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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 13ème jour de séance, 33ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 16 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      RAPPEL AU RÈGLEMENT 2

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      ART.30 (suite) 2

      APRÈS L'ART. 30 18

      CONVOCATION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 22

La séance est ouverte à neuf heures trente.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Hervé Mariton - Les Français comprennent que nous consacrions de nombreuses heures à la réforme de l'assurance maladie. Néanmoins, la motivation des uns et des autres m'est apparue inégale, nos collègues socialistes défendant des amendements démultipliés essentiellement pour livrer une bataille d'obstruction. Hier soir, en outre, ils n'avaient qu'un seul représentant dans l'hémicycle pour débattre d'un sujet aussi fondamental. Chacun jugera.

M. Jacques Desallangre - Vous êtes huit ! Qu'est-ce que vous racontez ?

M. Jean-Marie Le Guen - Nous étions hier soir dans un tunnel, le Gouvernement ayant refusé de répondre à un certain nombre d'amendements du groupe communiste. Mais venant de vous, qui avez été le « muet du sérail » parce que vous aviez des consignes pour ne pas défendre ce projet...

M. Hervé Mariton - Nous le défendons !

M. Jean-Marie Le Guen - ...cette provocation est petite et vindicative. La seule fois que vous êtes intervenu, vous avez été contraint de vous excuser !

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen - Alors que la Conférence des présidents a décidé un vote sur l'ensemble du projet mardi, le représentant de la majorité ne trouve rien de mieux à faire que de jeter de l'huile sur le feu, sans doute parce qu'il veut montrer que l'opposition existe, à moins qu'il ne s'agisse pour lui de faire diversion sur sa passivité pendant un mois. Dans ces conditions, il est préférable d'arrêter immédiatement nos débats !

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement ! Nous continuerons à défendre nos très nombreux amendements et nous ne changerons pas d'attitude. Nous avons un contre-projet et quelles que soient les provocations de la droite, nous le défendrons. Nos débats se termineront lorsque nous en aurons fini, voilà tout.

ART.30 (suite)

Mme Anne-Marie Comparini - L'amendement 7508 de M. Préel vise à apporter une précision rédactionnelle.

L'hôpital n'ayant pas selon nous suffisamment d'importance dans ce texte, nous proposons d'insérer les mots « y compris les établissements de santé » après les mots « système de soins » dans le neuvième alinéa (1°) de l'article L. 221-3 du code de la sécurité sociale.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - C'est une louable intention...

M. Maxime Gremetz - Ah ?

M. le Rapporteur - ...mais nous avons déjà abordé ce problème à l'article 26 en créant le comité national d'hospitalisation. Un amendement de la commission, en outre, a permis d'assurer une meilleure coordination entre l'hôpital et l'assurance maladie. Avis défavorable.

Mme Anne-Marie Comparini - Etant comme tous les membres du groupe UDF très attachée au lien entre l'hôpital et la médecine de ville, je maintiens cet amendement.

M. Maxime Gremetz - Très bien.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Sagesse.

L'amendement 7508, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Hier soir, Monsieur le Président, j'aurais voulu poser certaines questions à M. le ministre, mais il n'était pas là, comme il nous en avait d'ailleurs prévenus, de sorte que je les pose maintenant. Elles concernent l'accord avec les chirurgiens. Nous avions apprécié le travail de notre collègue Domergue, mais je m'interroge sur le coût de cet accord et sur la prise en charge de ce coût. Certaines informations parues dans la presse suggèrent qu'il serait de 200 millions d'euros. Or, à en croire la presse, une information en provenance du cabinet de M. le ministre indique qu'une enveloppe de 45 millions d'euros seulement est aujourd'hui prévue et que des démarches sont faites auprès des complémentaires. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous confirmer ce coût global de 200 millions et nous préciser comment il sera pris en charge ?

M. le Ministre - Le sujet est important, car il n'y aura plus de chirurgie en France si l'on ne fait rien... Plusieurs éléments sont aujourd'hui gravement préoccupants. Le premier est l'âge moyen des chirurgiens, qui est de cinquante-cinq ans. Le deuxième est que le KC n'a pas été réévalué depuis quinze ou vingt ans. Enfin, certaines spécialités sont tout à fait en danger. C'est pourquoi Bernard Kouchner avait prévu l'examen classant annuel, que nous reprenons, tout en prévoyant un nombre de postes précis par spécialité. Comme vous le dites, nous sommes en train de parler avec les chirurgiens pour trouver une issue. Le coût sera-t-il de 200 millions ? Je ne sais pas : la discussion est en cours, le chiffrage n'est pas achevé, et aucune décision n'est encore prise. Je vais regarder d'où vient cette information de source gouvernementale que vous citez.

M. le Président - Je suis saisi des amendements identiques 4810 à 4821.

M. Maxime Gremetz - Ces amendements ont pour objet de supprimer le onzième alinéa du II de cet article 30. Nous tenons pour inacceptables les dispositions proposées en matière de gouvernance. A l'heure où chacun parle de démocratie, de concertation, de responsabilité, nous déplorons que le conseil d'administration soit remplacé par un conseil qui n'aura plus qu'une valeur symbolique, puisque le directeur va décider et surtout contrôler les directeurs des caisses locales. C'est une preuve supplémentaire de la mise en place d'une organisation verticale, avec au sommet un super-PDG qui dirige tout avec le Gouvernement - puisqu'il sera désigné par le ministre de la santé. Cette conception centralisée et directive, quel que soit le gouvernement, n'est pas bonne pour la sécurité sociale, qui ne peut fonctionner efficacement sans démocratie, sans transparence et sans prise de responsabilité par les acteurs sociaux. Nous nous sommes prononcés à l'inverse pour une démocratisation accrue de la gestion, notamment par le rétablissement des élections, point qui devrait faire l'unanimité comme le fait l'idée d'un référendum, quelque réponse qu'on veuille donner : le référendum permet un large débat démocratique, comme ce fut le cas sur Maastricht - y compris dans les entreprises. Dans ma région on a voté non à 58 %, et la suite a montré combien nous avions raison...

A cette conception non démocratique s'ajoute la brèche ouverte pour les assureurs privés qui s'introduisent dans la gestion du système. On voit le dispositif : étatiser pour mieux privatiser. On met la main sur le système... pour y faire entrer ensuite les assurances privées, qui l'espéraient depuis des décennies. Le conseil prévu à cet article est donc irrecevable, et nous ne pouvons accepter les missions qui lui sont attribuées, notamment celle que vise le onzième alinéa.

M. Jacques Desallangre - Si nos amendements se répètent, c'est à dessein, car nous voulons insister sur le danger que comportent vos propositions. Si nous demandons la suppression du onzième alinéa, c'est que nous mettons en cause la logique qui le sous-tend, logique contraire à celle de l'égal accès aux soins. Nous contestons ce conseil et son directeur tout-puissant et aux ordres : nous contestons donc aussi les missions que lui attribue l'article.

M. le Président - Le groupe communiste et républicain demande un scrutin public sur les amendements 4810 à 4821.

M. le Rapporteur - Nous en sommes à la suppression du onzième alinéa, après celle des dix premiers, et en attendant celle des alinéas qui restent... Je ne sais comment appeler cela, peut-être du ralentissement. Sur le fond, on ne peut envisager un renforcement des compétences de l'assurance maladie sans un nouvel équilibre des responsabilités : il fallait séparer le rôle d'orientation stratégique du conseil - et je ne reviens pas sur le paritarisme rénové auquel le ministre est attaché - et le rôle de mise en œuvre opérationnelle du directeur. Oui, le directeur général voit son rôle renforcé ; mais il y a aussi un certain nombre de précisions sur le rôle du conseil, qui détermine les principes et les orientations que le directeur général ne fait que mettre en œuvre. Et la commission, par l'amendement 8328, a renforcé l'obligation faite au directeur de s'inscrire dans les orientations fixées par le conseil. Le pilotage de l'assurance maladie reposait précédemment sur l'exercice conjoint et confus de la direction par le conseil d'administration et son directeur : désormais les choses seront clarifiées. La commission a donc repoussé ces amendements.

M. le Ministre - Défavorable.

M. Hervé Mariton - Contre les amendements, car l'équilibre proposé par le Gouvernement nous paraît bienvenu. Monsieur Le Guen, notre groupe participe activement au débat sans chercher à le ralentir...

