices de la fraude !

M. Richard Mallié - C'est malin !

M. Philippe Vitel - Il commence fort !

M. François Guillaume - On me répondra que ce n'est pas aux médecins de vérifier l'identité de leurs malades, mais je pense que, parce qu'il est certain qu'eux seront payés, on peut leur demander, en contrepartie, de vérifier la carte d'identité de leurs patients, du moins en attendant que la carte Vitale comporte une photographie, comme certains l'ont réclamé hier. M. le ministre nous a d'ailleurs indiqué que cette mesure ne coûterait pas autant que le prétendait l'opposition.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La carte Vitale comportera une photographie à partir de 2006, et de toutes manières, les médecins refuseraient d'opérer ce contrôle pour lequel ils ne sont pas assermentés.

M. le Ministre - Même avis.

M. Claude Evin - Les propos de M. Guillaume contiennent un certain nombre de clichés qu'il faut battre en brèche. Les médecins libéraux et hospitaliers seraient malgré eux complices de la multiplication des fraudes à la carte vitale ! S'ils sont témoins de tels agissements, que ne saisissent-ils les caisses de sécurité sociale ?

M. Hervé Mariton - Vous savez bien que ça ne se fait pas !

M. Jean-Marie Le Guen - Ils sont complices de leur plein gré alors !

M. Claude Evin - Vous prétendez par ailleurs qu'ils sont certains d'être rémunérés, mais la carte Vitale n'est pas une carte de paiement !

M. François Guillaume - On en a déjà parlé hier !

M. Claude Evin - Tant que les assurés sociaux paient les professionnels de santé avant de se faire rembourser par la sécurité sociale, les médecins n'ont aucune crainte à avoir.

M. le Président - Autant que je me souvienne de ma carrière de magistrat, un article du code de procédure pénale dispose que toute autorité constituée qui a connaissance de la commission d'un délit doit le faire savoir au Procureur de la République.

M. Claude Evin - Parfaitement !

M. le Rapporteur - Sans parler du serment d'Hippocrate auxquels sont très attachés les médecins qui soignent les patients quelle que soit leur identité.

L'amendement 59, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en venons aux amendements identiques 3064 à 3075.

M. François Liberti - Il s'agit de supprimer le deuxième alinéa de cet article qui procède à la réécriture du deuxième paragraphe de l'article L. 161-31 du code de la sécurité sociale, lequel prévoyait que, dans l'intérêt de la santé du patient, la carte Vitale comporte un volet santé destiné à recevoir les seules informations nécessaires à la continuité et à la coordination des soins. Après avoir instauré le principe de la connaissance par le médecin du niveau de remboursement de son patient, vous faites semblant de le restreindre. Sur le plan médical, le médecin n'a aucun intérêt à cette information : cette disposition est un instrument de votre politique de rationnement de la prise en charge des soins. Vous voulez faire du médecin référent le contrôleur de la sécurité sociale. Dans un souci de maîtrise comptable des dépenses de santé, vous donnez aux médecins de nouvelles prérogatives qui n'ont rien à voir avec l'exercice de leur métier.

Les amendements 3064 à 3075, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 99 tend à élargir le contenu des éléments pouvant être consultés en ligne par les médecins, en intégrant les principaux éléments du protocole de soins établi entre le médecin traitant et le médecin-conseil pour les patients atteints d'une affection de longue durée.

M. le Ministre - Favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - La question se pose dans les mêmes termes que pour le DMP. Comment les mesures de précaution - secret médical, confidentialité - seront-elles mises en œuvre ? Quelle sera la nature du logiciel consulté ?

M. Maxime Gremetz - Permettez-moi de rappeler l'opinion de M. Mattéi, alors ministre de la santé, sur la photographie qui devrait figurer sur la carte Vitale : cela ne suffirait pas, disait-il, car il faut aussi penser aux ayants-droit, et un tel dispositif coûterait très cher. Voudriez-vous dire que M. Mattéi ne connaissait pas son dossier ?

Si une telle proposition devait passer, je vous suggérerais de créer des brigades de contrôle pour les pharmacies et les hôpitaux. Au moins, ça créerait de l'emploi !

M. le Ministre - La confidentialité sur internet est déjà parfaitement assurée : il n'y a qu'à voir les sites de comptes bancaires ou des impôts. Le fichier de données existe déjà : c'est le fichier des données de remboursement de la CNAM, qui est consultable par les assurés sur le site Ameli.fr.

Monsieur Gremetz, nous souhaitons que le porteur de la carte Vitale puisse être identifié comme étant son propriétaire. D'ici un an et demi, toutes les cartes Vitale de nos concitoyens seront renouvelées. C'est l'occasion ou jamais de les transformer en carte d'identité de santé, avec des éléments de biométrie. La carte comportera la photo et les empreintes de l'assuré.

M. Jean-Marie Le Guen - Quels éléments de biométrie ?

M. le Ministre - Tout le monde sait ce que sont les éléments de base de la biométrie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Enfin, la carte doit être individuelle. Le Conseil d'Etat sera très clair à ce sujet. Les parents recevront la carte Vitale de leurs enfants.

M. Claude Evin - Monsieur le ministre, votre réponse sur les éléments de biométrie ne suffit pas. Nous sommes ici pour faire la loi. Nous devons savoir sur quelle base légale vous vous appuyez pour inclure ces éléments dans la carte Vitale et quelles sont les empreintes dont vous avez parlé. Dans le domaine de la santé, il y a plusieurs empreintes !

M. Hervé Mariton - Avec quelle énergie les socialistes refusent tout système de contrôle efficace ! La carte Vitale doit respecter absolument les libertés publiques. C'est pourquoi elle doit être accompagnée d'un code, pour ne pouvoir être utilisée par un autre que son détenteur. En contrepartie, il est tout à fait naturel de mettre en place des éléments de contrôle. Les socialistes s'opposent pourtant à chaque proposition. En langage plus direct, ils légitiment et justifient les abus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre - Nous avons décidé que la carte Vitale comporterait des éléments de biométrie, et nous sommes en train de déterminer lesquels. Vous serez mis au courant en temps voulu et vous verrez que le dispositif, utilisé dans de nombreux autres pays, ne portera atteinte à aucune liberté individuelle.

M. Claude Evin - Il existe une législation sur les empreintes en matière de santé ! La décision d'introduire des empreintes dans la carte Vitale, à vous entendre, est déjà prise, mais sur quel fondement législatif ?

M. Jean-Marie Le Guen - Les fichiers de la sécurité sociale sont pour une large part, Dieu merci, anonymes. Le site Ameli.fr n'y donne pas accès. Mais demain, un médecin pourrait accéder aux données. Comme seuls les ressortissants du régime général seraient fichés, il y aurait rupture d'égalité devant la loi - le Conseil constitutionnel appréciera. En outre, le détenteur de la carte pourrait avoir accès aux informations médicales de ses ayants-droit. Ce dispositif est une insulte aux libertés individuelles. On se croirait aux frontières des Etats-Unis, questionné par la CIA ! C'est un système de surveillance grotesque, qui n'a aucun fondement.

M. le Ministre - L'article L. 161-31 du code de la sécurité sociale prévoit que le contenu de la carte Vitale, les modalités d'identification de son titulaire et ses modes de délivrance, de renouvellement, de mise à jour et d'utilisation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

L'amendement 99, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 100 est un amendement de précision.

