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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 18ème jour de séance, 48ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 23 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES
      - deuxième lecture - (suite) 2

      MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 5

      ORDRE DU JOUR DU LUNDI 26 JUILLET 2004 6

La séance est ouverte à quinze heures.

LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES - deuxième lecture - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales.

Mme la Présidente - La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Ma mission, celle de mon gouvernement, est une mission de réforme, et de progrès. La décentralisation est l'une des réformes majeures qui participe de la réforme de l'Etat et de la libération des forces vives de la nation. Le texte qui vous est proposé est largement inspiré par un diagnostic partagé, traduit par le rapport Mauroy (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Pour cette réforme, comme pour les autres, nous avons choisi la concertation et le dialogue, et c'est pourquoi nous n'avons pas déclaré l'urgence sur ce texte qui, à ce jour, a fait l'objet de plus de 190 heures de débat au Parlement. Aujourd'hui, je dois constater la stratégie d'obstruction de l'opposition (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), stratégie qui s'est traduite, par le dépôt, à la hâte, de 4 000 amendements, dont, parfois, 145 sont identiques (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - C'est vous qui ne voulez pas le débat !

M. le Premier ministre - Toutes les manœuvres de retardement ont été engagées ; pour ma part, je redis ma position : « oui au dialogue, non au blocage » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'immobilisme n'est pas une politique, et ce n'est pas ce que demandent les Français : ils attendent du Gouvernement de l'action.

M. Didier Migaud - Votre action, ils l'ont sanctionnée !

M. le Premier ministre - Accepter l'inaction, ce serait faire preuve de faiblesse, puisque à la rentrée, nous devons, pour répondre aux attentes des Français, traiter de la loi de cohésion sociale, du développement de la recherche, des progrès de l'école. De surcroît, nous devons préparer dès maintenant une loi de finances bonne pour l'emploi. Notre programme est donc très chargé.

Mon gouvernement ne peut être complice de l'immobilisme (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), il doit honorer ses engagements avec détermination, et quels que soient les obstacles. C'est pourquoi j'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, j'ai décidé, après avoir obtenu l'autorisation du Conseil des ministres, d'engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, modifié par les amendements dont je vous ai remis la liste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Bataille - Vous devriez avoir honte !

Mme la Présidente - L'Assemblée prend acte de l'engagement de responsabilité du Gouvernement, conformément aux dispositions de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. La liste des amendements qui m'a été transmise par M. le Premier ministre est à la disposition des membres de l'Assemblée.

M. Didier Migaud - Il serait temps !

Mme la Présidente - Le texte sur lequel le Premier ministre a engagé la responsabilité du Gouvernement sera annexé au compte rendu de la présente séance. En application de l'article 155, alinéa premier, du Règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu.

J'informe l'Assemblée que je viens de recevoir une motion de censure déposée en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par M. Jean-Marc Ayrault et 124 membres de l'Assemblée (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Je donne lecture de ce document :

« En engageant sa responsabilité sur le projet relatif aux libertés et aux responsabilités locales, le Premier ministre n'hésite pas à bafouer les droits du Parlement (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) pour faire passer en force ce texte, en plein cœur de la session extraordinaire.

Ce coup de force est un aveu de faiblesse pour le Premier ministre et constitue une grave atteinte au respect de la représentation nationale.

Depuis deux ans, l'action du Gouvernement se résume à une politique brutale envers les plus démunis et à l'octroi de largesses envers les plus aisés, en faisant payer la baisse des impôts par une forte augmentation de tous les prélèvements sur l'ensemble des ménages.

Cette méthode est dangereuse, elle consiste à dénoncer les droits sociaux comme des avantages indus et à culpabiliser ceux qui en bénéficient.

Les résultats de cette politique sont sans appel : augmentation du chômage, multiplication des plans de licenciement, explosion des déficits de l'Etat et de la sécurité sociale, aggravation des inégalités, développement de la précarité.

Les réformes gouvernementales sont devenues synonymes d'injustice et de régression (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Les Français ont d'ailleurs condamné avec force cette politique à l'occasion des élections régionales et cantonales puis lors des élections européennes... ». (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Messieurs, reportez-vous à l'article 153 de notre Règlement, et vous y lirez que le Président donne connaissance de la motion de censure à l'Assemblée.

M. Michel Terrot - Il en donne connaissance, mais il n'en donne pas lecture !

Mme la Présidente - Je poursuis (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) :

« Le Gouvernement et le Président de la République n'en ont tiré aucune conclusion et sont restés sourds au message des Français.

Plus grave encore, le Gouvernement s'obstine dans cette voie en imposant, lors de la session extraordinaire, la discussion de projets de loi aggravant encore et durablement les effets de cette politique.

Ainsi, le projet de loi relatif à l'assurance maladie ne correspond pas à la réforme nécessaire de notre système de santé. Le Gouvernement s'est contenté d'accuser à tort ses prédécesseurs de la dérive des comptes et de reporter sur les générations futures la dette accumulée pendant cette législature (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Le comble est atteint aujourd'hui avec le recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution sur le vote du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, comme si le Premier ministre entendait solder deux ans de discussions non abouties.

Ce projet de loi, sous couvert de cohérence et de proximité, renforce les inégalités territoriales. Il porte atteinte à l'unité des services publics et organise leur démantèlement. Et surtout, il aboutit à transférer les déficits de l'Etat sur les collectivités territoriales, contraintes ainsi à augmenter leurs impôts et à remettre en cause des politiques publiques essentielles.

Le fossé entre le Gouvernement et les Français ne fait que s'amplifier.

Nous assistons à un véritable verrouillage démocratique à tous les niveaux (Huées sur les bancs du groupe UMP). Les citoyens ne sont pas entendus, le Parlement n'est pas respecté et les pouvoirs de l'ensemble des institutions de la République sont concentrés sans scrupule dans les mêmes mains. Les nominations de complaisance dans les postes clés de l'appareil d'Etat et des services publics se multiplient. Tous les dispositifs qui veillaient à interdire une trop grande concentration dans les médias ont été démantelés... (Exclamations sur les mêmes bancs).

Je poursuis :

« Cette mainmise s'accompagne de dangereux reculs des droits et libertés des citoyens à travers l'adoption de lois qui constituent des menaces pour la vie privée et la liberté individuelle de chacun. Le dernier exemple en est la refonte de la loi dite informatique et libertés du 6 janvier 1978.

A cela s'ajoutent des dysfonctionnements inquiétants de notre justice aggravés par une politique pénale de plus en plus injuste à travers, notamment, les atteintes au principe de la présomption d'innocence. L'effet de cette politique du tout répressif conduit à des situations de détention indignes.

Enfin, cet engagement de responsabilité révèle la réalité d'un Gouvernement sans chef (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) divisé et miné par les rivalités au sommet de l'Etat.

Pour toutes ces raisons, l'Assemblée nationale censure le Gouvernement en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

En application de l'article 155, alinéa 3, du Règlement, il est pris acte de ce dépôt. La motion de censure sera notifiée au Gouvernement et affichée.

M. le Président réunira mardi 27 juillet, à 10 heures, la Conférence des présidents pour permettre l'organisation de la discussion et du vote sur cette motion de censure ce même mardi 27 juillet à partir de 15 heures.

Monsieur Dosière, je vous donne la parole pour un rappel au Règlement seulement (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) car je vous rappelle qu'en vertu de l'article 155, le débat sur le projet de loi est suspendu immédiatement après l'engagement de responsabilité du Gouvernement (Les députés UMP et les membres du Gouvernement se lèvent et quittent l'hémicycle ; très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. René Dosière - Disposer d'une majorité écrasante à l'Assemblée nationale, contrôler la totalité des pouvoirs publics ne suffit donc pas. Il faut en outre bâillonner, humilier, outrager l'Assemblée nationale et, à travers elle, le peuple français. Par contrainte, la loi d'un seul, celle du Premier ministre, deviendra la loi de tous. C'est un déni de démocratie. Le Premier ministre n'a finalement qu'une idée en tête, en finir.

Mme la Présidente - Monsieur Brard, je vous donne la parole dans les mêmes conditions. Vous ne pouvez pas reprendre le débat au fond.

M. Jean-Pierre Brard - Je ne le pourrais de toute façon pas, le Premier ministre ayant utilisé la bombe à neutrons. Ces méthodes sont inadmissibles. Il est également inadmissible que le Gouvernement ait déserté son banc. Sans doute le Premier ministre a-t-il plus important à faire...

Ecoutez bien ceci : « La politique ne consiste pas à faire taire les problèmes, mais à faire taire ceux qui les posent ». C'est M. Queuille qui parle, visiblement mentor de M. Raffarin. Michael Moore, pour sa part, explique qu'il n'est pires censeurs que « ceux qui osent réprimer les idées et faire taire les contestations. » On veut nous bâillonner et pour être sûr de n'avoir pas à engager le débat, on court à Matignon tenir des conciliabules pour préparer les combinazione propres à la réorganisation de l'UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Mme la Présidente - Madame Comparini, je vous donne également la parole dans les mêmes conditions.

Mme Anne-Marie Comparini - Je souhaite dire au Premier ministre, hélas absent, à mes collègues de l'UMP, hélas absents, qu'aujourd'hui, plus de deux ans de travail, notamment la consultation de quelque 55 000 personnes, trois étapes législatives successives, toute cette mise en scène qui aurait dû annoncer une grande œuvre se transforme en mauvais théâtre de boulevard...

Mme la Présidente - Madame Comparini, vous ne pouvez revenir sur le fond du débat.

Mme Anne-Marie Comparini - Vous avez laissé M. Dosière et M. Brard s'exprimer. Je suis restée en séance pour les hommes et les femmes de ma circonscription que je représente ici. Laissez-moi encore la parole un instant. Après que le Gouvernement nous a bâillonnés, nous n'allons tout de même pas l'être aussi par la présidence de l'Assemblée ?

Mme la Présidente - Certainement pas. Mais j'applique le Règlement.

Mme Anne-Marie Comparini - Entre la comédie de l'obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) avec le dépôt par l'opposition de plus de 4 000 amendements en deuxième lecture et la tragédie de l'utilisation de l'article 49-3, quel triste spectacle ! Après que la discussion a piétiné, le débat se trouve amputé et la décentralisation enterrée, et le pire est que tout cela était cousu de fil blanc, aussi bien vos 4 800 amendements (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) que l'utilisation du 49-3. C'est un triste jour pour la France, qui vient de nouveau de manquer un rendez-vous avec la décentralisation, c'est-à-dire avec le XXIe siècle.

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

Mme la Présidente - J'ai reçu du ministre délégué aux relations avec le Parlement un courrier m'informant qu'en application des articles 29, 30 et 48 de la Constitution, le Gouvernement modifie comme suit l'ordre du jour de l'Assemblée nationale : lundi 26 juillet, l'après-midi et le soir : projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

Prochaine séance lundi 26 juillet 2004, à 15 heures.

La séance est levée à 15 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU LUNDI 26 JUILLET 2004

A QUINZE HEURES : 1re SÉANCE PUBLIQUE

Discussion du projet de loi (n° 1680), adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de modernisation de la sécurité civile.

Rapport (n° 1712) de M. Thierry MARIANI au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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