M. Jean-Marie Le Guen - Que faites-vous en ce moment ?

M. Hervé Mariton - ...ni à en diminuer la portée. Plutôt que de nous répéter, nous préférons choisir nos sujets d'intervention, comme nous l'avons par exemple fait hier en intervenant sur le rôle des associations familiales. Souffrez que nous nous exprimions en fonction de l'intérêt des amendements présentés, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il est inégal. Les amendements, respectables, du groupe communiste ne nous paraissent pas opportuns sur le fond, et nous le confirmerons par notre vote. Pour le reste, notre groupe participe pleinement à la discussion.

M. Gérard Bapt - La provocation telle que la pratique M. Mariton, c'est de la politique avec un petit « p » (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - C'est un frustré du sarkozysme !

M. Gérard Bapt - Notre groupe ne pratique aucune obstruction. Hier soir, nos amendements ont été défendus jusqu'au bout par un député de qualité. Nous avons participé à la discussion sur la place des associations familiales, en demandant de prendre aussi en considération les associations d'usagers. Nous contribuons à enrichir le débat. Ainsi, sur le dossier médical personnel, je vous avais mis en garde : la panne qui paralyse le système Socrate de la SNCF pourrait bien affecter le DMP, si des précautions suffisantes ne sont pas prises.

Par ailleurs, Monsieur le ministre, allez-vous, comme je vous l'ai déjà demandé, agréer le nouvel accord entre l'assurance maladie et les biologistes qui tend à supprimer la lettre B flottante ?

M. Maxime Gremetz - Pourquoi perdre du temps en cherchant à justifier nos comportements respectifs ? Nous, nous défendons nos amendements. Monsieur le rapporteur, votre conception personnelle de la démocratie, qui vous conduit par exemple à lire pendant que je parle...

M. le Rapporteur - Je me concentre !

M. Maxime Gremetz - ...est à l'opposé de la nôtre. Cela ne m'étonne pas. Vous avez toujours eu peur de la démocratie. En revanche nous demandons, nous, le rétablissement des élections à la sécurité sociale. C'est l'ABC de la démocratie. Pourquoi, Monsieur le ministre, vous obstiner à refuser cet ABC ? Est-ce, comme je l'ai entendu dire, parce que les élections coûtent cher ? Ou parce que vous considérez que les élus des 12 millions de salariés ne sont pas capables de bien gérer ? Est-ce cela, votre pluralisme rénové ? Pour vous, les salariés doivent payer, mais ne peuvent pas gérer.

M. le Ministre - M. Bapt m'interroge à nouveau sur la lettre B flottante. Or, ni la direction de la sécurité sociale, ni celle de l'assurance maladie, ni les syndicats ne m'en ont parlé. Je me prononcerai si je suis saisi de la question. Monsieur Gremetz, nous avons beaucoup parlé avec les partenaires sociaux du fonctionnement de la démocratie sociale et des élections à la sécurité sociale. Ce point, vous le savez, ne réunit pas le consensus. Certains partenaires n'en veulent pas. Il nous paraît donc pertinent de conserver le système actuel, où les organisations représentatives désignent leurs représentants. Reste que, j'en suis bien d'accord, plus grande est la démocratie, mieux nous nous portons. Organiser des élections coûte 100 millions. Mais ce n'est pas le fond du problème.

A la majorité de 50 voix contre 8, sur 61 votants et 58 suffrages exprimés, les amendements 4810 à 4821 ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 4822 à 4833 sont identiques.

M. Maxime Gremetz -Nous allons défendre ces amendements en nous répartissant la tâche entre nous, car nous jouons collectif. Votre conception de la gouvernance, Monsieur le ministre, est incompatible avec la nôtre, qui repose sur la démocratie, la responsabilité, un pluralisme rénové qui, à l'opposé du vôtre, confie davantage de pouvoirs à des représentants des salariés désormais élus afin de garantir, en application de la grande réforme de 1945, un égal accès aux soins, c'est-à-dire tout le contraire de ce que vous faites. En effet, vous considérez, vous, que la santé est une marchandise comme les autres et, sous la pression du Medef et des assurances privées, vous voulez la livrer au marché. En outre, vous vous efforcez de mettre la main sur la direction de la sécurité sociale, au travers d'une haute autorité et d'un directeur muni de pleins pouvoirs, les conseil d'administration et autres comités étant là pour la figuration. Ainsi, de façon larvée, vous portez atteinte aux fondements mêmes de la sécurité sociale et à ses principes d'universalité, de solidarité et d'égalité.

Ce que vous faites, c'est étatiser pour privatiser. L'affirmation est contradictoire, nous dites-vous. Mais non. Vous commencez par étatiser la gestion en en excluant les cotisants et en faisant désigner des représentants par les organisations syndicales dont, soudain, vous oubliez de dire qu'elles ne sont pas représentatives à vos yeux, au lieu de procéder à des élections. C'est ainsi que les assurés sociaux paieront de plus en plus pour des soins de moindre qualité, ce qui devrait conduire peu à peu vers la privatisation. Mais nous nous battrons sur les deux grandes questions de la gouvernance et du financement.

M. Jacques Desallangre - Nous voulons faire savoir aux citoyens notre opposition, nos propositions et notre lutte ; c'est pourquoi nous devons expliquer sur chaque alinéa combien nos approches divergent.

Les élections ont un coût, dites-vous. C'est le prix de la démocratie, vers laquelle vous serez contraints d'aller car vous n'obtiendrez jamais le consensus. Nous ne mettons pas en cause la représentativité des organisations syndicales chargées de désigner des représentants, mais rien ne remplace l'élection par les citoyens.

M. le Rapporteur - Au risque de vous surprendre, je suis pour la démocratie...

M. Maxime Gremetz - Non.

M. le Rapporteur - ...pour le paritarisme rénové et pour la défense de la sécurité sociale...

M. Maxime Gremetz - Non !

M. le Rapporteur - ...dans l'esprit du CNR, avec ses grands principes de solidarité, d'universalité, d'accès égal pour tous à des soins de qualité égale.

Vous dites qu'il va y avoir et étatisation et privatisation : c'est paradoxal ! Je ne veux ni étatisation, ni privatisation...

M. Maxime Gremetz - Le ni-ni n'a jamais mené nulle part !

M. le Rapporteur - ...pour sauver la sécurité sociale, celle de Pierre Laroque, d'Ambroise Croizat et du général de Gaulle.

M. le Ministre - Je suis entièrement d'accord avec M. Dubernard. Contre les amendements.

M. Maxime Gremetz - Monsieur Dubernard, vous ne connaissez pas la dialectique. L'objectif final est bien de privatiser, mais on veut l'atteindre en douceur. On commence donc par frapper à la tête en soumettant le conseil d'administration, qui ne se laisserait pas faire. Le ministre de la santé va désigner un père fouettard, ce super-directeur chargé de faire payer plus les assurés et de diminuer la couverture sociale. Pour compléter, il y a la mutuelle, l'assurance complémentaire, et surtout, le privé - M. Bébéar ne se gène pas pour en faire la publicité. C'est donc un long combat que celui du Medef et des assureurs. Comme pour l'ouverture du capital des sociétés publiques, on veut nous faire croire que l'Etat garde la maîtrise. Mais il ne maîtrise plus rien. On vend les bijoux de famille. La Snecma, dont 98 % du capital appartient à l'Etat, et qui fait ds profits, on la privatise.

M. Jacques Desallangre - Parce qu'elle fait des profits.

M. Maxime Gremetz - C'est avec cet argent qu'on va combler le déficit. Donc, j'espère que vous avez bien compris : pour privatiser, on commence par étatiser. C'est un processus progressif. Mais je ne suis pas sûr que vous aurez le temps de le conduire à son terme.

Les amendements identiques 4822 à 4833, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 4834 à 4845 sont identiques. Sur le vote de ces amendements, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. Maxime Gremetz - J'espère que le rapporteur a maintenant compris qu'on étatise pour mieux privatiser.

M. le Rapporteur - Mais peut-on privatiser pour mieux étatiser ? (sourires)

M. Claude Evin - Absolument.

M. Maxime Gremetz - C'est moins courant. Et le peuple ne se laisse pas faire. De temps à autre, il vous donne quelques gifles dans les urnes - dans la rue, on appelle ça « botter les fesses ».

Du moins, M. Dubernard semble progresser. Ce n'est pas le cas du ministre.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Et si vous en reveniez au treizième alinéa ?

M. Maxime Gremetz - Je ne parle que de ça ! Le mode de gouvernance imposé par la majorité - qui le paiera cher, d'ailleurs - est fait de pleins pouvoirs, d'obligations, de contrôles. C'est un centralisme antidémocratique, où la décision d'en haut s'impose en bas. Le treizième alinéa de cet article inclut les orientations de la convention d'objectifs et de gestion dans les missions du conseil. Nos amendements visent à le supprimer.

M. Jacques Desallangre - Le processus de privatisation que vous mettez insidieusement en place est très intelligent. C'est l'hommage de la vertu au vice !

M. le Président de la commission spéciale - Les fantasmes de M. Desallangre !

M. Jacques Desallangre - L'avenir montrera que nous avons raison, comme ce fut le cas pour les retraites. Les pages des journaux sont pleines de publicité pour le PERP !

M. Hervé Novelli - C'est très bien !

M. Jacques Desallangre - Sauf que dans ma circonscription, beaucoup de gens n'ont pas les moyens de souscrire un PERP : ils n'ont même pas les moyens de lire le journal ! La privatisation des retraites, nous y sommes donc déjà. La privatisation de la santé est pour demain.

Vous ne prononcez pas les mots « assurances privées », mais elles sont là, dans la loi ! Vous ouvrez discrètement la porte, en prenant votre temps : vous savez où vous allez ! Nous ne voulons pas vous suivre et nous demandons la suppression de cet alinéa, comme celle de tous les autres. Nous sommes en désaccord sur chacun des points de ce texte.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

A la majorité de 52 voix contre 8, sur 62 votants et 60 suffrages exprimés, les amendements 4834 à 4845 ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Après ce rejet, je demande une suspension de séance pour que notre groupe puisse déterminer sa stratégie.

La séance, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 10 heures 48.

M. le Président - Les amendements 4846 à 4857, 4858 à 4869 et 4870 à 4881 ne sont pas défendus. Les amendements 3883 de la commission, 2 et 7507 sont identiques.

Mme Anne-Marie Comparini - Afin de contribuer à la diffusion des bonnes pratiques, ces amendements... (M. Gremetz regagne son banc en protestant) tendent à ce que la communication de la CNAM auprès des assurés sociaux et des professionnels de santé soit réalisée dans le respect des guides de bon usage des soins et de bonne pratique établis par la Haute autorité de santé.

Les amendements 3883, 2 et 7507, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement. Monsieur le président, vous êtes jeune ici...

M. le Président - Hélas, pas tant que cela !

M. Maxime Gremetz - ...Jamais le président Debré n'aurait fait disparaître trois liasses de nos amendements au prétexte que nous n'aurions pas regagné nos bancs assez vite. J'étais là à l'heure de reprise théorique de la séance mais, las de vous attendre, je suis allé boire un verre d'eau en compagnie du ministre ! De tels procédés sont incorrects. Vous verrez au cours de la journée que nous savons nous faire respecter et je commence par demander une suspension de séance !

M. le Président - Elle est de droit, mais vos reproches ne sont pas fondés. Nous avons annoncé la reprise par les moyens habituels et j'ai même pris la précaution de faire appeler votre groupe pour l'informer de l'imminence de la poursuite de nos travaux. En outre, vous n'avez aucune leçon à me donner sur la bonne manière de présider.

La séance, suspendue à 10 heures 53, est reprise à 10 heures 55.

M. Jacques Desallangre - Un malentendu explique sans doute cet épisode tout à fait regrettable. Je tiens à faire observer sans aucune animosité que nous n'avons pas eu le temps de regagner l'hémicycle, la reprise ayant été annoncée trop tardivement.

M. le Président - Laissez-moi vous dire sans aucune animosité que vos propos ne sont pas exacts. Nous avons largement respecté le délai d'usage, au point même que certains de nos collègues s'impatientaient. L'incident est clos (M. Gremetz s'exclame).

Sur le vote des amendements identiques 4882 à 4893, je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

M. Maxime Gremetz - Cet épisode fâcheux nous a revigorés et nous devrions presque vous en remercier ! Nos amendements visent à supprimer le dix-septième alinéa du deuxième paragraphe de l'article. Non seulement votre projet ignore les quatre points essentiels que constituent l'égal accès aux soins, la gouvernance du système, la situation explosive de l'hôpital et la recherche d'un mode de financement adapté, mais votre schéma de gouvernance autoritaire n'est en rien conforme à l'intérêt général en ce qu'il ne tend pas à mettre en place une gestion démocratique de notre système d'assurance maladie.

M. Jacques Desallangre - Par cet amendement, nous contestons l'opportunité de confier au conseil le soin de déterminer les orientations d'organisation du réseau des organismes régionaux, locaux et de leurs groupements ou unions.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Rejet.

A la majorité de 50 voix contre 8, sur 59 votants et 58 suffrages exprimés, les amendements 4882 à 4893 ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 4894 à 4905 sont identiques.

M. Jacques Desallangre - Ils tendent à supprimer le neuvième point du deuxième paragraphe, le même raisonnement conduisant aux mêmes conclusions ! Nous ne pouvons accepter les missions dévolues au conseil quant aux budgets nationaux de gestion et d'intervention, la décision finale appartenant en tout état de cause au directeur général.

M. Maxime Gremetz - Il faut certes moderniser la sécurité sociale, mais cela ne signifie pas la gérer de manière non démocratique, sans prendre en compte les besoins de santé. Votre réforme n'en est pas une, parce que vous ne vous attaquez pas aux vraies causes du déficit. Nous en reparlerons à propos du financement, quand nous discuterons proposition chiffrée contre proposition chiffrée.

Vous profitez d'une situation réelle, la dégradation du marché de l'emploi, pour mener une politique de régression sociale et une bataille idéologique. D'après vous, les 20 milliards d'exonérations patronales seraient créatrices d'emplois. Or tout montre que c'est l'inverse : les entreprises auxquelles on donne le plus se restructurent et se délocalisent, elles mettent leurs salariés au chômage, ce qui aggrave le déficit de la sécurité sociale. Vous pensez qu'on responsabilise les gens en tapant au portefeuille des plus modestes. Or ceux-ci cotisent à hauteur de 14,5 % de leurs revenus, tandis que les entreprises ne contribuent plus que pour 4,5 %. Vous avez fait le choix d'une fiscalisation croissante de la sécurité sociale, conformément au vœu du Medef, qui considère que la santé n'est pas son problème. Nous défendons au contraire la solidarité nationale et l'intérêt général.

Les amendements 4894 à 4905, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 8322 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 8322 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Le conseil, qui aurait d'après vous le pouvoir de déterminer les budgets nationaux d'intervention, devra en réalité se plier à la décision du directeur général, qui préparera seul les orientations. Le conseil pourra à la limite demander un second projet, mais il ne pourra le repousser qu'à la majorité des deux tiers. On se demande à quoi va servir ce conseil, sinon d'alibi démocratique. C'est le directeur général qui fixera le budget.

Mon amendement 7583 vise donc à permettre au conseil de demander un autre projet qui devra être soumis à son approbation. Mon amendement 7584, qui viendra plus tard en discussion, prévoit d'ailleurs un vote à la majorité simple.

Si on veut vraiment établir une démocratie sanitaire, il faut donner un rôle à ce conseil. Sinon, prenez vos responsabilités et supprimez-le !

Nous ne parvenons même pas à connaître la composition de ce conseil. Hier, M. Bertrand nous a dit qu'il comportera treize, puis quinze représentants des salariés. Est-ce à dire qu'il y aura trois représentants de chacune des cinq organisations syndicales représentatives, quel que soit le nombre de leurs adhérents ?

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, comme celui que Mme Billard a défendu par avance. Ce qu'elle propose romprait l'équilibre trouvé dans ce texte. Au reste, la situation actuelle ne s'est pas révélée garante d'efficacité.

M. le Ministre - Les conditions dans lesquelles s'exercera le droit d'opposition sont de nature à garantir l'efficacité du fonctionnement des instances dirigeantes. Le conseil, en effet, disposera d'un double niveau d'opposition. Il pourra rejeter un premier projet et indiquer les points sur lesquels il souhaite des améliorations. Le directeur lui présentera un second projet qui tiendra compte des observations faites à l'issue du premier examen. Avis défavorable.

M. le Président - Sur l'amendement 7583, je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

M. Jacques Desallangre - Nous sommes clairement opposés à la constitution d'un conseil qui serait dirigé par un super-patron et nous soutenons l'amendement de repli de Mme Billard. L'efficacité va de pair avec la démocratie.

Si l'on vous écoutait, la démocratie serait inefficace, or, ce n'est évidemment pas le cas. Nous savons à quoi nous en tenir quant à la conception gouvernementale de la démocratie, ce qui conforte notre soutien à l'amendement de Mme Billard.

Mme Martine Billard - Les propos de M. le rapporteur et de M. le ministre sont éclairants : la démocratie serait donc contraire à l'efficacité.

M. le Ministre - Nous disons l'inverse.

Mme Martine Billard - Et que dire d'un conseil qui entrerait dans les détails, qui se préoccuperait des décisions budgétaires ! Quelle horreur ! Soyez donc logiques et supprimez le conseil de manière à ce que ce soit le super directeur, le super Zorro qui dirige tout ! Un conseil qui prendrait son rôle au sérieux, ce serait presque dangereux ! Heureusement que l'on n'applique pas votre conception de l'efficacité et des détails à d'autres instances, sinon, nous pourrions partir en vacance plus tôt.

M. le Ministre - Pas de leçon de démocratie, Madame Billard !

A la majorité de 55 voix contre 13 sur 69 votants et 68 suffrages exprimés, l'amendement 7583 n'est pas adopté.

M. Claude Evin - Notre amendement 8390 vise à ce que le conseil puisse s'opposer au second projet du directeur à la majorité simple car la majorité des deux tiers sera très difficile à obtenir.

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux amendements 7584 et 8390. Je répète que cette modification de l'équilibre des pouvoirs au sein du conseil est contraire à l'esprit du projet et que son efficacité en pâtirait.

M. le Ministre - Avis également défavorable.

Dans la plupart des cas, sauf s'il y a blocage, le vote aura lieu à la majorité simple, Monsieur Evin.

M. Claude Evin - Sur le premier projet, pas sur le second !

M. le Ministre - Nous souhaitons de plus allier démocratie et efficacité.

M. Maxime Gremetz - Démocratie rabougrie !

M. le Ministre - La première possibilité d'opposition se fera à la majorité simple, la seconde aux deux tiers, tout comme l'opposition à la nomination du directeur. Il faut garantir une efficacité réelle de fonctionnement.

M. Jacques Desallangre - Ce dilemme démocratie versus efficacité est en fait l'alibi de la commission. Si nous ne pouvions conjuguer démocratie, performance et efficacité, ce serait un terrible aveu d'échec.

Nous soutenons donc l'amendement 8390.

M. Gérard Bapt - Nous serons ici unanimes pour affirmer que démocratie et efficacité ne sont pas contradictoires.

M. le Ministre - Ah ! Merci !

M. Gérard Bapt - Mais la démocratie suppose des contre-pouvoirs.

M. le Ministre - Exactement !

M. Gérard Bapt - Or, le contre-pouvoir du conseil est virtuel car nous savons que le Medef détient à lui seul la minorité de blocage et que le directeur aura des pouvoirs très étendus. Un contrôle démocratique à la majorité simple s'impose donc.

L'amendement 8390, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe communiste et républicain sur l'amendement 7584.

M. le Ministre - Le Medef ne dispose d'aucune minorité de blocage : c'est faux de le prétendre. Ce sont l'ensemble des représentants des salariés et l'ensemble des représentants patronaux qui disposent d'une minorité de blocage.

A la majorité de 54 voix contre 14 sur 68 votants et 68 suffrages exprimés, l'amendement 7584 n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3884 deuxième rectification permet à la majorité simple des membres du conseil de la CNAM d'obtenir la convocation du conseil.

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 3884 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8323 est de précision.

L'amendement 8323, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je suis saisi des amendements identiques 4906 à 4917.

M. Jacques Desallangre - Ces amendements ont pour objet de supprimer le III de l'article, qui définit le rôle et les responsabilités du directeur général. Quand nous disons que c'est un super-directeur, un proconsul, il n'est que de lire le texte pour s'en convaincre : nommé par décret, il dirige l'établissement et a autorité sur le réseau des caisses régionales et locales, prend toutes les décisions et exerce toutes les compétences, signe la convention, les marchés, vise les comptes, recrute le personnel et a autorité sur lui... Il peut suspendre ou annuler toute décision d'une caisse locale ou régionale - on ne nous dit d'ailleurs pas de quel recours disposeront alors les caisses et à quel arbitrage elles pourront en appeler. L'article prévoit quand même que le directeur général rend compte de sa gestion au conseil. Mais nous sommes tout à fait opposés à cette organisation.

M. Maxime Gremetz - Nous avons affaire à un véritable homme-orchestre, qui joue lui-même de tous les instruments ! Où allez-vous trouver un pareil responsable ? Cela ne doit pas courir les rues.

M. le Ministre - C'est vrai.

M. Maxime Gremetz - J'espère que vous avez quelqu'un... Il me semble d'ailleurs avoir lu des choses dans la presse, sur une personne âgée de plus de soixante-cinq ans, et qui doit venir de Matignon, je crois... Quoi qu'il en soit, il lui faudra une compétence et une puissance de travail extraordinaires ! Vous n'avez plus rien à faire, Monsieur le ministre. A mon avis cet homme sera plus important que vous, il finira par vous remplacer...

Mais à relire la liste de ses missions, on mesure le peu qui reste au conseil, dont la composition est éclairante : les organisations syndicales de salariés et d'employeurs auront le même nombre de représentants, soit treize ou quinze, nous ne savons toujours pas. C'est d'ailleurs là un exemple de cet « égalitarisme » dont on a pu dire qu'il était contraire à l'égalité : douze millions de salariés auront treize ou quinze représentants, et les employeurs, tout de même beaucoup moins nombreux, en auront autant. Où est le principe « un homme, une voix » ? A ces représentants s'ajoutent les personnalités qualifiées, nommées bien sûr par le pouvoir politique. Si l'homme-orchestre rencontrait des difficultés, cette composition du conseil lui assure donc une soupape, permettant à coup sûr d'aboutir aux décisions voulues par la majorité politique. Voilà un bon projet pour le Medef, même si celui-ci voudrait aller plus loin.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Défavorable.

M. Gérard Bapt - Je ne comprends pas pourquoi, Monsieur le rapporteur, depuis le début de ce débat, vous refusez de reconnaître qu'il y a étatisation, alors que c'est clair, et qu'en outre c'est un choix qui pourrait se soutenir. Ce directeur général aura des pouvoirs si étendus, y compris sur les caisses locales, qu'il ne pourra qu'être le représentant d'une politique d'ensemble, celle du Gouvernement. Il est d'ailleurs dommage que vous n'alliez pas jusqu'au bout de cette démarche en passant à l'échelon régional.

Je souhaite savoir, Monsieur le ministre, si ce directeur général, dont le texte dit qu'il est nommé pour cinq ans, est inamovible, ou si son mandat pourra éventuellement être interrompu, par exemple à l'occasion d'une alternance politique.

M. le Ministre - Les dépenses de l'assurance maladie augmentent à un rythme de 5, 6, voire 7 % l'an, ou 7,2 % comme en 2002. Chacun admet, et le Haut conseil l'a dit, qu'il faut maîtriser les dépenses. Il faut donc améliorer le système de gouvernance. Nous nous sommes concertés longuement avec les partenaires sociaux pour définir un équilibre entre le conseil et le directeur général, qui répond au vœu de tous les partenaires de donner au conseil un vrai rôle d'orientation. Aujourd'hui nos textes le permettent. Vous faites un mauvais procès à cette organisation : nous souhaitons seulement un peu plus d'efficacité.

Le directeur général sera-t-il inamovible, Monsieur Bapt ? Non : le ministre et les partenaires sociaux, s'ils en sont d'accord, pourront décider d'en changer. Mais il est vrai qu'il est nommé en Conseil des ministres pour cinq ans.

M. Claude Evin - Vous dites en somme, Monsieur le ministre, que si le déficit est important, si les comptes ont dérapé, c'est parce que le mode de gestion de l'assurance maladie n'était pas assez efficace. Et vous proposez un nouveau mode de gestion qui devrait concourir à une meilleure maîtrise des dépenses. Sans travestir votre propos, pour vous, s'il y a eu un dérapage important, y compris en 2002, la responsabilité en incombe en grande partie à la caisse d'assurance maladie, qui n'a pas été capable de maîtriser cette dérive. La caisse appréciera. Mais la question est de savoir si l'on obtiendra une meilleure garantie en faisant reposer tout le dispositif sur un homme seul, et sur ce point nous avons un désaccord. Pour nous, c'est une responsabilité qui doit être partagée entre les caisses et l'Etat. Dans votre dispositif l'Etat nomme certes le directeur général, mais celui-ci est ensuite livré à lui-même, avec une caisse qui ne peut s'opposer à ses décisions qu'à la majorité des deux tiers, condition difficile à remplir. Selon nous, la recherche d'une meilleure efficacité ne devrait pas conduire à tout déléguer à un homme seul, mais à construire une organisation associant plus étroitement l'Etat, qui doit assumer ses responsabilités, et les caisses, qui elles aussi aspirent légitimement - si l'on considère notre histoire sociale - à une responsabilité dans la gestion du système. Cette réflexion conduit à confier le pouvoir non à un directeur, mais à un directoire, un collectif aux responsabilités clairement définies, sous la responsabilité d'un conseil. De la sorte vous auriez peut-être renforcé la relation entre l'Etat et les caisses.

Nous avons présenté, nous, des propositions différentes, et nous continuerons de le faire.

M. le Ministre - On peut avoir des désaccords de fond, mais on ne peut pas déformer mes propos comme vient de le faire M. Evin. Nous ne nous bornons pas à modifier le rôle du directeur et du conseil. Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a indiqué que l'organisation des soins doit être revue, c'est ce que nous faisons, et que le partage des compétences entre l'Etat et l'assurance maladie n'est pas claire, et nous l'améliorons.

M. Jacques Desallangre - Vous avancez en vous masquant derrière la hausse des dépenses de santé. A cette hausse, bien réelle, il existe des explications : les progrès de la médecine, le développement de techniques nouvelles, l'allongement de la durée de la vie, la recherche légitime d'une meilleure qualité de vie. Tout cela pose un problème de financement, que vous ne réglerez pas par une simple maîtrise comptable des dépenses. Nos concitoyens attendent un système de financement juste et efficace. Ce n'est pas ce que vous proposez.

M. le Rapporteur - Le directeur a pour rôle d'assurer une mise en œuvre efficace des orientations retenues. Mais le rôle du conseil ne peut pas être sous-estimé.

M. Jacques Desallangre - Le directeur fait tout, le conseil fait le reste !

M. le Rapporteur - Je lis à l'article 30 : « Le conseil a pour rôle de déterminer les orientations relatives à l'assurance maladie, et les orientations de la politique de gestion du risque (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)...

M. Maxime Gremetz - Nous avons lu le projet !

M. le Rapporteur - ...d'élaborer, dans le champ d'activité de la caisse, le projet de budget »...

M. Jean-Marie Le Guen - Nous avons lu tout cela !

M. le Rapporteur - Non, car M. Gremetz a voulu supprimer successivement tous ces alinéas. Je continue : « ...de déterminer les orientations de la convention d'objectifs et de gestion, de définir la politique de la caisse en matière de contrôle, de prévention et de lutte contre les fraudes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), de définir les objectifs liés à l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers, d'élaborer les budgets nationaux de gestion et d'intervention. » Tout cela serait-il insignifiant ?

M. Maxime Gremetz - Je veux répondre au rapporteur !

M. le Président - M. Desallangre s'est exprimé pour votre groupe. Le débat a eu suffisamment lieu.

M. Maxime Gremetz - Vous vous enlisez. Je demande une suspension de séance.

Les amendements 4906 à 4917, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La séance, suspendue à 11 heures 50, est reprise à 11 heures 55, sous la présidence de M. Bur.

PRÉSIDENCE de M. Yves Bur

vice-président

M. le Rapporteur - L'amendement 3885 tend à rectifier une erreur de référence.

L'amendement 3885, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 7585 est défendu.

L'amendement 7585, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8324 est de précision.

L'amendement 8324, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Anne-Marie Comparini - L'amendement 7509 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Nous reviendrons sur cette question.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 7509, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Je propose, par l'amendement 7586, que le conseil de la caisse puisse dire son mot dans la désignation du directeur. Il serait incroyable qu'il en soit empêché, alors que le directeur a pour rôle de mettre en œuvre les orientations définies par le conseil. Celui-ci pourra donner son avis sur la révocation du directeur, et il ne le pourrait pas pour sa désignation ?

M. Claude Evin - Il faut au moins écrire, comme nous le demandons par l'amendement 8257, que le directeur est nommé « après avis du conseil de la caisse ». Sinon, dans votre projet, le conseil n'aura que la capacité de s'opposer, à la majorité des deux tiers. Si vous aviez écrit qu'il émet un avis, fût-ce à hauteur d'un tiers de ses membres, vous auriez davantage souligné son rôle.

M. le Rapporteur - D'abord, l'article L. 221-3-1 prévoit déjà que le conseil donne un avis sur la nomination du directeur. Ensuite, si l'on adoptait l'amendement 7586, sauf à réaliser une unanimité bien improbable, le directeur serait élu par une partie du conseil - peut-être « le Medef », peut-être les syndicats. En tout cas, sa légitimité en souffrirait (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Comment travaillerait-il en confiance avec le conseil ? La commission a donc bien fait de repousser ces deux amendements.

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - L'argument du rapporteur est vraiment extraordinaire ! Si le directeur n'était pas élu par la totalité du conseil, sa représentativité en souffrirait. Mais il ne sera élu par personne, il sera désigné par le ministre ! Alors quelle sera sa représentativité ? Il y aura un pilote dans l'avion, mais il dira « je décide, vous exécutez ». Le conseil n'aura qu'à dire amen.

M. Jean-Marie Le Guen - Voici que s'exprime à nouveau la croyance naïve en l'homme providentiel qui pourra tout et, étant au-dessus des partis, agira de façon juste. Nous ne sommes plus aux temps bibliques, la République est passée par là, et la démocratie. Mais pour rassurer la droite sur la gouvernance, il fallait faire des assujettis à l'assurance maladie des sujets de ce moderne proconsul.

M. Hervé Mariton - Lors de la mission Debré, il est bien apparu qu'un des principaux problèmes de l'assurance maladie était de ne pas avoir de pilote (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Oui, elle en a besoin. Avec ce texte, nous ne cherchons nullement un sauveur, mais nous donnons une légitimité au directeur général.

M. Maxime Gremetz - Il n'en a aucune !

M. Hervé Mariton - Il a la légitimité que lui confère sa nomination par décret. C'est parfaitement clair et démocratique. L'assurance maladie aura le pilote dont elle a besoin. C'est tant mieux.

M. Alain Claeys - Nommer un directeur général par décret n'assure en rien une bonne gouvernance.

M. Hervé Mariton - On sait au moins qui est responsable !

M. Alain Claeys - Le rapporteur a énuméré les fonctions du conseil. Mais c'est bien le directeur général qui déterminera la stratégie. Cette sorte d'étatisation présente beaucoup d'inconvénients. Pourquoi ne pas avoir retenu plutôt une formule qui fonctionne bien, celle d'un directoire assorti d'un conseil de surveillance...

M. Hervé Mariton - Le Directoire conduit au Consulat ! (rires)

M. Alain Claeys - ...ce qui aurait garanti un bon équilibre ?

M. le Ministre - Jusqu'à présent, y compris au temps où vous étiez ministre, Monsieur Evin, le directeur de l'assurance maladie était nommé en Conseil des ministres. Cessez de dire que nous avons inventé cela.

M. Jean-Marie Le Guen - Alors qu'apportez-vous de plus ?

M. le Ministre - Ce que nous faisons de plus, c'est que nous donnons une légitimité au directeur général et que nous donnons au conseil, donc aux partenaires sociaux, la possibilité de donner leur avis, ce que seul le président de la CNAM faisait, et de s'opposer. Ce n'est pas une régression, c'est l'inverse.

M. Gérard Bapt - Ne dites pas que le conseil pourra s'opposer.

M. le Ministre - C'est écrit.

M. Gérard Bapt - Tout ce que l'on peut imaginer, c'est que s'il y avait alternance, le directeur général et la majorité qualifiée pourraient s'opposer à la nouvelle politique, franchissant ainsi le Rubicon. Car il est inutile de remonter jusqu'aux temps bibliques, nous sommes dans la Rome antique. Quand la ville était en danger, on nommait un dictateur. Il avait les pleins pouvoirs, mais pour six mois seulement. A Rome toujours, les généraux ne pouvaient franchir le Rubicon. Celui que vous nommez le pourra.

M. Claude Evin - Aujourd'hui, le conseil d'administration a des pouvoirs directs, comme celui de négocier une convention avec les professionnels de santé. Vous les lui retirez. Il fallait clarifier les compétences respectives de l'Etat et des caisses, nous en sommes d'accord, et j'ai dit pour ma part qu'il fallait confirmer le pouvoir de l'Etat en y associant les caisses. Mais quand vous prétendez donner au conseil un pouvoir de délégation, c'est faux. Le conseil de demain n'aura pas les pouvoirs du conseil d'administration. Vous déléguez, mais à une personne seule. Il aurait été bien plus clair d'affirmer que l'Etat assume sa responsabilité régalienne en associant les partenaires sociaux. Dans votre système, le directeur prendra seul toutes les décisions, dont certaines relevaient auparavant du président de la CNAM, notamment dans le cadre de la négociation conventionnelle avec les professions libérales.

L'amendement 8257, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Nous sommes toujours dans le plus grand flou : en plein débat à l'Assemblée, on apprend que Matignon désavoue les députés qui se sont prononcés pour la prolongation de la CRDS ! Toute l'UMP semblait d'accord, et Matignon leur dit de ne pas exagérer, qu'il y a bien des moyens de faire autrement... Et M. Bur renchérit, en disant que la prolongation est immorale.

M. le Président - Revenez-en à votre amendement...

M. Maxime Gremetz - On se demande toujours qui croire. Je comprends mieux maintenant la crainte de s'exprimer des députés de la majorité : ils ont peur d'être démentis dans l'heure par Matignon !

L'amendement 7586, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3886 est rédactionnel.

M. Maxime Gremetz - Il n'est pas rédactionnel !

L'amendement 3886, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Vitel - L'amendement 6955 vise à instaurer le parallélisme des formes entre la nomination et la révocation du directeur général, seule possibilité de mettre fin à son mandat avant le terme de cinq ans. Il faut donc préciser que la révocation est faite sur proposition du conseil, à la majorité des deux tiers.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Le sous-amendement 8485 vise à ce que la révocation ne soit pas décidée sur proposition du conseil, mais après son avis favorable.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. A titre personnel, j'y suis favorable, ainsi qu'à l'amendement 6955.

M. Richard Mallié - La révocation était prévue, mais sans que les conditions en soient précisées. Il est important de garantir le parallélisme des formes. C'était l'objet de l'amendement 8451, mais je le retire car la rédaction du Gouvernement est meilleure.

M. Jean-Marie Le Guen - Il ne s'agit pas de dispositions techniques, mais d'un problème important : dans les faits, le ministre n'a plus la possibilité de révoquer le directeur général sans l'accord du Medef !

M. Xavier de Roux - Pourquoi le Medef ?

M. Jean-Marie Le Guen - Parce qu'il est le seul à détenir plus du tiers des voix ! Il donnera donc son aval à toute nomination ou révocation. Le ministre aura les mains complètement liées : c'est invraisemblable ! On n'a jamais vu l'Etat aliéner ainsi son pouvoir.

M. Richard Mallié - La nomination devait être votée à la majorité des deux tiers. Pourquoi s'émouvoir soudain que nous proposions le parallélisme des formes pour la révocation ? Il ne serait pas normal que le ministre puisse révoquer le directeur général selon son bon plaisir ! Le pilote de l'assurance maladie ne doit pas pouvoir être débarqué à la première escale !

M. le Président - Sur le sous-amendement 8485, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Gérard Bapt - Ces amendements ajoutent encore à nos craintes. Il est exclu, sans avis favorable du conseil, de pouvoir changer de directeur à la majorité qualifiée. En cas d'alternance - et il y a des échéances en 2007 - vous pérennisez donc un pouvoir qui s'oppose à l'expression démocratique ! Nous refusons absolument cette situation.

A la majorité de 56 voix contre 10, sur 66 votants et 66 suffrages exprimés, le sous-amendement 8485 est adopté.

M. le Président - Sur l'amendement 6955, je suis saisi par le groupe UMP d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 56 voix contre 12, sur 68 votants et 68 suffrages exprimés, l'amendement 6955, sous-amendé, est adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 8137 propose d'officialiser le concept de délégation de gestion et ainsi d'affirmer la prééminence de l'Etat dans la conception du système, dont la gestion est confiée à l'assurance maladie. L'Etat doit donc assumer en permanence une obligation de résultats.

L'amendement 8137, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 7587 vise à rétablir la cohérence entre cet article et le précédent. L'article 30 prévoit que le directeur général négocie et signe la convention d'objectifs et de gestion. Un article précédent parlait de signature conjointe du président du conseil et du directeur général. Il est un peu surprenant que l'on ait perdu le président du conseil en route !

L'amendement 7587, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8325 est de précision.

L'amendement 8325, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Notre amendement 7588 tend à ce que le conseil donne un avis préalable aux décisions du directeur général concernant l'organisation et le pilotage du réseau des caisses du régime général.

M. le Rapporteur - Défavorable. L'amendement est déjà satisfait.

L'amendement 7588, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Par son amendement 3887, la commission spéciale propose qu'en cas d'événements particuliers ou exceptionnels - telles certaines épidémies -, le directeur général informe dans les meilleurs délais les commission compétentes des assemblées du Parlement, le Gouvernement et le comité d'alerte.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Il faut lire cet amendement en creux ! Cela signifie que dans tous les autres cas, il est tenu d'appliquer les principes de la maîtrise comptable et de respecter strictement l'ONDAM. Cela confirme s'il en était besoin votre volonté de faire porter l'effort sur les seules dépenses d'assurance maladie plutôt que sur l'ensemble des dépenses de santé.

L'amendement 3887, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8326 est rédactionnel.

L'amendement 8326, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Notre amendement 7589 est défendu.

L'amendement 7589, repoussé par le commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8327 est rédactionnel.

L'amendement 8327, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8328 rectifié réaffirme le rôle déterminant - et j'y insiste - du conseil dans la fixation des orientations. Il répond ce faisant aux critiques qui viennent d'être émises !

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable.

M. Jacques Desallangre - Si je comprends bien, on redit - sans doute pour tenter de s'en convaincre ! - que le rôle du conseil sera « déterminant ». En réalité, celui du directeur général le sera plus encore, d'autant que le droit d'opposition tel que vous l'avez prévu est impossible à exercer. Vous laissez au Medef une majorité de blocage et confiez au directeur général un pouvoir qui confine à l'absolutisme. Nous ne pouvons qu'être très inquiets de ces évolutions et votre amendement de pure convenance n'est pas de nature à nous rassurer.

L'amendement 8328 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 4918 à 4929 sont identiques.

Mme Janine Jambu - Ils visent à supprimer le IV de l'article, lequel transpose les modifications proposées par le présent texte en matière de gouvernance à la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Les règles de gestion que vous instaurez tendent en effet à réduire la prise en charge socialisée des pathologies résultant d'accidents du travail ou de maladies professionnelles. Une fois de plus, plutôt que de responsabiliser les employeurs, vous tapez sur la tête des assurés les plus fragiles, alors même que la mortalité des ouvriers et des employés reste trois fois supérieure à celles des cadres supérieurs, que l'espérance de vie est de dix ans supérieure dans les régions méridionales par rapport aux septentrionales et que l'espérance de vie à 35 ans des cadres excède de 6,5 ans celle des ouvriers. Quant au score de risque d'invalidité, il est de 113 pour un ouvrier et de 89 pour un cadre. Incontestables, ces indicateurs témoignent aussi des difficultés particulières des catégories les plus modestes à compenser le handicap d'un proche ou de celles des personnes privées d'emploi à rester en bonne santé. On ne saurait mieux démontrer l'impact du travail dans l'altération de la santé des individus.

M. Xavier de Roux - Plus on travaille, mieux on se porte ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Pierre Goldberg - Allez l'expliquer aux mineurs !

Mme Janine Jambu - C'est de la provocation ! Ces données sont d'ordre public. Nous ne pouvons cautionner un système qui va aggraver les inégalités entre les Français !

Les amendements 4918 à 4929, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Vitel - L'amendement 6956 tend à rappeler l'absolue nécessité de conserver à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles un caractère strictement paritaire - cinq représentants des assurés, cinq représentants des employeurs.

M. le Rapporteur - Cet amendement est satisfait par l'article L. 221-9 du code de la sécurité sociale.

M. le Secrétaire d'Etat - En effet.

L'amendement 6956 est retiré.

M. Jean-Marie Le Guen - Plutôt que de tendre à rattraper le retard qu'accuse notre pays dans la prévention et le traitement des risques professionnels, votre projet stigmatise les assurés sociaux, soupçonnés d'abuser des indemnités journalières ! Il ne dit par contre rien du problème récurrent de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, dont l'impact sur l'assurance maladie est évalué à au moins trois milliards. De même, il ne prévoit aucune représentation des associations d'accidentés et d'invalides du travail, alors que leur contribution à une meilleure prise en charge des pathologies liées au travail - voyez le scandale majeur de santé publique de l'amiante - est aujourd'hui démontrée. Notre amendement 8145 y remédie, et participe à ce titre de notre tentative de contrer votre volonté de mettre la branche AT/MP sous la coupe du Medef.

M. le Rapporteur - Je suis défavorable à cet amendement qui remet en question la composition strictement paritaire de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 8145, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Je viens de lire l'amendement du Gouvernement qui prévoit une réflexion sur l'avenir de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles. D'habitude, les « amendements Medef » sont déposés par des députés et non par le Gouvernement !

On va me dire que mon amendement 7590 est devenu inutile, dans la perspective de cette réflexion. Pourtant, il me paraît nécessaire de prévoir la représentation des associations de mutilés et d'invalides du travail. Ces associations siègent déjà dans les instances du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. On sait comme il est difficile de faire reconnaître comme telle une maladie professionnelle et il y a de plus en plus de contestations sur les accidents du travail. Il faut que ces associations puissent faire valoir leurs arguments.

L'amendement 7590, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Sur le vote de l'article 30, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Nous en venons à douze amendements identiques, 4930 à 4941.

Mme Janine Jambu - Je ne résiste pas au plaisir de citer le V de l'article 30, qui mérite une mention spéciale : « Le mandat des membres en fonction du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés prend fin à la date d'installation du nouveau conseil. » C'est édifiant ! Vous sacrifiez la démocratie sociale et lui ôtez même tout espoir de renaissance. C'est un acte scélérat, qui n'a d'autre but que d'éliminer toute opposition.

Alors qu'il faudrait créer les conditions d'une réappropriation de la sécurité sociale par les assurés sociaux, vous aggravez le déficit démocratique. Déjà mis à l'écart des choix les concernant, les assurés sociaux n'auront plus devant les yeux qu'une nébuleuse. Vous effacez leur dernier repère. Pour un fervent défenseur de la concertation, ce n'est pas très heureux, d'autant que la composition du nouveau conseil reste flou. L'exposé des motifs devrait nous rassurer, mais il n'a pas de valeur législative. Permettez-moi de ne pas vous faire confiance sur ce sujet.

Pourtant, la démocratisation serait un moyen de sortir la sécurité sociale de la crise et de passer à une gestion efficace, conforme aux attentes de la population. Nos amendements 4930 à 4941 visent donc à supprimer le V de cet article.

Les amendements 4930 à 4941, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Afin de ne pas pénaliser l'actuel président du conseil d'administration de la CNAM, dont le mandat va être interrompu prématurément, l'amendement 8329 de la commission vise à l'autoriser à solliciter la présidence du nouveau conseil.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Je félicite le Gouvernement d'avoir su entendre, sur ce point au moins, les partenaires sociaux...

L'amendement 8329, mis aux voix, est adopté.

A la majorité de 49 voix contre 10, sur 59 votants et 59 suffrages exprimés, l'article 30, modifié, est adopté.

APRÈS L'ART. 30

M. Hervé Novelli - Mes amendements 8231 et 8232 vont ensemble. Le premier vise à autoriser l'expérimentation, dans une région, d'un nouveau mode de gestion de l'assurance maladie, fondé sur la délégation. Loin de remettre en question les principes fondamentaux, il conforte l'égalité d'accès aux soins en la garantissant à moindre coût. Il faut tester dans une région volontaire la possibilité de déléguer la gestion de l'assurance maladie, c'est-à-dire de permettre à des mutuelles, à des institutions de prévoyance, à des assureurs de gérer le risque maladie au premier euro.

Cette formule, compte tenu de son caractère novateur, doit faire l'objet d'une expérimentation, avec la possibilité de revenir à tout moment au régime de droit commun. La délégation donnerait lieu à un contrat élaboré selon un cahier des charges établi par la CNAM avec le concours de la Haute autorité de la santé. Ainsi, les pouvoirs publics pourraient fixer par écrit les règles et les conditions de prise en charge.

Cette délégation serait sans incidence sur la qualité des soins et sur l'égalité d'accès. La puissance publique aurait la charge de faire respecter les grands principes de la sécurité sociale.

Déléguer la gestion du risque signifie allouer à l'organisme bénéficiant de la délégation une enveloppe financière globale, en rapport avec la nature du risque et la population concernée. Dans le cas d'une mutuelle qui proposerait un service en réseau à ses adhérents, la délégation émanerait du régime obligatoire, qui verserait à la mutuelle une enveloppe globale pour la médecine ambulatoire et hospitalière, en fonction du nombre d'adhérents, de leur âge, de leur sexe et du risque. La mutuelle gérerait globalement le risque et serait l'interlocuteur unique des différents prestataires.

Si, à l'inverse, le régime obligatoire souhaitait mettre en place dans une région un réseau par pathologie, il trouvera un accord avec les assureurs pour qu'ils délèguent à la caisse primaire la gestion du risque complémentaire.

Serait-ce scandaleux ? Serait-ce dangereux ? Non, car l'argument selon lequel les mauvais risques ne seraient plus assurés ne tient pas, dès lors que la puissance publique joue son rôle régulateur.

Que pouvons-nous attendre de telles délégations ? Des économies de gestion, une simplification des procédures et une plus grande responsabilisation des acteurs grâce à l'apparition d'un interlocuteur unique, et un meilleur contrôle des dépenses engagées.

Mon deuxième amendement vise à créer un Conseil national de la délégation de l'assurance maladie, chargé d'étudier les possibilités d'expérimentation et d'évaluer les délégations mises en œuvre. Il réunirait l'ensemble des acteurs concernés : partenaires sociaux, CNAM, assureurs... (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

La délégation mérite d'être expérimentée sans a priori idéologique. En anticipant des évolutions inéluctables, cette formule éviterait que certains risques soient pris en charge en dehors de l'assurance maladie, comme c'est le cas en Italie et en Espagne. Tout en satisfaisant aux exigences de qualité et d'efficacité, elle assurerait la régulation du système. Le délégataire transférerait son risque et le bénéficiaire de la délégation aurait tout intérêt à une bonne gestion médicale et financière.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements pour une raison simple : ce projet vise justement à améliorer la qualité de gestion de l'assurance maladie. Je préfère réorganiser cette gestion que la déléguer. Votre formule, en outre, nous éloignerait des principes fondamentaux de la sécurité sociale. Une expérimentation régionale, par nature, romprait l'universalité du système.

Vous avez la franchise de le dire (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Vous imaginez un système dans lequel les assureurs privés occuperaient une place centrale. Même si le système américain est souvent caricaturé, le vôtre s'en rapproche et risque de rendre l'accès aux soins plus inégal.

M. le Ministre - Par ces amendements, vous soulignez l'importance d'une gestion opérationnelle du risque. Le Gouvernement adhère à cette exigence. La maîtrise médicalisée des dépenses implique une action déterminée de promotion des bonnes pratiques et d'accompagnement des professionnels de santé. Nous souhaitons que les caisses s'investissent davantage dans ces domaines. C'est un des objectifs de la nouvelle gouvernance.

Mais vous souhaitez aller plus loin en expérimentant une délégation de gestion. Le Gouvernement a emprunté une voie différente pour construire un partenariat entre le régime de base et les organismes complémentaires. Il a souhaité que ces acteurs conservent leurs champs d'intervention respectifs, tout en organisant leur partenariat, dans le droit fil des recommandations faites par le Haut conseil.

Premièrement, en prévoyant une concertation entre l'UNCAM et l'Union des assurances complémentaires sur la gestion du domaine remboursable ; deuxièmement, en organisant un échange d'informations, grâce à l'institut des données de santé, pour une gestion du risque plus efficace.

Enfin, j'ajoute qu'un amendement de la commission prévoira d'associer les complémentaires aux négociations conventionnelles...

M. Jean-Marie Le Guen - Ah !

M. le Ministre - ...si l'UNCAM le souhaite et en accord avec les professionnels concernés.

Nous organisons donc, en respectant la prééminence des régimes de base, un dialogue avec les complémentaires que nous espérons fructueux.

Une délégation du type de celle proposée par M. Novelli existe déjà avec les mutuelles de fonctionnaires...

M. Jean-Marie Le Guen - Non !

M. Hervé Mariton - Mais si !

M. le Ministre - ...qui gèrent leur régime de base.

Nous avons, quant à nous, confiance dans les différents acteurs de l'assurance maladie pour mettre en place une gestion du risque plus efficace dans un partenariat avec les complémentaires. Nous pensons que cette réforme peut répondre aux défis qui ont suscité les amendements de M. Novelli.

J'ajoute que les acteurs de l'assurance maladie n'ont pas évoqué eux-mêmes ce type de proposition.

Je souligne également que les frais de gestion de l'assurance maladie représentant moins de 5 % des dépenses globales, je ne suis pas certain que l'intervention d'intermédiaires n'aboutirait pas à une augmentation sensible.

Enfin, je rappelle que les efforts de productivité demandés aux caisses représentent près de 200 millions d'euros.

Je vous demande donc, Monsieur Novelli, de bien vouloir retirer vos amendements.

M. Jean-Marie Le Guen - Ces amendements ont le mérite de la franchise : ils montrent que votre réforme, d'un vide sidéral, n'en est pas une et que d'autres s'emploieront à des réformes effectives.

Je note de plus, et c'est un paradoxe, qu'ils sont signés par plusieurs membres de l'UMP dont M. Mariton qui est le principal orateur de ce groupe.

Enfin, l'exposé des motifs est clair quant à la place à venir des complémentaires dans notre système de soins.

Nous pensons, quant à nous, qu'il appartient aux professionnels de santé d'organiser la gestion du risque. Lorsque, dans quelque pays que ce soit, des assureurs privés s'en sont mêlés, aucun gain de qualité ou d'efficience économique n'a été constaté.

M. Gérard Bapt - L'aile ultra libérale de l'UMP va simplement un peu plus vite que la musique. M. de La Martinière déclarait le 10 juin que l'essentiel, dans la réforme proposée par le Gouvernement, était la présence des complémentaires dans la gouvernance de l'assurance maladie. Il précisait de plus que les fondamentaux de la couverture de risque sont les mêmes pour les mutuelles, les institutions de prévoyance et les assureurs. Il ajoutait enfin qu'il s'opposait à tout monolithisme afin que se développe une offre concurrentielle de marché.

Nous appelons l'attention du Gouvernement et de la majorité sur le fait que ces propositions portent en germe les risques d'un passage à une forme radicalement différente de gestion de l'assurance maladie.

M. Hervé Mariton - L'expérimentation est une possibilité offerte par la réforme constitutionnelle. Il s'agit-là d'une façon judicieuse, efficace et prudente à la fois pour faire avancer les choses.

Les auteurs de ces amendements approuvent totalement la réforme du Gouvernement et pensent qu'il est indispensable, à ce stade de notre débat, de faire des propositions nouvelles afin d'introduire dès aujourd'hui une dynamique nouvelle d'organisation de l'assurance maladie.

La réforme de l'assurance maladie proposée par le Gouvernement est aujourd'hui la meilleure possible, mais nous ne légiférons pas pour l'éternité !

M. Jean-Marie Le Guen - Adieu Chirac ! Il n'a donc pas convaincu grand monde !

M. Hervé Mariton - Nous devons d'ores et déjà défricher des territoires nouveaux. Lorsque j'ai vu se dégager, au cours de la mission Debré, une unanimité aussi immédiate et absolue sur le diagnostic concernant notre système de soins - le débat portant seulement sur la thérapeutique - j'ai pensé qu'une telle unanimité soulevait quelques questions. Probablement sommes-nous allés un peu vite...

M. Jean-Marie Le Guen - Absolument !

M. Hervé Mariton - ...et il conviendrait sans doute de poursuivre le débat.

C'est donc l'occasion de souligner à la fois que le groupe UMP approuve sans réserve le projet, qui a toute sa place aujourd'hui, et que néanmoins le débat sur l'assurance maladie méritera d'être poursuivi dans l'avenir : les amendements entendaient contribuer à cette dynamique-là.

M. Jacques Desallangre - Le danger est clair : c'est la proposition Axa, l'ouverture, la forfaitisation de la dépense de santé et son glissement vers les complémentaires pour leur permettre de la gérer dès le premier euro. M. Novelli l'a dit avec beaucoup de naïveté, à tel point que le ministre et le rapporteur ont dû réagir, et lui dire en somme : « ne dis pas cela tout de suite, le moment n'est pas venu, garde-le pour plus tard... » Et M. Mariton a levé nos dernières incertitudes en disant que le projet allait dans le bons sens - ce qui ne nous rassure pas - mais qu'il faudrait des expériences pour faire avancer les choses. Vers quoi ? On ne le devine que trop.

Le propos repose sur des postulats, qui malheureusement sont faux. De tels dispositifs auraient permis dans certains pays de réduire les coûts de gestion tout en garantissant le libre accès et la qualité des soins. Mais en réalité, partout où ils existent, les dépenses sont plus élevées qu'en France. Comment demander à un assureur privé, qui a des actionnaires à rémunérer, d'avoir pour premier souci de faire faire des économies à ses clients ? Il est là pour dégager des bénéfices, et ne pourra jamais rendre le même service qu'un système de mutualisation. Nos collègues ont reçu un lot de consolation : l'association des complémentaires. Mais ce qu'ils visent est bien autre chose : c'est la marchandisation des services de santé.

M. le Rapporteur - Je salue la franchise de M. Novelli. Et je salue la qualité de l'intervention de M. Mariton. Je pense toutefois qu'il s'exprimait au nom des signataires de ces amendements, et non pas au nom des députés UMP (Exclamations et rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Edouard Landrain - Il est en Europe un pays où le système de M. Novelli a été mis en place : ce sont les Pays-Bas. Mais je lis qu'il est trop tôt pour en tirer des conclusions, même si des résultats positifs apparaissent. Je pense que cette expérience méritera d'être observée.

M. Jean-Marie Le Guen - Si d'aventure M. Novelli retirait ses amendements, Monsieur le président, je les reprendrais.

M. le Président - Sur les amendements 8231 et 8232, le groupe socialiste demande un scrutin public.

M. Hervé Novelli - Je suis heureux que ce débat ait eu lieu, et j'apprécie la réponse du ministre. Il est normal ici de débattre, et l'opposition, qui nous reproche souvent de nous taire, ne devrait pas pousser des cris d'orfraie quand nous nous exprimons !

Ce qui est très important, c'est l'affirmation qu'il est possible de mener des expérimentations - d'ailleurs reconnues par la Constitution quand il s'agit des collectivités locales. Ces expérimentations ont du reste été rendues possibles par le plan Juppé de 1996. Je ne me rallierai donc pas à ce que M. le rapporteur a dit sur ce thème : oui, il faut des expériences.

Ces deux amendements posent, comme l'a reconnu M. le ministre, le problème de la gouvernance. Je sais gré au Gouvernement d'apporter aujourd'hui sa solution à ce problème. Mais la gouvernance par le haut, s'agissant d'un organisme aussi complexe que notre système de santé, comporte des dangers. Les pays qui l'ont connue dans leur organisation politique n'ont d'ailleurs guère eu à s'en louer. C'est la raison profonde de ces amendements. J'ai bien compris que M. le ministre défendait une ligne sociale-libérale. Je pense qu'à l'avenir l'expérience nous conduira à améliorer la gouvernance, et pour cela à nous tourner vers une ligne plus libérale que celle que vous défendez aujourd'hui ; mais dans l'immédiat je retire les amendements.

M. Jean-Marie Le Guen - Ils sont repris.

M. Maxime Gremetz - Je remercie M. Novelli d'éclairer notre débat. Les expérimentations qu'il souhaite existent déjà aux Etats-Unis. Or la dépense de santé y absorbe 13,9 % du PIB contre 9,7 % en France : cela ne permet donc pas d'économies. A quoi s'ajoute que 40 millions de personnes ne peuvent pas se soigner. Si tel est votre modèle, nous n'en voulons pas et nous voterons contre ces amendements.

M. Hervé Mariton - Le choix que fait M. Novelli de retirer ses amendements est sage. Je ne suis pas sûr en revanche de comprendre pleinement les finesses tactiques de M. Le Guen. Il reprend les amendements : est-ce à dire qu'il reprend à son compte leur contenu ? Mais comme on ne peut pas raisonnablement faire confiance à M. Le Guen pour mener ces expériences, le groupe UMP propose de voter contre les amendements (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jacques Desallangre - Courage, fuyons !

A la majorité de 55 voix contre 5, sur 64 votants et 60 suffrages exprimés, l'amendement 8231 n'est pas adopté.

A la majorité de 51 voix contre 3, sur 58 votants et 54 suffrages exprimés, l'amendement 8232 n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

CONVOCATION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - M. le Premier ministre m'informe qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

Acte est donné de cette communication.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures 30.

La séance est levée à 13 heures 25.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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