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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 16ème jour de séance, 41ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 21 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

        RAPPELS AU RÈGLEMENT 2

        AUTONOMIE FINANCIÈRE
        DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
        - deuxième lecture - (suite) 2

        MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 8

        ARTICLE PREMIER A 14

        ARTICLE PREMIER 18

La séance est ouverte à neuf heures trente.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Augustin Bonrepaux - J'ai eu l'occasion de dire hier que l'organisation de nos travaux n'était pas satisfaisante et ce matin, en même temps que la séance publique, se tient une CMP que j'ai dû quitter pour vous demander, Monsieur le président, une suspension de séance d'une heure : je dois en effet, avant d'exposer notre motion de renvoi en commission, écouter les arguments des uns et des autres avant que de savoir si cette dernière se justifie ou non. Dans le cas où elle ne se justifierait pas, nous gagnerions du temps.

M. le Président - Je vous ai déjà répondu hier soir : le président du groupe socialiste a participé hier à 17 heures à la Conférence des présidents et n'a émis aucune objection à notre ordre du jour.

Je vous accorde une suspension de séance de cinq minutes car elle est de droit mais cela ne changera rien à nos travaux. Ma réponse ne variera pas.

M. Augustin Bonrepaux - Il ne faut pas dire de contre-vérité : hier, le président du groupe socialiste a protesté...

M. le Président - La séance est suspendue pendant cinq minutes.

La séance, suspendue à 9 heures 35 est reprise à 9 heures 40.

M. René Dosière - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 1. Actuellement se tient une CMP sur un texte important puisqu'il s'agit du projet sur la relance de la consommation et de l'investissement. Or, deux de nos orateurs MM. Migaud et Bonrepaux, mais aussi, du côté de la majorité, M. le rapporteur général Carrez, siègent dans cette CMP alors qu'ils sont intéressés au premier chef par le débat en séance publique.

Certes, en session ordinaire, nous sommes suffisamment nombreux les uns et les autres pour nous remplacer éventuellement, mais il en va autrement en session extraordinaire, un 21 juillet, le mercredi matin qui plus est ! Notre débat ne devrait donc se poursuivre qu'à l'issue de la CMP, ce qui ne saurait tarder.

M. le Président - Je vous ai répondu. Le fait que nous soyons en session extraordinaire ne permet pas de dire que les parlementaires sont démobilisés. Il appartient à chaque groupe à faire en sorte d'être représenté correctement là où il doit l'être. Ainsi, vous êtes présent et nous allons vous entendre.

AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
- deuxième lecture - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

M. René Dosière - A ce stade du débat, je dois vous dire notre grande déception. Après la première lecture de ce projet, et des élections qui ne vous ont guère été favorables, Monsieur le ministre,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - C'est la vie.

M. René Dosière - ...vous vous disiez attentif, ouvert à la discussion, prêt à répondre. Certes, vous écoutez - tous les ministres ne le font pas -, vous répondez. Pourtant force est de constater que rien ne change, pas une virgule du texte. Pour ma part, j'ai fait diverses suggestions, le Sénat en a repris une partie. Vous n'en tenez aucun compte. Les propos que je vais tenir sont donc pour l'histoire. Car un jour, vous retournerez dans l'opposition, et nous vous rappellerons que nous vous avions prévenus.

M. le Ministre délégué - C'est de bonne guerre.

M. René Dosière - Je vous donne donc rendez-vous.

Ce texte est inutile et il est même un peu dangereux pour les collectivités locales.

D'abord, vous voulez garantir l'autonomie des collectivités en leur affectant des ressources propres, lesquelles sont, selon le type de collectivité, pour 82 % à 95 % des ressources fiscales. Mais vous ne définissez pas ce que sont des ressources propres. Et la Constitution, à laquelle le rapporteur aime nous renvoyer, n'en donne aucune définition...

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois - Si !

M. René Dosière - Non, aucune. On renvoie à la loi organique pour cela.

Dans une communauté, un bien propre appartient à l'un des membres, par opposition à un bien partagé. De même, les collectivités doivent avoir une certaine maîtrise de ce qu'on appelle leurs ressources propres. Pas un expert, pas une association d'élus ne disent le contraire. Le sénateur Hoeffel, ancien ministre, président de l'Association des maires de France, a déposé un amendement à ce sujet

M. le Ministre délégué - Nous avons retenu son amendement.

M. René Dosière - Vous l'avez complètement modifié.

M. le Ministre délégué - Il l'a voté.

M. René Dosière - Il a fini par le faire.

M. le Rapporteur - Et il le fera encore en deuxième lecture.

M. René Dosière - En fait, ignorant tous les avis contraires et mises en garde, vous pratiquez le « nous avons juridiquement raison car nous sommes politiquement majoritaires ».

M. le Ministre délégué - C'est une mauvaise référence !

M. René Dosière - A ce titre, vous pourrez, demain, remplacer la taxe professionnelle par une partie de l'impôt sur les sociétés, la taxe d'habitation par une partie de l'impôt sur le revenu, la taxe sur le foncier bâti par une partie de l'ISF. Vous aurez ainsi privé l'autonomie fiscale de tout son sens.

En second lieu, vous refusez d'inscrire dans ce texte que la péréquation est un élément essentiel de l'autonomie des collectivités. Devant le Sénat, vous avez répondu que la péréquation était l'affaire des dotations d'Etat. C'est une conception des plus restreintes. Pourtant, l'autonomie, c'est l'inégalité, et elle ne devrait donc jamais aller sans péréquation, entre les ressources propres s'entend car elle devrait jouer avant tout sur la taxe professionnelle, qui crée de tels écarts de richesse. Vous la limitez à ce qui est du ressort de l'Etat.

Enfin, ce texte ne vous permettra pas de faire la réforme fiscale que vous annoncez. Les 10 milliards de dégrèvements - 3 milliards sur la taxe d'habitation, 7 milliards sur la taxe professionnelle - sont en fait des subventions attribuées dans des conditions qui vont à l'encontre de toute péréquation. Les études, notamment celle de M. Fréville, le démontrent amplement. En effet, si ces dégrèvements sont considérés par le Conseil constitutionnel comme partie intégrante des ressources propres, on ne pourra plus y toucher. Or il faudrait les redistribuer différemment.

Ce texte procède d'une démarche idéologique. Il y a pire qu'avoir une mauvaise pensée, disait Péguy, c'est d'avoir une pensée toute faite. C'est votre cas. Le groupe socialiste ne peut accepter un texte qui sera, à l'avenir, aussi pernicieux pour les collectivités. Nous en reparlerons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bernard Derosier - Je vois que la brillante démonstration de M. Dosière donne à penser à M. le ministre et à M. le président de la commission. Pourtant, depuis des mois, c'est avec cynisme que ce gouvernement, envers et contre tout, poursuit sa remise en question réactionnaire des avancées des années précédentes. C'est vrai aussi en ce qui concerne la décentralisation. La préoccupation majeure de ce gouvernement et de son ministre des finances est de rendre présentables les comptes de l'Etat en masquant une dette qui atteint 63,7 % du PIB.

On aurait donc pu espérer que ce projet confère une réelle autonomie financière aux collectivités territoriales et leur permette d'échapper au marasme financier de l'Etat. Ce ne sera malheureusement pas le cas. C'est d'autant plus inquiétant que le transfert des charges vers elles -- que même les parlementaires de la majorité rechignent à voter - impliquera d'une part une augmentation des charges publiques supérieure aux économies que fera l'Etat, d'autre part une augmentation de la fiscalité locale que ne compenseront pas les baisses d'impôts promises aux Français dans un premier temps mais auxquelles celui qui décide de tout - vous, Messieurs de la majorité, vous exécutez ! - a finalement annoncé qu'il renonçait.

Ce projet conservateur et à courte vue ne sert ni l'autonomie financière ni la décentralisation. Un authentique renforcement de la décentralisation, soutenue par une autonomie financière effective des collectivités territoriales, impliquerait de procéder au préalable à une refonte complète de la fiscalité locale. Comment envisager en effet une quelconque autonomie financière lorsque celle-ci doit être assise sur des bribes d'impôts nationaux et une fiscalité locale désuète et contre-productive ? Comme l'énonçait le rapport Mauroy, « ce qui menace l'autonomie fiscale, c'est d'abord et surtout l'archaïsme de nos impôts locaux ».