L'amendement 100, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement est en train de prendre des dispositions graves, sans aucune précaution. L'amendement 8118 garantirait un tout petit minimum de libertés publiques, en saisissant le Conseil d'Etat et la CNIL pour expertise du dispositif.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. C'est déjà prévu.

M. le Ministre - Le projet de loi prévoit déjà un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL ! Je propose le retrait de cet amendement...

L'amendement 8118, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Il me semble particulièrement important que la carte Vitale de deuxième génération devienne une carte personnelle de santé, ouvrant l'accès au dossier médical personnel. J'avais proposé l'an dernier l'apposition d'une photo pour renforcer la personnalisation de la carte. Cela me paraît avoir une dimension symbolique, pour mieux responsabiliser les assurés, et permet accessoirement de lutter contre les utilisations frauduleuses. La culture du contrôle n'a jamais été le fort de l'assurance maladie. Nous sommes maintenant obligés de mettre en place des procédures en la matière.

Plus loin viendra en discussion un amendement qui m'a été suggéré par l'association des directeurs des caisses d'assurance maladie, proposant qu'on puisse s'assurer de l'identité d'une personne lors des contrôles médicaux. L'assurance maladie semble se rendre compte de l'existence d'un problème qu'elle a longtemps nié. Elle n'est d'ailleurs pas la seule concernée : la carte Vitale donne souvent un accès direct au remboursement par une complémentaire. C'est particulièrement important dans les secteurs dentaire ou de l'optique. Mes anciens associés m'ont ainsi expliqué que des patients demandaient que leurs soins soient pris en charge par la carte Vitale de leur compagne, pour bénéficier d'un meilleur remboursement complémentaire...

Xavier Bertrand a évalué le coût de l'apposition de la photographie entre 30 et 35 millions. D'après les fabricants de cartes, que j'ai consultés, l'apposition d'une photographie coûterait 50 centimes d'euro à l'unité, soit 20 millions d'euros pour 40 millions d'assurés (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). L'amendement 101 de la commission vise à prévoir l'apposition d'une photographie sur la carte Vitale.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Claude Evin - C'est extraordinaire ! Le ministre nous annonce qu'il va exiger par décret des empreintes biométriques, mais on nous demande d'inscrire dans la loi l'apposition d'une photographie. C'est incohérent. Ne confondez pas le relevé de vos incohérences avec un désaccord sur la nécessité de préserver l'avenir de notre système d'assurance maladie fondé sur la solidarité.

M. Jean-Marie Le Guen - Le site Ameli ne comporte aucune information médicale. C'est un site ouvert, j'en prends à témoin tous ceux qui le consultent.

M. Maxime Gremetz - On ne peut dire une chose et son contraire. Si ce n'est pas du domaine législatif, pourquoi inscrire dans la loi l'apposition d'une photographie ?

Je suis étonné que la position du Gouvernement - un même gouvernement - change avec le ministre. Comme l'avait déclaré M. Mattei, la photographie du titulaire ne suffira pas, car il faut penser aux ayants droit. Vous répondez que chaque assuré aura sa propre carte. Ainsi, dans une famille de neuf enfants, il y aura onze cartes Vitale ! Est-ce ainsi que vous comptez lutter contre la fraude ?

Quant au coût de l'opération, estimé d'abord à 300 millions, il est tombé à 35 millions.

M. le Président de la commission spéciale - C'était de la désinformation !

M. Maxime Gremetz - Traitez-vous M. Mattei de menteur ? Il avait d'ailleurs ajouté qu'après l'apposition de la photographie, la gestion du nouveau dispositif allait coûter cher aussi. Vous n'êtes pas sérieux. Votre véritable objectif, c'est l'Etat policier ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - M. Bertrand a répondu hier à M. Gremetz. Quant au site Ameli, je vous propose que nous allions le consulter après la levée de la séance.

M. Jean-Marie Le Guen - On veut faire financer cette mesure par l'assurance maladie.

L'amendement 101, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 102 rectifié, adopté par la commission à l'initiative de Mme Greff, vise à rapprocher la carte Vitale de cette carte d'identité-santé que nous souhaitons tous.

M. le Ministre - Avis favorable, sous réserve que soit adopté le sous-amendement 8467 du Gouvernement, qui est rédactionnel.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

Le sous-amendement 8467, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 102 rectifié ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Je suis choqué. M. Mattei était un ministre de la santé qui connaissait son sujet. Vous ne vous grandissez pas en le traitant de menteur.

Nos amendements 3076 à 3087 visent à supprimer le II de cet article, qui est peu compréhensible. Ce que nous comprenons en revanche, ce sont vos arrière-pensées. Votre projet, qui compromet la confidentialité des données médicales, menace les libertés publiques. Nous demandons un scrutin public.

M. le Président - Il est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre - Avis défavorable.

A la majorité de 24 voix contre 9 sur 33 votants et 33 suffrages exprimés, les amendements 3076 à 3087, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Liberti - Nos amendements 3088 à 3099 visent à substituer aux mots « cette carte » les mots « la carte électronique individuelle interrégime » dans le dernier alinéa du II de cet article. Cette précision rédactionnelle est cohérente avec le code de la sécurité sociale. L'article, ainsi rédigé, permettra au médecin de vérifier l'étendue des prescriptions dont aura bénéficié son patient et à l'hôpital de vérifier, en demandant une pièce d'identité, si le détenteur de la carte est bien son propriétaire.

Les amendements 3088 à 3099, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 8287 est de précision.

L'amendement 8287, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Brunhes - Nos amendements 3100 à 3111 visent à supprimer le III de cet article. Monsieur le ministre, après avoir déclaré qu'il y avait dix millions de fausses cartes en circulation, vous voulez créer une carte d'identité-santé comportant une photographie. Si demander son identité à l'assuré n'est pas en soi condamnable, la loi ne doit aboutir ni à un contrôle de type policier, ni à un refus de soins. Or votre idée d'intégrer dans la carte des données biométriques, idée avancée oralement et qui ne figure pas dans le projet, fait courir de grands risques aux libertés individuelles.

L'ajout de la photo sur la carte Vitale devient une marotte de la majorité et les contrôles sont plus que jamais une marotte de ce gouvernement. Or, si tant est que la fraude puisse être mesurée, l'IGAS a estimé qu'elle ne concernait qu'un cas d'utilisation de la carte Vitale sur 100 000. Doit-on pour la combattre dépenser 20 millions d'euros, alors que le gain pour l'assurance maladie sera nul et que le déficit est déjà abyssal, selon vos propres termes ?

M. Maxime Gremetz - Nous vivons ici dans une atmosphère de révélations permanentes, mais ce qui se passe à l'extérieur de cet hémicycle ne fait que nous inquiéter encore plus sur vos projets réels. Ainsi le Sénat a voté hier un amendement permettant de nommer Francis Mer à la tête d'EDF... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Voilà certes qui favorisera le renouvellement des cadres ! Dans la foulée, nous avons également appris que le super-directeur de la CNAM serait le conseiller social de M. Raffarin.

M. François Liberti - Tiens, comme par hasard !

M. Maxime Gremetz - Enfin, la fameuse brochure jaune explique la réforme avant même que l'Assemblée ne l'ait votée. Voilà donc trois faits que je considère comme autant de provocations - car je ne compte pour rien l'annonce selon laquelle Matignon voudrait accélérer nos débats : je sais que notre Président est trop attaché aux prérogatives du Parlement pour laisser faire !

