Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session extraordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 21ème jour de séance, 53ème séance

SÉANCE DU JEUDI 29 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

        CONVOCATION D'UNE COMMISSION
        MIXTE PARITAIRE 2

        SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2

        CONSEIL SUPÉRIEUR DES FRANÇAIS
        DE L'ÉTRANGER 2

        QUESTION PRÉALABLE 4

        ART. 2 11

        ART. 4 11

        SOUTIEN À LA CONSOMMATION
        ET À L'INVESTISSEMENT (CMP) 11

La séance est ouverte à neuf heures trente.

CONVOCATION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - M. le Premier ministre informe l'Assemblée qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - M. le président du Conseil constitutionnel informe l'Assemblée qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

CONSEIL SUPÉRIEUR DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier la loi du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement - La proposition de loi qui vous est soumise vise à apporter au Conseil supérieur des Français de l'étranger une réforme nécessaire. Celui-ci a connu une évolution importante. Aux débuts de la IVe République, les Français établis hors de France ne disposaient que de trois sièges au Conseil de la République, confiés à des personnalités désignées. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger fut créé en 1948 pour leur offrir une représentation élue. La Constitution de 1958 a poursuivi cette œuvre de démocratisation en rendant constitutionnelle la représentation française hors de France. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger est alors devenu un collège unique pour l'élection des sénateurs des Français établis hors de France. La loi du 7 juin 1985 a instauré l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger au suffrage universel direct et nous ne pouvons, aujourd'hui, que nous enorgueillir d'adopter la présente réforme.

Les deux millions de Français expatriés sont soutenus par le deuxième réseau diplomatique et consulaire du monde, après celui des Etats-Unis, et par le premier réseau culturel. Afin de s'assurer qu'ils soient suffisamment nombreux pour conquérir les marchés mondiaux, il est indispensable de mieux défendre leurs intérêts. Il faut également leur faire comprendre l'importance qu'aura la nouvelle Assemblée des Français de l'étranger au côté des postes diplomatiques et consulaires. Cette proposition est une étape significative et le Gouvernement s'en félicite d'ores et déjà, même s'il restera à améliorer le fonctionnement de l'Assemblée.

Le Conseil supérieur relaye les préoccupations des Français de l'étranger auprès du ministre des affaires étrangères, qui expose chaque année, devant ses membres, les grandes orientations de sa politique. Le Premier ministre, en décembre 2002, a montré tout l'intérêt que lui portait le Gouvernement. Depuis que le Conseil supérieur est composé d'élus au suffrage universel, le monde s'est transformé, et les communautés françaises expatriées aussi. En 2000, le Conseil supérieur a été invité à réfléchir à une nouvelle organisation. Le résultat est devant nous, et je le salue. Le travail de la commission temporaire de la réforme, dont le président était le sénateur Guy Penne et le rapporteur son collègue Robert Del Picchia, s'est d'ores et déjà traduit dans les faits. La nouvelle architecture des commissions permanentes par exemple les rend plus dynamiques.

La présente proposition de loi constitue le volet législatif de la réforme. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger joue un rôle à la fois dans l'expression de la solidarité nationale envers les Français établis hors de France et dans l'information des autorités françaises sur leurs attentes. La réforme abandonne cette dénomination de « Conseil supérieur » pour celle d'« Assemblée », afin de conforter le rôle représentatif, et de renforcer sa position auprès de la collectivité nationale. La carte des circonscriptions électorales a dû être revue pour tenir compte des évolutions démographiques et géopolitiques. Des anomalies ont été corrigées : ainsi, l'Afrique du sud et la Birmanie ont été réintégrées dans leurs environnements respectifs. Par ailleurs, le land allemand de Rhénanie-Palatinat, relevant du consulat de France à Mayence qui a été fermé, a été rattaché à celui de Francfort et à la circonscription électorale correspondante. A l'avenir, dans le cadre de l'aménagement du réseau consulaire, il sera possible, voire nécessaire, de revoir les délimitations des circonscriptions électorales en Allemagne, mais ce n'est pas urgent et je vous demanderai donc de rejeter l'amendement de M. Dosière en ce sens. Il me paraît également souhaitable de conserver à ce texte le caractère consensuel que le Sénat, directement concerné, lui a conféré.

L'évolution des moyens de transport et de communications permettront aux élus de mieux remplir leur mandat. Cette proximité sera de nature à raviver l'intérêt des Français de l'étranger pour les instances qui les représentent, et devrait encourager la participation aux élections, et pourtant, conforter la légitimité des élus. La nouvelle carte électorale a été établie par consensus. Elle facilitera les contacts entre les élus et le réseau consulaire. Forts d'une expérience reconnue, les représentants des Français établis hors de France apportent à nos postes consulaires, en temps de paix comme de crise, une aide précieuse, notamment au sein de comités qui traitent des questions les plus diverses, comme la sécurité, l'action sociale, les bourses scolaires ou l'emploi et la formation. En faisant une plus grande place aux élus, la proposition de loi s'inscrit dans l'action du ministère des affaires étrangères qui vise à les associer davantage à la définition de ses politiques, en particulier dans les domaines de l'emploi, des affaires sociales et de l'enseignement. Les travaux du Conseil supérieur sont enrichis par l'apport des membres désignés en raison de leur expertise.

Les sénateurs, en particulier ceux qui représentent les Français établis hors de France, veillent à tenir compte, dans les textes législatifs, des réalités propres à l'expatriation.

Le Conseil supérieur est de plus en plus souvent sollicité pour donner un avis sur les projets de loi : je pense à la réforme de l'immatriculation consulaire et à la fusion des listes électorales.

Souhaitée de longue date, la réforme à laquelle nous procédons aujourd'hui devra être complétée par une révision de la loi organique du 21 janvier 1976, et je puis vous annoncer que vous serez prochainement saisi d'un texte en ce sens. En effet, une proposition de loi organique a été déposée en avril 2003. La hiérarchie des normes n'est donc pas perdue de vue.

Le Sénat veille enfin à garantir la solidarité de la France à l'égard de nos compatriotes établis à l'étranger. Il s'agit d'un devoir auquel le Gouvernement n'a pas manqué pendant les événements survenus en Côte d'Ivoire, en République centrafricaine, en Haïti et pendant l'épidémie de pneumopathie atypique en Asie.

Nous avons aussi le devoir d'améliorer l'organisation des services rendus à nos compatriotes expatriés et de leur donner une représentation aussi fidèle que possible. Ce texte ne peut donc que recueillir l'approbation du Gouvernement. Il répond aux attentes des Français établis hors de France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois - Institution originale, le Conseil supérieur des Français de l'étranger permet à nos compatriotes expatriés, qui sont au nombre de 1,9 million, de participer à la vie démocratique nationale. Cette institution avait besoin d'évoluer, comme toutes les institutions représentatives, qui vieillissent... La vie moderne modifie les rapports entre les citoyens et leurs représentants, les techniques évoluent également. Il y a quelque temps, j'ai eu l'honneur de rapporter devant vous le texte sur le vote électronique, qui concernait notamment les Français vivant aux Etats-Unis.

Seulement 650 000 Français établis à l'étranger sont inscrits sur les listes électorales, et leur participation aux scrutins est modeste. C'est pourquoi nos collègues sénateurs ont voulu mener une réflexion approfondie, au sein d'une commission ad hoc. Cette réflexion a été longue puisque elle a commencé en 2000 et a abouti au dépôt de propositions en 2003. Mais elle a été menée de manière consensuelle : la commission était présidée par Guy Penne, sénateur socialiste, et son rapporteur était M. Del Picchia, qui appartient à la majorité. Comme nous le faisons nous-mêmes lorsque nous modifions notre Règlement, les sénateurs ont voulu éviter les combats politiques. Même si leur réflexion ne les a pas conduits à tous les changements que nous aurions souhaités, il faut saluer la méthode. Les sénateurs, plus que nous, ont le temps de la réflexion.