Il faudrait d'abord clarifier les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, étant entendu que l'Etat est le premier contribuable local. C'est en effet lui qui compense les divers dégrèvements et exonérations d'impôts locaux que prévoit la loi. Il assume ainsi plus de 33 % du produit de la fiscalité locale.

Quant à la libre administration des collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel considère qu'elle est assurée aussi longtemps que celles-ci possèdent la maîtrise de leur action. Il admet qu'une dépense obligatoire soit mise à leur charge, à condition que cette dépense n'entrave pas leur libre administration et que leurs ressources globales soient maintenues. Jusqu'à présent, les ressources fiscales des collectivités territoriales sont donc - pour l'essentiel - une variable d'ajustement qui leur permet d'assurer la continuité des services publics locaux et de financer des politiques nouvelles, si du moins elles ne sont pas étouffées par les charges que leur impose l'Etat. L'autonomie fiscale n'a donc pas de réalité.

Pour atteindre une véritable autonomie financière, il faut donner aux collectivités locales un véritable pouvoir fiscal. Le projet qui nous est soumis n'y parvient assurément pas.

Je m'étonne à ce propos du renoncement du Premier ministre qui, il y a quatre ans, signait une proposition de loi dont l'exposé des motifs affirmait qu'« il n'y pas d'autonomie locale sans une autonomie financière, laquelle doit être assurée à 50 % au moins par des ressources propres, c'est-à-dire des ressources dont les collectivités fixent elles-mêmes le montant ». Aujourd'hui, le Premier ministre limite l'appréciation de l'autonomie financière à la prise en compte des ressources propres définies comme l'alliance du « produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif » avec « les impositions dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux ».

Les quatre vieilles taxes restent ainsi un élément majeur de la fiscalité locale. Avec ce texte, nous sommes donc bien dans un registre des plus conservateurs. Et ce d'autant plus qu'aucune évolution n'est envisagée en matière de déliaison des taux de ces impositions désuètes. Les collectivités ne disposent par conséquent que d'une marge de manœuvre extrêmement restreinte pour faire évoluer leur fiscalité.

Par ailleurs, le projet de loi inscrit implicitement les dégrèvements que prévoit la loi dans les ressources propres dont disposeront les collectivités territoriales. Or, cette inscription désavantage des collectivités puisque la compensation du dégrèvement peut réduire la recette à laquelle elles auraient pu prétendre.

Le compromis auquel est parvenu le Gouvernement avec les sénateurs permet l'affectation d'une part d'un impôt national pour financer une compétence transférée. La constitutionnalité de cette disposition est sujette à caution. Il sera en effet possible d'appliquer, de manière législative, des règles de compensation variables selon les collectivités. Les risques d'inégalité sont donc importants et le Conseil constitutionnel aura fort à faire pour apprécier la situation de chaque collectivité.

Mais le refus de réformer la fiscalité locale laisse peu de choix au Gouvernement. La compensation devant reposer sur une imposition identifiée, il cherche des impôts nationaux dont il pourra rétrocéder une part aux collectivités territoriales. C'est une part de la TIPP pour financer le transfert du RMI aux départements, comme cela aurait pu être une part de la taxe d'aviation civile ! Et tant pis pour l'absurdité de la corrélation entre l'évolution du nombre d'allocataires au RMI et celle du prix de l'essence ! Tant pis aussi si les charges induites par le RMI progressent en effet plus vite - 4,6 % en 2003 - que le produit de la TIPP - 1,4 % en 2003.

L'autonomie financière que nous propose le Gouvernement me semble donc une simple prise en compte de ce qui existe actuellement. D'ailleurs, la part déterminante des ressources propres dans les ressources des collectivités est fixée arbitrairement et de manière globale au niveau constaté en 2003 dans une catégorie de collectivité territoriale.

Il est évident que ce projet n'atteint pas l'ambition qu'affiche dans son titre et que l'autonomie n'est qu'illusoire lorsque les compensations accompagnant les transferts de charges sont plus qu'insuffisantes.

En renâclant lorsqu'il s'agit d'évaluer sincèrement le montant des transferts de charge, en évacuant toute idée de réforme de la fiscalité locale et en omettant de compenser effectivement les compétences transférées, le Gouvernement et sa majorité s'apprêtent à nier cette autonomie, comme a d'ailleurs été niée la portée du résultat des élections cantonales et régionales de mars dernier.

La politique gouvernementale a d'abord consisté à charger la barque des collectivités en laissant à ces dernières le soin de financer les multiples désengagements de l'Etat.

La précipitation avec laquelle on nous fait examiner ce projet, en session extraordinaire, reflète celle d'un Premier ministre qui sent bien que l'incompréhension grandit autour de son prétendu acte II de la décentralisation, dont le seul résultat - à ce jour - aura été de prendre le risque de rendre impopulaire aux yeux des Françaises et des Français cette belle et grande idée qu'est la décentralisation. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Quand j'entends certains députés de l'opposition dire que ce projet vide de son contenu la notion de ressources propres, j'hésite entre l'incompréhension et l'indignation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ceux qui s'insurgent aujourd'hui sont en effet les mêmes qui transféraient hier aux collectivités locales de nouvelles compétences sans jamais se soucier d'un quelconque transfert de moyens financiers correspondants ! Qui n'ont rien fait pendant cinq longues années pour l'autonomie financière des collectivités locales ! Qui soutenaient en 2000 un Gouvernement qui, par la voix de son ministre de l'intérieur, refusait d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée une proposition de loi du président Poncelet visant à inscrire dans la Constitution le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ! Entre 1999 et 2002, vous aviez érigé en principe une sorte de recentralisation rampante, qui vous a fait supprimer et transformer en dotations d'Etat plus de 15 milliards d'euros de fiscalité locale.

M. René Dosière - Avec l'approbation du Conseil constitutionnel.

M. Christian Estrosi - Je suis profondément indigné de voir que ce sont ceux qui ont gravement handicapé l'avenir des collectivités locales qui osent aujourd'hui dire qu'ils redoutent une hausse de la fiscalité locale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Cette hausse fut en effet le résultat de la méthode Jospin ! En tant que président de conseil général, je subis les conséquences de cette méthode qui a consisté à transférer des compétences sans transférer les moyens correspondants. Je pensais avoir atteint des sommets en devant inscrire dans mon budget primitif 35 millions au titre de l'APA, mais en juin dernier j'ai dû inscrire 16 millions supplémentaires dans une décision modificative ! Même chose pour les services d'incendie et de secours, que vous avez transférés sans les moyens qui auraient dû aller avec.

Je note, Messieurs les socialistes, que vous gérez aussi mal vos collectivités que l'Etat.

M. Bernard Derosier - C'est sans doute pour cela que 53 départements et 20 régions ont choisi la gauche !

M. Christian Estrosi - Dans mon département, j'ai réussi à corriger vos impérities sans augmenter la fiscalité locale, ni diminuer les investissements.

Dans le département voisin, celui des Alpes de Haute-Provence, son président Jean -Louis Bianco...

M. Bernard Derosier - Il n'est pas là pour se défendre !

M. Christian Estrosi - ...a augmenté la fiscalité locale de près de 50 % pour faire face au transfert de compétences sans transfert de moyens correspondants. Voilà comment vous gérez à la fois l'Etat et vos collectivités (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Alors, faites montre d'un peu de modération et d'honnêteté ! Vous avez abusé les Français à l'occasion des élections régionales, vous leur avez menti en leur laissant croire que la hausse de la fiscalité dans les régions que vous présidiez était due à la politique du gouvernement actuel, alors qu'elle a pour cause les compétences que vous vous êtes transférées sans moyens les cinq années précédentes. Pour éviter cette dérive, nous pratiquons la décentralisation à l'inverse de vous, et ce projet nous permet de sortir de la tutelle déresponsabilisante des dotations d'Etat. Le grand changement s'est produit en mars 2003, avec la garantie constitutionnelle que tout transfert de compétence s'accompagne désormais de l'attribution de ressources équivalentes. En outre l'article 72-2 de la Constitution précise que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités représentent la part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. Ce grand bond en avant dans l'histoire de la décentralisation, le Gouvernement ne peut l'opérer sans manifester une totale confiance envers les collectivités. Depuis 1982, elles ont mûri, elles ont su s'adapter à leurs nouvelles missions.

