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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 8ème jour de séance, 23ème séance

2ème SÉANCE DU SAMEDI 10 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      RÉUNION D'UNE CMP 2

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      ART. 14 (suite) 2

      APRÈS L'ART. 14 13

      ART. 15 13

La séance est ouverte à quinze heures.

RÉUNION D'UNE CMP

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la politique de la santé publique.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

ART. 14 (suite)

M. le Président - Les amendements 1084 à 1095 du groupe communiste ainsi que l'amendement 7621 de Mme Billard tendent à supprimer l'article.

M. François Liberti - Cet article subordonne à l'accord préalable du service du contrôle médical la couverture des frais de transport ou du versement des indemnités journalières pour les médecins qui prescrivent des transports inadéquats, des arrêts de travail injustifiés ou encore au-delà de la moyenne de leurs confrères. Le directeur de la caisse pourra décider que les prescriptions du médecin ne donnent pas lieu à une prise en charge pendant une durée ne pouvant excéder six mois.

Cette possibilité de sanction est une nouveauté qui peut avoir de graves conséquences : dans un premier temps, le médecin visé doit demander l'autorisation de prescrire et dans un second temps, la non-prise en charge de la prescription revient en définitive à une interdiction de prescrire.

Quel sens peut avoir dans ces conditions un arrêt de travail ? Comment imaginer qu'un patient paie son ambulance ?

Mme Martine Billard - Mon amendement 7621 vise également à supprimer cet article. Une étude intéressante de la Société française de médecine générale rend compte des principales pathologies donnant lieu à arrêts de travail : accidents de travail, 8,13 % ; pathologies chroniques - dont cancers - 31 % ; pathologies psychologiques ou psychiatriques, 29 % ; pathologies rhumatologiques, 28, %, etc...

Le taux d'arrêt de travail pour cause de rhinopharyngite est de 24 % en France pour une durée moyenne de trois jours, contre 83 % en Allemagne pour une durée de quatre jours. Comment parler d'abus dans ces conditions ?

M. Hervé Mariton - C'est le climat !

Mme Martine Billard - Le nombre de morts par accidents du travail, quant à lui, n'a pas diminué ; de nouvelles conditions de travail ont fait exploser le nombre de maladies musculo-squelettiques et les pathologies liées au stress. Il convient donc d'abord d'améliorer les conditions de travail avant de songer à réprimer d'éventuels abus.

M. Maxime Gremetz - Je voudrais dire un mot à mon tour...

M. le Président - Je vous en prie.

M. Maxime Gremetz - Des salariés abuseraient selon vous des arrêts de travail avec la complicité explicite des médecins, dont je rappelle qu'ils furent pendant un temps l'essentiel de votre clientèle électorale. Quelle bassesse dans ce raisonnement ! Outre que vous méprisez l'attachement des salariés à leur travail, toutes les études montrent que les arrêts de travail de moins de trois mois diminuent. De plus, lorsque les arrêts de travail augmentent, c'est en fonction de l'âge des salariés, et notamment pour ceux qui se situent dans la tranche des 55-60 ans, ce qui est aisément compréhensible.

Ce sont les conditions de travail qui se détériorent et qui expliquent les arrêts de travail. On nous dit qu'il n'y a plus d'industrie. Mais les technologies nouvelles produisent souvent des cadences aussi infernales que lorsque je travaillais à la chaîne !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - Ah ! Tu parles !

M. Maxime Gremetz - Quel est le pouvoir réel des comités d'hygiène et de sécurité dans les entreprises et celui de la médecine du travail ? Cet article porte atteinte à ceux qui produisent les richesses dans notre pays.

M. le Président - Je vous remercie Monsieur Gremetz. Je constate que vous n'avez pas enclenché votre chronomètre (Sourires).

M. Maxime Gremetz - Mais si ! Il me reste trente secondes ! (Sourires)

M. le Président - C'est un chronomètre communiste alors ! (Sourires) La séance me fait savoir que vous avez dépassé vos cinq minutes d'intervention. Il faut faire réparer votre chronomètre ! (Sourires)

M. Maxime Gremetz - Attention, je vais demander un scrutin public si vous pensez que j'abuse du temps qui m'est imparti...

M. le Président - Eh ! bien je le demande à votre place et le fais annoncer !

M. le Rapporteur - Contre les amendements.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - De même.

M. Alain Vidalies - C'est la crédibilité des objectifs affichés par cet article qui est problématique. Le Gouvernement prétend économiser tantôt un milliard tantôt 800 millions sur les 5,2 milliards d'indemnités journalières versées. Il estime donc qu'il y aurait 15 à 16 % de fraude, mais d'où vient ce chiffre ? Des analyses de la CNAM ? Des contre-visites organisées par les entreprises ?

S'agissant des abus, la CNAM et les assurances privées s'accordent sur un taux compris entre 5 et 6 %, soit une charge de l'ordre de 300 millions, très éloignée des 800 millions que vous annoncez sans pouvoir les justifier.

De même, si la progression des arrêts de travail relevait d'une défaillance de notre système, ce serait une spécificité française. Malheureusement pour la qualité de votre argumentation, il n'en est rien. Dans tous les pays développés, les arrêts et accidents de travail explosent du fait du vieillissement de la population active et des nouveaux modes d'organisation de l'activité. A elle seule, la reconnaissance des lombalgies a fait augmenter le nombre des maladies professionnelles de 80 %.

A tous égards, vos mesures de pénalisation sont donc injustifiées.

M. Jean-Marie Le Guen - Après que M. Vidalies a dénoncé la mesure elle-même, je veux condamner la méthode retenue. C'est en effet la première fois qu'un élément statistique - au surplus non pondéré - est retenu comme facteur déclenchant d'une démarche de pénalisation. Il est particulièrement scandaleux de ne pas tenir compte de facteurs de pondération tels que l'implantation géographique des prescripteurs. On prescrit davantage d'arrêts de travail dans le Pas-de-Calais que dans le XVIe arrondissement de Paris !

M. François Liberti - Ou qu'à Neuilly-sur-Seine !

M. Jean-Marie Le Guen - Prudence ! Certains, à Neuilly, se dépensent énormément ! Un peu de distraction en se rasant le matin, et c'est l'accident ! (Sourires)

Pour novatrice qu'elle soit, la notion de « délit statistique » est déplacée. D'accord pour approfondir les investigations à partir des éléments statistiques disponibles, pas pour en faire la justification de nouvelles sanctions. Si le système est retenu, les médecins qui ont une clientèle ouvrière seront plus sanctionnés que ceux qui soignent des bourgeois !

M. Hervé Morin - Les bourgeois travaillent aussi ! (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Marie Le Guen - Quid du respect du secret médical dans les commissions chargées de prononcer d'éventuelles sanctions ? Quelles garanties pouvez-vous donner que les problèmes médicaux des salariés n'y seront pas déballés sans précaution, sachant que la représentation des assurés n'est pas prévue ? Mal orienté et peu respectueux des droits des personnes, votre système tend à tourner l'assurance maladie contre ses bénéficiaires. Vous vous livrez à une véritable dénaturation de nos principes fondateurs.

M. le Ministre - Le taux de progression des dépenses liées aux IJ s'établit à 10 % pour les années 2001 et 2002...

M. Jean-Marie Le Guen - Il a baissé en 2003 !

M. le Ministre - J'y viens. En moyenne annuelle, il peut donc être évalué à 8 %, et nous considérons pour notre part qu'il serait possible de le ramener à 5 % pour dégager des économies. Les caisses - telles celles du Nord Pas-de-Calais - ayant pratiqué des contrôles ciblés ont relevé un taux d'IJ injustifiées de l'ordre de 15 %.

D'autre part, il est faux de dire que les repérages statistiques n'ont jamais été pris en compte pour déclencher l'action publique : la loi de financement pour 2000 fonde la notion de « gros consommants » sur des indicateurs statistiques. Enfin, contrairement à ce qu'affirme M. Le Guen, nous ne remettons pas plus en cause la liberté de prescription que les arrêts de travail ou les transports, la majorité précédente ayant elle-même engagé une démarche de rationalisation.

Je remercie M. Mariton d'avoir relevé que notre démarche tendait à rendre le système plus efficace et je partage son analyse : il s'agit bien de donner aux acteurs de la protection sociale les moyens d'agir contre l'infime minorité d'assurés et de prescripteurs qui abuse du système.

M. Liberti a cru bon de parler de « système policier ». C'est évidemment très exagéré, dans la mesure notamment où nous ne remettons en cause aucun droit.

Madame Billard, l'article ne vise que les prescriptions d'arrêts significativement supérieures à la moyenne. L'objectif prioritaire est de combattre les abus les plus flagrants, pas de pénaliser l'ensemble des salariés !

S'agissant de la pénibilité, évoquée par Mmes Billard et Robin-Rodrigo puis par M. Gremetz, j'indique que le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo comporte un volet « santé au travail » qui sera discuté avec les partenaires sociaux. Nous entendons faire aboutir conjointement un plan santé et travail avant la fin de l'année. Sur le fond, je ne crois pas que l'on puisse considérer que l'écart de un à trois dans les consommations d'arrêts de travail puisse s'expliquer seulement par le stress ou par la pénibilité de certaines activités.

