Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 9ème jour de séance, 22ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 17 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -première partie- (suite) 2

      APRÈS L'ART. 4 (suite) 2

      AMÉNAGEMENT DE L'ORDRE DU JOUR 4

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -première partie- (suite) 5

      APRÈS L'ART. 4 (suite) 5

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004.

APRÈS L'ART. 4 (suite)

M. Augustin Bonrepaux - Je demande la parole.

M. le Président - Je vais d'abord mettre aux voix l'amendement 159 corrigé, dont la discussion a eu lieu hier.

L'amendement 159 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Si vous m'aviez donné la parole plus tôt, Monsieur le Président, cet amendement aurait pu être adopté.

Nous refusons l'augmentation du plafond retenu pour calculer la déduction fiscale correspondant aux frais d'emplois de salariés à domicile. Ce cadeau, d'un coût de 80 millions d'euros, profitera aux plus privilégiés, sans pour autant favoriser l'emploi. Et cela, alors que nous célébrons aujourd'hui la journée du refus de la misère et que vous rejetez dans l'exclusion plus de 300 000 chômeurs pour économiser 150 millions d'euros ! N'avez-vous pas honte ?

M. Jean-Pierre Brard - Je suis moi aussi très sensible à la journée mondiale contre la misère. Monsieur le ministre, vous avez voulu nous culpabiliser hier en laissant supposer que nous serions contre l'emploi, alors que, nous vous l'avons répété, il n'y a pas d'emploi indigne.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Il a fallu que je vous le demande pour l'entendre !

M. Jean-Pierre Brard - Comment avez-vous pu prêter des pensées aussi noires aux héritiers de Jacquou le Croquant ? Le travail est la première des dignités, et vous la refusez à des millions de personnes.

Les sommes consacrées aux invraisemblables avantages fiscaux accordés aux plus riches auraient pu servir à relancer la consommation et à développer l'emploi, mais vous n'avez pas fait ce choix.

Les bénéficiaires de la prime pour l'emploi recevront un euro supplémentaire par mois, alors que les plus aisés bénéficieront d'une réduction fiscale sans précédent.

M. le Président - M. Bonrepaux vient de défendre l'amendement 258 corrigé, qui était en discussion commune avec le précédent et avait été présenté hier soir et repoussé par la commission et le Gouvernement.

M. Augustin Bonrepaux - Non ! Rappel au Règlement ! Je parlais de l'amendement précédent dont l'amendement 258 corrigé diffère sensiblement. Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe !

M. le Président - Ne commençons pas ainsi la séance ! Je vous autorise à dire quelques mots sur cet amendement.

M. Augustin Bonrepaux - Par cet amendement, nous nous opposons à une nouvelle augmentation de la déduction fiscale, déjà relevée l'année dernière, en faveur des ménages les plus aisés, et sans aucune incidence sur l'emploi. Pourquoi favoriser 70 000 familles parmi les 2 200 000 qui pourraient prétendre à une mesure fiscale avantageuse. Vous gaspillez les crédits publics, alors qu'il y a tant de misère dans notre pays. C'est une honte ! (Applaudissements de M. Jean-Louis Dumont)

M. Gilles Carrez, rapporteur général - Même avis qu'hier, défavorable.

M. le Ministre délégué - Nos débats doivent s'engager dans le respect mutuel et je regrette les propos de M. Bonrepaux. Loin d'avoir honte, je suis fier de ce que j'accomplis. M. Brard l'a rappelé, la dignité d'une personne, c'est aussi de pouvoir se réaliser dans son travail. Or, c'est en multipliant les employeurs que l'on multipliera les chances d'emploi.

Dans une société moderne, il faut, c'est notre conviction profonde, favoriser la création d'emplois de services, dans l'intérêt des familles, des personnes âgées, à qui on peut ainsi éviter d'aller dans une résidence spécialisée. Je réitère donc mon rejet de l'amendement.

M. Philippe Auberger - Nos collègues de l'opposition ont une prévention idéologique contre les emplois à domicile (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), comme s'ils étaient moins dignes d'intérêt que les emplois hors du domicile des particuliers,...

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas le problème.

M. Philippe Auberger - ...comme s'il était plus digne d'être employé par une entreprise ou par un artisan.

L'an dernier, nous avons décidé cette mesure pour deux ans et prévu une augmentation la deuxième année. Je récuse donc le chiffre de 70 000.

Cette disposition va maintenant donner sa pleine mesure : améliorer la déductibilité rendra davantage solvables les personnes susceptibles d'employer des salariés à domicile ...

M. Augustin Bonrepaux - C'est faux !

M. Philippe Auberger - ...et permettra à de nombreuses personnes employées de passer à plein temps.

M. le Président - Je rappelle que le débat a eu lieu hier (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Louis Dumont - Notre collègue Bonrepaux vient de le rappeler : ce vendredi 17 octobre est dédié à la lutte contre la misère. L'association ATD-Quart monde est très engagée dans ce combat. Deux de ses figures emblématiques, le Père Joseph Wresinki et Geneviève Anthonioz-de Gaulle ont siégé au Conseil économique et social et sont venues présenter ici les rapports et les avis de la troisième assemblée de la République, à laquelle je rends ici hommage.

Or, voici qu'au lieu de nous rassembler pour que les richesses de ce pays soient redistribuées aux plus fragiles, nous avons une discussion d'épiciers à propos d'un euro. Alors que nous devrions donner plus de souffle à cette loi de finances et l'orienter davantage vers l'égalité sociale et la solidarité, valeurs qui fondent notre République, vous faites toujours plus de cadeaux à quelques uns.

Sur l'ASS, peut-être y aura-t-il une inflexion mais nous avons compris que même pour un groupe à la limite de la majorité ce sujet était de peu de poids au regard des demandes réitérées de certains lobbies...

Alors qu'on coupe l'eau à des familles avec enfants, à des personnes handicapées, vous soignez vos électeurs. Mais n'oubliez pas que la société est diverse et que chacun a droit au respect et à l'aide.

M. Jean-Pierre Brard - Je demande une suspension de séance car l'opposition est majoritaire. En effet, je vois ici MM. Baguet (Sourires), Bonrepaux, Migaud...

M. le Président - Ce n'est pas un motif de suspension...

M. Pierre-Christophe Baguet - M. Brard n'a pas à m'attribuer une position politique ! L'UDF est dans la majorité !

M. Michel Bouvard - Ah bon !

M. Didier Migaud - La mesure proposée est non seulement injuste, elle est en contradiction avec votre souci constant du meilleur rapport coût-efficacité et avec votre volonté de ne rien décider sans évaluation préalable. Plusieurs rapports montrent qu'il peut y avoir un formidable effet d'aubaine.

Vous privilégiez quelques dizaines de milliers de familles, mais cela n'aura d'effet ni sur l'embauche des salariés à domicile ni sur le nombre d'heures de ceux qui travaillent déjà.

Vous oubliez totalement les 900 000 personnes qui ne paient pas l'impôt sur le revenu et qui emploient pourtant un salarié à domicile. C'est incompréhensible, sauf à considérer que seules l'idéologie et l'injustice conduisent votre action.

M. Xavier Bertrand - Ces propos sont scandaleux !

M. Didier Migaud - Par ailleurs, je ne puis laisser M. Auberger dire que nous ne voulons pas favoriser l'emploi des salariés à domicile. C'est nous qui avons mis en place le dispositif, mais en le fondant sur l'incitation, pas sur les privilèges fiscaux donnés à ceux qui n'en ont pas besoin. C'est nous qui avons ramené de 20,6 à 5,5 % le taux de TVA sur les services à domicile.

M. Jean-Louis Dumont - Excellente mesure !

M. Didier Migaud - Nous sommes favorables à la création d'emplois à domicile, mais il faut rapporter les milliers d'euros de réduction offerts à quelques uns au chiffre d'un euro par mois pour des millions de personnes.

M. le Ministre délégué - Quatre cent quatre-vingts millions !

M. le Président - Je mets aux voix l'amendement 258 corrigé.

M. Augustin Bonrepaux - Je demande un scrutin public !

M. le Président - Trop tard, le vote est engagé.

M. Augustin Bonrepaux - Nous ne voterons pas !

L'amendement 258 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 9 heures 55, est reprise à 10 heures 25.

AMÉNAGEMENT DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des prochaines séances de l'Assemblée a été aménagé comme suit, ce matin, en Conférence des présidents.

L'Assemblée tiendra séance lundi 20 octobre, à 15 heures et à 21 heures 30, pour poursuivre la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2004.

Le débat relatif à l'article 41 autorisant le prélèvement aura lieu lundi, à partir de 15 heures, la discussion des autres articles reprenant vers 18 heures.

Par ailleurs, les séances prévues demain, samedi, sont supprimées.

M. Augustin Bonrepaux - Je précise que le groupe socialiste n'a nullement l'intention de faire traîner les débats. Des points sensibles restent à discuter, concernant la déduction pour emploi à domicile, l'ISF, la TIPP et les collectivités locales et nous défendrons nos amendements. Mais à moins qu'on nous prive de parole ou de scrutin public, nous ne ferons pas d'obstruction (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - M. Didier Migaud s'est exprimé dans le même sens en Conférence des présidents.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -première partie- (suite)

APRÈS L'ART. 4 (suite)

M. le Président - Nous en venons aux amendements identiques 158 corrigé et 259 (2e cor.), sur lesquels je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Pierre Brard - Notre amendement 158 corrigé supprime l'augmentation prévue du plafond retenu pour calculer la réduction d'impôts liée à l'emploi de salariés à domicile. Sur ce sujet dont nous débattons depuis hier, nous nous devons de faire de la pédagogie politique : nous ne voulons pas que vous laissiez passer dans l'opinion le message que cette disposition est faite pour favoriser l'emploi. Elle ne fait que répondre à l'appétit insatiable des privilégiés : vous faites financer la domesticité des bourgeois et des aristocrates décatis par les autres contribuables, y compris les Rmistes et les Smicards qui continuent pendant ce temps à payer la TVA ! Il fallait que cela fût dit et répété.

M. Augustin Bonrepaux - Nous voulons par notre amendement 259 éviter que l'injustice que représente la baisse de 3 % de l'IR soit renforcée par un nouveau privilège fiscal. De même que l'abaissement du plafond en 1997 n'avait pas entraîné de réduction du nombre d'emplois à domicile, le relèvement que vous avez déjà opéré l'année dernière n'a pas provoqué d'embauches.

En relevant encore le plafond, vous ciblez 70 000 familles privilégiées qui pourront bénéficier à plein de la réduction d'impôt, alors que 2 200 000 familles ont un emploi à domicile. Avec le cumul de cette mesure et de la baisse de 3 %, un célibataire ayant un revenu de 26 000 € ne paiera plus d'impôts ; de même, un couple ayant un revenu de 39 000 € deviendra non imposable...

A un moment où notre pays connaît de telles difficultés, les crédits publics devraient être utilisés pour soutenir l'emploi et lutter contre la pauvreté ! Au lieu de cela, vous offrez de nouveaux privilèges, et dans le même temps vous vous apprêtez à rejeter 300 000 chômeurs dans l'exclusion.

M. Xavier de Roux - Que ne faut-il pas entendre !

M. le Rapporteur général - Il me parait nécessaire de faire quelques rappels.

Nous parlons des emplois à domicile, qui sont de vrais emplois assurant de réels services à des personnes âgées, des familles qui ont charge d'enfants ou des handicapés. Leur singularité tend à ce que l'employeur est une personne. Pendant longtemps, on ne leur a pas donné de statut, alors qu'on offrait aux entrepreneurs individuels employant des salariés des déductions de charges.

La réflexion sur le sujet a été lancée par Mme Aubry, qui au début des années 90 a estimé que ce type d'emplois méritait d'être soutenu. Elle a donc mis en place un avantage fiscal, l'idée étant dès cette époque que celui-ci devrait correspondre à la moitié du coût de l'emploi.

En 1993, parce que le dispositif se révélait très efficace en termes de création d'emplois, M. Sarkozy a souhaité doubler l'avantage fiscal, qui est ainsi passé de 45 000 à 90 000 F.

En 1997, sans remettre en cause la philosophie du système, dont l'efficacité en termes d'emploi - y compris par l'officialisation d'emplois au noir - avait été prouvée par de nombreuses études, la nouvelle majorité a souhaité revenir à 45 000 F.

En 2002, le Gouvernement nous a proposé, pour la loi de finances pour 2003 - toujours sur la base de l'idée simple que la moitié du coût doit être déductible - de passer à 10 000 €, soit 66 000 F. Nous avons eu une position très raisonnable puisque nous n'avons pas voulu que cet avantage s'applique dès les revenus de 2002, afin de ne pas créer d'effet d'aubaine - les décisions d'embaucher étant déjà prises. A l'initiative de Pierre Méhaignerie et de moi-même, il a donc été décidé de ne monter à 10 000 € qu'au titre des revenus 2003, pour inciter à l'embauche en 2003.

Nos collègues discutent donc non pas d'une mesure figurant dans ce projet, mais d'une mesure votée l'année dernière, et que nous assumons totalement puisque toutes les études montrent l'efficacité du dispositif.

M. Didier Migaud - C'est un mensonge !

M. le Rapporteur général - Je n'ai jamais utilisé ce mot à votre encontre ! Vous avez sur cette question une approche idéologique, mais les chiffres sont là. Entre 1993 et 1997, 100 000 emplois ont été créés grâce à ce dispositif. On peut s'attendre légitimement à un effet de même ampleur en passant à 10 000 €.

Il n'y a aucune raison de passionner à l'excès le débat, qui porte sur une question de fond puisque ce dispositif recèle un gisement extraordinaire d'emplois. En maintenant le plafond à 10 000 €, nous demeurons dans le droit fil d'une politique lancée en 1992, qui a rencontré un réel succès.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable aux deux amendements.

M. Xavier Bertrand - M. Brard a parlé de pédagogie. C'est démagogie qu'il faudrait dire ! Vous ne parlez que des familles qui bénéficient de la réduction d'impôt, jamais de celles dont un membre va retrouver un emploi ou qui, l'occupant déjà, bénéficiera d'une hausse de salaire. Il faut en effet savoir que, depuis la fin de l'an dernier, des conventions collectives ont été rediscutées, et ont entériné une réévaluation des salaires conventionnels.

Vous faites également abstraction d'un autre élément important : la place dans la société de ces femmes qui ont choisi de s'investir dans une activité professionnelle, et font donc garder leurs enfants (Approbations sur les bancs du groupe UMP).

Les emplois à domicile à propos desquels M. Brard a eu des mots un peu injurieux ont toujours existé, parfois sous forme clandestine. Que ces salariés rentrent dans un cadre légal et surtout disposent d'une protection sociale, est-ce indifférent ? Le dispositif en vigueur permet aussi d'offrir davantage d'heures de travail aux salariés concernés. Il est vrai que la gauche est mal placée pour parler du choix entre une durée de travail plus ou moins longue et une rémunération plus ou moins élevée !

Enfin, comme c'est pour vous une habitude, vous tentez de donner à la loi un caractère rétroactif. Adopter les amendements reviendrait à modifier les règles du jeu en cours. Ce serait à la fois dangereux et inique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Augustin Bonrepaux - On peut excuser M. Xavier Bertrand parce qu'il n'était pas là hier soir (Protestations de M. Xavier Bertrand) lorsque nous proposions de faire bénéficier d'un crédit d'impôt l'ensemble des familles au titre d'un emploi à domicile.

Encourager fiscalement les emplois à domicile reste en effet une bonne mesure dont Martine Aubry avait eu l'idée. 2,2 millions de familles ont ainsi des employés à domicile. Nous ne contestons donc pas le principe. Ce que nous contestons, c'est que seulement 1,3 million de familles puissent déduire les salaires payés, et que 900 000 familles ne le puissent pas.

Surtout, pourquoi réservez-vous le privilège fiscal à 70 000 familles seulement, selon le chiffre qu'a indiqué l'an dernier le rapporteur général lui-même ?

Cette année, M. Carrez est beaucoup moins précis, renvoyant à des rapports ou à des études. Personne ne nous a prouvé que l'augmentation de la déduction décidée l'an dernier a permis de créer des emplois en 2003. Or vous voulez augmenter encore la déduction.

L'an dernier, le rapporteur général se vantait d'avoir supprimé l'effet d'aubaine ; c'est que nous l'avions vivement dénoncé. Cette année, vous n'avez pas ce scrupule. Or, les familles qui ont un employé à domicile bénéficieront d'un supplément d'avantage fiscal sans avoir rien fait.

M. Xavier de Roux - Voilà deux jours qu'on parle de tout ça !

M. Augustin Bonrepaux - Est-ce cela, la justice fiscale, alors que vous voulez faire des économies au détriment des chômeurs en fin de droits ? Nous sommes scandalisés, révoltés, par l'usage que vous faites des crédits publics ! Vous n'avez aucun argument à faire valoir ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Pourquoi cibler 70 000 familles seulement ? Pourquoi en laisser de côté 900 000 autres, qu'il faudrait au contraire encourager à mieux rémunérer leurs salariés à domicile ? Les femmes, dans ces catégories sociales, n'auraient pas le droit, elles aussi, d'avoir une carrière professionnelle et de faire garder leurs enfants ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) La liberté n'appartient donc qu'aux privilégiés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard - « Voilà deux jours qu'on parle de ce sujet », dit un collègue. C'est vrai, et cela va durer encore, car le combat contre les injustices ne cesse jamais, ces injustices que vous êtes là pour imposer !

M. Jean-Jacques Descamps - Respectez la démocratie !

M. Jean-Pierre Brard - La démocratie, c'est la libre confrontation des opinions. Si vous croyez pouvoir nous faire taire, vous vous trompez !

Le dispositif de déduction, tel qu'il a été conçu à l'origine, était légitime. Il s'agissait de faire sortir des emplois de la clandestinité, ce qui procurait des ressources supplémentaires à la protection sociale. Mais cette mesure a pris un caractère symbolique d'injustice sociale. Vous êtes comme Tartuffe : le sein est découvert, cachons-le au plus vite ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Vous avez supprimé sans pitié 300 000 emplois-jeunes. Mais lorsque vous entreprenez de beurrer la tartine des privilégiés, vous êtes pris la main dans la motte, et c'est cela que vous ne supportez pas !

Vous financez la domesticité des privilégiés (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Vous n'acceptez pas de vous l'entendre dire ! Ce n'est pas nous, mais bien vous qui avez une approche idéologique. L'aristocratie de l'argent a remplacé celle de la particule, mais vous êtes toujours du même côté. Vous favorisez la thésaurisation des fortunes, alors que nous soutenons, nous, la bonne rémunération et la qualification du travail, qui favorisent la consommation et l'emploi.

Xavier Bertrand se dit choqué. Par quoi ? Par le dévoilement de ces turpitudes ? Notre collègue est une sorte de Stakhanov...

M. Xavier de Roux - Vous vous y connaissez !

M. Jean-Pierre Brard - ...de la défense des privilégiés, des gens dont il est l'obligé (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). S'ils lui étaient reconnaissants, ils lui enverraient de petits mots de remerciement signés Seillière, Kessler, Mulliez, Arnault... Monsieur Bertrand, vous déclarez que nous ne nous intéressons qu'aux familles bénéficiaires du cadeau fiscal, pas à celles des employés à domicile. Si, nous nous intéressons aux deux. Ce que vous n'acceptez pas, c'est que nous dévoilions que de nouveau vous faites payer par l'impôt des emplois chez les riches. Vous seriez plus convaincants si vous démontriez que les riches du XVIe, du XVIIe, de Neuilly et de Rueil-Malmaison ne vont pas être les principaux bénéficiaires du dispositif. Voilà ce qui vous gêne, et que vous ne voulez pas que nous disions publiquement. Mais vous êtes démasqués !

A la majorité de 25 voix contre 13 sur 38 votants et 38 suffrages exprimés, les amendements 158 corrigé et 259 2ème correction ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 352 à 354 du groupe socialiste relèvent de la même logique.

M. Xavier de Roux - On s'en passerait bien !

M. Jean-Louis Idiart - Je comprends M. de Roux, car le sujet est difficile pour lui ! La mesure prise à l'origine par Martine Aubry était au service de l'emploi.

M. le Ministre délégué - C'est vous qui jouez contre l'emploi !

M. Jean-Louis Idiart - Il s'agissait aussi de lutter contre certaines vilaines pratiques de travail au noir, et de permettre à des femmes de se libérer. Mais vous avez trouvé dans cette démarche une magnifique opportunité, que M. Sarkozy a exploitée.

Le Gouvernement rencontrait alors une difficulté : malgré ses efforts, il ne parvenait pas à imposer la suppression du taux marginal. Il a donc imaginé l'astuce qui consistait à substituer à cette disposition une réduction d'impôt qui procurait aux mêmes contribuables un avantage équivalent ! Il a ainsi détourné une mesure qui visait à l'origine à plus de justice... Lorsque nous sommes revenus aux responsabilités, nous avons corrigé cela mais voici que vous récidivez, précisément au moment où vous prétendez maîtriser la dépense pour améliorer la situation budgétaire.

Pourquoi refusez-vous de mettre cette disposition au service du plus grand nombre ? Neuf cent mille personnes se trouvent exclues du bénéfice de cette réduction d'impôt ! Je serais d'ailleurs curieux d'examiner, circonscription par circonscription, le nombre de familles concernées ainsi que le nombre de familles en difficulté et l'état des services d'aide ménagère. Je me propose en tout cas de le faire pour la mienne et peut-être constaterai-je qu'il faudrait plutôt développer ces services.

Vous persévérez dans la mauvaise direction ! Au contraire, nos amendements 352 à 354 visent à corriger votre dispositif de manière à ce que 900 000 personnes, au lieu de seulement 70 000, en profitent. Mais, cette injustice, nous entendons également l'exposer à tous. Quant au vilain procès que vous nous intentez - nous refuserions de créer des emplois -, il ne tient pas une minute : n'est-ce pas nous qui sommes à l'origine de cette réduction d'impôt ? Et, ce faisant, nous avons lutté contre le travail au noir comme nous l'avons fait aussi en baissant le taux de TVA sur les travaux dans le logement - ce qui ne sera pas le cas de la baisse sur la restauration que vous faites mine de vouloir arracher à Bruxelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Sur l'amendement 353, je suis saisi d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable, dans l'intérêt de l'emploi ! Il serait absurde d'enlever le bénéfice de cette réduction aux employeurs les plus susceptibles d'offrir des emplois à plein temps. Mais il est vrai que vous négligez cet aspect pour vous attacher exclusivement au problème de l'égalité...

M. Jean-Louis Idiart - J'ai commencé au contraire par poser la question de l'emploi.

M. le Rapporteur général - Je répète qu'il s'agit de vrais emplois. D'autre part, un contribuable assujetti à l'ISF et qui emploierait plusieurs personnes à domicile - pour assister une personne âgée, pour garder les enfants... -, ne bénéficiera d'un avantage fiscal que pour un seul de ces emplois, et encore pour la moitié seulement de son coût ! Notre souci n'est que de développer ces emplois familiaux qui répondent à de vrais besoins tout en assurant la dignité de ceux qui les exercent.

M. Jean-Jacques Descamps - Ils n'y comprennent rien.

M. le Ministre délégué - Même position.

M. Eric Besson - Je ne puis laisser dire que M. Idiart se préoccuperait uniquement de l'égalité devant l'impôt - ce qui n'est tout de même pas rien ! -, en oubliant l'emploi. Nous entendons précisément concilier justice fiscale et efficacité économique.

Votre raisonnement aurait plus de force, Monsieur le Rapporteur général, si depuis des mois vous n'aviez cessé de rogner sur les crédits de l'emploi et des dispositifs d'insertion. Votre politique fiscale et sociale est à sens unique : « à contre-emploi » ! Vous dépensez beaucoup pour créer très peu d'emplois. Vous avez renoncé à toute pédagogie, à tout discours républicain sur l'impôt : vous assimilez celui-ci à un prélèvement indu et, là où nous parlons de cotisations sociales, il n'y a pour vous que « charges » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hervé Mariton - La République est menacée !

M. Eric Besson - Oui, quand on oublie que chacun doit contribuer aux charges collectives en fonction de ses facultés ! Et c'est d'ailleurs pour cela que vous vous retrouvez dans une impasse financière et, encore plus, intellectuelle : on ne peut à la fois vouloir réduire la fracture sociale, augmenter certaines dépenses et diminuer impôts et « charges » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

L'amendement 352, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 353 est précisément celui que vient de défendre M. Besson : constatant que le relèvement des dépenses éligibles ne profitera qu'à 70 000 personnes qui n'ont pas besoin d'être aidées, nous proposons d'exclure du bénéfice de cette disposition les ménages redevables de l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. Gérard Bapt - Les 70 000 bénéficiaires de cette réduction d'impôt ne sont certes pas tous assujettis à l'impôt sur la fortune, mais j'imagine qu'une proportion notable l'est. Accepter cet amendement constituerait certainement un signe de bonne volonté autrement plus fort que votre refus de suivre la majorité lorsqu'elle demande d'actualiser les tranches du barème de l'ISF en fonction de l'inflation ! Cette révision manifesterait par trop un parti pris en faveur des plus aisés, sans doute, mais votre attitude est mystificatrice : vous servez les mêmes intérêts en relevant le plafond des dépenses éligibles à la réduction d'impôt pour emploi à domicile, en supprimant l'ASS à 600 000 personnes - 2,5 millions à terme - pour les mettre au RMI, lui-même transféré aux départements, ou encore en assurant par la loi sur l'initiative économique 500 millions aux redevables de l'ISF qui créent une entreprise alors que vous transformiez en avance remboursable la prime servie aux titulaires d'allocations sociales se lançant dans la même aventure !

Les ménages qui acquittent l'impôt sur la fortune n'ont pas besoin de cette réduction d'impôt pour créer des emplois. En revanche, on servirait beaucoup mieux la cause de l'emploi en transformant cette réduction en crédit d'impôt. Au moins, moralisez un tant soit peu votre dispositif et acceptez notre amendement.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable également.

M. Augustin Bonrepaux - Je suis surpris que, sur une question aussi importante, on nous refuse toute explication (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Si votre mesure était en faveur de l'emploi, nous y souscririons, mais sur 2,2 millions de familles employant une personne à domicile, 900 000 sont exclues du bénéfice de la réduction. Or ce sont les familles les plus modestes, celles qui ont réellement besoin d'un salarié !

Pour celles-là, vous ne faites rien.Vous avez refusé de transformer la déduction fiscale en crédit d'impôt. Cette déduction fiscale ciblée sur 70 000 familles est censée créer des emplois, mais ces emplois existent déjà ! Nous aurons plutôt un effet d'aubaine, puisque ces familles déduiront encore davantage l'année prochaine !

Vous dites qu'ainsi les femmes seront plus libres ! Oui pour les plus riches, mais quid des autres ? Les familles qui acquittent l'ISF ne sont pas les plus modestes : avaient-elles besoin d'un avantage supplémentaire ? Nous dénonçons cette injustice idéologique et ultra-libérale, aussi avons nous déposé cet amendement et demandé un scrutin public.

M. Jean-Pierre Brard - Il y a des silences qui parlent fort. La commission et le Gouvernement...

M. Jean-Jacques Descamps - C'est scandaleux ! Depuis le temps qu'on en discute !

M. Jean-Pierre Brard - Si vous êtes fatigué, vous n'êtes pas obligé d'être député ! Vous pouvez laisser votre emploi à quelqu'un d'autre !

M. le rapporteur général et le ministre ont compris que, si la parole est d'argent, le silence est d'or.

M. Xavier de Roux - Taxez le silence !...

M. Jean-Pierre Brard - Vous, vous voulez taxer tout ce qui appartient aux autres, à condition qu'ils soient les plus modestes. Nous préférons taxer les plus riches, c'est une question d'équité. Les contribuables, assujettis à l'ISF n'avaient pas besoin d'un avantage fiscal supplémentaire. Au contraire, plus enclins à la fraude que les autres, il aurait mieux valu développer les contrôles fiscaux. Mais vous n'auriez pas voulu imposer cette mesure à vos affidés.

M. Xavier Bertrand - Si l'on taxait l'idéologie et la démagogie, que de recettes nouvelles aurions-nous engrangées depuis quelques jours ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

A aucun moment vous n'avez parlé de l'augmentation des salaires des personnes concernées, que permettront les mesures du Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Et l'argumentation de M. Bapt aurait été plus légitime si, au moment de la suppression de la vignette automobile, il nous avait fait des propositions comparables.

M. Augustin Bonrepaux - Quel rapport ? C'était une très bonne mesure !

A la majorité de 30 voix contre 15, sur 45 votants et 45 suffrages exprimés, l'amendement 353 n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Dumont - Vous vous focalisez sur quelques cas, que vous défendez telle une citadelle assiégée, sans chercher à comprendre nos propositions. Aujourd'hui, 17 octobre, journée de lutte contre la misère, on mégote sur quelques euros pour ceux qui travaillent, mais on aggrave le fossé social.

Afin d'augmenter les ressources du budget de l'Etat, notre amendement 354 tend à exclure du bénéfice de la hausse du plafond pour l'emploi d'une personne à domicile, les contribuables disposant d'un revenu fiscal supérieur à 113 900 euros. Cette mesure permettrait, par exemple, de soutenir le fonctionnement des crèches qui n'ont pu conclure de convention tripartite, faute d'intervention des collectivités locales, et ont, de ce fait, augmenté leurs prix. Du coup, les familles les plus pauvres, souvent monoparentales, paient plus, tandis que les plus aisées paieront moins. Trouvez-vous cela normal ?

A l'origine, la réduction d'impôt pour emploi à domicile visait à régulariser nombre d'emplois clandestins.

M. Eric Woerth - C'est déjà bien !

M. Jean-Louis Dumont - Mais aujourd'hui, on triche sur le temps déclaré pour pouvoir bénéficier d'avantages ! Dans un souci d'équité fiscale, je vous demande de voter cet amendement.

Mme Muguette Jacquaint - Très bien !

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. La majorité est sans complexe (« Ah ! Ça ! » sur les bancs du groupe socialiste) Elle est fière d'une mesure qui favorisera l'emploi et les familles.

Mme Muguette Jacquaint - Lesquelles ?

M. Gérard Bapt - Je suis scandalisé par l'arrogance du rapporteur. Comment pouvez-vous revendiquer ces mesures avec une telle fierté ! Déjà sur le plan économique, votre majorité était inspirée par Friedman, à contre-emploi aujourd'hui puisque vous menez une politique de l'offre quand une politique de la demande s'impose !

M. Xavier de Roux - Quel savant !

M. Gérard Bapt - Au fond, vous êtes les disciples de Guizot, « Enrichissez-vous et le reste viendra ».

M. Xavier de Roux - Quittez le XIXe siècle !

M. Gérard Bapt - Mais je crains que votre arrogance ne nous prépare un avenir bien sombre, car à la résignation peut succéder la colère !

L'amendement 354, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Le code général des impôts fixe les critères de déduction des dons aux associations d'intérêt général. Cela ne semble toutefois pas suffisant à l'administration fiscale et notre collègue de Courson propose par l'amendement 201, de mentionner explicitement ici les associations de défense des contribuables non subventionnées.

Mme Muguette Jacquaint - Pourquoi seulement celles-ci ?

M. Pierre-Christophe Baguet - Parce qu'elles ne figurent pas sur la liste.

Ainsi donnerait-on tout son sens à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel « tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté cet amendement car les associations bénéficiant de la déduction sont définies de façon très extensive par le CGI : il s'agit « d'_uvres ou organismes d'intérêt général, ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ».

J'ajoute que la récente loi sur le mécénat a encore amélioré ce dispositif fiscal.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Jean-Pierre Brard - Contre l'amendement ! La commission a eu raison de le rejeter. Ces associations sont tout sauf philanthropiques. Elles mènent grand train et il serait bon qu'une commission d'enquête s'intéresse à leur financement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et les bancs du groupe socialiste).

Leurs positions ressemblent fort à celles des ligues en 1934. Comme souvent, leur prétendu apolitisme est marqué à droite. Une de leurs responsables n'est autre que Mme Taffin, ancienne mairesse du IIe arrondissement de Paris, membre du CNI, ce petit pont entre le RPR et le FN...

Ces associations tiennent un discours hostile à l'Etat républicain, aux services publics, à la solidarité. Je ne m'étonne donc guère que M. de Courson propose de leur accorder des avantages fiscaux : on voit bien là sa filiation idéologique. Il a chargé M. Baguet de défendre cet amendement sans lui dire qui se cachait derrière le faux-nez de ces associations.

L'esprit républicain commande de s'y opposer, c'est une question de salubrité publique.

M. Pierre-Christophe Baguet - M. Brard veut toujours me faire passer pour un ignorant, qui serait là par hasard...

M. Jean-Pierre Brard - Pas du tout !

M. Pierre-Christophe Baguet - Je défends les amendements de M. de Courson en toute connaissance de cause. Ce dernier est un homme courageux, qui assume toujours ce qu'il dit et ce qu'il écrit.

MM. Jean-Jacques Descamps et Marc Laffineur - C'est vrai !

M. Pierre-Christophe Baguet - Mais il est retenu ce matin par une réunion de conseil général.

Les associations en question nous dérangent quelque peu par leurs méthodes, mais elles poussent à la transparence et permettent à des citoyens très critiques de s'exprimer à l'égard des services publics et de l'organisation de notre pays. Elles jouent donc un vrai rôle démocratique, relèvent de l'intérêt général et mériteraient d'être soutenues.

M. Augustin Bonrepaux - Nous sommes également hostiles à cet amendement.

L'esprit de citoyenneté ce n'est pas, comme le font ces associations, demander toujours plus, c'est participer au fonctionnement solidaire du pays. Concentrer son action sur la baisse de la fiscalité, c'est oublier les plus défavorisés, c'est vouloir empêcher l'Etat d'assumer ses responsabilités en matière de solidarité.

Nous nous battons pour que l'impôt soit plus juste, pour que la fiscalité soit moins lourde pour les plus modestes et plus lourde pour les plus aisés. Mais la nation doit disposer des moyens nécessaires à son action et de telles associations sont donc dangereuses.

L'amendement 201, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - L'UDF est de plus en plus isolée...

Mme Muguette Jacquaint - Afin de donner tout son sens à l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ; les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune », l'amendement 438 vise à permettre la déductibilité des dons au profit des associations de défense de la dignité de la femme.

Sans être une constitutionnaliste avertie, il m'apparaît que le mot « homme » doit être interprété comme incluant également les femmes. Ces dernières prennent désormais toute leur place dans notre démocratie.

C'est sans doute ce qui a conduit le Président Debré à faire poser un calicot au fronton de notre assemblée, le 14 juillet, pour honorer le combat des femmes, notamment des « ni putes, ni soumises ». Il a alors rappelé que l'Assemblée devait être « l'étape ultime de cette marche. Qui, mieux qu'elle, incarne les valeurs de la République, libératrices et protectrices, auxquelles les femmes souhaitent rendre hommage et dont les députés sont les garants ? »

La dignité et la liberté des femmes sont menacées par des comportements violents, qui vont jusqu'au viol et à l'homicide. Mais elles subissent aussi une pression permanente qui leur impose des comportements, des attitudes, des vêtements.

Il serait bon que la représentation nationale donne un signal en encourageant concrètement les associations qui _uvrent courageusement pour faire reconnaître le rôle et l'importance des femmes, ainsi que leurs droits et leur dignité.

M. le Rapporteur général - Mme Jacquaint a lié dignité de la femme et Déclaration des droits de l'homme. Je rappelle qu'à l'époque les femmes ne votaient pas et qu'Olympe de Gouges périt sur l'échafaud pour avoir revendiqué le droit de vote.

C'est le général de Gaulle qui a introduit en France le vote des femmes. Jean-Louis Debré, auquel vous avez eu raison de rendre hommage, s'inscrit dans cette lignée.

M. Jean-Pierre Brard - C'est un féministe !

M. le Rapporteur général - Sur l'amendement, j'émettrai cependant un avis défavorable. Il est inutile puisque la déduction concerne déjà toutes les _uvres à caractère philanthropique : or qu'y-a-t-il de plus philanthropique que de plaider pour la dignité des femmes ? (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Muguette Jacquaint - Alors pourquoi refusez-vous ? Ça ira encore mieux en l'écrivant !

M. le Ministre délégué - Le législateur, dans sa sagesse, a préféré jusqu'à présent énumérer en termes très généraux un certain nombre de grandes causes et objets justifiant une déduction, plutôt que d'entrer dans le détail car on risquait d'aboutir à des discriminations. Je vous demande de retirer l'amendement.

M. Jean-Pierre Brard - J'entends bien cet argument, mais les administrations ont parfois des interprétations restrictives. Si vous me confirmez que les dons aux associations défendant les droits des femmes bénéficient de la déduction fiscale, je suis prêt à retirer notre amendement.

M. le Ministre délégué - Vous voulez m'inciter à délivrer une autorisation de déduction fiscale pour certaines catégories d'associations. Or précisément je veux éviter de faire des distinctions et en rester aux principes généraux.

L'amendement 438, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Je note que Mme Aurillac n'a pas voté notre amendement. Pourtant il y a aussi des féministes dans la belle société !

Mme Muguette Jacquaint - Et des victimes !

M. Jean-Pierre Brard - J'en viens à l'amendement 439 concernant les associations de lutte contre l'homophobie. Certaines évolutions de société demandent du temps et chacun a en mémoire un horrible attentat qui s'est produit l'an dernier. Il faut aider à rattraper ces retards, qu'on constate d'ailleurs aussi dans cet hémicycle même, comme l'a montré hier la discussion des amendements visant les personnes pacsées.

Nous nous référons à l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme, qui proclame que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », pour proposer la déductibilité des dons à ces associations.

M. le Rapporteur général - La notion de philanthropie est suffisamment large pour englober ces associations.

L'amendement 439, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Le Président de la République et le Gouvernement ont fait de la lutte contre la violence routière un cheval de bataille, à juste titre. Il faut donc soutenir les associations qui combattent ce fléau, qui fait des milliers de victimes chaque année. La répression est nécessaire, mais il ne faut pas oublier les vertus de la pédagogie.

Je comprends que vous ne vouliez pas décliner un catalogue d'associations, mais s'agissant d'une priorité du Gouvernement, il me semble que, pour une fois, il pourrait y avoir consensus.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. La définition actuelle est suffisamment large.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 440, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Eric Besson - L'amendement 387 devrait faire l'unanimité car le débat en cours sur l'énergie a bien montré nos préoccupations collectives : économiser l'énergie, respecter l'environnement, diversifier les sources d'énergie, améliorer le cadre de vie de nos concitoyens.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Des efforts importants ont déjà été faits en ce sens, notamment avec la prorogation de la TVA à taux réduit pour les travaux dans les logements. On a atteint un point d'équilibre.

M. le Ministre délégué - Si je comprends bien, vous proposez un crédit d'impôt non restituable, ce qui avantagera les contribuables imposables au détriment des non-imposables ; il y a des subtilités qui m'échappent dans votre logique ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Le Gouvernement a prévu à l'article 61 d'étendre le crédit d'impôt aux travaux d'installation d'équipements spécifiques dans les logements des personnes âgées ou handicapées et cette mesure profitera aussi bien à celles qui ne sont pas imposables qu'aux autres.

Je vous demande de retirer l'amendement.

M. Didier Migaud - On ne peut pas parler sans cesse de la protection de l'environnement et ne proposer aucune mesure allant dans ce sens ! Vous êtes dans l'affichage permanent - c'est d'ailleurs pourquoi les crédits de communication du Premier ministre augmentent de 3,52 % (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), alors même que le Gouvernement impose des sacrifices sur les budgets de l'emploi, des transports, du logement ! Il est choquant que les contribuables paient les frais de propagande d'un Premier ministre en perte de popularité.

Quant à votre remarque, Monsieur le ministre, je vous fais observer que nous proposons non une réduction d'impôt, mais bien un crédit d'impôt qui profitera aussi aux contribuables non imposables. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement reste sourd aux engagements pris par le Président de la République pour la protection de l'environnement.

Le rapporteur général prétend que nous sommes arrivés à un point d'équilibre. Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer que nous ne pouvons pas progresser dans l'utilisation des matériaux moins polluants ?

Nous ne proposons pas un privilège, mais une incitation. C'est un amendement que nous vous pensions susceptible de reprendre, sauf à faire preuve de sectarisme vis-à-vis de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - Je lis dans le II de votre amendement que « cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû », ce qui est en contradiction totale avec ce que vous venez de dire.

M. Didier Migaud - Il s'agit d'un crédit d'impôt. Nous sommes tout à fait ouverts à une correction de notre II, Monsieur le ministre, afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Mais tous les Français paient des impôts : il est scandaleux de répéter qu'un sur deux seulement le paie : il y a la CSG, la TVA...

L'amendement 387, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - A l'heure où tout le monde disserte sur le développement durable, il faut tout faire pour familiariser nos compatriotes avec une utilisation rationnelle de l'énergie, d'autant que les factures d'électricité représentent une part non négligeable des dépenses familiales.

En 1992, la Commission européenne a adopté une réglementation sur l'étiquetage des appareils électroménagers. Leurs performances énergétiques sont classées de A à G. Mais les appareils de classe A, les plus économes en énergie, sont les plus chers, ce qui dissuade les ménages modestes de les acquérir. C'est pourquoi nous proposons par notre amendement 125 d'instituer au profit de ceux qui font l'effort de le faire, un crédit d'impôt, compensé par un relèvement de l'impôt sur les sociétés.

M. le Rapporteur général - Merci pour ce cours d'électroménager (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), mais le crédit d'impôt n'est pas du tout adapté en l'espèce.

Mme Muguette Jacquaint - L'électroménager n'est pas seulement l'affaire des femmes !

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le rapporteur général, on pourrait raisonner par analogie avec ce qui avait été fait pour le GPL. Je souhaite que notre assemblée ne se montre pas en retrait de la volonté politique manifestée par le Président de la République qui, après un discours remarqué à Johannesburg, souhaite modifier la Constitution. « Where there is a will, there is a way ! »

M. Didier Migaud - Ils n'ont pas de volonté, seulement des discours !

L'amendement 125, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Après avoir en 2002 dénoncé l'extrême complexité de la législation fiscale, le Conseil des impôts, dans le rapport qu'il vient de remettre au Président de la République, s'est penché sur notre fiscalité dérogatoire. Il observe que les niches fiscales - on en recense 418 - ne bénéficient qu'aux contribuables les mieux informés. Les stratégies d'optimisation fiscale sont réservées à ceux qui ont un capital culturel leur permettant de connaître les subtilités du CGI, ou un capital économique suffisant pour s'offrir les services de ceux qui les leur feront découvrir...

La fiscalité dérogatoire peut se justifier lorsqu'elle ouvre des droits en contrepartie des devoirs. Mais quand elle aboutit à une compétition qui porte atteinte au débat démocratique et prend la forme de privilèges sur mesure accordés à une poignée de contribuables, la fiscalité dérogatoire nuit à la cohérence sociale, altère le pacte républicain, favorise l'injustice et accroît les inégalités.

Voilà ce que nous voulions faire ressortir par notre amendement.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

J'ai déjà indiqué hier que le plafonnement global des déductions ou réductions fiscales était une idée intéressante. Elle sera examinée dans le cadre de la commission de réforme de l'impôt, dont nous avons décidé hier le principe.

M. le Ministre délégué - Rejet.

L'amendement 93, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 15.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale