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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Assemblée Nationale

Session extraordinaire de 2003-2004 - 10ème jour de séance, 27ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 12 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      RAPPEL AU RÈGLEMENT 2

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      ART. 20 2

      AVANT L'ART. 21 6

      ART. 21 11

La séance est ouverte à neuf heures trente.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Gérard Bapt - Toute la France s'est émue de l'agression épouvantable perpétrée il y a quelques jours sur une jeune femme et son bébé, dans un RER. Des organisations politiques et des assemblées élues ont prévu des rassemblements et notre Assemblée s'honorerait à organiser, à l'initiative de la présidence, une manifestation symbolique.

M. le Président - Tous les groupes politiques de cette Assemblée et le Président de l'Assemblée ont, hier, témoigné de leur solidarité aux victimes et dénoncé cette agression révoltante. Votre remarque sera bien sûr transmise au Président.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

ART. 20

M. Jean-Marie Le Guen - L'article 20 tend à préciser les conditions de mise en place de la Haute autorité de santé et son articulation avec les structures actuellement compétentes dans ses domaines d'intervention. L'AFSSAPS et la commission de la transparence étaient en particulier chargées de donner des avis scientifiques au Gouvernement pour l'aider dans ses arbitrages, qu'il s'agisse de la détermination des médicaments remboursables, ou de la mise en place de protocoles. Parce que cette Haute autorité ne fait que s'ajouter à des structures existantes, un problème d'organisation des pouvoirs se pose.

Par ailleurs, il a été décidé que le Fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique - FOPIM - créé par la loi du 3 mars 2002, serait rattaché à la Haute autorité. Depuis deux ans, malheureusement, le FOPIM n'a pas été en mesure d'assurer de manière indépendante l'information des médecins. Son fonctionnement a été bloqué et nous avons perdu deux ans. Et aujourd'hui, le Gouvernement rattache le pilotage de ce fonds à la Haute autorité, ce qui va encore compliquer le dispositif, sans parler de la légitimité et des ressources qui seront allouées à ce fonds.

M. Michel Vaxès - Cet article organise le transfert à la Haute autorité des fonctions de l'AFSSAPS relatives à l'admission au remboursement et à la gestion du FOPIM. Il ne suffit que de voir les modes de désignation des membres de la Haute autorité pour constater que vous transférez un pôle scientifique vers un pôle politico-scientifique, alors que cette institution sera chargée de questions essentielles pour l'avenir de la prise en charge collective des besoins. L'AFSSAPS et le FOPIM présentaient de meilleures garanties d'indépendance et de transparence, même si vous voulez nous faire croire le contraire. Nous ne pouvons accepter un tel dispositif et défendrons plusieurs amendements en ce sens.

M. Gérard Bapt - S'agissant des ressources transférées à la Haute autorité, je m'interroge sur la notion de produits divers, dons et legs, sans parler des liens avec nombre d'industriels !

Quant à la déontologie, vous ne dites rien des problèmes liés au secret et à la discrétion professionnelle des futurs membres de la Haute autorité. Je vous ai interrogé hier, Monsieur le ministre, sur les conditions d'une éventuelle procédure d'impeachment qui pourrait être déclenchée à l'encontre de personnalités liées à des entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence de la Haute autorité .

M. Richard Mallié - Monsieur le ministre, quelles sont les structures appelées à être remplacées par la Haute autorité, et quelles commissions seraient supprimées ? L'article 20 prévoit le remplacement de l'AFSSAPS par la Haute autorité, et je m'en félicite, mais pourriez-vous nous apporter quelques précisions ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - Monsieur le ministre, nous avons besoin de la Haute autorité de santé pour mieux organiser toute l'évaluation médicale, tant des actes que des produits. Elle permettra de mieux coordonner l'action de l'ANAES, de l'AFSSAPS, de la commission d'évaluation des produits et prestations et la commission de la transparence, ces deux dernières instances ayant vocation à en devenir des commissions spécialisées. Le FOPIM a sans conteste un rôle à jouer. Il a mis beaucoup de temps à démarrer mais sa contribution à la diffusion d'une information objective sur les produits admis au remboursement doit être saluée. Il est donc opportun de l'intégrer à l'AFSSAPS, sachant, contrairement à ce que prétend M. Bapt, qu'il s'agit d'une structure indépendante à vocation scientifique dont il n'est pas sérieux de dire qu'elle est sous la coupe d'intérêts économiques...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Sur ce sujet, M. Bapt fait preuve d'une belle mauvaise foi.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Comme sur tous les autres. La vérité, c'est qu'il n'a rien à proposer sur le fond !

M. le Rapporteur - Je reviens brièvement sur le débat qui nous a agités hier au sujet des affections de longue durée. Je considère que la Haute autorité aura un rôle essentiel à jouer dans les décisions concernant les ALD, aujourd'hui mal traitées alors qu'elles représentent la moitié des dépenses. Il faut en améliorer la prise en charge, en intégrant le fait que l'on ne peut mettre sur un même plan trente affections de nature très différente, et, pour chacune d'entres elles, des pathologies à évolution très différenciée. On ne peut pas envisager de la même manière un cancer de la prostate, relativement facile à traiter s'il est pris à temps, et un cancer du pancréas à évolution foudroyante.

Pour être incontestable dans ses décisions scientifiques, la Haute autorité de santé s'appuiera légitimement sur les sociétés savantes et sur des groupes d'experts. Il n'y a pas lieu de mettre en doute - comme l'ont fait certains hier de manière caricaturale - la faculté de son collège exécutif à la diriger efficacement. Créé il y a deux ans sur un mode d'organisation analogue, l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé fonctionne de manière très satisfaisante.

Cette Haute autorité est amenée à jouer un rôle majeur. Il est indispensable de l'installer dès le début de 2005 car elle permettra d'agir vite et bien.

M. le Ministre - Bravo !

M. Bernard Accoyer - Contrairement aux allégations de nos collègues de l'opposition, la Haute autorité de santé permettra de piloter notre système de santé de manière dynamique, alors que les professionnels sont confrontés à une évolution permanente de la pharmacologie et des protocoles. La prise dans son périmètre de compétences du secrétariat de la CEPP et de la commission de transparence, jusqu'à présent du ressort de l'AFSSAPS, permettra de mieux utiliser les moyens et de répondre de manière plus efficace aux attentes des professionnels de santé. La Haute autorité permettra aussi de mieux diffuser la culture de l'évaluation permanente, dans un système qui a trop longtemps pêché par sa fragmentation et par un certain immobilisme. Abordant la liste des spécialités admises au remboursement, les ministres de la santé successifs ont constaté que nombre d'entre elles, dépassées, rendaient un service médical insuffisant. Il sera bon qu'une autorité indiscutable permette de mettre fin à cette dérive et valide les nouveaux traitements.

Autre intérêt majeur de cette évolution, simplifier le pilotage de l'assurance maladie...

M. Claude Evin - Ce n'est pas du tout évident.

M. Bernard Accoyer - La simplification administrative, c'est toujours un progrès et, en l'espèce, elle bénéficiera directement aux assurés en leur procurant un niveau de soin de meilleure qualité et évalué en permanence.

M. le Ministre - M. Dubernard a raison de considérer que la Haute autorité de santé permettra de progresser dans la définition des protocoles concernant les ALD et d'améliorer la prise en charge des maladies chroniques. Quant au collège exécutif, les conditions de nomination de ses membres garantissent sa qualité et son indépendance.

Merci, Monsieur Mallié, d'avoir relevé que le regroupement de différents comités et commissions au sein de la Haute autorité permettrait de réaliser des économies d'échelle et amènerait une simplification bienvenue.

Monsieur Le Guen, j'ai décrit précisément les liens à établir entre la Haute autorité et les différentes agences. A l'évidence, nous donnons plus de force et plus de cohérence à l'expertise médicale. S'agissant des compétences de sécurité sanitaire dévolues à l'AFSSAPS, un amendement de la commission viendra dissiper les éventuelles ambiguïtés qui pourraient persister.

Quant au FOPIM, créé en décembre 2000 et doté d'un budget de 20 millions, il n'a pas été réuni avant janvier 2002 ! La mission de promotion et d'information sera directement assurée par la Haute autorité.

Monsieur Vaxès, loin de remettre en cause la commission de la transparence, nous la confortons en l'intégrant dans la Haute autorité, dont l'une des missions centrales sera précisément de délivrer une information objective sur le médicament.

S'agissant enfin de la déontologie des membres de l'instance, je puis garantir à M. Bapt que toutes les dispositions utiles ont été prises.

M. le Président - Les amendements 1264 à 1275 et 7022 sont de suppression.

M. François Asensi - Nos amendements visent à supprimer cet article car nous contestons l'opportunité de créer une Haute autorité de santé tendant à reprendre une part des missions de l'AFSSAPS.

M. Alain Vidalies - La question de la cohérence entre l'AFSSAPS et la Haute autorité est un problème qui se posait avant même la présentation du projet. Devant la mission d `information, le directeur de l'AFSSAPS disait attendre de la Haute autorité une certaine valeur ajoutée sur le plan scientifique. En lui transférant simplement des compétences déjà exercées par d'autres organismes, ce n'est pas ce que vous faites. C'est pourquoi notre amendement 7022 est de suppression.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements. Assurer une coordination est indispensable pour permettre à l'AFSSAPS de se recentrer sur ses missions, car ce n'est pas le cas actuellement.

Les amendements identiques 1264 à 1275 et 7022, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - Le rapporteur vient d'exprimer des griefs contre l'APSSAPS. Il faut qu'il nous en dise plus. S'il y a des dysfonctionnements, la Haute autorité va-t-elle y mettre fin ?

M. le Rapporteur - M. Le Guen sait très bien qu'il existe des tensions entre les différentes agences et par exemple entre l'agence française des greffes et l'AFSSAPS, cette dernière ayant exprimé une position sur les transplantations. La coordination est absolument indispensable pour rendre son rôle à chacun.

M. Claude Evin - Hier, le ministre parlait aussi de la coordination entre l'ANAES, l'AFSSAPS et la Haute autorité. Mais si chaque agence fournit une appréciation scientifique et médicale en toute indépendance, il n'est pas besoin de coordonner leur expression. Lorsque l'AFSSAPS émet une appréciation sur les greffes, elle est dans son rôle.

M. le Rapporteur - Il existe un établissement français des greffes.

M. Claude Evin - L'AFSSAPS a émis un avis sur un problème très ponctuel. Il appartient ensuite aux responsables politiques d'apprécier ces avis et d'en tirer les éventuelles conséquences. Dans certains cas, peut-être faut-il repréciser les missions.

M. le Rapporteur - Nous opérons une mise en cohérence.

M. Claude Evin - Créer une superstructure comme la Haute autorité ne simplifiera rien, mais engendrera la confusion.

M. le Ministre- Les différents organismes sont indépendants, certes, mais il faut absolument assurer une cohérence dans les référentiels de bonnes pratiques, que produisent et l'ANAES et l'AFSSAPS. C'est dans ce domaine que la Haute autorité définira une stratégie.

M. le Président - Les amendements identiques 4462 à 4473 suppriment le I de l'article.

M. François Asensi - Le paragraphe I met en cause la CEPP dont les travaux portent essentiellement sur les dispositifs médicaux et qui est gérée par l'AFSSAPS, ainsi que sur les propositions d'amission au remboursement. Les organismes mentionnés n'ont pas failli dans leur travail, et le problème du remboursement n'y est pas lié.

Pour certains médicaments à service médical rendu élevé, le laboratoire ayant obtenu l'AMM n'a pas fait de demande de remboursement par l'assurance maladie. Le prix est donc libre et souvent élevé. C'est un aspect de la médecine à deux vitesses que nous condamnons. Nous voulons que la demande d'AMM et la demande d'inscription sur la liste des médicaments remboursables concordent. Le problème est politique et le transfert à la Haute autorité ne résoudra rien.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements identiques 4462 à 4473, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - Rappel au Règlement. La conférence internationale sur la lutte contre le SIDA. Alors que nous examinons l'avenir de l'assurance maladie, se tient à Bangkok la conférence internationale sur la lutte contre le SIDA. Un des enjeux centraux est le prix des génériques. Nos préoccupations à ce sujet s'inscrivent donc dans une perspective mondiale. Or, après le procès de Pretoria et les accords de l'OMC sur les produits de santé, on pense désormais que, au nom de la protection de la propriété intellectuelle, le prix des génériques augmentera dans les années à venir. C'est la santé de centaines de millions d`hommes qui est en jeu, pas seulement celle des Français, et nous souhaiterions que le Gouvernement s'exprime sur cette grave question.

M. le Ministre - Effectivement, on ne peut débattre de l'assurance maladie sans aborder le problème des génériques et donc mentionner ce qui se passe à Bangkok. L'exemple du Brésil montre que la baisse du prix des génériques entraîne une réduction drastique de la mortalité. Il faut donc à tout prix trouver des solutions allant dans ce sens.

Par ailleurs, l'Assemblée a adopté hier un amendement de M. Mallié portant sur la qualité des génériques. Il faut les développer, mais aussi éviter que se répandent de faux médicaments.

M. Alain Vidalies - Merci de m'avoir répondu immédiatement. Je crois qu'il serait également utile d'avoir, au cours du débat, la position du Gouvernement français sur le prix des génériques, question tout aussi centrale.

M. le Président - Les amendements 4474 à 4485 sont identiques.

M. Michel Vaxès - Nos amendements tendent à supprimer le II de cet article, paragraphe qui organise le transfert de compétences actuellement confiées à la commission de la transparence.

Les amendements 4474 à 4489, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 8290 est rédactionnel.

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 8290, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 4486 à 4497 sont identiques.

M. Michel Vaxès - Nos amendements tendent à supprimer le III de cet article, paragraphe qui transfère à la Haute autorité de santé certaines compétences du FOPIM.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Rejet.

Les amendements 4486 à 4497, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gérard Bapt - Notre amendement 7873 tend à ce que la Haute autorité de santé succède à l'AFSSPS dans ses droits et obligations au titre du fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique. Il serait en effet curieux que le même article supprime le FOPIM tout en attribuant sa tutelle à la Haute autorité de santé.

L'amendement 7873, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8291 rectifié est un amendement de précision.

L'amendement 8291 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'objet de notre amendement 7874 est qu'une base de données permettant la prescription en Dénomination Commune Internationale - DCI - soit mise à la disposition des professionnels avant le 30 juin 2005. La prescription en DCI est la seule manière qu'ont les médecins de s'affranchir des très fortes pressions commerciales des laboratoires pharmaceutiques. Mais pour pouvoir prescrire ainsi, il faut qu'ils disposent d'un logiciel indépendant. Le texte prévoit que la Haute autorité de santé veillera à la qualité scientifique de cet instrument informatique, mais rien ne garantit l'indépendance de celui-ci par rapport aux marques.

Je rappelle que cet amendement avait été adopté à l'unanimité par l'Assemblée et le Sénat dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, mais qu'il a été retiré en CMP à la demande du gouvernement précédent.

Nous demandons un scrutin public sur cet amendement.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. L'objectif est bien de mettre en place rapidement une base de données permettant la prescription en DCI, mais l'amendement vise le FOPIM, alors que celui-ci est intégré par le présent projet dans la Haute autorité de santé.

M. le Ministre - Je vous confirme que la base d'information sur les produits de santé se constitue, mais que cela prend du temps et que le projet est complexe, car l'information est éclatée. Nous procédons donc par étapes, la première - largement entamée - consistant à fusionner la base de l'assurance maladie et celle du Centre national d'information sur les médicaments. Un GIE a été constitué à cet effet à la fin de l'année dernière. L'étape suivante consistera à fusionner la base ainsi obtenue avec celle de l'AFSSAPS.

M. Jean-Marie Le Guen - Les praticiens français disposeront-ils d'un logiciel gratuit d'aide à la prescription en DCI ?

M. le Ministre - Disposeront-ils d'un logiciel indépendant ? Oui, puisqu'il sera certifié. Ce logiciel sera-t-il gratuit ? Non, car tous les logiciels ont un prix.

M. Jean-Marie Le Guen - Mais il permettra la prescription en DCI ?

M. le Ministre - Oui.

A la majorité de 28 voix contre 12, sur 40 votants et 40 suffrages exprimés, l'amendement 7874 n'est pas adopté.

L'article 20 modifié, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 21

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 8292.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous souhaitons nous concerter avec la majorité sur cet amendement très important. Je vous demande donc une suspension de séance, Monsieur le président.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 11 heures 30.

M. le Président - Voici où nous en sommes : sur l'amendement 8292, je suis saisi, je le rappelle, par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. Le président de la commission spéciale m'indique que le sous-amendement 8466 est retiré. Le rapporteur vient de déposer un amendement 8476, sur lequel je suis également saisi d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est donc possible de demander à l'avance plusieurs scrutins publics successifs ?

M. le Président de la commission spéciale. La commission spéciale dans son ensemble a reconnu la nécessité de renforcer le contrôle parlementaire sur les finances sociales de la sécurité sociale qui, on le sait, pèsent plus lourd que le budget de l'Etat. Ce renforcement du contrôle démocratique apparaît d'autant plus opportun que les structures de l'assurance maladie vont être renforcées par la création de l'UNCAM, avec un directeur général chargé de présenter un budget. Tel est l'objet de l'amendement 8292.

M. le Rapporteur de la commission spéciale. Le projet de loi tend à améliorer le pilotage financier de l'assurance maladie, en confiant des responsabilités accrues à l'UNCAM, avec en particulier la création du comité d'alerte. Le pouvoir des caisses en matière budgétaire sera donc renforcé. Il nous semble nécessaire, dans ces conditions, de renforcer le contrôle parlementaire, comme l'a dit le président Bur. Actuellement, la commission des affaires sociales étudie et vote le PLFSS, mais ne dispose pas de pouvoirs équivalents à ceux que possède la commission des finances à travers sa mission d'évaluation et de contrôle. C'est pourquoi je propose, par l'amendement 8476, de créer une MEC au sein de la commission de l'Assemblée et du Sénat saisie au fond des PLFSS. A l'instar de celle de la commission des finances, la MEC de la commission des affaires sociales sera coprésidée par la majorité et par l'opposition.

M. Gérard Bapt - Voilà qui est bien.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous voudrions sous-amender ce qui nous est proposé. D'autre part, nous tenons à ce que notre amendement relatif à l'Office parlementaire soit examiné.

M. le Ministre - Le Gouvernement, sur les deux amendements, s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. Alain Bocquet - Plus nous avançons, plus la brousse s'épaissit. Je demande une suspension de séance pour que nous puissions y voir plus clair.

M. le Président - La suspension est de droit, mais la séance vient d'être suspendue pour cela pendant trois quarts d'heure !

M. Alain Bocquet - Si la majorité a cru devoir ralentir la discussion, nous n'y sommes pour rien.

La séance, suspendue à 11 heures 40, est reprise à 11 heures 50.

M. le Président - Je vous rappelle que les deux amendements de M. Dubernard, 8292 et 8476, ont été présentés et que le ministre s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée. Par ailleurs, deux sous-amendements ont été déposés à l'amendement 8476 : le 8478 de M. Brard et le 8477 de M. Bapt, qui sont en discussion commune.

M. Claude Evin - Dans le nouveau système institutionnel de l'assurance maladie, la décision reposera uniquement sur le directeur de l'UNCAM : le futur conseil des caisses de sécurité sociale aura en effet beaucoup moins de pouvoirs qu'en a aujourd'hui le conseil d'administration des caisses. La masse financière en jeu étant de 130 milliards, il devient donc nécessaire de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement. Pour cela, nous souhaitons la création d'un office parlementaire de contrôle et de suivi de l'assurance maladie, à l'image de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, dont on ne peut que se louer. Il s'agit d'une institution permanente, à la position forte et qui dispose des moyens de fonctionnement nécessaires.

En commission, la majorité a préféré, à cet office, une mission d'évaluation et de contrôle semblable à celle qui existe dans la commission des finances. Cette solution nous semble notoirement insuffisante, mais toujours préférable à la situation actuelle. Les rapporteurs de la commission des affaires sociales ont un pouvoir de contrôle, sur pièces et sur place, dans leurs travaux relatifs à la loi de financement de la sécurité sociale. L'amendement 8292 propose d'étendre ces compétences des rapporteurs à l'ensemble de la commission. A défaut d'office, cela permettrait au moins de fonder la création de la mission d'évaluation de contrôle, et nous acceptons cet amendement comme une toute première avancée. Nous serons donc également favorables à l'amendement 8476, qui propose la création d'une mission d'évaluation et de contrôle au sein de la commission de chaque assemblée saisie au fond des lois de financement de la sécurité sociale.

Cette mission d'évaluation et de contrôle n'a rien à voir avec une nouvelle commission permanente. Elle ne serait compétente que pour les lois de financement de la sécurité sociale. J'attire l'attention sur le fait que cette mission doit absolument disposer des moyens nécessaires pour exercer réellement le contrôle du Parlement. La commission des affaires sociales a vu, depuis les lois organiques de 1996, ses pouvoirs élargis, mais ses moyens n'ont pas suivi, contrairement à ceux de la commission des finances en matière de contrôle des lois de finances.

Les missions des rapporteurs, notamment celles relatives aux contrôles sur pièces et sur place, ne pourront être pleinement efficaces qu'à condition d'être dotées des moyens nécessaires. Nous devons en prendre tous conscience.

M. Richard Mallié - Nous sommes favorables aux deux amendements du rapporteur mais, je suis d'accord avec M. Evin, cette mission doit avoir les moyens de travailler.

M. Jean-Pierre Brard - M. Bur est connu pour sa rigueur et son courage, en particulier contre les lobbies, comme nous avons pu le constater à propos de la distribution de boissons alcoolisées dans les établissements scolaires.

M. Richard Mallié - Au fait !

M. Jean-Pierre Brard - Je pourrais en dire autant à propos de M. Dubernard. Comment des députés aussi brillants peuvent-ils se perdre dans des explications aussi alambiquées ? Vous pourriez être, Monsieur Dubernard, docteur en antiphrase, spécialisé dans la distinction entre les vessies et les lanternes !

Vous prétendez vouloir renforcer le contrôle de l'Assemblée nationale, mais en quoi sera-t-il amélioré puisque tous nos collègues de l'Assemblée ne pourront y participer ?

M. Bapt a déposé un sous-amendement, comme je l'ai fait moi-même, sans pour autant aller aussi loin que l'a si justement proposé M. Evin, en prenant comme référence l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, lequel, grâce à des moyens suffisants et au concours de personnalités scientifiques, a su faire la preuve de son efficacité.

M. Gérard Bapt - L'amendement 8292 de M. Dubernard était en complète contradiction avec le consensus dégagé en commission spéciale pour renforcer le contrôle parlementaire et créer un organe chargé d'un contrôle permanent de notre système de protection sociale.

A présent, le rapporteur nous propose de limiter cette fonction à la commission des affaires sociales, nous privant ainsi du concours du rapporteur pour avis sur le PLFSS, qui est un personnage important, la nomination récente au Gouvernement du dernier titulaire de cette fonction en témoigne.

M. Claude Evin - C'est un marchepied !

M. Gérard Bapt - Et c'est M. Bur qui le remplace !

M. Richard Mallié - Très bon choix !

M. Gérard Bapt - Il est aberrant d'écarter un organisme aussi important que la commission des finances d'un sujet qui met en jeu plus de 120 milliards d'euros, qui participe au prélèvement obligatoire, et qui pose la question du programme pluriannuel de rétablissement des finances publiques tel que proposé à la Commission européenne par le Premier ministre.

Pour ces raisons, je vous propose, par le sous-amendement 8477, de supprimer les termes « au fond » afin d'établir la compétence des membres de la commission des affaires sociales et de la commission des finances.

A la majorité de 52 voix contre 1, sur 55 votants et 53 suffrages exprimés, l'amendement 8292 est adopté.

M. le Président - L'amendement 8476 a été présenté, et nous en venons aux deux sous-amendements en discussion commune.

M. Jean-Pierre Brard - Je présenterai le sous-amendement 8478 rectifié. Comment M.Bur, si talentueux, pourrait-il se retrouver, du fait de sa récente nomination à la commission des finances, rapporteur spécialisé dans les chrysanthèmes ?

M. Claude Evin - On ne fait pas un sous-amendement pour M. Bur, tout de même !

M. Jean-Pierre Brard - On me répond que la tradition constitutionnelle interdit qu'une sorte de mission mixte puisse être commune à deux commissions. Nous avons seulement aujourd'hui, il est vrai, la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, dont l'excellent travail est reconnu par tous. Mais pourquoi se substituer au Conseil constitutionnel et décider à sa place de ce qui serait constitutionnel ou non ? Permettez-moi de vous rappeler que Pierre Mazeaud, l'un des derniers véritables gaullistes, a toujours su distinguer entre l'esprit et la lettre, et sait que la Constitution est un corps vivant dont la lecture évolue. Légiférons donc au mieux, en comptant que le Conseil constitutionnel fera une lecture positive du travail parlementaire.

M. Gérard Bapt - Si l'amendement de M. Dubernard était voté en l'état, la commission des finances serait pratiquement privée de tout son pouvoir de contrôle sur le PLFSS. Le rapport sur le budget de la santé serait discuté dans une commission n'exerçant pas une mission permanente de contrôle budgétaire.

M. le Rapporteur - Avis personnel défavorable à ces deux sous-amendements, contraires à l'esprit du mien. Monsieur Brard, nous avons beaucoup de plaisir à retrouver votre verve, mais il n'est pas raisonnable d'élever le débat au niveau constitutionnel. Comme l'a souligné M. Evin, notre propos est de renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Sur ces questions relatives au fonctionnement de votre Assemblée, le Gouvernement s'en remet à votre sagesse.

M. Jean-Pierre Brard - M. Dubernard ne nous a pas du tout convaincus. Et je lui fais observer qu'aucun renouvellement du Conseil constitutionnel n'étant prévu dans l'immédiat, il est pour le moins prématuré de postuler ! Rappelons-nous tout de même que les sommes mises en jeu par la LFSS sont considérables et qu'il est à ce titre inenvisageable que la commission des finances s'en dessaisisse. Les propos de M. Dubernard témoignent d'un corporatisme malvenu et désuet.

M. Claude Evin - Le rapporteur peut-il confirmer que la mission sera coprésidée par la majorité et l'opposition ?

M. le Rapporteur - Je m'y suis déjà engagé à deux reprises. Nous proposons d'aligner ses règles de fonctionnement sur celles de la MEC relevant de la commission des finances.

Les sous-amendements 8478 rectifié et 8477, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

A la majorité de 50 voix contre 5, sur 55 votants et 55 suffrages exprimés, l'amendement 8476 est adopté.

M. le Président - Le groupe socialiste demande un scrutin public sur le vote des amendements identiques 7279 à 7293.

M. Claude Evin - Par cet amendement, notre groupe souhaite que soit créé un office parlementaire de contrôle et de suivi de l'assurance maladie. Depuis la création par la loi de 1996 d'une loi de financement de la sécurité sociale, le contrôle parlementaire a été sensiblement renforcé, mais il convient de franchir aujourd'hui une étape supplémentaire en créant, à l'instar de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un organe chargé d'éclairer les décisions du législateur dans les domaines relevant de sa compétence. Le rapporteur a rappelé qu'un office parlementaire d'évaluation des politiques de santé avait été créé il y a deux ans. Afin de ne pas multiplier les institutions, nous ne sommes pas opposés à ce que l'office dont nous proposons la création fusionne avec lui, dans ses moyens comme dans ses missions. J'observe que cette proposition va bien au-delà de celle qui a été adoptée tout à l'heure à l'initiative de la commission.

M. le Rapporteur - La défense de cet amendement me donne l'occasion de faire une mise au point. L'office parlementaire d'évaluation des politique de santé a effectivement été créé par la LFSS pour 2003 et il vise à éclairer les choix du législateur dans le domaine de la santé publique. Il fonctionne sur un mode beaucoup plus souple que l'OPECST, dans la mesure où il ne s'entoure que de six experts permanents, les études sur des sujets précis étant demandées aux spécialistes de la discipline. C'est ainsi qu'ont été discutés au début de ce mois deux excellents rapports, celui de notre collègue Marc Bernier, dont je recommande la lecture...

M. le Ministre - Moi aussi !

M. le Rapporteur - ...sur le rapport coût-efficacité du dépistage systématique du cancer du sein, et celui du sénateur Giraud, relatif au dépistage et à la prévention des handicaps de l'enfant. Dans la perspective de la loi de financement pour 2005, notre collègue Cécile Gallez prépare un rapport sur la maladie d'Alzheimer, cependant que le sénateur Deriot traitera de l'obésité. Considérant qu'il faut laisser à cet office le temps de gagner encore en influence, je suggère à M. Evin de retirer les amendements de son groupe, d'autant que notre amendement précédent y apporte une réponse partielle mais solide.

M. Claude Evin - Non, insuffisante parce que trop partielle !

M. le Rapporteur - Dans le schéma d'organisation que nous envisageons, la mission d'évaluation et de contrôle et l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé fonctionneront de pair. Avis défavorable à la création d'un nouvel office.

M. le Ministre - Même avis.

M. Gérard Bapt - L'argumentation de M. Dubernard va pourtant dans le sens de la création d'un office...

M. le Rapporteur - Mais puisqu'il existe déjà !

M. Gérard Bapt - Vous ne pouvez contester qu'il serait intéressant de disposer d'un organisme comparable à l'OPECST. La MEC de la commission des finances - en se substituant à l'office d'évaluation des politiques publiques lorsque celui-ci a atteint ses limites - a aussi montré les avantages d'une structure d'évaluation souple et réactive.

Dans les matières qui nous intéressent, je veux saluer la contribution de l'OPESCT à la réflexion sur la carte Vitale. Les amendements de M. Dionis de Séjour, que l'Assemblée a adoptés à l'unanimité, sur l'extension de l'offre de soins par la télémédecine, provenaient du même office. Il est dommage de laisser aujourd'hui passer l'occasion de mettre en place un véritable contrôle parlementaire dans ce domaine.

M. Jean-Pierre Brard - L'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques auquel j'appartiens fait un travail méticuleux et pérenne, qui va bien au-delà de problèmes de gestion quotidienne. L'office d'évaluation des politiques de santé apporte un éclairage utile pour voter le PLFSS. L'organisme que proposent nos collègues socialistes par cet amendement pourrait réfléchir plus largement à des sujets comme le maintien à domicile, la prévention, la nutrition, le statut de l'industrie pharmaceutique, industrie privée dont, rappelons-le, l'Etat est le client, ce qui nécessite un peu plus de transparence. Monsieur le rapporteur, montrez votre ouverture d'esprit, faites un geste, qui d'ailleurs ne coûtera rien au budget. A voir les moyens de l'office d'évaluation des politiques de santé, comparés à ceux de l'office d'évaluation des choix scientifiques et techniques, vous êtes d'ailleurs bien modeste, masochiste même quand il s'agit de permettre au Parlement de mieux participer à la définition des grandes politiques du pays et non pas seulement à une gestion de problème quotidiens.

M. le Rapporteur - J'ai le plus grand respect pour l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et l'office d'évaluation des politiques de santé s'inspire directement de son esprit...

M. Jean-Pierre Brard - Alors c'est du chewing-gum sans sucre !

M. le Rapporteur - ...mais non de son mode de fonctionnement, inspiré de celui d'un organisme américain qui était trop lourd. Par ailleurs, la MEC a une vision purement financière au départ.

A la majorité de 44 voix contre 9, sur 53 votants et 53 suffrages exprimés, les amendements identiques 7279 à 7293 ne sont pas adoptés.

ART. 21

M. Jean-Pierre Brard - Cet article part d'une bonne intention, mais l'enfer en est pavé, je ne l'apprends pas à l'ancien maire de Lourdes. Il vise en effet à donner un plus grand rôle aux caisses dans la préparation du budget de l'assurance maladie. Nous y sommes tout à fait favorables, à condition qu'on organise une véritable démocratie sanitaire et sociale pour garantir la légitimité des décisions. Or celle-ci n'existe pas puisque, depuis vingt ans, il n'y a pas eu d'élection des représentants des assurés dans les conseils d'administration des caisses. Nous demandons le rétablissement de ces élections. Les conseils renouvelés seront mieux à même d'élaborer le budget de la sécurité sociale avec les pouvoirs publics.

Vous restez au milieu du gué puisque vous confiez une responsabilité supplémentaire aux caisses sans les moderniser. Le rapporteur y voit même un test de leur capacité à gérer le système. Mais elles l'ont toujours fait depuis 1945. Ce que nous voulons, c'est un retour à l'ordre normal. Rétablissez les élections, comme le demande la première organisation syndicale française, et nous pourrons vous suivre.

M. Claude Evin - Vous proposez que les caisses de sécurité sociale fassent des propositions budgétaires, en laissant bien sûr le vote de l'ONDAM au Parlement, mais, comme l'a dit M. Brard, vous n'allez pas au bout de cette démarche. Nous sommes en effet dans un débat récurrent sur la gouvernance de l'assurance maladie et la responsabilité respective des caisses, de l'Etat et du Parlement. Mais vous avez eu le tort de le réduire à la gestion de la médecine ambulatoire. Les caisses de sécurité sociale, dont l'une des missions est de négocier les conventions avec les professions libérales, se sont d'ailleurs peut-être elles-mêmes aussi laissées enfermer dans cette problématique.

Pour que les caisses soient réellement en mesure de faire une préparation budgétaire, il faudrait qu'elles aient autorité sur l'ensemble de l'offre de soins, ce qui n'est pas le cas. J'ai déjà eu l'occasion de dire à cette tribune que vous auriez dû aller au bout de votre démarche et regrouper dans une même instance l'Etat et les caisses de sécurité sociale pour assurer un pilotage unique de l'offre de soins. Cela eût été plus cohérent. Le pouvoir que vous donnez ici aux caisses n'est qu'illusoire.

M. Alain Vidalies - Depuis le début de ce débat, nous expliquons que nous ne croyons pas à l'efficacité des mesures proposées et que ce projet sera donc forcément suivi de mesures plus radicales consistant à restreindre le périmètre de prise en charge des soins ou à augmenter la CSG, tout l'objectif du Gouvernement étant que ces décisions désagréables soient prises par d'autres que lui, en l'occurrence le fameux « proconsul ». Nous trouvons page 223 du rapport confirmation de nos pires craintes : « C'est une responsabilité très étendue qui est ainsi confiée aux caisses et il faut souhaiter qu'elles l'utilisent à plein. D'une certaine manière, cette procédure a valeur de test de la capacité des caisses à gérer effectivement le système. Leurs conseils, à la composition désormais très large, auront ainsi chaque année la possibilité de proposer aux ministres, en temps utile pour la préparation du PLFSS, dans l'hypothèse plus que probable d'une nécessaire réduction du déficit de l'assurance maladie : une augmentation des cotisations d'assurance maladie pesant sur les salariés et/ou les employeurs, un relèvement de la CSG ou des autres recettes affectées à l'assurance maladie, une réduction du périmètre de prise en charge des soins ou toute autre mesure de rationalisation de l'offre, voire de réduction du niveau de remboursement. »

On voit donc bien que le rapporteur lui-même n'attache aucun crédit aux mesures proposées ici et ne pense pas que le projet aboutira à l'équilibre des comptes. Son pronostic est encore plus pessimiste que le nôtre !

M. le Rapporteur - Je suis très fier que ce rapport soit lu en détail par l'opposition...

M. Gérard Bapt - Parfois, vous nous reprochez de ne pas le lire !

M. le Rapporteur - Tout à l'heure, Monsieur Bapt, vous occultiez le fait que la commission, aux travaux de laquelle vous n'avez d'ailleurs pas beaucoup participé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), avait adopté un amendement supprimant la partie de mon commentaire que vous critiquiez.

Permettez-moi, Monsieur Vidalies, de compléter votre citation. Il est en effet écrit ensuite : « Encore le conseil de chaque caisse devra-t-il trouver en son sein un accord sur les mesures à proposer ». Je suis convaincu que ce projet de loi représente la dernière chance de sauver l'assurance maladie. Nous avons l'obligation d'agir. Et moi, je fais confiance aux partenaires sociaux : je sais qu'ils sauront prendre leurs responsabilités.

M. le Président - Nous en arrivons à 28 amendements de suppression.

M. Jean-Pierre Brard - Je constate que M. Dubernard plante des banderilles, ou du moins ce qu'il pense être des banderilles, mais qu'ensuite nous passons à autre chose. Ce n'est pas ma conception du débat. Vous parlez de paritarisme, Monsieur Dubernard, mais celui dont vous parlez est frelaté car il n'est pas assis sur la légitimité du suffrage des salariés, de sorte que les postes accordés font plutôt figure de prébendes.

Nous sommes de farouches partisans de la démocratie sociale. Vous, messieurs les ministres, vous en parlez mais vous ne passez pas à l'acte. Depuis des années, nous demandons le rétablissement des élections à la sécurité sociale. Vous aviez ici l'occasion d'envoyer un signal fort, vous ne l'avez pas saisie. Etant si peu convaincus de la nécessité de développer la démocratie sociale, vous restez très frileux dans le rôle que vous donnez aux caisses. Elles pourront certes proposer un projet de budget, mais en n'intervenant que sur les dépenses et en visant l'équilibre prévu par le cadrage financier pluriannuel des dépenses d'assurance maladie.

Les caisses devront donc s'inscrire dans un cadre déjà préétabli, elles ne pourront pas proposer de nouvelles sources de financement. Quant à la phrase du rapport cité par M. Vidalies, elle montre bien que le rapporteur lui-même ne croit pas à l'impact de la présente réforme. Si vraiment nous nous situons « dans l'hypothèse plus que probable d'une nécessaire réduction du déficit de l'assurance maladie », il faut suspendre nos travaux immédiatement !

L'objectif visé ici est de renvoyer sur les caisses les décisions que le Gouvernement n'osera pas prendre, qu'il s'agisse de dérembourser ou de diminuer la prise en charge des soins. Toujours page 223 du rapport, il est écrit que le « rôle du directeur général sera sans doute crucial ». On sait déjà à quel point les directeurs des ARH permettent au Gouvernement de s'abriter derrière son petit doigt quand il y a une décision désagréable à prendre. Ce nouveau directeur général n'aura aucune légitimité puisqu'il sera nommé par un directeur général lui-même nommé par le ministre. Un directeur général politique sera donc l'homme fort.

Si la reconnaissance aux caisses d'un pouvoir d'initiative pour le PLFSS est une bonne chose, la rédaction proposée, qui travestit l'attente des organisations syndicales, ne nous donne donc pas satisfaction. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Gérard Bapt - Nous la demandons également pour deux raisons.

Tout d'abord, nous sommes dans le flou - car les choses dépendent en cette matière non seulement des textes concernant la protection sociale, mais aussi des lois de décentralisation - au sujet du secteur médico-social. On ne sait pas par qui seront prises les décisions et quels seront les moyens de financement, tant pour le handicap que pour la dépendance.

Ensuite, cet article évoque un « cadrage financier pluriannuel », notion que nous avons sagement supprimée à l'article 19 et qui réapparaîtra à l'article 28. Les ministres nous ont indiqué en commission que la loi organique du 22 juillet 1996 serait prochainement modifiée pour définir ce cadrage, mais nous ne connaissons pas encore le texte du projet - qui, nous dit-on, sera soumis à la commission en septembre ; et alors que seules les lois de financement de la sécurité sociale ou une loi organique peuvent modifier le contenu de la loi de financement, l'article 21 modifie de fait ce contenu.

M. le Rapporteur - Rejet. J'ai du mal à comprendre que le groupe communiste et républicain et le groupe socialiste ne souhaitent pas que les partenaires sociaux jouent un rôle plus important dans une structure qui a été créée sur la base du partenariat...

M. le Ministre - Rejet.

Monsieur Brard, le Gouvernement a mené pendant plusieurs mois une concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux, qui n'ont jamais demandé le retrait de ce projet. La question de la mise en place des élections à la sécurité sociale a été soulevée ; nous sommes arrivés à la même conclusion que les gouvernements qui se sont succédé depuis 1983 : nous disposons, grâce aux élections professionnelles et à l'existence de confédérations représentatives de syndicats de salariés, d'éléments importants sur la légitimité des syndicats.

Monsieur Evin, les choses sont claires quant à la répartition des compétences : l'Etat, à travers le Parlement et le Gouvernement, est garant de la santé publique, de l'accès aux soins et de l'équilibre financier à moyen terme ; pour que l'assurance maladie puisse assumer sa délégation de gestion, il est important qu'elle participe à l'établissement des objectifs financiers. En vertu de l'article 30, les propositions de la caisse nationale seront arrêtées par le conseil ; il n'y aura donc pas de tutelle de l'Etat sur les partenaires sociaux ; en revanche, l'Etat assumera ses responsabilités dans la décision, éclairé par ces propositions.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le ministre, nul ne conteste la nécessité d'un texte ; ce qui est en cause, c'est le contenu de celui que vous nous proposez.

Vous parlez d'« éléments importants » de légitimité : mieux vaudrait que vous n'ayez pas à recourir à ce genre de circonlocutions... On est légitime ou on ne l'est pas ! Jusqu'à nouvel ordre, seules les élections donnent la légitimité. Au demeurant, je ne sais pas très bien pourquoi vous avez besoin de représentants d'organisations syndicales pour appliquer tous les critères que vous avez définis : ils sont tellement contraignants que quelques énarques pourraient s'en charger...Vous dites de façon un peu fallacieuse que les partenaires sociaux vont participer à la définition des objectifs financiers. En vérité, vous ne leur donnez pas la possibilité de décider de nouvelles recettes.

M. le Ministre - Ils ne veulent pas !

M. Jean-Pierre Brard - Proposez-leur !

Les amendements 1276 à 1287 et 7294 à 7308, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures 15.

La séance est levée à 13 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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