M. le Président - J'ai d'ailleurs écrit qu'il n'y avait ni blocage ni obstruction - en particulier pas de la part de M. Gremetz (Sourires).

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Rejet.

M. Hervé Mariton - L'argument de la culpabilisation, opposé par nos collègues, ne tient guère, s'agissant de dispositions qui ne visent qu'à combattre la fraude. Si le patient est innocent, que peut-il redouter ? (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Les amendements 3100 à 3111 et 7619, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Sur le vote de l'article 12, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Philippe Vitel - Il nous paraît indispensable que l'on puisse demander à chaque patient admis dans un établissement de santé d'attester de son identité auprès des services administratifs. Il importe en effet d'éviter toute substitution d'identité au moment d'effectuer des actes chirurgicaux ou des diagnostics invasifs. La mesure permettra aussi de limiter les risques de contamination et d'assurer la traçabilité.

Tel est le sens de l'amendement 103.

M. le Ministre - Le fait de confier ces contrôles d'identité aux seuls services administratifs présente des inconvénients. En premier lieu, le recours à la loi risque d'entraver la mise au point de dispositions pratiques adaptées. D'autre part, il est des cas où il est souhaitable de permettre au médecin de procéder à ce genre de contrôle. Enfin, la mesure proposée ne favorisera pas forcément une bonne gestion et une bonne organisation des établissements, dans la mesure où elle alourdira la charge de travail des services administratifs et risque d'entraîner des frais supplémentaires.

J'en appelle donc à la sagesse de l'Assemblée et je lui demande de permettre aux établissements d'adapter les modalités de contrôle en fonction de leurs contraintes.

M. le Rapporteur - Dans cet amendement, adopté par la commission, il est écrit : « il peut être demandé ». D'autre part, Monsieur le ministre, les médecins n'accepteront jamais de procéder à de tels contrôles !

M. Jean-Marie Le Guen - En effet ! Emporté par sa fougue et par son ardeur à contrôler, le ministre a tout simplement fait fi de la déontologie médicale ! L'amendement de nos collègues de la majorité nous paraît pour le coup de meilleur aloi. Reste que M. Vitel, le défendant, a invoqué avant tout des considérations d'ordre médical : lutte contre les maladies nosocomiales, traçabilité. Cela sous-entend-il que le contrôle d'identité serait doublé d'un contrôle sanitaire ? Dans ce cas, la volonté de contrôle serait patente : on irait jusqu'à confier aux services administratifs ces contrôles sanitaires !

M. le Président - Je fais observer que ces services ne pourront vérifier l'identité des patients que s'ils dont assermentés.

M. Jean-Marie Le Guen - Si nous commençons à faire du droit ici... Il y a beau temps que nous y avons renoncé, dans ce débat !

M. Philippe Vitel - Tout à l'heure, nous avons repoussé un amendement visant à permettre aux médecins de contrôler l'identité des patients lors d'une consultation. Mais nous sommes maintenant dans le cadre de l'hôpital et il faut songer à la responsabilité qui pèserait sur l'établissement et sur le médecin en cas d'intervention sur un patient qui aurait dissimulé son identité. Nous ne pouvons nous soustraire à cette obligation de contrôle.

M. Maxime Gremetz - Plus on avance et plus le brouillard s'épaissit, tout cela parce que le Gouvernement ne sait pas où il en est. Faudra-t-il aller jusqu'à créer des brigades de contrôle et des brigades chargées de surveiller ces brigades ? L'amendement est excellent et, s'il était retiré, je le reprendrais !

L'amendement 103, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Monsieur le ministre, le fichier Améli dont vous avez parlé à plusieurs reprises ne propose actuellement que le double du décompte envoyé au patient et n'a donc rien de médical. Ce dispositif ne peut par conséquent être regardé comme opérationnel...

M. le Président - Les amendements 8233, 7599, 7600, 7021 et 7865 tombent.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8128 tend à rappeler un principe déontologique élémentaire : on ne peut refuser de soigner sous prétexte que le patient n'a pas satisfait aux contrôles.

M. le Rapporteur - Rejet. Le serment d'Hippocrate rend cet amendement inutile.

M. le Ministre - Il faut tout de même distinguer entre le cas d'un patient qui aurait fait 6 000 km pour se soumettre à une opération programmée, comme la pose d'une double prothèse de hanche, et celui d'un malade atteint du VIH ou d'une tuberculose et qui se présenterait aux urgences !

M. Jean-Marie Le Guen - Notre amendement vise en effet les soins d'urgence et j'accepte donc de le rectifier en ajoutant, à la fin de la phrase, « lorsque l'urgence le requiert. »

M. le Rapporteur - L'article 7 du code de déontologie prévoit déjà toutes les circonstances. Cette précision est donc inutile et je maintiens mon avis défavorable.

M. le Ministre - Je suis d'accord avec le rapporteur.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous sommes dans la confusion la plus totale puisque nous venons de décider le contraire ! Or, dans un hôpital, il n'y pas que des médecins, il y a aussi des services administratifs auxquels il faut que ce principe s'impose.

M. le Ministre - Il ne faut ni caricaturer la situation, ni injurier le personnel des services administratifs et des urgences : en France, aujourd'hui, quand quelqu'un se présente en urgence à l'hôpital, il est soigné !

M. Jean-Marie Le Guen - Mais ce projet dresse de multiples barrières et le personnel administratif va être coincé entre l'obligation d'appliquer la loi et celle de respecter les principes.

M. le Ministre et plusieurs députés UMP - Caricature !

L'amendement 8128 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Houssin - L'amendement 7720 est défendu.

M. Maxime Gremetz - Ils n'osent plus rien dire...

M. le Président - Si vous vous absteniez de certains commentaires, cela me faciliterait les choses...

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement mais, à titre personnel, j'ai quelques réticences compte tenu de la difficulté qu'il y aura à produire un relevé récapitulant l'ensemble des prestations.

J'ajoute que des amendements similaires ont déjà été repoussés et qu'il conviendrait sans doute que le Gouvernement affine sa réflexion sur cette question.

M. le Ministre - Sagesse.

M. Maxime Gremetz - Si le Gouvernement doit « affiner » ce projet, c'est qu'il n'est pas bon. Je demande donc une suspension de séance pour lui permettre de le faire.

M. le Président - Je me proposais de suspendre après le vote de l'article 12.

M. Maxime Gremetz - Très bien ! Mais profitez-en donc pour demander au Gouvernement d'affiner son projet...

M. Jean-Marie Le Guen - S'il y a un moment où on peut responsabiliser l'assuré, c'est bien quand il paie ses médicaments avec sa carte Vitale, en lui rappelant le coût global des prestations. Mais ce travail d'information n'intéresse pas le rapporteur, car ce n'est pas un moyen de diminuer les remboursements...

L'amendement 7720, mis aux voix, est adopté.

A la majorité de 27 voix contre 11, sur 38 votants et suffrages exprimés, l'article 12, modifié, est adopté.

La séance, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 10 heures 45.

APRÈS L'ART. 12

M. le Rapporteur - L'amendement 104 rectifié a pour but de faire connaître à l'assuré porteur de la carte Vitale le coût des médicaments dont il bénéficie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - C'est un amendement important, que le Gouvernement a accepté. Nous nous sommes concertés avec les professionnels sur ce point ; le procédé sera simple : le pharmacien demandera tout simplement à l'assuré de signer la facturette correspondant aux médicaments qu'il lui remet.