Votre commission des lois a jugé ce texte équilibré et ne souhaite pas le modifier. La proposition tend en premier lieu à généraliser dans les textes législatifs ordinaires la nouvelle dénomination du Conseil supérieur, qui devient l'Assemblée des Français de l'étranger. Doté d'un bureau permanent, cet organe délibératif ne sera plus composé à terme que d'élus. Le Conseil supérieur souffre d'un manque de notoriété ; grâce à ce changement de dénomination, nos compatriotes devraient se sentir plus concernés. Cependant, une petite difficulté a été omise par les sénateurs : l'appellation « Conseil supérieur des Français de l'étranger » figure dans plusieurs textes organiques. Il faudra donc remédier à cette anomalie.

D'autres dispositions portent sur la désignation des délégués : l'institution d'un contrôle préalable des candidatures , afin d'éviter la multiplication des contentieux ; la possibilité, à l'initiative du Gouvernement, d'organiser de manière regroupée les opérations électorales.

La composition même de l'institution est modifiée. Le texte réduit de 20 à 12 le nombre des personnalités qualifiées nommées par le ministre des affaires étrangères. En outre, ces personnalités n'auront plus qu'une voix consultative. En revanche, est porté de 150 à 155 le nombre des délégués, y compris celui de la principauté d'Andorre qui ne sera plus nommé par le ministre des affaires étrangères. L'actualisation des circonscriptions électorales est d'une ampleur limitée : elle est conforme aux préconisations consensuelles de la commission temporaire, si bien que personne ne peut y voir de manœuvre. Le nombre des délégués passe de 30 à 32 dans la circonscription d'Amérique et de 21 à 24 dans celle de l'Asie et du Levant. Au total, nous passons de 150 membres élus et 21 nommés à 155 membres élus et 12 nommés.

L'article 6 prévoit que les dispositions relatives aux personnalités qualifiées et à la carte électorale ne s'appliqueront qu'à compter des renouvellements triennaux de 2006 et de 2009, tandis que les autres dispositions entreront en vigueur dès la publication de la loi. Ainsi, dès sa prochaine session prévue fin 2004, le Conseil supérieur devrait se réunir sous sa nouvelle appellation d'Assemblée des Français de l'étranger.

La commission souhaite l'adoption de cette proposition dans le texte du Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTION PRÉALABLE

M. René Dosière - Nous sommes le 29 juillet. Le soleil resplendit à l'extérieur. La France veille et nous regarde peut-être. La « Grande Boucle » est terminée et un Américain a gagné... (Sourires) Mais je dois cesser de paraphraser les propos que M. de Villepin nous a tenus jeudi dernier : contrairement à lui, avant d'entrer dans le vif du sujet, je ne veux pas négliger les préliminaires. En effet, comme le disait notre ministre de l'intérieur, « en amour comme en politique, les préliminaires ont leur importance ».

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Ça vous a plu, ça !

M. René Dosière - Chacun aura pu constater que le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution aura permis de dégager le temps nécessaire pour examiner - il est vrai dans une certaine précipitation, Monsieur le Président de la commission des lois, puisque la commission s'est réunie seulement hier et que le rapport est paru juste une demi-heure avant la séance - cette proposition de loi sénatoriale ayant été adoptée au Palais du Luxembourg, il faut le rappeler, le 4 mars dernier. Faut-il donc que ce texte soit important, pour que sa discussion intervienne durant cette session extraordinaire, entre la réforme de l'assurance maladie et celle d'EDF, au point même, semble-t-il, d'obliger le Premier ministre à écourter le débat sur la décentralisation ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Le fait qu'il y ait aujourd'hui en séance trois fois plus de députés UMP - parmi lesquels son président - que pour le débat sur la décentralisation prouve cette importance.

M. François-Michel Gonnot - Sur vos bancs, il n'y a plus personne !

M. René Dosière - Les socialistes ont le sens de la mesure : notre représentation ce matin est à la hauteur de l'importance que nous accordons à ce texte...

Monsieur le ministre, vous avez lu le discours préparé par votre collègue Renaud Muselier, qui malheureusement ne peut pas être là : c'est un peu dommage pour un texte de cette envergure, mais nous sommes bien sûr toujours très heureux de vous retrouver, connaissant votre amitié pour l'Assemblée nationale. Mais puisque, en tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, vous participez à la Conférence des présidents, j'aurais aimé vous entendre nous expliquer les motifs de l'inscription de ce projet, sans nul doute fondateur, à notre ordre du jour.

Je dois dire qu'hier, lors de la réunion de la commission des lois, j'ai eu le sentiment que je n'étais pas le seul à ne pas comprendre l'importance soudaine de ce texte - mais peut-être me trompé-je, Monsieur le Président de la commission... c'est d'ailleurs à l'issue des travaux de la commission qu'il m'a paru souhaitable de soutenir une question préalable.

Celle-ci, dit l'article 91 de notre Règlement, a pour objet « de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer ». On la soutient souvent pour des raisons politiques, voire politiciennes. Ce n'est pas le cas aujourd'hui car, comme il a été rappelé, il s'agit d'une proposition de loi consensuelle. Je note que notre rapporteur est devenu un partisan acharné des textes consensuels ; il fut un temps où le « consensus » - qu'on appelait parfois d'un autre nom - aboutissait à des propositions un peu réductrices. Au Sénat, Mme Cerisier-ben Guiga, du groupe socialiste, a parlé à propos de ce texte de consensus « sur le plus petit dénominateur commun ». Très, petit dénominateur, en vérité...

Je ne sais pas si l'on doit souhaiter ce type de consensus. Heureusement d'ailleurs que le rapporteur a été bref car il allait manifestement verser dans le persiflage : un travail de trois ans, certainement acharné, au sein d'une commission ad hoc pour aboutir à ce texte, c'est en effet avancer au rythme des sénateurs...

De quoi s'agit-il, très concrètement ? De modifier la loi de 1982 sur le Conseil supérieur des Français de l'étranger pour transformer celui-ci en Assemblée des Français de l'étranger, ce qui indiscutablement sonne beaucoup mieux, sans néanmoins en changer les attributions.

Tout le monde reconnaît maintenant que le texte de 1982, que la majorité socialiste avait fait voter, a représenté une grande avancée démocratique, en faisant en sorte que les membres du CSFE soient désormais élus et que les sénateurs représentant les Français de l'étranger soient eux-mêmes élus par ses membres.

Cela dit, à quoi sert l'actuel CSFE ? C'est une assemblée consultative. Si j'étais un peu rapide, je dirais qu'elle n'a aucun pouvoir. Elle donne son avis au Gouvernement sur les questions concernant la communauté française à l'étranger, informe les autorités françaises par des études de fond, émet des vœux et des motions, se réunit en assemblée plénière un fois par an... Tous ceux qui y siègent - et qui exercent leur mandat à titre bénévole - nous disent qu'ils aimeraient avoir davantage de pouvoir.

En dehors de son rôle consultatif, le CSFE est surtout un collège électoral : ses 150 membres élus élisent les 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France. Autrement dit, il faut 40 voix pour être élu sénateur des Français de l'étranger. Avec le texte en discussion, il en faudra peut-être 41. Comme le dit Mme Cerisier-ben Guiga, son rôle électoral fait du CSFE le champ clos de combats politiciens fratricides, qui sont parfois, et même souvent, résolus par le clientélisme électoral... Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que la participation aux élections au CSFE soit faible, d'autant qu'il faut s'inscrire sur une liste électorale spéciale, en plus de la liste consulaire. Voyez, Monsieur le Président de la commission, que la Nouvelle-Calédonie n'est pas seule à connaître les listes électorales spéciales...

