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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 22ème jour de séance, 54ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 30 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      ASSURANCE MALADIE (CMP) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 4

      QUESTION PRÉALABLE 7

      SANTÉ PUBLIQUE (CMP) 19

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 22

La séance est ouverte à neuf heures trente.

ASSURANCE MALADIE (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée nationale le texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la CMP - Je suis particulièrement satisfait...

M. Jean-Pierre Brard - Cela commence mal !

M. le Rapporteur - ...de vous présenter les conclusions de la CMP. Le Sénat a été saisi de 73 articles après l'adoption du texte en première lecture par notre Assemblée le 20 juillet dernier. Malgré la brièveté des délais, son apport est indéniable : 17 articles ont été adoptés conformes, 7 ont été supprimés, 10 ont été ajoutés.

Soixante-six articles restaient en discussion dans le cadre de la CMP : quelques points précis ont été modifiés et un très grand nombre d'articles ont été adoptés dans la version proposée par le Sénat ou ont fait l'objet de modifications rédactionnelles.

S'agissant du Titre I, la CMP n'a modifié que marginalement l'article relatif au principe fondateur de l'assurance maladie, le Sénat ayant précisé son dispositif et hiérarchisé ses principes. Le dossier médical personnel ne fera pas état de la volonté de la personne concernant le don d'organe, cette disposition étant incompatible avec la loi relative à la bioéthique.

La CMP a également décidé de supprimer une disposition introduite par le Sénat dotant d'un statut juridique particulier les notes personnelles des professionnels de santé, estimant que cela relève du domaine réglementaire.

La confidentialité des données transmises à la commission constituée au sein de l'ONIAM chargée d'analyser les accidents médicaux a été préservée par un amendement de la CMP qui a également décidé que l'aide à l'accréditation des médecins pourra, à titre transitoire, être versée sous la forme d'une avance remboursable.

La CMP a également rétabli le dispositif adopté par l'Assemblée nationale en première lecture prévoyant que le pharmacien doit informer l'assuré du coût de ses dépenses en médicaments. Un décret précisera les conditions de cette obligation. Un amendement adopté en CMP prévoit par ailleurs qu'une procédure d'évaluation et de certification de la visite médicale effectuée par les représentants des laboratoires pharmaceutiques sera accréditée par des organismes dont la liste sera établie par la Haute autorité de santé.

S'agissant du Titre II, le Sénat a modifié substantiellement les dispositions concernant la Haute autorité de santé en prévoyant d'y intégrer l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de santé. Cette intégration...

M. Jean-Marie Le Guen - Cette disparition, cette éradication !

M. le Rapporteur - ...renforcera l'efficacité de la Haute autorité.

La CMP a adopté en conséquence une série d'amendements précisant les compétences et les moyens de la Haute autorité qui sera chargée d'établir les procédures de certification des établissements de santé et d'accréditer les professionnels des équipes médicales.

La CMP est parvenue à un texte de compromis concernant le renforcement des pouvoirs de contrôle des commissions des affaires sociales sur l'application des PLFSS en prévoyant la possibilité de créer en leur sein une mission d'évaluation et de contrôle social. Nous attendons à ce propos avec intérêt le projet de loi organique relatif au financement de la sécurité sociale qui devrait nous être soumis à l'automne prochain.

S'agissant du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, la CMP a rétabli la mention du maximum de 1 % de dérapage des dépenses pour le déclenchement de l'alerte.

La régionalisation du système de santé étant essentielle, je me réjouis de la consolidation de l'expérimentation des ARS proposée par le Sénat. La CMP a de plus réintroduit le principe d'une direction annuelle alternative des mission régionales de santé par les directeurs de l'ARH et de l'URCAM.

S'agissant du Titre III, la CMP n'a apporté qu'une modification de fond : la sécurisation juridique de l'application des dispositions relatives à la CSG sur les plus-values immobilières (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Bur, président de la CMP - Après le temps de la concertation et du débat parlementaire, est venu le temps d'agir : le temps de la vraie réforme est arrivé.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est devant nous !

M. le Président de la CMP - Les parlementaires de la majorité seront à vos côtés, Messieurs les ministres, pour relever le défi du temps et rendre au plus vite opérationnelles les dispositions législatives que nous allons adopter, car il y a urgence.

Nous devrons aussi relever ensemble le défi de l'adhésion des professionnels de santé à cette réforme : nous ne pouvons plus nous satisfaire d'un conformisme corporatiste étouffant. Chacun doit s'engager dans le débat conventionnel avec la volonté d'explorer de nouvelles voies pour une contractualisation centrée sur des objectifs précis. Nous avons choisi la maîtrise médicalisée des dépenses, aux médecins, maintenant, de montrer l'efficacité de ce pacte de confiance : mieux dépenser pour mieux soigner.

Nous devrons enfin relever un défi pédagogique pour persuader les Français qu'une consommation excessive de médicaments est inutile et inefficace.

Nous misons sur le sens des responsabilités de tous. Ensemble, nous devons sauver la sécurité sociale et en adoptant cette réforme, nous sommes sur la bonne voie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Une voie de garage, oui !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Nous allons conclure l'examen du projet de réforme de l'assurance maladie. Les 190 heures de débat de la première lecture ont été très riches ; plus de 500 amendements ont été adoptés, issus de la majorité comme de l'opposition. Ce débat a montré combien nous souhaitons tous préserver l'excellence de notre système de santé et d'assurance maladie. Tous, nous rejetons sa privatisation comme sa nationalisation.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. le Ministre - Le Gouvernement s'est donc engagé à moderniser notre protection sociale. La réforme a été préparée avec l'ensemble des acteurs de la santé par M. Mattei voilà un an et nous l'avons poursuivie avec Xavier Bertrand. Le dialogue social nous a permis de réussir une première étape importante : la préparation d'un projet de loi.

A l'issue d'un mois de débat, cette deuxième étape doit être considérée comme réussie, notamment grâce à l'engagement de l'ensemble des parlementaires, et je tiens à remercier une nouvelle fois les présidents Dubernard et Bur... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Et le Président de l'Assemblée nationale !

M. le Président - Monsieur Brard, vous n'êtes pas mon agent électoral ! (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - La tradition républicaine veut que l'on cite en dernier le plus important, et je n'avais bien entendu pas l'intention d'oublier dans mes remerciements les présidents de séance et le premier d'entre eux, M. Jean-Louis Debré... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Applaudissez, Monsieur Brard, maintenant que vous avez mis la pagaïe ! (Sourires - M. Brard applaudit)

M. le Ministre - Le travail des parlementaires a permis de conforter le texte sur plusieurs points importants, qu'il s'agisse de la confidentialité du dossier médical personnel, de l'accès au médecin traitant ou de l'aide apportée aux ménages les moins favorisés pour se doter d'une mutuelle...

M. Jean-Marie Le Guen - On va bien voir ce que cela va donner !

M. le Ministre - S'agissant de la sécurisation des pratiques médicales et de la promotion des bonnes pratiques, des pas essentiels ont été franchis, notamment par la création de l'observatoire des risques médicaux. Il y a tout lieu de croire que la diffusion des bonnes pratiques et de la culture de l'évaluation aura un impact positif sur le coût des assurances en responsabilité civile des praticiens.

Répondant au vœu de l'ensemble des parlementaires, le Sénat a œuvré en faveur d'une meilleure répartition de l'offre de soins sur le territoire. Les médecins exerçant dans des zones sous-médicalisées pourront bénéficier d'aides conventionnelles. Des progrès notables ont également été accomplis s'agissant de l'autofinancement des régimes et de la gouvernance du système, cependant qu'était ouverte la voie de l'expérimentation des agences régionales de santé.

Troisième étape du processus - peut-être la plus importante à réussir -, la mise en œuvre de la réforme. Nous faisons le pari de la responsabilisation des acteurs et de la maîtrise médicalisée. Il est audacieux, car, à la différence des multiples plans précédents à connotation essentiellement financière, il repose sur un véritable changement des comportements. L'évolution des habitudes et des mentalités est au cœur de notre réforme. Ce n'est pas le choix de la facilité, mais nous disposons de réels atouts. Les professionnels de santé sont en effet prêts à s'engager dans la voie que nous traçons, notamment pour ce qui concerne l'évaluation des pratiques, les réseaux de soins ou le médecin traitant. Quant à nos concitoyens, ils acceptent la réforme. Ils sont très favorables au dossier médical personnel et comprennent l'enjeu du forfait d'un euro par consultation. En résumé, les partenaires de notre réforme font preuve d'un esprit de responsabilité et d'une volonté d'efficacité qui les honorent. Ils ont compris que les efforts demandés étaient équitables et chacun est désormais prêt à en prendre sa part.

Nous allons réussir cette troisième étape, voulue par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous le devons pour préserver le système solidaire qui nous a été transmis. Nous le devons à nos enfants et à nos petits-enfants, car ils doivent à leur tour bénéficier de la sécurité sociale voulue et instituée par le général de Gaulle. Cette réforme structurelle était nécessaire. Elle est équitable, et je vous remercie de nous permettre de la mener à bien (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen - (« Faites court ! » sur les bancs du groupe UMP) C'est un plaisir que de se retrouver après cette brève interruption...

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Partagé, croyez-le bien ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Las, le temps passé à travailler sur ce texte n'a pas permis de l'améliorer substantiellement et l'œuvre parlementaire, au cœur d'une période un peu particulière marquée cette année encore par une certaine confusion, n'a pas permis aux Français de prendre connaissance des dispositions essentielles de ce texte. Certes, ils ont appréhendé quelques enjeux mineurs, habilement mis en avant à des fins de communication, mais pas les aspects les plus structurants de votre projet. Or ceux-ci leur poseront à brève échéance d'énormes difficultés.

Ni le Sénat ni la CMP n'ont amélioré le texte ici adopté. Bien au contraire ! Je pense notamment au contrôle de l'identité des patients que la majorité parlementaire entend confier aux professionnels de santé en général et aux médecins en particulier. Certes, il se dit dès à présent que le Gouvernement reviendra brider sa majorité dans ses élans répressifs...

M. Pierre-Louis Fagniez - Il ne s'agit pas du tout de cela !

M. Jean-Marie Le Guen - ...mais il est particulièrement scandaleux - et du reste sans doute inefficace - de prétendre confier aux médecins une mission de contrôle d'identité. Est-ce à dire, pour prolonger le raisonnement qu'a tenu hier M. Mallié en prenant l'exemple de son hôpital, que l'on finirait par refuser de soigner quelqu'un au prétexte qu'il ne serait pas en mesure de produire un document retraçant l'ensemble de ses droits ? C'est impossible, tant au regard de la déontologie que de la tradition humaniste du monde médical. En vérité, il y a là dedans - comme dans tout le texte - plus d'affichage que d'efficacité. Nous lutterons sans relâche contre le dispositif de contrôle d'identité qu'ont cru bon de rétablir le Sénat et la CMP.

En pleine contradiction avec un engagement ministériel, la CMP a également repoussé un amendement du rapporteur relatif à la contribution forfaitaire d'un euro dans les services d'urgence. A ce sujet, nous n'avions d'ailleurs le choix qu'entre de mauvaises solutions. Dispenser du forfait d'1 € les personnes accueillies aux urgences hospitalières, c'est risquer de les engorger en incitant ceux que rejette la médecine ambulatoire à s'y adresser toujours plus massivement ; le maintenir serait contraire à toute la tradition sociale de l'hôpital. On est, là encore, dans le symbole dépourvu de portée pratique et dans le cosmétique. Vous me direz que la cosmétique a quelque chose à voir avec la santé...

M. Jean-Pierre Brard - Souvent pour la détériorer !

M. Jean-Marie Le Guen - Tel que rédigé par le Sénat, l'article premier revient sur l'un des rares acquis du projet relatif à l'obligation de maintenir une offre de soins sur l'ensemble du territoire...