L'amendement 104 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

M. Jean-Marie Le Guen - Cet article est la suite logique des précédents, en particulier de l'article 10, puisqu'il s'agit de mettre en place des sanctions liées aux prescriptions. Le Gouvernement propose que non seulement l'assuré ne soit pas remboursé, mais qu'il soit sanctionné. Par fausse symétrie, il propose aussi que les praticiens puissent être sanctionnés ; ce faisant, il met sur le même plan celui qui a commis l'acte « condamnable » et celui qui en est la victime. Il s'obstine, donc, à faire payer les assurés pour des fautes qu'ils n'ont pas commises.

M. le Ministre - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Le Guen - La liste des inobservations pouvant faire l'objet d'une sanction - car il s'agit bien de cela, et non des fraudes, d'ores et déjà punissables - est renvoyée au décret. Nous ne pouvons l'accepter : le législateur ne saurait se prononcer sur la sanction sans en connaître les motifs, lesquels doivent être également fixés par la loi.

Quant à la pénalisation des établissements, consistera-t-elle à viser de façon indéterminée des personnes morales, ou les praticiens hospitaliers seront-ils, comme les médecins de ville, concernés à titre individuel ?

Les médecins passeront devant une commission mixte, associant aux représentants de l'assurance maladie des professionnels de santé qui seront là pour les défendre. Les assurés, eux, devront se défendre seuls, malgré la demande des associations d'usagers que soit créée une commission du même type. On organise donc vraiment la répression et la pénalisation des assurés.

M. François Liberti - Cet article est celui de la punition. Les auteurs de « fraudes à l'assurance maladie » se verront sanctionnés par le directeur de la caisse d'assurance maladie avec des pénalités financières. Cerise sur le gâteau, il leur sera impossible de contester cette sanction auprès des tribunaux de la sécurité sociale.

D'après le rapporteur, les assurés sociaux qui risquent d'être touchés sont principalement ceux qui ont fait une demande d'entente préalable ou d'admission au régime d'ALD.

Quant aux professionnels de santé, tous seront susceptibles d'être touchés pour demande non justifiée d'entente préalable ou de régime d'ALD pour leurs patients. On imagine mal, pourtant, un médecin déclarer que son patient est atteint, par exemple, d'une mucoviscidose - maladie répertoriée au tableau des ALD - alors qu'il ne l'est pas !

Vous voulez une nouvelle fois accréditer l'idée que la croissance des dépenses de santé résulterait du comportement des assurés sociaux, que vous jugez totalement irresponsables. Et pourquoi pas tricheurs, mesquins, vils, tant il est vrai que pour vous, les classes laborieuses sont dangereuses ? Nous le répétons encore une fois : le déficit de l'assurance maladie n'est pas dû à un excès de dépenses mais à une insuffisance de recettes. La preuve en est que la France se situe en septième position pour les dépenses de santé. Mais la vérité des faits vous importe peu : vous avez ainsi prétendu qu'il y aurait 10 millions de fausses cartes Vitale, laissant entendre que près d'un de nos concitoyens sur six serait malhonnête !

Ce ne sont pas nos concitoyens qui sont malhonnêtes, mais votre démarche à leur égard. C'est pourquoi nous demanderons la suppression de cet article.

M. Claude Evin - Je voudrais évoquer la procédure de cette pénalisation.

Pour les assurés sociaux, il faudrait prévoir aussi une procédure de recours. Nous ne sommes plus ici dans le cas de prestations indûment versées, mais dans celui de pénalités décidées par le directeur de la caisse.

S'agissant des établissements publics de santé, qui relèvent du droit administratif, que se passera-t-il si le directeur de la caisse engage une procédure à la suite de la prescription d'un médecin hospitalier ? Ce n'est pas le praticien qui sera sanctionné, mais l'hôpital. Comment allez-vous gérer les rapports hiérarchiques ? Faudra-t-il saisir le ministre dans la mesure où c'est lui qui nomme les praticiens hospitaliers ? Si vous envisagez de maintenir cette disposition, il serait nécessaire de prévoir l'audition de l'établissement public. J'avais déposé un amendement en ce sens en commission, et je ne le retrouve pas ici, mais j'espère qu'il sera repris au Sénat, car il en va du respect du contradictoire. Cela étant, ce principe ne sera pas appliqué à l'égard des assurés sociaux, et c'est particulièrement dommage.

M. le Président - Je suis saisi des amendements identiques 1072 à 1083 et 8385.

M. Jacques Brunhes - Il s'agit de supprimer l'article 13 qui ne vise qu'à culpabiliser les assurés sociaux et les professionnels de santé, et à faire supporter le poids moral du déficit de la sécurité sociale aux malades les plus en difficulté, notamment ceux qui souffrent d'une affection de longue durée, et ceux qui, faute de moyens suffisants, sont contraints de demander l'accord préalable de l'assurance maladie.

Après avoir répété que notre système de santé était devenu fou, avec un déficit accru à chaque minute de 23 000 €, il était simple, voire simpliste, d'imputer ce prétendu désastre au comportement des malades. Vous voudriez nous faire croire que les malades sont des calculateurs et des opportunistes. C'est ridicule. Vous prétendez vouloir sauver l'assurance maladie, mais c'est essentiellement à ceux qui n'ont pas les moyens de se soigner qu'elle sert ! Les comportements abusifs que vous dénoncez sont simplement ceux de malades qui veulent guérir. A quoi servira l'assurance maladie lorsque vous l'aurez interdite aux plus démunis ? Vous ne cessez d'en durcir les conditions d'accès ! N'oubliez pas que l'assurance maladie est alimentée par les cotisations des assurés sociaux et qu'elle leur appartient ! Votre réforme inique va à l'encontre de l'esprit de solidarité et d'universalisme de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Le Guen -L'amendement 8385 tend au même objet parce que nous en comprenons pas pourquoi l'assuré est pénalisé, et nous ne savons pas quel sera son recours. Que l'on nous donne ne serait-ce qu'un exemple de l'implication de l'assuré dans le déficit de l'assurance maladie ! Non contents de lui supprimer ses remboursements, vous allez encore le poursuivre et le pénaliser !

Par ailleurs, pour reprendre le problème soulevé par M. Evin, je ne comprends pas pourquoi les médecins libéraux ne seraient pas traités de la même manière que les médecins hospitaliers quand ils commettent une erreur de prescription. La responsabilité n'est pas celle de l'établissement, mais bien celle du médecin ! L'égalité devant la loi n'est pas assurée, que ce soit entre les praticiens eux-mêmes, ou entre les praticiens et les assurés.

M. le Rapporteur - L'intervention de M. Evin était pleine de bon sens, et je vous indique que la commission a accepté cet amendement qui sera certainement rétabli au Sénat. Quant à M. Brunhes, il devrait cesser d'être obsédé par la culpabilisation de assurés (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Liberti - Mais c'est vous !

M. le Rapporteur - L'ensemble des acteurs sont concernés, et je vous renvoie au rapport de la mission présidée par le président Debré, qui a parfaitement analysé la situation.

M. Jean-Marie Le Guen -Donnez-nous un exemple !

M. le Ministre - Cet article tend à combler l'absence de sanctions à l'encontre des professionnels des établissements de santé ou des usagers. Il s'agit de mettre en place un dispositif simple d'amendes administratives qui permettraient aux caisses locales d'assurance maladie de sanctionner les auteurs d'abus ou de fraudes, qu'il s'agisse des assurés, des professionnels ou des établissements de santé - usurpation de carte vitale, fausse déclaration...