Mme Guigou a eu raison de rappeler ce matin que les praticiens à l'origine de dérives importantes étaient peu nombreux et connus. Nous pouvons limiter les abus sans remettre en cause la liberté de prescrire, en mobilisant les médecins conseil sur leurs missions de contrôle.

A la majorité de 21 voix contre 16 sur 37 votants et 37 suffrages exprimés, les amendements 1084 à 1095 et l'amendement 7621 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement. Dans un entretien paru dans le journal Le Monde de cet après-midi, le ministre d'Etat, ministre de l'économie et des finances fait part de sa volonté d'augmenter le temps de travail - ce qui ne sera pas sans incidence sur la pénibilité - et de supprimer la hausse des cotisations sociales patronales sur les heures supplémentaires, lesquelles alimentent pourtant l'assurance maladie. Le Gouvernement se plaît à parler d'équité. Peut-il nous dire ce qu'il y a d'équitable à alourdir la charge de travail des salariés, cependant que sont encore allégées les charges des entreprises ?

M. le Président - Nous lui transmettrons votre souhait.

M. François Guillaume - Mme Billard elle-même faisait observer ce matin que les transports sanitaires pouvaient être source d'abus. Ainsi y a-t-il dans ma ville des entreprises de transport qui retirent la moitié de leur chiffre d'affaires du transport de malades. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement 60 qui éviterait les abus en exigeant que seul le médecin puisse prescrire un transport sanitaire - j'ai appris que certaines caisses d'assurance maladie faisaient pression sur les praticiens réticents -, et que ce type de transport soit réservé aux assurés pour qui tout autre mode de transport serait impossible ou dangereux. Les patients n'éprouvant pas de difficulté particulière seraient encouragés à utiliser les transports en commun ou leur véhicule personnel, moyennant une indemnité forfaitaire.

M. le Rapporteur - Tout en reconnaissant qu'il soulève un véritable problème, la commission a repoussé cet amendement. En effet, l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale précise les conditions de prise en charge des frais de transport sanitaire et l'article L. 162-2-1 du même code rappelle que les médecins sont tenus à la plus stricte économie. Cet amendement est donc inutile.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 60 est retiré.

M. Hervé Morin - Le dispositif prévu est redondant avec celui existant dans les conventions. En effet, les sanctions ne peuvent être prononcées que par des commissions paritaires composées de représentants des caisses et des syndicats médicaux représentatifs.

J'ajoute à l'intention de M. Gremetz qui dénonce la détérioration des conditions de travail, qu'il porte avec ses collègues communistes et socialistes une très lourde responsabilité dans cette évolution (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Lors de l'examen des lois sur les 35 heures, nous étions les premiers, dans l'opposition alors, à expliquer à Mme Aubry quelles en seraient les conséquences néfastes, au premier rang desquelles une flexibilité accrue et une dégradation des conditions de travail. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est depuis cinq ans, date de début d'application des 35 heures, que le nombre d'indemnités journalières a fortement augmenté. Tous les salariés passés aux 35 heures savent ce que leur coûtent flexibilité, travail de nuit et le week-end.

Pour le reste, je ne crois pas que le Gouvernement parviendra aux 800 millions d'euros escomptés du contrôle accru des arrêts maladie. L'estimation a vraiment été faite au doigt mouillé : 800 millions, mais ce pourraient aussi bien être 400 ou 300 ! Par quelle magie pourrait-on du jour au lendemain réduire les disparités constatées en ce domaine entre régions avec une moyenne de dix-huit jours d'arrêt par an dans le Gard contre six dans d'autres départements ? Voilà ce que montre notre amendement 7631.

M. le Rapporteur - L'intention est louable, mais on ne peut ainsi tout mélanger. Rejet.

M. le Ministre - Si le dispositif reposait sur le niveau conventionnel local, il n'y aurait jamais de sanctions dans les faits, car jamais les caisses et les médecins ne parviendraient à un accord.

Pour ce qui est des 800 millions d'euros d'économies escomptées - en 2007 je le précise -, il est vrai qu'ils ne sont pas certains, mais d'après des études prévisionnelles de la CNAM que j'ai en mains, l'hypothèse est tout à fait plausible.

M. Jean-Marie Le Guen - Le ministre pourrait-il nous transmettre ces études de la CNAM avant la fin du débat ?

M. le Ministre - Je vous les transmettrai quand je le souhaiterai (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Depuis le début de ce débat, nous travaillons en totale transparence. Je puis même vous dire qu'en l'espèce, nos prévisions sont inférieures à celles de la CNAM.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, vous ne prenez pas en compte les accidents du travail non déclarés, pourtant nombreux. Dans la zone industrielle d'Amiens, des entreprises comme Valeo, Dunlop, Carbone Lorraine se vantent sur un large panneau de n'avoir pas constaté d'accident du travail depuis six mois, mais il faut savoir qu'elles demandent à leurs salariés blessés au travail de venir quand même, sans travailler, pour n'avoir pas à déclarer d'accident !

S'agissant des 35 heures, les 12 000 salariés de cette zone industrielle qui font les trois-huit à la chaîne, en sont, eux, très contents. La réduction du temps de travail a allégé leur peine, mais cela n'a été possible que grâce à des syndicats forts qui ont pu imposer certaines conditions aux directions. C'est aux patrons, qui ont utilisé les 35 heures pour imposer aux salariés plus de flexibilité et d'intensité au travail, qu'il faut vous en prendre !

M. Alain Vidalies - La corrélation faite par M. Morin entre passage aux 35 heures et augmentation des arrêts maladie est pour le moins approximative. Il faudrait l'étayer de données précises. Dans tous les grands pays, les maladies professionnelles et les accidents du travail augmentent et les études statistiques montrent qu'il n'existe pas de corrélation entre cette évolution et le nombre d'heures travaillées, mais bien plutôt avec les techniques employées. Il vous faudrait aussi démontrer, Monsieur Morin, que les accidents du travail sont moins nombreux dans les entreprises qui ne sont pas passées aux 35 heures, c'est-à-dire les plus petites. Or, la réalité est exactement inverse. Votre démonstration est donc fallacieuse et polémique.

M. Hervé Morin - Il est succulent de voir Maxime Gremetz défendre aujourd'hui Martine Aubry, quand on se rappelle les débats sur les 35 heures ! Les salariés sont si heureux qu'en 2002, on le sait, la gauche a obtenu une large majorité grâce aux 35 heures... Vous dites qu'il n'y a pas de corrélation entre la réduction du temps de travail, sa flexibilité et l'intensité du travail. Nous ne devons pas rencontrer les mêmes salariés. Tous les salariés de ce pays disent aujourd'hui que les conditions de travail se sont détériorées depuis les 35 heures, parce que la productivité du travail s'est accrue.

L'amendement 7631, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je suis saisi de douze amendements identiques 3184 à 3195.

Mme Janine Jambu - Ces amendements tendent à supprimer le premier alinéa de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, qui prévoit un contrôle accru des arrêts de travail. La caisse pourra informer un employeur du caractère abusif d'un arrêt, entraînant la suspension des indemnités journalières ; elle pourra aussi contrôler la fréquence des arrêts et non plus seulement la durée. En cas de non justification, elle pourra en exiger la suspension.

Aujourd'hui l'assurance maladie contrôle tous les arrêts de plus de trois mois. Sous l'impulsion d'un gouvernement persuadé de la malfaisance et de la paresse des assurés sociaux, dont les médecins sont supposés se faire les complices, elle mettra plus souvent son nez dans les arrêts de courte durée, pourtant en forte baisse en 2003 et 2004. Cette consigne sera difficile à appliquer sur le terrain, et c'est déplacer des montagnes pour peu de choses : 6 % seulement des arrêts de travail sont injustifiés. Une fois de plus, vous vous attaquez à un problème mineur pour éviter de vous pencher sur d'autres questions. On ne voit pas l'opportunité d'une telle mesure, dont l'histoire, y compris récente, a montré qu'elle était loin d'être évidente.

Mme Martine Billard - Je suis toujours aussi dubitative sur votre façon de régler la question. Vous déclariez le 1er juin, Monsieur le ministre, qu'il y avait dans chaque département deux ou trois médecins spécialistes de l'arrêt maladie. Si tel est le problème, ce n'est pas cet article qu'il fallait faire ; on aurait attendu un article améliorant les procédures de contrôle sur les médecins qui abusent. Mais là, pour deux ou trois médecins, vous introduisez tout un mécanisme statistique de calcul de moyennes - dont on ne sait d'ailleurs pas bien comment elles seront établies, et qui ne tiendront pas compte de la variété des conditions rencontrées par les médecins.

Par ailleurs, la démonstration de notre collègue sur la corrélation entre les 35 heures et l'augmentation des arrêts de travail ne fonctionne pas, puisqu'on a observé une diminution des arrêts entre 1997 et 2002.