M. le Président de la CMP - Présentation malhonnête !

M. Jean-Marie Le Guen - Tel que nous l'avions transmis au Palais du Luxembourg, l'article premier disposait que l'Etat missionnait l'assurance maladie pour veiller à ce que soit maintenue sur l'ensemble du territoire national une offre de soins de qualité. Pour de mauvaises raisons, la majorité sénatoriale a largement atténué le caractère normatif de cette disposition. Désormais, l'assurance maladie ne serait plus mobilisée que sur une bien abstraite tâche de « répartition » de l'offre. Insidieusement, on passe ainsi d'une logique de substitution à une démarche d'agrément à l'installation, sensiblement moins contraignante.

S'agissant de l'accord avec les chirurgiens, le Gouvernement, si j'en crois Les Echos d'aujourd'hui, compte désormais sur une aide des collectivités locales pour les aider à s'installer dans les zones sous-équipées...

M. le Ministre - Je n'ai jamais dit cela !

M. Jean-Marie Le Guen - S'agissant de l'augmentation de la CDRS, si les Français n'en ont pas encore saisi toute la portée, tous les relais d'opinion du pays ont percé à jour votre manœuvre, laquelle consiste à transférer une charge de plusieurs dizaines de milliards d'euros sur les générations futures. L'opposition a joué son rôle. Elle ne valide pas plus votre démarche qu'elle n'avait soutenu la suggestion de M. Bur d'augmenter la CRDS.

Pour nous, l'Etat doit, non pas diminuer la fiscalité sur les plus riches, mais utiliser l'impôt pour combler le déficit de l'assurance maladie. C'est donc en toute connaissance de cause que vous faites vos choix. L'UDF et certains membres de l'UMP voulaient s'en tenir à une augmentation de la CDRS ; une majorité a préféré un transfert massif sur les générations futures, contre lequel j'avais convaincu le haut conseil de se prononcer. Ce faisant, vous allez miner le contrat républicain.

S'agissant du dossier médical personnel, nous avons limité en partie les dangers, mais bien des incertitudes subsistent. Tant que vous n'aurez pas dit comment vous allez le rendre acceptable par les médecins, quelle sera la rémunération de leur travail supplémentaire, ni comment vous allez garantir aux patients la sécurité des données, ils rejetteront ce projet. Nous courons donc à l'échec, une fois de plus.

La CMP n'a pas non plus été capable de nous dépêtrer de l'amendement Accoyer ni d'asseoir dans ce domaine une démarche juridique sur des arguments intellectuels ou scientifiques. On nous donne de fausses raisons, comme la lutte contre les sectes. Mais la législation existe, il suffit de l'appliquer, Monsieur Brard le dirait mieux que moi.

M. Jean-Pierre Brard - L'UMP est-elle une secte ?

M. Jean-Marie Le Guen - En tout cas, les rapports entre les psychanalystes et l'Etat restent difficiles.

Enfin l'ambiguïté subsiste sur les contrats responsables. Il était question de ne pas rembourser le dépassement demandé par les spécialistes. Mais plutôt que de risquer de vous les mettre à dos, nous savons comment vous allez trancher. Un syndicat de psychanalystes m'a même écrit pour m'exposer que la profession ne souhaitait pas figurer sur la liste des spécialistes auxquels les patients auront un accès direct à seule fin de bénéficier d'un droit à dépassement qui, selon eux, est un élément fondamental de la cure ! (Rires sur tous les bancs) Le dépassement comme facteur de santé publique, même vous, vous ne l'aviez pas inventé. Encore une fois, seuls les naïfs ou les complaisants peuvent douter de votre choix sur cette question du remboursement des spécialistes par la sécurité sociale ou par les assurances complémentaires.

Sur tous ces problèmes, la loi organique que vous présenterez à l'automne sera un rendez-vous important. D'ici là, nous travaillerons à développer la prise de conscience de ce qui est en jeu. Au cours de la navette, nous avons été dépouillés du tout petit pouvoir de contrôle parlementaire que nous avions instauré.

M. le Rapporteur - Non.

M. Jean-Marie Le Guen - J'espère donc que vous aurez la volonté politique et les moyens financiers de l'exercer.

M. le Rapporteur - Je n'ai pas l'habitude de revenir sur ma parole.

M. Jean-Marie Le Guen - Cela ne dépend pas que de vous, mais aussi des moyens que le Président de l'Assemble mettra à votre disposition.

Ce texte porte atteinte au droit à la santé et aux libertés. Nous le soumettrons donc au Conseil constitutionnel. Nous savons déjà qu'il aura bien du travail cet été, en raison des exigences gouvernementales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Le Gouvernement et la commission ne demandant pas à s'exprimer, nous en venons aux explications de vote.

M. Jean-Pierre Brard - Que ni le Gouvernement ni le rapporteur ne s'expriment est significatif. M. Dubernard nous a bien dit qu'il était très content, mais il ne nous a pas expliqué pourquoi.

M. Le Guen a résumé - on pourrait y passer bien du temps - les raisons de voter cette motion. Le texte qui nous revient de la CMP n'a guère changé, sauf en mal, puisque de toute façon il était impossible à améliorer.

Le ministre a raison, et ceux qui parlent de réformette se trompent. Il s'agit bien d'une réforme fondamentale...

M. le Ministre - C'est vrai.

M. Jean-Pierre Brard - ...qui vise à démanteler le régime de l'assurance maladie (Protestations sur les bancs du groupe UMP). M. Dubernard étant un scientifique, ne peut s'empêcher de laisser échapper des vérités. Les régions pourront intervenir, ce qui introduit un risque d'inégalité fondamental.

Si le ministre et le rapporteur se taisent, nous sommes éclairés par les propos de M. de La Martinière, qu'ils ont mis en appétit. Malheureusement, il ne les tient pas à la télévision à une heure de grande écoute, il faut les chercher dans le Figaro ou les Echos, des organes que ne lisent pas la masse des Français au cou desquels il veut passer la corde tressée par les assureurs privés ! Mais ne croyez pas que les Français sont passifs. Ils vous regardent, vous écoutent, et vous ne perdez rien pour attendre. La marmite mijote au pays de Jacquou le croquant. Nous sommes en 1788. Refusant le dialogue, vous poussez inéluctablement à des ruptures brutales. Il faudrait au contraire maintenir et enrichir ce contrat social forgé au fil des générations depuis la Révolution, y compris par le général de Gaulle. Vous préférez le mettre à l'encan ; ne vous étonnez pas si c'est la rue qui vous répond.

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une question préalable.

M. Jean-Pierre Brard - « Née de la volonté ardente des Français de refuser... (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du gouvernement)

Vous souriez car vous pratiquez la révision des textes fondamentaux, un peu comme les évangélistes, qui ont écrit la vie du Christ un siècle plus tard...

M. le Ministre - Vous êtes un spécialiste...

M. Jean-Pierre Brard - Je suis surtout fidèle à certaines valeurs, et pas celles qui sont cotées en bourse...

Je reprends : « Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la Résistance n'a pas d'autre raison d'être que la lutte quotidienne intensifiée. Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n'est, en effet, qu'en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi-unanimes de la Nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l'image de sa grandeur et la preuve de son unité. »

Je comprends que vous n'ayez pas lu le texte éphémère qu'était Alternance 2002, mais je pensais que vous auriez à cœur de rester fidèle à l'héritage de notre nation et au préambule du programme du Conseil National de la Résistance. Hélas, vous le dépecez ! Les représentants des organisations de Résistance, des syndicats et des partis politiques avaient alors compris la nécessité de s'unir en faveur d'un programme d'ordre social plus juste.

Vous, en un mois, au cœur de l'été, vous venez de capituler devant les exigences du baron Seillière de la Borde et des grandes compagnies d'assurance ; vous reniez les valeurs issues de la Résistance et portées par le général de Gaulle lui-même. Le Conseil national de la Résistance lui faisait confiance et voulait croire que cette confiance serait communicative. Louis SAILLANT, son Président, disait même que cette confiance « s'épanouira dans un ensemble de réalisations qui feront de la France une nation politiquement libre, socialement juste, économiquement forte » - voilà des idées qui vous sont bien étrangères...

Avec votre projet, vous nous demandez de prononcer l'éloge funèbre de notre système de sécurité sociale, qui était un pilier de nos valeurs républicaines issues du CNR, dont le programme proposait « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'Etat ».

Cessez de renier le gaullisme pour faire du chiraquisme ou, pire, du sarkozysme. Relisez le programme du CNR au lieu de plonger la tête la première dans le feuilleton médiatico-politique - avec un petit « p » comme le dit si bien le Président de la République - sur l'avenir de l'UMP...

Le « Gouvernement est resté debout » a dit le Premier ministre lors de la discussion de la motion de censure sur son testamentaire projet de décentralisation. Mais la France, elle, est à genoux, par votre faute, parce que vous voulez faire plaisir à vos commanditaires, dont le baron Seillière et, à genoux, elle ne marche pas aussi bien !

Vous n'avez de cesse de nous dire que nos concitoyens ont compris votre réforme. En effet, ils ont compris qu'ils allaient encore et toujours payer et assumer les baisses d'impôts que vous accordez aux catégories les plus aisées, les baisses de charges que vous cédez aux entreprises sous la pression de vos amis du Medef, l'impôt de solidarité sur la fortune que vous videz progressivement se son contenu, le cadeau que vous faites encore plus cyniquement aux fraudeurs en prévoyant d'autoriser le rapatriement des capitaux moyennant amnistie fiscale. Et qu'en cela vous vous inspiriez de Berlusconi n'a rien d'un titre de gloire...

Mais votre politique, c'est aussi, depuis deux ans, la remise en cause des 35 heures et la suppression d'un jour férié, une réforme des retraites particulièrement injuste, des gels et annulations de crédits destinés aux associations, des suppressions de postes et le démantèlement des services publics, une loi de modernisation sociale favorisant les licenciements de masse, l'attaque frontale contre les intermittents du spectacle, l'amorce de la privatisation d'EDF-GDF.

Nos concitoyens ont exprimé leur rejet des projets dévastateurs de votre gouvernement et de tant d'injustices lors des dernières élections. Mais le Président de la République leur a répondu « cause toujours tu m'intéresses ». C'est à une véritable parodie de démocratie que vous vous livrez et le fait que vous réduisiez la place des représentants élus des assurés sociaux en dit long de ce point de vue.

Votre projet instaure une médecine à deux vitesses, l'une pour les riches qui, ayant les moyens de souscrire une mutuelle ou assurance privée, pourront se soigner comme bon leur semble, l'autre pour les pauvres, forcés de suivre un parcours balisé, semé d'embûches et pénalisant. Voilà comment la France d'en haut traite la France d'en bas !

Vous avez capitulé face aux appétits du privé et des compagnies d'assurance qui réclament l'accès aux données médicales pour sélectionner leurs clients. Pour Gilles Johanet, directeur des activités santé et collectives d'AGF : « le point le plus essentiel c'est de nous autoriser l'accès aux données médicales des assurés ». Maintenant que vous avez permis au loup d'entrer dans la bergerie, combien de temps croyez-vous tenir face aux pressions des assureurs privés ?

La contribution forfaitaire, cyniquement qualifiée de « symbolique » et qui vient d'être aggravée en CMP, fait reposer sur les patients le poids de la dette. Un euro, rapporté à une consultation à 20 € chez un généraliste, représente une augmentation de 5 % à la charge des assurés les plus modestes. De leur côté les industries pharmaceutiques et les grandes sociétés ne seront mises à contribution qu'à la hauteur respectivement de 0.525 % et de 0,03 % de leur chiffre d'affaires !

Vous nous avez martelé que votre projet devait permettre de changer les comportements. En réalité, vos mesures se fondent sur la culpabilisation des assurés sociaux et sur la dramatisation des enjeux visant à accréditer l'idée selon laquelle il n'y aurait pas d'alternative à vos choix.

Regardez donc les choses en face, mes chers collègues de droite, vous qui êtes contraints depuis des semaines de rester ici pour faire de la figuration, à tel point que, quand l'un d'entre vous se laisse entraîner par son goût du dialogue, c'est aussitôt la cacophonie.

M. le Président de la CMP - Ils sont mieux entendus que vous ne l'étiez du temps de votre gouvernement...

M. Jean-Pierre Brard - Oh, je suis un homme libre et j'ai critiqué la réduction des impôts des plus riches, même plus modeste que la vôtre, quand elle a été décidée par le gouvernement que je soutenais.

M. Jean Leonetti - Il est difficile de baisser les impôts de ceux qui n'en paient pas !

M. Jean-Pierre Brard - Le seul impôt juste, c'est celui sur le revenu. Mais ne faites pas semblant de croire que les pauvres ne paient pas d'impôts alors qu'ils paient le plus gros de l'impôt le plus injuste, la TVA !

M. Jean Leonetti - Que nous voulons baisser...

M. Jean-Pierre Brard - Que vous prétendez vouloir baisser dans certains cas, mais en espérant que Bruxelles ne vous y autorisera pas...

M. le Président de la CMP - Ce n'est pas sur la réforme de l'assurance maladie que vous risquiez de vous opposer au gouvernement Jospin !

M. le Président - Veuillez cesser ces échanges individuels !

M. Jean-Pierre Brard - Je reconnais l'autorité morale que vous confère votre filiation...

M. Hervé Mariton - Pas seulement !

M. Jean-Pierre Brard - Votre talent aussi, en effet...

M. le Président - Arrêtez, sinon nous sommes encore là dans quinze jours... (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard - Alors que les derniers chiffres montrent que le chômage a encore progressé, j'ai apporté des tableaux qui montrent son évolution depuis 1974 (L'orateur montre des tableaux à l'Assemblée).

M. Hervé Mariton - Voilà qui va faciliter le compte rendu... (Sourires)

M. Jean Leonetti - Ca n'a rien à voir !

M. Jean-Pierre Brard - Si ! Car la politique du Gouvernement est un tout homogène.

M. Jean Leonetti - Pour une fois, on a une cohésion !

M. Guy Geoffroy - Une cohérence !

M. Jean-Pierre Brard - C'est vrai que le texte est cohérent, grâce aux trois idéologues du Gouvernement actuel, à qui l'on peut au moins reconnaître le mérite d'avoir des idées, ce qui n'est pas le cas pour nombre d'entre vous.

Regardez ce tableau : c'est le gouvernement de M. Barre, suivi de près par le premier gouvernement de M. Chirac, qui détient le record. Un seul a réduit considérablement le chômage, celui de la majorité plurielle...

M. le Président de la CMP - Que vous avez tant critiqué !

M. Jean-Pierre Brard - ...grâce aux 35 heures, aux emplois jeunes, et à d'innombrables autres mesures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Et si je devais formuler une seule critique, ce serait celle d'avoir été trop modeste dans la défense de ce bilan, car, quand nous serons au Gouvernement, nous n'aurons plus qu'à reconstruire tout ce que vous détruisez.

M. Hervé Mariton - N'oubliez pas que vous êtes l'orateur du groupe communiste !

M. Jean-Pierre Brard - Mais je crois au dialogue, au sein de la gauche ! Nous ne sommes pas obligés de nous taire, nous !

M. Jean Leonetti - On vous a moins entendus, sous le gouvernement Jospin !

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur Leonetti, de grâce, ne voyez pas les autres à votre image ! Vous, vous vous tûtes ! (« Turlututu » sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff - Où est le nez rouge ?

M. le Président de la CMP - Et si l'on parlait de l'assurance maladie ?

M. Jean-Pierre Brard - J'y viens. Entre 1993 et 1997, le régime de la sécurité sociale vit ses années noires avant de renaître, à partir de 1997, grâce à la confiance que le gouvernement a su rendre à nos concitoyens. Et cette confiance, vous ne l'avez pas, comme l'ont prouvées les dernières élections.

M. Jean Leonetti - C'est pour cela que vous êtes dans l'opposition !

M. Jean-Pierre Brard - Nous n'avons pas vocation à y rester, et vous aurez bientôt du temps pour réfléchir aux mesures que vous auriez dû prendre.

A partir de 1997, le déficit se réduit, et nous sommes même en excédent en 1999. Puis, vous revenez au pouvoir, et c'est la descente aux enfers !

M. Hervé Mariton - Jamais une politique ne fut si immédiatement efficace !

M. Jean-Pierre Brard - Le chômage augmente, parce que vous passez à l'essoreuse les plus modestes, vous réduisez la consommation, vous favorisez encore les plus riches. Que fait Mme Bettancourt quand elle a un peu plus d'argent ? Elle n'achète pas un deuxième beafsteack parce qu'elle a déjà du cholestérol, elle spécule à la bourse !

M. le Secrétaire d'Etat - Et le secret médical ?

M. Jean-Pierre Brard - En deux ans, le gouvernement de la gauche plurielle, grâce à une ambitieuse politique en faveur de l'emploi, a rendu les comptes excédentaires, et ce n'est qu'au moment où il a dévié de cette trajectoire, qu'il s'est heurté à une partie du peuple de gauche.

M. Guy Geoffroy - Quelle réécriture de l'histoire !

M. Jean-Pierre Brard - Je vous renvoie aux Evangélistes, vous verrez que l'histoire est toujours une notion relative !

Mme Claude Greff - Ne vous dispersez pas !

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas à vous de me donner des conseils en la matière, vous qui ne voyez pas les rapports dialectiques qui existent entre les différents domaines de la politique gouvernementale ; il en résulte cette cure d'amaigrissement pour nos compatriotes, tant en matière d'assurance maladie, de retraite, que de SMIC ! En effet, le Gouvernement prépare l'amnistie pour les voleurs qui ont emporté leur argent à l'étranger, mais prévoit d'étaler l'augmentation du SMIC sur deux ans ! Pour avoir tant discuté avec les habitants de ma bonne ville de Montreuil, je sais qu'ils en bavent chaque jour un peu plus, parce que vous privilégiez les nantis. Regardez les statistiques du tourisme. Ce n'est pas à cause du climat que les gens ne partent pas en vacances !

Mme Claude Greff - Au fait !

M. Richard Mallié - Il y a longtemps qu'il n'a pas parlé du Medef !

M. Jean-Pierre Brard - C'est le résultat de votre politique ! En deux ans, vous avez réussi l'exploit de plonger le régime de la sécurité sociale dans le rouge, à l'instar de M. Juppé en 1995.

Autre réalité que vous feignez d'ignorer : la question de l'emploi. Pour un million de chômeurs, la branche assurance maladie perd environ 3,5 milliards d'euros par an. Sur l'ensemble des branches - maladie, vieillesse, famille et accident du travail - le coût, pour la sécurité sociale, avoisine les 13 milliards par an. Comparé au déficit de la branche maladie qui avoisinerait les 11 milliards en 2003, le manque à gagner lié à l'augmentation du chômage se fait lourdement sentir.

Permettez-moi de citer M. Raffarin, dans un ouvrage qui n'aurait pu être soumis au Goncourt ni au Nobel de littérature, La France de Mai : « Les résultats de notre politique de l'emploi, engagée en mai 2002, ne seront lisibles qu'à la fin de l'année 2003 et au début de 2004 ». Mais nous y sommes ! Le chômage a augmenté, parce que vous avez cassé la confiance, et nos compatriotes ont peur du lendemain. En remettant en cause la loi de modernisation sociale, vous avez favorisé les licenciements qui se multiplient. Et le taux de chômage a encore augmenté en juin !

En réalité, ce n'est pas le sort de nos concitoyens qui vous a guidés, mais votre idéologie, celle du programme Alternance 2002, inspirée par les dirigeants du Medef.

Et je vais vous dire ce qu'il devrait advenir du préambule de la Constitution, après le passage du cyclone Douste-Blazy. Le général de Gaulle disait que le pire qui puisse arriver à un homme politique est qu'on ne parle pas de lui. Pour le coup, on parle de vous ! Vous avez choisi de désarticuler le système !

M. le Ministre - Mais c'est faux !

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes dans l'incantation ! Moi, j'ai démontré ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Madame Greff, je souhaiterais que vos électeurs entendent vos invectives qui, pour vous, tiennent lieu d'arguments, mais reflètent en réalité l'insipidité de vos propos !

Ce préambule pourrait donc être ainsi rédigé : « La nation n'assure plus à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle ne garantit plus à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de sa situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler n'obtiendra plus rien de la collectivité. »

M. Hervé Mariton - C'est faux !

M. Jean-Pierre Brard - Mais vous savez bien que l'euro symbolique, qui représente déjà 5 % de la consultation, n'est qu'un zakouski !

Ce projet de loi va écrire une des pages les plus sombres de notre histoire sociale. Je regrette que vous n'ayez pas mieux lu M. Raffarin, dans « La France de mai » : il souligne que les réformes ne doivent pas se limiter à des apparences, ni dresser les uns contre les autres, mais doivent concourir à l'unité nationale.

Mais vous connaissez notre peuple et les valeurs auxquelles il tient. Vous savez que, pour remettre son héritage social en cause, il faut manier l'antiphrase. Vous dépeignez donc, avec talent il est vrai, vos mesures de déstabilisation et de démantèlement sous les atours les plus séduisants. Mais les Français ne sont pas sots. Ils vous observent et comprendront vite, ne serait-ce qu'en sortant toujours davantage leur carnet de chèques, de quoi votre politique est faite. Ils en tireront les conséquences inévitables. Rappelez-vous, Monsieur le ministre, la réforme Bayrou-Falloux, que vous avez soutenue : la loi a été votée, les Français se sont fait entendre...

M. le Ministre - Comme en 1984 !

M. Jean-Pierre Brard - ...et la loi n'a pas été promulguée ! Les aveuglements des uns ne sauraient justifier ceux des autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Le Gouvernement et la commission n'ont rien à ajouter. Y a-t-il des explications de vote ?

M. Jean-Pierre Brard - Lorsqu'on souligne la vérité de façon crue, mais compréhensible pour le peuple, le Gouvernement et la majorité restent confondus !

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Hervé Mariton - Le groupe UMP soutient bien volontiers la réforme qui nous est présentée, qui a été largement discutée ici, au Sénat puis en commission mixte paritaire. Cette réforme a également été débattue dans l'opinion, et largement comprise. Tout est donc rassemblé pour que les responsabilités soient claires. Celle du Gouvernement a été de préparer la réforme, et devient celle de la mettre en œuvre. La responsabilité du Parlement aura été de l'examiner et de l'améliorer, puis de l'évaluer.

Cette réforme est une condition nécessaire pour sauver l'assurance maladie, élément essentiel du pacte républicain, mais il faudra attendre son application pour savoir si elle est suffisante. Messieurs les ministres, nous vous faisons confiance - mais c'est aussi une exigence - pour l'appliquer avec toute l'attention et la rigueur voulues. La réussite de la réforme sera tout entière fondée sur son exécution - c'est ce qui signe une grande réforme. Nous avons adopté les principes d'une gouvernance clarifiée, que la CMP a encore améliorée : lorsqu'on crée des organismes, il est toujours bienvenu d'en supprimer quelqu'un ! Mais tout dépendra de ce que fera la nouvelle haute autorité de ses larges compétences, et de la capacité de l'administration à assumer le pilotage de la réforme.

Je ne suis pas un expert en affaires sociales...

M. Jean-Marie Le Guen - Un expert des affaires libérales !

M. Hervé Mariton - ...mais le sujet nous concerne tous. Chacun mesure combien les prochaines propositions de votre ministère pour améliorer encore la réforme seront essentielles. Votre copie est attendue.

La responsabilité des organes de pilotage de l'assurance maladie, notamment de la direction qui va se mettre en place, sera tout aussi grande, et celle du Parlement sera fondamentale en matière d'évaluation. La mission d'évaluation et de contrôle qui va être constituée saura prouver rapidement sa volonté de suivre le dossier avec attention et rigueur, sans démagogie et sans céder à la défense d'intérêts catégoriels. C'est un défi important, et le groupe UMP se réjouit que le président de la commission des affaires sociales supervise la mise en place de la mission. Nous faisons également confiance à la présidence de l'Assemblée pour lui accorder toute l'importance et les moyens d'investigation nécessaires.

La mise en œuvre de la réforme dépendra également de nombreux changements de comportements, tant au sein de l'administration et de l'Assemblée que chez les patients ou les professionnels de santé. Mais il ne suffit pas de le dire pour le faire ! La loi offre des outils, mais il faudra beaucoup de fermeté, et de doigté aussi, dans son exécution. Les abus devront être réprimés avec efficacité, quoique de façon adaptée. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire : pour lutter contre les abus, soyons attentifs à ne pas détricoter, par bienveillance, compassion ou sympathie pour un groupe d'intérêts, le dispositif qui aura été approuvé ici !

M. Gérard Bapt - On dirait que la loi ne vous suffit pas !

M. Hervé Mariton - Cette loi réalise un équilibre qu'il ne faut pas rompre. C'est en cela qu'elle est nécessaire, mais pas suffisante en elle-même.

Le changement de comportement des patients ne s'opérera pas spontanément à la promulgation de la loi : il faudra expliquer, inciter... Certes, le débat aura alerté et modifié quelques comportements, mais pour combien de temps ? La réforme que nous allons voter n'est pas définitive ; elle ne règle pas tout. Mais il faut qu'elle soit durable, utile et qu'elle nous fasse changer de voie, car celle que nous suivons aujourd'hui mène tout droit à la faillite. Le changement de comportements doit aussi être le fait des professionnels. Il faut bien comprendre que l'assurance maladie ne peut être réformée que si toute la nation y participe.

Ce n'est pas la réforme de telle ou telle catégorie professionnelle ou de telle ou telle association d'usagers, mais celle de tous. Il faudra que chacun, demain, le comprenne et ait à cœur de ne pas défaire, revendication par revendication, ce que nous avons construit aujourd'hui.

Nous tablons sur le changement de comportement des patients, mais aussi des professionnels de santé - pas seulement des médecins, puisque ce sont tous les professionnels de santé qui seront appelés à compléter le dossier médical personnel. La réforme ne marchera que si tous y concourent.

Il y a eu une polémique sur les données économiques de base, mais au fond, celle-ci a eu le mérite de souligner que le sens de la réforme, c'est ce pari que nous faisons sur le changement de comportement, pari raisonné mais indispensable car seule voie possible pour le sauvetage de l'assurance maladie. Nous avons quant à nous confiance dans les données apportées par le Gouvernement, qui était parfaitement dans son rôle en les fournissant.

Nous sommes, nous, bien dans notre rôle de législateurs en votant un cadre et en ayant su éviter de rentrer dans les détails d'application. Nous aurons ensuite à suivre l'application de la réforme, qu'il appartient au Gouvernement de mettre en œuvre et de réussir, pour sauver une assurance maladie à laquelle tous les Français sont très attachés. Notre rôle de groupe majoritaire est de soutenir ce projet que nous avons contribué à améliorer et que nous jugeons indispensable. Le rôle du Gouvernement est de le faire réussir. Pour aujourd'hui et pour demain, vous avez tout notre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - Le temps de la vraie réforme est venu, vient de nous dire le président de la commission spéciale. Sur les bases voulues par le Président de la République, a ajouté le ministre de la santé. Je ne crois pas en tout cas que ce soit sur celles exprimées par lui lors du congrès de la mutualité à Toulouse et je vais tenter de vous expliquer, saisissant la dernière occasion qui m'est donnée de le faire, comment ce projet prépare à la fois une étatisation et une privatisation de la protection sociale.

Comme pour la réforme des retraites, le déficit a été le prétexte d'une réforme en urgence, menée après un dialogue social qui a ressemblé à une partie de bonneteau. Jouant sur les contradictions des principaux partenaires, le Gouvernement nous a présenté un projet qui n'est que le premier étage de la réforme néolibérale qu'il a en vue. Il était d'ailleurs significatif que l'orateur s'exprimant aujourd'hui au nom du groupe UMP soit le représentant du courant libéral de ce groupe.

L'architecture du système de l'assurance maladie est substantiellement modifiée, mais pas vraiment clarifiée, Monsieur Mariton. Le paritarisme est évacué d'un conseil d'administration transformé en conseil d'orientation où revient en force le Medef, avec une minorité de blocage, et où figureront la mutualité et les organismes complémentaires. Le Parlement est quasiment cantonné au vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le directeur de l'UNCAM, nommé par l'Etat, disposera de pouvoirs considérables, dont celui de procéder à des déremboursements ou de modifier le périmètre des soins pris en charge. L'étatisation est donc en marche dans cette réforme de la gouvernance. Les organismes complémentaires - dont les assurances - pourront désormais intervenir dans les négociations conventionnelles et seront mis en concurrence, à l'échelon européen, à chaque élargissement du champ de l'assurance individuelle. En matière de gouvernance, la réforme n'est pas allée jusqu'à l'échelon régional, pourtant le plus pertinent pour réussir une maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Votre maîtrise médicalisée, Monsieur le ministre, est avant tout une machine à déremboursement. La mise en place d'un ticket modérateur par acte et par consultation, y compris aux urgences, opère ainsi un transfert de la charge vers le patient. Le dossier médical personnel sera utilisé aux mêmes fins. Le choix du médecin et l'accès aux spécialistes dépendront de plus en plus du revenu des patients et du type d'assurance complémentaire ou surcomplémentaire souscrite. Cet ensemble de restrictions préfigure bien la privatisation.

Le dispositif sera complété à l'automne par une loi organique organisant une maîtrise budgétaire lissée sur deux ans. Ainsi quittera-t-on en silence le système assurantiel, collectif et solidaire pour aller vers une maîtrise comptable qui ne dira pas son nom et vers un élargissement de l'assurance privée individuelle.

C'est pourquoi je suis de ceux qui pensent que ce projet n'est pas une réformette mais une réforme de fond.

M. le Ministre - Merci.

M. Gérard Bapt - Une réforme qui suit, sans s'y référer, les recommandations du rapport Chadelat de 2003, lequel s'attachait à faire le départ entre l'assurance collective de base et l'assurance complémentaire individuelle. En effet, un partenariat entre les deux unions des caisses et des complémentaires aboutira à constituer un cahier des charges définissant les règles des contrats complémentaires de base susceptibles de bénéficier d'avantages sociaux et fiscaux. Le crédit d'impôt, devenu aide directe financée par les fonds sociaux de la CMU et attribué sous plafond, ne s'appliquera qu'à la complémentaire de base. Les surcomplémentaires nécessaires pour être couvert dans les divers cas de déremboursement seront entièrement libres et livrés à la concurrence entre mutuelles et sociétés d'assurance européennes. Répondant aux vœux des libéraux, la recomposition de la protection sociale est donc lancée et il ne s'agit pas d'une énième réforme de la « sécu » mais bien d'une réforme qui vise à modifier en profondeur le système.

La différence d'approche entre la droite et la gauche, pour ce qui concerne la protection sociale, apparaît donc aujourd'hui clairement. Pour autant, elle ne date pas d'aujourd'hui. A la fin du XIXe siècle, on a déjà vu s'affronter deux conceptions très différentes. Face au système de solidarité sociale qui commençait à se mettre en place en Allemagne, il existait en France une forte résistance des libéraux les plus dogmatiques, qui n'admettaient que des mesures restreintes de bienfaisance publique, c'est-à-dire une version à peine modernisée de la charité individuelle. Adolphe Thiers disait ainsi : « Il importe que cette vertu - la bienfaisance -, quand elle devient, de particulière, collective, de vertu privée, vertu publique, conserve son caractère de vertu, c'est-à-dire reste volontaire, spontanée, libre, car autrement elle cesserait d'être une vertu pour devenir une contrainte, et une contrainte désatreuse. » Les socialistes - et en particulier, parmi eux, Jean Jaurès - prônaient, eux, une assurance sociale, collective, solidaire et obligatoire.

C'est ce système qui fut mis en place à la Libération. Mais il faut bien voir qu'il existait dans le gouvernement dirigé par le général de Gaulle un certain nombre de contradictions. Ambroise Croizat fut ainsi en butte aux manœuvres du MRP, notamment de l'un de ses représentants, Robert Prigent. Il réussit néanmoins à faire passer un compromis très positif, qui a donné la sécurité sociale telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Voilà pourquoi il n'était pas inutile de rappeler l'histoire de la protection sociale de notre pays.

J'ai parlé de Jean Jaurès. C'est aujourd'hui l'anniversaire de l'assassinat de ce grand parlementaire, apôtre de la paix, visionnaire de l'Europe. Lui avait le souci de l'émancipation des plus pauvres, de la jeunesse, sur laquelle il ne songeait pas à transférer les dettes et les charges. C'est parce que nous sommes ses héritiers que nous continuerons à œuvrer pour un système de soins égal pour tous et partout (Applaudissements bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Luc Préel - La réforme de notre système d'assurance maladie était urgente et indispensable, d'autant plus que tous les secteurs connaissent des difficultés, que ce soit la médecine ambulatoire ou la médecine hospitalière.

Le texte dont nous discutons est finalement fort peu différent du texte initial et présente certes des dispositions intéressantes : une offre de soins mieux organisée autour du médecin traitant - mais quid de l'accès aux dermatologues, aux psychiatres, aux pédiatres, du niveau de la liberté d'honoraires en cas d'accès direct aux spécialistes et, enfin, du niveau de remboursement du patient ?

Le dossier médical personnel est également une innovation intéressante - mais sa mise en place sera sans doute longue et coûteuse - de même que la création de la Haute autorité - mais en quoi différera-t-elle au fond de l'actuelle commission de la transparence ? - ou encore l'expérimentation régionale, avec l'ébauche d'une agence régionale de santé - bien que je regrette que la CMP ait supprimé notre proposition de création d'une union régionale des professions de santé qui aurait été un pas important vers la régionalisation.

Mais au-delà de ces considérations, cette réforme est-elle juste, permettra-t-elle de sauvegarder notre assurance maladie ?

Vous avez choisi de reporter le déficit cumulé de 32 milliards d'euros sur la CADES en prolongeant son existence de trois ans par année de déficit, ce qui est inacceptable, comme nous avions d'ailleurs eu l'occasion de le dire avec M. Accoyer lorsque Mme Aubry s'y était également employée : il n'est pas question de faire payer aux générations futures notre impéritie. L'UDF, elle, avait proposé d'augmenter la CRDS de 0,35 % afin de ne pas prolonger l'existence de la CADES au-delà de 2014.

Le projet est-il financièrement crédible ? L'équilibre sera-t-il atteint en 2007 ? Nous ne le pensons pas. Si 5 milliards de recettes sont assurés, on ne peut en dire autant des économies de dépenses de 10 milliards. En raison de la mise en place du dossier médical personnel, il nous semble impossible de parvenir à économiser 3,5 milliards en 2007, de même que le 1,6 milliard d'économie attendu par les groupements d'achats hospitaliers nous paraît improbable. Enfin, les nouvelles molécules qui seront mises au point coûteront de toute évidence plus cher.

Pensez-vous que la nouvelle gouvernance mette en place le pilotage adéquat ? Vous renforcez en fait l'étatisation du système avec un directeur général omnipotent nommé par l'Etat et vous tentez de remettre en selle un paritarisme dit rénové, cantonné dans un comité d'orientation alibi qui n'a pas vocation à gérer la santé.

Vous n'avez pas profité de cette réforme pour revenir sur les défauts majeurs de notre système qui sont la séparation des médecines de ville et hospitalière ainsi que la séparation de la prévention et du soin.

L'UDF a proposé un projet solide et cohérent qui tendait à créer une caisse spécifique gérée paritairement pour les maladies professionnelles et les accidents du travail, mais aussi à une vraie régionalisation permettant de développer une politique de santé de proximité et responsabilisant tous les acteurs.

L'UDF regrette cette chance perdue car votre réforme ne règlera rien. Nous ne voterons donc pas ce texte.

M. Patrick Braouezec - Nous déplorons le passage en force du Gouvernement sur un sujet qui nous concerne tous. La majorité est restée sourde aux manifestations du mois de juin, aux appels des comités locaux de défense de la sécurité sociale, à nos amendements.

Votre projet est socialement injuste et mal financé. Pire, vous avez travesti les réalités. Vous prétendiez ainsi que votre réforme était nécessaire pour résorber un déficit abyssal qui mettrait en cause la survie de notre système de santé solidaire et universel. Or, alors que votre prédécesseur évaluait ce déficit à 11 milliards en 2004, il a suffi que vous arriviez au pouvoir pour qu'il soit de 14 milliards.

Ensuite, une note confidentielle de Bercy nous fit savoir que votre réforme n'était pas financée, que le déficit de l'assurance maladie resterait malgré vos mesures au mieux de 5 milliards et au pire de 15 milliards.

Votre réforme se borne a réutiliser les recettes des trente autres plans de sauvetage de vos prédécesseurs qui ont contribué à renforcer les difficultés de l'assurance maladie en transférant toujours un peu plus le financement sur les assurés sociaux.

Après la dramatisation, la culpabilisation, seconde étape de ce qu'il convient en fait d'appeler votre plan de communication plutôt que votre réforme. Nous sommes tous devenus les victimes des sacrifices que vous imposez à coups de déremboursements, de contrôles, de sanctions et de pénalisations. Or, je rappelle que la fraude ne représente que 0,043 % des dépenses de santé et que le nombre d'arrêts de travail abusifs est de l'ordre de un pour cent mille. L'essentiel de la fraude résulte des procédures institutionnelles légales offertes aux professionnels du médicament qui facturent régulièrement à prix d'or des médicaments au service médical douteux, ou aux employeurs qui recourent aux arrêts maladie comme alternative aux départs anticipés.

La croissance des dépenses de santé est en fait une caractéristique naturelle des pays développés en raison du vieillissement de la population et de la technicisation des pratiques médicales.

Votre projet vise à réduire la couverture de l'assurance maladie pour laisser libre cours au secteur privé : vous inventez dans un premier temps le déremboursement de un euro, puis vous augmentez de trois euros le forfait hospitalier, la CSG et la CRDS et vous renforcez enfin la rigueur des protocoles d'ALD en transférant aux malades le coût d'une prise en charge considérée comme injustifiée. Ainsi, vos mesures coûteront 10 milliards aux assurés sociaux et aux malades contre un milliard aux entreprises. Comment pouvez-vous parler d'un effort partagé ?

Mais le pire est à venir : votre texte dynamite l'architecture de la branche maladie de la sécurité sociale à travers un double mouvement d'étatisation et de privatisation. Ainsi, vous créez une union nationale de l'assurance maladie qui sera dirigée par un directeur général omnipotent. Nommé par le ministère il bénéficiera de l'intégralité des pouvoirs d'organisation et de gestion de l'ensemble du système et emportera seul la décision du niveau de prise en charge collective des dépenses de santé, puisque vous avez décidé de liquider la représentation démocratique au sein des conseils d'administration des caisses.

D'autre part, cette nouvelle « gouvernance » organise la cogestion d'un panier de soins déterminé conjointement par l'assurance maladie et les organismes complémentaires. Les complémentaires de santé privés pourront dorénavant participer à la définition du périmètre de prise en charge des dépenses de santé. Comment ne pas y voir l'ouverture d'un boulevard à la privatisation ? L'inclusion dans le champ de la protection sociale des assureurs privés au même rang que les autres acteurs participe de la démarche de refondation sociale, si chère à vos amis du Medef. Ce choix de société littéralement réactionnaire va déboucher sur une catastrophe sociale majeure et ne profite en définitive qu'au patronat. Ce n'est pas faire une économie que de forcer les malades à différer pour des raisons financières le moment où ils devront consulter. Une telle évolution pose même un problème de santé publique en ce qu'elle risque d'entraîner une multiplication des maladies les plus graves.

Nous n'avons jamais contesté l'utilité d'une réforme. Mais elle devrait s'attaquer en priorité aux inégalités dans l'accès aux soins et au scandale du financement selon lequel 90 % des recettes proviennent, via la CSG, de revenus du travail, cependant que les exonérations de cotisations sociales patronales ont atteint le niveau record de 20 milliards d'euros. Nous plaidons pour la modulation des cotisations patronales selon un ratio masse salariale sur valeur ajoutée, de manière à favoriser fiscalement celles qui contribuent le mieux au maintien de l'emploi et à la lutte contre le chômage. Parallèlement, il convient de relever la part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée - laquelle a baissé de dix points en vingt ans -, de manière à mieux répartir l'effort.

Dans l'immédiat, nous demandons que les revenus financiers des entreprises - 165 milliards constatés en 2002 - soient mis à contribution au même niveau que les salaires. Leur appliquer le taux de cotisation patronale à l'assurance maladie apporterait plus de 20 milliards par an de recettes supplémentaires au régime général. D'autres mesures sont immédiatement applicables, telle la création d'un fonds de garantie pour les dettes patronales et la soumission à cotisation de l'épargne salariale.

Une réforme de progrès du système de soins est tout aussi indispensable. Nous sommes favorables au développement des réseaux de soins et à l'instauration d'une véritable démocratie sanitaire, assise notamment sur le principe de l'élection des administrateurs des caisses par les assurés sociaux.

Nous avions repris toutes ces propositions sous la forme d'amendements. Las, ni le Gouvernement ni la majorité n'ont daigné les entendre. Au terme de cette discussion, force est d'admettre que ce projet de régression sociale ne vise qu'à saper les fondements de notre sécurité sociale et à creuser le trop célèbre « trou » pour y enterrer la solidarité. Mais la santé n'est pas un coût et moins encore une marchandise. C'est un investissement de long terme, à privilégier absolument.

Pour funeste qu'il soit, ce texte n'est qu'une étape et nous nous opposerons avec la même détermination à vos projets futurs, qu'il s'agisse du projet de loi organique visant à assurer le financement de votre nouvelle architecture ou du PLFSS pour 2005. Nous nous mettrons à la disposition de toutes les forces qui se rassembleront contre votre démarche. Le groupe des députés communistes et républicains votera contre cette pseudo-réforme, aussi injuste dans son principe qu'inefficace dans ses modalités (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

La discussion générale est close.

M. le Président - Conformément à l'article 113, alinéa 3, du Règlement, j'appelle l'assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.

M. le Ministre - L'amendement 3 à l'article 12 précise qu'il ne peut être demandé à l'assuré d'attester de son identité qu'auprès des services administratifs des établissements de santé.

Depuis le début de nos discussions sur ce texte, Xavier Bertrand et moi-même avons insisté sur la nécessité de demander aux assurés sociaux d'attester de leur identité, en particulier lorsqu'ils produisent une carte Vitale. Mais il est clair dans notre esprit que cette mission incombe aux services administratifs des hôpitaux. Les médecins se sont prononcé en ce sens et M. Le Guen vient de rappeler à juste titre qu'un médecin avait vocation à soigner toute personne s'adressant à lui...

M. Pierre-Louis Fagniez - Bien sûr !

M. le Ministre - Notre amendement est donc parfaitement explicite. D'accord pour vérifier que le porteur d'une carte Vitale en est bien le titulaire, mais aux services administratifs de le faire (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Ce n'est pas un vrai sujet et la « solution » que vous apportez n'en est pas une. Par contre, la position de la majorité créait un vrai danger et il y a donc lieu de l'écarter.

M. Jean-Pierre Brard - Le problème doit être posé en termes simples : qu'adviendra-t-il lorsqu'une personne ne s'exprimant pas en français et ne portant pas de carte Vitale se présentera aux urgences ?

M. le Ministre - M. Brard ne parviendra à aucun moment et d'aucune manière à faire croire qu'il pourrait se trouver dans ce pays un seul médecin pour refuser de soigner quelqu'un. Le seul fait de l'imaginer est assez bizarre (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié - L'amendement du Gouvernement me choque un peu, dans la mesure où je considère que le texte de la CMP est bon. Dans mon esprit, il est normal que le médecin soit en mesure de bien identifier son patient au moment où il le soigne...

M. Gérard Bapt - Si le patient est sous anesthésie générale, le contrôle risque d'être limité !

M. Richard Mallié - L'opposition nous a reproché tout au long de ce débat d'instaurer des mécanismes de contrôle. Je crois, moi, à la nécessité de mieux contrôler pour lutter contre les abus. Notre collègue communiste ne croit pas à l'existence d'abus...

M. Patrick Braouezec - Si, dans 0,049 % des cas !

M. Richard Mallié - La rédaction retenue en CMP est en outre très modérée puisqu'il est seulement prévu que l'identité puisse être demandée. Les six députés de l'opposition présents en séance vont voter l'amendement comme un seul homme, M. Le Guen en tête, mais, à la vérité, je ne sais pas si le contrôle que nous souhaitons pourra être exercé dans de bonnes conditions. Au demeurant, le point que soulève cet amendement est d'ordre réglementaire et je ne le voterai pas.

M. Jean Leonetti - J'approuve Richard Mallié quand il dit qu'il faut se méfier d'un amendement approuvé par M. Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous, au moins, vous n'êtes pas sectaire !

M. Jean Leonetti - La lutte contre la fraude et les abus participe de la démarche solidaire que tend à promouvoir cette réforme. On ne peut pas demander aux Français des efforts supplémentaires sans renforcer la lutte contre les abus. Mais il faut le dire clairement, les médecins n'ont pas vocation à lutter contre l'immigration clandestine. Le Gouvernement conduit à cet égard une action résolue. Chacun doit rester dans son rôle. Face à un malade en demande de soin, le médecin n'a pas d'autre obligation que celle de soigner. Il revient à l'administration d'exercer les contrôles qui s'imposent, pas à l'équipe soignante. Fallait-il le préciser dans la loi ? Sans doute, s'il peut encore y avoir dans l'esprit de certains un doute sur l'engagement des médecins à soigner quiconque les sollicite.

M. Pierre-Louis Fagniez - En pratique, on a toujours affaire à des services administratifs, et donc cette question de vérification d'identité par un soignant ne se pose pas. D'ailleurs, qu'on le sache bien, aucun médecin, aucun soignant n'acceptera de vérifier l'identité de celui dont il s'occupe. C'est là un principe fondamental (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Mariton - Pour préserver l'avenir de l'assurance maladie, il est nécessaire d'exercer un contrôle de ce type. Mais faut-il le renvoyer à d'autres ? On aimerait avoir une définition plus précise des « services administratifs ». Où se trouvent-ils ? Je ne le sais pas. S'il est hasardeux de vouloir aboutir aujourd'hui à une solution parfaite, il est raisonnable de faire confiance au gouvernement qui a lancé un processus utile. Reste que je m'interroge sur la volonté d'une certaine catégorie de ne pas participer à cette démarche de vigilance dans la gestion. Hier en CMP, M. Le Guen disait que, dans des cas extrêmes où les services administratifs refuseraient l'accès aux soins, un médecin, pour des raisons éthiques, pourrait passer outre. On voit bien là que le recours aux services administratifs n'est pas forcément une solution plus protectrice pour les patients. Je voterai donc l'amendement du Gouvernement. Une réflexion est lancée. Il faut éviter les abus, l'on ne comprendrait pas que certaines catégories s'en dispensent. L'éthique est essentielle, mais la bonne gestion du système de santé est l'affaire de tous.

M. le Rapporteur - M. Leonetti et M. Fagniez savent, eux, ce qu'est le colloque singulier avec le patient. Nous sommes certainement dans un faux débat, comme l'a dit M. Mallié, car dans quelque temps, l'apposition de la photo sur la carte Vitale règlera le problème.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est du pipeau !

M. le Rapporteur - Les questions de nature administrative sont réglés par les services adéquats. La vérification d'identité - qui est d'ailleurs autre chose que le contrôle - ne peut relever d'un soignant. Le serment d'Hippocrate est toujours honoré dans notre pays.

M. Jean-Pierre Brard - Je ne prêtais pas de noires pensées au ministre, mais la réaction de M. Mallié prouve que ma question n'était pas infondée. Le ministre a répondu qu'il s'agit d'une faculté, non d'une obligation. En cas de contestation, nos débats éclaireront l'interprétation à donner à la loi. Il y a là une garantie du respect du droit inaliénable de se faire soigner. Je voulais l'entendre.

M. Dubernard distingue contrôle et vérification. J'avoue qu'il y a là une finesse sémantique qui m'échappe, et qui n'est pas inscrite, pour ce que j'en sais, dans le serment d'Hippocrate.

M. Jean-Marie Le Guen - Le débat qui vient d'être ouvert va se poursuivre et nourrira des polémiques injustifiées sur ce qui se passe à l'hôpital. En fait, vous soulevez un faux problème, vous ne résolvez rien et vous créer une situation malsaine. Bravo !

M. le Ministre - Nous devons aussi lutter contre les abus, et nous le ferons. Mais enfin, dans aucun hôpital de France, un malade ne peut se faire soigner sans passer d'abord pas le service des entrées. S'il le faut, en cas d'urgence, quelqu'un du service se déplace.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Sur l'article 19, les amendements 4 et 5 du Gouvernement sont de cohérence avec la disparition de l'ANAES et son amendement 1 est rédactionnel.

Les amendements 4, 5 et 1, acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - L'amendement 7 rectifié à l'article 20 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 7 rectifié, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 2 à l'article 36 est de cohérence avec les dispositions adoptées pour les caisses d'assurance maladie.

M. Jean-Pierre Brard - Il est très révélateur des intentions profondes du Gouvernement. Il précise en effet que le directeur met en œuvre les orientations fixées par le conseil. Mais à la phrase suivante, il ne s'agit plus que de recommandations. A l'évidence, le directeur proconsul obéira à ceux qui l'ont nommé, pas au conseil.

L'amendement 2, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - La CMP a décidé que le taux de CSG sur les plus-values immobilières des particuliers serait relevé au 1er janvier 205 comme pour les produits de placement. L'amendement 6 complète l'article 41 en conséquence.

L'amendement 6, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Y a-t-il des explications de vote sur l'ensemble du texte ?

M. Jean-Pierre Brard - Toutes les explications ont été données dans la motion que j'ai défendue.

M. Hervé Mariton - Mais vous avez peut-être été convaincu depuis ? (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Non, même si vous essayez de présenter les choses de façon attrayante.

Mme Claude Greff - Nous essayons de ne pas parler inutilement !

M. Jean-Pierre Brard - Madame, quand on défend les droits fondamentaux, on a le devoir de s'exprimer ! C'est ce que nous avons fait depuis quelques semaines, sous la houlette éclairée de notre président.

Une fois ce texte voté, nous continuerons la bataille pour la défense de l'assurance maladie dont vous créez aujourd'hui les conditions du démantèlement.

M. Gérard Bapt - La discussion en CMP sur l'article 20 a renforcé notre conviction qu'il faudrait bientôt remettre l'ouvrage sur le métier. En effet, la majorité sénatoriale a voulu donner à la Haute autorité de santé le pouvoir de décider des conditions et même de l'opportunité des remboursements.

M. le Président - Je ne puis vous laisser ainsi détourner le Règlement et profiter d'une explication de vote pour revenir sur un article déjà adopté.

M. Gérard Bapt - Je dis simplement que nos inquiétudes sont encore plus vives après la discussion en CMP sur la réforme de la gouvernance de la sécurité sociale. Pour notre part, nous continuerons à nous battre en faveur de la démocratie sanitaire que nous appelons de nos vœux et nous voterons contre ce projet.

L'ensemble du projet, mis aux voix compte tenu du texte de la CMP, modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés, est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SANTÉ PUBLIQUE (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre me demandant de soumettre à l'approbation de l'Assemblée le texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet relatif à la politique de santé.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la CMP - Je suis particulièrement heureux de vous présenter les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est tenue mercredi 28 juillet. C'est en effet la fin de la longue navette de ce projet, déposé sur le bureau de notre Assemblée le 21 mai 2003.

Saisi en seconde lecture de 60 articles, le Sénat en a adopté conformes 21, en a supprimé 4 et en a ajouté 39, la plupart à l'initiative du Gouvernement. En conséquence, 56 articles restaient en discussion lors de la convocation de la commission mixte paritaire.

Il faut saluer le travail des sénateurs, qui ont amélioré le texte, la CMP ne le modifiant que sur quelques points précis.

En ce qui concerne les titres relatifs aux institutions et aux instruments de la politique de santé publique, que le Sénat a peu modifié, la CMP a proposé de supprimer une disposition relative à l'enseignement de l'éducation à la santé dès l'école primaire, estimant, sans se prononcer sur le fond, que cette mention n'avait pas sa place dans un article consacré aux compétences de l'INPES.

Le titre relatif aux plans nationaux est celui qui a suscité le plus de débats. S'agissant de la publicité télévisée pour certains aliments et boissons, la CMP a modifié le texte adopté par le Sénat en seconde lecture, qui imposait aux messages publicitaires télévisés de comporter une information à caractère sanitaire, les annonceurs pouvant toutefois s'exonérer de cette obligation en s'acquittant d'une contribution de 1,5 % sur le budget publicitaire. Afin de renforcer l'efficacité du dispositif et de prévenir la montée inquiétante de l'obésité, en particulier chez les enfants, la CMP a décidé que les messages radios et les actions de promotion seront également visés ; que les informations sanitaires seront validées par l'INPES et l'AFSSAPS ; que le montant de la contribution sera porté de1,5 à 5 %.

La même préoccupation de clarté a guidé les membres de la commission mixte paritaire pour les distributeurs : la commission a adopté un amendement de M. Bur qui pose le principe général de leur exclusion des établissements scolaires à partir de la rentrée 2005. Je m'en félicite car, oui, il convenait de donner un signal fort.

S'agissant de la lutte contre le tabac, la CMP a complété la disposition fiscale visant à contrer les baisses de prix abusives en introduisant une mention correspondante dans le code de la santé publique.

La commission a également adopté un amendement de M. Bur visant à renforcer le dispositif de la taxe « premix », ces produits dont l'alcool est « camouflé » et qui visent une clientèle jeune, voire adolescente, notamment les jeunes filles. Notons à ce propos que la CMP n'a pas modifié les articles introduits par le Sénat relatifs à la prévention du syndrome d'alcoolisation fœtale, ce qui est une bonne chose.

En ce qui concerne la réglementation de l'usage du titre de psychothérapeute, le texte adopté impose à toutes les personnes souhaitant user de ce titre une formation préalable, théorique et pratique, en psychopathologie clinique. Cette disposition a semblé de nature à protéger les personnes souhaitant s'adresser à un psychothérapeute.

S'agissant, la CMP a trouvé un accord sur les quelques points de divergence qui demeuraient blée au titre IV relatif à la recherche et à la formation en santé. Elle a ainsi précisé la notion d'investigateur coordonnateur et adopté un amendement de clarification du dispositif prévu pour les recherches portant sur l'évaluation des soins courants. Conformément au texte adopté par l'Assemblée nationale en seconde lecture, elle a également supprimé les dispositions limitant la communication des protocoles de recherche aux seules associations agréées. L'agrément des associations s'inscrit en effet dans une logique différente de représentation des usagers du système de santé et l'autorité compétente n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives. Sur ce volet des recherches biomédicales, nous sommes parvenus, au fil de la navette, à une réforme équilibrée, permettant tout à la fois de promouvoir la recherche, nécessaire au développement de connaissances et de thérapeutiques nouvelles, et de garantir les droits et la protection des personnes, notamment en matière de consentement. J'en remercie tout particulièrement MM. Pierre-Louis Fagniez, Claude Evin et Mme Martine Billard.

Le titre V « dispositions diverses » a été très enrichi à l'initiative du Gouvernement et la commission mixte paritaire ne l'a modifié qu'à la marge, en précisant les conditions de la création de l'ordre des pédicures podologues.

M. Jean-Marie Le Guen - Bravo ! Ca, c'est du courage politique...

M. le Rapporteur - Par ailleurs, le Sénat avait adopté en seconde lecture, un article additionnel qui devait permettre le regroupement la rationalisation et le développement des structures existantes en matière de médecine légale et d'actions médico-judiciaires. Parfaitement justifiée dans son principe cette disposition intervient dans un contexte flou s'agissant de la délimitation des actes effectués dans le cadre des procédures pénales et surtout du financement des nouvelles structures. C'est pourquoi la CMP, considérant que cette mesure devra faire l'objet d'une étude plus approfondie, a supprimé cet article.

Enfin le premier texte législatif d'ensemble depuis 1902 qui aborde de manière cohérente, dans une perspective pluriannuelle, le thème de la santé publique, sera bientôt adopté par le Parlement et je fais confiance aux ministres pour rédiger rapidement les textes décrets d'application (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Je suis très heureux de participer avec vous aujourd'hui à la dernière étape parlementaire de ce projet, dont l'élaboration a été commencée par mon prédécesseur, Jean-François Mattei.

Cette loi n'est en effet que la deuxième dont la France se dote en un siècle en matière de santé publique, puisque la première date de 1902 et concernait la politique vaccinale. Ce texte clarifie le rôle de l'Etat dans la conduite de la politique de santé et améliore parallèlement l'organisation de la sécurité sanitaire. Il définit plus clairement les responsabilités de l'Etat et des différents acteurs. Ainsi, la mission de l'Institut de veille sanitaire est renforcée, en particulier pour les populations fragilisées.

Un des objectifs de cette loi est aussi d'associer les acteurs de terrain à la mise en œuvre de la politique de santé. Ce sont les acteurs régionaux, regroupés au sein du groupement régional de santé publique, qui auront à promouvoir des programmes de santé aptes à atteindre les objectifs jugés prioritaires au niveau national ou régional.

Je ne reviendrai pas sur le rôle fondamental que sera appelé à jouer dans le domaine des soins, de la recherche ou de la prévention l'Institut national du cancer que cette loi a créé, sous l'impulsion du Président de la République.

Le développement de la politique de prévention est un des axes majeurs. C'est par le développement d'actions de prévention que nous pourrons encore améliorer l'état de santé de nos concitoyens.

Il faut ainsi agir sur les comportements et développer l'éducation pour la santé. C'est dans cette perspective que le texte fait de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, un centre de ressources destiné à concevoir et à développer des programmes de prévention, d'information, de communication et d'éducation à la santé.

En matière de comportements à risques, nous avons réalisé ces deux dernières années des progrès spectaculaires dans la lutte contre la violence routière et contre le tabagisme. Nous allons conforter ces acquis, et prendre parallèlement des mesures propres à prévenir les risques de l'alcoolisme, particulièrement chez les jeunes.

M. Jean-Pierre Brard - Et pourquoi pas chez les députés ? (Sourires)

M. le Président - N'oubliez pas les sénateurs... (Nouveaux sourires)

M. le Ministre - J'ai apprécié le travail que le Parlement a effectué pour améliorer ce texte dans ces domaines, ainsi que dans celui de la lutte contre l'obésité, dont l'accroissement régulier entraîne en effet des risques majeurs pour la santé de notre population, même si la France est moins touchée que d'autres.

Le texte que je vous demande d'adopter renforcera efficacement le Programme national nutrition santé. Il améliorera aussi la formation des professionnels, grâce à la création de l'Ecole des hautes études en santé publique. De même, la recherche biomédicale va être confortée, grâce à l'actualisation du dispositif d'encadrement de la loi Huriet-Serusclat. Il était devenu nécessaire non seulement d'améliorer les garanties des personnes participant aux recherches, mais aussi de rendre possibles celles dont peuvent bénéficier les personnes en situation de grande vulnérabilité, comme celles qui sont atteintes de maladie d'Alzheimer.

Ce texte, enrichi au fur et à mesure des débats, répond à des enjeux fondamentaux pour l'évolution de notre système de santé. Il contribue aussi à rationaliser et simplifier son organisation. Nous pourrons tous être fiers de cette loi qui place pour la première fois la prévention au cœur de nos préoccupations de santé publique et qui permet de fonder sur des objectifs transparents, régulièrement évalués et révisables la politique de santé de notre pays.

Je vous remercie tous, et tout particulièrement le Président Dubernard d'avoir amélioré ce texte que je m'engage à le mettre en application dans les plus brefs délais (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des députés du groupe socialiste, une exception d'irrecevabilité.

M. Jean-Marie Le Guen - Je serai bref, tant je suis déçu et révolté par l'attitude du Gouvernement.

Déception d'abord, car ce débat important sur la santé publique, ô combien nécessaire, s'est soldé par un échec. Nous savons tous que, telle que vous l'avez prévue, la partie organisationnelle de votre texte est inapplicable, du fait de la multiplication des structures et des autorités. Il fallait unifier, comme nous n'avons eu de cesse de le réclamer.

Quant aux politiques menées en matière de santé publique, vous ne faites rien dans le domaine de la santé environnementale, ni dans celui de la santé au travail. Rien non plus sur la question de l'alcool, hormis l'initiative prise par Yves Bur et moi-même sur les premix. Rien encore sur l'obésité. Les plus grands fléaux de santé publique sont absents de ce texte, qui se contente d'une centaine d'objectifs incertains et divers, sans véritables moyens.

Certaines dispositions sont cependant intéressantes, notamment dans le domaine de la recherche biomédicale, et je salue à cet égard le travail de MM. Fagniez et Evin.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale et le Sénat ont eu le mérite de faire de l'obésité un vrai sujet de santé publique. Depuis 500 ans, c'est la première fois que, dans les pays développés, en l'occurrence le nôtre, l'espérance de vie va stagner ! Sans prétendre régler le problème de l'obésité, nous avons tout d'abord rappelé la nécessité d'écarter l'influence des marques sur la vie scolaire. Nous avons surtout mis en place un système à même de favoriser le dialogue entre les pouvoirs publics et les industriels, afin de les amener à réfléchir sur leurs produits et la communication. Nous étions parvenus à un compromis en CMP pour qu'un véritable message d'éducation sanitaire accompagne la promotion des produits alimentaires. Si je pensais que la taxe aurait dû être de 7,5 %, je m'étais rallié aux 5 % qui, sans spolier les industriels, était à même de les inciter à suivre ce chemin. Et voilà que le Gouvernement serait prêt à revenir aux 1,5 % ! Au dernier moment, vous cédez à la pression des industriels ! On peut déjà lire sur le site de l'ANIA que le Gouvernement se serait engagé à ne pas aggraver le texte ! La société ne restera pas sans réagir face à ces problèmes de santé publique qui ne cesseront de s'accentuer, sans parler du coût pour l'assurance maladie ! Mais le Gouvernement se dérobe, abandonne l'intérêt général au profit des intérêts mesquins d'industriels qui ne veulent rien comprendre, comme hier dans le domaine de la lutte contre le tabac ou l'alcool !

Alors que la CMP a été adoptée à l'unanimité, à la demande massive des professionnels de santé, vous obéissez à la pression de lobbies obscurs, parce que le Premier ministre n'a plus la force de résister, et, bouclant ses valises, part avec son petit panier de l'agro-alimentaire ! Conclure par un tel recul trois ans de travail sur la santé publique nous pousse à nous interroger sur le sens du politique aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Nous en venons à la discussion générale.

M. Gérard Bapt - M. Le Guen a bien résumé l'action politique de ce gouvernement en matière de santé publique. Nous avions déjà dénoncé, à l'époque de M. Mattéi, les limites de ce texte, au processus d'élaboration largement technocratique, sans parler du défaut de financement ! Je vous avais d'ailleurs suggéré, Monsieur le ministre, lors de votre prise de fonction, de reporter ce projet qui méritait une réflexion plus approfondie, en cohérence avec la réforme de l'assurance maladie. Au final, l'ensemble est décevant et inopérant.

J'en viens à deux points plus particuliers. Le premier concerne l'agrément par Matignon du plan quinquennal de lutte contre les toxicomanies. Hasard ou coïncidence ? Le plan vient de sortir, avec plus de six mois de retard. Je dois vous dire toute ma déception quant à l'arbitrage opéré par le Premier ministre.

M. le Ministre - Nous avons fait mieux que vous !

M. Gérard Bapt - Notre mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie a accompli un travail important.

M. le Ministre - Comparons les moyens !

M. Gérard Bapt - Comparons-les ! Vous avez réduit de 30 % les crédits de la MILT ! J'ai dû intervenir auprès du ministre du budget, du président de la commission des finances et du rapporteur général du budget pour qu'une partie des 9 millions gelés cette année soit récupérés ! Et maintenant, le Gouvernement prend la décision de ne pas revenir sur la loi de 1970, autrement dit de rester dans une situation intenable !

Parmi les adolescents, près des deux tiers des garçons et de la moitié des filles ont déjà consommé du cannabis, et 25 % des jeunes de 18 ans sont des consommateurs habituels. Le Sénat a produit une enquête sur la lutte contre les drogues illicites et un rapport : Drogue, l'autre cancer. Il a adopté une attitude extrêmement répressive. D'autres voix se sont exprimées en faveur de la dépénalisation, mais des études internationales viennent enfin - depuis deux ou trois ans seulement ! - de montrer les conséquences de la consommation régulière. Au plan broncho-pulmonaire, les effets du cannabis sont proches de ceux du tabac. Il contient d'ailleurs cinq fois plus de goudron ! Les effets somatiques sont indéniables, pour la capacité de conduire par exemple. Les risques de leucémie et de cancers rares augmentent chez la femme enceinte, et les élèves connaissent des troubles de la mémoire, une chute des résultats scolaires et des signes d'inadaptation sociale. Enfin, les grands consommateurs connaissent des troubles psychotiques, et notamment des risques de schizophrénie. Voilà pourquoi il est urgent d'agir. Je regrette que le Premier ministre ait retardé sa décision sur la réforme de la loi de 1970. Son inaction est un nouvel exemple de la retraite en rase campagne du Gouvernement sur les problèmes de santé publique. Est-il imaginable de menacer les consommateurs habituels de cannabis d'un an de prison, s'ils représentent un quart des Français âgés de 18 ans ? On voit bien que ce régime est inadapté et inapplicable, et qu'il faut passer à une graduation des peines.

Le deuxième point concerne les décrets d'application relatifs à l'aide médicale d'Etat et à la santé des étrangers sur notre sol. En les excluant de la protection du petit risque, non seulement vous les exposez davantage au gros risque, mais vous soumettez tout le reste de la population à un risque important en matière de maladies contagieuses par exemple. Je voudrais donc connaître la position du ministère sur ces deux points.

M. Jean-Luc Préel - Ce projet de loi, très attendu, devait témoigner de notre volonté de donner enfin toute sa place à la santé publique et de développer la prévention et l'éducation à la santé. L e texte issu de la CMP est peu différent de celui qui nous avait beaucoup déçu lors de sa présentation à l'Assemblée. Saluons cependant la création de l'Institut national du cancer et de l'École de santé publique.

Le Sénat et la CMP ont apporté au texte trois modification essentielles. D'abord, en matière de nutrition et d'obésité infantile, Valérie Létard, du groupe de l'Union centriste au Sénat, a insisté pour aller plus loin que l'instauration d'une taxe et la suppression de distributeurs dans les écoles. Il faut mettre en œuvre des programmes d'éducation nutritionnelle, sur des territoires ciblés, en y associant les communes et tous les acteurs concernés par les comportements alimentaires.

Ensuite, après l'émotion soulevée par le dépôt en dernière minute de l'amendement Accoyer concernant les psychothérapeutes, nous sommes parvenus à un texte équilibré, qui prend en compte les demandes des professionnels. Monsieur le ministre, nous ne voudrions pas que les consultations « très larges » auxquelles vous vous êtes engagé à procéder ne renvoient pas la rédaction du décret aux calendes grecques !

Enfin, en matière d'expertise médico-légale, Olivier Jardé avait, dans un rapport, mis en exergue les dysfonctionnements du système actuel : les conditions d'accueil des personnes, la disponibilité d'une permanence médico-légale et même la qualité scientifique des constatations ne sont pas égales sur tout le territoire. Il avait obtenu que ses propositions soient intégrées dans le présent texte, qui reconnaîtrait la médecine légale comme une mission de service public et établirait un réseau de proximité faisant coïncider la carte sanitaire et la carte judiciaire. Ce volet du texte a curieusement disparu en CMP. Que pensez-vous faire à ce propos ?

Quant au texte lui-même, l'UDF ne peut que renouveler ses critiques majeures. D'abord, la création des groupements régionaux de santé publique, présidés par les préfets, est une double erreur : il est aberrant de séparer le soin de la prévention et de l'éducation à la santé, car les médecins réalisent les trois à la fois, et il est contre productif de créer une nouvelle structure. L'UDF est favorable à un responsable unique de la santé, responsable des trois fonctions au niveau régional, et à de véritables agences régionales de santé contrôlées démocratiquement. Ensuite, la volonté de marginaliser les associations de terrain, au profit d'un système pyramidal couronné par l'INPES, sera coûteuse et inefficace. La politique de prévention doit s'appuyer sur les acteurs de terrain et sur les comités départementaux et régionaux réunis en une fédération nationale.

Enfin, la présentation de cent objectifs, chiffre rond et artificiel, sera nuisible aux priorités majeures que sont le cancer du sein, les maladies cardio-vasculaires, la lutte contre l'alcool et le tabac, et le dépistage du cancer du colon et du rectum. Au lieu de lancer de grandes campagnes et de concentrer les moyens financiers sur ces thèmes, vous avez choisi la dilution. Vos cent objectifs seront jugés sur les résultats, et je crains que beaucoup soient décevants. Par conséquent, l'UDF ne pourra pas voter ce texte.

M. Patrick Braouezec - Ce projet de loi aura eu une existence bien chaotique. M. Mattei avait d'abord annoncé une grande loi de programmation quinquennale, avant de préférer, s'apercevant que les financements accordés par le Premier ministre étaient proches de zéro, une loi d'orientation. Il nous est proposé aujourd'hui un vaste plan de santé publique sans cohérence, logique ni moyens. Ce texte si important, adopté en conseil des ministres en mai 2003 et examiné par notre commission des affaires sociales fin septembre 2003 et en séance publique dans les premiers jours d'octobre, aura donc attendu jusqu'au 30 juillet 2004 pour être voté.

Ce projet de loi juxtapose des mesures diverses et variées, d'ordre sanitaire. C'est très loin du plan stratégique qui est nécessaire, mais, compte tenu du manque de moyens général de la santé publique, nous aurions pu le soutenir.

Comme toutes les associations d'usagers du système de santé et comme de nombreux professionnels de santé, nous aurions voulu croire à la démarche du Gouvernement et souhaité des engagements clairs, des orientations précises. Mais devant le vide de ce texte, nous ne pouvons pas accorder notre assentiment.

Il n'est qu'un prétexte à une réorganisation régionale de la santé. Vous prétendiez lancer une politique nationale, dirigée par l'Etat et articulée au niveau régional, mais sous couvert d'articulation, vous créez en réalité un outil de contrôle financier de la politique régionale de santé, d'où seront évacués les usagers et les élus. Les seuls conseilleurs seront les payeurs  !

Cet échelon sera censé mettre en œuvre les programmes correspondant aux 103 priorités. 1O3  ! A prétendre trop faire, on ne fait rien.

Lorsque des propositions sont introduites par les parlementaires, leur portée est immédiatement réduite  : voyez les mesures contre l'alcoolisme ou contre l'obésité et voyez la manière dont la majorité sénatoriale a cédé aux pressions des grands groupes agroalimentaires.

Ce texte ne contient rien ou si peu sur la médecine scolaire, alors que tous les professionnels s'accordent à dire que le diagnostic précoce est fondamental. Rien ou si peu, alors que 7 000 à 20 000 cas de cancers sont suspectés d'être d'origine professionnelle. Comment prétendre porter une loi de santé publique alors qu'il n'y a que 450 postes de médecins inspecteurs pour tout le territoire.

Toutes ces insuffisances s'inscrivent dans un contexte caractérisé par l'annonce de la suppression de plusieurs milliers de postes et par la réforme que l'on sait de l'assurance maladie.

En s'attaquant à l'Aide médicale d'Etat, pour des raisons purement idéologiques et qui flattent la xénophobie, le Gouvernement a pris une décision qui va carrément à l'encontre de la santé publique, laquelle suppose que l'ensemble des habitants de notre pays ait accès aux soins.

La santé publique souffrira aussi beaucoup de l'abandon de la recherche.

Tous ces manques contrarieront, à n'en pas douter, la réalisation de vos beaux objectifs. Pire, ils feront que ce projet ne permettra pas d'inverser le cours des choses. Une loi de santé publique ne doit pas se payer de mots. Or, c'est ce que celle-ci fait. Nous ne voyons donc pas d'où viendront les moyens, sinon d'une mise à contribution des régions, au risque de creuser encore davantage les inégalités régionales en matière de santé.

Le titre V du projet est tout à fait surréaliste. A l'origine, il contenait quelques articles en rapport avec la santé publique. Au final, il y en a pour tout le monde, comme si vous aviez voulu tout régler en ce dernier jour de session extraordinaire, au prix d'un raz-de-marée législatif. Par contre, nos propositions en faveur de la santé publique ont toutes été balayées d'un revers de main, qu'il s'agisse de la visite médicale scolaire annuelle, du plan santé travail ou du développement d'actions d'éducation à la santé, pour ne citer que celles-ci.

Dans ces conditions, nous finissons cette session extraordinaire d'une bien triste façon. Après la réforme inique de l'assurance maladie et celle, empreinte d'autoritarisme, de la décentralisation, le Gouvernement nous présente la coquille vide de la santé publique  !

La santé publique mérite pourtant une véritable attention politique et une véritable ambition. Il y va en effet de l'intérêt général, tant sanitaire que social et économique. En matière de santé, rien n'est plus coûteux que l'imprévision et le sacrifice de la prévention. Nous déplorons que le Gouvernement ne nous propose ici qu'un placebo, et nous voterons contre ce texte sans financement et sans ambition (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre-Louis Fagniez - Le texte sur la politique de santé publique, élaboré le 28 juillet dernier par la commission mixte paritaire, est porteur d'enjeux fondamentaux pour l'évolution de notre système de santé. A ce stade de la discussion parlementaire, je ne reviendrai pas sur son économie générale mais me limiterai à saluer le caractère fondateur de la démarche engagée.

L'ambition de ce texte est en effet de doter notre pays d'une véritable culture de santé publique, étant entendu que jusqu'à présent le système de santé français s'est trop exclusivement tourné vers le curatif, avec certes des résultats formidables en ce domaine mais avec des résultats peu satisfaisants dans le domaine de la prévention.

Alors que notre assemblée vient de se prononcer sur le projet relatif à la réforme de l'assurance maladie issu de la CMP, je suis heureux de constater que l'objectif commun de ces deux textes fondamentaux est bel et bien d'améliorer les comportements des acteurs de notre système de soins.

La réforme de l'assurance maladie ne pourra donner pleinement satisfaction sans une amélioration de la qualité des soins. Or, comment mieux promouvoir celle-ci qu'en insufflant une véritable culture de santé publique  ?

C'est à l'Etat que reviendra la responsabilité de piloter les programmes d'action répondant aux grands enjeux de santé publique. Le projet de loi clarifie cette responsabilité et définit les moyens d'action correspondants, notamment en cas de crise sanitaire grave. L'organisation proposée par ce texte à l'échelle régionale est déterminante, car ce sont bien les acteurs régionaux qui auront la charge de promouvoir des programmes de santé aptes à atteindre les objectifs jugés prioritaires.

J'ai écouté avec intérêt ce que vous avez dit concernant la recherche, Monsieur le ministre, et je suis très satisfait des avancées relatives aux protocoles inclus dans les soins courants. Mais dans le cas des personnes qui ne sont pas sous tutelle et qui ne sont pas en état de donner leur consentement, il faudra bien veiller à ce que le Comité de protection des personnes - auquel il appartiendra finalement d'évaluer s'il y a ou non un risque sérieux - ne se tourne pas systématiquement vers le juge des tutelles, qui constitue certes un élément protecteur mais qui n'a en fait rien à voir puisque les personnes en question ne sont pas sous tutelle.

Ambitieux dès l'origine, ce projet a aussi accru son champ d'action au fil de l'actualité, avec notamment les mesures consécutives à la canicule ou, à l'approche de l'été, des dispositions visant à limiter la consommation des premix ou à sécuriser les produits de tatouage. De nombreux articles additionnels ont enrichi le texte, je pense en particulier à celui sur la formation des psychothérapeutes, qui a mis un terme à une longue mais utile discussion.

Cet enrichissement incessant du texte devrait d'ailleurs nous conduire à nous interroger sur l'opportunité d'étudier plus régulièrement des DMOS, car s'il est un domaine où notre législation gagnerait à pouvoir être plus régulièrement adaptée et modernisée, c'est bien celui de la santé publique.

Et c'est sur certains ajouts au projet initial que les discussions les plus intenses ont porté. Je pense en particulier à la lutte contre l'obésité chez les jeunes, fléau dont l'Académie de médecine estime qu'il pourrait toucher 25  % des enfants d'ici 2020. Ce nouvel enjeu de santé publique a fait l'objet de dispositions sur lesquelles la CMP a dû se prononcer. SI la CMP a opté pour l'interdiction pure et simple des distributeurs dans les établissements scolaires et pour qu'un message diététique apparaisse dans la publicité pour certains produits alimentaires et boissons, il reste qu'aucune interdiction, aucun avertissement ne pourront jamais se substituer au rôle incomparable des familles (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet, en appelant de ses vœux une mise en application aussi rapide que possible (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Avant de passer au vote sur le texte de la commission mixte paritaire, je vais vous demander d'examiner les amendements dont je suis saisi.

M. le Ministre - L'amendement 2 traite d'un sujet très important, la lutte contre l'obésité, et je voudrais vous dire, Monsieur Le Guen, que nous n'avons aucune leçon à recevoir en ce domaine.

Je rappelle que c'est nous qui avons pris l'initiative d'augmenter le prix du tabac pour lutter contre le tabagisme et sans craindre de mécontenter les buralistes. Il en sera de même dans la lutte contre l'obésité puisque nous voulons supprimer les distributeurs de produits sucrés dans les établissements scolaires.

Mme Catherine Génisson - Vous avez refusé de le faire en première lecture !

M. Jean-Marie Le Guen - J'avais alors proposé un amendement qui allait en ce sens, vous l'avez repoussé.

M. le Ministre - C'est exact. Vous constaterez ainsi que nous ne sommes pas sectaires. Nous avons de plus précisément affirmé que les distributeurs devraient être interdits dans les collèges, les lycées et les établissements primaires.

Concernant la publicité à la télévision, soit nous ajoutons un contre-message, équivalent en durée, à toute promotion de ce type de produits afin de favoriser la politique de santé, soit nous établissons une taxe de 1,5 % sur chaque publicité de ce type comme l'a proposé le Sénat. L'Institut national de la promotion et de l'éducation à la santé pourra ainsi bénéficier de 13 millions d'euros supplémentaires par an, ce qui me paraît très positif.

En CMP, le groupe socialiste a demandé que la taxe soit de 7,5 %, puis M. Bur a proposé de la porter à 5 % car les entreprises, face à un taux aussi important, seraient amenées à choisir le financement des contre-messages télévisuels. Or, je ne crois pas à ce type de message.

M. Gérard Bapt - C'est pourtant ce que vous aviez initialement proposé !

M. le Ministre - J'ai la simplicité de dire que sur ce point, j'ai évolué.

Je crois en revanche, et c'est le sens de l'amendement 3, qu'il importe de garder un taux de 1,5 % pour abonder le fonds de l'INPES. Quant à l'amendement 2, il tend à supprimer les mots : « validée par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé » dans la première phrase du premier alinéa. L'amendement 4 apporte une précision.

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement tend à détruire la politique de santé publique pour mieux complaire aux industriels alors qu'il faudrait au contraire les persuader de la nécessité d'une culture de santé publique. La petite cotisation que vous imposez, au contraire, les libèrera et ils feront ce qu'ils voudront.

M. le Ministre - Vous n'avez rien fait, vous !

M. Jean-Marie Le Guen - Les enjeux ont évolué depuis que nous étions au pouvoir. Ce n'est pas le problème de savoir ce qu'ont fait ou non les uns et les autres en 1998 !

L'effort demandé aux industriels est insignifiant, c'est une ridicule aumône. De la part du Gouvernement, il ne s'agit pas d'un recul mais une débandade en rase campagne. Pourtant, ce que nous proposons ne remettrait pas en cause les grands équilibres économiques.

Nous avons tous été d'accord sur le diagnostic et la solution à envisager. Allez-vous maintenant vous soumettre aux lobbies ? Chacun doit se poser la question en son âme et conscience : qu'est-ce qui est bon pour la santé publique ?

M. le Rapporteur - A titre personnel, je suis en faveur des contre-messages télévisuels. Je soutiens l'amendement 2.

A titre personnel également, je suis défavorable à la taxe, mais je comprends les arguments du Gouvernement pour le développement de l'INPES.

M. le Ministre - La taxe est en effet essentielle pour financer l'INPES. Je prends par ailleurs l'engagement que le financement par l'Etat ne diminuera pas.

Monsieur Le Guen, vous avez été au pouvoir entre 1997 et 2002 - je ne parle pas des vingt dernières années - et vous et vos amis avez été incapables de mettre en place une politique d'éducation à la santé. Vos propos sont pour le moins déplacés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne relève même pas !

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 3 - qui a déjà été défendu -, je suis saisi à l'instant par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Gérard Bapt - Monsieur le ministre, vous n'êtes plus à une contradiction près. Si vous voulez vraiment aider l'INPES à diffuser des messages de santé, faites plutôt adopter une taxe supplémentaire !

Quant à vos reproches d'inaction à l'endroit du groupe socialiste, ils sont extrêmement injustes. Vous avez oublié les grands plans d'éducation à la santé lancés en 1998 et 1999. S'agissant plus précisément de l'obésité, il faut être conscient du fait que nous n'avons mesuré que très récemment l'ampleur du risque de santé publique que faisait courir l'épidémie d'obésité juvénile. Très actif, le groupe d'études parlementaire qui se réunit sur ce sujet a été constitué il y a moins d'un an. M. Fagniez tend à renvoyer aux familles la responsabilité exclusive de l'obésité de certains jeunes. C'est tirer des conclusions un peu hâtives. Pour être maire d'une commune engagée dans un programme expérimental de lutte contre l'obésité juvénile...

M. le Président - Evreux y participe aussi !

M. Gérard Bapt - Je m'en réjouis. Je puis donc témoigner que le degré d'information des familles est proche de zéro et que, comme par hasard, c'est dans les écoles classées en ZEP que la prévalence de l'obésité infantile est la plus forte. D'où la nécessité de proposer des repas équilibrés dans les cantines scolaires et d'assurer la gratuité des repas pour les plus démunis. Ces sujets font désormais l'objet d'études approfondies. Il est un peu léger de renvoyer à l'improbable responsabilité du gouvernement précédent ou à celle des familles.

A la majorité de 29 voix contre 10 sur 43 votants et 39 suffrages exprimés, l'amendement 3 est adopté.

M. le Président - Je rappelle que l'amendement 4 a déjà été défendu.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est scandaleux de faire porter aux familles la responsabilité de l'obésité juvénile. Ce qui est sûr, c'est que le Gouvernement ne prend pas ses responsabilités.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés, mis aux voix, est adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Prochaine séance, cet après-midi à 15 heures 15.

La séance est levée à 13 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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