M. Jean-Marie Le Guen - Mais c'est déjà pénalement répréhensible !

M. le Ministre - Il s'agit de sanctionner la violation de règles posées par le code de la sécurité sociale, après avis d'une commission composée de membres du Conseil et de représentants des professions de santé. Monsieur Le Guen, les usagers seront représentés par les syndicats !

M. Jean-Marie Le Guen - Mais ils ne sont pas dans vos procédures !

M. le Ministre - Mais si !

M. Jean-Marie Le Guen - Dans quel cadre ?

M. le Ministre - Je vais vous répondre.

Enfin, un décret en Conseil d'Etat définira les règles dont l'inobservation est sanctionnée.

M. Jean-Marie Le Guen - Lesquelles ?

M. le Ministre - Il précisera par ailleurs le barème des amendes qui seront graduées en fonction de la gravité des faits et ne pourront dépasser deux fois le montant du plafond mensuel de la sécurité sociale. Dans tous les cas, la personne sanctionnée pourra faire appel devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale.

MM. Liberti et Le Guen estiment que les sanctions ne visent que lepatient, mais l'article traite des seuls cas de fraude et d'abus, et la procédure de sanction est entourée de toutes les garanties nécessaires, avec notamment une commission paritaire où les assurés sociaux sont représentés par les syndicats de salariés. Ces sanctions seront progressives : avertissement, puis sanction financière, et enfin déconventionnement.

M. Evin a posé la question du recours : ce sera le recours habituel de droit commun - recours amiable auprès de la caisse, puis recours auprès du tribunal administratif. Par ailleurs, je confirme que le texte sera corrigé au Sénat pour répondre au problème qu'il a soulevé.

M. Jean-Marie Le Guen - La fraude est pénalement répréhensible ! C'est tout de même une infraction pénale que de prendre la carte Vitale d'autrui pour obtenir un remboursement indu, parce qu'il y a sans doute eu vol ou usurpation d'identité ! Un député parlait hier de location, pour des sommes importantes, de cartes Vitale ! Mais c'est un véritable trafic, pénalement répréhensible, qui met sans doute en cause, par ailleurs, une personne qui n'est pas assurée ! En quoi la caisse primaire serait-elle concernée ? Pour sanctionner un trafic, vous parlez d'amendes de caisses primaires ! Mais quelle est la valeur constitutionnelle de ce dispositif qui est bien méprisant pour le code pénal !

M. le Ministre - N'importe quoi !

M. Jacques Brunhes - M. le rapporteur a une fâcheuse tendance à inverser la donne. Ce n'est pas nous qui cherchons à culpabiliser les assurés sociaux, mais vous !

Les amendements 1072 à 1083, et l'amendement 8385, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 3112 à 3123 sont identiques.

M. François Liberti - Le I de cet article institue un ensemble de dispositions visant à combler un vide dans le dispositif de contrôle. Le pouvoir de sanction est remis au directeur de la caisse locale d'assurance maladie, qui pourra prononcer une pénalité financière à l'encontre des professionnels, des assurés et des établissements. Ceux-ci seront déclarés fraudeurs si leurs demandes de remboursement conduisent à des dépenses de santé indues, y compris lorsqu'elles n'auront été que formulées, et non acceptées ! Dorénavant, la seule intention de frauder suffit à justifier la sanction ! Nul ne s'oppose à ce que celui qui enfreint la loi soit puni, mais qu'il suffise d'y penser est tout de même un petit peu difficile à avaler !

Sur le plan pratique, vous avez négligé les modalités de mise en œuvre des procédures de sanction : comment juger de l'intention d'une demande de remboursement ? Avec cette mesure, vous refusez aux assurés sociaux atteints d'une affection de longue durée ou qui ont besoin d'une intervention lourde ce à quoi ils ont légitimement droit, en tant que principaux financeurs de l'assurance maladie. Nos amendements visent donc à supprimer le paragraphe.

M. le Rapporteur - Le rapport de la mission d'information faisait état de la nécessité de mettre en place un dispositif gradué de sanction pour les professionnels de santé, les caisses n'ayant le choix qu'entre un pistolet à eau ou l'arme atomique du déconventionnement ! Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas dire cela !

M. le Rapporteur - Je n'ai fait que citer la mission d'information !

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas parce que vous êtes mal préparé qu'il faut répondre n'importe quoi ! Toutes vos réponses restent dans l'ombre. Vous avez même demandé tout à l'heure au Gouvernement d'affiner ses propositions !

Les fraudes doivent être réprimées, d'où qu'elles viennent. Mais pour vous, les fraudeurs sont toujours les salariés les plus pauvres ! Il n'y en a pas du côté des riches et des patrons ! Il ne faut pas s'étonner que vous ne disiez jamais quelles sont les causes du déficit !

M. le Président - Merci, Monsieur Gremetz...

M. Maxime Gremetz - Ceux qui trichent ne sont pas ceux que vous croyez. La fraude relève du niveau pénal. Elle n'a rien à faire dans votre loi. Plus ça va, et plus vous voulez des contrôleurs, des policiers...

M. le Président - Pour que les gens respectent les règlements, ce qui n'est pas votre cas lorsque vous parlez plus de cinq minutes.

Les amendements 3112 à 3123, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 3124 à 3135 sont identiques. 

M. Jacques Brunhes - Ces amendements visent à exclure les professionnels de santé de votre dispositif. Alors que les besoins de santé vont grandissant, vous voulez diminuer le niveau de prise en charge des soins lourds et de longue durée. Vous considérez les professionnels comme étant a priori peu scrupuleux, et vous les exposez à une sanction pour le seul fait d'avoir déposé une demande de remboursement ! C'est une démarche de culpabilisation, qui désigne une catégorie de professionnels comme responsable des déficits.

Cette attitude policière masque la volonté de faire retomber sur les professionnels les conséquences de la réduction de la prise en charge des dépenses de santé. Se cachent derrière tout cela les directions des caisses primaires d'assurance maladie, pour imposer des sanctions financières aux professionnels. Ce dispositif permet également d'ouvrir les portes en grand aux acteurs privés de la santé, puisque les professionnels prendront la décision de ne pas faire prendre en charge leurs malades par l'assurance maladie. Les médecins ne doivent pas être les dindons de votre farce. Les comportements fraudeurs sont marginaux. Les professionnels sont des gens responsables, et leurs pratiques sont dictées par l'intérêt de leurs patients et par l'exigence d'efficience.

Les amendements 3124 à 3135, repoussés par la commission et par le Gouvernement,mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 3136 à 3147 sont identiques.

M. François Liberti - Ces amendements visent à exclure les établissements de santé du dispositif. Vous voulez autoriser le directeur d'une caisse à les sanctionner financièrement, ainsi que les professionnels et les assurés sociaux, pour avoir présenté une demande de remboursement injustifiée. Mais la sanction s'appliquera surtout au patient : quel directeur oserait s'attaquer à un médecin ou à un hôpital qui prescrit trop, surtout dans la décision se prend collégialement ? On voit bien qui est visé par cet article : le patient. Votre dispositif de sanction est parfaitement inique.

M. le Rapporteur - Je ne comprends pas bien votre logique : il n'est pas normal que les assurés sociaux soient les seuls visés, donc il faut exclure les établissements de santé du dispositif ? Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Je peux vous dire qui sont les fraudeurs : Le PDG de L'Oréal reçoit 6 576 193 €de rémunération brute ! Edouard Michelin, 4 268 926€ ! Le président de Carrefour, 3 049 025€ ! A ceux-là, vous ne vous attaquez pas !

M. Richard Mallié - Qu'est-ce que cela a à voir avec l'article 13 ?

M. Maxime Gremetz - Vous n'hésitez pas à frapper les salariés, les retraités, les personnes âgées, mais pas les grands patrons qui ont des dettes envers la sécurité sociale !

Les amendements 3136 à 3147, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président de la commission spéciale- L'amendement 8221 devrait satisfaire nos amis du groupe communiste : il étend le dispositif de sanction aux employeurs qui auraient des comportements frauduleux. Des études ont montré, notamment à propos de la croissance des indemnités journalières, qu'il y a sans doute des abus des salariés, mais que certains employeurs se servent des arrêts de travail pour contourner l'impossibilité de mettre des salariés en préretraite.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous sommes en plein amateurisme. Sur quelle base juridique l'assurance maladie pourrait-elle faire sa propre enquête et décider qu'un tiers, qui n'est ni un assuré, ni un praticien, a mal agi à son égard et le sanctionner ? Le problème de la fraude ressort du droit pénal, pas d'un processus interne à la sécurité sociale ! Le droit pénal permet de récupérer le dol et de sanctionner. C'est vrai pour les employeurs, et aussi pour les assurés et les professionnels. Nous sommes confondus devant ce mélange des genres permanent. C'est une construction juridique incroyable. 

M. Maxime Gremetz - Vous essayez de faire croire que votre dispositif doit permettre de sanctionner tout le monde, mais je vous rappelle qu'il existe déjà des moyens d'aller recouvrer les dettes des grosses entreprises, qui doivent deux milliards à la sécurité sociale ! Vous n'en usez pas.

M. le Président de la commission spéciale - On ne parle pas de cela !

M. Maxime Gremetz - Justement ! Cela ferait pourtant deux milliards, et tout de suite ! On me dit que je vais être content parce que le texte va permettre de sanctionner les employeurs. Il reste à avoir la volonté de le faire !

L'amendement 8221, mis aux voix, est adopté.

M. François Liberti - Nos amendements 3148 à 3159 visent à préserver les assurés sociaux des sanctions que ce texte leur fait encourir en cas de demande abusive ou de remboursement injustifié. Il s'agit là d'un nouvel instrument de rationnement des soins. Vous faites retomber la responsabilité des déficits sur les seuls assurés, car la procédure, en pratique, ne s'appliquera qu'à eux et jamais aux professionnels ou établissements de santé, contrairement à ce que vous prétendez. Dans le cas, en effet, où un professionnel de santé serait menacé de sanction, il sera jugé par ses pairs. Un amendement adopté par la commission prévoit même que ses juges devront être choisis dans sa spécialité. C'est presque comique. Quel médecin sanctionnera un confrère parce qu'une prescription aura été remise en question par un technocrate de l'assurance maladie ?

Même si vous voulez jeter l'opprobre sur les professionnels de santé, votre dispositif ne sanctionnera que les assurés sociaux. Vous sacrifiez la santé des Français les plus pauvres aux équilibres comptables. Ce choix n'est pas le nôtre.

Les amendements 3148 à 3159, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8119 est défendu.

M. le Président de la commission spéciale - L'amendement 8222 aussi.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé le premier et adopté le second.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 8119, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 8222, mis aux voix, est adopté.

M. Richard Mallié - Les amendements 105, 7629 et 8196 sont identiques, et le premier a été adopté par la commission. Les sanctions prévues dans ce texte ne pourront être prises qu'après avis d'une commission composée de représentants de l'assurance maladie et de professionnels de santé. Ces amendements visent à exiger des « représentants de la même profession » que le prescripteur incriminé.

Les amendements 105, 7629 et 8196, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Il nous reste exactement 4 000 amendements. Nous en avons examiné 3799, au rythme de 55,7 amendements à l'heure. Ceux qui considèrent qu'il y a de l'obstruction ne savent pas ce qu'est l'obstruction (« Voilà ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Les vieux parlementaires comme moi savent qu'on n'avance pas à ce rythme quand il y a de l'obstruction (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 8383 vise à insérer la phrase suivante : « Lorsque la pénalité est prononcée à l'encontre d'un usager, des représentants des usagers du système de santé sont associés à la commission. »

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission comprend déjà des représentants des assurés sociaux.

M. le Ministre - Rejet.

M. Claude Evin - Je propose un sous-amendement visant à remplacer les mots « sont associés », trop vagues, par le mot « participent ».

M. le Rapporteur - Je préfère encore « sont associés ». Mais je reste défavorable à l'amendement.

M. le Ministre - Même position.

M. Claude Evin - Il sera intéressant de connaître la position du Conseil constitutionnel. Dans votre dispositif, les représentants des caisses sont juges et parties. Par ailleurs, si vous prévoyez une procédure contradictoire pour les professionnels de santé, il faut faire de même pour les assurés. J'ajoute que, dans la loi du 4 mars 2002, nous avons reconnu une certaine légitimité aux associations de malades.

Le sous-amendement de M. Evin, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 8383, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 106 rectifié de la commission vise à préciser que l'assuré ne pourra être sanctionné sans que soient pris en compte les éléments susceptibles d'atténuer sa propre responsabilité.

L'amendement 106 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 107 de la commission est défendu.

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 8384 aussi.

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable au 107 et défavorable au 8384.

M. Claude Evin - Vous reconnaissez dans cet amendement que le recours se fera devant le tribunal administratif. Or, le ministre m'avait dit que ce serait devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. Il faut vous mettre d'accord.

M. le Ministre - J'ai dit que la procédure suivrait le droit commun.

L'amendement 107, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Sur le vote de l'article 13, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. François Liberti - Cet article prévoit que l'organisme de sécurité sociale en charge des sanctions met en œuvre les procédures de recouvrement des cotisations et majorations prévues aux articles L. 244-3 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article L 725-3 du code rural. Le Gouvernement entend mettre au pas les professionnels de santé, qu'il considère comme des fraudeurs conventionnés. Parce que nous sommes contre le principe de la sanction, surtout lorsque celle-ci frappe les médecins conventionnés, nous demandons par les amendements 3160 à 3171 la suppression de l'avant-dernier alinéa.

Ces amendements, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président de la commission spéciale - Aux termes d'une jurisprudence du 14 décembre 2000, les caisses primaires ne sont pas des organismes de recouvrement et ne peuvent donc appliquer des majorations de retard. Il convient en conséquence de reprendre ici les dispositions qu'appliquent les URSSAF. D'où l'amendement 8220.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Claude Evin - Cet amendement donne effet de jugement à la contrainte au cas où le débiteur ne ferait pas opposition devant le TAS, mais le recours se fera devant le tribunal administratif : comment s'y retrouver ?

M. le Rapporteur - Le tribunal administratif est compétent sur le fond, le tribunal des affaires sociales l'est en matière de recouvrement.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Il faudra fournir un décodeur aux assurés !

L'amendement 8220 mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 108 a pour objet d'éviter la mise en œuvre de deux procédures conventionnelles simultanées contre les professionnels de santé.

M. le Ministre - J'en suis d'accord.

M. Jean-Marie Le Guen - S'il s'agissait d'interdire qu'un professionnel soit condamné deux fois de suite pour des actes identiques, je comprendrais, mais lorsqu'un praticien a multiplié des actes fictifs, on peut, me semble-t-il, le sanctionner à ce titre et, parallèlement, engager une procédure de déconventionnement. L'amendement va-t-il changer cela ?