Cependant, je m'interroge encore sur la meilleure définition possible des ressources propres des collectivités. S'agit-il exclusivement des ressources dont les assemblées délibérantes déterminent librement le montant par l'assiette ou par le taux, ou aussi des impôts localisables ? Vous semblez avoir choisi une définition plus large. Mais les départements demeurent dans l'expectative, car les enjeux financiers sont considérables : l'APA, le RMI-RMA, la sécurité civile... Les départements ont les capacités d'assumer au mieux ces nouvelles missions. Je sais qu'en échange le Gouvernement saura faire preuve de la plus grande loyauté dans les transferts financiers correspondants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Guy Geoffroy - rapporteur de la commission des lois - Il me paraît nécessaire de faire à nouveau référence à la loi fondamentale. Prétendre que la Constitution, dans l'approche de la notion de ressource propre, est insatisfaisante, est une erreur. Je vais relire les trois premiers alinéas de l'article 72-2 . « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. » Ce rappel n'est pas inutile. « Elles peuvent recevoir tout ou partie des impositions de toutes natures. La loi peut - et non pas doit - « les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ». On mesure là le rôle important joué par la loi. Le troisième alinéa dispose : « Les recettes fiscales et autres ressources propres... », ce qui signifie que dans l'esprit du constituant les recettes fiscales telles qu'elles ont été déterminées dans le deuxième alinéa sont bien des ressources propres, y compris les impositions de toutes natures relevant de la fiscalité nationale telles qu'elles pourraient être transférées en tout ou partie. Cette lecture est incontestable, et je vous suggère de ne pas en sortir, et surtout de ne pas faire dire à la Constitution le contraire de ce qu'elle dit exactement.

M. René Dosière - Au Sénat, M. Mercier et certains autres ne font pas la même lecture que vous !

M. le Rapporteur - Ce n'est pas une raison ! Après le coup d'arrêt mis à la dérive dénoncée par Christian Estrosi, la loi organique tend à aller en sens inverse de ce qui a été fait jusque là. Les difficultés sont grandes, puisque vous avez tari la capacité à disposer d'impôts locaux ou transférables. Voilà qui devrait vous inciter à considérer avec un peu plus de mesure le projet de loi organique.

M. René Dosière - Vous êtes le seul à penser ce que vous dites !

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Je tiens d'abord à rassurer M. Brard : le Gouvernement défend l'autonomie financière, notamment en lui fixant un plancher. Cela vaut mieux que quelques traits d'humour au demeurant talentueux. Michel Bouvard a rappelé avec raison l'exigence de clarté, à laquelle répond le texte dans sa nouvelle version. Il s'est également préoccupé de la péréquation. Sur ce point, qu'il sache que la dotation de fonctionnement minimum attribuée aux départements ruraux n'aura pas à pâtir de son éventuelle extension aux départements urbains.

M. Migaud a malheureusement adopté un ton un peu polémique...

M. René Dosière - Hélas, il participe à la CMP !

M. le Ministre délégué - S'il s'inquiète de la compensation financière des transferts de compétences, c'est sans doute qu'il a été marqué, comme nous tous, par les errements du passé. Aidez-moi à le rassurer en lui rappelant que la Constitution le met désormais à l'abri des mauvaises surprises.

M. Augustin Bonrepaux - Cela ne garantit rien !

M. Jean-Pierre Balligand - Et les errements du présent ?

M. le Ministre délégué - M. de Courson...

Mme Anne-Marie Comparini - Il est en CMP !

M. le Ministre délégué - ...nous a présenté un exposé passionnant sur ce que serait un impôt parfait, magnifique sujet d'oral au concours de l'ENA. Il a même émis l'idée de transférer un jour la CSG. On peut certes tout imaginer, mais l'opération serait sans doute un peu compliquée, la CSG étant affectée au financement de la sécurité sociale .

M. Dosière, avec qui j'ai un lien intellectuel ancien puisque j'ai appris dans ses ouvrages les finances locales, se plaint que le texte a peu changé depuis la première lecture. Ce n'est guère étonnant, puisqu'il ne compte que quatre articles. Au reste, Monsieur Dosière, on ne peut pas faire la révolution tous les jours, vous le savez d'expérience. Des précisions substantielles ont cependant été apportées à ce texte qui, je le crois, est maintenant équilibré et dénué de toute ambiguïté. Pour ce qui est de la péréquation, à chaque jour suffisant sa peine, nous en parlerons le moment venu.

M. Derosier a été assez sévère, parlant de « conservatisme », de « politique à courte vue »... Je dois avouer que j'ai un moment pensé qu'il parlait du gouvernement de Lionel Jospin ! Quand il a fustigé les nombreux rapports demandés, j'ai cru qu'il visait les cinq qu'avait commandés M. Jospin sur les retraites. Quand il a dit sa nostalgie d'une véritable décentralisation, j'ai pensé qu'il ne pouvait tout de même pas viser la loi de démocratie de proximité, que M. Vaillant avait fait voter à la sauvette trois mois avant l'élection présidentielle ! Car pour ce qui est du recul de l'autonomie financière des collectivités, de l'assèchement de leurs ressources et de l'augmentation de leurs charges, le bilan du gouvernement Jospin est on ne peut meilleur ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Vous m'avez quelque peu cherché, Monsieur Derosier, eh bien, vous m'avez trouvé, même si je vous réponds très courtoisement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Derosier - Quelle mauvaise foi !

M. le Ministre délégué - Monsieur Estrosi a évoqué la confiance et la responsabilité. Ce sont en effet les maîtres-mots de notre projet de décentralisation, lequel transcende les clivages partisans. Comme l'ensemble de mes collègues, j'ai puisé beaucoup d'inspiration dans le rapport de M. Mauroy sur le sujet. Notre texte permettra de rétablir des relations de confiance, sérieusement entamées ces dernières années, entre l'Etat et les collectivités. Celles-ci entrent dans leur âge adulte, et se dessine enfin le contour de relations claires et transparentes. Pour ce qui est du financement des compétences transférées aux départements, je tiens à vous rassurer, Monsieur Estrosi. La taxe sur les conventions d'assurances a vocation à financer les SDIS, la part de la TIPP transférée le RMI-RMA : l'Etat s'est clairement engagé sur ces deux points. Le projet de loi relatif aux transferts le précisera encore.

Nous voici dans la dernière ligne droite de l'examen de ce projet de loi organique. L'heure est venue d'entrer dans le vif du sujet, avant d'aborder les étapes suivantes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. Augustin Bonrepaux - Loin de procéder à des transferts de compétences équilibrés, ce projet organise le recul de l'autonomie financière des collectivités, contrairement à toutes vos promesses. Car, si vous êtes bien sévère à l'égard du précédent gouvernement, vous êtes bien indulgent avec le vôtre, oubliant tout ce que vous aviez promis ! Les collectivités d'ailleurs ne s'y trompent pas, toutes opposées à vos propositions. Le transfert du RMI est un bel exemple du recul de l'autonomie financière des collectivités car les compensations n'ont pas suivi, tant s'en faut. Les impôts locaux ont dû prendre le relais, et ce qui attend les départements avec le transfert des TOS sera pire encore.

Nos concitoyens vous ont clairement dit lors des dernières élections leur crainte que la décentralisation, loin de se traduire par un meilleur service, ne conduise qu'à l'envol des impôts locaux. Mais au mépris du verdict des urnes, vous vous obstinez et persistez dans vos erreurs. Vous critiquez l'action du gouvernement Jospin, oubliant de dire que les compensations ont toujours été indexées sur la DGF. Ne secouez pas la tête, Monsieur le ministre, car cela est vrai. Je vous autorise à m'interrompre si vous pouvez prouver le contraire.