M. Alain Vidalies - Monsieur le ministre, vos propos réitérés sur les deux ou trois médecins qui, dans chaque département, seraient à l'origine des dérives, nous ont surpris, surtout si l'on considère la méthode que vous choisissez pour traiter ce problème. Pourquoi ne pas avoir pris vos responsabilités avec les professionnels, en reconnaissant que vous n'aviez pas un problème de système, d'organisation globale, mais un problème qui concerne quelques individus ? Le dispositif que vous proposez semble hors de proportion avec ce constat. Dès lors, on est conduit à penser que le constat était faux - et de fait, vous savez bien que les raisons des dérives sont beaucoup plus complexes et ne se réduisent pas à un abus de prescriptions.

Si vous deviez rechercher des économies sur les indemnités journalières, il est étonnant que vous ne vous soyez pas posé le principal problème à ce sujet : celui du transfert de charges depuis le régime accidents du travail et maladies professionnelles vers l'assurance maladie. C'est là un sport national pour nombre d'entreprises, car le nombre des accidents du travail se répercutera sur les cotisations de l'année suivante. Cela conduit les entreprises à faire pression sur les salariés pour que leurs troubles ne soient pas déclarés au titre des accidents du travail, mais à celui de la maladie. Le droit positif a d'ailleurs pris acte de ce phénomène et prévu une compensation du régime accidents du travail vers le régime général. On nous dit en somme : chacun est conscient que les entreprises pratiquent une fraude massive, une sous-déclaration des accidents du travail, mais on fait un transfert financier, et toutes les fraudes sont oubliées... C'est inadmissible, et si une réflexion sérieuse s'imposait, c'était bien celle-là.

Elle est d'autant plus actuelle que s'y ajoute un phénomène nouveau : l'assurance maladie sert à remplacer les « mesures d'âge » que l'Etat a cessé de prévoir dans les plans sociaux. Ceux-ci ne comportant plus de mesures de préretraite, on assiste à une explosion des arrêts maladie chez les salariés de 55 à 60 ans. Il y aurait là un gisement d'économies à réaliser, en même temps qu'une mesure de justice sociale.

Les amendements 3184 à 3195, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 7866 concerne les oubliés du système : les représentants des usagers, que le Gouvernement a méprisés et marginalisés depuis le début de ce débat. Il y a en matière de droits de recours et de défense un déséquilibre évident : les médecins peuvent être assistés par des représentants professionnels, alors que les usagers n'ont personne. En effet, contrairement à ce que dit M. le ministre, ils ne sont pas représentés par les délégués paritaires de l'assurance maladie, qui défendent les intérêts de l'assurance maladie, non ceux des usagers. Pour éviter la confusion des intérêts, il est fondamental de prévoir la présence de représentants des usagers.

Mais voulez-vous vraiment que les usagers soient défendus ? Je ne le crois pas : toute la philosophie du projet consiste à les matraquer.

J'observe que, dans la tradition médicale française, l'arrêt maladie est un prescription médicale : les indemnités journalières ne sont donc pas un droit social. Vous voulez en faire un droit social pour mieux les réduire. Les chiffres disponibles sur la fraude justifient un montant de 300 millions d'euros, et non 800 comme vous le dites : le décalage entre ces deux chiffres trahit votre intention de lutter non contre les abus, mais contre les indemnités journalières comme telles. Dans ce but vous les sortez du champ thérapeutique pour en faire un droit social. Mais attention ! Les médecins vous diront un jour que, si vous voulez en faire un droit social, c'est à vous de vous débrouiller. Nous, médecins libéraux, ne voulons pas être soumis au flicage de nos prescriptions : qu'il en soit comme ailleurs en Europe, où les arrêts de travail sont prescrits hors des cabinets libéraux et des stratégies thérapeutiques. Mais alors, Monsieur le ministre, cela coûtera beaucoup plus cher à la sécurité sociale. A trop tirer sur la corde, vous allez la casser, et provoquer une détérioration profonde des relations médecin-malade et de la qualité des soins dans ce pays.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Sans autre explication ? Qui ne dit mot consent ? Vous n'avez vraiment pas l'intention de vous attaquer à ces entreprises qui utilisent les accidents du travail pour remplacer des plans sociaux ? Il n'y en a pas tant que ça, tout le monde les connaît ! Mais vous ne vous en prendrez jamais à elles...

Une de mes collaboratrices s'est vu recommander par la médecine du travail de pratiquer deux examens importants. Sans la médecine du travail, on ne se serait pas aperçu de ce qui n'allait pas ! Et si elle était tombée malade et qu'elle avait perçu des indemnités journalières, on l'aurait taxée d'abus !

M. le Président - Ne violez pas le secret médical...

M. Maxime Gremetz - Mais la majorité ne parle jamais des gens ! Elle a du respect de la personne plein la bouche, surtout M. Sarkozy, qui vient expliquer au ministre de la santé ce qu'il devrait faire, mais il ne les connaît pas, les personnes ! Vous savez que les accidents du travail sont occultés, mais vous continuez à stigmatiser les personnes qui cherchent du travail, ou qui veulent conserver leur poste, et qui acceptent des conditions de travail et de sécurité inadmissibles ! C'est incroyable ! Aucun gouvernement de droite n'avait encore osé faire cela ! Vous ne pensez décidément qu'au Medef.

Mme Martine Billard - Il serait normal, par exemple, que les victimes de l'amiante soient représentées. Il est parfois très difficile de savoir s'il y a abus ou non, en particulier pour les troubles musculo-squelettiques et les troubles mentaux. Les associations doivent pouvoir prendre part à la décision. La représentation des usagers avait connu des progrès avec la loi sur les droits des malades, mais ce texte les exclut systématiquement.

L'amendement 7866, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 110 est rédactionnel.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - J'ai posé un certain nombre de questions au ministre. Il ne me paraîtra pas possible de commencer la séance du soir sans qu'elles aient reçu de réponse.

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public sur l'amendement 110.

M. le Président - Monsieur Gremetz, c'est la dernière fois que j'accepte dans ces conditions. Le Règlement exige que la demande soit présentée par écrit avant le vote. Je suspends la séance dans l'attente du scrutin.

La séance, suspendue à 16 h 5, est reprise à 16 h 10.

A la majorité de 35 voix contre 1 sur 36 votants et suffrages exprimés, l'amendement 110 est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - La syntaxe est sauvée et je m'en félicite. Mais je veux rappeler que le ministre nous avait promis une note de l'assurance maladie pour valider les chiffres qu'il avance. Je demande que ce document soit distribué aux parlementaires.

M. François Liberti - Nos amendements 3196 à 3207 visent à supprimer le 1° de cet article, qui tend à soumettre les arrêts de travail à un contrôle préalable. Décidément, on considère les citoyens comme des fainéants et les médecins comme des irresponsables. Que signifie d'ailleurs un arrêt de travail « injustifié » ?

On veut en outre bureaucratiser davantage la délivrance des indemnités journalières et des prescriptions de transport. Dans de nombreux cas pourtant, compte tenu des difficultés pour obtenir un transport en taxi, on prescrit un transport en ambulance, qui est dix fois plus coûteux. En rendant plus facile la prescription de transport en taxi, on ferait des économies sans réduire la prise en charge des malades.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Sur la base de cet article, le directeur d'une caisse pourra refuser un arrêt de travail. Actuellement, l'assurance maladie ne dispose que de son pouvoir de persuasion, qu'elle exerce par des courriers simples ou des courriers d'alerte. Vous lui donnez la possibilité de sanctionner. Le médecin devra demander l'autorisation de prescrire. Que vaut un arrêt de travail qui n'ouvrirait pas droit à des indemnités journalières ? Comment imaginer que l'assuré paie lui-même son transport en ambulance ?

Les amendements 3196 à 3207, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Nos amendements 3208 à 3219 visent à supprimer le 2° de l'article. Cela nous permet d'interpeller de nouveau le ministre, qui ne répond que rarement. Je sais que ce qui est rare est précieux, mais je préférerais des réponses plus nombreuses et plus développées.

Vous remettez en question la liberté de prescription et les droits des assurés. Si des médecins commettent des fautes, que fait le Conseil de l'Ordre ? M. Bur, il y a quelques jours, l'a qualifié de « conservateur ». S'il ne sanctionne pas les médecins fautifs, il faut le supprimer ! Dans ma circonscription, il y a peut-être trois médecins à sanctionner. Mais vous ne devez pas vous attaquer de la sorte aux victimes d'accidents du travail.

Les amendements 3208 à 3219, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - Je ne trouve pas anormal qu'on sanctionne les abus, mais vous nous proposez de sanctionner le dépassement de moyennes statistiques, ce qui n'est pas acceptable. Le nombre des accidents du travail varie selon l'activité d'une zone. Là où des mines ont fermé, leur nombre a nécessairement chuté. Mon amendement 7678 vise donc à ne sanctionner que les abus constatés.

Votre dispositif est injuste et inapplicable. Si le système de sanction par le Conseil de l'Ordre ne fonctionne pas, il faut en trouver un autre, mais ce que vous proposez me paraît fumeux. Comptez-vous fixer une moyenne par URCAM ou une moyenne nationale ?

L'amendement 7678, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Janine Jambu - Nos amendements 3220 à 3231 visent à corriger la rédaction de l'article en supprimant l'adverbe « significativement ».

Actuellement, l'assurance maladie contrôle tous les arrêts de plus de trois mois. A l'instigation d'un Gouvernement persuadé de la paresse des assurés sociaux, dont les médecins sont présumés complices, elle examinera aussi les arrêts de courte durée, dont le nombre a pourtant baissé en 2003 et en 2004. Cette consigne, difficile à mettre en œuvre, aura peu d'effets, car on estime à seulement 6 % les arrêts de travail injustifiés. On se penche sur un problème mineur pour éviter d'autres débats sur l'assurance maladie.

Nos amendements visent à empêcher qu'on sanctionne un médecin sans chercher à savoir pourquoi il a dépassé la moyenne. Les professionnels de santé connaissent leur métier, et ils savent quand prescrire un arrêt de travail.

Les amendements 3220 à 3231, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - Mon amendement 7679 vise à supprimer les quatrième et cinquième alinéas de cet article.

Je souhaite évoquer à ce stade de notre discussion les prescriptions de transport. Le rapport de l'IGAS d'avril 2004 est particulièrement éloquent sur les fraudes en la matière : surfacturations, utilisation de deux véhicules en même temps par un même ambulancier, transport d'un même malade à plusieurs endroits différents à la même heure, etc. Nous attendrions donc des sanctions à la mesure de ces malversations. Or, ce n'est pas le cas puisque selon l'IGAS, les prescriptions abusives de transport sont essentiellement le fait des entreprises et que vous proposez de sanctionner à partir d'une moyenne des prescriptions. Mais comment élaborer cette moyenne alors que, par exemple, le nombre de prescriptions variera évidemment selon les zones urbaines ou rurales ? Cela n'a aucun sens.

J'ajoute, pour revenir un instant sur notre discussion précédente, que la prescription d'un taxi doit pouvoir être prise en charge par l'assurance maladie.

M. le Président - Les amendements 3232 à 3243 sont identiques.

M. François Liberti - Nos amendements visent à supprimer le troisième alinéa de cet article.

Sans connaître les critères de dépassement de prescriptions de transport non plus que les raisons d'un tel dépassement, le médecin sera donc sanctionné. Or, les professionnels de santé connaissent leur métier et savent utiliser à bon escient ce type de prescriptions.

Avez-vous pris connaissance, Monsieur le ministre, de la déclaration de la Fédération Nationale des Artisans du Taxi qui dénonce l'absence de négociations sur le transport des malades assis ? Elle s'inquiète de plus sur l'accès aux soins des plus démunis.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - N'importe quoi !

M. François Liberti - La FNAT dénonce enfin l'incohérence de vos dispositions et regrette votre refus de prendre en compte ses propositions citoyennes.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Des critères de comparaison sont nécessaires et qui peut nier que l'activité moyenne des médecins d'une même région en soit un ?

Mme Martine Billard - Nous !

M. le Rapporteur - Notre but est d'œuvre en faveur de l'amélioration des prescriptions si nécessaire.

M. le Ministre - Même avis que la commission.

Cette mesure ne peut être envisagée comme une sanction, Monsieur Liberti, puisqu'elle ne remet pas en cause la liberté de prescription. La législation actuelle ne permet simplement pas à l'assurance maladie d'intervenir efficacement lorsqu'une utilisation abusive des prescriptions de transport est constatée. Il s'agit donc de contrôler l'activité de prescripteur du médecin par une subordination de la prise en charge, pour une durée maximale de six mois, à un accord préalable du service du contrôle médical.

De plus, cette mesure ne s'appliquera que si un dépassement « significativement » supérieur à la moyenne est observé pour une activité comparable. Il va de soi que la comparaison entre professionnels, je le répète, doit se faire à activités comparables pour prendre en compte l'ensemble des critères justifiant le nombre de prescriptions. Seront concernés par la mesure les seuls professionnels dont la suractivité ne sera pas justifiée par les caractéristiques des populations soignées.

Enfin, la mise sous entente préalable n'entrera en vigueur qu'au terme d'une procédure contradictoire au cours de laquelle le médecin pourra formuler ses observations et après avis d'une commission .

M. Alain Vidalies - D'un point de vue juridique, votre dispositif n'a rien d'un travail d'orfèvre. Evidemment, je pourrais m'en réjouir dans la mesure où la profession que j'exerce trouvera là un nouveau champ d'intervention... « Significativement » : qu'est-ce à dire ? Ce sera au juge de le définir.

M. Jean-Claude Viollet - Les moyens existent pour mettre fin aux dérives. Pourquoi cette usine à gaz, sauf si votre intention réelle est de promouvoir l'autocensure des prescripteurs et des patients... Votre souci n'est pas la santé publique mais bien plutôt la réduction des dépenses.

M. Maxime Gremetz - Mon amendement 3233 a le même objectif.

Soyez clair, Monsieur le ministre : vous voudriez mettre en place des quotas par secteurs et vous n'osez pas le dire.

Alors que les fraudeurs sont connus, vous voulez pénaliser tout le monde. Votre dispositif, tel qu'il est formulé, donnera en effet du travail aux avocats.

M. Jean-Marie Le Guen - Les médecins passeront leur temps au prétoire.

M. Maxime Gremetz - Allez donc jusqu'au bout de votre pensée !

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement. Je me suis absenté quelques instants et je ne sais pas si le ministre a pu distribuer la fameuse note sur l'assurance maladie (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Serons-nous obligés de considérer que le ministre a menti au Parlement...

M. le Ministre - Mauvais joueur !

M. Jean-Marie Le Guen - ...et qu'il a essayé subrepticement d'associer à sa politique les partenaires sociaux qui gèrent la CNAM ?

Les amendements 3232 à 3243, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement 7679.

M. le Président - Les amendements 3244 à 3255 sont identiques.

M. Maxime Gremetz - J'y reviens, puisque vous ne répondez pas : l'adverbe « significativement » n'a aucune valeur juridique. Votre politique consiste en fait à réduire les moyens attribués à la politique de santé.

Répondez-nous : qu'entendez-vous par « significativement » ? Sans doute - mais je m'empresse de dire que nous sommes contre - serait-il plus efficace de mettre en place des quotas. Moi qui suis un métallo, je n'arrive pas à comprendre comment tout ça va marcher.

M. le Rapporteur - Rejet. Statistiquement, « significativement » est significatif (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre -Oui, significatif, ça veut dire quelque chose ! Rejet.

M. Maxime Gremetz - Ces réponses sont géniales !

M. Alain Vidalies - Nul doute que le débat sur l'adverbe « significativement » ait de beaux jours devant lui ! A l'évidence, il laisse un trop large champ d'interprétation au juge. Qui dira si un dépassement de 5 % est significatif ?

S'agissant des prescriptions, peut-on mettre en relation la densité de la démographie médicale avec le volume prescrit ? L'offre crée-t-elle la demande ?

Mme Martine Billard - Ce qui est mathématiquement significatif, c'est la moyenne constatée, et encore ! Voyez les débats sur les grands excès de vitesse : à partir de quelle allure le dépassement est-il significatif ? La réponse est éminemment subjective.

Les amendements 3244 à 3255, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - Mon amendement 8126 apporte une précision déterminante car quitte à créer un dispositif auquel nous ne souscrivons pas, autant faire en sorte de le rendre le moins inéquitable possible. Pour éviter toute dérive technocratique et toute application comptable des règles à des situations où la dimension humaine doit être considérée, il convient de préciser que la comparaison sur les prescriptions doit intervenir en tenant compte des critères démographiques et socioprofessionnels, et non seulement des critères géographiques. Il n'existe pas dans notre pays une telle homogénéité de situation sanitaire - notamment entre les bassins d'emploi - qu'elle nous exonère de cette précision. J'indique que cet amendement très utile nous a été proposé par la Fédération nationale des accidentés du travail.

M. le Rapporteur - Je pourrais faire observer à l'excellent juriste qu'est M. Vidalies que si elle a un sens en statistique, la notion de « variable » n'en a guère en droit. Cependant la commission a adopté cet amendement plein de bon sens.

M. le Ministre - Sagesse. Comment va-t-on identifier les clientèles par CSP ?

M. Vidalies a dit cependant quelque chose d'extrêmement important : plus il y a de médecins, plus il y a de prescriptions d'arrêts de travail. Il faut donc apparier en fonction du profil.

L'amendement 8126, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Mais la commission y était favorable !

M. le Rapporteur - L'amendement 111 de la commission et de Mme Fraysse, MM. Vitel, Door, Préel et Gremetz supprime le dernier alinéa de l'article, car le patient n'a pas à subir les conséquences des erreurs commises par les médecins.

L'amendement 111, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Sur le vote de l'article 14, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures.

A la majorité de 35 voix contre 25, sur 60 votants et 60 suffrages exprimés, l'article 14 modifié est adopté.

M. le Président - Vous serez heureux d'apprendre qu'il ne nous reste plus que 3 857 amendements à examiner.

M. Hervé Mariton - Rappel au Règlement. Il y a eu vingt-cinq voix contre cet article. Or, on ne compte dans l'hémicycle que dix collègues au grand maximum susceptibles d'avoir voté contre. Chacun aura donc pu observer comment nos règles de vote sont violées (Très vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je suspends la séance.

La séance, suspendue à 17 heures 2 est reprise à 17 heures 5.

M. le Président - Cet incident était parfaitement inutile. Les résultats de ce vote sont seulement la preuve que certains collègues de la majorité se sont trompés (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - Je demande à notre collègue Mariton de nous présenter des excuses.

M. le Président - L'incident est clos. Prenons garde, nous sommes tous très fatigués.

M. Maxime Gremetz - Pas du tout !

M. le Président - Moi si !

APRÈS L'ART. 14

Mme Martine Billard - Les amendements 7622 et 7681 sont défendus.

Les amendements 7622 et 7681, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 15

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article instaure un contrôle accru des arrêts de travail dans des conditions inqualifiables, puisque les caisses pourront même désormais informer l'employeur d'un salarié qui aurait eu un arrêt de travail abusif. Alors qu'elles ne contrôlent aujourd'hui que la durée des arrêts, tout particulièrement ceux de plus de trois mois, elles contrôleront désormais aussi leur fréquence. C'est mettre en doute l'honnêteté des patients et des médecins, alors même que rien ne le justifie. Les arrêts de travail de courte durée ont diminué en 2003 et 2004...

M. Jean Tiberi - C'est faux !

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Le ministre lui-même nous l'a confirmé tout à l'heure.

Mme Jacqueline Fraysse - Des études montrent que seulement 6 % des arrêts de travail seraient injustifiés. Pourquoi jeter un soupçon de paresse sur nos concitoyens ? Pourquoi transformer les caisses d'assurance maladie en police de la santé ? Vous feriez mieux d'en faire des outils au réel service des assurés.

M. Maxime Gremetz - J'introduirai mon intervention sur cet article par une citation : « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. »

Cet extrait des Pensées de Pascal nous invite, face à la complexité et à l'immensité de l'univers, à penser, et ce pour comprendre. Voilà une ligne de conduite que vous n'avez manifestement pas souhaité suivre tant cet article 15 flatte les préjugés, les a priori, bref, ce que le sociologue Pierre Bourdieu appelait le sens commun.

Depuis longtemps, divers commentateurs, spécialistes autoproclamés et pourfendeurs émérites de l'assurance maladie, pointent la dérive des dépenses : les assurés sociaux seraient trop dépensiers, irresponsables. De victimes, ils sont devenus coupables. Mais, dans le même temps, rien n'est dit de l'insuffisance des recettes, ce qui serait pourtant indispensable pour comprendre les raisons du fameux « trou ». Comme dans le cas des retraites, nos concitoyens sont sommés de se livrer à un exercice collectif de contrition, destiné à asseoir le règne du masochisme social. Plutôt que de penser la complexité du problème, on flatte ce sens commun qui ramène tout à un excès de dépenses, bref à l'existence d'abus. Comment pourrait l'accepter quiconque se donne la peine de se livrer à l'exercice, difficile mais ô combien fécond, de la pensée ?

Le Gouvernement souhaite donc faire la chasse aux arrêts de travail injustifiés. Le problème est qu'il est incapable d'avancer la moindre statistique permettant d'évaluer ce qu'il qualifie de fraude à l'assurance maladie.

Selon diverses sources dont nous disposons, seulement 6 % des arrêts de travail seraient injustifiés. Pourchasser les abus à ce niveau ne permettra de réaliser que des économies dérisoires, comme le reconnaissait lui-même M. Mattei. Cela ne saurait remplacer une véritable réforme de la sécurité sociale, c'est-à-dire celle de ses modalités de financement.

Cet article 15 ne saurait constituer le pilier d'une quelconque réforme. Il ne fait que résumer la stratégie du Gouvernement : culpabiliser toujours davantage pour saper les solidarités et faire le lit de l'assurance privée.

M. Pierre Albertini - Le dispositif actuel laisse à désirer. Les abus, sans être considérables, représentent une source de dépenses supplémentaires qu'il faut éliminer. Mais votre solution ne fera qu'ajouter de la complexité à ces dysfonctionnements. Elle comporte un risque de stigmatisation envers le médecin prescripteur, envers l'employeur supposé complice, et envers le patient. Les réponses qu'apporte ce texte sont très partielles, et seront probablement inefficaces. Ce n'est pas cela qu'il faudrait faire en matière de responsabilité et d'équité. Il faut s'en remettre au contrat, à la convention, à la définition des objectifs, à la responsabilisation de tous les acteurs. Vous risquez d'ajouter des difficultés aux difficultés actuelles. Nous sommes donc très sceptiques sur les résultats qu'on peut attendre des articles 14, 15 et 16.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous continuons dans les dispositifs de répression et de contrôle. Ici, avec l'information de l'employeur, nous avons la « pilule Vichy » qui sert à mettre un peu d'ambiance dans le texte. N'est-il pas singulier de transformer ainsi les organismes sociaux en organismes de délation ? Certains collègues de la majorité semblent surpris : c'est pourtant bien ce qui est dans le texte. Je comprends qu'une formation politique, issue pour partie d'un courant qui a toujours refusé ce type d'attitude, éprouve de l'étonnement en voyant l'assurance maladie chargée de dire aux employeurs que leurs salariés font ceci ou cela... L'assurance maladie est un organisme social, dont la vocation est d'aider les assurés. Il peut y avoir des abus et des fraudes, mais ils relèvent de l'institution judiciaire : ce n'est pas à l'assurance maladie de gérer la répression des fraudes. Mais en fait il ne s'agit pas tant des fraudes que d'une contestation au sujet des indemnités journalières - et ce avant même que l'assuré ait une possibilité de recours. S'il y a contestation sur des indemnités journalières, vous organisez d'emblée la fragilisation du salarié vis-à-vis de son employeur : nous sommes vraiment dans l'outrance. Je comprends que quelqu'un qui, sans siéger sur les bancs de la gauche, participe d'une tradition humaniste, puisse se demander où l'on va.

Pourquoi faire tout cela ? Quelles sont les sommes en jeu ? Je rappelle, Monsieur le ministre, que nous n'avons toujours pas la note de la CNAM, alors que vous prétendez que les partenaires sociaux approuvent votre estimation et votre méthode.

M. le Ministre - Vous l'aurez, et vous ne serez pas déçu...

M. Jean-Marie Le Guen - Vous admettez donc que vous avez cette note. Nous devons avoir les éléments nécessaires pour débattre.

M. Maxime Gremetz - Allons, Monsieur le ministre, informez-nous !

M. le Président - Je suis saisi de vingt-sept amendements identiques tendant à la suppression de l'article 15, les amendements 1096 à 1107 et 7234 à 7248.

M. François Liberti - Nos amendements tendent en effet à supprimer un article qui prévoit un contrôle accru des arrêts de travail. La caisse pourra informer un employeur du caractère abusif d'un arrêt, entraînant la suspension des indemnités journalières ; elle pourra aussi contrôler la fréquence des arrêts et non plus seulement la durée. En cas de non-justification, elle pourra en exiger la suspension.

Aujourd'hui l'assurance maladie contrôle tous les arrêts de plus de trois mois. Sous l'impulsion d'un gouvernement persuadé de la malfaisance et de la paresse des assurés sociaux, dont les médecins sont supposés être complices, elle mettra plus souvent son nez dans les arrêts de courte durée, pourtant en forte baisse en 2003 et 2004. Cette consigne sera difficile à appliquer sur le terrain, et c'est déplacer des montagnes pour peu de choses : 6 % seulement des arrêts de travail sont injustifiés.

M. Hervé Mariton - Mais 6 %, ce n'est pas négligeable.

M. François Liberti - A nouveau vous vous attaquez à un problème mineur pour éviter d'aborder les vraies questions.

M. Alain Vidalies - Reconstituons le circuit que vous mettez en place. Au départ, un médecin traitant reçoit un malade, et lui donne un arrêt de travail permettant d'obtenir des indemnités journalières. Puis intervient le service de contrôle de la caisse, qui a une appréciation différente. La caisse, estimant l'arrêt injustifié, supprime les indemnités journalières. Et en outre - là est la nouveauté essentielle de l'article 15 - elle en informe l'employeur. Il faudrait tout d'abord se demander pourquoi à ce jour, et depuis la création de la sécurité sociale, cette disposition que vous présentez comme « pragmatique » n'a jamais été envisagée, et pourquoi on s'est limité à la sanction prise par la caisse, sans juger nécessaire d'informer l'employeur.

Deux questions se posent. D'abord l'employeur qui va recevoir cette information pourra-t-il l'utiliser comme motif réel et sérieux de licenciement du salarié ? La divergence d'appréciation médicale entre le médecin traitant et le service médical de la caisse justifiera-t-elle un licenciement ? Que fera le salarié confronté à cette situation ? Il fera valoir qu'il n'est pas responsable de la décision du médecin. Qui sera responsable ? Le médecin d'origine. Autrement dit, vous mettez en place un système qui aura pour effet, dès que les syndicats de médecins l'auront bien examiné juridiquement, de dissuader tout médecin de prendre le risque de prescrire un arrêt de travail. C'est très grave, et c'est pourquoi depuis la Libération aucun gouvernement, de droite ou de gauche, n'avait organisé cette dénonciation du salarié auprès de l'employeur.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé les amendements de suppression.

M. le Ministre - La seule ambition de cet article est de donner aux caisses de vrais outils pour remplir leur mission de contrôle, qui est partie intégrante de leur mission de service public. Comment ? Tout d'abord par une meilleure coordination avec les employeurs. En général, en application soit de l'accord interprofessionnel sur la mensualisation, soit des conventions collectives, les employeurs sont tenus de compléter les indemnités journalières versées par la sécurité sociale. A contrario, quand leur versement est suspendu, ce complément peut être suspendu par l'employeur. Il est donc utile et logique que les caisses informent l'employeur quand elles suspendent les indemnités journalières. Elles le font déjà systématiquement quand l'employeur est subrogé dans les droits de son salarié, c'est-à-dire lui verse un salaire et perçoit les indemnités journalières en compensation.

D'autre part, l'article rappelle l'obligation de se soumettre au contrôle. Communément admise, elle ne figure nulle part dans le code : le projet comble cette lacune. Il est souhaitable que l'assuré qui se soustrairait au contrôle puisse voir ses indemnités suspendues. Enfin, l'article cible mieux les contrôles. Parmi les cibles prioritaires figurent les assurés qui bénéficient de façon répétée d'arrêts de courte durée. Or les expériences menées par certaines caisses ont montré la possibilité d'obtenir en pareil cas, grâce à une action de suivi continu, une modification des comportements et une réduction du nombre des arrêts de travail. La CNAM, sous l'impulsion du Gouvernement, entend systématiser cette démarche. Le contrôle des arrêts de travail de courte durée est une tâche difficile, car les caisses sont informées tardivement de ces arrêts ; mais il sera bientôt possible de les leur transmettre par voie électronique, ce qui accélèrera aussi la liquidation des indemnités journalières.

Trouvez-vous normal, Monsieur Le Guen, qu'un salarié, dont le service médical de l'assurance maladie a jugé que l'arrêt de travail était injustifié, continue de bénéficier de l'indemnité complémentaire versée par l'entreprise ?

M. Jean-Marie Le Guen - Et trouvez-vous normal de le mettre en difficulté vis-à-vis de son employeur ?

M. le Ministre - D'autre part, Madame Fraysse, s'il y a eu en 2003 une diminution des arrêts de courte durée, c'est l'effet de la conjoncture économique, mais aussi d'une amorce de contrôle plus efficace engagée par la CNAM. Dans ces conditions les arrêts diminuent : c'est donc possible.

M. Maxime Gremetz - C'est un aveu de taille ! Si c'est déjà possible, pourquoi mettre en place un dispositif ? Que rapportera-t-il ? En matière d'indemnités journalières, vous avez estimé le gain à 80 millions, et Bercy à 20 millions. C'est tout, alors qu'on a les moyens de faire immédiatement rentrer les deux milliards de dettes des entreprises et de s'attaquer aux fraudeurs, qui sont identifiés dans chaque département. Les économies ne sont pas votre véritable objectif.

Le petit livre jaune que vous avez envoyé aux médecins - mais pas aux parlementaires - affirme que, selon un rapport de l'IGAS, les arrêts maladie auraient augmenté de 46 % en cinq ans, avec un taux de prescription très variable selon les départements. Je vous signale à ce propos que je n'ai jamais pu mettre la main sur ce rapport ! Est-il confidentiel ? Vous expliquez aussi comment renforcer les contrôles : faire figurer le numéro de téléphone du malade sur l'avis d'arrêt de travail, surveiller les arrêts de travail fréquents et mettre en place un dispositif de sanction proportionné - avec la suspension des indemnités, voire le remboursement des sommes indûment perçues -, éviter la pénalisation de l'assuré si l'abus est imputable au médecin ou à l'entreprise, constituer une commission, on ne sait pas trop pourquoi... Il faudrait aussi renforcer la surveillance des grands prescripteurs, mettre en place un dispositif de pénalités modulable et proportionné à l'encontre des praticiens, une procédure d'entente préalable en cas de prescription répétée d'arrêts de travail, après observations du médecin et avis d'une commission... Quelle usine à gaz ! Tout cela pour 20 millions !

M. Hervé Morin - Comme l'a souligné Pierre Méhaignerie, la vraie question est celle de la volonté. En effet, les mesures nécessaires existent déjà. L'ordonnance Juppé de 1996 donne pour mission au contrôle médical de constater les abus et lui permet d'appliquer des sanctions ou de suspendre les indemnités journalières. L'employeur peut, lui, demander à un médecin privé de vérifier si l'arrêt de travail est justifié et saisir, dans le cas contraire, le service du contrôle médical de la caisse.

M. le Président de la commission spéciale - Cela n'aboutit jamais !

M. Hervé Morin - Il existe aussi une possibilité de saisine du Conseil de l'Ordre. La législation est au point. Plutôt que de légiférer encore, de donner l'impression que les choses se régleront avec une loi de plus, il faudrait que les dispositions existantes soient appliquées !

M. Alain Vidalies - C'est parfaitement vrai ! A entendre le ministre, c'est le salarié qui se déclare en arrêt maladie.

M. Hervé Mariton - Ça arrive !

M. Alain Vidalies - Mais le médecin qui prend la décision, lui, est totalement absent de votre dispositif ! Comme vous ne voulez pas vous en prendre à lui, vous visez le salarié, en espérant que le risque pour ce dernier finira par dissuader le médecin de prescrire des arrêts...

Il y a d'autres solutions. D'abord, on connaît les phénomènes de transfert abusif des accidents du travail et des maladies professionnelles vers l'assurance maladie. Ensuite, les chiffres sont formels : le nombre d'arrêts maladie selon les départements dépend beaucoup moins du taux d'activité professionnelle que de la densité des médecins ! C'est l'offre médicale qu'il faut viser, pas des phénomènes de fraude marginaux ! La solution est dans une démarche de concertation qui doit aboutir à un engagement du corps médical, pas de montrer du doigt les salariés qui n'ont aucune responsabilité dans le système !

M. Jean-Marie Le Guen - Dans ce dispositif, la stratégie thérapeutique du médecin qui décide de donner un arrêt de travail est contestée par un médecin de la sécurité sociale. A partir de là, l'assuré non seulement ne percevra plus ses indemnités journalières, mais il sera soumis à des pénalités et dénoncé à son employeur. Et tout cela non pas à cause d'une fraude, mais parce que la décision de son médecin est contestée par un autre ! Le contrat qui lie le malade à son médecin découle du droit social, pas civil ! Il ne régit pas les relations entre des cocontractants égaux ! Le malade n'a aucune responsabilité sur la prescription qui lui est faite. Vous rendez-vous compte des drames humains que vous allez déclencher au nom de cette chasse mesquine ? Priver un chef de famille de revenus, lui donner une amende et le dénoncer à son employeur ? Certains en seront amenés à faire un procès au médecin qui a prescrit l'arrêt de travail, qui devra rembourser le dol... Croyez-vous que les syndicats médicaux ne vont pas avertir les médecins que prescrire le moindre arrêt de travail risque de les mener devant les tribunaux ? Les médecins renonçant, on va tout droit vers un service public des arrêts de travail, à un coût faramineux... C'est ubuesque ! Obsessionnel ! Que le médecin abuse ou non, c'est lui le responsable !

J'ajoute que, hors de l'hémicycle, vous n'avez jamais osé dire aux Français qu'ils prenaient trop d'arrêts de travail ! Vous leur expliquez simplement que chaque département compte quelques médecins qui abusent ! Bravo ! Quant aux chiffres que vous annoncez, ils sont issus de cette fameuse note de la CNAM dont vous continuez à assurer que vous êtes sur le point de la fournir ! Il arrivera bien un moment où votre crédibilité va en souffrir, et elle ne partait déjà pas de haut, sur ces bancs ou sur les autres (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard - En matière de contrôle médical, il existe déjà une jurisprudence très abondante. Cet article n'ajoute rien au droit en vigueur.

Aujourd'hui, 45 % des arrêts de travail sont prescrits dans le cadre d'une subrogation, ce qui concerne les entreprises d'une certaine taille. Mais c'est sur le salariat le plus précaire que votre dispositif va faire peser une menace de licenciement. Sauf dans le cas où un salarié volerait une feuille d'arrêt de travail, tous les litiges tiendront à un désaccord entre le médecin prescripteur et le médecin contrôleur des caisses.

En écoutant M. Gremetz, j'ai appris que le livret envoyé aux médecins recommandait de faire figurer sur l'arrêt de travail les coordonnées téléphoniques de l'assuré, de manière à faciliter les contrôles. Outre qu'avoir un numéro de téléphone n'est pas encore une obligation légale, cette disposition a été retirée du texte sur l'avis du Conseil d'Etat. Ainsi ce livret, réalisé avant le passage au Conseil d'Etat, fait circuler une information fausse.

Les amendements 1096 à 1107 et 7234 à 7248, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président de la commission spéciale - L'amendement 112 rectifié vise à autoriser les personnes chargées du contrôle médical à vérifier l'identité du patient à l'occasion d'un examen individuel. Cette disposition a été demandée par l'association des directeurs de caisse, qui reconnaît implicitement que, même à ce niveau, il existe des fraudes.

L'amendement 112 rectifié accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - Nos amendements 3280 à 3291, visent à supprimer le I de cet article. Les caisses disposent déjà des moyens de contrôle nécessaires, il suffit de les mettre en œuvre, dans le respect des personnes. On oublie que la grande majorité des citoyens de ce pays sont des gens honnêtes. L'esprit de suspicion imprègne tous les articles de ce texte. Vous incitez les services à multiplier les contrôles, vous renforcez les sanctions, vous facilitez l'accès des enquêteurs au domicile des assurés : s'il vous était proposé un amendement obligeant le patient à donner la clé de son appartement aux services de contrôle, vous le voteriez peut-être ! Cet article témoigne de la démarche répressive du Gouvernement. Vous voulez faire de la sécurité sociale un organisme de contrôle et de ses agents des auxiliaires de police.

Selon Louis Althusser, le propre de l'idéologie est que les réponses précèdent les questions.

M. Jacques Myard - Halte, tu serres !

Mme Jacqueline Fraysse - Vous êtes-vous interrogé sur les vraies raisons du déficit de l'assurance maladie ? Peu vous importe, puisque vous avez déjà la réponse : selon vous, la responsabilité du déficit incombe aux assurés sociaux. Or seulement 6 % des arrêts de travail seraient injustifiés. Il s'agit donc d'un phénomène marginal.

M. Hervé Mariton - À 6 %, vous n'êtes pas marginaux, vous !

Mme Jacqueline Fraysse - Même si vous divisiez par trois le nombre des abus, l'économie serait dérisoire. Devant cet article, nous sommes partagés entre l'indignation et la perplexité : nous sommes indignés par votre volonté de culpabiliser la population et nous sommes perplexes devant le caractère ridicule des moyens envisagés pour combler le déficit.

Mme Martine Billard - Mon amendement 7570 est identique. Si vous avertissez l'employeur, en cas de suspension de l'indemnité, vous risquez de provoquer un licenciement pour faute grave. La suspension ne sera due qu'à un désaccord entre le médecin traitant et le médecin contrôleur de l'assurance maladie, mais l'employeur, qui n'a pas à connaître les raisons médicales de l'arrêt de travail, n'aura pas les moyens de juger s'il est ou non justifié. Il risque donc d'engager une procédure de licenciement. Des personnes vont ainsi perdre leur emploi et n'auront même pas droit aux allocations chômage. Elles se retrouveront au RMI pour un simple désaccord entre deux médecins.

M. le Rapporteur - Comment Mme Fraysse et Mme Billard peuvent-elles considérer comme illégitime l'obligation de prévenir l'employeur, alors que celui-ci peut être appelé à verser un complément d'indemnisation ? Avis défavorable.

M. le Ministre - Ce débat est étonnant. Tous les Français savent qu'il faut combattre les abus (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). On ne comprend pas ce combat d'arrière-garde. De plus en plus d'entreprises font appel à des sociétés privées pour contrôler les salariés en arrêt maladie. Est-ce cela qu'on veut ?

J'avais promis un document de la CNAM. Le voici. Intitulé « Plan d'action concernant les arrêts de travail », il est disponible sur le site de l'assurance maladie. Je le cite : « Dans le cadre de ce plan, plus de 55 000 assurés ont été contrôlés. Pour 22 % d'entre eux, un avis défavorable à la poursuite de l'arrêt de travail a été donné. »

Plusieurs députés socialistes - La « poursuite » !

M. le Ministre - « En 2002, 416 000 assurés ont été contrôlés. Le taux d'avis défavorables s'élevait à 16,2 %. »

Si j'avais appliqué le taux de 22 % au total des indemnités journalières, je serais arrivé à 1,3 milliards d'euros. Je n'ai annoncé que 800 millions d'économies parce que le Gouvernement a raisonné sur une hypothèse basse.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous tordez les chiffres ! Vous tordez la réalité ! Ce taux ne concerne que la poursuite des arrêts de travail. Il ne s'agit en outre que d'une extrapolation.

Ces documents sont interprétés de manière manifestement abusive. La CNAM s'est exprimée officiellement et ses chiffres, eux, sont publics. Vous vous livrez à une manipulation ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il y a 6 % d'arrêts de travail contestables, ce qui représente 250 à 300 millions sur une masse financière de 5 milliards, voilà la vérité !

M. le Ministre - J'ai un second document : l'avis officiel de la CNAM sur notre projet. Il en découle qu'une action résolue contre les fraudes participe de la bonne gestion, de la bonne morale publique et donc de la crédibilité des institutions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Votre mauvaise foi est patente ! Tout le monde l'aura constaté ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Les amendements 3280 à 3291 et l'amendement 7570, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 3292 à 3303 sont identiques.

Mme Janine Jambu - Nos amendements visent à supprimer le premier alinéa du paragraphe I de l'article 15.

Nous refusons en effet que la caisse puisse informer un employeur d'un arrêt de travail abusif. Nous récusons l'idée selon laquelle ce type de mesure est susceptible de réformer significativement la sécurité sociale. Nous constatons de plus qu'une telle mesure est non seulement inefficace mais qu'elle revêt une portée symbolique qui, elle, n'est pas négligeable : il s'agit en fait de culpabiliser les Français et de les dresser les uns contre les autres. Une fois de plus, le Gouvernement parie sur une stratégie d'assujettissement des corps et des esprits (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Mariton - Mais enfin...

Mme Janine Jambu - Surveiller et punir, l'ouvrage de Foucault est toujours d'actualité.

M. Hervé Mariton - Après Althusser, Foucault...

Mme Janine Jambu - Le Gouvernement recycle en fait les idées des cercles néo conservateurs des années soixante-dix et quatre-vingts où fleurirent de pseudo théories visant à accuser les salariés d'être responsables du chômage. Le travailleur, en effet, serait poltron, roublard, fainéant, primesautier, méchant. A cause de lui, le salaire serait supérieur au prix d'équilibre du marché, d'où le chômage. Je vous renvoie à la théorie du « salarié tire-au-flanc » développée par Carl Shapiro et Joseph Stiglitz - ce dernier est prix Nobel d'économie - dans une étude parue en 1984 dans l'American Economic Review. Cette théorie, en outre, repose sur le postulat que l'homme est mauvais.

Leur discours est grotesque, autant que le vôtre sur l'assurance maladie et vous ne gagnerez rien à vous en inspirer.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

M. Alain Vidalies - L'amendement 8387 de M. Le Guen est défendu.

M. le ministre a extrapolé : pour arriver à la somme de 800 millions, soit 15 % de fraudes, il faut considérer non les arrêts de travail mais leurs prolongations. Le chiffre communément admis est de 6 %.

Vous aviez proposé, lors de la discussion du PLFSS de 2004, que lorsque les entreprises font appel à leur propres médecins contrôleurs, elles puissent informer le service de contrôle de la sécurité sociale de leurs investigations.

M. Hervé Morin - C'est inscrit dans la loi.

M. Alain Vidalies - En effet, mais pourquoi ce système, aujourd'hui, ne vous convient-il plus et organisez-vous donc l'information systématique de l'employeur ? Vous ne tenez pas à prendre en compte la fraude réelle : vous préférez mettre en place un dispositif qui dissuade de prendre des arrêts maladie.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Hervé Mariton - Quoi qu'il en soit, la note dont a fait état M. le ministre donne un chiffre supérieur à celui de 6 %. Ouvrez donc les yeux !

M. Maxime Gremetz - Ouvrez les yeux et fermez la bouche, c'est ce que vous voulez !

M. Hervé Mariton - Voulez-vous ou non lutter efficacement contre les abus ? Il ne s'agit pas de stigmatiser qui que ce soit... (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) ...mais tout le monde connaît l'expression : « Je me mets en arrêt maladie ». De tels propos sont navrants, mais c'est une réalité à laquelle nous devons répondre.

M. Maxime Gremetz - C'est insultant et méprisant, arrêtez !

M. Hervé Mariton - Malheureusement, Monsieur Morin, les dispositifs existants ne sont pas efficaces. Il est donc normal de proposer, comme le prévoit la loi, un dispositif de responsabilisation et d'auto discipline (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Viollet - De tels propos sont inacceptables. Les arrêts maladie justifiés sont très majoritaires.

M. Hervé Mariton - Oui, et tous ces salariés souffrent des abus que constituent ceux qui sont injustifiés !

M. Jean-Claude Viollet - Personne, pour autant, n'a nié qu'il existait des abus...

M. Hervé Mariton - Il faut le dire, et agir !

M. Jean-Claude Viollet - ...mais ils sont connus et limités. Les dispositions législatives et réglementaires qui permettent de les combattre existent et M. le ministre a lui-même reconnu que les caisses de certains départements ont, en les appliquant, remporté quelques succès.

Il est en revanche dangereux d'organiser l'information systématique de l'employeur sur la suspension des prestations, car cela ferait courir des risques aux salariés concernés, notamment quant à la poursuite de leur contrat de travail. De ce point de vue, la sanction ne peut être prise que dès lors que le salarié a pu se défendre et qu'il a épuisé toutes les voies de recours. Tel est le sens de cet amendement. Faute de quoi, pour une toute petite minorité de fraudeurs, vous fragilisez la situation de l'ensemble des salariés.

M. Hervé Morin - Sous toutes les majorités, il arrive qu'on légifère sous l'émotion ou pour donner l'impression d'agir, et je crains, Monsieur Mariton, que nous ne soyons aujourd'hui dans ce cas de figure. Issu d'une ordonnance du 24 avril 1996, l'article L. 315-1 prévoit déjà toutes les procédures et sanctions utiles lorsque l'activité de prescription en matière d'arrêts de travail semble anormalement élevée. La suspension des IJ est prévue. Tout existe mais, comme d'habitude, le plus dur, c'est de mettre en œuvre !

M. le Président - Sur le vote des amendements 3292 à 3303 et 8387, j'annonce un scrutin public.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, comment vous croire ? Comment vous faire confiance ? Et faut-il croire Bercy, qui sait compter et annonce que votre plan ne permettrait de réaliser que 7 milliards d'économies, ou vous qui en annoncez 15 ? La chasse aux IJ abusives va-t-elle faire rentrer 80 millions - votre chiffre - ou 20 - celui de Bercy ? Comprenez notre trouble devant de tels écarts ! Votre démarche me rappelle le fameux article « les vaches et le coton comptent plus que l'Afrique » ; pour vous, à l'évidence, les économies budgétaires comptent plus que les assurés sociaux ! Et plutôt que de risquer de faire licencier des salariés avec vos mesures coercitives, prenez-vous en aux médecins. Si arrêts de travail abusifs il y a, il faut bien que des médecins les prescrivent.

M. le Président - Monsieur Gremetz, si vous continuez, je vous mets en arrêt de travail ! (Sourires)

Mme Martine Billard - M. Douste-Blazy est décidément très doué pour utiliser les textes à son avantage. Le rapport d'exécution de l'ONDAM pour 2003 évoque des contrôles ciblés n'ayant porté que sur des échantillons d'environ 50 000 assurés et pas forcément représentatifs. En 2001, le taux de contrôle des arrêts de travail n'avait guère dépassé 6 % et l'effectif des médecins conseil n'ayant pas explosé, on peut imaginer qu'il est resté stable. On ne peut extrapoler à partir d'échantillons restreints et ciblés. Votre raisonnement est biaisé et il s'apparente vraiment à de la désinformation ! Le chiffre de 16 % d'arrêts injustifiés ne repose sur rien de sérieux !

M. Alain Vidalies - En effet. Un article de La Croix daté du 21 juin dernier parle de 6 % d'abus, concentrés de surcroît sur une minorité d'assurés, le journaliste s'appuyant sur un document d'enquête de l'assurance maladie portant sur l'exercice 2003. Le Gouvernement va-t-il soutenir que cet article est mensonger ?

M. le Ministre - J'ai donné mes sources.

Mme Jacqueline Fraysse - M. le professeur Dubernard s'est tout à l'heure interrogé sur notre volonté éventuelle de cautionner les excès. Bien entendu, je suis en mesure de dire très nettement que nul sur nos bancs ne cautionne les éventuels excès...

M. Hervé Mariton - Mais que faites-vous pour les combattre ?

Mme Jacqueline Fraysse - Tout les excès doivent être combattus...

M. Hervé Mariton - Comment ?

Mme Jacqueline Fraysse - Au reste, ils sont très limités. 6 % est le chiffre sur lequel s'accordent tous les esprits honnêtes. Ils sont aussi bien repérés, et les caisses qui se sont engagées à les combattre avec l'arsenal réglementaire existant ont obtenu des résultats très concluants. Ces dispositions existent ; appliquons-les sans attenter aux droits des assurés.

J'ajoute, cher confrère Dubernard, que les arrêts de travail sont jusqu'à nouvel ordre prescrits par des médecins. S'il y a des abus, interrogeons leur déontologie et faisons en sorte qu'ils aient le courage de résister aux éventuelles pressions de leurs patients.

A la majorité de 39 voix contre 15 sur 54 votants et 54 suffrages exprimés, les amendements 3292 à 3303 et 8387 ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 3304 à 3315 sont identiques.

M. François Liberti - Ces amendements suppriment deux alinéas qui n'apportent rien à la rédaction actuelle de l'article L. 315-2, déjà bien assez compliquée. Nous aurions vraiment du mal à comprendre votre entêtement à les maintenir - à moins que, et ce doit être cela, vous ne cherchiez par tous les moyens à contrôler davantage les assurés. On n'est pas loin du retour de Torquemada, grande figure historique de l'Inquisition !

Cet article 15 vise à dégager des économies en limitant les abus en matière d'arrêts de travail. Or, les arrêts de travail injustifiés sont insignifiants sur le plan statistique. Laisser croire que le déficit de l'assurance maladie est dû au comportement irresponsable de nos concitoyens est profondément démagogique. C'est comme expliquer le chômage par le goût pour l'oisiveté de certaines personnes qui préféreraient être assistées plutôt que de travailler, idée que vous contribuez à répandre en proposant comme panacée l'incitation au travail. C'est la thèse qu'a développée M. Fillon lors de l'examen du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA. Pour avoir présenté en février dernier, alors qu'il était encore ministre des affaires sociales, un plan national de lutte contre les difficultés de recrutement, il était pourtant le premier à savoir que cette thèse ne tient pas la route. Ce plan fixe à l'ANPE et à l'AFPA l'objectif de réduire de cent mille le nombre annuel d'offres d'emplois non pourvues - lequel s'élèverait, de l'aveu même du ministère, à trois cent mille. D'un côté donc, trois cent mille offres non pourvues, de l'autre, trois millions de chômeurs selon les statistiques officielles, plus du double en réalité si l'on ne s'en tient pas à la définition très restrictive du BIT. Quand bien même toutes les offres non pourvues s'expliqueraient par le goût supposé des chômeurs pour l'assistanat - ce qui resterait à prouver -, on mesure l'absurdité du discours selon lequel le chômage serait lié à la faiblesse des incitations au retour à l'emploi. Le vrai problème est ailleurs, tout comme pour l'assurance maladie. Las, vous avez décidé de ne considérer que l'accessoire. Il est tout aussi vain de prétendre combler le déficit de l'assurance maladie en développant des dispositifs toujours plus sécuritaires voués à culpabiliser les assurés que de prétendre résorber le chômage en luttant contre les dégâts d'une supposée culture de l'assistanat.

C'est pourquoi nous proposons ces amendements de suppression.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements. Qui ne comprendrait qu'un assuré en arrêt de travail est tenu de se soumettre au contrôle médical de sa caisse d'assurance maladie et qu'en cas de refus, ses indemnités journalières lui soient suspendues ?

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Même avis.

Les amendements 3304 à 3315, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La séance, suspendue à 18 heures 35, est reprise à 19 heures 35.

M. Alain Vidalies - L'amendement 8254 est défendu.

L'amendement 8254, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - La rédaction actuelle de l'article prévoit que la caisse, lorsqu'elle constate une irrégularité, « suspend » les indemnités journalières : cet indicatif suppose une application automatique de la sanction et ne laisse à la caisse aucune marge d'appréciation. On peut pourtant concevoir que des circonstances particulières fassent apparaître la sanction comme excessive. Par l'amendement 8121, nous souhaitons introduire dans ce dispositif un peu de souplesse et d'humanité, en remplaçant « suspend » par « peut suspendre ».

L'amendement 8121, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Le refus de notre précédent amendement ne s'est accompagné d'aucune explication ; c'était pourtant une simple question de bon sens et de pragmatisme. L'amendement 8127 va dans le même sens, et tend à ajouter ces mots : « Aucune sanction ne peut intervenir avant que l'assuré ait été mis en mesure de présenter ses observations ». Dans l'état actuel de l'article, en effet, non seulement la sanction est automatique, mais encore le principe du contradictoire n'est pas respecté. Or, c'est un principe général du droit, que nulle sanction ne puisse être prise sans que celui qu'elle va frapper puisse faire entendre son point de vue. Vous ne pouvez pas à la fois refuser l'amendement précédent et ignorer ce principe, surtout pour une sanction qui n'est pas mince : il s'agit de la suppression d'un revenu, y compris pour des familles qui n'en ont pas d'autre. Cela pose problème au regard des règles de notre droit, mais aussi des règles internationales et notamment de la convention européenne des droits de l'homme. Si le législateur persiste à ignorer ces questions, elles se poseront tôt ou tard devant d'autres instances : bien légiférer, ce serait peut-être se prémunir contre de tels contentieux.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Bernard Accoyer - Je souhaite dire tout d'abord que nous sommes préoccupés par l'allongement que l'opposition impose à nos débats, alors que chacun devrait avoir pour but d'apporter sa contribution à une réforme importante, dont le précédent gouvernement a privé notre pays. D'autre part, multiplier les amendements sur le même objet a pour effet de faire oublier ce qui est essentiel. Et comme M.Vidalies a voulu donner à ce qu'il vient de dire une certaine solennité, je vous demande, Monsieur le Président, avant le vote sur cet amendement, de bien vouloir faire vérifier le quorum.

M. le Président - Je suis donc saisi par le président du groupe UMP d'une demande de vérification du quorum, en application de l'article 61 du Règlement. Je constate que le quorum n'est pas atteint. Conformément à l'alinéa 3 de l'article 61 du Règlement, le vote est reporté au début de la prochaine séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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