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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 10ème jour de séance, 28ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 12 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      ART. 21 2

      ART. 22 5

      MOBILISATION CONTRE L'ANTISÉMITISME 11

      ASSURANCE MALADIE (suite) 11

      ART. 22 (suite) 11

      AVANT L'ART. 23 13

      ART. 23 14

      ART. 24 19

      SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 23

La séance est ouverte à quinze heures quinze.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 1 de notre Règlement. Je ne souhaite naturellement pas être indiscret, Monsieur le ministre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais je suis troublé par votre emploi du temps, tel que diffusé par votre service de presse.

En effet, la Conférence des présidents de notre Assemblée a décidé que nous ne siégerions mardi 13 juillet que le matin mais, si l'on en croit vos services, vous prévoyez également d'assister à nos travaux l'après-midi et le soir. C'est fort dommage, car cela m'empêchera de vous inviter au feu d'artifice qui se tiendra, comme chaque année, à Montreuil (Rires et mouvements divers).

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - C'est fort dommage, en effet, car j'aime beaucoup la commune de Montreuil... (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard - J'en suis heureux, et nous sommes prêts à vous y accueillir lorsque votre CDD de ministre prendra fin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Où se dissimule le rappel au Règlement dans vos propos ?

M. Jean-Pierre Brard - Il s'agit précisément, Monsieur le président, du déroulement de nos travaux, puisqu'en l'absence du ministre, les troupes UMP sont désagrégées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La Conférence des présidents a établi le programme de travail de l'Assemblée nationale au cours de sa réunion du mercredi 7 juillet et c'est ce programme qui vaut, comme vous le savez fort bien, Monsieur Brard. Mais je vais laisser le ministre dévoiler l'intimité de son emploi du temps, s'il le souhaite...

M. le Ministre - J'ai fait savoir à mon cabinet que j'étais à la disposition de la représentation nationale en permanence et aussi longtemps qu'il le faudra.

ART. 21

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - L'amendement 8293 est rédactionnel.

L'amendement 8293, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - J'annonce d'ores et déjà que je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 7875 pourrait également être considéré comme rédactionnel, puisqu'il se limite à préciser ce qui devrait aller de soi, à savoir que c'est l'UNCAM qui pilote le système d'assurance maladie et non chaque caisse nationale.

M. le Rapporteur - La commission a exprimé un avis défavorable. Chaque caisse a son identité propre et chacune, en faisant ses propositions, enrichira la préparation du budget de l'assurance maladie.

M. le Ministre - Tout budget prévisionnel est de la responsabilité de la structure considérée. Il doit donc demeurer de la compétence des organes directeurs de chaque caisse. La coordination se fera d'office, puisque les directeurs des différentes caisses sont membres de plein droit du collège de direction de l'UNCAM.

M. Gérard Bapt - On peut comprendre que les caisses transmettent leurs propositions à l'UNCAM, mais au moins celle-ci devrait-elle être chargée d'en faire la synthèse. De plus, lorsqu'il s'agira de trouver des recettes, le directeur général de l'UNCAM sera amené à écarter certaines des propositions qui lui sont faites. Le proconsul doit assurer la cohérence de l'ensemble.

M. Jean-Luc Préel - Quelle remarque surprenante !

M. Jean-Marie Le Guen - S'il s'agit d'établir le coût de gestion de chaque caisse, on peut comprendre que l'on procède comme le souhaite le Gouvernement, mais s'il s'agit d'évaluer les prestations de manière globale, on ne peut prétendre que les différentes caisses en auront une vision d'ensemble. Comment le pourraient-elles ? C'est l'UNCAM qui sait quelles négociations elle veut mener avec les professions de santé, c'est elle qui est représentée au comité économique du médicament, c'est elle qui discute avec l'Etat de la gestion hospitalière. L'UNCAM, et elle seule, dispose donc d'une vision d'ensemble de ce que seront les coûts de l'assurance maladie. Dans sa rédaction actuelle, l'article est d'une parfaite hypocrisie, puisque l'on prétend que les conseils d'administration des caisses donnent un avis sur des recettes dont elles connaissent peu de choses et sur lesquelles elles n'ont aucune maîtrise.

M. Jean-Luc Préel - Je pense, moi aussi, que la cohérence d'ensemble doit être assurée par l'UNCAM, mais je suis surpris d'entendre mes collègues socialistes vouloir donner plus de pouvoir à celui qu'ils appellent le proconsul. Voudraient-ils en faire un empereur ? (Sourires)

L'amendement 7875 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Nous proposons par notre amendement 7606 que les caisses formulent leurs propositions de budget après consultation des professionnels de santé. Ce serait la moindre des choses pour garantir une cohérence minimale.

M. le Rapporteur - Les professionnels de santé n'ont pas vocation à proposer des mesures concernant l'évolution des charges et des produits des caisses d'assurance maladie. L'amendement 129 de la commission prévoit de les associer d'une façon qui devrait répondre à vos préoccupations, et qui est largement préférable.

M. le Ministre - Cet amendement 129, auquel le Gouvernement est favorable, prévoit en effet la consultation du conseil de surveillance de la CNAM où sont représentés les professionnels et les établissements de santé. Votre amendement sera donc satisfait. Pour l'heure, je vous suggère de le retirer. J'y serai, à défaut, défavorable.

Monsieur Le Guen, notre idée est de mieux coordonner l'action des caisses, pas de les fusionner. Nous souhaitons que chaque caisse soit responsable de son propre budget...

M. Jean-Marie Le Guen - De fonctionnement ou de prestations ? Toute la question est là.

M. le Ministre - L'UNCAM n'a pas vocation à se substituer aux différentes caisses nationales, mais à coordonner notamment leurs relations avec les professionnels de santé.

M. Jean-Luc Préel - Nous ne demandons pas que les professionnels formulent des propositions de recettes et de dépenses, mais que les caisses les consultent avant de formuler les leurs. Le ministre nous dit que tout sera réglé par la consultation du conseil de surveillance, ce que je ne pense pas. Les professionnels doivent être informés, sinon associés.

M. Richard Mallié - Cet amendement serait mieux à sa place à l'article 31 où est créée, outre l'UNCAM, une union nationale des organismes de protection sociale complémentaire. Nous proposerons d'ailleurs alors un sous-amendement prévoyant une meilleure association des professionnels de santé.

M. Jean-Luc Préel - Je vous remercie de votre conseil.

M. Claude Evin - Le conseil de surveillance de la CNAM est présidé par notre collègue Accoyer, lequel n'a pas souvent trouvé le temps de la réunir - surtout depuis qu'il a pris de nouvelles fonctions au sein de notre Assemblée. M. About, vice-président, l'a précipitamment réuni la semaine dernière, mais depuis le début du mandat de M. Accoyer, ce conseil n'a pas dû être convoqué plus de trois ou quatre fois !

Monsieur le ministre, vous auriez dû porter plus d'attention à la question de M. Le Guen tout à l'heure. De quoi parle-t-on ? Du budget de fonctionnement des caisses, c'est-à-dire de leurs charges de personnel et autres dépenses internes, ou de leur budget de prestations ? En réalité, vous demandez aux caisses de préparer l'ONDAM. Est-ce bien cela ?

M. le Ministre - Nous demandons aux caisses de faire des propositions de charges et de produits, ce ne peut être plus clair.

M. Claude Evin - Si le ministre ne nous répond pas, nous allons devoir revenir sur ce point. S'il s'agit de préparer l'ONDAM, il eût fallu le demander à l'UNCAM, et non à chacune des caisses séparément.

L'amendement de notre collègue Préel mérite considération. Il est important en effet d'associer les professionnels de santé, et surtout les établissements de santé, qui n'ont aucune difficulté, eux, à évaluer leurs charges prévisibles. S'il n'est pas possible d'organiser une concertation avec les professionnels et les établissements, au moins faudrait-il les entendre en tant que représentants de l'offre de soins. Peut-être me répondrez-vous que cette concertation aura lieu, s'agissant des établissements, dans le cadre du comité de l'hospitalisation, prévu à l'article 26, si ce n'est que celui-ci n'a pas été conçu pour cela. Bref, voilà une usine à gaz de plus qui nous laisse perplexes ! Je souhaite bon courage, Monsieur le ministre, à celui qui vous succédera... dans quelques semaines (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - S'il s'agit de faire semblant de consulter les partenaires sociaux, encore quelque peu représentés au sein des caisses, soit ! Mais ceux-ci ne répondront pas à votre demande, aucune sanction n'est d'ailleurs prévue s'ils ne le font pas. S'il s'agit bien, comme nous le pensons, de demander aux caisses d'établir un budget prévisionnel de prestations, elles ne seront pas en mesure de le faire, ne disposant pas de la moindre information pour cela. Seule l'UNCAM le pourrait.

L'amendement 7606, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - La CNAM suit parfaitement l'évolution de ses comptes en recettes et en dépenses. Nous souhaitons que chaque caisse établisse un budget prévisionnel de ses produits
- cotisations et impôts - et de ses charges - prestations et fonctionnement. Vous ne pouvez pas à la fois nous reprocher de donner trop de pouvoir à l'UNCAM et de donner à chaque caisse la responsabilité de son budget. Que ne diriez-vous si nous donnions tous pouvoirs en matière de budget à l'UNCAM !

M. le Rapporteur - L'amendement 128 est rédactionnel.

M. le Ministre - Favorable.

M. Jean-Luc Préel - Le ministre ne nous a pas répondu. C'est le directeur général de la CNAM qui sera aussi directeur de l'UNCAM. Il aura tous les pouvoirs.

M. Claude Evin - On voit mal comment chaque caisse pourra, dans ce cadre, préparer son budget pour le 30 juin tout en assurant le versement des prestations ! Cela étant, si nous maintenons notre opposition à la création de l'UNCAM, nous prenons acte de votre décision et nous vous donnons rendez-vous dans un an, Monsieur le ministre.

L'amendement 128, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Etant donné votre libéralité, Monsieur le président, nous ne défendrons que formellement notre amendement 8134.

L'amendement 8134, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 129 est l'amendement consensuel auquel je faisais allusion il y a un instant : sans préjudice pour l'efficacité - les caisses occupent une place centrale dans la procédure de proposition budgétaire -, il s'agit de recueillir, via le conseil de surveillance de la CNAM, l'avis des professionnels et des établissements de santé.

M. le Ministre - Avis conforme.

M. Jean-Marie Le Guen - Pourquoi ne pas faire de même pour les autres régimes, Monsieur le ministre ?

M. Claude Evin - Parce qu'il n'y a pas de conseil de surveillance dans les autres caisses !... Ah, je n'avais pas compris qu'il s'agissait de vérifier si le ministre le savait ! (Sourires)

M. Jean-Luc Préel - Amendement consensuel, dit le rapporteur, mais dans la mesure où vous avez refusé qu'il y ait coordination des propositions au niveau de l'UNCAM, qu'en sera-t-il de la MSA par exemple ? Et comment les professionnels et les établissements pourront-ils donner un avis en l'absence de réelle concertation ?

M. Claude Evin - Je prie M. Le Guen de m'excuser d'avoir saboté son petit examen, mais le ministre aurait été excusable d'ignorer que la CANAM et la MSA ne sont pas dotées de conseils de surveillance, tant celui de la CNAM fait peu parler de lui...

M. Jean-Luc Préel - Il a pourtant été présidé par M. Le Guen !

M. Claude Evin - En effet. Mais voyons un peu à quelle configuration institutionnelle on va aboutir. En vertu de l'ordonnance d'avril 1996, chaque caisse du régime général est dotée d'un conseil de surveillance : vont ainsi coexister ces conseils, le conseil de la CNAM dont il sera bientôt question et un conseil de l'UNCAM. Comment les partenaires sociaux, pour ne pas parler des assurés, vont-ils s'y retrouver ?

Vous ne réglez absolument pas le problème de la consultation des professionnels et des établissements en confiant cette mission au conseil de surveillance ! Nous voterons donc contre cet amendement et nous demandons au Gouvernement de réfléchir à une clarification de cette organisation.

Mme Elisabeth Guigou - Réflexion en effet bien nécessaire !

L'amendement 129, mis aux voix, est adopté.

A la majorité de 45 voix contre 13 sur 58 votants et 58 suffrages exprimés, l'article 21 modifié est adopté.

ART. 22

M. Jean-Luc Préel - Monsieur le ministre, vous créez ici un comité supplémentaire, le comité d'alerte. Etait-ce bien indispensable, sachant que la commission des comptes de la sécurité sociale, que vous présidez et qui se réunit au moins deux fois par an, est en mesure de vous informer tout au long de l'année de la situation financière ? De plus, vous créez par ce projet un Institut national des données de santé qui vous fournira d'autres éléments d'appréciation, espérons-le en temps réel et par régions.

D'autre part, quelle sera la composition exacte de ce comité ? Quelle compétence exigera-t-on de la personnalité qualifiée qui doit y siéger ? Et à quoi servira ce comité ? Tous les problèmes de l'assurance maladie sont dus à la croissance des dépenses de santé, supérieure depuis vingt ans à celle du PIB, et au fait que l'ONDAM n'est jamais respecté. Or, ce n'est pas ce comité qui pourra freiner l'augmentation des dépenses de soins. Quant à l'ONDAM, s'il est dépassé chaque année, c'est que, n'étant pas médicalisé, il est fixé chaque année, par Bercy, en fonction d'un taux d'augmentation irréaliste. La seule solution consisterait à le médicaliser en partant des besoins définis à l'échelle des régions.

Il conviendrait aussi de définir le niveau d'alerte : à partir de quand, selon vous, y a-t-il « risque sérieux » de dépassement ? Par ailleurs, quel sera le champ de compétence de ce comité ? Sera-ce l'ensemble des dépenses ambulatoires, hospitalières et médico-sociales ?

Le Gouvernement et les caisses doivent faire des propositions pour un redressement au cours du deuxième semestre, mais ils ne seront informés de la situation qu'en juin : comment leurs propositions pourront-elles être appliquées à temps ?

La création de ce comité ne réglant ni le problème de l'augmentation des dépenses ni celui du dépassement de l'ONDAM, j'ai bien peur que ce comité ne soit qu'un nouveau comité Théodule !

M. Jean-Marie Le Guen - Si l'on ne considère que cet article, on ne peut qu'être perplexe quant aux raisons d'être de ce comité. Il existe déjà, en effet, une commission des comptes de la sécurité sociale et vous allez créer un Institut des données statistiques... Cependant, votre démarche apparaît plus compréhensible quand on prend en compte l'ensemble du projet, qui vise à doter l'assurance maladie d'institutions de pilotage conçues de telle manière qu'elles permettent de préparer l'opinion à des déremboursements. Dans ce cadre, le nouveau comité ne sera qu'un organe de plus, après l'UNCAM, la commission des comptes et les divers instituts de prévision, à publier des communiqués expliquant que le déficit continue de se creuser. Ensuite, le directeur de l'UNCAM - le proconsul - n'aura qu'à en tirer les conséquences.

Mais on peut aussi adopter le point de vue du paléontologue et aller rechercher votre projet premier pour ce comité. N'ayant pas été soumis à la critique du Conseil d'Etat et des partenaires sociaux, il n'était pas piqué des vers ! Il donnait en effet au comité le pouvoir de fermer tous les robinets... Il était destiné à interdire à l'assurance maladie toute nouvelle action, et donc à appliquer la fameuse maîtrise comptable de la façon la plus absolue.

M. le Ministre - Ce n'est pas vrai.

M. Jean-Marie Le Guen - Je pourrais vous relire cette rédaction.

Vous avez ensuite renoncé à doter le comité d'alerte de cette fonction de coupe-circuit, lui laissant celle d'une sonnette d'alarme destinée à préparer l'opinion. Votre logique est donc bien celle de la maîtrise comptable, qui conduit à creuser toujours davantage le fossé entre le coût des soins et leur remboursement.

M. Claude Evin - Votre intention est qu'après le vote de l'ONDAM par le Parlement, une commission crie : « Attention ! Les dépenses évoluent de façon incompatible avec l'objectif fixé. » Est-il nécessaire pour cela de créer un comité d'alerte ? Chaque fois que la commission des comptes de la sécurité sociale se réunit, elle constate que les dépenses de santé augmentent plus vite que l'ONDAM. Votre comité d'alerte devra donc se réunir dès le 2 janvier ! En fait, l'évolution des dépenses est ou devrait être une préoccupation permanente, sans qu'il soit besoin d'un comité pour lancer l'alerte, à moins que l'on cherche à dramatiser la situation. Or votre démarche consiste bel et bien à transformer la gestion des affaires en opérations de communication. Autrement, votre comité d'alerte est dépourvu de tout intérêt, car chacun sait bien que les dépenses de santé croissent plus fortement et que le PIB et que l'ONDAM. Il serait plus intéressant d'avoir sur ce sujet un débat de fond, car nous ne jugeons pas anormal, quant à nous, que ces dépenses augmentent plus vite que la richesse produite. Ce dont nous avons besoin, ce n'est pas d'un comité d'alerte, mais d'une réforme de l'offre de soins.

M. Gérard Bapt - Nous pourrions reprendre à notre compte les interrogations de M. Préel sur la véritable valeur ajoutée du comité d'alerte par rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale. C'est que ce comité s'est beaucoup transformé depuis le texte présenté au conseil d'Etat. Quand les dépenses de l'assurance maladie, indiquait ce texte, dépassent significativement l'ONDAM, le comité d'alerte le notifie au Parlement, au Gouvernement et à la CNAM. A compter de cette notification, et jusqu'au dépôt du PLFSS au Parlement, aucun accord ayant pour conséquence d'augmenter globalement les dépenses prises en charge par l'assurance maladie ne peut être conclu. Les caisses et le Gouvernement définissent de leur côté les mesures à prendre pour contribuer au respect de l'ONDAM. Ces précisions ayant été retirées, le comité d'alerte n'est plus qu'une coquille vide, qui conserve néanmoins pour vous l'intérêt d'institutionnaliser la dramatisation...

M. le Ministre - Je ne comprends rien à ce que vous dites !

M. Gérard Bapt - Vous dramatisez depuis deux mois en agitant le spectre du déficit, en lançant des appels à la population sur le thème « Sauvons la sécurité sociale », ce qui semble vous réussir momentanément, puisque vous recueillez l'assentiment des sondages du Figaro-magazine...

M. le Ministre - Et de Libération !

M. Gérard Bapt - Ainsi vous est venue l'idée d'un organisme permettant de ressortir périodiquement le même spectacle dramatique.

M. Jean Le Garrec - La lecture de cet article ajoute chez moi la perplexité à l'incompréhension. Pourquoi un comité d'alerte ? Vous l'avez dit vous-même, la CNAM doit s'assurer que le cadre fixé par le Parlement est respecté, suivre l'évolution des comptes en recettes et en dépenses, surveiller leur équilibre et nous informer. Voilà qui est clair.

Ce matin, après quelques difficultés, nous avons renforcé les pouvoirs de contrôle du Parlement.

M. Claude Evin - Bien modestement !

M. Jean Le Garrec - Vous disposez de vos propres services, Bercy possède les siens, comme vous êtes bien placé pour le savoir...A quoi alors sert le comité d'alerte ? Mon métier d'organisation en entreprise m'a appris que lorsqu'on ajoute de la complexité à la complexité et que l'on dilue les lieux de responsabilité, on ne maîtrise plus rien. « Dramatisation », a dit Gérard Bapt. De fait, le mot même que vous avez choisi, « alerte », suggère une vision dramatique de la situation.

Les recettes de la sécurité sociale, vous le savez, dépendent pour une bonne part de la politique du Gouvernement en matière d'emploi et de salaire. J'entends la cacophonie qui règne au sein du Gouvernement, dont la ligne politique est illisible. Le comité d'alerte vous sera-t-il en ce domaine du moindre secours ? Pourquoi ne pas dire directement aux citoyens : « Il vous faut continuer à payer plus, car la sécurité sociale est en péril » ?

M. Jean-Pierre Brard - L'article 22, comme l'article 19, mérite que l'on procède à une double lecture, celle de l'actuelle rédaction et celle de l'avant-projet de loi.

L'article 22 tend à créer un comité d'alerte, présenté comme un outil destiné à renforcer la crédibilité de l'ONDAM. Or si celui-ci est régulièrement dépassé, c'est qu'il ne tient pas compte de la réalité des besoins.

La question est de savoir à quoi va servir le comité d'alerte si l'on ne modifie pas les règles actuelles. Dans un élan de gaullisme inattendu, M. Préel a parlé de comité Théodule et nous ne sommes pas loin de partager ses vues. Nous disposons, en effet, d'ores et déjà d'indicateurs trimestriels sur l'exécution de l'ONDAM. Invariablement, ils témoignent de l'écart entre l'objectif poursuivi et ce qui est réalisé, ce que nous déplorons moins sous l'angle comptable que parce que cela traduit une mauvaise prise en compte des besoins sanitaires de la population.

Dès lors, la création d'un comité d'alerte ne vise-t-elle pas essentiellement à invoquer un déficit organisé, pour légitimer les sacrifices exigés et en tirer profit pour accélérer la privatisation de la sécurité sociale ? Certes, vous répétez à l'envi qu'il n'est dans votre intention ni d'étatiser ni de privatiser la Sécu et, d'une certaine manière, ce n'est pas faux puisque vous voulez en effet et l'étatiser et la privatiser. Votre objectif inavoué est de mettre en place un nouveau gendarme financier et l'avant-projet de loi est à cet égard très instructif, puisque vous envisagiez au départ d'interdire la mise en œuvre de tout accord susceptible d'entraîner une augmentation des dépenses d'assurance maladie dans l'hypothèse où un dépassement de l'ONDAM avait été constaté. Le comité d'alerte se voyait ainsi conférer le pouvoir exorbitant de geler toute nouvelle dépense si l'ONDAM était dépassé. Heureusement, les partenaires sociaux vous ont fait entendre raison et vous avez renoncé à un dispositif qui aurait pu bloquer tout le système. Mais il nous faut rester extrêmement vigilants.

Monsieur le ministre, maire in partibus d'une belle ville à forte tradition théâtrale, vous avez tous les talents d'un excellent metteur en scène. Avec un sens de la dramaturgie qui eût fait merveille à Hollywood, vous prévoyez un élément nouveau tous les ans et pour être bien sûr que la catastrophe arrive, vous l'organisez ! Las, à la différence de notre bon Molière, vous n'êtes pas dans la fiction mais dans le réel...

M. le Ministre - Et je m'en flatte !

M. Jean-Pierre Brard - Auditionné avant la réforme des retraites par notre commission des finances, l'ineffable M. Kessler (Exclamations) nous avait expliqué que les assurances privées étaient tout à fait en mesure de prendre à leur compte les retraites des Français et que ceux-ci n'y verraient que des avantages. Aujourd'hui, votre plan tend à dérouler un scénario catastrophe et vous ne mettez pas votre habileté - on ne peut hélas parler de vertu - au service d'une bonne cause. Vous mitonnez avec amour le plat que vont dévorer avec gloutonnerie les gens d'AXA et tous leurs confrères.

M. le Rapporteur - Ce texte est au contraire vertueux - cela veut dire aussi courageux - et volontariste. Grâce à ses différentes dispositions, l'ONDAM devrait être plus réaliste, ce qui n'est pas un luxe au vu des critiques adressées par la Cour des comptes au sujet de l'exécution de la dépense en 2002 : « L'exercice 2002 s'est en réalité déroulé hors de tout système de régulation et même hors de tout cadre de référence » ou, plus loin : « L'accélération des dépenses et l'écart entre l'objectif et le résultat montrent à la fois que l'objectif n'avait pas été fixé de manière réaliste par rapport aux moyens de régulation mis en œuvre et que les instruments eux-mêmes étaient insuffisants ».

Le comité d'alerte sera un catalyseur pour mieux contrôler l'évolution de la dépense (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Monsieur Préel, je préside la commission des comptes et pour que son travail soit réellement objectif, je mets en place un comité d'alerte indépendant (Murmures sur les bancs du groupe UDF et sur ceux du groupe socialiste). Quant à l'Institut des données de santé, il ne traite absolument pas des comptes mais de la qualité des formations dispensées. C'est à croire que vous ne comprenez rien !

M. Jean-Luc Préel - C'est un peu fort ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - S'agissant de la nécessité de rendre l'ONDAM plus « crédible », nous partageons ce qui a été dit et nous accepterons l'amendement de votre commission tendant à ce que l'objectif prenne en compte les éléments structurels - et éventuellement conjoncturels - de l'évolution de la dépense de santé et à ce que l'écart maximum autorisé entre ce qui est voté et ce qui est réalisé s'établisse à 1 %. Nous souhaitons par ailleurs que le comité d'alerte envisage l'ensemble de la dépense - médecine de ville, hôpital, médico-social - pour apprécier d'éventuels dépassements et que les décisions se prennent en accord avec les professionnels de santé.

Il est exact, Monsieur Le Guen, que la rédaction actuelle du projet de loi n'a rien à voir avec le texte initial et cela est dû au fait que nous avons, nous, l'habitude d'écouter les partenaires sociaux et de prendre en compte leurs avis pour améliorer nos textes ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Et croyez bien que le comité d'alerte n'a rien à voir avec les déremboursements...

M. Jean-Marie Le Guen - A d'autres !

M. le Ministre - Il constitue une aide à la maîtrise médicalisée et n'a rien à voir avec de la maîtrise comptable...

M. Jean-Marie Le Guen - C'est sans doute pour cela qu'il sera présidé par le directeur de l'INSEE, expert en médecine s'il en est !

M. le Ministre - La réalité, c'est que l'ONDAM a été dépassé de 2,6 milliards en 2000 et de 3 milliards en 2001 ! Libre à vous de le contester, mais il nous semble indispensable que le Parlement vote un objectif plus réaliste. A ce sujet, je crois utile de rappeler une nouvelle fois à M. Bapt que l'ONDAM n'est - par définition - pas une enveloppe fermée de crédits limitatifs. Il ne faut donc pas en avoir une vision comptable. Nous souhaitons au contraire que sa fixation donne lieu à concertation.

Enfin, je puis rassurer M. Le Garrec sur un point : nous restons bien dans le champ de la maîtrise médicalisée. Il ne s'agit absolument pas de réintroduire, si peu que ce soit, la logique de la maîtrise comptable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Les amendements 1288 à 1299 visent à supprimer l'article.

M. Jean-Pierre Brard - En effet, car nous avons les plus grands doutes tant sur l'opportunité que sur l'efficacité du comité d'alerte que cet article institue. Du reste, M. Préel et nombre de collègues de l'UMP - dont le silence est assourdissant - ne sont pas loin de partager nos vues.

Je l'ai dit dans mon intervention précédente, nous disposions déjà d'indicateurs réguliers sur l'exécution de l'ONDAM et la dérive observée depuis 1998 sans que l'on parvienne à l'endiguer provient surtout de la défaillance des outils et procédures de régulation et de l'échec patent de l'action structurelle visant à modifier les comportements et l'organisation des soins.

Nous avons en effet les indicateurs de la CNAM et de l'INSEE, nous disposons aussi d'un rapport sur l'exécution de l'ONDAM. Dans ces conditions, pourquoi créer une nouvelle structure, sinon pour qu'un gendarme financier amène les caisses, en cas de dérapage des dépenses, à réduire les taux de remboursement afin d'ajuster les dépenses aux recettes ? C'est la suite logique de l'article précédent, qui permet théoriquement aux caisses d'intervenir sur l'élaboration du PLFSS mais qui les amènerait surtout, comme l'a bien montré le pessimisme du rapporteur concernant l'impact de la présente réforme, à proposer des mesures de restriction et de déremboursement.

En réalité, vous vous défaussez sur les caisses des décisions pénibles qui seront à prendre à la suite des mauvaises mesures que vous prenez aujourd'hui.

Je voudrais souligner pour finir le flou qui entoure la rédaction de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale. L'adverbe « significativement » laisse une grande place à l'aléatoire. On ne peut pas en rester à cet adverbe, sauf à vous signer un blanc-seing, Monsieur le ministre.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 22.

M. Jean-Marie Le Guen - Nos amendements 7309 à 7323 ont le même objet : supprimer ce nouvel objet comptable non identifié qu'est le comité d'alerte. Nous voyons bien qu'il s'inscrit dans une machinerie complexe consistant à pointer le déficit de l'assurance maladie, à en rendre une nouvelle fois coupables les assurés sociaux pour mieux ensuite restreindre les remboursements. On a vu aussi comment le dialogue avec les partenaires sociaux avait amené le Gouvernement à renoncer à son idée première, ce qui nous donne bon espoir d'arriver nous aussi à le convaincre...

M. le Ministre - Tout le monde n'est pas Mailly ou Chérèque ! (Sourires)

M. Jean-Marie Le Guen - Le comité d'alerte est censé être un instrument de la maîtrise médicalisée. C'est sans doute la raison pour laquelle on y trouve le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, le directeur général de l'INSEE et une personnalité qualifiée désignée par le président du Conseil économique et social, toutes personnes qui ont, comme chacun sait, la maîtrise médicalisée au cœur de leurs préoccupations (Sourires). En réalité, ce comité d'alerte est fait pour préparer le terrain aux déremboursements et à la maîtrise comptable.

M. Gérard Bapt - Le rapporteur a parlé à propos de cet article de « catalyseur » qui permettrait de juger de l'opportunité d'une loi de finances rectificative. Mais nous n'avons pas besoin de l'article 22 pour discuter d'une telle loi, que d'ailleurs nous n'avons cessé de réclamer en 2003 lorsque M. Mattei s'inquiétait du déficit abyssal de l'assurance maladie.

Vous nous avez dit, Monsieur le ministre, que l'article 22 avait évolué car vous aviez écouté les partenaires sociaux. J'espère donc que vous écouterez la CFTC lorsqu'elle vous appelle à revenir sur la mesure injuste consistant à plafonner à 50 € par an - et non 15 comme elle le proposait - le ticket modérateur d'ordre public sur les actes et prescriptions. Qui va cinquante fois par an chez le médecin sinon les personnes très malades ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Il est temps que nous disposions d'ONDAM crédibles et inscrits dans la pluriannualité. Il est temps également que l'assurance maladie et le Parlement se dotent d'outils permettant d'assurer un contrôle permanent et fin des dépenses et recettes de l'assurance maladie. Le comité d'alerte apportera une expertise extérieure qui améliorera le pilotage des finances sociales.

Au sujet de l'adverbe « significativement », je voudrais dire à M. Brard que l'amendement 131 vous proposera de fixer à 1 % du budget de l'assurance maladie la dérive maximale autorisée. Cela représente environ 1,3 milliard d'euros, ce qui est déjà énorme. L'idée est que le comité d'alerte puisse accompagner l'assurance maladie dans sa démarche vertueuse vers l'équilibre.

M. le Ministre - Constitué d'experts indépendants, le comité d'alerte garantira une information objective sur le risque de dérive des dépenses d'assurance maladie, information qu'il diffusera auprès des différentes institutions en charge du pilotage financier de celle-ci - Parlement, Gouvernement et caisses. Le Parlement et le Gouvernement ne seront nullement privés de leurs compétences par cet avis purement technique et financier. Compte tenu des éléments fournis par le comité, les caisses nationales et le cas échéant l'Etat pourront proposer des mesures de redressement, dont certaines trouveront leur traduction dans le PLFSS. Ainsi l'ONDAM retrouvera-t-il sa crédibilité.

M. Jean-Marie Le Guen - A la veille de notre débat, le ministre avait déclaré que l'ONDAM devait être une norme respectée...

M. le Ministre - Je n'ai pas dit cela !

M. Jean-Marie Le Guen - Si, vous avez dit devant la mission d'information sur l'assurance maladie qu'il fallait que l'ONDAM soit une norme et qu'il soit respecté...

M. le Ministre - Tout le monde souhaite que l'ONDAM soit respecté, vous aussi, j'espère !

M. Jean-Marie Le Guen - Il y a un mot que vous n'avez effectivement pas employé mais qui est présent dans tous les esprits, c'est l'opposabilité. Vous avez même parlé, dans une interview, de report du déficit d'une année sur l'année suivante.

M. le Ministre - Oui !

M. Jean-Marie Le Guen - Il est clair que c'est la construction d'un ONDAM opposable.

M. le Ministre - Non !

M. Jean-Marie Le Guen - Il s'agit bien de maîtrise comptable, même si vous parlez de maîtrise médicalisée, dont vous ne vous donnez pas les moyens.

M. le Ministre - C'est faux !

M. Jean-Marie Le Guen - Le comité d'alerte n'a d'autre sens que de préparer l'opinion. Ceux qui en doutent peuvent se reporter à la première version de votre projet, dans lequel vous aviez écrit que l'ONDAM était opposable - non pas seulement d'une année à l'autre, mais en temps réel : cela ne s'appelle plus de la maîtrise, mais du rationnement !

M. le Ministre - Nous vous proposons une maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie, nous refusons la maîtrise comptable. Point (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Le « comité Théodule », dixit M. Préel, que vous voulez instituer me fait penser à la sirène qui mobilise les pompiers volontaires sans qu'on sache toujours très bien où est le feu... En vous acharnant à définir des paramètres qui sont mauvais parce qu'ils correspondent à une logique de maîtrise comptable, vous allez à l'échec. Le curseur auquel vous refusez de toucher, c'est celui des recettes ; dès lors, votre comité Théodule permettra d'actualiser le discours catastrophiste qui permettra de livrer l'assurance maladie aux assureurs privées. Ce n'est pas de la maîtrise comptable, j'en suis d'accord, Monsieur le ministre, car c'est bien pire : c'est la destruction de notre système, parce que vos choix politiques sont diamétralement opposés à ceux du Conseil national de la Résistance ! (M. le rapporteur proteste) Vous qui venez de Lyon, Monsieur Dubernard, vous devriez être fidèle plus que tout autre à l'héritage du CNR !

M. le Rapporteur - Relisez mon discours d'introduction !

M. Jean-Pierre Brard - Les discours, on sait ce que ça vaut... Nous jugeons sur les actes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Les amendements 1288 à 1299 et 7309 à 7323, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

MOBILISATION CONTRE L'ANTISÉMITISME

M. Jean-Marc Ayrault - Vendredi dernier, une jeune femme qui était avec son bébé a été victime dans le RER d'une lâche agression, d'une violence extrême et d'inspiration antisémite. L'indignation est générale, et le Président de la République a demandé la mobilisation de tous les Français. Toutes les initiatives qui, au-delà des mots, peuvent contribuer à une prise de conscience doivent être soutenues. A 18 heures, le président du conseil régional d'Ile-de-France, M. Jean-Paul Huchon, invite tous les élus de la région et les parlementaires qui le souhaitent à se retrouver dans l'hémicycle du conseil régional pour manifester leur solidarité avec cette jeune femme et avec toutes les victimes des actes antisémites et racistes. Il serait donc nécessaire, sur le plan symbolique que l'Assemblée interrompe ses travaux environ une heure pour permettre aux députés qui le souhaitent de rejoindre ce rassemblement.

M. le Président - Le président Debré, lors de la séance d'hier matin, avait lui-même fait part de son émotion au nom de l'Assemblée nationale et de l'ensemble des présidents de groupe. Nous approuvons bien entendu toutes les démarches qui ont été engagées pour assurer la manifestation de la vérité, rechercher les coupables et sanctionner cet acte inqualifiable. Vous êtes président de groupe et la suspension que vous avez demandée est de droit. Je suis parallèlement informé d'une démarche du groupe communiste. Je suspendrai donc la séance peu avant 18 heures pour la reprendre une heure après.

M. Jean-Pierre Brard - Sur ce sujet extrêmement grave, il n'y a pas de clivage gauche-droite. Il s'agit de la dignité de la personne et du combat contre des actes inadmissibles, dont la multiplication montre que certaines inhibitions ont hélas été levées. Je me félicite de votre prise de position, Monsieur le président, en faveur d'un rassemblement de tous les républicains car, comme le disait Brecht, le ventre dont est surgie la bête immonde est toujours fécond.

ASSURANCE MALADIE (suite)

ART. 22 (suite)

M. Jean-Luc Préel - Mon amendement 7608 vise à remplacer, dans la composition du comité d'alerte, le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale par le directeur de l'institut des données de santé. En effet la logique voudrait que la commission des comptes soit supprimée. En revanche, l'institut des données de santé étant appelé à recueillir toutes les données médicales, il serait bon, dans l'optique d'une maîtrise médicalisée, que le comité d'alerte en dispose - par exemple en cas d'épidémie.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. L'institut des données de santé a pour rôle de recueillir des données à des fins statistiques ; quant à la commission des comptes, elle n'a aucune raison de disparaître, la sécurité sociale comportant d'autres branches que l'assurance maladie...

M. le Ministre - Même avis. Le rôle de suivi des comptes entre pleinement dans les compétences du secrétaire général de la commission des comptes.

M. Jean-Luc Préel - Il est néanmoins souhaitable que l'évolution des dépenses soit analysée de façon médicalisée par le comité d'alerte.

L'amendement 7608 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Par l'amendement 8294, la commission propose que le comité d'alerte s'adjoigne les compétences du président du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Les parlementaires qui ont participé aux travaux de cette instance ont constaté la pertinence de la réflexion menée, qui a conduit au projet dont nous débattons.

L'amendement 8294, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8295 est rédactionnel.

L'amendement 8295, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Par l'amendement 130, la commission explicite la mission d'analyse confiée au comité d'alerte, qui devra notamment mesurer l'impact des mesures conventionnelles et celui des déterminants conjoncturels et structurels des dépenses d'assurance maladie, comme l'a souligné M. Coulomb dans son rapport relatif à la médicalisation de l'ONDAM.

L'amendement 130, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 7609 tend à préciser l'article, en spécifiant que le comité d'alerte doit appuyer son analyse sur les données fournies en temps réel par l'Institut des données de santé. En acceptant l'amendement, le Gouvernement montrera qu'il souhaite bien une maîtrise médicalisée des dépenses et non une maîtrise comptable.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement. L'Institut des données de santé doit améliorer la connaissance de la gestion du risque, mais il n'a pas vocation à servir de base de données pour l'élaboration du PLFSS.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Même avis. Le Gouvernement n'a pas la même vision que vous de ce que doivent être les missions de l'Institut des données de santé.

L'amendement 7609, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Par l'amendement 8135, nous privilégions la médicalisation de l'ONDAM en précisant que le comité d'alerte n'a pas à intervenir, par exemple, en cas d'épidémie ou de mise au point de traitements nouveaux particulièrement chers. Autrement dit, on ne peut rendre responsables les acteurs du système de santé d'une dérive qui ne leur est pas imputable. On retrouve là la distinction fondamentale entre maîtrise médicalisée et maîtrise comptable des dépenses de l'assurance maladie.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il appartiendra au comité d'alerte d'analyser toutes les causes de dérive des dépenses, quelles qu'elles soient, et de proposer des mesures appropriées. L'amendement restreindrait ses missions.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est exact, et c'est même l'effet recherché !

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable, car l'amendement aurait en effet des conséquences restrictives.

M. Jean-Marie Le Guen - On le voit bien, le débat porte sur la différence entre maîtrise médicalisée et maîtrise comptable. Par le choix qu'il fait, le Gouvernement opte clairement en faveur de la seconde.

L'amendement 8135, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Ce matin, le rapporteur nous disait souhaiter renforcer les pouvoirs du Parlement en créant une sorte de « MEC bis ». Mon amendement 7823 va dans son sens, puisqu'il propose de remplacer le mot « décret » par les mots « le Parlement ». J'espère, Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'avez pas oublié le rôle que vous jouâtes en ces lieux, et que vous accepterez l'amendement.

M. le Rapporteur - Point n'est besoin de rappeler l'évolution des ONDAM successifs, pourtant votés par le Parlement ! J'ai donc quelques raisons de me tourner vers la MEC... (Sourires et mouvements divers) L'amendement sera satisfait par l'amendement 131 de la commission, qui tend à fixer dans la loi le seuil d'intervention du comité d'alerte.

M. le Secrétaire d'Etat - Je pense également que l'amendement 131 de votre commission devrait vous donner satisfaction. Sur un plan plus général, j'ai toujours cru, Monsieur Brard, au rôle du Parlement, mais je crois aussi qu'il doit se consacrer à l'essentiel car « qui trop embrasse mal étreint ».

M. Jean-Pierre Brard - Sans doute n'avez-vous pas été parlementaire assez longtemps pour vous persuader de la primauté du Parlement sur le Gouvernement ! Votre argument n'est pas recevable, et le jeu de mots du rapporteur n'était pas davantage opportun.

L'amendement 7823, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Comme je l'ai dit, l'amendement 131 tend à rendre sa crédibilité à l'ONDAM en prévoyant dans la loi que le seuil d'intervention du comité d'alerte ne pourra être supérieur à un pour cent de l'objectif voté par le Parlement. Je rappelle que, pour 2004, un pour cent supplémentaire correspond à 1,3 milliard d'euros. Le décret pourra fixer un seuil encore inférieur si nécessaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement, qui souhaitait fixer le seuil d'intervention du comité d'alerte par décret, et ne pas le fixer trop haut, s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. Jean-Luc Préel - L'idée de fixer un seuil dans la loi est intéressante, car elle permet d'y voir plus clair. Mais pour que la notion même d'ONDAM ait un sens, l'objectif doit être médicalisé, c'est-à-dire défini en fonction des besoins et, idéalement, par région. Si, au long des années, il a toujours été dépassé, c'est parce qu'il a toujours été fixé de manière irréaliste. Or, le texte ne dit rien à ce sujet. Par ailleurs, une fois le comité d'alerte saisi, de quels moyens disposera-t-il pour ramener les dépenses au niveau voté par le Parlement ?

M. Jean-Marie Le Guen - J'ai du mal à comprendre la réaction du rapporteur. De quoi a-t-il peur pour préciser ainsi que le dérapage de l'ONDAM ne pourra être supérieur à 1 % ? Le Gouvernement craint-il les déficits qu'il va laisser creuser ? Si le comité d'alerte ne se réunissait pas alors que l'ONDAM est dépassé d'un milliard d'euros - comme c'est le cas aujourd'hui -, à quoi pourrait-il bien servir ?

L'amendement 131, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous souhaitons que l'ONDAM soit le plus réaliste possible et pensons que son élaboration à partir des propositions des caisses y aidera. Le comité d'alerte a vocation, bien entendu, à intervenir plus tôt, dès qu'un dérapage est constaté - 1 %, est un maximum. Ne voyez dans notre proposition ni craintes particulières ni malice de la part du Gouvernement.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'article 22.

M. le Rapporteur - L'amendement 8296 supprime le dernier alinéa. Il est inutile que la loi renvoie à un décret simple ses propres modalités d'application.

L'amendement 8296, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8399 est défendu.

M. le Rapporteur - Il est satisfait par le 8296.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 8399, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 132 est rédactionnel.

L'amendement 132, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

A la majorité de 54 voix contre 9, sur 63 votants et 63 suffrages exprimés, l'article 22 modifié est adopté.

AVANT L'ART. 23

M. le Rapporteur - L'amendement 8297 est rédactionnel.

L'amendement 8297, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 23

M. Jean-Luc Préel - Abordant l'article 23, nous avons donc examiné la moitié de ce projet de loi. Siégerons-nous aussi longtemps pour examiner la seconde moitié que la première ? (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste) La question reste ouverte.

Ma première remarque concernant cet article, je le dis d'emblée, ne se veut pas malicieuse. Le Gouvernement a refusé à l'article 21 que l'UNCAM soit associée à la préparation des budgets au motif de laisser son autonomie à chacune des caisses. Or, voilà qu'à l'article 23, il lui confie la fixation des taux de remboursement. Pourquoi ne pas confier celle-ci aux caisses dans le respect de leur autonomie prétendument souhaitée ?

M. Jean-Marie Le Guen - Tout à fait.

M. Jean-Luc Préel - Les décisions concernant le remboursement seront prises après avis de l'Union des complémentaires, celles-ci étant en effet directement concernées. Mais elles sont déjà représentées au conseil d'orientation des caisses. Ne seront-elles donc pas juge et partie ?

Les taux de remboursement seront fixés par l'UNCAM, et non plus par décret, sur proposition de la Haute autorité de santé, laquelle mènera des études scientifiques en s'appuyant sur la commission de la transparence. Le rapporteur reconnaît lui-même dans son rapport que les nouvelles dispositions changent assez peu la procédure actuellement en vigueur. En ce cas, sont-elles bien utiles ? Le ministre se réserve toutefois un droit d'opposition, est-il dit. Mais comment pourra-t-il résister aux diverses pressions, non dénuées d'implications politiques ? La commission de la transparence a déjà réexaminé le service médical rendu de nombreux médicaments, et il était prévu que les médicaments à SMR insuffisant ne soient plus remboursés. Or, force est de constater que vos prédécesseurs, Monsieur le ministre, ont été des plus prudents à dérembourser, pour des raisons économiques vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique, mais aussi parce que tout déremboursement a des incidences sur le niveau des prestations servies par les complémentaires, et inévitablement, à terme, sur le niveau de leurs cotisations. Le nouveau dispositif y changera-t-il quelque chose ? Les faits sont, comme on le sait, têtus.

Enfin, ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre, qu'il faudrait parvenir à hiérarchiser les médicaments à utiliser et les actes à pratiquer pour chaque pathologie, de façon à ne pas recourir systématiquement aux molécules les plus puissantes et aux actes les plus sophistiqués, quand ils ne sont pas nécessaires ? Ainsi, faut-il toujours prescrire des inhibiteurs de la pompe à protons en même temps que des anti-inflammatoires non stéroïdiens pour éviter l'apparition d'un ulcère, ou en réserver la prescription aux patients qui ont eu de multiples ulcères, notamment ceux atteints du syndrome de Zollinger-Ellison ?

M. Jean-Marie Le Guen - Au fil du texte, la pensée du Gouvernement apparaît de plus en plus « brute de décoffrage », dans toute son incohérence. Il est clair, en dépit de ce qu'il voudrait faire croire, que le pilotage budgétaire relèvera désormais de l'UNCAM seule et que les différents régimes n'auront plus leur mot à dire, même si l'on demande à chaque caisse de faire des propositions de budget et si l'on fait semblant de consulter les partenaires sociaux. Le Gouvernement se défausse sur l'UNCAM et son directeur, celui que j'appelle le proconsul, qui aura la responsabilité de définir le panier de soins et d'en fixer le niveau de remboursement. Le ministre conserve seulement la clé de l'éligibilité au remboursement des médicaments - mais pas des actes médicaux, comme nous le verrons à l'article suivant -, le proconsul fixant ensuite seul le taux de remboursement, ce qui permettra au Gouvernement de s'exonérer de toute responsabilité.

Quant à la Haute autorité de santé, qui devait prétendument éclairer les décisions de l'UNCAM au profit d'une maîtrise médicalisée des dépenses, il n'en est plus du tout question ici. L'UNCAM pourra fixer le taux de remboursement d'un médicament ou d'un acte médical, indépendamment de tout avis de la HAS.

C'est donc bien d'un schéma de maîtrise comptable qu'il s'agit globalement : on prépare les déremboursements mais en confiant la décision au proconsul et, pour cela, on n'a même plus besoin de l'habillage scientifique que procurait la Haute autorité ! L'article 24 ira d'ailleurs encore plus loin, puisqu'il donne à l'UNCAM la responsabilité de définir aussi les soins soumis à remboursement...

M. Jean-Pierre Brard - Le cheval de Troie est introduit dans le système de sécurité sociale édifié en 1945 ! Transférant à l'UNCAM le pouvoir de définir les taux de remboursement des médicaments et prestations, cet article dispose en effet que cette dernière prendra avis auprès de l'Union nationale des organismes complémentaires. Lesdits organismes complémentaires seront donc désormais associés à la fixation des taux de remboursement - ce qui ne sera pas sans effet, évidemment, sur le niveau des cotisations !

Certes, vous n'y allez pas au pas de charge, malgré M. le baron Antoine Seillière de La Borde qui vous pousse au crime : vous êtes trop politique pour cela. Vous ménagez donc un « couloir » de remboursement et vous conservez un pouvoir d'opposition - dont la réalité apparaît toutefois bien douteuse : comment désavouer les décisions prises ?

En réalité, ce gouvernement organise un bouleversement de l'architecture de la sécurité sociale. Celle-ci est actuellement composée de trois caisses, dont les spécificités sont d'ailleurs peu exploitées puisque les véritables décisions sont prises par l'Etat, du fait de l'action obstinée menée par ceux qui contestent les principes fondateurs du système, au premier rang desquels la gestion par les assurés eux-mêmes. Votre réforme consistera, elle, à mettre en place une Union nationale de l'assurance maladie, regroupant l'Union des trois caisses actuelles et l'Union des complémentaires - mutuelles, compagnies d'assurance et caisses de prévoyance. Je vois se projeter sur cet édifice l'ombre de M. Kessler, votre mentor, qui vous pique de son aiguillon chaque fois qu'il juge que vous n'allez pas assez vite ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF) Mais le rapport Chadelat suggérait déjà de placer les assurances au cœur du système de protection sociale...

Si le Medef a fini par annoncer son retour, c'est précisément qu'il a obtenu une double victoire. D'abord un renforcement de l'étatisme : comme il l'exigeait, un directeur nommé par l'Etat sera doté de pouvoirs considérablement accrus, au détriment de l'actuel conseil d'administration remplacé par un simple conseil d'orientation. Ensuite - et le paradoxe n'est qu'apparent -, une forme de privatisation, place étant faite aux compagnies d'assurance. Le processus de marchandisation de la santé est désormais en marche !

Mais les Français sont attachés aux conquêtes de la Libération et c'est donc une pilule bien amère qu'il vous faut faire passer. C'est pourquoi vous dites le contraire de ce que vous faites, non sans talent. Mais vous ne tromperez pas longtemps notre peuple : déjà le chaudron bout sous lequel vous soufflez sur les braises ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt - L'UNCAM fixera donc les taux de remboursement après avis des assureurs. Or on voit mal comment l'avis de ces derniers pourrait être défavorable à des déremboursements qui accroîtront leurs parts de marché. Leur objectif n'est-il pas de porter celles-ci, actuellement limitées à 2,8 %, au moins au niveau des parts de la Mutualité, soit 8 % ? En revanche, rien n'indique que le directeur consultera la Haute autorité de santé...

Le rapporteur fait valoir que le ministre pourra faire valoir un droit d'opposition pour des motifs de santé publique et, ajoute-t-il, il ne fait guère de doute que ce pouvoir sera exercé « dans le sens d'une plus grande largesse à l'égard des assurés ». Cette dernière précision trahit la crainte que les décisions de l'UNCAM ne soient très sévères pour les assurés. Pourquoi, dès lors, n'avoir pas modifié l'article en exigeant que l'effort soit équitablement partagé entre les divers financeurs - dont les entreprises ?

M. Jean-Pierre Brard - Le ministre, qui a vanté son aptitude au dialogue, ne nous répondra-t-il pas ?

M. le Ministre - Mais si !

Monsieur Préel, nous entendons hiérarchiser en fonction des pathologies, comme vous le souhaitez. Le SMR sera évalué à cette aune et la dernière loi de financement permet de définir la prise en charge pathologie par pathologie. Le développement des référentiels de bonnes pratiques nous donnera l'occasion de progresser encore sur cette voie, en privilégiant les médicaments et les actes les plus pertinents pour chaque affection. Et il est vrai, le plus pertinent n'est pas toujours le plus cher !

L'UNCAM sera une émanation des régimes d'assurance maladie...

M. Jean-Marie Le Guen - Par quel canal ?

M. le Ministre - Son conseil comprendra des membres des conseils des différentes caisses ; son collège des directeurs regroupera des directeurs des caisses. Mais pourquoi avoir constitué cette quasi-filiale commune, demanderez-vous ? Parce que les caisses ont souhaité une unification des taux de remboursement.

Le Gouvernement ne se défausse pas, Monsieur Le Guen : il ne fait que suivre les suggestions du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie qui a souhaité que soient mis en cohérence les responsabilités des gestionnaires et les outils dont ils disposent. L'Etat a donc donné à ces gestionnaires une plus grande marge d'autonomie en ce qui concerne les taux de remboursement, mais il demeurera le garant, grâce à son droit d'opposition.

M. Brard parle d'étatisme, M. Le Guen dit que l'Etat se défausse...

M. Jean-Marie Le Guen - Pas l'Etat : vous, personnellement !

M. le Ministre - La vérité a toutes chances de se trouver entre ces deux accusations extrêmes : le projet organise une répartition des rôles équilibrée et respectueuse des gestionnaires de l'assurance maladie. C'est d'ailleurs parce que nous ne voulions pas aller contre l'avis des partenaires sociaux que nous n'avons pas fusionné les caisses.

Enfin, Monsieur Brard, les organismes complémentaires assurant une part importante des remboursements, il était logique d'établir un partenariat entre eux et l'assurance de base. Cette dernière restera toutefois prépondérante et nous refuserons les déremboursements. Cette réforme est d'ailleurs l'une des rares qui ne soient pas conçues pour faciliter ces derniers !

M. Jean-Pierre Brard - Je maintiens qu'il y a étatisation : vous dénationalisez et vous étatisez, c'est-à-dire que vous allez vers une gestion plus autoritaire pour complaire au Medef, qui sent bien qu'il ne peut parvenir à ses fins par le dialogue social ! Pour mettre à son service la contrainte étatique, il a ici toute une armée de fantassins et il en profite...

Je vous renvoie aux propos, récemment publiés, de dirigeants du patronat se félicitant de l'espèce d'équilibre auquel vous êtes parvenu, pour le plus grand bénéfice des assureurs privés auxquels vous donnez une bonne part du gâteau. Dénationaliser, comme vous le faites, c'est tourner le dos à la démocratie sociale, en refusant l'expression du suffrage des salariés pour gérer l'assurance maladie.

Avec l'article 23, que nos amendements 1300 à 1311 tendent à supprimer, vous confiez aux partenaires sociaux une responsabilité dans le remboursement des soins, mais après en avoir défini tous les paramètres, ce qui est une manière de les placer en liberté surveillée. Ainsi, au lieu de rénover la démocratie sociale, vous organisez l'étatisation, un mot qui vous a fait réagir, avec en particulier la nomination d'un super-directeur pour gérer la CNAM. D'autre part, vous limitez les possibilités d'action des caisses en décidant d'un couloir à l'intérieur duquel les partenaires sociaux devront se prononcer, sans pouvoir faire plus. Et les décisions sur le niveau de remboursement restent orientées à la baisse. Ainsi le Gouvernement se défausse-t-il sur les caisses d'une responsabilité qui est pourtant de nature politique. Le droit d'opposition, dans ces conditions, est un pur artifice juridique. En effet, ayant placé votre directeur, qui sera à votre botte...

M. le Ministre - Non. Ce n'est pas ma vision des choses !

M. Jean-Pierre Brard - La vision dépend de la météo politique : ce qui va bien par temps clair tourne autrement par mauvais temps, et votre vision pourrait n'être pas celle de votre successeur ! En tout cas, votre dispositif est ainsi conçu que ce directeur sera un homme-lige du Gouvernement - j'attends que vous nous démontriez le contraire... Le directeur ainsi mis en place, vous n'aurez aucune raison de le déjuger puisqu'il ne sera que votre porte-parole.

L'article 23 tend aussi à prendre l'« avis » des organismes complémentaires, qu'ainsi vous commencez à introduire dans la gestion du risque dans les termes voulus par les assurances et par le Medef, à savoir que la sécurité sociale se limitera aux gros risques et que les petits risques seront assurés par chacun selon ses moyens, prélude au système à deux vitesses à l'oeuvre aux Etats-Unis.

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux amendements.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 1300 à 1311, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Brard - Le ministre est tellement convaincu de ce qu'il dit qu'il ne répond pas, et le rapporteur pas davantage. Qu'ils nous prouvent plutôt que le texte contient le contraire de ce que je dis !

M. le Rapporteur - Le paritarisme, qui est la gestion par les représentants des travailleurs et des employeurs, est conforme à l'esprit du Conseil national de la Résistance, auquel les gaullistes sont extrêmement attachés.

M. le Président - Ainsi que nous en sommes convenus tout à l'heure, je suspends la séance pour une heure.

La séance, suspendue à 17 heures 50, est reprise à 18 heures 55.

M. le Président - Les amendements 4498 à 4509 sont identiques.

M. Jean-Pierre Brard - Ils visent à supprimer le I de l'article 23. Nous contestons en effet la logique du Gouvernement, car elle tend à établir un système à deux vitesses éminemment inégalitaire. Notre rapporteur faisait référence tout à l'heure à la Résistance et il avait raison car c'est un bel épisode de notre histoire. Las, que ne s'inspire-t-il du programme du CNR, tendant à établir une véritable démocratie économique et sociale grâce à l'éviction des grandes féodalités - ce sont bien les dynasties telles que celle du baron Seillière qui étaient visées ! -, et à substituer l'intérêt général aux intérêts particuliers en s'affranchissant de la dictature du patronat ? Le même Conseil national de la Résistance prônait la reconstitution de syndicats libres et forts et le lancement d'un plan complet de sécurité sociale, visant à garantir à tous des moyens d'existence et une protection sociale appartenant en propre à ses seuls assurés et à l'Etat. Vous avez choisi de dilapider cet héritage prestigieux et, à en croire les gazettes, le proconsul du nouveau régime est déjà choisi. Marqué par sa connivence avec le Gouvernement, il a montré au cabinet du Premier ministre qu'il savait manier la hache.

C'est un homme qui n'hésitera pas à brader l'héritage national ; ce sera un homme connu pour ses idées rétrogrades et qui saura servir de paravent au Gouvernement. Cet homme pourrait bien être M. Charpy. Si c'est bien lui qui doit être nommé proconsul, à qui ferez-vous croire qu'il ne s'agit pas là d'une jambe de bois que vous avez trouvée sur le marché des produits que le départ du Premier ministre ne manquera pas de démonétiser et qu'il faudra recycler ?

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - On ne peut pas s'amuser ainsi, Monsieur Brard, aux dépens d'un excellent fonctionnaire qui sert le Premier ministre. Il n'est pas question d'une médecine à deux vitesse, ni d'une médecine pour le petit risque et d'une autre pour le grand risque.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est M. Barrot qui va être content !

M. le Ministre - Moi, je suis contre. Quoi qu'il en soit, vous saurez à temps qui sera le futur directeur de la CNAM. Pour le moment, la loi n'est pas encore votée.

Les amendements 4498 à 4509, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 4510 à 4521 sont identiques.

M. Jean-Pierre Brard - Ils tendent à supprimer le 1° du I de cet article. En ce qui concerne le proconsul, Monsieur le ministre, je pense que votre silence vaut aveu, et le fait que vous jugiez l'homme en question comme un excellent fonctionnaire ne nous rassure guère, car vous avez précisément besoin d'un excellent fonctionnaire, exécutant au doigt et à l'œil la politique voulue par le Gouvernement.

Vous dites que vous êtes contre la distinction entre petit et grand risque, mais comme les complémentaires ne couvriront pas les gens de la même façon selon leur niveau de cotisation et selon la « rentabilité » du risque, il y aura bien un remboursement à deux vitesses.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 4510 à 4521, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 4522 à 4533 sont identiques.

M. Jean-Pierre Brard - Ils sont défendus.

Les amendements 4522 à 4533 mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 4534 à 4545 sont identiques.

M. Jean-Pierre Brard - Ils sont défendus.

Les amendements 4534 à 4545 mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 1336 à 1347 sont identiques.

M. Jean-Pierre Brard - M. Dubernard nous a dit tout à l'heure qu'il était un gaulliste...

M. le Rapporteur - J'ai dit que je vous raconterais ma Résistance...

M. Jean-Pierre Brard - Il ne suffit pas de la raconter, il faut continuer à la faire vivre ! Mais puisque chacun se réfère à la Libération, permettez-moi de vous lire un extrait de l'appel des résistants signé par Lucie et Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey : « Au moment ou nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle ».

Dites-moi, Monsieur le rapporteur, comment vous comptez répondre à cet appel des héros de la Résistance.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé les amendements 1336 à 1347, car la compétence à laquelle ils se réfèrent est celle de l'UNCAM.

M. le Ministre - Défavorable.

Les amendements 1336 à 1347, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 7574 est défendu.

L'amendement 7574, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 7573 est défendu.

L'amendement 7573, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 7878 est défendu.

L'amendement 7878, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8298 rectifié est un amendement de conséquence.

L'amendement 8298 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 7876 rectifié précise que la décision du ministre doit être motivée.

M. le Rapporteur - La commission l'a accepté.

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 7876 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Notre amendement 7877 tend à ce que le ministre puisse s'opposer à la décision de l'UNCAM de réduire le taux de remboursement des médicaments.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - S'agissant des médicaments, l'UNCAM ne pourra fixer leur taux de prise en charge que conformément aux catégories de ticket modérateur qui auront été préalablement établies par elles, sous réserve que le ministre ne s'y soit pas opposé pour des motifs qui ne peuvent être que de santé publique. L'application des taux à chaque médicament sera donc très encadrée et il n'y a pas lieu de prévoir un pouvoir d'opposition du ministre, qui ne ferait d'ailleurs qu'allonger les délais d'inscription au remboursement.

L'amendement 7877, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Dans ma défense de l'amendement 4546, je voudrais revenir à l'appel des résistants, pour en citer un nouvel extrait : « Nous appelons les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l'anniversaire du programme du conseil national de la Résistance adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 : sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des féodalités économiques, droit à la culture et à l'éducation pour tous, presse délivrée de l'argent et de la corruption, lois sociales ouvrières et agricoles... Comment peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l'Europe était ruinée ? »

En répondant tout à l'heure à M. Le Guen, le ministre a affirmé la primauté du politique. Qu'il le prouve en ne se laissant pas impressionner par la dictature des marchés financiers et en faisant honneur au combat de nos aînés !

M. le Rapporteur - L'exposé sommaire de cet amendement comporte une erreur : les complémentaires santé ne sont pas inscrites dans l'UNCAM ; il y aura une union des complémentaires distincte.

Rejet, car supprimer le II, ce serait affaiblir le texte. Or nous sommes très attachés à l'idée d'accroître les responsabilités des partenaires sociaux.

Les amendements 4546 à 4557, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Brard - Les amendements 1312 à 1323 sont défendus.

Les amendements 1312 à 1323, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 23 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 24

M. Jean-Luc Préel - Cet article complétant l'article 23, je renouvelle mes questions, Monsieur le ministre.

A l'article 21, lorsque je vous avais demandé pourquoi on ne donnait pas à l'UNCAM la possibilité de préparer le budget, vous nous aviez expliqué que vous souhaitiez maintenir l'autonomie des caisses. Or, dans les articles 23 et 24, vous demandez à l'UNCAM de fixer les taux de remboursement des actes - lesquels ne sont pas sans conséquence sur le budget des caisses...

Par ailleurs, à ces articles, les propositions de la Haute autorité de santé concernant l'opportunité des remboursements ne sont pas suffisamment prises en compte.

Quant aux complémentaires, vous avez prévu de les associer au conseil d'orientation de la CNAM ; leur degré d'intervention étant fonction des remboursements du régime de base, elles seront donc juges et parties.

J'avais aussi évoqué le rôle d'opposition du ministre. Pour les médicaments, il est arrivé que vos prédécesseurs refusent un déremboursement alors que la commission de transparence avait jugé insuffisant le service médical rendu, parce qu'ils tenaient compte d'autres critères ; de même, lorsque l'UNCAM fera des propositions, le ministre ne fera-t-il pas usage d'un pouvoir d'opposition parce qu'il sera sensible aux demandes des médecins ou de l'industrie pharmaceutique ?

Enfin, nous souhaitons que le délai entre une innovation et sa prise en charge par l'assurance maladie soit moins long qu'aujourd'hui.

M. Jean-Marie Le Guen - Les articles 23 et 24, en effet, contredisent totalement l'article 21. Le pouvoir se trouve concentré entre les mains de l'UNCAM.

On peut s'interroger aussi sur la différence de traitement entre le médicament et les actes médicaux : l'Etat conserve un rôle moteur en matière de médicament, mais ce n'est pas le cas ici. Ce sont d'ailleurs des fonctionnaires qui vont gérer la politique du médicament, et non le ministre ; pourtant, il revient au pouvoir politique d'arbitrer entre les différents intérêts.

En fait, votre projet a pour seul fil conducteur l'idée de confier aux proconsuls l'ensemble des responsabilités, afin de permettre au pouvoir politique de se dédouaner en matière de déremboursements. Cela nous préoccupe à la fois pour l'avenir de l'assurance maladie et pour l'avenir de notre démocratie : si le pouvoir politique se donne une image d'irresponsabilité, nos concitoyens voudront-ils participer à des élections ?

De même que ce matin, nous avons renoncé à instituer un contrôle suffisant de la part du Parlement, le pouvoir exécutif renonce à ses prérogatives au profit d'organismes obscurs qui ne doivent rendre de comptes à personne.

M. Jean-Pierre Brard - Nous sommes toujours dans la même logique. M. Dubernard a beau nous parler de paritarisme, on en reste au discours. Dans le programme du CNR, il s'agissait de donner le pouvoir aux représentants des salariés ; mais vous ne voulez pas rétablir les élections... Il est vrai, Monsieur le rapporteur, que vous jouez votre rôle : vous servez de bouclier au Gouvernement, qui est assez habile pour ne pas s'exposer ! Mais ce faisant, vous n'êtes pas fidèle à l'esprit du programme du CNR.

Les amendements de suppression de l'article sont défendus.

Les amendements 1360 à 1371, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Richard Mallié - L'amendement 8450, deuxième rectification, réécrit l'article. Il dispose que la hiérarchisation des prestations et des actes est établie dans le respect des règles déterminées par des commissions créées pour chaque profession conventionnée. Les conditions d'inscription d'un acte ou d'une prestation et leur modification, de même que l'inscription d'un acte ou d'une prescription et sa radiation, sont décidées par l'UNCAM après avis de la Haute autorité de santé ; l'UNCAM peut aussi solliciter l'avis de l'ANAES. L'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire rend également un avis. Enfin, les décisions de l'UNCAM sont réputées approuvées sauf opposition motivée du ministre. Il conserve donc ses prérogatives, d'autant qu'il peut procéder à l'inscription ou à la radiation d'office d'un acte ou d'une prestation pour des raisons de santé publique.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement, qu'à titre personnel je trouve excellent. Il fait en effet une synthèse brillante des amendements 133 rectifié, 134 et 135 rectifié de la commission, et je suis plus que favorable à son adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - On ne peut ainsi réécrire un article par le biais d'un amendement que la commission n'a pas examiné ! Je demande une suspension de séance de dix minutes pour que notre groupe puisse examiner l'implication de la proposition qui nous est faite.

M. le Président - Cinq minutes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 19 heures 35 est reprise à 19 heures 40.

M. le Rapporteur - Le sous-amendement 8438, deuxième rectification, tend à prendre en compte les actes dits « émergents». Le président de la fédération hospitalière de France, M. Evin ici présent...

M. Claude Evin - J'ai déjà eu l'occasion de dire que je ne siège pas dans l'hémicycle à ce titre !

M. le Rapporteur - ...M. Evin, donc, ne me contredira pas si j'explique que lorsque des actes sont en phase de recherche clinique, il est extrêmement difficile pour les hôpitaux et pour les médecins libéraux d'en obtenir le remboursement.

Quelques exemples. Pour la lithotritie, nouvelle technique d'élimination des calculs rénaux qui permet d'éviter la chirurgie, il a fallu quinze ans pour que l'usage du lithotrypteur soit intégré dans la nomenclature. Certain ministre de la santé, que j'ai déjà cité en la personne de Claude Evin, avait d'ailleurs joué un rôle-clé pour que ce nouveau type de traitement soit codifié et pris en charge...

M. Claude Evin - Ce n'a pas été, je crois, son seul rôle-clé... (Sourires)

M. le Rapporteur - Parmi ces actes dits « émergents », on trouve aussi l'endoscopie des voies lacrymales ou le traitement du cancer localisé de la prostate par ablatherm, technique qui, là encore, permet par ultra-sons d'éviter la chirurgie. Depuis huit ans, cet appareil est régulièrement utilisé à l'hôpital public mais son usage s'est moins développé qu'à l'étranger parce qu'on a mis beaucoup de temps avant de codifier son utilisation et de la rembourser. Le sous-amendement que je propose permettrait précisément que ces « actes émergents » puissent figurer à la nomenclature sous un libellé et un code spécifiques, sans mention de tarification vu l'absence d'évaluation.

M. le Ministre - Favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement. L'amendement 8450 deuxième rectification, qui réécrit totalement l'article et va donc faire tomber quantité d'amendements, nous a été présenté au dernier moment. Il y est question de « hiérarchisation » des prestations et des actes quand le code de la sécurité sociale ne parlait jusqu'à présent que de « cotation ». De même, un rôle y est donné à l'ANAES alors que l'HAS, tout nouvellement créée, est court-circuitée. Nous demandons une suspension de séance de cinq minutes pour essayer de comprendre de quoi il s'agit - mais il serait plus judicieux de lever la séance et de reprendre tout cela à 21 heures 30.

M. le Président - La suspension est de droit. Je vous accorde une minute.

M. Jean-Marie Le Guen - Ce n'est pas sérieux ! Nous ne savons pas de quoi il est question dans cet amendement de dernière minute.

La séance, suspendue à 19 heures 50, est reprise à 19 heures 51.

M. Richard Mallié - Je n'ai jamais caché que cet amendement réécrivait totalement l'article, qui devait de toute façon l'être, l'ordre des alinéas n'étant pas bon. La hiérarchisation sera établie dans le respect des règles fixées par des commissions de professionnels, décidée par l'UNCAM, après avis de l'HAS et, éventuellement, de l'ANAES. Je ne vois pas ce qui serait obscur là-dedans. Le rapporteur a souhaité que l'on tienne compte des actes émergents et proposé un sous-amendement à cet effet, auquel je n'ai aucune objection.

M. Jean-Marie Le Guen - Pourquoi ce terme de « hiérarchisation » ?

M. Richard Mallié - Il remplace celui de « cotation ».

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne l'ai jamais vu utilisé dans le code de la sécurité sociale. Notre langage est déjà très abscons, incompréhensible de la plus grande partie de la population. Voilà maintenant que nous risquons de ne même plus nous comprendre entre nous !

Je vous fais par ailleurs observer, cher collègue Mallié, que votre amendement comporte deux erreurs de forme. Ce n'est certes n'est pas le plus important ! Mais tout de même...

Et dans quelles conditions seront désignées les personnalités appelées à présider les commissions de professionnels ? Pourquoi faites-vous référence tantôt à l'ANAES, tantôt à l'HAS ? Pourquoi voulez-vous court-circuiter l'HAS ? Nous n'en savons rien. Il n'est pas acceptable de travailler dans ces conditions. Pour toutes ces raisons, parce que cet amendement et ce sous-amendement sont d'une extrême confusion, nous demandons qu'un scrutin public ait lieu au début de la prochaine séance. Déposez un sous-amendement substituant au mot « hiérarchisation » celui de « cotation », et tout sera clair.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur le sous-amendement 8438 deuxième rectification et sur l'amendement 8450 deuxième rectification.

M. le Rapporteur - Monsieur Le Guen, la nouvelle classification des actes médicaux ne fait plus référence à la cotation tarifaire des actes, mais bien à leur hiérarchisation. M. Mallié n'a fait qu'anticiper, et à juste titre, le nouveau vocabulaire.

M. Jean-Luc Préel - Cet amendement et ce sous-amendement répondent à deux questions que j'avais posées. Le première sur la hiérarchisation des actes : j'ai déposé en commission un amendement à ce sujet, que le rapporteur m'a invité à retirer, au motif qu'il n'était pas bien rédigé. Je regrette que la teneur n'en ait pas été reprise dans celui de notre collègue.

Cette hiérarchisation est importante pour la nouvelle classification et elle est de nature à faciliter l'adaptation des traitements à chaque pathologie et à chaque patient.

D'autre part, le sous-amendement du rapporteur permettra de prendre plus rapidement en compte les innovations thérapeutiques, ce qui est une bonne chose. Je souscris donc à l'amendement et au sous-amendement et, s'il apparaît nécessaire d'en améliorer la rédaction, peut-être le Sénat pourra-t-il y pourvoir ?

M. le Rapporteur - Nous sommes en effet d'accord pour ce qui est de la prise en compte des actes « émergents ». Et je reconnais volontiers que vous aviez anticipé en déposant un amendement qui visait déjà à substituer « hiérarchisation » à « cotation tarifaire ». Le président Bur et moi-même y étions favorable mais - ce sont des choses qui arrivent - l'amendement a néanmoins été repoussé par la commission. Aujourd'hui, je ne puis faire autrement que vous associer à M. Mallié dans mes remerciements.

M. Claude Evin - Nous n'avons toujours pas de réponse en ce qui concerne l'ANAES ! (Il lève la main pour obtenir la parole)

A la majorité de 55 voix contre 6, sur 62 votants et 61 suffrages exprimés, le sous-amendement 8438, deuxième rectification, est adopté.

A la majorité de 51 voix contre 3, sur 54 votants et 54 suffrages exprimés, l'amendement 8450, deuxième rectification, ainsi sous-amendé, est adopté, et l'article 24 est ainsi rédigé.

M. le Président - Tous les autres amendements à l'article 24 tombent.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - J'ai reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la bioéthique.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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