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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 18ème jour de séance, 47ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 23 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

        LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES
        - deuxième lecture - (suite) 2

        AVANT LE TITRE PREMIER 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES - deuxième lecture - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales.

M. le Président - J'appelle, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

AVANT LE TITRE PREMIER

M. le Président - Je suis saisi des 149 amendements identiques, portant les numéros 353 rectifié à 501 rectifié.

M. René Dosière - Nos amendements précisent, comme M. le ministre en a convenu hier soir, que la mise en œuvre de la présente loi sur les transferts de compétences « est conditionnée au vote et à la mise en œuvre de la loi organique prévue par l'article 72-2 de la Constitution ». Sans doute faudrait-il d'ailleurs écrire plutôt de « promulgation » de la loi organique puisque cette dernière a été votée et que nous avons pu d'ailleurs en débattre jusqu'au bout dans de bonnes conditions.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Rien n'a été fait pour qu'il n'en soit pas ainsi !

M. René Dosière - Le Conseil Constitutionnel devant se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution, il est préférable d'attendre ses conclusions, qui sont susceptibles d'influer sur la rédaction de la loi dont nous débattons présentement.

M. Alain Gest, rapporteur de la commission des lois - Avis défavorable.

La loi organique prévue à l'article 72-2 de la Constitution n'a rien à voir avec la compensation financière des transferts de compétences.

M. René Dosière - Pardon ?

M. le Rapporteur - Elle ne constitue en rien un préalable...

M. Jean-Pierre Balligand - Mais si !

M. le Rapporteur - ...car elle définit seulement le ratio de la part déterminante des ressources propres sur l'ensemble des ressources.

Cela dit, M. le ministre a lui-même précisé hier que cette loi n'entrerait en vigueur qu'après la promulgation de la loi sur l'autonomie financière des collectivités locales.

M. le Ministre délégué - Si je ne m'abuse, vous avez déposé 149 fois le même amendement. J'espère donc que ma réponse sera suffisamment convaincante pour ne pas avoir à la répéter 149 fois.

M. René Dosière - Dans le cas contraire, nous serions contraints de nous répéter.

M. le Ministre délégué - Ma réponse est que je vous prie de retirer vos amendements, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable, car le Gouvernement a déposé un amendement comparable aux vôtres - à quelques détails rédactionnels près -, amendement qui sera discuté à la fin du texte - et dont on pourrait presque considérer qu'il est superflu.

Un débat juridique a lieu pour savoir si la loi organique doit être promulguée avant que nous puissions débattre de la loi sur les transferts de compétences. Certains estiment, et c'est mon cas, qu'il est essentiel, avant que la loi sur les transferts entre en application, que la loi organique ait été votée. Je rappelle que le transfert du RMI-RMA a été effectué avant l'application de la loi organique - laquelle ne traite pas de la compensation financière des transferts - et que le Gouvernement a veillé au transfert d'un impôt d'Etat pour compenser cette charge supplémentaire pour les collectivités.

J'ajoute qu'il est indispensable que la loi organique soit promulguée au plus tard le 1er janvier 2005, date à laquelle la loi sur les transferts de compétences sera appliquée : il y va de la confiance entre l'Etat et les collectivités locales.

M. le Président - Comme il n'y a pas 149 députés socialistes présents pour défendre leurs amendements identiques, je vous propose qu'un seul les défende et que plusieurs puissent éventuellement répondre ensuite à la commission et au Gouvernement.

M. René Dosière - Soit. Je précise néanmoins que si les 149 orateurs étaient présents, chacun pourrait défendre l'amendement qu'il a déposé même s'il est identique au précédent car chacun à une manière personnelle de s'exprimer. Mais il est vrai que dans ce cas-là, vous nous accuseriez de faire de l'obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je note tout de même que nous sommes, en proportion, plus nombreux que nos collègues de l'UMP alors que nous sommes censés discuter de la « mère de toutes les réformes » (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Au maximum, nous serons quatre à défendre nos amendements.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez répondu avec condescendance, estimant nos amendements sans objet. Le ministre, pourtant, a jugé le problème suffisamment sérieux pour déposer lui-même un amendement. Il y a bien lieu de s'interroger, c'est le Conseil constitutionnel lui-même qui l'a dit. C'est d'ailleurs pour éviter le retard causé par son éventuelle censure que nous défendons ces amendements.

Monsieur le ministre, vous nous demandez d'attendre le vôtre, mais vous savez que notre discussion risque à tout moment de s'interrompre. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras...

Par ailleurs, vous nous dites que la loi sur les transferts de compétences n'entrera pas en vigueur avant le 1er janvier 2005. Or certaines de ses dispositions sont d'application immédiate, en vertu d'un amendement adopté par l'Assemblée et voté conforme par le Sénat. Je ne sais pas comment vous comptez résoudre ce problème.

M. Guy Geoffroy - Ce débat prolonge celui que nous avons eu sur la loi organique, et que j'avais cru concluant. Au nom du groupe UMP, je confirme que nous préférons examiner les questions financières à la fin de la discussion (« Quand ? » sur les bancs du groupe socialiste). Quand le dispositif sera connu, alors nous pourrons nous interroger sur les conditions de sa mise en œuvre.

Monsieur Dosière, vous connaissez aussi bien que moi la décision du Conseil constitutionnel, selon laquelle les auteurs du recours ne peuvent se prévaloir de la notion d'autonomie financière pour demander l'annulation du texte relatif au transfert du RMI et à la création du RMA, puisque la loi organique n'est pas promulguée. Cela ne signifie pas que la non-promulgation de la loi organique entraîne l'inconstitutionnalité du texte. Si le Conseil constitutionnel avait voulu le censurer, il l'aurait fait ! Au contraire, il a même confirmé que des dispositions relatives au transfert du RMI figuraient dans la loi de finances. Cela fait deux raisons de considérer que votre interprétation est plus qu'aléatoire et d'avoir confiance en la sagesse du Gouvernement.

M. Christophe Caresche - Ce débat n'est pas anecdotique et je m'étonne que le Gouvernement l'aborde avec tant de légèreté. Le risque est sérieux, le ministre l'a reconnu. M. Copé a même déposé un amendement. Est-ce suffisant pour sécuriser le texte ? Nous ne le pensons pas. Et que se passera-t-il dans l'hypothèse où le Conseil constitutionnel censurerait certaines dispositions de la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales ? Une telle censure aurait des conséquences directes sur la mise en œuvre des transferts de compétences. Ce n'est donc pas un problème de forme, mais de fond. Vous ne pouvez à la fois invoquer l'importance de cette réforme et l'exposer à un tel risque. J'ai entendu ce matin votre ami Claude Goasguen déclarer à la radio que le texte aurait pu aussi bien venir en discussion en décembre !

Nous ne sommes donc pas les seuls à déplorer la précipitation, l'improvisation dans laquelle nous devons travailler, non pour des raisons administratives d'ailleurs, mais pour des raisons politiques. M. Raffarin, en effet, est un Premier ministre en sursis (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il prépare tout simplement son départ et veut terminer son travail. Il en fait même un point d'honneur, ce que nous pouvons comprendre. Mais il vous fait courir un risque considérable et nous ne pouvons vous suivre.

M. Didier Migaud - Il est légitime de prendre le temps de comprendre ce qui peut se passer. M. Geoffroy nous invite à avoir confiance en la sagesse du Gouvernement, ce qui est au dessus de nos forces.

M. Guy Geoffroy - Il ne faut jamais renoncer à faire confiance !

M. Didier Migaud - A l'impossible, nul n'est tenu... Le Gouvernement, d'ailleurs, ne fait nullement preuve de sagesse. A cet égard, l'opinion de Claude Goasguen reflète celle de beaucoup d'entre vous. Il y a un coup de force du Premier ministre, pour ne pas dire un caprice (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : il tient à tout prix à ce que « la mère de toutes les réformes » soit adoptée tant qu'il est encore Premier ministre. C'est ce qui explique l'impréparation de ce débat, et c'est pourquoi vous êtes prêts à prendre de tels risques juridiques. Ce n'est pas raisonnable.

S'agissant du Conseil constitutionnel, la révision de la Constitution n'a pratiquement rien apporté de nouveau par rapport à sa jurisprudence antérieure. Pour le moment, nous dit-il, elle est inopérante : il faut attendre les dispositions de la loi organique.

M. Guy Geoffroy - Il n'en a pas conclu à l'annulation !

M. Didier Migaud - Certes, mais il a dit que tout dépendrait des définitions des ressources propres et de la part déterminante qui seraient retenues.

M. Guy Geoffroy - Ce n'est pas ce qu'il a écrit !

M. Didier Migaud - C'est sous-entendu (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Non, ce n'est pas cela !

M. Didier Migaud - Si le Conseil constitutionnel annule des dispositions de la loi organique sur l'autonomie financière, que va-t-il se passer ? Nous aurions d'ailleurs aimé que le Président de l'Assemblée nationale le saisisse. Je sais que le Règlement ne le prévoit pas dans cette situation, mais on peut innover.

M. le Président - S'agissant d'une loi organique ?

M. Didier Migaud - Je sais que le Conseil constitutionnel en est automatiquement saisi ; mais il aurait été intéressant d'avoir dès maintenant son sentiment sur ce point de droit car, pour le moment, nous sommes assez peu éclairés, malgré les compliments adressés par le Président de la République au président de notre commission des lois.

M. Guy Geoffroy - Compliments mérités !

M. Didier Migaud - C'est votre opinion. Le fait est que M. Clément semble en avoir été très heureux. Peut-être se voit-il déjà participer au prochain gouvernement, pourquoi pas au poste qu'occupe M. Copé aujourd'hui... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Quoi qu'il en soit, nous avons besoin d'une réponse à cette question : que se passe-t-il si le Conseil constitutionnel annule une partie de la loi organique ? En effet la réforme du RMI-RMA coûte déjà cher aux conseils généraux, mais les conséquences du projet dont nous abordons la discussion seront encore beaucoup plus considérables pour les finances locales. D'ailleurs, même si le ministre de l'Intérieur nous a dit hier que ce texte avait fait l'objet d'une large concertation, j'observe, à la lecture des communiqués des associations d'élus, qu'il n'en est pas une, au moins parmi les associations pluralistes, qui approuve la définition des ressources propres qui est retenue ; il n'en est pas une non plus qui n'émette des réserves et des inquiétudes sur le contenu de ce texte relatif aux libertés et responsabilités locales. Et le ministre nous dit « entendre » les élus ? Non : il ne tient pas compte de ce qu'ils disent !

Il n'est pas convenable de légiférer contre une très grande majorité d'élus. Il est d'ailleurs curieux que des membres de l'UMP, lorsqu'ils siègent dans des associations d'élus, signent des communiqués exprimant des réserves très fortes sur les textes qui nous sont présentés par le Gouvernement, et lorsqu'ils siègent ici ou au Sénat, n'aient pas un mot pour formuler ces préoccupations. Comment voulez-vous que les parlementaires soient respectés s'ils ont des points de vue à géographie variable, exprimant ici la soumission du Parlement à l'exécutif (Protestations sur les bancs du groupe UMP), et ailleurs la critique du Gouvernement ?

Encore un fois, nous n'avons pas eu de réponse à la question précise que nous avons posée. Une suspension de séance serait donc sans doute nécessaire pour permettre à M. Copé de consulter M. de Villepin, ainsi que M. Raffarin : il est quand même étonnant qu'alors que ce texte est considéré par le Premier ministre comme la « mère de toutes les réformes », nous ne l'ayons pas encore vu... Quant à M. de Villepin, nous l'avons vu dix minutes hier, pour un « service minimum » - c'est d'actualité, paraît-il... Nous avons besoin d'une réponse avant d'aborder -ce texte.

M. Guy Geoffroy - Quelques rappels sont nécessaires.

Avant la révision constitutionnelle, un transfert de compétences pouvait ne pas s'accompagner d'un transfert de ressources correspondant. Exemple : la création d'une nouvelle compétence, l'APA, ne s'est pas accompagnée, personne ne le nie, de transferts financiers correspondant au niveau de la dépense - et il a fallu y faire face. La révision constitutionnelle a inscrit dans le marbre de nos institutions que dorénavant, une telle chose ne serait plus possible.

D'autre part, le ministre a fait remarquer qu'on pouvait, en outre, envisager de dire que les choses se passeraient dans le respect de l'autonomie financière des collectivités. Autrement dit, les dispositions de la Constitution révisée sont d'ores et déjà applicables en ce qui concerne les transferts, et c'est ce que le Conseil constitutionnel a dit le 30 décembre dernier : à l'occasion du transfert du RMI au département et de la création du RMA, le Gouvernement, a-t-il dit, a fait en sorte, par la loi de finances, de respecter l'obligation constitutionnelle d'un transfert de ressources correspondant à la charge transférée.

La deuxième question vient après : les choses se font-elles en respectant la volonté du constituant de ne pas altérer l'autonomie financière des collectivités, telle que définie par la Constitution puis par la loi organique ?

Je n'ai aucune inquiétude quant à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Mais il ne faut pas tromper les Français en leur faisant croire que, dans l'hypothèse fort peu probable où le Conseil constitutionnel trouverait à redire à la loi organique, l'édifice du projet sur les libertés et les responsabilités locales serait en péril. Il est clair que le Gouvernement et le Parlement ont commencé, et continueront, à assurer un transfert de ressources correspondant au transfert de charges. Tout cela est suffisamment important pour être rappelé.

M. Léonce Deprez - Les grands praticiens du débat parlementaire qui s'expriment depuis trois quarts d'heure nous avaient habitués à des discussions de fond. Ce matin, nous avons l'impression d'entendre une revue de presse, qui déroule des sujets extérieurs au projet en cours d'examen. Nous sommes ici en tant qu'élus du peuple et non pas comme représentants d'associations. Pourrions-nous enfin revenir au sujet qui nous occupe, et passer à l'examen des amendements ?

Mme Muguette Jacquaint - Notre groupe regrette qu'un projet si important vienne en discussion un 23 juillet, au cours d'une session extraordinaire, comme cela s'est produit aussi pour le projet relatif à l'assurance maladie. Il y a là matière à réflexion pour tous les gouvernements.

Les transferts de compétences appellent immédiatement une question essentielle : quels moyens seront transférés aux collectivités locales pour répondre aux besoins des populations ? Il y a là matière à un débat de fond. Monsieur le rapporteur, vous avez invité nos collègues socialistes à retirer leurs amendements au motif qu'un amendement du Gouvernement viendrait répondre à leurs préoccupations, et vous en avez appelé à la « sagesse ». Or nous avons vu ces dernières semaines ce que sagesse signifiait pour vous. Nous ne pouvons donc que nous opposer aux choix politiques et économiques mis en œuvre depuis quelques mois, en particulier la réforme du statut d'EDF et celle de la sécurité sociale, qui va forcer les plus défavorisés à mettre la main à la poche et encourager les délocalisations. Quand on entend de fait le Gouvernement et la majorité expliquer que les entreprises sont à l'agonie et qu'elles devraient chercher de la main-d'œuvre moins coûteuse, il ne faut pas s'étonner qu'elles suivent ce conseil.

Aujourd'hui, nous sommes saisis d'un projet sur les transferts de compétences sans connaître le niveau des moyens qui seront dévolus aux collectivités. Le Gouvernement annonce un amendement qui devrait répondre à nos inquiétudes. Nous voudrions en prendre connaissance.

M. le Ministre délégué - J'ai écouté avec beaucoup d'attention Mme Jacquaint en appeler au débat de fond, terme qui résonne à mes oreilles comme une formule magique. Pourtant, voilà près d'une heure qu'il n'est question que d'une chose : préjuger la décision du Conseil constitutionnel.

M. Christophe Caresche - Pas du tout !

M. le Ministre délégué - Bien sûr que si ! Le Gouvernement, en élaborant le projet, s'est bien entendu préoccupé de sa conformité à la Constitution. Nous avons dit sur ce sujet tout ce que nous pouvions dire. Pour le reste, ne comptez pas sur moi pour préjuger la décision d'un juge.

M. Didier Migaud - Il s'agit du juge constitutionnel !

M. le Ministre délégué - A fortiori ! Ce qui vaut pour tout projet vaut aussi pour celui-ci. Vous avez déposé 149 amendements identiques sur ce sujet, et le Gouvernement en a déposé un qui viendra à la fin du texte. Passons maintenant, comme l'a suggéré Mme Jacquaint avec sa spontanéité légendaire, au débat de fond (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je précise que, dans la discussion d'amendements identiques, je donnerai la parole à ceux de leurs auteurs présents en séance, puis à un orateur pour répondre à la commission et à un autre pour répondre au Gouvernement, conformément au Règlement.

Les amendements 353 rectifié à 501, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 1529 à 1557 sont identiques.

M. René Dosière - Je souhaite, par l'amendement 1529, que les transferts de compétences soient précédés d'une réforme de la fiscalité locale portant sur les valeurs locatives, la taxe d'habitation et la taxe professionnelle. Il importe en effet de ne pas amplifier le caractère injuste des taxes locales. Nous savons que les transferts de compétences vont entraîner une hausse des impôts locaux. Par exemple, va être mis à la charge des collectivités le coût de 30 000 personnels de l'équipement et de 70 000 de l'éducation nationale. Or, comme leur nombre est insuffisant, les collectivités vont être assaillies de demandes de postes. Ce qui s'est passé dans le cas des lycées va se reproduire.

M. le Ministre délégué - C'était la loi Defferre !

M. René Dosière - C'est vrai. Nous avons pris conscience des difficultés, sans pouvoir complètement les résoudre. Le Gouvernement a accordé des compensations successives, mais le compte n'y était pas (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Monsieur Geoffroy, pouvez-vous nous assurer que l'établissement dont vous étiez le proviseur disposait du personnel suffisant pour effectuer toutes les tâches d'entretien ? Je ne doute pas qu'une fois les transferts effectués, le président du conseil général sera sollicité pour des créations de postes - et le fait qu'il soit maintenant de gauche n'y changera rien !

Le risque d'un alourdissement des impôts locaux est trop grave pour qu'on ne garantisse pas aux collectivités des ressources évolutives. C'est pourquoi nous souhaitons qu'avant d'appliquer cette réforme, on procède à une mise à jour de la fiscalité locale. Comme nous ne voyons venir rien de tel malgré vos déclarations, nos amendements seront bien utiles !

M. le Président - Chacun des autres députés socialistes présents va maintenant défendre son amendement puis, une fois que la commission et le Gouvernement auront donné leur avis, je donnerai la parole à deux orateurs, dont M. Geoffroy, pour leur répondre...

M. Christophe Caresche - Nous entendons bien répondre, nous aussi !

M. le Président - Le débat doit certes avoir lieu, mais dans le respect du Règlement...

M. Christophe Caresche - Nous n'acceptons pas le schéma que vous venez d'esquisser.

M. le Président - Mais j'ai proposé au début de la séance une méthode, que vous avez acceptée. Ensuite, avec M. Dosière, nous avons précisé une sorte de « jurisprudence Debré » qui a déjà permis le bon déroulement de deux discussions...

M. Didier Migaud - Il serait bon par conséquent que le Président de l'Assemblée vienne diriger cette séance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Tout s'est bien passé hier et il en a été de même, jusqu'ici, aujourd'hui. Je suis persuadé que M. Dosière, qui a donné son accord, aura à cœur d'appliquer la méthode proposée. Quant au droit de répondre à la commission et au Gouvernement, il doit naturellement bénéficier à la majorité aussi ! Je ne vois aucune raison de renoncer au souci de pluralisme qui a prévalu depuis ce matin.

M. René Dosière - Rappel au Règlement ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Edouard Landrain - Que de mauvaise volonté !

M. Guy Geoffroy - Il n'est nulle part écrit dans le Règlement que seuls les parlementaires de l'opposition sont autorisés à répondre au rapporteur ou au ministre !

M. Edouard Landrain - Ce comportement est malhonnête !

M. Didier Migaud - Je vous prie de retirer ce terme ! (M. Landrain fait signe qu'il y consent)

M. René Dosière - Nous devons impérativement nous accorder sur une méthode. Comme il semble que nous ayons encore quelques petits problèmes pour y parvenir, je sollicite une brève suspension qui nous fera gagner du temps par la suite.

M. le Président - La demande paraît judicieuse.

La séance, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 10 heures 45.

M. Guy Geoffroy - Rappel au Règlement, sur la base de son article 58 !

Voilà plus d'une heure que nous examinons articles et amendements et, contrairement aux inquiétudes et soupçons exprimés précédemment, tous les engagements ont été tenus. Ainsi, notre commission des lois a examiné la totalité des amendements qui ont été déposés. Or j'observe qu'en dépit de la volonté affichée par tous de mener un vrai débat et des propos apaisants de M. Dosière, certains demandent l'application d'une disposition qui ne figure pas dans notre Règlement, en vertu de laquelle les députés de la majorité qui souhaitent répondre à la commission ou au Gouvernement ne devraient pas être comptabilisés dans le nombre de ceux qui y sont autorisés (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Le groupe UMP souhaite que ce débat se poursuive et il entend que les droits de ses membres soient reconnus car leur légitimité est au moins comparable à celle de leurs collègues de l'opposition.

M. Christophe Caresche - Ce sont les droits de l'opposition qui sont bafoués !

M. le Président - Peut-être pouvons-nous considérer, s'il n'y a pas de droit au rappel au Règlement, qu'il convient qu'il y en ait un par groupe qui le souhaite (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je donne donc la parole à M. Migaud.

Plusieurs députés UMP - Assez d'obstruction !

M. Didier Migaud - Je rassure M. Geoffroy : nous n'avons nullement l'intention de brider l'expression des députés UMP, que nous aimerions d'ailleurs entendre plus souvent, à l'instar de leurs collègues de l'UDF, sur un certain nombre de projets...

Mme Nadine Morano - C'est parce que nous sommes d'accord que nous n'intervenons pas.

M. Didier Migaud - Nous avons simplement dit qu'il serait curieux que seuls les députés UMP puissent répondre à la commission et au Gouvernement, comme le suggérait le Président, ce qui ne semblait guère conforme à l'esprit républicain qui l'anime bien souvent.

Les choses sont claires : nous voulons seulement pouvoir répondre au rapporteur et au ministre quand eux-mêmes ont donné leur avis sur un de nos amendements.

M. Guy Geoffroy - Faites-le et laissez-nous avancer !

M. le Président - J'ai le souvenir d'avoir préparé jadis un certain nombre d'amendements sur les nationalisations ou l'audiovisuel, mais nous n'avions pas alors inventé les amendements identiques.

Pour ces derniers, il me semble que la méthode communément acceptée est que chacun des auteurs présents peut défendre le sien, qu'ensuite la commission et le Gouvernement donnent leur avis et que l'auteur puisse intervenir à nouveau une fois ensuite. Mais M. Geoffroy a raison : rien ne dit, dans le Règlement, que seuls les députés de l'opposition peuvent répondre à la commission et au gouvernement.

M. Didier Migaud - Bien sûr !

M. le Président - Mon objectif est simplement d'éviter que, par le jeu des réponses, nous passions une heure sur le même amendement.

M. Jean-Pierre Balligand - Nous souhaitons uniquement que tous les parlementaires présents puissent défendre leurs amendements, fussent-ils identiques. Il est logique que la commission et le Gouvernement répondent ensuite globalement. Enfin, chacun de ceux qui ont défendu leurs amendements doit normalement pouvoir reprendre la parole. Bien entendu, le Président peut aussi donner la parole à un collègue qui n'a pas déposé d'amendement. Nous ne voulons rien de plus que cela, mais nous voulons cela !

M. Christophe Caresche - Je souhaite revenir un instant sur les amendements précédents (Protestations sur les bancs du groupe UMP), d'abord pour m'étonner que celui du Gouvernement n'ait pas été déposé à temps pour que la commission l'examine lors de la réunion qu'elle a tenue cette nuit. Ensuite pour m'étonner que M. Geoffroy considère qu'une fois qu'un principe est posé dans la Constitution, tout est réglé et que le fait que le Conseil constitutionnel invalide la loi organique n'aurait aucune importance.

M. Guy Geoffroy - Je n'ai pas dit cela ! Mon raisonnement était plus nuancé...

M. Christophe Caresche - Mais la loi organique met bien en œuvre le principe constitutionnel et il est donc légitime de se demander ce qu'il adviendrait du texte que nous examinons si elle était censurée. La question mérite d'autant plus d'être posée qu'à l'interprétation du gouvernement s'oppose celle du Conseil constitutionnel lui-même.

J'en viens à l'amendement 1531. L'acte II de la décentralisation englobe l'autonomie financière et le transfert d'un certain nombre de compétences. Pour notre part, nous considérons qu'il doit aussi s'accompagner d'une réforme de la fiscalité locale, dont chacun s'accorde à dire que les principes ne sont pas satisfaisants. Si tel n'était pas le cas, les transferts prévus aggraveraient à coup sûr les inégalités entre collectivités locales et entre contribuables.

M. Jean-Pierre Balligand - A la différence de ce qui s'est passé en 1982, dans cet acte II de la décentralisation, l'Etat se déleste de façon massive de frais de fonctionnement. Pour y faire face, les collectivités auraient besoin de sécurité financière. Or le Président de la République fait des annonces sans prévenir personne, et le pauvre rapporteur général s'inquiète de cet impôt économique local qu'il faudra bien substituer à la taxe professionnelle. On évoque par ailleurs la spécialisation de l'impôt économique par rapport à l'impôt sur les ménages.

Un tel contexte justifie mon amendement 1532 qui demande d'abord une rénovation de divers éléments de la fiscalité locale. L'insécurité est encore renforcée par l'article 2 de la loi organique, qui donne une définition extraordinaire des ressources propres.

M. Guy Geoffroy - Une très bonne définition.

M. Jean-Pierre Balligand - J'attends avec beaucoup d'intérêt la réaction du Conseil constitutionnel à propos des « recettes des impôts nationaux localisables » ! Et si cet article 2 ou tout autre article de la loi organique est censuré, tous les transferts de compétences seront remis en cause. Il faut faire preuve de responsabilité. Le calendrier choisi ne convient pas. Il fallait faire voter la loi organique bien avant, pour assurer un cadre financier stable, puis revoir la fiscalité locale, avant enfin de s'engager dans ce vaste programme de transferts. Sinon, les collectivités n'auront d'autre choix que de diminuer les prestations ou d'augmenter les impôts locaux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Préalablement à tout transfert de compétence, il fallait procéder à une réforme de la fiscalité locale portant sur la révision des valeurs locatives et des évolutions de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle. C'est ce que demande mon amendement 1545, c'est ce sur quoi tous les élus locaux sont d'accord. Pourquoi ne pas l'avoir inscrit dans le programme de travail sur la décentralisation ?

Actuellement, l'impôt local est injuste. Dans ma commune de banlieue, comment expliquer aux contribuables qu'un pavillon rénové de 250 m2 soit moins imposé que des logements sociaux construits il y a plus de quatre ans ? De telles situations nous obligent à recourir aux dégrèvements pour corriger de telles injustices.

Les collectivités auront donc du mal à assumer les missions qu'on leur transfère alors que les bases fiscales ne sont pas assurées - pour autant d'ailleurs que le Gouvernement veuille vraiment les réformer. Je prends pour exemple de cette incertitude le fonctionnement du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France. 120 communes qui bénéficient de ce dispositif ont subi une baisse de leur dotation, pour la première fois cette année, car certains critères de référence portaient sur la commune elle-même, alors que le niveau de taxe professionnelle retenu était celui de l'EPCI. Certaines communes modestes ont été ainsi sanctionnées sans que le législateur l'ait voulu ou prévu. C'est dire qu'il est nécessaire de procéder dans l'ordre. Si nous ne modifions pas la fiscalité locale avant de transférer des compétences, nous ne maîtriserons pas la situation.

M. Didier Migaud - Je reviens un instant sur l'amendement précédent. A partir du moment où le Gouvernement annonce un amendement qui nous garantit contre toute décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique, il serait quand même légitime que nous en ayons connaissance avant de poursuivre ce débat. Nous n'avons toujours pas de réponse.

J'en viens à mon amendement 1549. Les élus locaux s'inquiètent des conditions financières des transferts de compétences. La fiscalité locale, on l'a dit, est profondément injuste. Nous penons d'ailleurs notre part de responsabilité, car nous aurions pu être plus audacieux en ce qui concerne la révision des valeurs locatives. Les transferts impliqueront peut-être des hausses des impôts locaux, que nous ne pouvons accepter. C'est pourquoi nous voulons que le Gouvernement donne d'abord des précisions sur la réforme de la fiscalité locale qu'il compte proposer. Je m'étonne d'ailleurs que la commission des finances soit totalement absente de ce débat.

La commission des finances pourrait nous éclairer sur des sujets qui concernent l'autonomie financière. Il est vrai qu'à la décharge de nos collègues de la commission, l'ordre du jour de cette session extraordinaire est ubuesque, ce qui démontre d'ailleurs combien le Premier ministre méconnaît le travail parlementaire. 

Le Gouvernement entend-il réformer globalement la fiscalité locale, au-delà de ce qui a été fait en matière de taxe professionnelle ? Quels sont vos projets ?

M. le Rapporteur - Monsieur Dosière, je n'ai fait preuve d'aucune condescendance à votre endroit et je vous prie de m'excuser si je vous ai donné ce sentiment. J'espère ne pas avoir été gagné par certaines pratiques qui ont eu cours hier, ce serait dommage.

Ces amendements visent en fait à réformer la fiscalité locale.

M. René Dosière - C'est mon combat de toujours.

M. le Rapporteur - J'ai lu dans leur exposé sommaire que les injustices fiscales résultent de l'absence de révision générale des valeurs locatives « depuis plus de trente ans » : que n'avez-vous agi ?

M. René Dosière - Nous avons agi avant que M. Sarkozy ne vienne et ne jette tout au panier !

M. le Rapporteur - Ce que vous proposez devant donc s'inscrire dans une réforme globale de la fiscalité locale, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.

J'ai entendu hier matin à la radio Mme Ségolène Royal.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Elle parlait du Parlement, où elle ne vient jamais ?

M. le Rapporteur - Elle a déclaré son opposition à toute augmentation de la fiscalité locale. J'ai failli m'étrangler, quand on sait les transferts que les socialistes ont opérés ces dernières années !

M. le Président de la commission - Janus Bifrons !

M. le Rapporteur - Il est 11 heures 20, nous discutons du deuxième amendement identique sur vingt-cinq après une première série de 149 amendements identiques avant le titre premier. Peut-être pourrions-nous accélérer nos débats pour avoir enfin une discussion de fond ?

M. Didier Migaud - Nous avons un vrai débat !

M. le Rapporteur - Ne soyez pas obstinés !

M. Didier Migaud - Nous ne le sommes pas !

M. le Rapporteur - Quelle image donnez-vous aux citoyens qui sont dans les tribunes ? Je regrette que toutes les caméras de télévision ne soient pas braquées sur nous ! Je rappelle que la loi dont nous discutons, essentielle pour la République, doit entrer en vigueur le 1er janvier 2005.

M. Léonce Deprez - Monsieur le président, nous faisons du sur place depuis deux heures !

M. le Président - J'applique le Règlement. Je vous rappelle, Monsieur Deprez, que je vous ai donné hier la parole alors que rien ne m'y obligeait. La présidence fait ce qu'elle peut !

M. le Président de la commission - Absolument ! J'admire ses qualités.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.

M. Caresche m'a fait un procès d'intention fort choquant : je ne peux laisser dire que j'ai tardé à déposer l'amendement relatif à la date d'application de ce texte. J'ai exposé nos intentions dès le début de notre discussion.

Vos amendements visent à subordonner les transferts de compétences à la mise en œuvre de la réforme de la fiscalité locale, de la révision des valeurs locatives, du renforcement de la modulation des bases de TH en fonction du revenu et de la suppression des éléments de taxe professionnelle afférents à l'investissement. Quelle imagination ! C'est à se demander comment vous n'avez pas trouvé trois minutes, en cinq ans de gouvernement, pour suggérer à M. Jospin de le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Guy Geoffroy - Bravo !

M. le Ministre délégué - Je ne vous reproche pas vos réformes courageuses : retraites, assurance maladie, réforme de l'Etat, sécurité, baisse des impôts ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. René Dosière - En cinq ans, nous n'avons pas utilisé une seule fois l'article 49-3 de la Constitution !

M. le Ministre délégué - Qu'est-ce qui peut motiver le dépôt de tels amendements de la part de parlementaires chevronnés et talentueux sinon de vouloir empêcher l'application de ce texte essentiel sur la décentralisation ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je le regrette beaucoup.

Nous avons le devoir d'adopter ce projet cet été.

M. Didier Migaud - 49-3 !

M. le Ministre délégué - Nous avons débattu pendant 18 mois : il est temps de discuter et de passer au vote car un délai sera nécessaire pour l'application effective du projet. Nous devons tous nous montrer responsables car nous devons collectivement veiller à ce que les lois que nous votons soient appliquées dans les meilleures conditions. Déposer trente fois le même amendement avec pour seul objectif de retarder l'application de ce texte, cela ressemble fort à de l'obstruction (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - Pas du tout !

M. Christian Estrosi - Aucune autre grande démocratie au monde ne fournit un exemple comparable à l'image que vous donnez aujourd'hui du Parlement.

M. René Dosière - Nous vous avons vus à l'œuvre lorsque vous étiez dans l'opposition !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le Pacs !

M. Christian Estrosi - « Faites ce que je dis et surtout pas ce que je fais », tel est votre message. M. Balligand a osé dire que, « contrairement à ce qui s'était passé en 1982 », le Gouvernement nous plaçait en situation d'insécurité juridique. En 1982, vous aviez tout transféré, sans accorder aucun moyen ni humain, ni matériel, ni financier ! Faut-il faire l'inventaire de la loi du 1er janvier 1985 ? Vous avez transféré aux conseils généraux et aux conseils régionaux les collèges et les lycées, que l'Etat n'avait pas entretenus pendant quarante ans, si bien qu'ils se trouvaient dans un état de délabrement inouï (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Les rectorats et les inspections académiques n'en ont pas moins conservé leurs effectifs, si bien que le contribuable français a continué de payer pour les services de l'Etat, en plus de ce qu'il paie pour les nouveaux services créés par les régions et les départements. C'est cela, l'esprit de 1982 ! C'est cela, l'insécurité juridique ! Et c'est pourquoi la fiscalité locale a explosé.

Nous, nous avons la sagesse de procéder dans l'ordre, en commençant par une révision constitutionnelle garantissant qu'il n'y aura plus de transferts de compétences sans transferts de ressources, puis en votant une loi organique qui donne aux collectivités locales des ressources propres. Mais cela vous gêne. Vous préférez faire de l'obstruction. Je conseille à mes collègues de transmettre à la presse quotidienne régionale ces amendements que vous déposez à trente exemplaires identiques pour nous empêcher d'aborder le débat de fond.

Nos collègues sénateurs, y compris ceux qui siègent sous la même étiquette que vous, ont débattu avec un grand sens des responsabilités (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous essayez de voler aux députés le débat de fond auquel ils ont droit ! Tous nos concitoyens attendent que nous précisions les relations entre l'Etat et les collectivités locales pour faciliter leur vie quotidienne par des politiques de proximité, mais vous vous y opposez ! Je me battrai jusqu'au bout pour que ce débat nous permettre d'examiner les questions de fond (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - J'en prends à témoin M. Raoult, élu comme moi de Seine-Saint-Denis, l'exemple des collèges est mal choisi. Avant 1981, l'Etat n'avait rien fait pour entretenir ces établissements. A cette époque, vous étiez au pouvoir : si ce n'était vous, c'étaient donc vos pères ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Le conseil général de Seine-Saint-Denis a dû dépenser des milliards pour remettre les collèges en état.

Vous dites que nous ne sommes pas dans un débat de fond. Au contraire ! Si de nouvelles compétences sont attribuées aux régions et aux départements, les moyens vont-ils suivre ?

M. Guy Geoffroy - La Constitution le garantit !

Mme Muguette Jacquaint - Comment les interventions, de plus en plus importantes, en matière de logement, de renouvellement urbain, d'équipement scolaire et d'action sociale vont-elles être financées ? Définir des finances locales qui permettent de répondre aux besoins, c'est une question de fond ! Or nous ne sommes pas sûrs de pouvoir en débattre dans la suite de la discussion, ce qui est d'ailleurs scandaleux.

M. Guy Geoffroy - A la reprise, grâce à notre président dont je salue le tact, nous pouvions espérer entrer dans le vif de la discussion et examiner l'ensemble des articles dans des délais convenables.

M. le Ministre délégué - Comme cela s'est produit au Sénat.

M. Guy Geoffroy - Si nos collègues socialistes ont déposé chaque amendement à 150 exemplaires, ils sont 145 à ne pas être venus pour les défendre. Ceux qui sont présents prennent tous la parole, ce qui est leur droit, mais ils ne consacrent qu'un minimum de temps à l'amendement en discussion : ils nous parlent de la loi sur l'autonomie financière, déjà votée, ou de l'amendement précédent, que nous venons de repousser. C'est la démonstration qu'en dépit de notre bonne foi et des efforts du président, vous ne faites que de l'obstruction systématique ! Vous ne voulez pas examiner au fond cette réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MM. Migaud et Caresche invoquent « la sécurité financière », qui devrait selon eux précéder l'autonomie financière... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) L'une dépend de l'autre, certes, mais on peut avoir l'une et l'autre, et même l'une sans avoir encore l'autre. La décision du Conseil constitutionnel l'atteste. Grâce à l'observation scrupuleuse que fait le Gouvernement de la révision constitutionnelle, nous avons l'assurance qu'il n'y aura plus de transferts de compétences sans transferts de ressources. Le Gouvernement, soucieux d'appliquer loyalement la nouvelle organisation décentralisée du pays, nous a soumis une loi organique sur l'autonomie financière. Si vous continuez à prétendre qu'il n'y aura pas de sécurité financière tant que le Conseil constitutionnel n'aura pas statué définitivement sur cette loi organique, c'est que vous travestissez la vérité.

M. Dosière a évoqué la question des établissements scolaires, alors que les articles qui les concernent ont été adoptés conformes par le Sénat. J'étais chef d'établissement au début des années 1980 (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Alors que l'inflation était forte, on n'a pas augmenté d'un centime les dotations des établissements, parce qu'il convenait à l'Etat de transférer les budgets les plus faibles possibles. C'est à cause de cette volonté politique des gouvernements socialistes de l'époque qu'il a fallu augmenter la fiscalité locale. C'est vous qui en portez la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Quand un établissement a les obligations du locataire et sa collectivité de rattachement celles du propriétaire, il y a une déperdition de moyens considérables qui affaiblit la capacité conjointe d'entretien. Si tout se passe bien dans les communes, c'est parce que la personne chargée de l'entretien dispose elle-même des éléments d'information nécessaires au maître d'ouvrage. Ce n'est pas le cas dans les collèges et les lycées, c'est pourquoi ces établissements vieillissent prématurément.

Ce qui est demandé, et ce que le président Mauroy dans sa grande sagesse avait proposé, c'est un organisation cohérente, moins coûteuse et plus efficace : c'est tout l'objectif du transfert des TOS (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Anne-Marie Comparini - En relisant ce matin les Lettres à Lucilius de Sénèque, j'ai noté cette phrase, sans savoir combien elle s'appliquerait à notre débat : « Réfléchis bien, et tu verras que la majeure partie de l'existence se passe à mal faire, une grande part à ne rien faire et la totalité à faire tout autre chose que ce qu'il faudrait ». Depuis 9 heures et demie ce matin, j'ai l'impression étrange qu'à droite comme à gauche, personne ne veut parler du projet (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et que cela arrange tout le monde que la discussion piétine et qu'on enterre la nouvelle décentralisation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Cela n'arrange que le Gouvernement !

Mme Anne-Marie Comparini - Les jacobins, sur tous les bancs, ont gagné. Depuis 1969, nous essayons d'adapter nos institutions publiques à l'évolution du monde, mais aujourd'hui, le rendez-vous avec l'histoire a été manqué.

M. René Dosière - Monsieur le ministre, parmi les choses que nous n'avons pas faites, il y en a une que vous avez oublié de signaler : nous n'avons jamais utilisé l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Pourtant, le gouvernement de Lionel Jospin ne disposait pas toujours d'une majorité absolue ; mais il a toujours été capable de discuter avec sa majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). De la part de ce gouvernement, en revanche, ce sera la deuxième fois, et la première fois il s'agissait déjà d'un texte concernant les collectivités locales puisqu'il portait sur le scrutin régional.

M. Guy Geoffroy - Parlons du fond !

M. René Dosière - On nous parle d'obstruction, au motif que le même amendement a été déposé plusieurs fois ; mais combien sommes-nous pour défendre ces amendements ? Cinq ! Cela veut bien dire que les autres signataires ne les défendront pas ! Si nous avions voulu faire de l'obstruction, nous serions tous présents !

M. Guy Geoffroy - Moi, j'ai toujours été présent pour défendre mes amendements !

M. René Dosière - Ce que nous voudrions, et le Président Debré l'a parfaitement compris, c'est procéder de la même façon que dans le débat sur les retraites et dans celui sur l'assurance maladie. Mais quand l'autorisation d'utiliser l'article 49, alinéa 3, a-t-elle été donnée au Premier ministre ? Avant même que nos débats ne commencent ! Et à quel moment le président du groupe UMP a-t-il déclaré que l'Assemblée nationale devait voter conforme le texte du Sénat ? Avant même que nos débats ne commencent !

M. Christophe Caresche - Ce débat n'est qu'une mascarade !

M. René Dosière - Vous voulez accréditer l'idée, pour l'opinion, que l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, que la rumeur nous annonce pour cet après-midi, serait justifiée par l'obstruction, alors que nous n'en faisons pas.

M. Guy Geoffroy - Vous êtes en train d'en faire ! Parlez-nous du texte, passons à l'article premier !

M. René Dosière - Monsieur le rapporteur, vous nous aviez dit qu'en matière de fiscalité, nous avions pratiquement rien fait. N'avons-nous pas créé, avec la loi Chevènement, l'intercommunalité à taxe professionnelle unique ? Interrogez les élus et les industriels : c'est une révolution, et ça marche, puisque cela concerne les deux tiers de la taxe professionnelle. Evidemment, la décision du Président de la République de supprimer la taxe professionnelle va compliquer les choses.

N'avons-nous pas, aussi, réformé la taxe d'habitation, de sorte que les 12 millions de Français qui ont les revenus les plus faibles n'en paient plus ou paient une taxe plafonnée par rapport à leurs revenus ? Autrement dit, pour les plus modestes, la taxe d'habitation est devenue un impôt local sur le revenu, dont le taux et l'assiette sont fixés au niveau national.

Le jour où vous aurez fait le dixième de ce que nous avons fait en matière de fiscalité, vous pourrez parler (Exclamations sur les bancs du groupe UMP, applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) !

M. Michel Piron - Bien entendu, Monsieur Dosière, nous acquiesçons à l'hommage que vous avez rendu au Président Debré. En revanche, permettez-moi de vous dire que n'être que cinq sur vos bancs, c'est vraiment très peu quand il s'agit de tout contester... Nous sommes nettement plus nombreux, et nous sommes là pour attester que nous approuvons un texte dont nous aurions néanmoins aimé pouvoir débattre. Or je constate que nous n'avançons pas. A la manière dont vous utilisez le droit d'expression de l'opposition, je me demande si le droit est seulement le droit d'abuser du droit... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Léonce Deprez - Je regrette que Mme Comparini ait parlé de rendez-vous manqué car nous étions au rendez-vous et nous aurions aimé faire œuvre utile. Hier, le président Clément a démontré sa volonté de dialogue avec l'opposition puisqu'à minuit, il nous a réunis pour débattre des amendements qu'elle avait déposés.

Nous sommes nombreux ici à être à la fois des élus de la nation et des élus territoriaux, et pour beaucoup d'entre nous, nous avons connu le parcours de la décentralisation depuis plus de vingt ans. Nous savons bien qu'on progresse par étapes ; ce projet est une nouvelle étape, et personne ne dit que c'est l'étape finale. La TPU a constitué un progrès, nous ne le contestons pas ; alors ne contestez pas la volonté du Gouvernement de progresser à nouveau ! Nous regrettons que, deux heures et demie après l'ouverture de la séance, nous n'ayons pas encore abordé l'article premier... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - C'est parce que vous parlez beaucoup !

M. Guy Geoffroy - C'est du fond que nous voulons parler !

Les amendements 1529 à 1557, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 1587 à 1615 sont identiques.

M. René Dosière - Mon amendement 1587 est au cœur du sujet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Au cœur de l'obstruction !

M. René Dosière - Pendant l'examen, durant deux jours, du projet relatif à l'autonomie financière, les députés du groupe majoritaire sont restés muets. Mais s'agissant d'un projet dont ils savent que la discussion va être interrompue, et sans que nous sachions quel texte sera retenu, nos collègues veulent intervenir pour faire durer les débats! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous voulons, nous, aller vite, et c'est pourquoi vous pouvez considérer, Monsieur le Président, que j'ai défendu mon amendement et ceux de mes collègues.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. Dosière demande de vérifier la constitutionnalité d'une loi par la détermination par décret. C'est difficile à comprendre.

M. le Ministre délégué - Même avis. Voilà encore une manière indirecte d'évoquer un sujet sur lequel j'ai répondu au moins une cinquantaine de fois, à savoir la péréquation. Le Gouvernement, je le redis, s'est engagé à avancer, à l'automne, sur la réforme des dotations et de la péréquation. Une haie après l'autre, comme dit mon ami Guy Drut. Aujourd'hui, nous traitons des transferts de compétences.

M. Guy Geoffroy - L'amendement proposé tend à ce que l'objectif constitutionnel de péréquation soit mis en œuvre par décret en Conseil d'Etat, alors que l'article 72-2 de la Constitution dispose qu'il l'est par la loi. De plus, l'exposé des motifs indique qu'il s'agit de donner une traduction concrète au principe constitutionnel d'autonomie financière. C'est confondre celle-ci avec la péréquation, qui est tout autre chose. En vérité, ce charabia ne vise qu'à faire de l'obstruction ! C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Rappel au Règlement. Nous nous élevons contre cette mascarade de débat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je le dis avec calme et tristesse.

M. le Président - Mascarade, le mot est fort.

M. Didier Migaud - Monsieur le Président, je vous sais attaché à la crédibilité du Parlement. Quel crédit accordé aux interventions du ministre, de M. Geoffroy et de ses collègues, alors qu'ils savent que le Premier ministre va venir annoncer l'application de l'article 49-3, suivant la décision prise mercredi en Conseil des ministres ? Alors que M. Accoyer, président du groupe UMP, a déclaré, dans un entretien publié en début de semaine, souhaiter que le projet soit voté conforme ? On ne peut pas indiquer plus clairement qu'il n'y a plus lieu à débattre. C'est bien pourquoi nous voyons pour la première fois nos collègues de la majorité, qui avaient jusqu'à présent pour instruction de se taire, prendre plaisir à nous répondre, sachant que l'heure de la récréation sonnera cet après-midi (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

J'en appelle au président Debré. Est-il digne de l'Assemblée de continuer à débattre, si le Premier ministre doit venir tout à l'heure demander d'appliquer l'article 49-3 ? Assurément pas ! Ayez plutôt le courage, Monsieur le ministre, d'annoncer que la discussion ne se poursuivra pas au-delà de cet après-midi (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous, nous souhaitons discuter au fond, et c'est pourquoi nous avons demandé à René Dosière de s'exprimer seul en notre nom, afin d'aller plus vite ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Mais M. Geoffroy s'étale pour pouvoir ensuite dénoncer l'obstruction. Monsieur le Président, nous vous demandons de mettre fin à cette mascarade.

M. Michel Piron - C'est du Goldoni !

M. le Président - Il m'appartient de constater que depuis ce matin nous avançons très lentement, puisque trois amendements différents seulement ont été examinés.

M. Christophe Caresche - Ce sont des amendements importants !

M. le Président - Tous le sont ! Mais nous allons plutôt moins vite que dans la discussion du projet relatif à l'assurance maladie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vos calculs ne sont pas exacts !

M. Jean-Pierre Balligand - Nous avançons à 50 amendements à l'heure.

M. le Président - Durant l'examen du projet sur l'assurance maladie, j'ai assuré, avec M. Debré, le plus grand nombre d'heures de présidence. Je peux témoigner que nous allons aujourd'hui bien plus lentement. Il ne m'appartient pas en revanche de connaître l'agenda du Premier ministre pour aujourd'hui 23 juillet. Essayons donc plutôt d'avancer.

Les amendements 1587 à 1615, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 1616 à 1644 sont identiques.

M. René Dosière - Nous avons déjà examiné 450 amendements (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) .

M. Edouard Landrain - Hypocrite !

M. le Président - Nous irions donc trop vite ?

M. René Dosière - Nous allons au même rythme que pour l'assurance maladie.

M. Christophe Caresche - Plus rapidement même !

M. le Président de la commission - Rappelons que nous sommes en deuxième lecture !

M. René Dosière - Et alors ?

M. le Président - En deuxième lecture, il est possible de ne pas reprendre tous les arguments développés en première lecture, et donc d'aller plus vite.

M. René Dosière - Sauf que le Sénat a profondément modifié le texte, au point que le président du groupe UMP à l'Assemblée a déclaré souhaiter que la majorité l'adopte conforme.

M. Guy Geoffroy - Il a le droit de le souhaiter !

M. René Dosière - Certes, mais ce souhait est significatif. Nous défendons, nous, la dignité du Parlement (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Quand on l'empêche de débattre, comme cela va être le cas cet après-midi, on porte atteinte à la dignité de l'Assemblée, pour la deuxième fois en deux ans. J'ai défendu l'amendement 1616 et les suivants, en observant que plus je suis bref dans ma présentation, plus la majorité s'étend en explications oiseuses (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Le souhait du groupe socialiste, qui était que le groupe UMP s'exprime, a été suivi d'effet, et le débat semble s'accélérer

Quant aux amendements, je ne puis que redire après le ministre délégué que la péréquation n'est pas le corollaire des transferts de compétence et qu'elle relève d'un débat qui viendra en son temps.

M. le Ministre délégué - A quoi joue-t-on ? M. Dosière vient de faire état de son désir d'aller vite...

M. René Dosière - Je n'ai rien dit de tel.

M. le Ministre délégué - Qu'il m'explique alors pourquoi, en deuxième lecture devant la deuxième assemblée... (On se récrie sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - Vous osez !

M. le Ministre délégué - ...Pourquoi, en deuxième lecture devant l'assemblée saisie en deuxième, son groupe a jugé bon de déposer 4 860 amendements, dont 130 séries regroupant jusqu'à 149 propositions identiques !

M. Didier Migaud - Parce que nous voulons que s'engage le débat au fond !

M. le Ministre délégué - Vous plaisantez ! Lors de la deuxième lecture au Sénat, nous avons eu, pendant trois jours et demi ou quatre jours, un débat passionnant qui était un débat sur le fond. Pour cela, il n'a pas été besoin de 4 860 amendements, mais de quelques centaines seulement. Et, sur les quelque soixante finalement adoptés, la moitié venaient de la majorité, la moitié de l'opposition. La discussion a donc été constructive. Mais c'est aussi que MM. Sueur, Peyronnet et Frimat ont eu à cœur d'agir pour qu'il en soit ainsi. Si je compare votre attitude et la leur, je me demande si vous portez un intérêt réel à ce texte ! Nous n'avons encore examiné que quatre séries...

Le Gouvernement et la majorité se montrent ouverts à la discussion mais le tour que prend celle-ci et votre obstination à vous en tenir à des préalables pourraient accréditer l'idée que votre seul souci serait de bloquer l'adoption de la loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il n'y en qu'un ici qui sache avec certitude ce qui va se passer cet après-midi : c'est le ministre délégué. Or, alors que nous venons d'accepter de réduire à une seule nos interventions sur chaque série d'amendements et que nous avons déjà examiné 450 de ceux-ci, voici qu'il demande à quoi nous jouons ! Comme de surcroît, pas plus que le rapporteur d'ailleurs, il n'a dit un mot du fond de la proposition en discussion, je tiens à m'y attarder quelque peu, afin de démontrer la cohérence de notre démarche.

Cet amendement se lit ainsi : « Les dispositions transférant des compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévues par la présente loi ne seront mises en œuvre que lorsque des dispositifs garantissant un accroissement régulier de la péréquation, notamment par le moyen d'une réforme des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, auront été décidés. » Comme dans les amendements présents, il s'agit pour nous de définir les préalables financiers aux transferts de compétences. Nous en comptons trois, dont nous avons traité successivement : réforme de la fiscalité locale, péréquation et, pour finir, réforme des dotations de l'Etat. La décentralisation ne peut se faire que dans le respect de l'unité de la République, dont la solidarité entre territoires est un élément essentiel, et il ne faudrait pas qu'à l'occasion de ces transferts, certains territoires soient victimes d'injustices. Jusqu'ici, nous avons tous considéré que l'Etat devait garantir à tous des services publics et des ressources comparables. Obéissant au même esprit, nos propositions sont donc parfaitement justifiées : elles visent à donner aux élus les moyens d'assumer leurs responsabilités et au Parlement de contrôler la bonne mise en œuvre des transferts.

M. Christian Estrosi - Vous vous permettez d'affirmer que quelqu'un, ici, saurait ce qui va se passer cet après-midi. Qui pourrait le croire ? Pour notre part, nous n'avons qu'une seule préoccupation : débattre enfin du fond ! Or vous faites tout pour l'empêcher, revenant tantôt sur la loi organique, tantôt même sur la loi constitutionnelle pour ne pas avoir à aborder le sujet des transferts de compétences, qui devrait seul nous occuper car les collectivités ont un besoin urgent de ce projet.

M. Guy Geoffroy - Si je suis intervenu ce matin dans la discussion, c'est d'abord pour suppléer notre porte-parole, M. Piron, qui avait été empêché d'arriver à temps - il est revenu et je n'aurai donc plus à m'exprimer à ce titre. J'ai parlé ensuite en tant que rapporteur du projet relatif à l'autonomie financière des collectivités car, chaque fois que vous abordiez par extraordinaire le fond, vous en avez profité pour travestir la réalité de cet texte. J'espère ne plus avoir à intervenir à ce titre non plus.

Enfin, j'ai pris la parole pour évoquer, en réponse à une intéressante incidente de M. Dosière, des questions que je connais un peu en raison d'une expérience professionnelle longue de trente-cinq ans : celles de l'école.

Si j'estime utile de faire cette mise au point, c'est qu'il y a une heure, alors que nous nous efforcions avec le Président de mettre au point une méthode, vous insistiez pour que chacun de vous puisse présenter chaque amendement, puis répondre au Gouvernement et à la commission. Mais il a suffi que nous intervenions pour que vous renonciez à ces exigences ! Vos demandes ne s'expliqueraient-elles pas par une volonté farouche d'éluder le débat de fond et, notamment, le débat sur l'article premier ? Je m'interroge... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - On prépare le baisser de rideau !

M. Didier Migaud - Voici que MM. Estrosi et Geoffroy se livrent à une course effrénée afin de décrocher l'Oscar du plus mauvais comédien ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Le propos est inadmissible.

M. le Président - Personne n'a jusqu'ici recouru à ce ton, Monsieur Migaud.

M. Didier Migaud - Si, comme on le murmure dans les couloirs, le Premier ministre vient ici à 15 heures, ce débat n'aura été qu'une pantalonnade. Cela signifierait en effet qu'il aurait obtenu l'autorisation du conseil des ministres. Or, à ce que je sais, celui-ci s'est réuni pour la dernière fois mercredi dernier. Point d'hypocrisie entre nous, je vous prie : vous ne souhaitez pas que nous en arrivions au débat de fond ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il y a d'ailleurs quelqu'un qui l'a reconnu avec beaucoup de franchise : c'est M. Accoyer, qui a dit, comme d'ailleurs MM. Ollier et Clément, qu'il voulait un vote conforme de l'Assemblée.

Je n'en veux pas au ministre d'avoir parlé de deuxième chambre...

M. le Président - ...saisie chronologiquement.

M. Didier Migaud - ...mais cela traduit sans doute le vrai sentiment de méfiance à l'égard de l'Assemblée du Premier ministre, qui a fait réviser la Constitution pour donner au Sénat la priorité pour ce qui touche aux collectivités locales et qui viendra tout à l'heure déclencher le 49-3.

Le Président de notre assemblée, que l'on sait attentif aux rythmes de nos travaux, avait constaté que nous examinions 55 amendements à l'heure sur le projet relatif à l'assurance maladie. Nous sommes ce matin au-delà, ce qui montre que, contrairement au gouvernement et à la majorité, nous ne faisons pas d'obstruction ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, je regrette que, dans les cinq minutes que vous avez consacrées à répondre à M. Dosière, Monsieur le ministre, vous n'ayez consacré que 15 secondes au fond, c'est-à-dire à la péréquation.

Mme Muguette Jacquaint - Heureusement, Monsieur le ministre, qu'il y a eu une importante discussion au sénat puisque nous savons bien que nous ne pourrons, hélas, poursuivre ce débat à l'Assemblée.

La décentralisation est très importante pour nos concitoyens parce qu'elle touche de nombreux domaines de leur vie quotidienne : développement économique, tourisme, formation professionnelle, protection de l'environnement, grands équipements, transports, action sociale, logement social, enseignement. Il est donc essentiel que tous les transferts prévus ici s'accompagnent des moyens correspondants et nous ne pouvons donc accepter qu'on escamote le débat sur la péréquation alors qu'elle seule peut permettre de réduire les inégalités entre les collectivités et entre les populations. Je rappelle à titre d'exemple qu'à La Courneuve, 6 familles sur 10 ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu.

Les amendements 1616 à 1644, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Sur les amendements identiques 1645 à 1673, le groupe communiste et républicain demande un scrutin public.

M. René Dosière - Mme Jacquaint les a excellemment défendus.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, pour les mêmes motifs que précédemment.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

A la majorité de 48 voix contre 12, sur 60 votants et suffrages exprimés, les amendements 1645 à 1673 ne sont pas adoptés.

M. René Dosière - Rappel au Règlement, sur la base de l'article 58, alinéa 3 !

Avec les votes qui viennent d'intervenir, nous avons examiné 80 amendements à l'heure, alors qu'au cours du débat sur l'assurance maladie, le Président Debré avait estimé convenable un rythme de 57 à l'heure... On ne peut donc dire qu'il y a obstruction. En revanche, les conditions dans lesquelles se déroule ce débat portent atteinte à la dignité de notre assemblée. Dans ces conditions, je demande une suspension de séance de 10 minutes, à moins que vous ne préfériez lever la séance, Monsieur le Président.

M. le Président - Il est 12 heures 40, je vous propose 5 minutes de suspension, puis nous poursuivrons jusqu'à 13 heures.

M. Didier Migaud - Il serait grotesque de continuer à faire semblant de débattre ! La raison suggère de lever la séance (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP).

Rassurez-vous, nous dirons tout à l'heure au premier ministre que vous avez largement essayé de défendre l'indéfendable, puisque c'est vous qui êtes à l'origine de l'obstruction et qui refusez le débat.

M. le Président - On me demande une suspension de 10 minutes. Comme il est de tradition dans ce cas, je suis prêt à accorder cinq minutes, pour que nous puissions travailler ensuite jusqu'à 13 heures.

M. le Ministre délégué - Monsieur Dosière se félicite de ce que nous puissions examiner 80 amendements par heure. Si nous tenons ce rythme, c'est que les socialistes, après avoir déposé 4 800 amendements, ne sont pas venus les défendre ! C'est quand même un comble !

Plusieurs députés UMP - Absolument !

M. le Ministre délégué - M. Migaud parle de mascarade. Le terme convient en effet à certains comportements au sein de son groupe. Je le regrette, car j'appelle de mes vœux un débat de fond sur la décentralisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - C'est vraiment de la politique avec un petit p, comme dirait le Président de la République !

M. Serge Poignant - Rappel au Règlement. Nos collègues socialistes évoquent un recours possible à l'article 49-3. Et après avoir fait de l'obstruction pendant des heures, des semaines même, voilà qu'ils veulent, en cette fin de matinée, avancer très vite pour ne pas en porter la responsabilité. Mais cette responsabilité, c'et bien eux qui la porteront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le 49-3 a été décidé il y a trois jours !

M. le Président - Pour apaiser les esprits et permettre à certains de se coordonner, je vais lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance , qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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