Que proposez-vous ? Un texte émasculé, dont la lecture au Sénat n'a fait que confirmer les mensonges et l'irrespect de ce gouvernement à l'égard des collectivités. Cela prêterait à rire, si ce n'était aussi grave, quand on sait comment le Sénat s'était énergiquement mobilisé sur toutes ces questions sous le précédent gouvernement ! Lors de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, de fallacieux prétextes avaient conduit le Sénat à examiner une proposition de loi constitutionnelle n°432, cosignée par M. Poncelet, président de la Haute assemblée, M. Raffarin, alors président de l'Association des régions de France, M. Puech, alors président de l'association des départements de France, M. Delevoye, alors président de l'Association des maires de France, M. Fourcade, alors président du Comité des finances locales, consacrant « le principe de libre administration des collectivités locales, dont l'autonomie fiscale et financière est un fondement essentiel ». « Un coup d'arrêt serait ainsi donné au processus actuel de démantèlement de la fiscalité locale », y était-il dit plus loin.

Que votre texte actuel est loin de cette proposition de loi ! Celle-ci disait que les ressources fiscales des collectivités devaient constituer « une part prépondérante » de leurs ressources - vous avez transformé cela en « part déterminante », ce qui ne veut rien dire ! Cette proposition de loi prohibait également le remplacement d'impôts locaux par des transferts financiers de l'Etat, ce qui est pourtant ce que vous faites. Enfin, elle garantissait la libre administration des collectivités « par la perception de ressources fiscales dont elles votent les taux afin d'en moduler le produit ». Vous avez oublié tout cela, et le Sénat lui-même, en dépit des affirmations de M. Hoeffel, a décidé tout l'inverse !

Tout comme dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, aucune réflexion n'a été conduite sur les structures intercommunales à fiscalité propre, dont l'autonomie financière n'est en rien garantie. C'est particulièrement inquiétant au moment où l'intercommunalité progresse et où la taxe professionnelle, unique ressource des structures les plus intégrées, est menacée de suppression.

Ce texte devrait préciser d'abord les conditions de l'évaluation des transferts, car la quatrième alinéa de l'article 72-2 demeure très vague. La loi du 29 décembre 1997 disposait, elle, que « tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités est accompagné du transfert concomitant (...) des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses consenties, à la date du transfert, par l'Etat au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. » Est-ce le cas aujourd'hui ? Pas du tout, on l'a vu avec le RMI, et ce sera pire encore avec les TOS. Le RMI a été transféré au 1er janvier dernier avec pour compensation une part de TIPP égale ce qu'il coûtait au 31 décembre 2003. Mais le niveau du RMI a augmenté de 1,5 %, le coût du personnel augmente chaque année de 3,5 %, chaque RMA entraîne une charge supplémentaire de 15 % et le nombre de érémistes a augmenté de 10 % depuis janvier dernier, et même de 15 % à 20 % dans certains départements ! Rien n'est prévu pour compenser ces nouvelles charges aux départements, ce qui ne peut qu'aboutir à l'explosion des impôts locaux. M. Estrosi, lui, a de la chance de diriger un département riche et il n'est sans doute pas trop douloureux d'augmenter les impôts locaux dans les Alpes-Maritimes ou les Hauts-de-Seine ! Ce n'est pas le cas partout. Cela étant, que l'on ne vienne pas nous dire que nous n'avons qu'à mieux gérer ! Car l'année dernière, les impôts locaux avaient davantage augmenté en Ille-et-Vilaine, département cher à M. Méhaignerie, qu'en Ariège ! C'est la preuve que nous savons être bons gestionnaires, même avec de faibles moyens.

Pour ce qui est du transfert des TOS, les choses s'annoncent mal. Le Gouvernement commence en effet par réduire les postes... pour diminuer la base des transferts. Des postes indispensables au bon fonctionnement des établissements sont supprimés : ainsi dans l'Ariège ou bien encore dans le Tarn-et-Garonne... au motif, dans ce dernier cas, qu'un établissement vient d'ouvrir en Haute-Garonne ! Cette décentralisation provoquera la pagaille dans les établissements qui, déjà, ne peuvent pas fonctionner avec seulement les personnels de l'Education nationale. Dans certains d'entre eux, jusqu'à 60 % des emplois de TOS sont occupés par des CES, des CEC, des intérimaires..., dont l'Etat ne propose nullement de compenser le transfert ! Qui les paiera dorénavant ? De même, qui supportera le coût de la gestion de tous ces personnels ? Ce sera bien une charge supplémentaire pour les départements. Seulement elle n'est pas prise en compte puisque vous vous contentez de transférer les crédits figurant à ce titre dans la loi de finances pour 2004. Ces crédits ne seront pas suffisants, et vous serez responsables du désordre qui en résultera !

Et il en ira de même du fonds social au logement, dont vous avez diminué les crédits l'année dernière, pour les augmenter cette année, sans pour autant atteindre un niveau convenable.

Vous transférez les routes, mais non les moyens d'investissement qui seront à la charge des collectivités locales.

Enfin, la définition des ressources propres. Il s'agirait du produit des impositions de toutes natures. Mais là encore, le Gouvernement a sa propre interprétation et nos collègues de la majorité, que je ne critique pas, ont eu tort de lui faire confiance, car votre réforme de la Constitution n'a d'autre but que de préparer la décentralisation et de faire accepter les transferts. Vous avez voté en toute bonne foi une réforme, et aujourd'hui on vous annonce qu'il serait contraire à la Constitution de faire évoluer les taux ! Vous avez été piégés, car c'est vous qui devrez répondre devant vos électeurs de l'augmentation des impôts locaux, pas le Gouvernement !

Le Gouvernement est arrivé ici, avec son projet de loi sur les responsabilités locales, en nous assurant qu'il était parfaitement normal que les collectivités territoriales puissent faire évoluer leurs ressources propres. Un amendement tendant à préciser que les ressources propres étaient celles dont les collectivités locales peuvent voter le taux ou fixer le tarif avait même été accepté par le rapporteur, et soutenu par Pascal Clément en commission ! Et voilà qu'en séance, on nous propose de le retirer, au prétexte qu'il serait repris dans la loi sur l'autonomie financière. Entre-temps, M.Clément a été sermonné, il est revenu sur sa position, et vous êtes aujourd'hui contraints de voter une disposition aboutissant à ce que les ressources propres ne soient plus évolutives.

Les modalités de transfert du RMI aux départements devraient vous ouvrir les yeux. Les collectivités territoriales ne peuvent se contenter de ressources qu'elles ne maîtrisent pas, et qui s'apparentent tout simplement à des dotations d'Etat ! Cette part du produit de la TIPP n'est pas autre chose, comme le disait M. de Courson, qu'un prélèvement sur recette...

M. le Ministre délégué - Pas du tout !

M. Augustin Bonrepaux - ....qui n'évolue même pas au même rythme que l'inflation ! Monsieur le ministre, ne hochez pas la tête, et ne me parlez pas encore des chiffres de la TIPP qui ont augmenté entre 1992 et 1997, grâce à MM. Balladur et Juppé qui n'y sont pas allés de main morte! En dehors de cette période, le produit de la TIPP n'augmente pas comme l'inflation, et je ne parle pas du protocole de Kyoto, ni de la réduction de la vitesse sur les routes, qui vont encore restreindre la progression de cette taxe.

Une dotation indexée sur le dotation globale de fonctionnement, comme nous l'avions prévu, par exemple, pour compenser la suppression de la vignette, est bien préférable, et garantit les ressources des collectivités locales. Le coût du RMI a augmenté de 4,4 % en 2003, mais le produit de la TIPP n'a progressé que de 1,4 % : c'est sur les impôts locaux que pèsera cette différence de trois points ! Mais il est vrai que votre seul souci est de transférer le déficit sur les collectivités locales pour pouvoir poursuivre vos baisses d'impôts, qui ne servent du reste à rien, la situation actuelle en témoigne.

Au Sénat, M.Hoeffel a repris et défendu avec courage cet amendement, qui serait conforme à la Constitution, mais aussi aux travaux préparatoires à la révision constitutionnelle, au cours desquels M. Clément a bien affirmé que les ressources propres étaient celles dont la détermination revenait à la collectivité territoriale ! Enfin, M. Hoeffel a assuré qu'il y avait une distinction claire entre les ressources fiscales propres et le produit des impositions de toutes natures, distinction qui figure par ailleurs à l'article 9 de la Charte de l'autonomie locale. Malheureusement, le Sénat, comme à son habitude, a bien évidemment voté un sous-amendement de M. Fréville qui le prive de tout effet ! En quoi une ressource dont la loi détermine par collectivité la localisation de l'assiette ou du taux est-elle une ressource propre ? Si le législateur décide que la TIPP ne doit pas varier, la TIPP est-elle vraiment une ressource propre ? Vous ne le pensez pas, mais vous n'osez pas le dire !

Seules les impositions dont les collectivités déterminent les taux ou fixent les tarifs sont des ressources propres, comme vous l'aviez promis, et comme le souhaitait la majorité des élus.

Ce qui s'est produit avec le transfert du RMI se répètera avec le transfert des autres charges. Est-il normal que le Gouvernement ne nous dise rien des impôts transférés ? De la mesure dans laquelle les collectivités pourront faire varier les taux ? Comment la TIPP sera-t-elle localisée ? Le ministre nous avait promis que la part de TIPP transférée aux régions couvrirait à l'euro près les nouvelles dépenses, et qu'il autoriserait les régions à faire varier les taux. Et M. Sarkozy d'ajouter que les nouvelles compétences seraient intégralement financées par le transfert d'une ressource fiscale dynamique, dont l'évolution serait liée à la croissance, qu'il s'agirait d'une partie de la TIPP, et que les régions pourraient moduler le taux de la taxe ! Malheureusement, la Commission européenne refuse cette variation pour le gazole, et le ministre a beau nous expliquer que cette interdiction concernerait le seul gazole professionnel, je me demande bien comment s'opèrera la distinction avec le gazole à usage particulier ! Quel manque de préparation, et je ne parle pas de la rupture d'égalité avec les départements qui, eux, ne pourront pas faire évoluer le taux de la part de TIPP qu'ils recevront ! N'y a t-il pas là un motif d'inconstitutionnalité ?

Le Gouvernement nous parle de la taxe sur les conventions d'assurance, mais aucune simulation n'a été présentée en commission des finances ! Et nous débattons aujourd'hui de l'autonomie financières des collectivités locales en l'absence du président et du rapporteur général de la commission des finances ! Le seul membre de la commission des finances est à la tribune, parce qu'il a été obligé de déserter la commission mixte paritaire qui est justement en train de caporaliser les collectivités locales. En effet, M. Sarkozy, exécutant des décisions de l'Elysée, vient de nous expliquer que les collectivités locales devraient s'engager à ne pas augmenter les impôts ! Et on nous transfère de nouvelles charges !

Soit votre texte est mal préparé, soit vous nous cachez quelque chose, à moins qu'il ne s'agisse d'incompétence !

Venons-en maintenant à la réforme de la taxe professionnelle, annoncée par le Président de la République, et qui pose problème pour les collectivités qui ont opté pour la taxe professionnelle unique.

Si, par exemple, on prend comme base la valeur ajoutée, les ressources se concentreront sur les zones qui ont des entreprises à forte valeur ajoutée, au détriment de celles qui ont des entreprises de main-d'œuvre. Serons-nous plus avancés si vous remplacez la taxe professionnelle par une TIPP, dont nous ne pourrons pas faire évoluer le produit ? N'est-ce pas la mort programmée de l'intercommunalité ?

A ce propos, Monsieur le ministre, vous nous expliquerez comment M. Borloo finance son plan de cohésion sociale : j'ai entendu qu'il prélevait 120 millions sur la coopération intercommunale... Où est votre politique de péréquation ? Vous avez inscrit le mot dans la Constitution, mais cela s'arrête là...

Le plus grave dans tout cela, c'est que vous allez couper le lien entre le contribuable et les élus. Alors que l'élu a pour responsabilité de voter l'impôt, le contribuable ayant en contrepartie le droit de lui demander ce qu'il fait de son argent, vous allez transférer des impôts d'Etat, en ne laissant à l'élu que la responsabilité de redistribuer ces ressources... Quant au citoyen, il sera dans ces conditions enclin à demander toujours plus de services publics : votre système le déresponsabilisera.

Mes chers collègues, vous avez bien compris (« Oui, tout ! » sur les bancs du groupe UMP) que vous allez être en première ligne dès le prochain congrès des maires : il va falloir leur expliquer pourquoi les impôts locaux augmentent, pourquoi vous avez voté un texte contraire à ce qu'ils vous demandaient, et quelle est votre conception de l'autonomie quand vous les privez de leurs responsabilités en matière d'impôts tout en leur transférant des charges.

Ce texte institue la loi du plus fort. « Moi, je suis riche, alors pourquoi augmenter les impôts ? », nous disait tout à l'heure M. Estrosi... Mais malheur aux pauvres ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C'est une politique de boutiquier, pour reprendre une expression qui n'est pas de moi.

M. André Chassaigne - Chacun pour sa pomme !

M. Augustin Bonrepaux - Où va ce Gouvernement ? Sa politique obère dangereusement l'avenir de notre pays et de nos enfants. Nous prenons date, et nous en reparlerons en 2007. Si ce texte et celui qui va suivre sur les responsabilités locales constituent un testament, comme l'a annoncé quelqu'un qui est, je crois, toujours membre de votre majorité, ce testament sera assorti d'une addition salée, et c'est vous qui la paierez ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP, applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Piron - Qui pourrait nier que nous avons pris le temps de débattre très longuement sur ce projet ? Qui pourrait nier que nous avons entendu des exégèses et interprétations particulièrement développées sur la notion de ressources propres ? Rien ne saurait donc justifier, sauf à faire l'apologie d'un psittacisme aigu, le renvoi en commission d'un texte aussi mûr, soigneusement pensé et pesé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Rappel au Règlement, à propos de l'organisation de nos travaux et de la courtoisie qui pourrait présider à nos débats. La commission des finances, qui avait été saisie pour avis en première lecture, ne l'a pas été en seconde lecture, ce qui montre l'improvisation de nos travaux. Ce matin, ses membres devaient participer à la réunion d'une CMP. Augustin Bonrepaux a fait l'effort de venir en séance pour défendre la motion de renvoi en commission, et il n'obtient aucune réponse, ni du rapporteur, ni du ministre ! Le groupe socialiste, qui a formulé des observations de fond, est vraiment traité par le mépris, tant par la majorité que par le Gouvernement. Pourquoi sont-ils si pressés ? Nous protestons solennellement contre le traitement incorrect ainsi infligé aux membres du groupe socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. André Chassaigne - Pas seulement le groupe socialiste !

M. le Ministre délégué - Je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu. Je veille toujours à ne jamais laisser de question sans réponse. La seule raison de mon silence est que je souhaitais, avant de m'exprimer, entendre l'ensemble des explications de vote.

M. Didier Migaud - Vous ne pouvez pas reprendre la parole après !

M. le Ministre délégué - Je connais sans doute le Règlement beaucoup moins bien que vous, mais je crois savoir que le Gouvernement peut s'exprimer à tout moment.

M. le Président - Le Règlement prévoit que le Gouvernement intervient en principe avant les explications de vote.

M. le Ministre délégué - Dans ce cas, je vais répondre tout de suite.

Contrairement à ce qu'a dit M. Bonrepaux, un très important travail a été accompli sur ce texte, tant en commission qu'en séance publique. L'essentiel a été dit et même répété à de nombreuses reprises. Je ne vois donc pas ce qui pourrait justifier un renvoi en commission, d'autant que la disposition constitutionnelle relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales nécessite, pour avoir une portée pratique, que la loi organique soit adoptée. Nous avons dit combien nous avions à cœur d'apporter toutes les garanties financières. Il nous faut donc maintenant, au-delà de la passion du moment, entrer dans le vif du sujet en discutant des amendements, afin que nous puissions en terminer avec ce texte. Le Gouvernement invite donc l'Assemblée à rejeter cette motion.

M. André Chassaigne - Hier soir déjà, après mon intervention sur l'exception d'irrecevabilité, ni M. le ministre ni M. le rapporteur n'ont daigné répondre alors qu'en première lecture ils nous avaient habitué à une autre façon de procéder. Je demanderai d'ailleurs une suspension de séance à l'issue du vote sur la motion de renvoi en commission pour discuter avec le président de mon groupe du mépris dont vous faites preuve (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Trois arguments, parmi ceux excellemment développés par M. Bonrepaux, nous conduisent à voter cette motion de renvoi en commission.

Premièrement, ce que vous proposez n'aboutira en aucun cas à une autonomie de gestion. Les collectivités locales, qui supportent déjà des charges beaucoup trop lourdes, devront réduire leurs dépenses à caractère social ; elles n'auront plus aucune marge de manœuvre.

Deuxièmement, nous n'avons aucune garantie au sujet de la TIPP. Sa faible progression - 1 % par an pendant dix ans -, sa baisse programmée, voire l'impossibilité de faire varier son taux ainsi que l'absence de simulation sur l'impact de son transfert : autant de problèmes qui doivent être réétudiés.

Troisièmement : quid de la réforme de la TP ? Quelles conséquences pour les EPCI à TP unique ? Comment la remplacer dès lors que le Président de la République a annoncé sa suppression ?

Il faut, on le voit, renvoyer le texte en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bernard Derosier - Il était en effet souhaitable que le ministre s'exprime avant la fin des explications de vote.

Le groupe socialiste votera cette motion de renvoi en commission car trois problèmes majeurs ne sont pas résolus qui détruisent toute relation de confiance entre l'Etat et les collectivités.

Concernant tout d'abord l'APA, M. Estrosi vient de critiquer l'un de ses collègues pour avoir augmenté les impôts afin de faire face aux dépenses occasionnées par son transfert. Mais le FAPA lui-même a mis en évidence les disparités existant entre départements : 13,1 % des personnes âgées bénéficient de l'allocation dans les Alpes-maritimes contre 17,2 % dans les Alpes de Haute Provence et 19,6 % dans la Loire, département de M. Clément. L'Etat n'a pas dégagé suffisamment de moyens alors que le Gouvernement s'était engagé à tenir compte de la situation réelle des finances des collectivités à la fin de l'exercice 2002.

M. Michel Bouvard - La compensation accordée par le gouvernement Jospin était de 23 % !

M. Bernard Derosier - Concernant les services départementaux d'incendie et de secours, nous avons aussi entendu des contre-vérités. La loi de 1996 a été votée par la droite...

M. Michel Bouvard - C'est la loi relative à la démocratie de proximité de 2002 qui est en cause !

M. Bernard Derosier - Vous ne connaissez pas vos dossiers, Monsieur Bouvard ! En 1996 - c'est M. Debré qui était ministre de l'intérieur - on a départementalisé sans affecter les moyens et la loi de 2002 a heureusement précisé les responsabilités entre les différentes collectivités.

Je constate d'ailleurs que le texte sur la sécurité civile ne remet pas en cause la départementalisation : si elle est si mauvaise, proposez un autre système!

Enfin, le ministre semble se satisfaire de l'affectation d'une part de la TIPP au financement du RMI. Or, en 2003, la TIPP a augmenté de 1,4 % quand le nombre de RMistes a crû, lui, de 4,6 %. Comment concilierez-vous ces chiffres ?

Un renvoi en commission des lois nous semble d'ailleurs d'autant plus à propos que M. le président de la commission des lois ayant déjà changé d'avis au sujet des collectivités locales, il n'est pas exclu qu'il en profite pour changer à nouveau (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Anne-Marie Comparini - Le groupe UDF ne votera pas la motion de renvoi en commission pour deux raisons fondamentales : d'une part, le travail parlementaire n'a pas manqué depuis deux ans, et sur la définition des ressources et sur les modalités d'applications des transferts, et d'autre part, si M. Bonrepaux a prononcé une bonne intervention de discussion générale, ses arguments pour renvoyer ce texte en commission ne sont pas probants.

Autre argument pour aller au plus vite au bout de ce débat : nous avons tous remarqué, concernant la décentralisation, que plus le temps passe, plus le contenu des dispositifs s'affaiblit : en 2002, les régions étaient chefs de file, en octobre 2003 au Sénat, en première lecture, elles étaient responsables, en 2004, au Sénat toujours, elles ne sont plus que coordinatrices.

M. René Dosière - Entre temps, il y a eu des élections régionales !

Mme Anne-Marie Comparini - Une loi ne s'élabore pas en fonction des élections, Monsieur Dosière.

Plus sérieusement, M. de Courson présente un amendement qui permet d'échapper à la lecture limitative de M. Geoffroy quant à l'autonomie des collectivités.

Pour toutes ces raisons, il est urgent de débattre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Je vais donc suspendre la séance pour cinq minutes.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Les membres UMP de la commission des lois souhaitent une suspension de séance à partir de 11 heures 45 pour un vote interne. Peut-être pourrait-on attendre avant de suspendre ?

M. le Président - La suspension de séance demandée par M. Chassaigne étant de droit, je suspends la séance pendant cinq minutes.

M. le Président de la commission - Je demanderai donc une nouvelle suspension à 11 heures 45.

M. le Président - D'accord.

La séance, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 11 heures 35.

M. le Président - J'appelle, dans le texte du Sénat, les articles du projet pour lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte commun.

ARTICLE PREMIER A

M. René Dosière - Il s'agit de définir un degré d'autonomie financière selon le type de collectivité territoriale, région, département ou commune. Les communes formeraient une seule catégorie, avec le même ratio. Elles sont 36 679 et j'aurais donc envie de dire chiffre unique, chiffre inique. Les éléments statistiques nous font cruellement défaut, aussi ai-je fait moi-même quelques calculs grossiers mais significatifs.

Pour la commune de Paris, avec un budget de 5 milliards pour plus de 2 millions d'habitants, le taux de ressources propres serait de 53 %. Mais pour les 21 079 communes de moins de 500 habitants qui regroupent deux fois plus de population et dont le budget est globalement équivalent à celui de Paris, le taux d'autonomie financière serait de 29 %. Pour l'ensemble des communes de moins de 10 000 habitants, ce taux serait de 38 % et il serait de 44 % pour les communes de plus de 10 000 habitants. Traiter Paris et de toutes petites communes de la même façon n'a guère de sens.

M. Jean-Pierre Balligand - Je dirai même plus : ce peut être très dangereux.

M. René Dosière - Dans ces catégories, on inclut l'outre-mer, et en particulier la Polynésie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). M. le Président de la commission la connaît très bien pour y être allé en voyage, et suite au magnifique statut que vous avez fait voter, les élections ont abouti à un changement historique, le roitelet local ayant laissé la place à un démocrate. Or la Polynésie définit elle-même l'assiette et le taux de chacun de ses impôts et en perçoit intégralement le produit. Y a-t-il collectivité qui dispose d'une autonomie financière aussi complète ? Dès lors, il faut l'exclure d'un calcul qui n'a pour elle aucun sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le président de la commission des lois - Je demande une suspension de séance de quelques minutes (« Obstruction ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - J'avais demandé tout à l'heure une suspension de séance pour permettre aux membres de la commission des finances de participer à la commission mixte paritaire qui se tenait ce matin. Si elle m'avait été accordée, cela aurait permis à M. Pascal Clément de réunir ses amis pour régler le problème qui les occupe. Il y a deux poids, deux mesures, Monsieur le Président !

M. le Président - Ne mettez pas en cause la présidence ! J'ai accordé cinq minutes de suspension au groupe socialiste, puis au groupe communiste. Je peux bien accorder la même chose à M. Clément. Je traite également tous les groupes !

La séance, suspendue à 10 heures 45, est reprise à 10 heures 50.

M. Didier Migaud - Rappel au Règlement, pour m'étonner une fois de plus de l'organisation de nos travaux, ou plutôt de leur inorganisation. Il y avait ce matin à la fois séance publique et réunion d'une commission mixte paritaire sur un sujet important, ce qui avait amené M. Bonrepaux à demander une suspension de séance le temps que se termine cette CMP - demande qui a été repoussée. Et voilà que le président de la commission des lois demande, en pleine discussion de l'article premier, une suspension de séance pour que les membres UMP de la commission des lois puissent désigner un vice-président !

Tout cela témoigne non seulement d'un manque de coordination de la part de la majorité, mais encore d'un total irrespect envers l'opposition. Cette session extraordinaire prend un tour de plus en plus ubuesque et de moins en moins conforme à la tradition républicaine, avec cette volonté du Premier ministre de passer en force sur des textes qui n'ont en réalité aucun caractère d'urgence.

Nous élevons donc la protestation la plus vive contre la façon dont se déroulent nos travaux et nous dénonçons le comportement de l'UMP, qui se croit ici chez elle et qui manque de respect envers le reste de l'Assemblée ! Par ailleurs, je ne vois pas comment le débat pourrait se poursuivre en l'absence du président de la commission des lois et je propose donc que nous levions carrément la séance.

M. René Dosière - Rappel au Règlement. Lors de mon intervention sur l'article premier, j'ai posé un certain nombre de questions. A peine avais-je fini qu'il fallait suspendre ! Je n'ai donc pas obtenu de réponse. On ne peut pas débattre d'une façon aussi hachée !

Pour notre part, nous considérons que ce texte mérite une discussion soutenue, sérieuse et sereine. Mais peut-être veut-on nous inciter à faire de l'obstruction... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Je vois apparaître le rapporteur général, qui n'a pas pu suivre nos travaux puisqu'il était retenu en CMP. Est-il concevable que le rapporteur général, qui certes n'est plus rapporteur pour avis en deuxième lecture mais qui l'était en première, soit empêché d'assister au débat sur un projet relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales ?

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement. Le président de la commission des lois a demandé tout à l'heure une suspension de séance. C'est tout à fait son droit. Il avait certainement des problèmes importants à résoudre au sein de la commission des lois. On voit par là que ma demande de renvoi en commission était particulièrement justifiée, puisqu'à la suite de cette nouvelle réunion, le président de la commission aurait pu délibérer avec ses amis.

Si le débat se déroule dans des conditions décousues, nous n'y sommes pour rien. Avant même que siège la Conférence des présidents, chacun savait qu'une CMP devait se réunir ce matin. Hier soir, le rapporteur général de la commission des finances n'a pas pu participer à notre discussion parce qu'il préparait cette réunion, et nous le comprenons très bien. Ce matin même, il était retenu par la CMP. Or un texte relatif à l'autonomie financière des collectivités locales, dont le rapporteur général est rapporteur pour avis, peut-il être examiné sérieusement en son absence ? Evidemment non ! Je suggère donc à la majorité de se ressaisir. Quant à nous, pour revoir nos amendements, nous avons besoin d'une suspension de séance d'une demi-heure.

M. le Président - Monsieur Migaud, j'ai accordé ce matin une suspension à chacun des groupes qui l'a demandé. Monsieur Dosière, vous vous plaignez que le ministre ne vous réponde pas. Continuons donc d'entendre les orateurs inscrits sur l'article, et le ministre répondra ensuite. A moins que vous cherchiez à créer des incidents ? Si vous maintenez votre demande, la suspension sera très courte.

M. Augustin Bonrepaux - Nous voulons délibérer sereinement. Afin de bien préparer nos amendements, nous demandons en effet une suspension de séance.

M. le Président - Je vous accorde trois minutes !

La séance, suspendue à 12 heures 3 est reprise à 12 heures 6.

M. Michel Vergnier - Maire d'une modeste préfecture et président de l'association des maires de la Creuse...

Plusieurs députés UMP - Bravo !

M. Michel Vergnier - ...qui regroupe des élus de toutes tendances politiques, je crois pouvoir m'en faire le porte-parole. Ces élus d'un département sur lequel pèsent des handicaps structurels lourds craignent que leurs difficultés s'accroissent encore davantage. Vous avez refusé l'ensemble de nos amendements, qui pourtant répondent largement aux attentes des élus. Je suis convaincu que vous avez tort. Je préférerais me tromper, car tous ici nous nous préoccupons du bon développement de nos territoires. Mais quand nous voyons les fonds du FEDER consacrés au développement des centres-villes et centres bourgs être transférés au budget de l'Etat, nos craintes s'avivent. Je sais bien que les finances de l'Etat ne sont pas brillantes et qu'il faut trouver de l'argent d'une manière ou d'une autre. Mais votre méthode n'est pas la bonne. Les collectivités territoriales doivent rester maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre des projets qu'elles veulent conduire, et dont elles sont responsables devant la population.

J'ai la conviction que la majorité et le Gouvernement se trompent dans leur démarche, qui conduira, j'en prends le pari, à diminuer les ressources des collectivités territoriales, ce qui signifie moins d'investissements donc moins de travail pour nos entreprises, nos PME et nos artisans, et donc des suppressions d'emplois. Je parle ici sans aucun esprit polémique ; simplement, quand on a des convictions, on a le droit de les exprimer. Je comprends ce que vous voulez faire, mais je considère que vous avez tort. Ne laissez pas payer aux autres ce que vous ne payez pas vous-mêmes. Si par malheur l'avenir me donnait raison, les conséquences seraient dramatiques pour nos collectivités territoriales.

M. Pascal Terrasse - A mon tour de prendre l'exemple de mon département, l'Ardèche, auquel vous avez déjà souhaité transférer la gestion complète des crédits du RMI. Nous pensions que ce transfert aurait lieu à recettes et dépenses équivalentes, afin de ne pas accroître la charge pesant sur les petites collectivités locales. Or, pour mon département, manquent d'ores et déjà 150 000 €, et, au terme de l'année, faute d'une compensation forte, nous serons placés dans une situation difficile qui nous contraindra à augmenter les impôts locaux.

De même, des personnels de l'équipement seront transférés à une date proche mais que nous ignorons encore. Il est prévu que nombre de retraités ne soient pas remplacés. Aussi, tout naturellement, ces personnels démarchent-ils les collectivités territoriales, avec la pression qu'induit la proximité. Quelle que soit leur orientation politique, les conseils généraux sont très inquiets.

Les fonctionnaires transférés dépendront-ils des caisses de retraite de l'Etat ou des collectivités, en l'espèce la CNRACL ? Vous me répondrez certainement que les personnels auront un droit d'option. Mais ceux que les collectivités recruteront ensuite ne pourront, eux, avoir le statut de fonctionnaire d'Etat. Cela aura des incidences financières très lourdes pour les collectivités, sans que celles-ci aient les moyens d'y faire face.

M. Augustin Bonrepaux - Comment l'autonomie financière des structures intercommunales sera-t-elle garantie puisqu'elles ne sont pas mentionnées dans cet article premier ? Nous sommes par ailleurs à la veille d'une profonde réforme de la taxe professionnelle. Parmi les trois solutions proposées par la commission Fouquet, l'une consiste en la suppression pure et simple de cette taxe. Si tel devait être le cas, par quel impôt serait-elle remplacée ? On nous a d'ores et déjà indiqué que nul impôt d'Etat ne pourrait s'y substituer. Serait-elle donc compensée par une part de TIPP ? Est-ce là ce que vous appelez un renforcement de l'autonomie financière des collectivités ?

Autre question : nous sommes habitués aux manœuvres de M. Borloo qui n'hésite jamais à prélever ailleurs ce dont il a besoin pour financer ses projets. On l'a vu l'an passé où il est allé prendre sur la taxe sur les offices HLM, y compris dans les communes et les départements les plus pauvres, pour financer son plan de rénovation des banlieues - ce qui s'apparente à de la péréquation à l'envers ! On le voit maintenant où il parle de prélever 120 millions d'euros sur la DGF des groupements intercommunaux pour financer son plan de cohésion sociale ! Tous les élus sont inquiets. Sur quels groupements ce prélèvement sera-t-il effectué et selon quels critères ? Nous sommes bien sûr d'accord pour aider les communes les plus en difficulté, mais que l'on commence d'abord par supprimer la DSU aux communes qui en bénéficient alors qu'elles n'en ont absolument pas besoin ! Je pourrais en citer une, non loin de l'Ariège...

M. le Rapporteur - Je ne reviendrai pas sur les propos de MM. Vergnier et Terrasse, qui s'apparentaient davantage à une discussion générale qu'à une discussion d'article.

Pour le reste, s'agissant des catégories de collectivités retenues, nous avons choisi de faire simple en retenant les catégories mentionnées à l'article 72-2 de la Constitution, à savoir les communes et leurs groupements, les départements et les régions, et en veillant à ne pas oublier les collectivités et territoires d'outre-mer. Nous n'avons absolument aucun mépris à l'égard des structures intercommunales. Simplement le choix a été fait, en toute transparence, de ne pas en faire dans la Constitution des collectivités à part entière. Seule la notion de « chef de file » y a été reconnue.

M. le Ministre délégué - Monsieur Vergnier, j'ai bien entendu vos inquiétudes, légitimes au regard de l'histoire passée de la décentralisation. Mais précisément si nous avons modifié la Constitution et tenu à cette loi organique, c'est pour lever à jamais ce type d'inquiétudes. La compensation des transferts s'effectuera à l'euro près. Une commission consultative de l'évaluation des charges sera chargée, en toute impartialité, de la calculer. Nous y avons tenu afin que les précédents fâcheux, comme ceux de l'APA ou des 35 heures, ne puissent plus se reproduire. Que nous transférions des impôts, qui évoluent toujours de façon beaucoup plus dynamique que les dotations (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), constitue aussi une garantie. La compensation des transferts à l'euro près permettra aux collectivités de n'avoir pas à augmenter la fiscalité locale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), étant entendu que chaque collectivité demeure ensuite libre, dans le strict respect du principe de libre administration, de mener la politique qu'elle souhaite.

Monsieur Terrasse, la compensation du transfert du RMI-RMA se fait nécessairement pour l'instant sur des bases provisoires. Une régularisation interviendra en fin d'année qui permettra de couvrir intégralement les dépenses engagées par les départements (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur Bonrepaux, dans l'Ariège, le taux de couverture est d'ores et déjà de 104 %.

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas ce que me dit la CAF !

M. Pascal Terrasse - Et dans l'Ardèche ?

M. le Ministre délégué - Croyez ce que vous dit le ministre.

Pour ce qui est du transfert des TOS, si un droit d'option existera pour les fonctionnaires d'Etat transférés, ce ne pourra bien sûr être le cas pour les futurs fonctionnaires recrutés par les collectivités. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen du projet de loi relatif aux transferts, toutes les garanties ont été apportées. Je tiens d'ailleurs à votre disposition le mémorandum que je vais adresser aux organisations syndicales, que j'ai longuement reçues.

Monsieur Dosière, s'agissant des catégories de collectivités, nous avons dû faire un choix. Nous avons choisi le pragmatisme et la simplicité en n'en retenant que trois. Nous assumons ce choix. Cela étant, rien n'est jamais figé, et il sera possible de revenir dessus dans dix ou quinze ans...

M. René Dosière - Nous aurons corrigé tout cela avant !

M. le Ministre délégué - Vous vous opposez vivement à ce gouvernement en apparence, mais je suis certain que vous reconnaissez en votre for intérieur qu'il vous aura rendu bien des services, en faisant aboutir des réformes, à la fois aussi indispensables et aussi difficiles, que celles des retraites ou de l'assurance maladie, ou en prenant les mesures nécessaires au rétablissement de la sécurité de nos concitoyens. De même en matière de décentralisation ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur Bonrepaux, il n'est pas question de nier l'importance de l'intercommunalité, que nous souhaitons même encourager. Simplement le choix a été fait dans la Constitution de ne pas faire des groupements intercommunaux des collectivités territoriales à part entière. Nous devons rester cohérents. Pour ce qui est de la taxe professionnelle, attendons que la commission Fouquet remette son rapport définitif, en novembre prochain. S'agissant de la DSU, il n'est pas question de prélever quoi que ce soit sur la DGF des EPCI. Nous allons réfléchir à la question de la DSU dans le cadre de l'augmentation de l'ensemble de la DGF. Les 120 millions que vous avez évoqués ne sont qu'un objectif. Les débats sont ouverts, et nous serons attentifs à toutes vos propositions.

Comme vous le voyez, j'ai pris le temps de répondre précisément à vos questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

L'article premier A, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. René Dosière - S'agissant des catégories de collectivités, le rapporteur n'a que la Constitution à la bouche : reportez-vous donc à son article 72, qui énumère les collectivités territoriales - communes, départements, régions, collectivités d'outre-mer, collectivités à statut particulier. Pourquoi voulez-vous donc en inventer d'autres ? Soyez logique et reprenez la liste de la Constitution !

Par ailleurs, je vous ai déjà dit à propos des collectivités d'outre-mer que toutes nos collectivités territoriales rêvent de disposer de la même autonomie financière que la Polynésie : elle détermine elle-même le taux de ses impôts, qu'il s'agisse de la TVA, des droits de douane ou de l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Je ne parle pas de l'impôt sur le revenu, qui n'y existe pas, ce qui explique que bien des personnes aillent y prendre une retraite particulièrement avantageuse. Les ressources fiscales de cette collectivité représentent 83 % de son budget ! Il n'y a rien à changer à ce système, sauf à vouloir réduire l'autonomie financière de la Polynésie. C'est donc un non-sens que de vouloir maintenir la Polynésie dans ce ratio.

J'essaierai de compléter ces éléments d'information au cours des débats, car tous les élus locaux envient la situation de la Polynésie.

M. Augustin Bonrepaux - Je remercie le ministre pour ses réponses, même si elles restent incomplètes et ferai deux remarques.

Tout d'abord, si l'on retenait la proposition de la commission Fouquet de supprimer la taxe professionnelle, cela tuerait la coopération intercommunale dont la gestion deviendrait impossible. Je souhaiterais donc que le Gouvernement étudie d'autres possibilités, en particulier notre proposition de plafonnement par rapport à la valeur ajoutée.

Par ailleurs, le ministre ne me rassure qu'à moitié quand il affirme que le plan de cohésion sociale ne serait pas financé uniquement par un prélèvement sur la coopération intercommunale. Je préfèrerais que l'on revoie tout, et que l'on tienne compte des ressources exactes des collectivités locales. Certaines communes ne devraient pas, en effet, au vu de leurs moyens, bénéficier de la DSU, qui pourrait alors profiter à des communes plus en difficulté. C'est ainsi que la péréquation doit être envisagée.

Cela étant, je vous demande de veiller à ce que la coopération intercommunale puisse continuer à fonctionner dans de bonnes conditions car elle mérite d'être renforcée.

Je vous remercie encore pour votre intervention qui a répondu à quelques-unes de nos questions.

M. Jean-Pierre Balligand - Il faut rester prudent sur cette affaire, notamment sur la compensation à l'euro près que vous promettez. J'aurai l'occasion de vous démontrer, exemples concrets à l'appui, que la compensation ne saurait être intégrale pour les personnels.

M. le Ministre délégué - Mais si !

M. Jean-Pierre Balligand - Non ! Je suis président d'un lycée agricole public, et nous avons souvent dû, quel que soit le Gouvernement, pallier le manque de dotations du ministère de l'agriculture et procéder à des recrutements par délégation du conseil régional. Ce ne sera pas compensé !

Les chiffres de l'ARF et de l'institut de la décentralisation en témoignent, il n'y aura pas de compensation à l'euro près.

Vous le savez, je ne suis pas de ceux qui ont sur ce point une opposition de principe.

M. le Ministre délégué - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Balligand - L'amélioration du service a un coût. La loi Defferre-Mauroy, en confiant la construction des collèges aux départements et celle des lycées aux régions, nous a coûté cher, mais il n'y a pas de comparaison possible entre ce que l'Etat avait fait et ce que nous avons construit !

Mais il s'agit d'un budget de fonctionnement, c'est-à-dire des salaires et des charges et l'acte II de la décentralisation sera bien plus difficile à mettre en place que l'acte I, car les lobbies sont en place. Evitez de faire des déclarations qui vous reviendront comme des boomerangs, et n'oubliez pas que l'essentiel reste que la fiscalité des collectivités locales n'explose pas et qu'il n'y ait pas d'insécurité financière.

Pour ma part, je suis inquiet pour les groupements, communautés de communes et communautés d'agglomération. M. le ministre a affirmé tout à l'heure, à propos de la DSU, qu'il n'y aurait pas de diminution des dotations. Allez-vous puiser sur le montant global de la DGF ?

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !

M. Jean-Pierre Balligand - Il faudra que vous nous expliquiez lors de l'examen des amendements ce qu'il en sera.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


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