M. le Rapporteur - Il n'est pas question de déconventionnement : il ne s'agit que d'interdire des procédures simultanées.

M. Jean-Marie Le Guen - Je suppose que, pour la symétrie, vous présenterez la même disposition pour les assurés ?

M. le Rapporteur - La procédure de déconventionnement ne peut leur être appliquée, que je sache !

M. Jean-Marie Le Guen - Il était donc bien question de déconventionnement !

L'amendement 108, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 8468 dispose que, si le médecin ne satisfait pas à l'obligation posée par l'article 8, il sera passible d'une sanction, mais que celle-ci pourra être suspendue s'il s'engage dans des actions visant à évaluer et à améliorer la qualité de sa pratique.

M. le Rapporteur - Avis favorable, bien sûr.

M. Jean-Marie Le Guen - Mieux vaut en effet essayer de convaincre plutôt que de pénaliser mais, là aussi, je suppose que le Gouvernement proposera une disposition symétrique pour les assurés. Ceux-ci ne sont pas responsables des prescriptions et devraient donc bénéficier au moins des mêmes droits que les praticiens !

M. le Secrétaire d'Etat - Voudriez-vous obliger les patients à s'évaluer et à se former ?

M. Jean-Marie Le Guen - On pourrait accorder un sursis à l'assuré s'il acceptait de s'informer du droit de la sécurité sociale et des bonnes pratiques sanitaires...

L'amendement 8468, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Brunhes - Cet article autorise le directeur d'une caisse à sanctionner financièrement - une fois de plus ! - les médecins, les hôpitaux et les patients responsables d'une demande de remboursement abusive. Dans les faits cependant, la disposition ne s'appliquera qu'aux patients. Nous pensons qu'en la matière, le législateur doit garder l'entière responsabilité de dire le droit et nous demandons donc, par les amendements 3172 à 3183, la suppression du dernier alinéa qui renvoie à un décret pour l'application de cette disposition tendancieuse.

Les amendements 3172 à 3183, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement109 est de cohérence.

M. Jean-Marie Le Guen - De cohérence avec un amendement de suppression !

L'amendement 109, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

A la majorité de 30 voix contre 11, sur 41 votants et 41 suffrages exprimés, l'article 13 modifié est adopté.

APRÈS L'ART. 13

M. Jean-Marie Le Guen - Nous allons en venir, avec les deux articles suivants, à un sujet sur lequel se focalise la volonté répressive du Gouvernement : les arrêts de travail. Il importe de rappeler que les fraudes les plus importantes résident dans la sous-déclaration des maladies professionnelles et des accidents du travail, laquelle coûte probablement 3 milliards par an à la sécurité sociale ! Toutes les études récentes montrent que nous disposons là d'une marge de progression considérable.

Quant aux indemnités journalières, si l'augmentation des montants versés à ce titre est inquiétante, c'est autant pour des raisons sanitaires et sociales que financières. Elle est en effet liée à l'augmentation du nombre des arrêts de travail de plus de trois mois, au bénéfice de travailleurs de plus de 50 ans. Le Gouvernement n'a rien fait pour régler les problèmes d'emploi que rencontrent ces derniers : il préfère allonger la durée légale du travail et retarder l'âge de la retraite. Les entrepreneurs, de leur côté, considèrent sans doute, comme M. Seillière, que la santé des Français ne les concerne en rien. Il nous reste donc à nous attaquer à ce vaste chantier de l'employabilité et de la santé au travail des plus de 50 ans ! L'amendement 8386 avance une première proposition : le médecin du travail pourrait aider ceux qui ont du mal à retrouver du travail après un arrêt de plus de trois mois.

M. le Rapporteur - Même si la procédure suggérée est complexe, elle présente des avantages et la commission a donc accepté l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable car le code du travail prévoit déjà une procédure de reprise à la demande du médecin conseil de la sécurité sociale, au même titre que du médecin traitant ou du salarié lui-même. Il serait donc plus intéressant de la développer que d'en prévoir une nouvelle.

L'amendement 8386, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Au-delà du problème sanitaire, il convient de s'intéresser à l'adaptation du poste de travail et à son évolution ainsi qu'à la formation, tel est l'objet de l'amendement 8252.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé car, à la différence du précédent, il n'a pas de lien direct avec la réforme de l'assurance maladie.

L'amendement 8252, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Avec l'amendement 8253, il s'agit cette fois de regarder les choses de façon plus générale. Mais je constate que le Gouvernement n'a rien à dire sur l'employabilité des plus de 50 ans.

M. le Rapporteur - Rejet. M. Le Guen sait ce que je pense de l'accumulation des rapports...

M. le Secrétaire d'Etat - Contre. L'emploi des seniors sera traité dans le plan national de cohésion sociale, dans le cadre duquel une négociation doit intervenir car il appartient en priorité aux partenaires sociaux de traiter cette question.

L'amendement 8253, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'indemnisation des incapacités temporaires est bien souvent insuffisante et nous demandons donc au Gouvernement, par l'amendement 8376, de réfléchir aux moyens d'améliorer la situation.

L'amendement 8376, repoussé par la commission et par le Gouvernement mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 14

M. Jean-Marie Le Guen - Nous n'avons pas obtenu de réponse du Gouvernement sur la situation préoccupante de la santé au travail des plus de 50 ans. Comme a son habitude, il se contente de culpabiliser les salariés, cette fois sur la question des indemnités journalières. Or, le problème majeur de santé aujourd'hui est la sous-déclaration et la sous-prise en charge des maladies professionnelles. Alors que nous avons fait des propositions pour améliorer les choses, les ministres n'en font aucune. Pourtant, contrairement aux idées reçues, l'évolution récente des processus de travail crée de nombreux problèmes de santé. Bien sûr, ce ne sont plus ceux que l'on connaissait jadis dans les mines, la sidérurgie et la chimie, mais ils ont des effets très importants, en particulier chez les plus de 50 ans. Mais au lieu de développer la prévention collective, le Gouvernement préfère la chasse individuelle aux assurés.

Cet article, comme le suivant, est choquant, parce qu'il revient sur l'idée que les arrêts de travail et les indemnités journalières relèvent de la prescription médicale et non du droit social. Cette interprétation abusive provoquera à n'en pas douter la réaction des médecins libéraux, qui refuseront de prescrire les arrêts de travail, les renvoyant à d'autres praticiens, payés par la puissance publique. Le choix du Gouvernement sera lourd de conséquences, y compris financières. Les médecins n'en sont nullement demandeurs car ils constatent que la situation sanitaire de leurs patients justifie pleinement les arrêts qu'ils prescrivent. Ils refuseront donc de s'inscrire dans cette logique de répression.

Mme Martine Billard - Ces articles concernent à la fois les arrêts de travail, les indemnités journalières et les prescriptions de transport, dont on nous dit qu'ils explosent, ce qui fonderait la nécessité de plus de contrôle et de répression.

Mais c'est la dégradation des conditions de travail qui explique l'augmentation des arrêts. Comme le montrent les rapports de l'IGAS et de la CNAM, ce sont les arrêts de plus de trois mois qui sont les plus nombreux alors que ce sont les plus contrôlés. Si ce sont les arrêts plus courts que vous voulez contrôler davantage, il suffit d'embaucher des médecins de contrôle et il n'est nul besoin de légiférer.