Il est dommage qu'on n'ait pas saisi l'occasion d'un texte sur les Français de l'étranger pour aller au-delà de la surface des choses, d'autant que le Gouvernement, par la voix de M. Muselier, disait attendre l'achèvement du travail de la commission Penne-Del Picchia pour proposer une réforme décrite par le ministre comme ambitieuse et globale.

Or il serait abusif de qualifier le texte qui nous est soumis de réforme ambitieuse et globale. Cette occasion manquée est d'autant plus regrettable que le nombre de Français établis à l'étranger dépasse deux millions, à peu près autant que la population des DOM-TOM, auxquels notre Assemblée consacre d'importants débats. Ne négligeons donc pas ces Français, qui portent loin le rayonnement de notre pays, et qui manifestent la volonté de conserver des liens avec lui. Donnons leur les moyens de le faire, par exemple à travers cette Assemblée des Français de l'étranger, à condition qu'elle dispose de pouvoirs en rapport avec sa nouvelle appellation. C'est dire qu'il faut aller plus loin que les dispositions qui nous sont proposées. Il ne suffira pas de changer la dénomination du CSFE pour accroître la participation électorale, dont le rapporteur du Sénat a constaté qu'elle diminuait. Mieux vaudrait encourager d'autres systèmes de vote, tel le vote électronique, dont Jérôme Bignon a rapporté un texte autorisant l'expérimentation. Celle-ci, au reste, ne paraît guère avoir produit de résultat, ce qui permettra au ministère de l'Intérieur de s'opposer à une initiative prise par celui des Affaires étrangères. Monsieur le président de la commission des Lois, vous aurez à cœur de faire procéder à une évaluation sur cet instrument de vote, et d'en tirer les conclusions qui conviennent. J'espère aussi que la majorité, ayant constaté que la modification du mode de scrutin aux élections européennes n'avait pas produit les résultats escomptés...

M. le Président de la commission - Revenez au sujet !

M. René Dosière - Je ne l'ai pas quitté. Avec le découpage en grandes régions, vous avez privé plus de 250 000 Français de l'étranger de leur droit de vote. Cette expérience ne paraît donc guère concluante. Nos compatriotes établis à l'étranger doivent pouvoir exercer pleinement leur droit de vote à l'occasion de toutes les élections nationales.

Comme je ne voudrais pas qu'on m'accuse de me cantonner dans une opposition stérile, ni qu'on déclare que les socialistes sont incapables de faire des propositions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), en voici quelques-unes, qui démontrent que nous avons des idées, et qu'avec un peu d'imagination vous auriez pu aller plus loin.

M. le Président de la commission - Quel bavardage !

M. René Dosière - Nous suggérons de créer une véritable collectivité locale des Français de l'étranger, disposant du pouvoir de donner son avis sur le budget des affaires étrangères, et - comme le fait le comité des Finances locales, excellemment présidé par Didier Migaud, pour les textes financiers relatifs aux collectivités - sur les projets concernant les Français de l'étranger, qu'il s'agisse d'action sociale, de formation professionnelle, de gestion des bâtiments scolaires...

Donner aux Français de l'étranger une représentation à l'Assemblée nationale est notre seconde suggestion. Pourquoi réserver cette représentation aux seuls sénateurs ? Pourquoi notre Assemblée ne compterait-elle pas quelques députés, naturellement élus au suffrage universel - que personne ici, j'en suis sûr, ne craint ? Il serait nécessaire de modifier pour cela la Constitution, mais on l'a déjà fait si souvent, par exemple pour que les textes relatifs aux Français de l'étranger soient examinés d'abord par le Sénat, ce qui est surprenant puisque notre Assemblée a le dernier mot - du moins pour le moment puisqu'on a entendu ici un ministre parler de nous comme de la « seconde chambre »... Notre Assemblée, éclairée par des collègues élus par les Français de l'étranger, pourrait ainsi mieux apprécier les préoccupations de ces derniers.

Il est également indispensable à nos yeux de réformer les conditions d'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger, à qui il suffit actuellement de 40 ou 41 voix chacun pour être désigné. Mme Cerisier-ben Guiga a pu parler, dans ces conditions, de luttes fratricides et de clientélisme.

M. le Président de la commission - Si on avançait ?

M. René Dosière - Sur ce point, je ne veux citer rien ni personne. Nous avons déjà avancé des propositions pour accroître le collège électoral des Français de l'étranger, et de le porter au niveau de ceux de nos départements, soit environ 1500 électeurs, au lieu de 150. La démocratie y gagnerait grandement.

Enfin, comme nous en avons déjà parlé, il faut s'efforcer d'améliorer la participation électorale. Voilà quelques moyens sérieux pour renforcer le rôle du CSFE.

Or, que nous propose-t-on ? De changer son nom, et, avancée significative aux yeux du ministre, de remplacer « bureau permanent » par « bureau ».

M. le Président de la commission - Avançons !

M. René Dosière - On dirait, Monsieur le Président de la commission, que vous ne vous rendez pas compte de l'importance de ce texte, à l'examen duquel les députés UMP sont pourtant si nombreux à participer - plus nombreux que pour la discussion du projet sur la décentralisation...

L'article 2 de la présente proposition fait passer de 21 à 12 le nombre de membres désignés, progrès que certains jugent « significatif ». Reste que la désignation n'est pas un procédé très apprécié, s'agissant d'une assemblée démocratique, et que les 12 membres en question continueront d'être désignés par le ministre des affaires étrangères, lequel nommera bien évidemment ses amis. Sur les dix désignations intervenues en juin 2003, on comptait d'ailleurs neuf membres de l'UMP, conformément à la tendance observée ces temps-ci qui fait que tous les postes de la République sont peu à peu colonisés par les membres d'un même parti. Tout cela n'est pas très digne, et ce n'est pas parce que d'autres ministres ont pu agir de même auparavant qu'il ne faut pas changer de système. C'était l'occasion de le faire.

L'un de mes amendements vise donc à mettre fin à cette procédure de désignation. S'il était repoussé, j'en ai un autre, de repli, qui tend à ce qu'au moins, ces douze personnes désignées soient choisies parmi les députés par le Président de l'Assemblée nationale - dont chacun connaît l'impartialité. Il serait en effet tout à fait normal qu'il y ait des députés à l'Assemblée des Français de l'étranger et que nous soyons ainsi tous informés de ce qui s'y passe. J'espère que cet amendement sera adopté, malgré l'avis défavorable de la commission des lois, qui l'a cependant jugé intéressant.

L'article 4 modifie les circonscriptions électorales et porte de 150 à 155 le nombre des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, de sorte qu'il faudra désormais 41 voix au lieu de 40 pour être élu sénateur représentant les Français de l'étranger. Cela change tout (Sourires). Cela va rendre en effet l'exercice beaucoup plus difficile, il faudra aller chercher, par exemple au fin fond de l'Afrique, la voix qui manque et « faire sortir le vote », comme disent nos amis du Québec.

Quoi qu'il en soit, je ne suis pas sûr que cette modification des circonscriptions électorales ait parfaitement respecté les rapports démographiques, sujet sur lequel le Conseil constitutionnel se montre très vigilant. Pour expliquer que cette modification est tout à fait conforme à la jurisprudence du Conseil, le rapporteur du Sénat s'est référé à sa décision se rapportant au dernier statut de la Polynésie. Rien ne pouvait me faire plus plaisir que ce rappel, car on a vu les effets qu'ont eus le changement de statut et le nouveau mode de scrutin - votés avec enthousiasme par la majorité - sur le destin électoral de Gaston Flosse... Il paraît que vous ne saviez pas comment vous débarrasser de lui. Voilà qui est fait.

Si je résume, nous avons là un texte qui nous propose de changer le nom du CSFE en « Assemblée des Français de l'étranger » et de ne plus parler de « bureau permanent » mais seulement de « bureau », deux modifications qui seraient d'application immédiate, tandis que les autres n'entreraient en vigueur qu'en 2006 - ce qui, soit dit en passant, montre toute l'urgence qu'il y avait à inscrire ce texte à l'ordre du jour de la session extraordinaire. Le problème, c'est que les deux dispositions censées être d'application immédiate ne peuvent en réalité pas l'être, car il aurait fallu également une loi organique pour modifier des appellations qui figurent dans une loi organique ! Les sénateurs sont allés trop vite, ils auraient dû prendre une autre année supplémentaire pour bien faire les choses.

Autrement dit, on nous demande de voter un texte qui ne va servir à rien dans l'immédiat. Je n'en conteste bien sûr pas l'utilité pour l'avenir, j'ai même dit à quel point je le trouvais fondateur (Sourires ), mais je crois que nous devrions tous voter cette question préalable, afin de donner aux sénateurs le temps d'élaborer une proposition de loi organique, que nous pourrons ensuite voter, sinon avec enthousiasme, du moins de façon consensuelle. Il serait en tout cas plus conforme à la dignité de notre Assemblée que nous ne votions pas un texte qui est pour le moment dépourvu de toute portée. Voter la question préalable pourrait donc être une manière de demander au Gouvernement d'arrêter de traiter l'Assemblée comme il le fait, au cours de cette session extraordinaire, et en particulier de lui demander de ne pas nous transmettre des textes inutiles.

Si la présente proposition de loi avait réellement compté quelques dispositions d'application immédiate, je l'aurais voté, comme l'ont fait les sénateurs socialistes, mais vraiment il n'est pas possible d'adopter un texte aussi inconsistant. La copie est à revoir. C'est pourquoi je vous invite tous à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - M.Dosière ayant réussi à parler trois quarts d'heures, je pense que je prendrai une grosse demi-heure pour lui répondre (Sourires), et m'engage à ne pas être plus lassant que lui...

Je remercie tout d'abord le président Accoyer pour la présence massive de députés de l'UMP. Contrairement à ce qu'a dit M.Dosière, ils ont été nombreux - toujours plus de soixante - pendant tout le débat sur la décentralisation. Ce matin encore, il y a beaucoup de monde, sans doute était-ce pour assister à ce grand moment oratoire dont ils ne sortiront pas intellectuellement indemnes... (Sourires)

M'offrant une digression semblable à celle de M. Dosière sur l'amour, je vous invite à méditer sur la richesse de nos provinces : comment une région comme la Picardie peut-elle être à la fois la terre d'origine de notre rapporteur, sobre et synthétique, et de notre collègue Dosière, disert, bavard et au caractère quasi méridional ? Je pourrais aller plus loin sur l'influence de la géographie sur la psychologie de l'homme...

M. Michel Piron - C'est Michelet !

M. le Président de la commission - Mais peut-être notre collègue Piron souhaitera-t-il le faire dans une longue explication de vote... (Nouveaux sourires)

M. Dosière ne semble s'être aperçu ni qu'il s'agissait d'une proposition et non d'un projet de loi, ni qu'elle était d'origine sénatoriale, qu'elle avait été portée pendant trois ans par onze des douze sénateurs représentant les Français de l'étranger et que le chef d'orchestre de ce travail de qualité n'était autre que le sénateur Guy Penne, dont il aurait été quelque peu difficile de deviner dans les propos de M. Dosière qu'il appartenait au groupe socialiste. En effet, en voyant comment les membres de cette famille politique se traitent les uns les autres, j'ai eu de la peine pour le sénateur Guy Penne.

M. Bruno Bourg-Broc - Qui est un brave homme...

M. le Président de la commission - M. Dosière n'a eu aucune indulgence pour cet homme éminent, allant jusqu'à dire que cette proposition se contentait de changer quelques mots et prévoyait des dispositions qui ne seraient applicables qu'en 2007. Qui plus est, alors que la grande motivation de cette session extraordinaire est de faire plaisir au sénateur Guy Penne et au groupe socialiste du Sénat, M. Dosière s'en plaint !

Je crois par ailleurs qu'en défendant une question préalable plutôt qu'un exception d'irrecevabilité, il a fait le mauvais choix, non seulement parce qu'il est vexant pour le sénateur Guy Penne d'affirmer qu'il n'y a pas lieu à délibérer du remarquable travail qu'il a accompli, mais aussi parce que M. Dosière aurait pu lui donner une leçon de droit qui pouvait paraître au premier regard fondée. Au premier regard seulement, car je vais répondre à la question qu'il n'a du reste pas posée : celle de l'inconstitutionnalité. Pourquoi les sénateurs ont-ils créé la nouvelle assemblée des Français de l'étranger par une proposition de loi ordinaire et non organique alors que l'appellation Conseil supérieur des Français de l'étranger continuera à figurer dans la loi organique relative aux élections ? Eh bien, ce motif d'inconstitutionnalité n'est qu'apparent puisque le Conseil constitutionnel, observant que parfois le Parlement allait vite, a déjà admis qu'une loi ordinaire ajoute « de la République » au titre du Médiateur, alors que la loi organique qui lui interdit de se présenter à des élections parlementaires n'a pas, elle, été modifiée.

On a donc bien du mal à comprendre pourquoi M. Dosière a pris la parole, à moins d'être comme moi habitué à ces séances de la commission des lois où ses collègues s'éclipsent sur la pointe des pieds quand il prend la parole, pour ne revenir qu'une heure après, alors qu'il l'a toujours, sans avoir perdu le fil de son raisonnement. En fait, notre collègue est frappé par la maladie professionnelle des députés : la logorrhée !

M. Didier Migaud - Vous semblez l'être aussi...

M. le Président de la commission - Je m'efforce de suivre ses pas !

Mais cette fois la logorrhée a frappé très fort, et si nous avons passé un excellent moment, il est temps d'en venir au vif du sujet en repoussant d'une main distraite cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué - L'essentiel a été dit avec talent par Pascal Clément. En effet, la causticité quelque peu solitaire de M. Dosière n'a pas masqué la faiblesse de ses arguments.

Le processus qui aboutit aujourd'hui a été engagé en 2000, il n'y a donc rien de choquant à ce que cette proposition soit inscrite en session extraordinaire. J'ai eu l'impression que M. Dosière regrettait que le groupe socialiste n'ait pas la maîtrise de l'ordre du jour. Mais la Constitution la donne au Gouvernement et vous comprendrez que nous en usions, dans le sens de l'intérêt général.

Il n'était pas convenable non plus de réduire comme il l'a fait le rôle du Conseil : ces derniers mois il a rendu un avis sur la réforme des institutions consulaires, sur l'enseignement, sur la fusion des listes des électeurs résidant à l'étranger, sur les passeports et les cartes d'identité, sur la téléadministration, bref sur un grand nombre de sujets qui intéressent beaucoup nos compatriotes expatriés.

Il a aussi évoqué leur difficulté à voter au moment des élections européennes. Mais 52 % d'entre eux vivant en Europe et ils ont donc bien pu voter.

M. René Dosière - Je n'ai pas dit le contraire !

M. le Ministre délégué - Si ! Vous avez dit qu'ils avaient nombreux à ne pouvoir voter.

M. René Dosière - 250 000 !

M. le Ministre délégué - Quant aux élections législatives, il est toujours possible d'y voter par procuration.

La vérité, c'est que M. Dosière a voulu prolonger le débat, sans parvenir à en modifier le cours. Je demande donc à l'Assemblée de repousser la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La question préalable mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Philippe Rouault - Cette proposition s'inscrit dans le cadre plus général de la refonte et de la modernisation du fonctionnement du CFCE. Ce dernier évolue de façon significative vers la démocratisation depuis 1946. Au début de la IVe République, les Français de l'étranger disposaient de trois sièges de conseiller de la République confiés à des personnalités désignées. Dès 1948, le Conseil a été créé dans le souci d'offrir une représentation légitime et élue aux expatriés. La Constitution de 1958 a donné à cette représentation la forme d'un collège unique pour l'élection des sénateurs des Français établis hors de France. Puis la loi du 7 juin 1982, a instauré l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger au suffrage universel direct. Nous ne pouvons aujourd'hui que nous féliciter de cette réforme, qui est un hommage aux plus de 1,9 million de Français expatriés. Ils sont soutenus par le deuxième réseau diplomatique et consulaire du monde, après celui des Etats-Unis, et par le premier réseau culturel, qui comprend les écoles françaises à l'étranger, les alliances françaises, et les Instituts culturels. A ces Français expatriés chargés de nous représenter face aux enjeux de la mondialisation, il faut offrir la meilleure défense possible de leurs intérêts, afin qu'ils puissent vivre pleinement leur citoyenneté.

Lors du renouvellement triennal des délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger, le 18 juin 2000, sur les 2 millions de Français installés hors de France, seuls 642 000 étaient inscrits sur les listes électorales et seuls 19 % d'entre eux, dans la zone Europe-Asie-Levant, ont voté. Ce fort taux d'abstention peut s'expliquer par une difficulté à reconnaître le rôle du Conseil des Français de l'étranger, qui peut pourtant rendre des avis utiles. Un véritable travail de légitimation, de reconnaissance et de démocratisation est donc nécessaire.

La première étape sera d'abaisser le nombre de membres désignés par le ministre des affaires étrangères - aujourd'hui fixé à 20 - et de limiter leur rôle à une fonction consultative.

Le souhait de ce Conseil de se rebaptiser « Assemblée des Français à l'étranger », a provoqué quelques remous au Sénat, car cette future assemblée ne détiendra pas les attributs d'une assemblée en tant que telle.

M. René Dosière - Ne diminuez pas l'importance de ce texte, voyons !

M. Philippe Rouault - Il faudra réfléchir aux compétences dont nous souhaiterions la doter. J'ai noté l'embarras de M. Dosière face aux divergences entre les députés et les sénateurs socialistes sur cette question.

Cette proposition de loi a le mérite de prendre en considération les intérêts des Français à l'étranger, aussi notre groupe la votera-t-il avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. René Dosière - L'amendement 1 tend à supprimer les personnalités désignées au sein de ce Conseil, afin qu'il ne soit plus composé que de membres élus. La procédure de désignation n'est pas dans la tradition de notre république moderne.

A défaut l'amendement 2 rectifié vise à ce que, dans l'attente d'une loi organique prévoyant une représentation des Français de l'étranger par des députés, douze députés nommés par le Président de l'Assemblée nationale siègent au sein de cette institution. Ils accompliraient un travail aussi bon, si ce n'est meilleur, que ceux nommés par copinage politique.

L'amendement 3 est également de repli.

M. le Rapporteur - Avis défavorable au premier amendement. Il peut être utile de faire siéger dans cette assemblée des personnes qualifiées, dont le nombre a du reste été diminué et dont les compétences ont été réduites à une fonction consultative.

S'agissant de l'amendement 2, l'idée est intéressante, mais risque de se heurter à l'article 24 de la Constitution qui dispose que les Français établis hors de France sont représentés au Sénat.

Quant au 3, le ministre des affaires étrangères paraît le plus qualifié pour désigner les personnes à même d'assurer la défense des intérêts des Français de l'étranger.

M. le Ministre délégué - Même avis.

Les amendements 1, 2 et 3, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. René Dosière - L'amendement 4 rectifié tend à modifier l'actuel découpage démographique afin de rétablir l'équilibre entre les deux circonscriptions électorales d'Allemagne.

M. le Rapporteur - Les arguments liés à la démographie sont certes pertinents, mais il ne faut pas oublier pour autant le contexte géopolitique, dont la proposition de loi tient compte, à la suite d'un travail préparatoire consensuel.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. René Dosière - Je ne suis pas convaincu par le rapporteur, et je pense qu'il s'agit surtout là, en session extraordinaire, d'adopter le texte le plus rapidement possible, quitte à sacrifier au vote conforme des amendements nécessaires. Par ailleurs, vous présentez cette proposition comme consensuelle, mais sur les 12 sénateurs qui représentent les Français de l'étranger, 8 sont de droite, et 4 de gauche, dont 3 au parti socialiste : ce ne sont pas eux qui sont en mesure de faire la loi au Sénat, et encore moins mon ami Guy Penne.

L'amendement 4 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 5, 5 bis et 6.

M. René Dosière - Sur l'ensemble de ce texte, le groupe socialiste s'abstiendra.

L'ensemble de la proposition de loi, mise aux voix, est adoptée.

La séance, suspendue à 11 h 15, est reprise à 11 h 25.

SOUTIEN À LA CONSOMMATION ET À L'INVESTISSEMENT (CMP)

M. le Président - M. le Premier ministre soumet à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la CMP - La commission mixte paritaire a donc abouti, ce qui n'est guère étonnant puisqu'elle travaillait sur un excellent texte. Il y a deux mois, j'avais insisté sur l'opportunité de ce projet, qui arrive à point nommé pour encourager le redémarrage de la croissance. Depuis lors, les événements ne cessent de le confirmer. Ce texte parvient à un équilibre, je l'avais dit, entre soutien à la consommation des ménages et soutien à l'investissement des entreprises : l'un et l'autre se retrouvent dans les moteurs de la reprise économique. Le dispositif qu'il met en place est particulièrement efficace, notamment parce que le texte est facile à comprendre. L'exonération totale de droits pour une donation de 20 000 euros, sans aucune formalité, voilà une mesure simple, et ça marche ! Quoi de plus simple pour les chefs d'entreprise que l'exonération de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements ? Si nous voulons que nos lois soient bien appliquées, il faut que les Français les comprennent se les approprient.

En tant que rapporteur général du budget, je voudrais également insister sur le fait que ce texte n'est pas coûteux.

M. Didier Migaud - Ah, ça !

M. le Rapporteur - Les avantages fiscaux qu'il institue seront largement financés par les produits de la croissance qu'il aura favorisée, notamment par le biais de l'impôt sur les sociétés ou de la TVA.

En première lecture, l'Assemblée avait introduit un dispositif cher au président de la commission des finances, visant à favoriser les dispositifs de location-accession dans le domaine du logement social, par le biais de l'éligibilité au taux réduit de la TVA et de l'exonération pendant quinze ans du foncier bâti.

L'Assemblée avait, en outre, proposé une disposition tendant à revoir le financement de l'archéologie préventive. Sur cette base, la CMP a trouvé la bonne formule, proche d'ailleurs de celle que nous avions suggérée en vain il y a un an et demi : le financement s'adossera à la taxe locale d'équipement, ce qui signifie que la contribution sera proportionnelle à l'investissement et qu'il n'y aura plus de déséquilibre entre les travaux en milieu rural et les opérations urbaines. Il est arrivé, en effet, qu'en zone de montagne, pour une construction de quelques dizaines de mètres carrés sur un vaste terrain, la redevance exigée soit de 10 à 50 fois supérieure au montant de l'investissement ! C'est inacceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le recouvrement, de plus, sera plus efficace.

Nos collègues sénateurs ont considérablement amélioré le dispositif d'aide à l'emploi dans la restauration, en choisissant de le simplifier. Tous les emplois au SMIC donneront lieu à une aide forfaitaire unique de 114 € par mois. Nous avions adopté un dispositif trop compliqué, qui distinguait entre la restauration et l'hôtellerie, ce qui n'a pas de sens dans un hôtel-restaurant.

Quand nous avions légiféré il y a un an et demi, le Gouvernement avait souhaité en contrepartie la sortie du SMIC hôtelier. Il fallait pour cela consulter les partenaires sociaux. Or, vous venez d'obtenir un accord général professionnel qui va permettre à des milliers de salariés de sortir du SMIC hôtelier. Je le dis tout particulièrement à l'opposition, c'est une mesure d'amélioration du pouvoir d'achat et de valorisation du travail dans un secteur créateur d'emplois que nous allons voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le Sénat a complété le dispositif d'aide à la reprise d'activités de proximité. L'Etat accorde déjà l'exonération des droits de mutation qui devraient lui revenir. Nos collègues sénateurs ont souhaité que les collectivités locales puissent faire de même, sans compensation du contribuable national.

En CMP, nous avons suivi nos collègues sénateurs à propos de l'indexation des prêts sur l'inflation, qui va cesser d'être interdite.

Enfin, les sénateurs ont bénéficié de l'indulgence du Gouvernement, qui leur a accordé ce qu'il nous avait refusé : les comités professionnels de développement économique bénéficieront d'un impôt affecté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Sur ce projet, bon dès l'origine et encore amélioré par l'Assemblée et le Sénat, il n'était pas difficile de trouver un accord. Sous réserve que soit adopté un amendement rédactionnel du Gouvernement, je vous propose d'adopter le texte de la CMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier - Si nous pouvons être d'accord sur un point, c'est sur l'intitulé de votre « projet de soutien à la consommation et à l'investissement ». Chacun sait, en effet, que la croissance économique est fondée sur ces deux éléments. Mais là s'arrête notre approbation.

Il y a une certitude : vos mesures vont réduire les ressources de l'Etat. En revanche, l'incertitude est grande sur l'appréciation des recettes qu'il faut en attendre à terme. N'invoquez donc pas les résultats d'un projet qui n'est même pas voté ! Le Gouvernement, qui ne cesse de déplorer l'accroissement de la dette, a déjà diminué les recettes en baissant l'impôt sur le revenu. C'est ce qu'un prix Nobel américain d'économie a appelé « l'économie vaudou ».

Certaines des mesures contenues dans ce texte n'auront qu'un effet très marginal : l'exonération des droits de mutation sur les dons, le retrait des avoirs bloqués au titre de l'épargne salariale, l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés des plus-values professionnelles réalisées à l'occasion d'une cession d'activité... La réduction des impôts sur les prêts à la consommation, qui aura un effet minimal sur l'économie, présente un danger maximal pour le consommateur, malgré les modifications votées en première lecture. Le risque n'est pas imaginaire : en 2003, le nombre des ménages surendettés a augmenté de 16 %.

Au chapitre du soutien à l'investissement, on cherche en vain des contreparties en termes d'emploi. Embarrassés par la promesse du Président de la République de réduire à 5,5 % la TVA dans la restauration, promesse que le Gouvernement se faisait fort de tenir en 2002 ou en 2003, vous avez concocté un dispositif d'aide, sans toutefois retenir notre amendement qui visait à exiger l'embauche de 40 000 personnes en contrepartie. Il s'agissait pourtant d'un chiffre avancé par la profession. Votre mesure, c'est vrai, rétablit une certaine justice, mais ne lui attribuez pas d'autres vertus.

Aucune contrepartie n'est exigée non plus pour le dégrèvement de taxe professionnelle.

Alors que vous accordez une aide au maintien des activités de proximité, vous donnez de nouvelles facilités à la grande distribution, notamment en doublant les possibilités d'ouverture le dimanche.

C'est donc un projet sans envergure et contradictoire que vous nous présentez. Vous prétendez soutenir la consommation et le pouvoir d'achat, mais des hausses sont annoncées à la SNCF, à la RATP et à EDF, les impôts locaux ont augmenté de 4 % et les mutuelles de 6 %. L'augmentation de la CSG, de la CRDS et du forfait hospitalier va ponctionner le pouvoir d'achat des salariés et des retraités, tandis qu'une partie de l'augmentation du Smic risque d'être remise en question. Votre dureté à l'égard des salariés n'a d'égale que votre tendresse pour les capitaux illégalement expatriés.

Certaines dispositions n'ont rien à voir avec l'objet du texte. Ainsi, celles qui portent sur le financement de l'archéologie préventive ne font que prouver l'échec de votre loi du 1er août 2003. Elles ne règlent pas le problème. Mieux vaudrait reprendre la concertation avec les organismes et les salariés concernés, pour garantir le caractère public et scientifique du travail de recherche.

Une autre disposition, introduite à la hâte par le Gouvernement sans avoir été présentée à l'Assemblée nationale, concerne les salariés de l'Imprimerie nationale. L'amendement adopté au Sénat n'a fait l'objet d'aucune concertation. Il faut suspendre ce dispositif qui ne vise qu'à accélérer la casse d'un outil industriel national.

Ce projet témoigne de votre enfermement dans les dogmes. Pour vous, la société est soumise à des lois non écrites, des lois de la nature qui régissent ce que le professeur Jacquart appelle très justement « l'économie barbare » et qu'un éditorialiste vient d'invoquer en expliquant que « la réalité économique internationale se chargera d'imposer sa logique du moins-disant ». Nous allons en effet vers la « société du moins », en tout cas pour le plus grand nombre. Cet éditorialiste a le mérite d'aller au bout du dogme en écrivant qu'il « faudra bien se résigner à approcher nos coûts de production de ceux des pays à bas coûts ». Ce discours idéologique qui nous demande de nous soumettre à une force invisible et mystérieuse est aussi l'expression de votre politique, caractérisée par l'acceptation d'un monde qui s'autodétruit au lieu de se construire.

Phénomène nouveau, la croissance peine de plus en plus à créer de l'emploi, et pas seulement chez nous. Les fruits de cette croissance sont en effet accaparés par la rémunération du capital, et non par celle du travail.

Oui, pour relancer l'emploi, il faut prendre des mesures en faveur de la consommation et de l'investissement, mais d'une tout autre nature.

En premier lieu, il est de charges qu'il faut réduire, au profit de l'ensemble de la société : les charges financières et les charges de rémunération du capital. Nous ne saurions accepter que Bouygues augmente les dividendes de ses actionnaires de 39 % quand la croissance et l'inflation sont de 2 % ! Ni qu'Aventis augmente les siens de 24 %, que les bénéfices nets des ciments Lafarge augmentent de 59,6 %, ceux de Renault de 28,5 %, ceux de Total de 18,3 %, et, cerise sur le gâteau, que M. Michelin s'augmente de 146 % tout en annonçant 2 900 suppressions d'emplois !

Cela pose non seulement un problème moral, mais aussi un problème économique : l'augmentation toujours plus forte de la rémunération du capital est en train de tuer le travail et l'investissement productif. Soutenir l'investissement, c'est réduire de manière sélective les taux des crédits bancaires destinés aux investissements, notamment pour les PME, en contrepartie d'un engagement de création d'emplois et de formation.

En deuxième lieu, le soutien de la consommation, qui est le principal facteur de croissance, passe non par des cadeaux fiscaux pour quelques-uns, mais par l'augmentation des salaires et pensions, par une baisse de la TVA ciblée sur les produits de première nécessité et par le blocage de prix, tarifs et prélèvements décidés par l'Etat et les entreprises publiques.

Enfin, il faut établir des règles qui orientent les capitaux vers le travail : suppression des paradis fiscaux, instauration de la taxe Tobin, d'une taxe sur les investissements directs à l'étranger et sur les délocalisations, ainsi que d'une taxe proportionnée aux différentiels sociaux sur les importations à faibles coûts.

« Pour rester concurrentiels sur les marchés mondiaux de plus en plus importants, les Etats sont obligés de prendre des initiatives qui engendrent des dommages irréparables pour la cohésion des sociétés civiles » a écrit M. Dahrendorf, sociologue et économiste du FDP, le parti libéral allemand. Pendant qu'il est encore temps, opérons une autre répartition des richesses entre rémunération du capital et revenus du travail, plus favorable à ce dernier : voilà un bon moyen de revaloriser le travail ! Parce que votre projet ne fait pas ce choix, nous voterons contre.

M. Philippe Rouault - C'est grâce à la consommation des ménages que nous avons échappé à la récession : tel est le constat sur lequel a été bâti ce projet. En 2003, en effet, alors que le produit intérieur brut ne progressait que de 0,5 %, la consommation des ménages a progressé de 1,7 %, tandis que tant les investissements que les exportations étaient en baisse. Au premier trimestre 2004, c'est encore le dynamisme de la consommation qui a tiré la croissance.

Anticiper puis conforter la croissance, favoriser la création d'emplois : tel est l'objet de ce projet.

Les dispositions proposées ont été sélectionnées en vertu de deux critères : la lisibilité et l'efficacité.

Le coût global pour l'Etat des mesures de relance de la consommation serait compris entre 0,4 milliard et 1 milliard sur deux ans, pour une augmentation à court terme de la consommation des ménages comprise entre 4 et 10 milliards, soit entre 0,25 et 0,6 point de PIB ; les effets de levier attendus sont en effet importants.

La réduction d'impôt sur le revenu égale à 25 % des intérêts payés en 2004 et 2005 pour les prêts à la consommation contractés entre le 1er mai et le 31 mai 2005 permettra aux ménages français d'investir, de faire des projets, donc de participer à la croissance.

Autre mesure phare dont le groupe UMP se félicite, et qui relève d'une vraie politique familiale : l'exonération de droits de mutation, dans la limite de 20 000 €, entre le 1er juin 2004 et le 31 mai 2005, afin d'accélérer le transfert d'épargne entre les générations et de soutenir la consommation.

Un autre point important est l'incitation fiscale complétant le dispositif de location-accession, grâce à un amendement du président Méhaignerie.

Nous nous réjouissons aussi des dispositions prises pour favoriser la création d'emplois, notamment dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie : réduction des charges et sortie du SMIC hôtelier rendront les offres d'emploi plus attrayantes.

Autre mesure phare : le dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle afférente à certains investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Ce dispositif libérera la capacité d'investissement de nos entreprises, en attendant le remplacement de la taxe professionnelle par un nouveau dispositif.

Quant à l'exonération de l'impôt sur la plus-value et de la part de l'Etat des droits de mutation en cas de cession d'un fonds de commerce, destinée à stimuler le petit commerce dans les centres-villes et dans les bourgs, elle a le mérite d'exister, même s'il conviendra d'en évaluer l'impact.

Enfin, le groupe UMP souscrit avec force au changement du mode de calcul de la redevance d'archéologie préventive, qui actuellement freine l'investissement.

La reprise économique reste fragile : ce projet vient opportunément la conforter par des mesures adaptées à notre faible marge de manœuvre budgétaire. Le groupe UMP le votera donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Je me limiterai à quelques observations générales, laissant à Patrick Bloche et Marc Dolez le soin de s'exprimer sur des sujets précis.

Monsieur le ministre, la navette et la CMP n'ont pas changé l'appréciation que nous portions sur ce texte en première lecture. Il est fait de petites mesures, malheureusement non susceptibles de soutenir la consommation et l'investissement ; des mesures en outre injustes parce que, comme toujours depuis deux ans et demi, ciblées et excluant une grande partie de la population. Nous n'avons donc pas multiplié les demandes d'intervention, Monsieur le Président : inutile de donner de l'importance à un texte qui n'en a pas ! C'est peut-être également ce que pense le ministre, puisque nous ne l'avons pas encore entendu...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Je veux d'abord vous écouter !

M. Didier Migaud - Le texte s'est sensiblement alourdi lors de son passage au Sénat, les sénateurs aimant beaucoup les cavaliers... Il conviendra que le Conseil constitutionnel tranche.

C'est vrai, la croissance est plus forte que ne l'a prévu la loi de finances, et nous nous en réjouissons (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Oui, puisqu'il s'agit de l'intérêt des Français ! Au lieu de 1,7 %, elle devrait atteindre 2,3 % ou 2,4 %. Cette hausse produira davantage de recettes fiscales, voire une cagnotte, selon l'expression employée par le Président de la République un certain 14 juillet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), de 3 à 5 milliards...

M. Yves Censi - Celle-là, vous ne l'avez toujours pas avalée !

M. René Couanau - La cagnotte, c'était Fabius !

M. Didier Migaud - Non, c'était bien M. Chirac ! Qu'allez-vous faire de ces recettes supplémentaires ?

M. le Secrétaire d'Etat - Rembourser vos dettes !

M. Didier Migaud - Pour l'instant, vous les avez accrues ! Vous avez prévu pour 2004 un déficit de 3,6 % des finances publiques. Une plus forte croissance devrait le faire diminuer. Or cela ne semble pas être le cas. Pour quelles raisons ? Votre politique ne serait-elle donc pas si efficace que vous le prétendez ?

Depuis le début de l'année, vous annoncez une régulation budgétaire. Avec cette nouvelle conjoncture, est-elle encore utile ? Quand en révélerez-vous le détail ? Quels seront les ministères touchés ? Nous avons besoin de le savoir.

Vous utilisez à l'excès, pensons-nous, l'outil fiscal, et toujours dans le même sens. Mieux valait augmenter la PPE, ou rétablir une TIPP flottante. Au total, voilà de petites mesures, pour une petite séance et un petit vote, qui ne nous empêcheront pas de nous prononcer résolument contre votre texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Censi - Petits applaudissements !

M. Patrick Bloche - Décidément, juillet n'est pas un mois faste pour l'archéologie préventive. En effet, voilà exactement un an, vous proposiez dans la précipitation de modifier la loi du 17 janvier 2001, et de créer artificiellement un marché concurrentiel des fouilles archéologiques. Patatras, nous revenons aujourd'hui à la redevance archéologique, votre solution précédente ayant aggravé la situation. Il s'agit donc de recalculer la redevance, et j'ai du mal à partager l'optimisme du rapporteur général, qui assure que la question va être définitivement réglée. Nous vous donnons rendez-vous au prochain projet de loi de finances.

L'important à vos yeux, Monsieur le rapporteur général, paraît être d'adosser la redevance à la taxe locale d'équipement, pour consolider sa collecte . Pour le reste, vous réduisez à presque rien la redevance archéologique, en diminuant de 75 %, excusez du peu, les surfaces imposables, en abaissant son taux et en accordant des exonérations supplémentaires. L'augmentation de la redevance en milieu urbain, que nous comprenons, ne compensera pas cette réduction vertigineuse des moyens. Vous n'avez procédé à aucune évaluation, à aucune étude de faisabilité, ce qui rend votre dispositif bien précaire. Peut-être partagez-vous en fait la philosophie du sénateur Marini, selon laquelle « il ne faut pas partir de la dépense pour chercher la recette, mais l'inverse ». L'archéologie préventive, et ce grand établissement qu'est l'INRAP, rencontrent de graves difficultés de financement. Or, vous ne vous êtes jamais préoccupés des moyens financiers nécessaires pour sauvegarder les informations archéologiques, comme nous y contraint pourtant la convention de Malte. C'est le souci de préserver la mission de service public de l'archéologie préventive, dont nous redoutons la fin programmée, qui nous conduit à nous exprimer contre votre projet. Pourtant, le succès des journées du patrimoine prouve à quel point nos concitoyens sont attachés à notre patrimoine national. Bien entendu, il était nécessaire de tenir compte des déséquilibres frappant les zones rurales au détriment des petites communes. Cependant, faut-il revenir à la logique funeste des années 1960-1970 et, pour construire l'avenir, effacer toute trace du passé ? Nous ne le croyons pas, et nous nous retrouverons à la fin de l'année pour en débattre à nouveau (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Marc Dolez - Un article a été introduit après l'article 10, tendant à modifier la loi de décembre 1993 relative à l'Imprimerie nationale. Nous n'avons pas pu en débattre ici, car cette disposition a été introduite par le Gouvernement au Sénat à la dernière minute, sans même que la commission sénatoriale ait eu le temps de l'examiner. Sur ce cavalier législatif, j'attends avec impatience de connaître l'appréciation du Conseil constitutionnel .

Cet article modifie le statut des personnels de l'Imprimerie nationale, qui ont découvert avec une immense surprise cette décision, car elle n'avait été précédée d'aucune concertation. Ce procédé est d'autant plus choquant qu'une discussion va s'ouvrir sur la définition d'un plan social rendu nécessaire par les graves difficultés que rencontre l'entreprise, et que depuis plusieurs semaines les organisations syndicales ont demandé à vous rencontrer pour examiner le sort réservé aux salariés. Voilà qui contredit l'attachement au dialogue social que vous professez. Les salariés ressentent très mal cette initiative. La plupart comptent vingt-cinq à trente-cinq ans d'ancienneté, et ils ne pensaient pas mériter de recevoir un tel mauvais coup en plein été.

M. Gérard Bapt - Encore un !

M. Marc Dolez - Nous protestons vivement contre votre volonté de passer ainsi en force. S'il s'agit de favoriser le reclassement des personnels à la faveur du plan social, pourquoi n'avoir pas organisé la concertation avec les partenaires sociaux, pour venir ensuite nous proposer de modifier la loi ?

Je tiens aussi à vous faire part, Monsieur le ministre, des vives inquiétudes des personnels au sujet du contenu même des dispositions. Les fonctionnaires techniques se demandent notamment ce qu'il en sera des progressions indiciaires et des barèmes d'indemnités dont ils bénéficient aujourd'hui. Dois-je vous rappeler que les primes représentent une part importante de la rémunération de beaucoup d'entre eux, parfois plus de 50 % ? Les inquiétudes des ouvriers sous décret ne sont pas moindres, en particulier en ce qui concerne le maintien « à titre personnel » de leurs prestations.

Tout cela plaiderait pour un retrait de cette partie du texte, afin que les discussions avec les organisations syndicales puissent se dérouler de façon normale. Si le texte est maintenu, il faudrait au moins que le Gouvernement s'engage à ce que les organisations syndicales soient étroitement associées à l'élaboration des décrets d'application se rapportant aux deux articles en question (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Secrétaire d'Etat - Ainsi s'achève la discussion du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement que nous avons voulu simple, volontariste et immédiatement efficace. Les résultats sont d'ailleurs déjà là, Monsieur Sandrier, puisqu'en juin, la consommation des ménages a augmenté de 4,2% par rapport à mai, ce qui constitue la plus forte progression mensuelle observée depuis 1996.

Si cette tendance se confirme, ainsi que celles qui concernent l'investissement et l'exportation, nous pourrions avoir une croissance de 2,3 %, voire un peu plus, au lieu du 1,7 % prévu dans le projet de loi de finances initial. Il y aurait dans ce cas, Monsieur Migaud, des rentrées fiscales supplémentaires, c'est vrai, mais cet argent servirait au remboursement du déficit, impératif absolu, en particulier vis-à-vis de l'Europe. Ne cherchons donc pas d'autre utilisation à ces sommes. Nous ne ferons pas comme le gouvernement Jospin, qui ne s'était pas servi des excédents fiscaux pour combler le déficit mais pour accroître la dépense publique.

M.Carrez et M.Migaud m'ont demandé si nous allions procéder à des annulations de crédits. La réponse est oui, dans un souci de bonne gestion : elles se situeront dans une fourchette allant de 1 à 1,5 milliard .

Je tiens à remercier très sincèrement l'ensemble des députés qui ont contribué à l'examen de ce texte. L'Assemblée nationale et le Sénat l'ont amélioré sur plusieurs points importants. Je leur sais gré de cette« valeur ajoutée ». Permettez-moi de faire part de ma reconnaissance toute particulière au président de la commission des finances, M.Méhaignerie, et à son rapporteur, M.Carrez, qui n'ont pas ménagé leur peine pour arriver à un équilibre très satisfaisant.

S'agissant de la mesure «donation», je me réjouis que l'Assemblée ait étendu le dispositif aux neveux, avant que le Sénat ne l'étende aux arrière petits-enfants. Cela ne donnera que plus de force à cette disposition, dont les débuts très encourageants, Monsieur Migaud, nous montrent qu'elle répond à un véritable besoin. Il y a eu, en effet, en juin 17496 donations pour un total de 349,4 millions d'euros transférés vers les jeunes générations.

S'agissant de la mesure relative au déblocage anticipé des droits acquis au titre de la participation et de l'épargne salariale, la commission des finances du Sénat a remplacé la date du 16 juin par celle du 16 juillet. Cela permettra d'éviter que des salariés qui avaient bloqué leur intéressement faute d'information suffisante, la loi n'étant pas votée, soient ensuite dans l'incapacité de le débloquer. Je me félicite donc de cet ajustement pragmatique.

En ce qui concerne les commerces de centre-ville, les sénateurs ont souhaité que l'exonération couvre dorénavant les droits de mutations relevant des collectivités locales. Le dispositif gagnera ainsi en efficacité.

Le Gouvernement sait aussi ce qu'il doit aux parlementaires, et notamment à M. Gilles Carrez, pour l'amélioration attendue du dispositif relatif à la redevance d'archéologie préventive. Je ne partage évidemment pas le pessimisme de M.Bloche.

Le Gouvernement sait, enfin, combien la contribution du Parlement a été précieuse, s'agissant de la revalorisation des salaires dans l'hôtellerie et la restauration. La vigilance que vous avez manifestée a été utile pour que les contreparties exigées des professionnels soient parfaitement comprises de tous. La profession a pris des engagements fermes, qui seront bénéfiques à l'ensemble de notre économie. L'avenant historique à la convention collective vous doit donc beaucoup.

En ce qui concerne l'Imprimerie nationale, Monsieur Dolez, je rappelle que l'amendement introduit au Sénat a pour objet de permettre aux salariés de rejoindre la fonction publique, dans le cadre d'un plan social qui se fera, comme vous le demandez, dans la concertation. L'Imprimerie nationale doit s'adapter, nous avons le souci de lui donner un avenir et de faire un plan social exemplaire. En refusant cet amendement, Monsieur Dolez, vous désespéreriez ses salariés.

L'ensemble de ces avancées témoignent d'une réelle convergence de vues entre le Parlement et le Gouvernement pour permettre à notre économie de ne pas rater le rendez-vous de la croissance. Je vous invite donc à adopter le texte proposé par la commission mixte paritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du Règlement, j'appelle l'Assemblée à statuer sur l'amendement dont je suis saisi.

M. le Secrétaire d'Etat - En relisant les travaux de la CMP, nous nous sommes aperçu d'une erreur matérielle à l'article 7 ter. L'amendement 1, purement rédactionnel, la corrige.

L'amendement 1, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l'amendement 1, est adopté.

Prochaine séance, vendredi 30 juillet, à 9 heures 30.

La séance est levée à 12 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE


© Assemblée nationale