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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 1er jour de séance, 3ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 1er OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 2

      RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 2002 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 6

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 20

      NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE 23

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 24

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 2 OCTOBRE 2003 26

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 17 octobre 2003 inclus a été fixé cet après-midi en Conférence des présidents.

J'attire votre attention sur le fait que la séance de mardi prochain, matin, sera, sur proposition de la Conférence des présidents, consacrée à la discussion des conclusions de la commission des affaires culturelles sur la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule.

La Conférence des présidents a également arrêté le calendrier de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 et été informée par le Gouvernement du programme de travail pour les prochains mois.

Ces documents seront annexés au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour sept projets de ratification de conventions internationales inscrits à l'ordre du jour du jeudi 9 octobre.

En outre, la Conférence des présidents a décidé de deux votes solennels : sur le projet de loi relatif à la santé publique, le mardi 14 octobre, et sur la première partie du projet de loi de finances pour 2004, le mardi 21 octobre. Ces deux votes auront lieu après les questions au Gouvernement.

Enfin, la Conférence des présidents a décidé la création d'une mission d'information sur l'accompagnement de la fin de vie.

RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 2002

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2002.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Le projet de loi de règlement du budget de 2002 vous est soumis dès le premier jour de la session ordinaire. Nous en débattons donc avant d'aborder l'examen du projet de loi de finances pour 2004, conformément à la loi organique. Au reste, nous sommes mêmes allés au-delà puisque les membres de la commission des finances se rappellent sûrement que je suis venu leur présenter dès le 6 février dernier les résultats de l'année 2002. Les parlementaires ont ainsi été les premiers informés, contrairement à la pratique habituelle des communiqués de presse ou des communications en conseil des ministres.

A cette occasion, je m'étais longuement expliqué sur la gestion de l'exercice 2002.

J'y reviens cependant aujourd'hui, pour vous exposer les enseignements que le Gouvernement a tirés de 2002, pour l'exécution 2003 et pour la construction du projet pour 2004.

Premier constat, la situation de nos finances publiques s'est profondément détériorée en 2002. 2001 avait déjà été marqué par une inflexion de tendance : le déficit budgétaire avait cessé de s'améliorer et s'était même dégradé de 3 milliards d'euros, cependant que le déficit des administrations publiques passait de 1,3 % à 1,4 % du PIB. La dégradation s'est amplifiée en 2002, avec un déficit budgétaire creusé de 17 milliards d'euros par rapport à 2001. Au regard de la loi de finances initiale pour 2002, le creusement du déficit s'élève à quasiment 19 milliards d'euros. Atteignant 3,1 % du PIB, les déficits publics ont plus que doublé par rapport à 2001.

Les causes d'une telle dégradation sont connues. Deux facteurs principaux y ont concouru.

D'abord, les recettes fiscales ont été inférieures de 4,6 milliards d'euros à celles encaissées en 2001, et de 10 milliards d'euros par rapport à celles prévues en loi de finances initiale pour 2002. Dès lors que la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu ne représente qu'un quart de cet écart, l'essentiel est ailleurs et réside dans les moins values d'impôt sur les sociétés - en réduction de 3 milliards d'euros entre 2001 et 2002 et en écart d'une somme comparable à la LFI à l'exécution 2002. S'y ajoute la très faible progression de la TVA et de la TIPP, très sensibles à la conjoncture économique.

Une seconde cause réside dans le dérapage constaté sur les dépenses. Il s'élève à 7 milliards d'euros entre l'exécution et la LFI 2002 et a quatre origines : les sous budgétisations de la loi de finances initiale, la volonté du Gouvernement d'apurer les dettes de l'Etat - notamment vis-à-vis de la sécurité sociale -, des consommations de crédits reportés des exercices précédents, et enfin, pour une petite partie, des décisions discrétionnaires visant à rétablir l'Etat dans ses missions régaliennes de sécurité et de défense. Le montant de ces décisions peut être évalué à 600 millions d'euros.

La part que le présent Gouvernement assume dans les déficits de 2002 est donc, comptablement, d'environ 3 milliards d'euros (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), à comparer à une aggravation totale de 17 milliards d'euros par rapport à 2001 et de 19 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale 2002.

M. Augustin Bonrepaux - A vous entendre, vous n'êtes responsable de rien !

M. le Ministre délégué - Cette somme de 3 milliards d'euros a permis, en retour, de commencer à améliorer les moyens consacrés à la sécurité des Français et d'amorcer un programme de baisse d'impôt destiné à remettre à l'honneur, dans notre pays, l'encouragement au travail et à l'effort (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Emmanuelli - On voit le résultat !

M. le Ministre délégué - Tel était le cap du Gouvernement. Nous l'avons intégralement maintenu en 2003. Nous le tiendrons en 2004. Au total, nous aurons baissé de 10 % l'impôt sur le revenu ; nous consacrerons à nos priorités 4 milliards d'euros supplémentaires en 2004 par rapport à 2002, au profit essentiellement de la sécurité des Français.

En revanche, le Gouvernement ne se résigne pas à la fatalité d'un déficit qui s'aggrave et cela me conduit à évoquer, au-delà des chiffres, les enseignements de la gestion 2002.

Le premier a trait à la nécessité, pour l'avenir, d'améliorer notre déficit structurel. En effet, lorsqu'on est en phase haute du cycle, on peut se tromper et ne pas mesurer qu'on n'accomplit aucun effort pour résorber le déficit.

M. Didier Migaud - On a des exemples !

M. le Ministre délégué - Notamment dans la période 1998-2000 !

Lors de la présentation du PLF pour 2004, Francis Mer et moi avons démontré que la situation s'était dégradée entre 1999 et 2002 au point de conduire à une plongée inéluctable des déficits nominaux lors du retournement conjoncturel (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Rappelons que dans les années 1999-2002, plus de 20 milliards d'euros de dépenses nouvelles pérennes ont été créées : 35 heures, CMU, APA, aide médicale d'Etat, auxquels s'ajoutent 48 000 emplois budgétaires supplémentaires et 250 000 emplois jeunes... (Mêmes mouvements)

M. Augustin Bonrepaux - Assumez-vous la réduction de l'APA ?

M. le Ministre délégué - Ces dépenses nouvelles, c'est, chaque année, l'équivalent de plus de quatre fois ce que notre pays peut consacrer à sa justice et plus de deux fois ce qu'il peut consacrer à sa sécurité, police et gendarmerie confondues. C'est aussi, lorsque nous examinons les comptes de l'année 2002, près de la moitié des déficits publics.

Ces dépenses nouvelles, le précédent gouvernement les a créées, mais il ne les a pas financées (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Ainsi, l'allocation personnalisée d'autonomie, qui coûte 3,7 milliards d'euros était sous-financée à concurrence de 1,2 milliard d'euros. L'aide médicale d'Etat, dotée de seulement 50 millions d'euros en loi de finances 2002 aura coûté en réalité six fois plus ! Confronté à ces dépenses pérennes, le Gouvernement ne baisse pas les bras ; il entreprend de redresser la situation.

C'est ainsi que nous aurons, en 2003 et 2004, commencé à réduire les effectifs de l'Etat de près de 6 000 emplois, en ne remplaçant pas automatiquement les départs à la retraite. A terme, nous retrouverons, ainsi, des marges de man_uvre budgétaires, sans altérer la qualité du service offert aux Français et sans renoncer aux créations d'emplois indispensables qu'attendent nos compatriotes au profit de leur sécurité et de leur justice.

C'est ainsi que nous mettons un terme au dispositif des emplois jeunes, ce qui nous permet de diminuer de 1,2 milliard d'euros chaque année les dépenses de l'Etat. Nous avons fait, en effet, le choix d'une politique de l'emploi résolument tournée vers l'encouragement à l'emploi marchand, avec les allégements de charges et la progression du SMIC, la création du revenu minimum d'activité, l'augmentation de la prime pour l'emploi et le nouveau contrat jeune en entreprise.

En 2002, il n'était évidemment pas possible de respecter l'autorisation parlementaire initiale, et le Gouvernement vous avait d'emblée soumis un collectif budgétaire majorant de 5 milliards les dépenses pour faire face aux sous-budgétisations et apurer les dettes. La loi de finances 2003, en revanche, sera exécutée conformément à l'autorisation parlementaire. Nous avons, à cet effet, constitué une réserve de précaution de 4 milliards et mis en réserve 7 milliards de crédits reportés des gestions précédentes. Sur ces sommes, 1,4 milliard ont déjà été annulés ; une série de décrets dont votre commission des finances vient d'être saisie portera bientôt à 2,8 milliards le total des annulations. Nous poursuivrons cette action en collectif de fin d'année, afin de ramener les crédits de report à un niveau raisonnable. La gestion 2002 nous a en effet enseigné les déséquilibres que peuvent engendrer ces crédits en exécution.

Nous atteindrons nos objectifs de maîtrise de la dépense, pourvu que tous soient convaincus qu'il y a va de l'intérêt supérieur de l'Etat. Je sais pouvoir compter sur la commission des finances pour le rappeler autant de fois que nécessaire.

Au-delà de l'exécution budgétaire proprement dite, je rappelle que le compte général de l'administration des finances contient, cette année, trois documents évaluant les engagements financiers de l'Etat au titre des pensions des fonctionnaires, des garanties accordées par l'Etat et des engagements en matière d'épargne logement.

Les engagements au titre des pensions à servir ultérieurement aux fonctionnaires en activité s'élèvent à 700 milliards ; ce chiffre dépend du taux d'actualisation retenu et n'est pas en lui-même inquiétant, mais il le serait devenu si la réforme des retraites n'avait pas été adoptée. Il conviendra de surveiller son évolution ; à cet égard, notre volonté de maîtriser les effectifs constitue la meilleure protection contre le développement incontrôlé du « hors bilan » de l'Etat.

S'agissant des garanties, nous aurons un débat en collectif de fin d'année, puisque le Gouvernement a l'intention de vous soumettre un article autorisant de manière expresse toutes les garanties données par l'Etat, conformément à la loi organique.

Enfin, le compte général de l'administration des finances évalue à 10 milliards en 2002 les engagements pris en matière d'épargne logement. Le Gouvernement se félicite que ceux-ci puissent se réduire à l'avenir, la prime versée par l'Etat étant désormais, à l'initiative du Parlement, réservée à ceux qui contractent un emprunt pour acquérir un logement.

Par ce projet de loi de règlement, le Gouvernement vous propose de prendre acte des résultats de l'exécution budgétaire 2002, ainsi que d'autoriser le transport au découvert du Trésor du résultat d'opérations non budgétaires traditionnelles, notamment des pertes sur emprunts de 1,4 milliards d'euros et des annulations de dettes portant sur 585 millions d'euros. Au cours de cette année difficile pour nos finances publiques, nous avons amorcé une politique favorable à la France et aux Français, dont la poursuite nous permettra d'assainir en profondeur notre situation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Un projet de loi de règlement procède aux constatations comptables et aux derniers ajustements de crédits permettant d'apurer la gestion budgétaire, conformément à l'article 35 de l'ordonnance de 1959.

Les ouvertures demandées pour le budget général sont d'un montant plus faible que pour les exercices antérieurs : 979 millions. Tous les dépassements de crédits intéressent des chapitres dotés de crédits évaluatifs et sont concentrés sur les dépenses civiles. Comme les années précédentes, la part la plus importante des dépassements provient du budget des charges communes, au titre de la dette publique.

Les annulations proposées atteignent 2,23 milliards. Pour un peu plus du tiers, ces ajustements visent les remboursements de TVA et de TIPP, et pour un peu moins d'un tiers, des crédits de fonctionnement, en particulier les crédits de rémunération inscrits au budget des charges communes.

Ce projet, formellement très classique, ne comporte aucune disposition tendant à reconnaître l'utilité publique de dépenses comprises dans une gestion de fait.

Sa discussion doit être le point de départ de la discussion budgétaire, comme le veut la loi organique du 1er août 2001 : les enseignements tirés de la gestion de 2002 doivent éclairer les choix à faire pour 2004.

Le budget 2002, dernier préparé par la majorité socialiste, a pour caractéristique le dérapage de la dépense publique, à hauteur de 4,5 % par rapport à 2001. La situation calamiteuse dont nous avons hérité au printemps 2002 a été parfaitement mise en évidence par le rapport Bonnet-Nasse (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il a fallu, dès la session extraordinaire de juillet, ouvrir la bagatelle de 5 milliards de crédits supplémentaires pour faire face à des dépenses oubliées ou manifestement sous-estimées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). RMI : 700 millions ; aide médicale d'Etat : 445 millions, soit une multiplication par 7 au crédit initialement prévu ; CMU : 220 millions ; allocation aux adultes handicapés : 150 millions ; compensation d'exonérations de cotisations sociales : 475 millions. Et je n'insiste pas sur la prime de Noël versée sans financement en 2000, et en 2001, et bien sûr non budgétée en 2002 !

En réalité, le budget 2002 approuvé par la précédente majorité n'a fait qu'amplifier le gonflement systématique de la dépense publique pratiquée pendant toute la dernière législature et dissimulé par tous les moyens, telle la création du FOREC qui a occulté le coût massif des 35 heures, tels les transferts de dépenses aux collectivités locales avec la transformation de la PSD en APA.

M. Augustin Bonrepaux - Le regrettez-vous pour les personnes âgées ?

M. le Rapporteur général - La gravité de ce gonflement a été dissimulée par les surplus temporaires d'une croissance internationale très favorable. Autrement dit, on a financé des dépenses à crédit.

Or, dès 2001, la croissance s'est ralentie et les déficits ont commencé à se creuser. En 2002, le ralentissement de la conjoncture s'est accentué, réduisant encore le volume des recettes. Hors mesures nouvelles, les recettes fiscales n'ont ainsi progressé que de 0,2 %, alors qu'elles avaient augmenté spontanément de plus de 7 % en moyenne entre 1998 et 2001. En 2002 apparaissent également les premiers signes de l'impossibilité de solliciter les recettes non fiscales : leur contribution devait augmenter de 13 % selon la loi de finances initiale, mais on n'atteint que 4,5 %...

Le déficit atteint ainsi 49,3 milliards, amplifiant la dérive observée en 2001. La réduction du déficit entre 1998 et 2000 avait été permise par des recettes fiscales temporaires et par des prélèvements en tous genres sur les organismes les plus divers - ce qui avait conduit à la fameuse « cagnotte » que vous avez dilapidée en dépenses nouvelles au lieu de l'affecter à la réduction de la dette (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Malgré des taux d'intérêt très bas, les frais financiers de la dette progressent de 3,5 % en 2002. La dette est passée de 56,8 % du PIB fin 2001 à 59 % fin 2002. Sa réduction doit donc mobiliser toute notre attention, tant les évolutions peuvent être rapides.

Au total, le budget de 2002 confirme que, sous la précédente législature, l'engagement pris de réduire les déficits n'a pas été tenu. De ces déboires, nous devons tirer quelques enseignements. Tout d'abord, il ne peut y avoir de baisse durable de l'impôt sans maîtrise corrélative des dépenses (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). La baisse des prélèvements est indispensable pour relancer la croissance, mais les fruits de celle-ci ne doivent pas être dilapidés comme ce fut le cas en 1999 de la fameuse « cagnotte ». C'est toute la stratégie budgétaire de ce Gouvernement...

M. Henri Emmanuelli - Il n'en a pas.

M. le Rapporteur général - C'est une bonne stratégie, la seule responsable.

Deuxième enseignement à tirer de l'exécution du budget de 2002 : la dépense doit être tenue. Il faut pour cela des prévisions sincères et transparentes : ce gouvernement en a la volonté, et je vous félicite, Monsieur le ministre, tant de la clarification apportée par la rebudgétisation du FOREC que de l'application rigoureuse de la loi organique de 2001. Des prévisions sincères ayant été établies, il faut ensuite que les enveloppes votées soient strictement respectées. Toute dépense nouvelle doit être compensée par une économie ou un redéploiement. Ce gouvernement a jusqu'à présent géré rigoureusement les 273,8 milliards d'euros votés l'an passé, il ne faut pas dépenser un euro de plus. Il y va de la crédibilité de notre politique budgétaire, laquelle tranche avec celle, peu responsable, du gouvernement précédent (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

En 2004, le choix de stabiliser la dépense publique à son niveau de 2003 est le seul possible. Il doit toutefois s'accompagner d'une profonde réforme de l'Etat : suppression des procédures et organismes inutiles, gains de productivité, rémunération au mérite, autant d'objectifs qui ne sont plus tabous dans l'administration. Sachez que la commission des finances est très vigilante sur cet effort qui doit nous conduire à dépenser moins en dépensant mieux.

A la lumière de ces observations, elle vous propose d'adopter le projet de loi de règlement définitif du budget de 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité.

M. Didier Migaud - Il n'est pas courant qu'une exception d'irrecevabilité soit soulevée contre un projet de règlement. Le ministre a évoqué tout à l'heure la loi organique de 2001 : c'est précisément en référence à elle que je défends cette motion. Par cette loi organique, le Parlement a voulu revaloriser l'examen des projets de lois de règlement qui, seuls, permettent d'examiner les conditions de l'exécution réelle d'une loi de finances, au-delà des affichages du projet initial.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention le rapporteur général. Qu'il me permette de lui faire gentiment observer que ce n'est pas parce que l'on hausse le ton que l'on est davantage écouté ou que l'on a davantage raison... Il a très sévèrement critiqué l'exécution du budget de 2002. Que dira-t-il l'année prochaine sur l'exécution du budget de 2003, alors que la situation de nos finances publiques s'est dégradée bien davantage ?

Avoir pensé n'attribuer au principal groupe de l'opposition que quinze minutes dans la discussion générale de ce projet de loi de règlement n'était pas sérieux, surtout lorsqu'il s'agit d'examiner l'exécution d'une loi de finances préparée par un gouvernement mais exécutée par un autre. Devant notre insistance, la Conférence des présidents a accepté de modifier les temps de parole accordés à chacun. Il nous faudra toutefois réfléchir à de nouvelles procédures d'examen des projets de loi de règlement pour débattre réellement de l'exécution des budgets.

L'exécution du budget de 2002 constitue l'acte fondateur de l'action du gouvernement Raffarin en matière de finances publiques, dont on sait où elle nous a menés. Son examen doit donc nous permettre de comprendre pourquoi, en moins de deux ans, la situation s'est autant dégradée avec l'explosion de la dette publique et l'emballement des dépenses publiques qui, ne vous en déplaise, Monsieur le rapporteur général, ont atteint 54,3 % du PIB en 2003. Cette situation découle directement des erreurs fondamentales de stratégie du Gouvernement et de son attitude peu responsable au lendemain de la victoire de juin 2002 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). M. Bayrou est allé encore plus loin, le traitant d'irresponsable.

Alors que de 1999 à 2001 le montant du déficit budgétaire avait été contenu aux alentours de 30 milliards d'euros , il est passé à 49,3 milliards pour l'exercice 2002, et même à 50,8 milliards si l'on intègre la période complémentaire. Soit une dégradation de 55 % ! La pente est rude en effet, et force est de constater que nous ne l'empruntons pas dans le bon sens, puisque cette dérive inexorable se poursuit en 2003, avec une nouvelle dégradation de 25 %. La dette publique dépasse aujourd'hui 1000 milliards d'euros alors que nous avions, nous, réussi, pour la première fois depuis vingt ans, à en faire reculer le poids.

Comment en est-on arrivé là ? La comparaison avec 1997 est éclairante. Vous avez trouvé, comme nous-mêmes en 1997, un budget initial préparé par un autre gouvernement et, comme nous, diligenté un audit indépendant pour évaluer les écarts potentiels avec ce budget, puis eu la maîtrise de la situation pour assumer vos choix budgétaires et financer vos priorités. Le parallèle, hélas, s'arrête là. Lionel Jospin s'était, lui, déclaré totalement responsable de la politique économique à partir de juin 1997. Je regrette que vous n'ayez pas eu la même élégance.

Les résultats de l'audit de 1997 étaient sans appel. Alors que la loi de finances initiale était censée conduire à un déficit représentant 3 % du PIB, l'audit montrait que l'on s'acheminait plutôt vers un déficit nettement supérieur à 4 %. Le Premier ministre sortant l'avait d'ailleurs lui-même reconnu dans une lettre laissée à son successeur, et demeurée célèbre. L'écart était essentiellement dû à l'ampleur des dépenses annoncées et à une forte surévaluation des recettes attendues. Le gouvernement de Lionel Jospin a dès lors pris ses responsabilités et permis de qualifier, in extremis, la France pour l'euro en ramenant le déficit à 3 % du PIB en fin d'année.

Plusieurs députés UMP - Et le retour de la croissance ?

M. Didier Migaud - Rengaine ! Vous ne cessez de dire que nous avons eu de la chance. C'est oublier que de 1993 à 1997 la croissance mondiale a été plus forte que de 1997 à 2002 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). C'est oublier que nous avons su forcer le destin et favoriser le retour de la croissance, alors même que la conjoncture internationale n'était pas plus favorable que lorsque vous étiez au pouvoir.

Plusieurs députés UMP - C'est faux !

M. Didier Migaud - Pourquoi donc à chaque fois que vous êtes au pouvoir, les résultats économiques de la France sont-ils systématiquement inférieurs à la moyenne de ceux de ses partenaires européens ? Au contraire, de 1997 à 2002, nos performances ont été meilleures que celles de nos voisins.

M. Michel Bouvard - C'était du dopage !

M. Didier Migaud - Trêve donc de leçons et de rengaines éculées !

En 2002, l'audit avait prévu un déficit se situant entre 2,4 % et 2,6 % du PIB. Vous avez retenu l'hypothèse la plus pessimiste, histoire sans doute d'établir la responsabilité du gouvernement précédent dans la situation. Mais l'audit était pourtant parfaitement objectif.

Vous avez opté pour l'hypothèse la plus pessimiste, soit 2,6 %, mais l'année s'est achevée avec un déficit de 3,1 % ! Et cette dégradation n'est pas le fait de la conjoncture, ainsi qu'en attestent vos propres documents, outre ceux de la Cour des comptes et de la Commission européenne - car l'opposition n'est pas la seule à se montrer sévère avec votre gestion. Ils établissent que la dégradation résulte pour une part de notre choix de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, dont nous assumons l'entière responsabilité et qui a porté le déficit à 2 %, et, pour les deux tiers, d'une volonté délibérée de votre part ! Le Gouvernement a « laissé filer » le déficit, ainsi que l'affirme la Cour des comptes, pour noircir le bilan du précédent gouvernement et refaire le coup de l'héritage.

M. Michel Bouvard - La citation de la Cour des comptes s'arrête au début de la phrase !

M. Didier Migaud - Au-delà de 2 %, le creusement du déficit est entièrement dû à vos décisions : baisse de l'impôt sur le revenu, emballement des dépenses de sécurité sociale, dépenses militaires déraisonnables, sans parler du report de la créance de l'Etat sur l'Unedic... Le tout représente non pas 3 mais 15 milliards, dont la moitié sur le seul budget de l'Etat.

Certaines décisions ont, sans avoir aucun effet sur le solde des finances publiques, entraîné elles aussi le creusement du déficit. Ainsi, des ouvertures nettes de crédits ont éteint près de 2 milliards de créances des organismes de sécurité sociale et l'encaissement de la créance de 1,3 milliard de l'Etat sur l'Unedic a été reporté en 2003. Ces décisions ne deviennent compréhensibles que dans l'optique de dégrader artificiellement l'héritage budgétaire. Deux décisions contraires auraient amélioré le solde budgétaire de plus de 3 milliards...

Les chiffres de l'exécution montrent bien la dérive des finances publiques. Les dépenses de l'Etat ont augmenté en 2002 de 4,3 %, contre 2,4 % en moyenne depuis 1998. Ce sont les moyens des services qui ont le plus progressé, avec notamment une augmentation des dépenses de fonctionnement courant de 6,2 % et des dépenses militaires de 5,3 %. Et c'est à partir de ces chiffres que vous avez construit le projet de loi de finances pour 2003 ! L'orthodoxie budgétaire aurait pourtant commandé de se baser sur le projet de loi de finances initial. Vous avez ainsi fait gravir aux dépenses publiques une marche d'escalier, et il sera difficile de redescendre. Par ailleurs, vous avez aggravé les dépenses d'assurance maladie de plus de 1,3 milliard, en multipliant les revalorisations d'honoraires sans contrepartie, créant un déficit qualifié d'« abyssal » par le ministre lui-même...

Après l'audit de 1997, nous avions mis en place une politique économique cohérente visant à assurer le respect de nos engagements européens et à soutenir la croissance par la demande intérieure. Pour combler le déficit de recettes, nous avions demandé un effort aux entreprises, par le biais d'une surtaxe de l'impôt sur les sociétés que nous avons supprimée dès que possible. Nous avions pris soin de ne pas solliciter les ménages, durement éprouvés par le gouvernement Juppé, et financé nos priorités par redéploiement.

M. le Ministre délégué - C'est à se demander pourquoi vous avez été battus au bout de cinq ans !

M. Henri Emmanuelli - Il ne vous faudra pas cinq ans ! Nous verrons en mars !

M. Didier Migaud - Surtout, nous avions su créer un « choc de confiance » qui avait débloqué les anticipations des agents économiques. Vos décisions, elles, ne font montre d'aucune stratégie. Alors que les recettes fiscales se dégradent, vous prenez le parti stupide de réduire l'impôt sur le revenu des plus aisés, creusant le déficit de 3 milliards supplémentaires en 2002 sans aucun effet, ainsi que le ministre des finances l'a dit lui-même, sur la consommation ou la croissance. Le poids de l'impôt sur le revenu est ainsi tombé en dessous de 20 % dans le total des recouvrements fiscaux, alors qu'il s'agit du seul impôt progressif de notre système... Par ailleurs, cette baisse de l'impôt provoque un recul des recettes fiscales nettes d'une année sur l'autre, ce qui n'était pas arrivé depuis 1993.

Prenant conscience, en fin d'exercice, que vous alliez dépasser les 3 % de déficit, vous avez fait flèche de tout bois en mobilisant les recettes non fiscales à un niveau jamais atteint : 35,4 milliards ! La Cour des comptes qualifie l'activité budgétaire réalisée en période complémentaire d'« intense », ce qui, lorsqu'on connaît ses habitudes sémantiques, n'est pas peu dire. Elle écrit qu'« une partie des recettes non fiscales a été mobilisée dans des conditions qui n'apportent pas de garantie quant au niveau normal de prélèvements sur les réserves que l'Etat a constituées ».

Le résultat de cette politique irresponsable - je reprends les termes de M. Bayrou - est que la dépense publique explose littéralement depuis votre arrivée. En 2001, après quatre années de progression maîtrisée, le poids de la dépense publique était de 42,6 % du PIB. En 2003, nous allons atteindre 44,3 %. Quant à la dette publique, elle culmine à un record historique : 62,8 % du PIB pour 2004, à cause de l'effet boule de neige que le Gouvernement a déclenché en 2002. Les Français vont tous supporter le fardeau de cette dette. Vous annoncez vouloir une réflexion sur ce sujet, mais nous n'en connaîtrons le résultat, comme par hasard, qu'après les prochaines échéances électorales ! Quel courage !

Dès lors, on comprend que la Commission européenne et nos partenaires aient quelque inquiétude quant aux intentions du Gouvernement et même quant à son bon sens. Nous sommes favorables à l'assouplissement des critères de Maastricht, mais votre attitude ne peut qu'amener la Commission à vous être hostile. La seule « stratégie » du Gouvernement consiste à attendre la reprise américaine...

M. Henri Emmanuelli - Et japonaise !

M. Didier Migaud - ...comme d'autres attendaient les chars américains en 1916.

M. Michel Bouvard - En 1917 !

M. Didier Migaud - Vous avez si peu confiance en vos choix que vous n'imaginez pas un instant que la croissance puisse se construire par une politique intérieure appropriée. Vous vous contentez de répéter qu'après la pluie vient le beau temps... Jamais le rapporteur général ne s'est livré à tant de caricature. Avant votre arrivé, c'était la nuit, et depuis le soleil brille !

M. Michel Bouvard - Serait-ce du Jack Lang ?

M. Didier Migaud - Tous les indicateurs sont passés au rouge, mais tout va mieux qu'avant ! Vous aurez sans doute du mal à convaincre les électeurs... Vous comprendrez donc que les membres du groupe socialiste et apparentés prennent leur distance avec les choix délibérés du Gouvernement, ou plutôt de MM. Chirac et Raffarin. Nous voterons contre ce projet de loi de règlement qui atteste de la forte dégradation des finances publiques et de décisions injustes, inefficaces et incohérentes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - M. Migaud a qualifié lui-même cette exception d'irrecevabilité d'exceptionnelle.

M. Hervé Mariton - Elle est irrecevable !

M. le Ministre délégué - En ce qui concerne l'application de la loi organique, il appartiendra à la Conférence des présidents des deux assemblées de prendre des décisions mais je pense qu'il sera intéressant de donner une place importante à la loi de règlement, qui contient des éléments très utiles pour la préparation du débat budgétaire. Il faudrait donc l'insérer dans le calendrier budgétaire.

M. Migaud nous a appelés à l'élégance, j'essaierai de ne pas le décevoir dans cette réponse.

Il a, sans doute dans un élan d'enthousiasme naturel, laissé croire que la trajectoire de croissance de la France pouvait être indépendante de celle du reste du monde, ce qui est fort imprudent. Je me suis même demandé s'il n'allait pas nous démontrer qu'il avait assaini non seulement les comptes de la France mais aussi ceux du reste de l'Union européenne, voire de tout le monde développé.

Faute d'élément justifiant l'adoption de cette exception d'irrecevabilité, je vous demande de la rejeter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Emmanuelli - C'est votre politique qui est irrecevable !

M. le Rapporteur général - J'ai fait preuve à l'instant d'indignation, en raison d'une profonde déception. M. Migaud a joué au docteur Jekyll et Mister Hyde, en faisant tour à tour _uvre admirable avec M. Lambert dans la construction de cette loi organique, et en défendant une loi de finances initiale pour 2002 que je n'ai pas digérée. A l'époque dans l'opposition, je me souviens, à propos de la prime de Noël, que nous vous avions critiqué, non pas sur les prévisions de croissance, qui sont difficiles et aléatoires, mais sur les dépenses qui doivent être sincèrement appréciées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Il serait intéressant de comparer nos résultats avec ceux des autres pays européens. Les Pays-Bas avaient ainsi, il y a dix-huit mois, au moment du transfert de pouvoirs, un déficit nul. Ils en sont aujourd'hui à 1,6 point. Comme tous les autres pays européens, nous avons, nous aussi, joué à contre-cycle, mais il aurait été plus confortable de partir d'un déficit de 0 ou 1 point.

M. Henri Emmanuelli - Il faut le dire dans ce cas !

M. le Président de la commission des finances - Nous sommes dans la moyenne des autres pays européens qui ont joué à contre-cycle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Hervé Mariton - Notre groupe votera contre cette exception, irrecevable dans l'explication même qui en a été donnée. M. Migaud cite beaucoup la Cour des comptes, mais celle-ci n'est guère élogieuse sur la gestion passée.

D'autre part, ayez l'humilité de reconnaître que les bienfaits ou les maléfices d'une nouvelle gestion politique ne sont pas immédiats. Ainsi avez-vous réussi à gaspiller les fruits de notre gestion de 1997 dans une explosion de dépenses.

En 2001, vous vous êtes surpassés dans la détérioration de la situation de l'emploi, dont la France a davantage souffert que les autres pays européens. En 2002, et la loi de règlement en témoigne, la situation se détériore encore du fait de votre gestion.

Vous parlez de comparaison avec les autres pays. Chiche ! En 2003, notre croissance comparée à celle des autres pays de l'OCDE est meilleure qu'en 2001. Il est faux de prétendre que nos résultats sont moins bons qu'ailleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous dites, Monsieur Migaud, attendre autre chose d'une loi de finances que de constater l'ambiance, sauf que vous l'avez gâchée en 1997, dégradée en 2001, et vous en avez été sanctionnés en 2002.

Au contraire, la logique du projet de loi de finances pour 2004 dont nous débattrons prochainement sera, par une meilleure maîtrise de la dépense publique, de prendre acte d'une amélioration probable de la conjoncture internationale, mais surtout de créer les conditions pour que notre pays en tire le meilleur profit. Pour toutes ces raisons, votre exception est irrecevable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Une explication de vote est-elle nécessaire quand, ni M. le ministre, ni M. le rapporteur général, ni M. Mariton n'ont répondu aux arguments de M. Migaud ?

Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire. Vous avez demandé un audit, que vous ne remettez pas en cause, et qui incluait toutes les dépenses d'ici la fin de l'année, mais également la correction de la prévision de déficit fixée alors à 2,6. Et vous en êtes à 3,1 à la fin de l'année ! Voilà le débat. Assumez vos erreurs, qui furent de diminuer les recettes et d'augmenter les dépenses, notamment militaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Nos collègues de gauche alimentent un débat incroyable ! Soyons sérieux !

Quel déficit avez-vous voté dans le budget présenté par M. Fabius ? 32 milliards. Nous en sommes à 50 dans la loi de règlement. A qui est imputable cette dérive ? Grosso modo, trois milliards sont imputables à la nouvelle majorité, et quinze à vos surévaluations de recettes et à vos sous-estimations de dépenses. Voilà les chiffres des gens honnêtes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Comment s'expliquer cette dérive ? Par une totale surestimation de la croissance à 2,5 % au lieu de 1,2 %.

Certes, vous pouvez nous rétorquer que nous avions prévu 2,3 alors que nous terminons à 0,3. Vous aurez au moins l'honnêteté de reconnaître que le porte-parole de l'UDF l'a dit.

Surestimation de la croissance et des recettes, nombreux chapitres sous-dotés, le rapporteur général l'a déjà dit. Plus grave, et une analyse de la Commission européenne le montre, le déficit structurel n'a pas diminué entre 1997 et 2002, et est resté autour de 2,4 % du PIB. Vous avez totalement gâché les fruits de la croissance.

Par ailleurs, quel est le niveau du déficit au-delà duquel on ne peut plus maintenir le poids de la dette publique dans la richesse nationale ? 1,4 %. Vous avez été constamment au-dessus d'au moins un point de ce seuil. Voilà la réalité.

Quand, en 1993, vous avez subi une défaite électorale, vous nous avez laissé des finances publiques avec un déficit de 6,3 %, que nous avons redressées à 3,3 %. Si vous aviez accompli le même travail, nous serions aujourd'hui à l'équilibre budgétaire. Si notre gestion s'avérait aussi laxiste que la vôtre, de retour au pouvoir, vous seriez face à une situation impossible. Aussi l'UDF affirme-t-elle la nécessité absolue d'une réforme structurelle de la dépense publique, et a-t-elle approuvé la réforme des retraites et de l'assurance-maladie qui vient, hélas, avec un an de retard.

Et il faudra aussi avoir le courage de réformer les 35 heures. Il faut aussi continuer à réformer l'Etat, et on ne le fait pas assez vite. Telle est la dure vérité, et c'et pourquoi le groupe UDF votera contre votre motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Nous passons à la discussion générale.

M. Michel Bouvard - Ce débat sur l'adoption de la loi de règlement sera revalorisé avec la mise en _uvre totale de la LOLF, puisque le Parlement pourra alors vérifier l'évolution du budget, évaluer l'efficacité de la dépense publique et la performance de l'administration et disposera d'éléments sur le patrimoine de l'Etat. Comme MM. Migaud et Carrez, je souhaite que notre Règlement soit réformé pour donner, demain, à cette discussion toute la place qu'elle méritera.

Ce soir, nous ne disposons pas de tous ces éléments. Mais la discussion est utile puisqu'elle porte sur notre situation financière à la fin de 2002 et permet de constater des dérives contre lesquelles il est nécessaire d'agir. En 2002, une majorité a préparé, voté en engagé le budget, une autre l'a rectifié et exécuté. Mais surtout, ce budget clôt la période ouverte en 1998 avec l'adoption du premier budget du gouvernement Jospin. Pendant cette période de forte croissance, le produit net fiscal est passé de 221,4 milliards d'euros à 238,7 en 1999, 240,1 en 2000, 244,9 en 2001 pour revenir à 240,2 milliards en 2002. S'y ajoutent le produits des privatisations, plus nombreuses sous la législature précédente que de 1993 à 1997. Pourtant la dette publique est passée de 87,1 milliards en 1998 à 90,7 milliards en 1999, 95,4 milliards en 2000, 100,6 milliards en 2001 et 102,6 milliards en 2002, soit une augmentation de 17,8 % sur la période. Les charges nettes de la dette, de 35,69 milliards en exécution du budget 2000, sont passées à 36,7 milliards en 2001 et 38,08 milliards à la clôture de l'exercice 2002.

Selon Eurostat, de 1996 à 2002, le pourcentage de la dépense publique par rapport au PIB a diminué de 7,2 % dans la zone euro, de 54 % en Irlande, 31 % en Suède, 30 % au Danemark et aux Pays-Bas, 28 % en Grande-Bretagne, 20 % en Espagne et 12 % en Italie ; en France il a augmenté de 3,5 %. La croissance n'a pas été utilisée pour réduire la dette.

Dans son rapport préliminaire sur l'exécution de la loi de finances pour 2002, la Cour des comptes soulignait que le budget, en l'absence de désendettement et de maîtrise des dépenses de personnel, était consommé à 55 % avant même l'engagement de toute action publique. Il est donc urgent de rompre avec un cycle infernal, même si c'est plus difficile lorsque la croissance est moindre. L'absence de maîtrise de la dépense publique est bien la marque distinctive de la période qui s'achève. Il faudrait d'ailleurs y ajouter, hors budget de l'Etat des dépenses comme les 15,58 milliards consacrés par le FOREC aux exonérations de charges sociales liées aux 35 heures, soit plus que les budgets d'investissement civils.

L' exécution du budget 2002 confirme aussi la dérive de l'emploi public, que la Cour des comptes avait relevée, précisant que ces recrutements traduisaient la nécessité d'absorber les effets de la généralisation de la réduction du temps de travail effective au 1er janvier 2002 dans la fonction publique où, en principe elle devait se faire à effectif budgétaire constant. Il s'agissait aussi de traduire en ressources humaines les décisions arrêtées par le gouvernement. En 2002 comme en 2001, les effectifs ont augmenté dans la plupart des ministères. Ceux des budgets civils sont passés de 1 684 042 en 2000 à 1 728 291 en 2002, soit 2,5 % de hausse, et essentiellement sur les postes de titulaires. Pour autant, le service ne s'est pas amélioré sur le terrain, car la croissance a surtout été forte dans les administrations centrales. Etait-il justifié, par exemple, d'augmenter de 1 000 agents les effectifs du ministère de l'agriculture ?

Une rationalisation s'impose, en instituant le plafond d'autorisation d'emploi prévu dans la LOLF. Il faudra bien sûr connaître la base de départ. Mais la plupart des grands ministères sont incapables de fournir leurs effectifs. Ce n'est qu'en 2002 que le ministère de l'environnement a fourni celui des DRIRE. Au ministère de l'intérieur, il y a un écart de 20 % entre les données produites par les contrôleurs financiers et celles des directions de gestion des ressources humaines. Les vacances sont aussi importantes : 5 % au ministère de la culture, 5 000 postes non pourvus au ministère de l'éducation nationale. Le plafond d'autorisation d'emploi sera donc un progrès incontestable. Encore faudra-t-il préciser en quoi il concerne les établissements publics et les grandes associations financées sur fonds publics.

Cette maîtrise de l'emploi est d'autant plus indispensable que, de façon mécanique, les dépenses de pension ont augmenté de 4,7 % sur l'exercice 2002. Ces crédits étant dispersés entre plusieurs fascicules, sont difficiles à suivre. Mais la hausse de 2002 est plus forte que celle des cinq dernières années, le taux de couverture des dépenses de pension par les recettes ayant continué de se dégrader, pour atteindre 29,2 %. Le compte des pensions, prévu par la LOLF, permettra de mieux connaître le coût des pensions de la fonction publique pour la collectivité.

Enfin, l'exercice 2002 a été marqué par une forte régulation budgétaire. Certes, le Gouvernement doit veiller au respect de l'autorisation de dépense votée par le Parlement. Mais les gels de crédit rendent plus difficile de responsabiliser les gestionnaires publics comme nous le souhaitons. De plus, lorsqu'ils portent sur les investissements, souvent réalisés en partenariat avec les collectivités locales, ils induisent une désorganisation néfaste de la commande publique, dont le rôle contracyclique est si nécessaire en période de ralentissement. Au-delà des gels ou annulations discutables du précédent gouvernement, concernant l'habitat ou l'investissement routier, pour doter le FDES et Air Lib, même la pratique régulière des gels et annulations qui a été la vôtre doit être revue, quitte à constituer dès le vote du budget une réserve mobilisable en fonction de l'évolution des recettes.

La loi d'exécution de 2002 restera marquée par la dérive des dépenses instituée dès la construction de ce budget, soit 15 milliards d'euros sur les 18 milliards de déficit supplémentaire. Si l'évaluation des recettes est difficile, la maîtrise de la dépense publique doit être la règle d'or de toute construction budgétaire, par le respect de l'autorisation de dépenses votée par le Parlement - nous savons que vous y êtes attentif - et la réduction des dépenses de fonctionnement dans la durée. Nous souhaitons que cette règle prévale dans l'élaboration du budget pour 2004. Le groupe UMP entend vous y aider, et il adoptera cette loi de règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La parole est au socialiste René Dosière.

M. Henri Emmanuelli - On n'annonce pas que l'orateur est socialiste !

M. le Président - Monsieur Emmanuelli, vous qui avez présidé cette Assemblée, je vous propose d'éviter un incident. M. Dosière, socialiste - le dire n'est pas une mauvaise manière - a seul la parole.

M. René Dosière - Comme les années précédentes, je me suis intéressé au budget de la Présidence de la République. Selon le rapport de la Cour des comptes, il a augmenté en 2002 de 43,3 % par rapport à 2001. En fait, les fonds spéciaux ayant été supprimés par Lionel Jospin et remplacés par une dotation nouvelle, à périmètre comparable, le budget de l'Élysée, augmente de 18,1 %, soit quatre fois plus vite que l'ensemble du budget. Cette forte progression ne fait que prolonger une tendance sensible depuis la première élection de l'actuel Président, puisque, hors fonds spéciaux, le budget de l'Élysée est passé de 4,54 millions d'euros en 1995 à 19,09 millions en 2002 , soit une hausse de 320 %. En 2003, le budget prévisionnel augmente encore de 25,6 %.

Depuis ma première intervention sur ce sujet - le 9 octobre 2001 -, on connaît la croissance exponentielle du budget de l'Élysée mais on en ignore toujours les motifs. Contrainte à se justifier, la Présidence de la République a évoqué « une restructuration budgétaire et comptable consistant à prendre en charge directement les prestations fournies gratuitement par des sociétés et services publics de l'Etat et à regrouper des crédits jusqu'alors dispersés dans certains budgets ministériels, afin de répondre à un objectif de transparence et de sincérité ». Notre Assemblée avait d'ailleurs fortement contribué à cette transparence en adoptant, à l'initiative de nos collègues Emmanuelli et Migaud, une disposition qui oblige la Présidence à publier à partir de l'exercice 2003 un rapport justifiant les crédits demandés et, en fin d'exercice, un nouveau rapport retraçant l'exécution de son budget. Il s'agit là d'une avancée considérable dans la transparence, qui doit s'appliquer à l'ensemble des pouvoirs publics.

Malgré le changement constitutionnel et politique du rôle du Président de la République sous la Ve République, le statut financier du chef de l'Etat n'a subi aucune modification, et les caractéristiques de la dotation budgétaire de la présidence remontent toujours aux débuts de la IIIe République. Je renvoie à cet égard à la thèse du professeur Vincent Dussart sur l'autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels.

Ma première interrogation porte sur le degré de transparence que le Gouvernement est prêt à mettre en _uvre dans ce domaine. En effet, jusqu'en 2002, le budget de l'Élysée était alimenté par trois sources : une dotation - visible puisqu'inscrite au titre II de la loi de finances - ; une part des fonds spéciaux ; enfin, des crédits dispersés dans divers ministères. Or, depuis 1995, la dotation « visible » a été rendue opaque en cours d'année, dans le plus grand secret, par l'ajout de « crédits pour dépenses accidentelles »... La Cour des Comptes souligne d'ailleurs que cette pratique irrégulière concerne des montants croissants. Il s'agit en fait de majorer le budget initial d'un pourcentage variant suivant les années, de 51 à 136 % ; cette majoration représentait 81 % en 2001 - plus 7,65 millions d'euros - et 63 % en 2002 - soit 9,47 millions. A l'occasion du vote de la loi de finances pour 2003, il a toutefois été précisé qu'il serait mis fin à cette pratique et que, désormais, toutes les sommes seraient inscrites dans la LFI. A ce moment de l'exécution budgétaire, pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre, si cet engagement a été tenu ?

Depuis 2003 ne subsistent plus que deux sources de financement, suite à la disparition des fonds spéciaux : la dotation inscrite au titre II et les crédits dispersés entre divers ministères, crédits dont le montant devrait être sensiblement réduit, puisqu'aux dires de l'Élysée, la restructuration de son budget sera achevée cette année. Or, en interrogeant les ministères concernés, je constate que ladite restructuration est pour le moins modeste et partielle...

Lorsque la présidence indique que l'affranchissement du courrier est désormais payé sur son budget propre, elle n'explique pas pourquoi la Poste continue de payer à hauteur de 646 793 € les quinze agents qui travaillent au Palais. Lorsqu'elle indique que la professionnalisation des armées s'est traduite par la substitution de civils aux appelés, elle ne justifie en rien que la rémunération de ces personnels soit toujours prise en charge par la Défense ! Quant au ministère des affaires étrangères, qui a pris l'habitude de financer les déplacements et réceptions de la Présidence - 8,4 millions d'euros en 2001 -, il m'a précisé que ces sommes n'ont pas fait l'objet d'un transfert au chapitre 20-12 et qu'elles continuent donc de figurer à son budget. En réalité, les seuls crédits ministériels réintégrés sont ceux du ministère de la culture pour l'achat des fournitures de bureau - 1,815 million d'euros - et ceux du service national des travaux pour l'entretien et la maintenance - 1,67 million.

Dans ces conditions, le budget officiel soumis au vote du Parlement et expliqué dans le jaune est un budget partiel et tronqué. C'est d'autant plus inacceptable que le budget réel est considérablement supérieur ! Lorsque j'additionne les dépenses ministérielles pour l'Elysée, j'arrive à un montant de l'ordre de 35 millions pour 2001 alors que le budget officiel ne dépassait pas 31 millions. S'agissant des dépenses de personnel, les ministères rémunèrent 464 personnes, mises à disposition de l'Elysée pour une somme de 16 millions d'euros, alors que la Présidence dépense sur son propre budget 11,5 millions pour les quelque 250 personnes qu'elle paye directement. A ce chiffre s'ajoutent les 33 agents de la ville de Paris qui ont suivi leur ancien maire, et 10 agents de France Telecom. Je tiens à votre disposition la liste précise de ces personnels, depuis l'agent administratif jusqu'au ministre plénipotentiaire...

Le budget soumis au Parlement est donc deux fois inférieur à la réalité. Et encore ne disposé-je pas de tous les éléments, certains ministères n'ayant pas daigné me répondre ! Pour autant, ma volonté de contrôler les fonds publics est intacte. D'où ma question : le Gouvernement entend-il réintégrer dans le budget de la Présidence les dépenses dispersées entre divers ministères ? Souhaite-t-il promouvoir la transparence et la vérité ou bien persister dans l'opacité et la dissimulation ?

En procédant à cette réintégration, on conforterait en vérité le budget de l'Élysée, dont le montant inscrit au titre II ne peut être diminué par le Parlement, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 2001, alors que les budgets des ministères, eux, ne bénéficient pas de la même garantie. C'est du reste parce que les régulations successives ne permettaient plus au ministère de la culture de financer le fonctionnement courant de l'Élysée qu'une réintégration a eu lieu. Qui sait si, en 2004, le gel de crédits - érigé en méthode du Gouvernement ! - ne va pas handicaper le fonctionnement de la Présidence. Si cette réintégration, voulue par le LOLF, est délicate à mettre en _uvre, vous pourriez, dans un premier temps, produire en annexe un document retraçant l'ensemble des charges supportées par chaque département ministériel. Pourquoi ce qui s'applique au suivi des concours financiers aux collectivités locales serait-il impossible à mettre en _uvre lorsqu'il s'agit de la présidence de la République ?

Ma seconde observation porte sur la cagnotte que la Présidence accumule au fil des ans. Sur la base des intérêts produits, on peut l'évaluer à 8 millions d'euros, somme non négligeable puisqu'elle représente un quart du budget officiel. D'où provient-elle ? Il y a le gonflement récent du budget, à ce point excessif que le montant versé peut se révéler supérieur aux besoins. En second lieu, les crédits de la Présidence sont réputés toujours totalement consommés - sans que l'on puisse, pour l'instant, savoir si tel est le cas. Enfin, le placement des sommes considérées produit des intérêts.

En toute hypothèse, il convient d'éclairer la représentation nationale sur cette cagnotte dont l'existence, en période de difficultés budgétaires, est particulièrement choquante.

Sera-t-elle reversée au budget général ?

Mon ultime observation porte sur le caractère entièrement privé de la gestion de ces fonds. Ainsi que le rappelle la Cour des comptes, il n'existe aucun texte concernant le vote, l'exécution ou le contrôle du budget de la Présidence...

M. Charles de Courson - Si, il y a un décret de Napoléon III !

M. René Dosière - Ainsi, la rémunération du citoyen président est déterminée par lui-même, au moyen d'un prélèvement sur la dotation globale mise à sa disposition. C'est d'ailleurs pourquoi elle a été fixée à un niveau modeste et, pourtant, peu crédible. Comment justifier que le chef de l'Etat perçoive un traitement trois fois inférieur à celui - récemment revalorisé - du Premier ministre ? Il est vrai qu'en l'absence de toute règle, on a eu du mal à distinguer traitement et frais de représentation.

D'une manière générale, toutes les dépenses de la Présidence sont directement réglées par chèque, carte bancaire ou virement de compte à compte, ce qui accentue leur confidentialité. Autrement dit, la gestion des fonds publics de l'Elysée est encore moins contraignante que celle de la questure de la Ville de Paris il y a quelques années ! Il y a de quoi s'inquiéter lorsqu'on connaît les pratiques d'alors à la mairie de Paris ! Notre rapporteur général indiquait tout à l'heure qu'on est toujours rattrapé par son passé... (Sourires) On ne saurait mieux exprimer notre inquiétude sur ce point !

La suppression des fonds spéciaux n'a pas eu d'incidence sur le budget de l'Elysée puisque force est de constater que la quasi-totalité du budget reste inconnue. Cette anomalie porte atteinte à la considération qui doit s'attacher à la Présidence de la République. Si la femme de César doit être insoupçonnable, que dire de César lui-même ? Les rapports entre la politique et l'argent constituent l'une des causes du discrédit des responsables politiques. Pour retrouver la « mystique républicaine » chère à Péguy, les institutions de notre République doivent être exemplaires et transparentes. C'est pourquoi j'espère que le Gouvernement ne traitera pas nos questions avec dédain et que des réponses précises y seront apportées.

Que l'on évite surtout de m'opposer la période où François Mitterrand était Président de la République. A cette époque, l'usage des fonds spéciaux...

M. Daniel Garrigue - En ce temps là, tout était permis !

M. René Dosière - ...a contribué à éloigner certains Français de la vie politique. Et l'opposition d'alors avait tout loisir de faire des propositions pour améliorer le système ! Sous la Cinquième République, en effet, ce n'est, pas dans la majorité qu'on soulève de telles questions...

M. Daniel Garrigue - A cette époque, plusieurs députés ont été censurés.

M. René Dosière - Pas sur ce sujet, vous le savez bien !

Le parlementaire que je suis ne se résigne pas à la suspicion que la confidentialité qui règne sur les crédits de la Présidence entretient. Au-delà des masses financières en jeu, c'est le symbole même de la République qui est en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - « Un mensonge d'Etat » telle est la formule que j'avais employée pour qualifier le projet de loi de finances en octobre 2001, lors de sa présentation par Laurent Fabius. Malheureusement, le projet de loi de règlement ne fait que confirmer ces propos.

M. Fabius, qui se pose aujourd'hui en future candidat à l'élection présidentielle...

M. François Goulard - C'est pour faire plaisir à Emmanuelli !

M. Charles de Courson - ...a clôturé son passage à Bercy par le pire budget que nous ayons connu depuis dix ans. L'ampleur de la faute est équivalente à celle de 1993, dernier budget voté par la majorité de gauche à l'époque.

La loi de finances initiale prévoyait un déficit de 32,4 milliards et nous avons fini l'année à 50 milliards... Cet écart de 17,6 milliards s'explique pour 7 milliards par des dépenses supplémentaires et pour 10,6 milliards par des moins values sur recettes. Pour être honnête, près de 3 milliards sont imputables à la nouvelle majorité ; M. Fabius ne s'est donc trompé que de 15 milliards... Mais il n'a aucune excuse : non seulement il a surévalué les recettes en prenant des hypothèses de croissance totalement irréalistes mais, côté dépenses, il s'est abstenu d'inscrire certaines dotations budgétaires. Monsieur l'ex-rapporteur général Migaud, vous vous seriez grandi en reconnaissant cette réalité. Certes, le nouveau gouvernement peut être critiqué pour sa surestimation de la croissance, et donc des recettes, en 2003, mais la différence, c'est qu'il a tenu les dépenses.

Nous devons maintenant assumer les conséquences de la gestion de la gauche, comme il avait fallu le faire en 1993. Nous avons hérité d'un déficit de 2,9 % du PIB, mais avec, comme à l'époque, un plongeon de l'activité économique ; aussi le déficit va-t-il atteindre cette année 4 %. Pour l'année prochaine, Monsieur le ministre, vous allez nous présenter un budget en déficit de 3,6 %, avec des hypothèses de croissance qui paraissent réalistes ; mais à la différence de M. Fabius, vous avez l'honnêteté de dire qu'elles peuvent être démenties par les faits, et qu'il faut donc avoir une politique adaptable rapidement.

Autre point sur lequel je voudrais insister : la France vit à crédit. En 2002, les recettes de fonctionnement de l'Etat se sont élevées à 227,5 milliards, les dépenses de fonctionnement à 249,3 milliards, soit un déficit de fonctionnement de 21,8 milliards sur un déficit total de 50 milliards. Pour revenir au moins à l'équilibre en fonctionnement, il faut donc réduire de 9 % les dépenses de fonctionnement. De même, il faudra trouver environ 11 milliards d'économies à faire sur les dépenses d'assurance maladie.

M. François Goulard - Un peu plus...

M. Charles de Courson - Le déficit de fonctionnement de 21,8 milliards est à comparer aux 38,1 milliards d'intérêts de la dette : 55 % de ces intérêts sont financés par de nouveaux emprunts !

Face à cette situation catastrophique, nous devons procéder à des réformes. Après celle des retraites, il nous faut mener celle de l'assurance maladie, celle de l'Etat, celle des 35 heures. Ayons le courage de le dire ! Nous avons d'ailleurs le peuple avec nous, un récent sondage le montre : les gens nous demandent qu'on les laisse travailler ; et nous, nous aimons le travail et ceux qui travaillent ! Depuis vingt ans, on n'a pas assez encouragé le travail (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Moi, je travaille cent heures par semaine.

M. Henri Emmanuelli - Moi aussi !

M. Charles de Courson - Je vous félicite, mais ne le dites pas à Martine !

M. Henri Emmanuelli - Moi, j'ai travaillé dans le privé, vous jamais !

M. Charles de Courson - La leçon de cette loi de règlement est simple : si nous n'accélérons pas les réformes, nous ne redresserons pas durablement les finances publiques.

Le groupe UDF s'abstiendra sur ce projet (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) parce que, chers collègues de la gauche, c'est à vous d'assumer les lois que vous avez votées (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Henri Emmanuelli - Ils s'abstiennent sur leur projet et ils l'applaudissent quand même !

M. Jean-Claude Sandrier - Il y a dix-huit mois, la majorité nous annonçait à grand fracas qu'elle allait « libérer les énergies », relancer la croissance, briser le chômage. Mais, Monsieur le ministre, la réalité est cruelle : vous avez tout libéré sauf les énergies...

Vous avez géré huit mois de l'année 2002 ; c'est donc votre bilan que nous examinons à travers ce projet de loi de règlement du budget 2002, qui a été pour vous une sorte de brouillon du budget 2003, lequel est une véritable catastrophe pour la France.

Ce brouillon budgétaire nous a conduit aux records que l'on connaît : du déficit, de la baisse des impôts pour les plus riches, de l'augmentation du chômage, des licenciements économiques et des défaillances d'entreprises, de la régression de la consommation intérieure, de l'insécurité budgétaire. Ne nous dites pas que vous n'y êtes pour rien : vous avez facilité les licenciements en revenant sur la loi de modernisation sociale, supprimé la loi Hue sur le contrôle de l'utilisation des fonds publics, supprimé les emplois jeunes, accepté que soient divisées par deux les indemnités de licenciement versées par le patronat... Le seul qui soit satisfait de votre politique, c'est le baron Ernest-Antoine Seillière ; même à l'UMP, il semble y avoir un peu de tangage...

La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu est injuste socialement, inefficace économiquement et moralement choquante. Seule une baisse ciblée de la TVA pourrait avoir un effet bénéfique sur la consommation et donc sur l'emploi. Mais vous ne pouvez plus supporter la progressivité de l'impôt sur le revenu. Son produit ne représente pourtant qu'un peu plus de 8 % de nos prélèvements obligatoires, ce qui est très faible par rapport à nos voisins européens.

La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu en 2002 a essentiellement profité aux foyers les plus privilégiés : 1 % des contribuables ont empoché 30 % de ces 2,5 milliards d'euros, quand 50 % d'entre eux en ont touché moins de 1 % ! Or, dans le même temps, les impôts locaux - acquittés, eux, par tous - explosent, sans parler de la TIPP, de la taxe sur les ordures ménagères, de la redevance d'assainissement, non plus que du prix de l'eau ou des tarifs des services publics. Autre exemple flagrant d'inégalité : la TVA payée par un smicard représente 5 % de son revenu, celle payée par M. Seillière 0,1 % seulement du sien ! Toutes vos mesures ont permis au PDG d'Aventis d'empocher 80 000 € supplémentaires... tout en préparant le plan de licenciements que l'on sait !

Prendre aux plus pauvres pour donner aux plus riches : la rengaine est bien connue des possédants et de leurs affidés. Alphonse Allais avait d'ailleurs exercé sur le sujet son talent d'humoriste, déclarant : « Il vaut mieux prendre aux pauvres plutôt qu'aux riches, les premiers étant de loin les plus nombreux ! » Mais peut-être seriez-vous mieux inspirés de méditer cette pensée d'Aristote : « Ce sont les appétits insatiables des riches qui causent la ruine d'un régime politique. »

Nous ne pensons pas, pour notre part, que vous fassiez fausse route par erreur. Non, ce sont bien vos choix qui consistent à amoindrir l'Etat, à démanteler les entreprises et les services publics, à vouloir tout privatiser - objectif, avoué, des tenants du « consensus de Washington », ainsi dénommé parce qu'élaboré à la Banque mondiale. Supprimer tout ce qui peut entraver les intérêts privés ou des puissants, voilà votre philosophie. Un ancien conseiller du président Clinton, Prix Nobel d'économie, écrit très justement s'être aperçu que, contrairement à ce qu'il pensait, ce n'étaient pas des considérations politiques ou économiques qui dictaient les décisions du FMI ou de la Banque mondiale, mais bien un « curieux mélange d'idéologie et de mauvaise économie, un dogme qui, souvent, ajoutait-il, dissimule à peine des intérêts privés. »

Vingt ans après Mme Thatcher en Grande-Bretagne, et en suivant scrupuleusement les conseils du baron Seillière, voilà où vous conduisez la France ! L'expérience nous a pourtant appris que le libéralisme pur et dur et la loi des marchés financiers n'ont ni stimulé la croissance, laquelle a été moins forte de 1980 à 2000 que de 1960 à 1980, ni réduit les inégalités, bien au contraire. On sait l'état de délabrement social et humain auquel a conduit en Grande-Bretagne le dogme libéral, individualiste et inégalitaire que vous prétendez nous servir aujourd'hui. Pour notre part, nous nous opposons à cette logique qui porte en elle domination et exploitation, et peut même dégénérer en violence guerrière sur le plan international, selon l'effroyable théorie développée par un conseiller d'un secrétaire d'Etat américain : « La main invisible du marché ne fonctionne jamais sans un poing visible. »

Le prochain débat budgétaire sera pour nous l'occasion de faire valoir à nos concitoyens la nécessité de l'impôt, l'exigence d'une fiscalité plus juste qui encourage l'emploi ainsi que la création de richesses, et pénalise la spéculation financière, en un mot, une fiscalité qui respecte l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aux termes duquel la contribution commune indispensable pour l'entretien de la force publique et les dépenses d'administration « doit être équitablement répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés. »

Au nom du dogme libéral, vous brisez notre pacte social et vous vous attaquez aux solidarités sur lesquelles s'est construit notre pays. La prétendue « loi du marché » ne vous sert qu'à présenter comme une fatalité économique ce qui est de votre part un choix délibéré.

Le groupe communiste et républicain votera contre ce projet de loi de règlement.

M. François Goulard - L'examen d'un projet de loi de règlement est d'abord un exercice comptable - il n'y a dans ce constat rien de péjoratif - permettant de vérifier à la fois la sincérité des inscriptions de crédits en loi de finances initiale - point n'est besoin de revenir sur le scandale qu'a constitué la sous-évaluation des besoins en 2002 ! - et la rigueur de l'exécution du budget. L'application de la nouvelle loi organique de 2001 n'est pas encore assez avancée pour que le caractère traditionnel de cet exercice soit cette année modifié.

Le Gouvernement a exécuté rigoureusement le budget pour 2002. Il doit faire de même du budget pour 2003 : il importe que le plafond de dépenses, fixé à 273,8 milliards d'euros, ne soit pas dépassé.

De façon générale, l'état des finances publiques résulte certes des choix politiques des gouvernements, mais aussi de la conjoncture, notamment pour ce qui est du niveau des recettes. Dès 2001, celle-ci a détérioré le solde d'exécution des lois de finances - tout comme d'ailleurs elle l'avait amélioré de 1998 à 2000 -, et cet effet s'est poursuivi en 2002 et 2003.

Cette loi de règlement est la dernière qui intègre une exécution ayant commencé sous le gouvernement précédent. Nous paierons longtemps, hélas, les fruits amers de la politique économique et financière menée de 1997 à 2002 par un gouvernement irresponsable qui a considérablement alourdi, parfois jusqu'à un avenir très lointain, les charges publiques. Il n'est que de citer les créations d'emplois inutiles dans les administrations et les entreprises publiques - je pense en particulier à la SNCF -, ou encore les emplois-jeunes, dispositif auquel son successeur a, heureusement, mis un terme. Dans le même temps, aucune réforme de fond n'a été engagée durant ces cinq années, ni pour les retraites, ni pour l'assurance maladie, laissée en jachère sans aucune maîtrise de ses dépenses. Plus grave encore, la réduction du temps de travail (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) a grevé le budget de l'Etat, le privant de recettes par les allégements de cotisations sociales sans lesquelles les entreprises n'auraient pu supporter la réforme - c'est un manque à gagner récurrent de 15 milliards d'euros, qui va même augmenter...

M. Didier Migaud - Et la ristourne Juppé ?

M. François Goulard - ...tout cela étant dissimulé dans le FOREC que ce gouvernement a heureusement décidé de rebudgétiser. Perte de recettes pour l'Etat, disais-je, mais aussi augmentation de dépenses : le passage aux 35 heures a été très coûteux dans le secteur public. Enfin, les 35 heures ont handicapé notre économie, bridant la croissance par une réduction artificielle des capacités de production. Elles ont appauvri notre pays en l'empêchant de produire tout ce qu'il aurait pu.

Dans le même temps, la dette publique a atteint un niveau insupportable.

M. Augustin Bonrepaux - Sur ce point, vous êtes experts !

M. François Goulard - Grave, la situation n'est pourtant pas irréparable.

Faut-il rappeler que sans la funeste réforme des 35 heures, le critère des 3 % fixé par le traité de Maastricht serait respecté ?

Plusieurs députés socialistes - C'est faux !

M. François Goulard - C'est incontestable.

Quel est aujourd'hui le défi à relever pour ce Gouvernement ? Il lui faut impérativement réduire la dépense publique et, corrélativement, abaisser l'impôt. La France veut-elle faire la course en tête...

M. Jean-Louis Idiart - C'est bien parti avec vous !

M. François Goulard - ...ou demeurer l'un des Etats les plus mal en point de l'Union européenne ? C'est ce qui l'attend si l'on n'infléchit pas les tendances lourdes à l'_uvre ces dernières années.

Le niveau des prélèvements obligatoires doit être raisonnable.

M. René Dosière - Dites-le au Président de la République !

M. François Goulard - Ce n'est, hélas, pas un objectif facile à atteindre, tant la culture de la dépense est fortement ancrée dans les esprits. Est souvent avancé, en particulier, l'argument selon lequel la dépense publique permettrait de soutenir la consommation et de relancer la croissance. Si cela était vrai, la France devrait être le pays le plus prospère au monde depuis le temps qu'elle connaît des budgets en déséquilibre !

M. Didier Migaud - Les Etats-Unis font plus de déficit encore !

M. François Goulard - Autre contresens fréquent : juger une politique, non à son efficacité, mais aux moyens qui lui sont consacrés. Dans vos rangs, mais hélas aussi parfois dans les nôtres, on tient pour un bon budget un budget qui augmente.

M. René Dosière - Ainsi à l'Elysée !

M. François Goulard - Nos ministères ne doivent pas être seulement gérés, mais administrés ! Chacun de nos ministres et hauts fonctionnaires doit se convaincre qu'il lui appartient d'améliorer l'efficacité de son département. Sans cela, aucune politique de réduction budgétaire ne pourra atteindre son but. Les esprits doivent de pénétrer de cette nécessité. Aujourd'hui, la phrase de Michel Debré est toujours d'actualité : « l'Etat est géré par son caissier ». Il devrait l'être par chacun de ses agents, recherchant la meilleure efficacité des politiques publiques. C'est cela, la véritable réforme de l'Etat.

Nous savons, Monsieur le ministre, que vous êtes résolu à conduire la politique courageuse et intelligente...

Augustin Bonrepaux - On ne s'en est pas rendu compte !

M. François Goulard - ...qui parviendra à restaurer - mais il y faudra du temps - nos finances publiques. Vous avez dans cette entreprises difficile mais exaltante le soutien entier de votre majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Idiart - J'ai cru entendre, au cours du magnifique exposé de néolibéralisme de M. Goulard et notamment dans ses passages sur la durée du travail, le marquis de Solages s'adressant à Jaurès... (Sourires)

Notre premier débat de cette session porte sur le projet de loi de règlement 2002. Dans une période difficile pour le pays et douloureuse pour les Français, il pose un premier constat sur l'action du Gouvernement. Les nouvelles pratiques budgétaires, voulues par le gouvernement Jospin sous l'impulsion notamment de M. Migaud, ainsi que de notre actuel ministre délégué au budget, nous imposent de connaître le résultat de l'exercice n-1 avant de discuter du projet de loi de finances de l'année n+1. Or, ce constat est terrible ! Si la gestion 2002 est partagée, la principale responsabilité en incombe au Gouvernement qui a été aux affaires huit mois et qui a fait voter un collectif budgétaire. Chacun sait que la majorité fraîchement issue du suffrage universel, qui a le soutien du peuple et du Parlement, sans même parler, en l'occurrence, de la concordance entre celui-ci et le chef de l'Etat, a toute latitude pour imposer son action. Vous avez les mains libres, la totalité des pouvoirs, et vous nous expliquez aujourd'hui que le résultat budgétaire est de notre totale responsabilité ! Si la situation était aussi dramatique que vous le dites, vous aviez pourtant tout le loisir de commencer à la redresser ! Or vos décisions sont allées exactement dans le sens inverse.

Je me souviens de la dureté, en 1995, de M. Juppé à propos de la gestion « calamiteuse » de M. Balladur et de son ministre du budget, un certain Nicolas Sarkozy.

M. Henri Emmanuelli - Ils s'aiment, ces deux-là !

M. Jean-Louis Idiart - On connaît la suite - et la dissolution de 1997. Vous craigniez de ne pas remplir les critères de Maastricht, après quatre ans pourtant de gouvernement de droite ! Nous avons vu le résultat ! Alors de grâce, regardez le bilan socialiste en face et restez prudents, vous avez suffisamment injurié l'avenir ! Vos méthodes, dont vous refusez de changer, vous ont conduits en 2002 aux mêmes impasses que précédemment, et l'on connaît déjà la gravité de la situation pour 2003.

Pourquoi avoir baissé l'impôt sur le revenu alors que, la croissance faiblissant, le déficit était de retour ? Pourquoi avoir _uvré au bénéfice exclusif de quelques-uns, dont l'argent ira exclusivement vers l'épargne ? Même les banquiers français reconnaissent que ces baisses n'encouragent en rien la consommation immédiate ! Parallèlement, vous désorganisez l'épargne populaire. La loi de finances pour 2003 a en effet opéré une réforme impromptue du PEL, et celle pour 2004 introduit de nouveaux facteurs d'incertitude pour les épargnants, toujours selon les banquiers... Si vous aviez augmenté la PPE de 2,55 milliards, l'intégralité en serait allée vers la consommation !

Vous prétendez n'être responsables de rien non plus en matière européenne. Mais pourquoi placer notre pays dans une situation délicate face à l'Europe ? Pourquoi vos rodomontades au mauvais goût populiste, si ce n'est pour vous dédouaner des responsabilités que vous n'avez pas assumées ? Vous accusez le carcan européen comme vous avez mis en cause vos prédécesseurs... qui seront bientôt, à ce rythme-là, vos successeurs ! Vos choix dogmatiques ne peuvent préparer l'avenir. En 1986, vous admiriez Margaret Thatcher et Ronald Reagan : on a vu les résultats de leur politique pour leurs pays !

Un quotidien - qui n'est pourtant pas de gauche - propose une revue de presse sur les prochaines élections dans la province canadienne de l'Ontario, qui connaît depuis 1995 un gouvernement ultralibéral, lequel semble promis à une défaite cuisante. Un éditorialiste s'interroge : que doit-on faire des 100 ou 200 dollars qui sont économisés en impôts ? Installer sa propre station d'épuration ? Engager son équipe médicale ? Améliorer sa propre alimentation électrique ? Depuis huit années, la situation de cette province s'est dégradée. Votre volonté farouche de porter atteinte à tout ce qui est public conduira aux mêmes résultats. Nous défilons chaque semaine, dans nos circonscriptions, avec des élus de l'UMP, mais dès qu'ils sont au Parlement, ils votent le contraire de ce qu'ils réclament là-bas !

M. Goulard s'est attaqué avec force aux 35 heures. Il est vrai que c'est une idée que vous ne pouvez absolument pas supporter du point de vue idéologique. Nous avons encore eu droit cet après-midi à quelques « raffarinades » nous prouvant qu'on allait créer de l'emploi en créant du travail... Il n'y a qu'à voir ce qu'on nous annonce chaque semaine dans la fonction publique ! Chez moi, j'ai eu droit à la Banque de France, à la recette des finances, à la perception, aux bureaux de poste... On nous dit qu'on pourrait installer les bureaux de poste dans les bureaux de tabac, mais même les buralistes mettent la clef sous la porte !

Votre politique n'a pas marché de 1986 à 1988, elle n'a pas marché de 1993 à 1997, et aujourd'hui, la machine commence déjà à se gripper. Ne cherchez pas la faute chez les autres : le problème se trouve dans vos décisions !

Nous ne voterons pas ce projet de loi de règlement, qui est empreint de choix dont les conséquences nocives sont déjà visibles, car ils bloquent la consommation, désespèrent et fragilisent les plus modestes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 23 heures 55, est reprise le jeudi 2 octobre, à 0 heure 5.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - Je suis saisi par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste d'une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7 de notre règlement.

M. Augustin Bonrepaux - Cette séance est surréaliste, car le Gouvernement et sa majorité semblent oublier qu'étant là depuis mai 2002, ils doivent assumer une grande partie dudit exercice, sur lequel ils ont d'ailleurs demandé un audit des finances publiques, effectué - à leur demande - par et les mêmes auditeurs qu'en 1997. Ceux-ci avaient alors évalué le déficit au-dessus de 3 %, ce qui était d'ailleurs l'une des raisons de la dissolution. Devant ce résultat, le Gouvernement élu en 1997 avait augmenté les recettes par une hausse de l'impôt sur les sociétés, ramenant ainsi le déficit en deçà du seuil des 3 %, nécessaire à la qualification pour l'euro.

En 2002, donc, les mêmes auditeurs ont évalué le déficit entre 2,4 et 2,6 % du PIB. Vous avez choisi le haut de la fourchette et chargé encore la barque par des dépenses supplémentaires. Vous avez notamment augmenté de façon excessive les dépenses militaires et diminué les recettes par une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu. Mais vous vous êtes bien gardés d'augmenter la prime pour l'emploi, qui aurait pu favoriser la croissance.

Comment, dans ces conditions, nier que l'accroissement du déficit de 2,6 % à 3,1 % relève de votre responsabilité ? Pourquoi ressasser, Monsieur le Rapporteur général, des augmentations de dépense non prévues, quand elles figuraient dans l'audit, ainsi que vous l'avez d'ailleurs admis en « soldant la gestion socialiste » ?

L'aggravation du déficit ne vous a hélas pas ouvert les yeux, et les cadeaux fiscaux ont continué d'être réservés aux privilégiés. Vous avez refusé de donner un « coup de pouce » à la prime pour l'emploi en 2002 et ne vous êtes résolus qu'en 2003 à consentir une petite aumône, en même temps que vous avez augmenté le SMIC mais pas pour tout le monde. Quant aux fonctionnaires les plus modestes, ils restent au pain sec. Comment s'étonner, dans ces conditions, que la croissance soit négative pour le premier semestre, et qu'en août la consommation se soit effondrée - phénomène que vous attribuez à la canicule ? C'est bien la baisse du pouvoir d'achat qui est en cause. Mais il semble que personne, n'en soit responsable, et surtout pas le Gouvernement ! C'est pourtant vous qui conduisez nos finances publiques vers un gouffre que le ministre de la santé lui-même, s'agissant de l'assurance maladie, qualifie d' « abyssal » - après avoir démagogiquement porté à 20 € le prix des consultations...

Quant à votre politique de l'emploi, elle est plus désastreuse encore, la suspension de certaines dispositions de la LMS favorisant les licenciements.

Vous alléguez le coût des 35 heures, et affirmez que le FOREC y aurait consacré l'intégralité de ses dépenses, mais n'a-t-il pas aussi financé les allègements Juppé ? Et les 16 milliards d'aménagements fiscaux prévus par Monsieur Fillon, quel effet auront-ils sur l'emploi ? Vous parlez d'encourager le travail, et la première chose que vous faites est de supprimer l'allocation de solidarité spécifique des chômeurs. Cela va les encourager à travailler, paraît-il. Encore faudrait-il qu'il y ait des emplois, et que le Premier ministre nous dise comment il va en créer ! Mais vous n'avez pas de politique de l'emploi : vous avez seulement une politique de réduction artificielle du chômage. En supprimant l'allocation de solidarité, vous faites d'une pierre deux coups : il y aura moins de chômeurs dans le statistiques, et leur passage au RMI transférera une charge aux départements.

Monsieur Mer, lui, a expliqué avec assurance que la politique du Gouvernement allait payer. C'est vrai qu'elle est payante pour les privilégiés qui accumulent les cadeaux fiscaux : baisse de l'impôt sur le revenu, augmentation de la déduction pour emploi à domicile, baisse de l'impôt sur la fortune. Pour tous les autres, c'est l'austérité, la baisse du pouvoir d'achat, la hausse des taxes. Votre politique est une calamité pour les travailleurs modestes, elle l'est pour les pauvres et pour les chômeurs, elle l'est aussi pour les territoires ruraux, d'où disparaissent entreprises et services publics.

Prenons l'exemple de la Banque de France. Qui étaient les plus fervents partisans des fermetures des succursales ? M. Goulard, qui s'est arrangé cependant pour conserver celle du Morbihan - et chaque département breton a d'ailleurs gardé la sienne ! M. Novelli, qui s'est arrangé néanmoins pour conserver une succursale dans chaque département de la région Centre ! Il en est de même en Lorraine et en Bourgogne. Mais en Midi-Pyrénées, pourtant plus peuplé et plus étendu que ces trois dernières régions, il n'en reste que trois, pour huit départements ! N'y a-t-il pas une connotation politique dans ce traitement inégalitaire ? J'espère que le gouverneur viendra s'expliquer devant la commission des finances.

Les suppressions d'emploi au ministère des finances vont se traduire par la suppression de trésoreries, après celle de gendarmeries. Le ministère de la Défense - ou plutôt celui de l'Intérieur -, en regroupant les gendarmeries, a même demandé aux départements de construire les locaux. Que l'Etat assume plutôt ses décisions ! Je pourrais évoquer aussi les bureaux de poste et surtout, les entreprises qui disparaissent des zones rurales. Dans l'Ariège, depuis le début de l'année, 600 emplois ont été supprimés : 300 chez Pechiney, 150 dans le textile et 150 dans une entreprise de métallurgie dont nous avions financé le projet de développement. Mais les crédits d'aménagement du territoire sont pratiquement réduits à néant, et il n'y a plus de réductions fiscales pour sauver les entreprises qui subsistent.

L'économie de notre pays est dans le gouffre, mais elle n'a pas touché le fond. Le pire reste à venir avec le budget 2004 que vous préparez. La majorité n'a pas de quoi en être fière (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Ministre délégué - Je remercie tous les orateurs. Je suis cependant frappé, en entendant l'opposition, par son apparente indifférence aux effets des dépenses engagées au cours d'une législature - plus de 20 milliards d'euros, chiffre que nul n'a contesté. Je suis également frappé de son indifférence à la dérive des effectifs de la fonction publique, qui dégrade pour des années les finances de notre pays.

Je remercie le rapporteur général pour la qualité de ses travaux. Nous partageons l'analyse du passé, mais aussi de ce qui est nécessaire pour l'avenir. L'essentiel est de maîtriser la dépense et de retrouver des marges de man_uvre, notamment par la réduction des effectifs. Ce sont les deux piliers d'une bonne gestion. M. Bouvard a insisté, lui aussi, sur cette nécessité de maîtriser les effectifs, clé de voûte des finances publiques.

M. Dosière s'intéresse aux comptes de la Présidence, mais ses données, comme l'an dernier, sont en grande partie erronées. En effet, à périmètre constant les dépenses de la Présidence sont restées stables en euros constants. Je trouve regrettable qu'il ait présenté de façon caricaturale les efforts de transparence qui ont été accomplis - mais peut-être était-ce involontaire... Des crédits ont été regroupés, et des prestations gratuites fournies par des ministères ont été budgétisées, ce qui est une bonne chose. Quant aux mises à disposition de personnel, elles sont une pratique courante et souhaitable dans l'appareil d'Etat, car les fonctionnaires sont mobiles. Enfin, les crédits reportés et consommés ne sont pas une particularité de la Présidence, mais le régime de tous les pouvoirs publics, Assemblée et Sénat compris.

M. de Courson a dressé un constat incontestable sur la responsabilité de la précédente majorité. Il demande à juste titre une politique à même de faire face aux aléas de la croissance, d'où l'utilité de mettre en place une réserve de précaution en début d'exercice, afin d'éviter les dépassements.

Pour Monsieur Sandrier, le budget de 2002 était le brouillon de celui de 2003. Qu'il se rassure : le budget de 2003 est sincère, et le niveau de dépense voté par le Parlement pourra donc être cette fois respecté.

M. Goulard a raison d'insister sur le déficit structurel. C'est bien le travail des Français qui est la richesse du pays ; l'encourager, voilà l'alpha et l'oméga de notre politique économique. Il a aussi souhaité que les ministères soient mieux gérés. J'ai reçu les directeurs des affaires financières de tous les ministères et leur ai donné un certain nombre d'éléments pour en améliorer la gestion.

M. Idiart a critiqué la baisse de l'impôt sur le revenu. Je crois, au contraire, qu'elle encouragera les Français à travailler.

Enfin, M. Bonrepaux n'a pas indiqué pourquoi il présentait sa motion de procédure. Sur le fond, j'ai noté quelques erreurs, sans doute involontaires, notamment en ce qui concerne notre politique envers les travailleurs au SMIC.

Le Premier ministre a employé cet après-midi une image qui parle à tous les Français : les mesures gouvernementales vont créer, a-t-il dit, un véritable treizième mois pour les salariés rémunérés au niveau du SMIC. C'est un progrès social auquel ils seront sensibles ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

Notre débat sur la loi de règlement préfigure celui que nous aurons à l'occasion de l'examen du PLF pour 2004. Ce que les Français souhaitent entendre, c'est un message d'encouragement au travail. Reconnaître la dignité et la primauté du travail, c'est le meilleur encouragement que l'on puisse donner à nos compatriotes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Les articles premier, 2 et tableau A annexé, 3 et tableau B annexé, 4 et tableau C annexé, 5 et tableau D annexé, 6 et tableau E annexé, 7 et tableau F annexé, 8 et tableau G annexé, 9 et tableau I annexé, 10 et 11, successivement mis aux voix, sont successivement adoptés.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Christian Blanc, député des Yvelines, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral, auprès de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du mercredi 1er octobre 2003.

Prochaine séance ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 30.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 17 octobre 2003 inclus a été ainsi fixé cet après-midi en Conférence des présidents :

CE SOIR, à 21 heures 30 :

    _ Projet portant règlement définitif du budget de 2002.

JEUDI 2 OCTOBRE, à 9 heures 30 et à 15 heures :

    _ Projet relatif à la politique de santé publique.

MARDI 7 OCTOBRE, à 9 heures 30 :

    _ Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

    _ Suite du projet relatif à la politique de santé publique.

MERCREDI 8 OCTOBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

    _ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 9 OCTOBRE, à 9 heures :

    _ Débat sur les suites du sommet de Cancun ;

(Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures et à 21 heures 30 :

    _ Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international (ensemble cinq annexes) ;

    _ Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention sur les polluants organiques persistants (ensemble six annexes) ;

    _ Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion de la France au protocole de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets ;

    _ Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud relatif à la coopération dans le domaine de la défense ;

    _ Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense ;

    _ Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés ;

    _ Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe) ;

(Ces sept textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée)

    _ Suite de l'ordre du jour de la veille.

Éventuellement, VENDREDI 10 OCTOBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

    _ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 14 OCTOBRE, à 9 heures 30 :

    _ Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

    _ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet relatif à la politique de santé publique ;

    _ Discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004 ;

à 21 heures 30 :

    _ Suite de la discussion générale et de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004.

MERCREDI 15 OCTOBRE, à 9 heures 30, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

    _ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 16 OCTOBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

    _ Suite de l'ordre du jour de la veille.

VENDREDI 17 OCTOBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

    _ Suite de l'ordre du jour de la veille.

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 2 OCTOBRE 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion du projet de loi (n° 877) relatif à la politique de santé publique.

M. Jean-Michel DUBERNARD, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (Rapport n° 1092)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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