Alors que, dans la discussion de la loi de santé publique, toutes les mesures de prévention que nous proposions ont été refusées, on nous dit maintenant qu'un plan sur la santé au travail sera présenté à la rentrée Mais il est quand même surprenant qu'on ait commencé par la loi de santé publique, que l'assurance maladie vienne ensuite et que la prévention ne soit traitée qu'en dernier.

Les salariés qui sont le plus victimes des accidents du travail - lesquels ne sont pas tous déclarés - sont les jeunes en intérim, peu protégés et que leur précarité empêche assurément d'abuser des arrêts maladie.

Quant aux prescriptions de transport, ce n'est pas parce qu'il est difficile de mettre de l'ordre dans les abus des entreprises que dénonce l'IGAS, qu'il faut s'en prendre aux assurés. Le projet ne prévoit rien à ce propos si ce n'est un calcul à la moyenne. Mais les caisses d'assurance maladie savent très bien quels prescripteurs abusent et quels assurés en profitent, elles n'ont pas besoin de ce nouveau calcul, qui compliquera plutôt le traitement des abus. N'a-t-on pas peur, en réalité, de s'attaquer aux prescripteurs ? La caisse de Loire-Atlantique mène une politique efficace contre les abus, il suffirait d'étendre les bonnes pratiques à l'ensemble du territoire national au lieu de modifier la loi.

En interdisant pendant six mois à certains médecins de prescrire des arrêts de travail et des transports, vous allez empêcher les patients qui en auraient eu besoin d'y accéder alors que ce ne seront pas eux qui auront abusé. Et seront-ils obligés de changer de médecin traitant en catastrophe lorsqu'ils auront besoin d'un arrêt de travail ? Bonjour la gabegie administrative et la multiplication des actes ! On le voit, ces deux articles sont particulièrement absurdes.

M. François Liberti - Cet article prévoit toute une batterie de sanctions qui pèseront principalement sur les patients. Ainsi, des amendes administratives pourront frapper les professionnels de santé, les établissements de soins ou les assurés sociaux selon une procédure identique à celle employée par les URSSAF en cas de redressement de cotisations. En outre, un médecin prescrivant des arrêts maladie non médicalement justifiés ou en nombre anormalement élevé par rapport à la moyenne régionale pourra être mis sous surveillance pour une durée de six mois. Dans ce cas, les arrêts maladie qu'il prescrit devront obtenir l'accord préalable du contrôle médical. En outre, le directeur de la caisse pourra décider que les arrêts maladies ordonnés par un médecin qui donne des arrêts médicalement injustifiés ne seront pas pris en charge par l'assurance maladie.

Actuellement, seuls les arrêts maladie de plus de six mois sont systématiquement contrôlés. A l'avenir, ceux de moins de six mois fréquemment renouvelés feront également l'objet d'un contrôle systématique : nous entrons véritablement dans un système policier.

Pourtant, les indemnités journalières ne représentaient en 2002 que 7 % des dépenses de la CNAM, et celle-ci estime à 6 % les arrêts de travail non médicalement justifiés. Ce qui n'empêche pas le cabinet du ministre d'estimer à 800 millions, soit plus de 10 % des indemnités journalières versées par l'ensemble des régimes d'assurance maladie, les gains que procurerait l'augmentation des contrôles...

Les arguments avancés par le Gouvernement étant fallacieux, nous nous opposerons à cet article.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Cet article viserait à « changer les comportements ». Encore faudrait-il pour cela agir contre la pénibilité du travail, le stress, le harcèlement dans l'entreprise. Nous souhaitons la mise en place d'un service de santé publique et de prévention, en milieu scolaire comme dans le milieu professionnel. Notre pays est parmi ceux où il y a le plus d'accidents du travail ; au lieu de culpabiliser nos concitoyens, faisons en sorte d'améliorer leur état de santé.

M. Jean-Claude Viollet - Le volume des indemnités journalières augmente. En conséquence, le Gouvernement veut dissuader, menacer de sanctions les médecins et les assurés sociaux. Mais une autre approche serait de chercher à expliquer : ce n'est pas sans raison qu'il y a aujourd'hui 2 000 arrêts par jour ! Plusieurs facteurs y contribuent, et notamment la fatigue psychique et le stress, liés à l'organisation économique moderne et à ses injonctions paradoxales - rendre le meilleur service au meilleur prix dans le minimum de temps, assumer la responsabilité sans pour autant avoir de responsabilité effective dans la définition et l'organisation de son travail. L'OCDE constate que les maladies mentales sont passées de 17 à 28 % des causes d'incapacité en dix ans... Il y a aussi les causes physiques : les nouvelles formes d'organisation du travail favorisent en particulier les troubles musculo-squelettiques, principale cause recensée des accidents du travail.

Et je ne parle pas la gestion des personnels de plus de 50 ans : il est tellement plus simple de conseiller la mise en arrêt maladie que de procéder à des ruptures de contrat !

La santé au travail relève notamment de politiques publiques. A cet égard, j'aimerais que le Gouvernement nous tienne informés de l'état d'avancement du projet de décret du ministère du travail sur la réforme de l'exercice de la médecine du travail qui, ai-je cru comprendre, a suscité des réserves de la part des organisations syndicales et patronales.

Mme Elisabeth Guigou - Il est clair que s'il y a des abus - et il y en a -, ils doivent être identifiés et sanctionnés. Pour cela, il faut des moyens : on ne peut que s'inquiéter de voir ceux des caisses diminuer et de constater que les médecins contrôleurs et les médecins du travail sont en nombre insuffisant.

Mais toutes les études montrent que les abus sont marginaux. Les médecins qui délivrent abusivement des arrêts sont en très petit nombre. La CNAM évalue à 6 % la proportion d'abus. Ce n'est donc pas un milliard comme vous le prétendez, mais seulement 300 millions, qu'on pourrait économiser en renforçant les contrôles.

Le vrai problème est dans la prévention des maladies professionnelles, des accidents et de la pénibilité du travail. Nous avons déjà fait voter une loi contre le harcèlement moral dans les entreprises, qui renverse la charge de la preuve. La pénibilité du travail s'accroît, il faut en tirer les conséquences. Il faut aussi, puisque la grande majorité des arrêts de travail concernent les travailleurs les plus âgés, s'interroger sur la gestion des deuxièmes carrières : c'est un travail que nous avions engagé avec les partenaires sociaux, mais depuis deux ans il n'a pas eu de suite.

La prévention, l'organisation du travail, le plein emploi, voilà le vrai problème. Vous allez dire que cela relève de votre collègue Borloo. Mais dans un gouvernement, on doit appréhender les problèmes de manière globale et solidaire. M. Borloo devrait d'ailleurs être à vos côtés pour nous éclairer sur ce qu'il compte faire.

M. Jacques Brunhes - C'est vrai, il existe des arrêts de travail injustifiés, mais faut-il pour autant faire peser l'essentiel de la sanction sur les assurés sociaux ?

Par ailleurs, votre texte vise les médecins qui prescrivent significativement plus que la moyenne. Mais le risque est que les médecins cherchent à entrer dans cette norme, alors que leurs patients présentent des caractéristiques différentes de celle de la moyenne régionale - je pense notamment aux zones socialement défavorisées.

M. Hervé Mariton - L'opposition adopte une position très naïve chaque fois qu'il s'agit de contrôle, et apocalyptique, à la Zola, quand ils décrivent la situation de notre pays !

M. François Liberti - Nous décrivons la réalité !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale