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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 12ème jour de séance, 30ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 22 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      OUTRE-MER (suite) 2

      QUESTIONS 14

      ORDRE DU JOUR JEUDI 23 OCTOBRE 2003 19

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

OUTRE-MER (suite)

M. Eric Jalton - L'an dernier, à la même époque, Madame la ministre, vous proclamiez la nécessité d'une « opération vérité » en matière budgétaire, pour plus de transparence, plus de réalisations et moins d'affichage. Je salue aujourd'hui votre pragmatisme, qui vous conduit à gérer avec souplesse les ressources disponibles, dans un souci d'optimisation des dépenses.

Vous avez, par ailleurs, raison de réaffirmer que les collectivités d'outre-mer ne coûtent pas plus cher que les autres collectivités de la République, tordant ainsi le cou à de fausses rumeurs qui alimentent certaines critiques à l'égard d'un dispositif particulier destiné à tempérer le surcoût de la vie outre-mer et les handicaps structurels de notre territoire. A ce propos, je réaffirme que la sur-rémunération des fonctionnaires à la Guadeloupe est justifiée, et que l'on ne saurait leur faire supporter les maux de notre économie locale. Il y a d'autres solutions que celles proposées par le rapport de M. Laffineur !

De même, comment peut-on à la fois supprimer l'exonération de TVA sur les produits importés et proclamer son soutien au secteur marchand outre-mer ? Veut-on vraiment aider les entreprises locales à créer des emplois, ou cherche-t-on à économiser sur l'outre-mer ?

La continuité territoriale est un impératif pour asseoir le développement économique et réduire nos handicaps structurels. Si les dispositifs de la loi-programme représentent une timide avancée, il reste encore beaucoup à faire - notamment en abondant les crédits ad hoc alloués aux collectivités territoriales, et en ne faisant pas supporter aux collectivités d'outre-mer ce qui relève de la solidarité nationale.

Cependant, je m'oppose à ce que l'on nous applique le modèle corse, qui bénéficie à tous les Français désireux de se déplacer entre la Corse et le continent. Au contraire, pour optimiser la consommation d'un budget limité, il faut sélectionner, notamment sur des critères sociaux, les personnes éligibles au dispositif et étendre celui-ci, en se fondant sur les mêmes critères, aux originaires de l'outre-mer.

Par ailleurs, le dispositif doit aussi bénéficier au rapatriement outre-mer de nos défunts, dont le coût est très élevé : plus de 3 800 €.

Pour ce qui est de la formation initiale, j'ai pris acte des discussions engagées en vue de créer un « passeport logement » pour les étudiants originaires de l'outre-mer, ainsi que d'améliorer les modalités d'accès au passeport mobilité.

J'approuve également l'élargissement de l'accès à la CMU, excellente mesure mise en place par le précédent gouvernement et étendu par son successeur.

En revanche, la réorientation des crédits du FEDOM vers l'emploi dans le secteur marchand aurait été positive si celui-ci pouvait aspirer les emplois aidés du secteur non marchand. Malheureusement, la réalité est tout autre, aussi n'est-il pas judicieux de tout miser sur cette stratégie. Mais vous l'avez, semble-t-il, compris.

Concernant le dossier de l'évolution institutionnelle, nous apprécions vos efforts pour respecter vos engagements et le calendrier annoncé. La balle est désormais dans notre camp.

Il nous reste encore beaucoup à faire pour garantir l'autonomie et la promotion de RFO, pour défendre et promouvoir notre économie, notamment agricole, pour corriger les handicaps liés au caractère doublement insulaire de certains territoires de l'archipel guadeloupéen - Marie-Galante, la Désirade, les Saintes -, pour lutter contre l'insécurité et l'immigration clandestine, pour protéger notre environnement et notre exceptionnelle biodiversité, pour développer le tourisme, ainsi qu'un service public et une fonction publique de qualité.

Pour conclure, je salue votre détermination, Madame la ministre, à servir l'outre-mer contre vents et marées, dans une conjoncture difficile pour tous les ministères. Nous vous accompagnerons dans la mise en _uvre de votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. René-Paul Victoria - « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité » (Révision de la Constitution du 17 mars 2003).

« Un idéal commun » pour ces 2 365 000 personnes qui font partie intégrante de la nation française et qui contribuent à sa richesse, à son rayonnement et à sa force.

Je me souviens de ces paroles fortes du général de Gaulle, lors d'une de ses visites à la Réunion à la fin des années 1950 : « Votre île est une terre émouvante à cause de son passé, à cause de son présent, mais surtout maintenant à cause de sa situation géographique... J'ai senti battre ici le c_ur de la France. Vous êtes Français par excellence, vous êtes Français passionnément. Cela implique la liberté, l'égalité, la fraternité ». Ces paroles sont plus que jamais d'actualité. La diversité de toutes les régions françaises ne constitue-t-elle pas l'unité de la République ?

Alors pourquoi ces critiques venant de notre propre majorité qui a voté en juin la loi de programme pour l'outre-mer, afin de donner à nos territoires les moyens de rattraper leurs retards structurels ? Pourquoi la dimension républicaine de l'outre-mer ne trouve-t-elle toujours pas place au sein de nos commissions ?

Abaissement des plafonds relatifs à la réfaction d'impôts applicable dans le DOM, suppression de l'abattement sur le revenu pour les pensions servies outre-mer, suppression du remboursement de la TVA aux entreprises, suppression de la dotation de continuité territoriale, sont autant d'amendements en contradiction non seulement avec la philosophie même de la loi de programme, mais aussi avec les engagements du Président de la République et du Gouvernement en faveur de l'outre-mer.

Je me réjouis donc que le Gouvernement ait souligné sans ambiguïté le besoin de stabilité de nos territoires pour engager un processus de développement. Le Président de la République lui-même a déclaré : « L'outre-mer est essentiel pour la France ». Dans cet esprit, votre budget 2004 s'articule autour des mesures fortes de la loi de programme pour l'outre-mer, du contrat de plan et du PDR III, avec une augmentation sensible de 3,4 %.

La dynamique que vous créez permettra à l'économie marchande de créer des richesses et des emplois, mais vous répondez aussi à nos difficultés spécifiques par un maintien des emplois aidés de l'économie solidaire.

Permettez-moi toutefois, Madame la ministre, de vous faire part de quelques-unes de nos attentes.

Nous demandons une dotation spécifique pour aider les communes à cofinancer les emplois jeunes en fin de contrat pour éviter une crise sociale très grave ou une situation financière catastrophique. C'est là l'héritage des socialistes, qui n'avaient rien prévu à la fin de ces contrats de cinq ans !

Par ailleurs, il faut notifier, dès la réunion du FEDOM, le quota des emplois aidés pour l'année entière. Il appartiendra aux collectivités et aux associations de procéder à une répartition annuelle.

Il faut aussi mettre en _uvre, très rapidement, la loi de programme pour l'outre-mer, en publiant les décrets.

Enfin, le financement des intrants par le fonds régional du développement économique permettra aux entreprises d'alléger leurs coûts de production et d'être compétitives. Cette mesure, non retenue dans la loi de programme, garantirait un développement économique durable outre-mer.

Avant de terminer, je voudrais remercier M. Pascal Clément d'avoir dit que « la principale richesse n'est pas économique, mais humaine ». Les populations d'outre-mer serviront d'exemple pour l'avenir. Et les questions que se posent aujourd'hui les 2 365 000 habitants d'outre-mer sont celles que se poseront demain les 55 millions de Français à propos de l'Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

J'invite tous mes collègues à voter, comme moi, ce projet de budget.

Permettez-moi, en conclusion, d'avoir une pensée pour Michel Debré, député de la Réunion pendant vingt-cinq ans. « Chaque fois qu'on fait quelque chose pour l'outre-mer », disait-il, « il faut le faire avec amour et avec passion ». Ce soir, sous la présidence de Jean-Louis Debré, j'invite l'ensemble des parlementaires de la nation à agir ainsi. Et comme le disait Michel Debré : « Créole un jour, créole toujours ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Je vous remercie du fond du c_ur pour cet hommage rendu à mon père.

Mme Juliana Rimane - Bienvenue outre-mer !

Madame la ministre, préparer ce budget était une gageure. En effet, le contexte économique est difficile, le Pacte de stabilité place la France dans une situation délicate et le Premier ministre doit honorer les engagements non financés de son prédécesseur. Malgré les contraintes, vous avez fait valoir les besoins de l'outre-mer. Le Gouvernement a accepté vos demandes, conformément à l'engagement pris par le Président de la République de soutenir activement ces territoires.

Je ne suis donc pas étonnée que le budget que nous examinons aujourd'hui soit en nette progression.

Le Gouvernement a pris des dispositions qui commencent à porter leurs fruits qu'il s'agisse de la lutte contre l'insécurité et l'immigration clandestine, du développement économique, du soutien à l'emploi ou de la continuité territoriale.

La Guyane reste néanmoins confrontée à de nombreuses difficultés. La situation de l'agriculture est très préoccupante. L'office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer souffre depuis longtemps de dysfonctionnements structurels qui ont les effets les plus désastreux sur toutes les filières de l'agriculture guyanaise.

Ainsi, les paiements pour l'exercice 2001 n'ont pas encore été soldés ; les conventions pour les exercices 2002 et 2003 n'ont toujours pas été homologuées, alors que les propositions de programme pour l'exercice 2004 ont été demandées aux professionnels pour le 9 septembre dernier.

Il en résulte des conséquences graves sur l'emploi et la rémunération des salariés, les trésoreries des employeurs et leur situation à l'égard des organismes sociaux. L'avenir de certaines filières s'en trouve compromis. Je pense en particulier à celle du rhum. Il est vrai que la Guyane n'est pas un important producteur de rhum, liquide alcoolisé qui, bu avec modération, ravit le palais (Sourires).

La Guyane ne compte plus aujourd'hui qu'une seule entreprise produisant industriellement du rhum. Les départements d'outre-mer bénéficient, au niveau communautaire, d'un quota de 90 000 hectolitres d'alcool pur, quota qui ne semble pas être utilisé.

Or, la seule entreprise guyanaise compétente en ce domaine, qui bénéficiait récemment encore d'un quota de 2 750 hectolitres ne dispose plus que d'une dotation de 150 hectolitres. Elle a demandé que son quota soit porté à 1 000. L'absence de réponse entrave le développement de ce secteur d'activité, d'autant que le projet sucrier présenté par un groupe privé, pourtant soutenu par des responsables guyanais, n'a pas été retenu.

Les pêcheurs savent gré au Gouvernement d'avoir pris des mesures pour renforcer leur sécurité et protéger les ressources halieutiques. Malheureusement, ces mesures se révèlent encore insuffisantes. Les professionnels continuent d'être agressés et pris en otage par des navires étrangers, et les stocks de poissons d'être pillés.

Le sous-sol guyanais recèle des richesses, comme l'or, qui fait l'objet de convoitises multiples et dont l'exploitation est souvent illégale. Si certaines mesures, comme l'opération « Anaconda », ont eu des résultats remarquables, il n'en demeure pas moins que l'utilisation de produits comme le mercure et le cyanure pour fixer l'or continue à dégrader l'environnement et à menacer la santé des populations locales. Faut-il attendre encore longtemps une charte de bonne conduite dans ce secteur d'activité ?

D'une manière générale, l'activité économique est pénalisée par l'insuffisance des circuits financiers. Les chefs d'entreprise éprouvent les plus grandes difficultés à accéder aux prêts bancaires.

Aujourd'hui encore, les Guyanais restent inégaux devant la santé. Le centre hospitalier de Cayenne connaît toujours les mêmes dysfonctionnements. Les centres de santé manquent cruellement de moyens, surtout dans les communes de l'intérieur. Le personnel médical, tant public que privé, fait gravement défaut. Ne conviendrait-il pas de mettre en place un dispositif visant à maintenir et à attirer le corps médical, au moyen de mesures incitatives ?

En matière de recherche, le pôle universitaire guyanais a été porté sur les fonts baptismaux. C'est la concrétisation d'une idée avancée depuis de nombreuses années, notamment par votre collègue qui siégeait ici avant moi. Cet établissement pourra remédier à l'absence de synergie entre les différents organismes de recherche implantés en Guyane. On ne peut que nourrir l'espoir que ses travaux de recherche se traduiront par des applications exploitables sur place. En effet, les innovations technologiques touchent très inégalement la population. Dois-je rappeler que certains villages de l'intérieur n'ont toujours pas le téléphone, l'électricité ou l'eau potable, alors que, depuis Kourou, la haute technologie spatiale permet d'envoyer les satellites dans l'espace ?

Après la grave crise traversée par le secteur spatial, confronté à une concurrence internationale croissante, il convient de pérenniser les acquis et de renforcer les moyens. Il y va de la place de la France et de l'Europe dans ce domaine stratégique, de l'image de marque de la Guyane et de la reconnaissance du sacrifice consenti par les Guyanais, expulsés de leurs terres pour permettre la réalisation de la base spatiale.

Enfin, la Guyane souffre d'un profond déséquilibre entre les communes du littoral et celles de l'intérieur. Ce déséquilibre est aggravé par l'insuffisance des dotations de l'Etat, dont le mode de calcul reste fondé sur la démographie. Or la population a considérablement progressé depuis le recensement de 1999, lui-même contesté. La nouvelle méthode de recensement sera, d'après les experts, parfaitement inadaptée. Ne serait-il pas plus judicieux d'adopter des méthodes utilisant les images satellitaires, qui ont fait leurs preuves à Quito et à Lima ?

Les besoins, dans tous les domaines, restent importants en Guyane, mais les moyens mis en place par vos collègues et vous-même contribuent à les réduire. Depuis près d'un an et demi, j'ai pu mesurer sur place le chemin parcouru et, avec les Guyanais, je fonde l'espoir que ces efforts seront poursuivis avec la même détermination. Parce que votre budget participe de ce grand dessein, je le voterai (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Mansour Kamardine - Il est, dans la vie, des signes et des gestes qui ne trompent pas, Monsieur le Président. Votre présence au « perchoir » à chaque fois que la cause de l'outre-mer est évoquée à l'Assemblée, l'examen du présent budget un mercredi, témoignent de votre engagement aux côtés de cette France du grand large.

Vous faites partie de ces compatriotes métropolitains, assez rares, qui croient encore en nos départements et collectivités d'outre mer. L'actualité récente justifierait que soit organisé un débat national sur la place et le rôle de ces contrées. Je remercie également M. Pascal Clément pour son témoignage de sympathie.

Acceptez, Monsieur le Président, l'expression ultra-marine de notre gratitude.

Il y a un an, Madame la ministre, je vous dressais ici même l'état dans lequel se trouvait Mayotte : un océan de problèmes laissés en jachère !

Aujourd'hui, tout n'est pas réglé, mais Mayotte figure dans la Constitution. C'était la meilleure garantie que le Gouvernement puisse apporter aux Mahorais, qui se battent depuis plus de quarante ans pour rester Français avec un statut départemental.

A votre crédit également, le « passeport mobilité » en faveur des jeunes. J'ai noté d'ailleurs avec satisfaction votre souhait d'étendre ce dispositif aux sportifs et d'apporter une aide au logement des étudiants.

La loi de programme pour l'outre-mer fut l'engagement le plus achevé du Président de la République pour réaliser l'égalité économique outre-mer.

A Mayotte, votre action s'est traduite par la signature de la convention de développement : cet outil simple mais efficace devrait relancer la politique des grands travaux dont Mayotte a besoin.

Sur le plan social, la baisse du prix de l'électricité, l'aide aux personnes âgées et aux handicapés ainsi que l'allocation de logement resteront les mesures les plus marquantes de l'année 2003.

Des chantiers importants pour l'avenir sont désormais ouverts : extension des trois fonctions publiques et de la carte vitale ; interdiction de la polygamie et de la répudiation ; égalité des enfants devant la succession ; étude de faisabilité d'une piste d'aéroport pour relier directement Mayotte à la mère patrie. Tout ceci est indispensable à la modernisation de la société mahoraise, sans compter l'effort de modernisation et de mise à niveau juridiques que la loi de programme a assigné à Mayotte.

Cette loi de programme a posé les fondations d'une politique économique durable.

Une seconde phase s'ouvre. Elle devrait donner à votre action un double objectif : assurer la mise en _uvre de la loi par la publication de l'ensemble des textes d'application ; rester vigilant pour que, à chaque loi de finances, des décisions intempestives ne viennent pas remettre en cause ce dispositif. Sur ce plan, vous êtes assurée du soutien sans réserve de l'ensemble des élus de l'outre-mer.

S'agissant de Mayotte, il faut, en premier lieu, mener une lutte bien plus efficace contre l'immigration clandestine, car aucune région de France ne peut supporter ce qu'endurent les Mahorais depuis plusieurs années. En effet, cette île de 374 km2 est peuplée de 160 000 habitants dont 50 000 clandestins, avec toutes les conséquences que l'on imagine en terme d'atteintes aux personnes et aux biens.

Certes, des efforts sont accomplis chaque jour pour les reconduites à la frontière. Mais l'action des forces de police et de gendarmerie est sans effets majeurs. Elle est semblable à celle d'une personne qui chercherait à freiner les eaux du lagon à la marée montante avec une casserole... Nous attendons de toute urgence les moyens nautiques et de détection promis. A défaut, toute action de développement durable sera vaine.

Les besoins en habitat social sont également considérables : de l'ordre de 1 000 logements par an pendant quinze ans. En 2003, près de 20 millions d'euros d'autorisations de programme ont été dégagés par l'Etat mais n'ont pu être engagés faute de foncier aménagé. Au 30 juin dernier, aucune construction de case n'avait été lancée. On peut dès lors se demander combien de temps encore l'Etat restera sourd à nos demandes tendant à l'intervention du FRAFU. Mayotte n'étant dotée d'aucun outil d'aménagement foncier, nous attendons votre décision avec impatience.

Autre priorité, le domaine social. De passage à la Réunion, le Premier ministre a déclaré qu'il n'y avait pas d'économie à réaliser en la matière. Il faut en tirer les conséquences pour le régime discriminatoire et inique d'allocations familiales, pour l'allocation de rentrée scolaire, pour l'allocation logement, plafonnée à trois enfants. C'est aussi avec une très grande impatience que les textes sur la sécurité sociale et les mutuelles sont attendus localement, depuis le début de l'année. En vous disant cela, je ne viens pas quémander des droits inaliénables qui nous sont reconnus à tous ; je dis simplement que le temps est venu que l'Etat constate que ces droits s'appliquent aussi aux Français de Mayotte.

Une grande partie des enjeux du développement de Mayotte doit trouver des réponses dans l'accession de cette collectivité au statut de région ultra-périphérique. C'est un dossier qui tient particulièrement à c_ur au chef de l'Etat, on l'a vu à l'occasion du récent conseil des ministres franco-allemand. Sous son autorité, le Gouvernement y travaille d'arrache-pied. Je lui dis ici notre gratitude.

Enfin, Mayotte est régie par la loi du 11 juillet 2001. Depuis la dernière réforme constitutionnelle ce texte est en contradiction flagrante sur bien des points avec notre loi fondamentale. L'année 2004 pourrait être mise à profit pour mettre cette loi en adéquation avec la Constitution.

Votre budget est bon : il est en forte augmentation dans un contexte budgétaire difficile. Nous avons appris à vivre avec la critique et à la chérir quand elle est sincère et constructive, y compris quand elle vient de l'opposition. En dix-huit mois de vie parlementaire, j'ai acquis la conviction qu'il est parfois dans la vie politique une sorte de critique qui doit laisser indifférent : quand elle est l'expression de la désinvolture et de la contre-vérité, elle pervertit l'intégrité intellectuelle. Elle ne mérite alors pas attention puisqu'elle s'écarte de l'intérêt général (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Les propos tenus ici ou là avec un aplomb époustouflant par ceux-là même qui vous ont précédé, me confortent dans l'analyse que je fais de ce budget et m'encouragent à le voter avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Joël Beaugendre - Le gouvernement Raffarin a toujours manifesté une volonté de vérité et de transparence envers l'outre-mer. Ainsi, le budget 2003 s'appuyait sur des réalités solides pour soutenir le développement économique de nos régions et trouver des réponses à ses handicaps structurels, tout en maîtrisant la dépense publique.

Le budget 2004 poursuit cette politique, en recherchant un équilibre entre maîtrise de la dépense publique et financement des besoins spécifiques de l'outre-mer. Un effort important est ainsi fourni en faveur de l'emploi durable dans le secteur marchand, du logement social, de la résorption de l'habitat insalubre et des plus démunis.

Toutefois, certains semblent rester hermétiques à cette démarche déterminée destinée à résoudre une situation économique catastrophique.

En effet, le risque de brouiller le message délivré aux citoyens de nos régions est réel, si l'on adoptait des amendements qui entraîneraient la disparition de dispositifs particuliers de soutien à une économie fragile.

L'outre-mer doit contribuer à l'effort de maîtrise de la dépense publique, mais doit-il le faire seul ? Il y existe en effet des besoins spécifiques dans les domaines de l'emploi, du logement, du transport, du soutien aux collectivités locales, de la continuité territoriale, des contrats de développement, de certains dispositifs de la loi de programme, de la mesure nouvelle prise au titre de la couverture maladie universelle.

On ne peut ni ignorer les réalités locales relayées par les députés d'outre-mer, ni faire preuve d'amnésie quant aux engagements pris.

Il faut faire preuve de sagesse, en gardant toujours à l'esprit que le développement ultra-marin s'inscrit dans un contexte particulier, et que l'outre-mer gagne à être respecté. La sagesse, c'est aussi de mener une politique cohérente, conforme aux engagements du Président de la République et aux attentes de nos concitoyens. La sagesse, c'est enfin d'avoir une attitude courageuse, qui corresponde à notre ambition pour l'outre-mer.

Selon le Petit Larousse, la sagesse est une conduite de l'homme qui allie modération et connaissance. Il aurait donc fallu prêter ici la même modération et le même silence qu'aux autres observations du Conseil des impôts sur les « niches » fiscales. Il aurait fallu aussi mesurer sa méconnaissance des problèmes ultra-marins.

Votre budget, Madame la ministre est à la hauteur des attentes, au moins les plus urgentes, de l'outre-mer. Au-delà de leur soutien d'aujourd'hui, les députés de la majorité se feront le relais de l'espoir qu'il nous procure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Je veux d'abord vous remercie, Monsieur le Président, pour la fidélité de votre affection pour l'outre-mer, ainsi que pour le jour et pour l'heure à laquelle ce budget est examiné : nous ne sommes pas un vendredi, à la veille d'un long week-end (Applaudissements sur tous les bancs). J'y vois une marque de respect et d'estime à l'égard de nos compatriotes à laquelle nous sommes très sensibles.

Je remercie aussi les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis pour la qualité de leurs travaux qui traduisent une perception constructive de l'outre-mer. L'action réformatrice que j'ai engagée au sein du ministère de l'outre-mer poursuit quatre objectifs : assurer la cohérence de l'action de l'Etat en renforçant son caractère interministériel ; créer les conditions d'un développement économique et social durable afin de tendre vers l'égalité avec la métropole ; adapter le cadre juridique aux particularités institutionnelles et humaines ; faire du ministère l'interlocuteur unique des élus, des populations et des partenaires institutionnels nationaux et internationaux.

Pour en venir au présent budget, je m'inscris en faux contre certaines allégations et je tiens à rétablir certaines vérités quant à l'action de ce gouvernement en faveur de l'outre-mer.

C'est l'honneur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin d'avoir fait de l'outre-mer, en dépit d'un contexte budgétaire particulièrement difficile, une priorité de son action pour 2004. Il faut y voir un attachement très fort à l'outre-mer et la volonté de mettre en _uvre tous les engagements du Président de la République.

Cette priorité s'illustre tout d'abord, n'en déplaise à certains, par la progression du budget de l'outre-mer. Cette hausse de 3,4 % est la quatrième des budgets civils, juste après les ministères de la culture, de la justice et de l'intérieur (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Cette priorité s'affiche aussi clairement à travers l'ensemble des moyens que l'Etat entend globalement consacrer à l'outre-mer puisque, pour la première fois, ils dépasseront 10 milliards d'euros.

Quoi qu'en disent certains qui s'évertuent à voir une baisse là où il y a des hausses, les moyens de l'Etat en faveur de l'outre-mer augmentent, car ce gouvernement a de la considération pour l'outre-mer et la ferme volonté de l'accompagner dans son développement.

Je partage les sentiments que beaucoup ont exprimés, notamment MM. Almont, Grignon, Kamardine et Victoria, au sujet des amendements de la commission des finances visant à supprimer ce que d'aucuns appellent des « cadeaux fiscaux » pour l'outre-mer ou, de manière encore plus provocante, des « niches fiscales ». Je m'étonne que ce qui apparaît parfaitement légitime à l'Union européenne compte tenu des handicaps structurels de ces régions ultra-périphériques, soit encore qualifié de « curiosités » sans fondement, auxquelles il faudrait mettre fin. Cela traduit, me semble-t-il, une méconnaissance de ces économies et je pense donc comme M. Kamardine qu'il serait utile d'organiser un débat national pour poser clairement ces questions, auxquelles l'Europe a su répondre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur Quentin, l'action que je mène pour conforter la politique que mène l'Union européenne en faveur de l'outre-mer consiste à _uvrer, d'une part, pour l'inscription de la notion de région ultra-périphérique dans le projet de constitution européenne - où a déjà été reprise la rédaction de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam - tout en demandant l'inclusion de Mayotte dans la liste, et, d'autre part, pour un enrichissement des actions de l'Europe dans ces régions. Un projet de mémorandum commun à la France, à l'Espagne et au Portugal et aux sept régions ultra-périphériques a été remis au commissaire Barnier le 2 juin. La Commission doit faire un rapport au prochain Conseil européen, en décembre, et nous allons ouvrir dans quelques jours, à la Martinique, une réunion de concertation entre les Etats membres et avec les sept RUP, en présence du commissaire Barnier et sous la présidence de M. Marie-Jeanne, pour donner l'impulsion nécessaire avant les échéances liées notamment à l'élargissement.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les départements et régions d'outre-mer - Très bien !

Mme la Ministre - Avec celles de nos collectivités qui sont des PTOM, nous avons lancé une initiative similaire pour qu'elles ne soient plus assimilées aux ACP. Là aussi, avec le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Danemark, également concernés, nous présenterons un mémorandum à Bruxelles au début de décembre. En outre, nous négocions actuellement le renouvellement du régime de l'octroi de mer et ces négociations se déroulent de façon satisfaisante.

La priorité accordée à l'outre-mer se traduit également dans notre politique de l'emploi et du logement. Celles et ceux qui voient des baisses partout, tels Mme Bello et M. Payet, auraient pu relever que le nombre de CES et de CEC est reconduit outre-mer alors qu'il diminue respectivement de 30 % et de 40 % pour la métropole (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Victorin Lurel - Faux !

Mme la Ministre - Ce gouvernement entend donc bien tenir compte du dynamisme démographique et des difficultés structurelles des économies d'outre-mer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Victorin Lurel - Nous en attendons la démonstration !

Mme la Ministre - Vous allez l'avoir !

Ce pragmatisme, qui me tient à c_ur, n'empêche pas une réorientation des crédits consacrés à l'emploi vers le secteur marchand. L'insécurité et la précarité sociales ne sont pas porteuses d'espoir pour la jeunesse d'outre-mer mais l'emploi aidé non plus. C'est donc vers l'entreprise qu'il faut se tourner pour ne pas confiner ces populations dans une assistance où on les a laissées trop longtemps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) La dignité par le travail est une aspiration légitime à laquelle ce projet de budget vise à répondre.

Cette orientation est lisible dans le montant des crédits du FEDOM, d'une part, et des crédits consacrés aux exonérations de charges sociales sur le budget du ministère des affaires sociales, d'autre part : cet ensemble est porté de mille à 1 145 millions d'euros, soit une progression de 14,5 %. En effet, si l'enveloppe du FEDOM n'augmente que de 115 000 €, nous dégageons une marge de man_uvre de 35 millions d'euros grâce au redéploiement des emplois-jeunes vers des emplois marchands, les crédits CAE augmentant de 20 %. Quant à la participation du ministère des affaires sociales, elle augmente de 145 millions d'euros pour financer les exonérations de charges. Ceux qui prétendent que notre effort faiblit ou que la loi de programme n'est pas financée, alors que son volet emploi a été évalué à 55 millions d'euros, ont décidément un problème de lecture !

M. Jérôme Lambert - Nous n'avons pas les mêmes lunettes, c'est tout !

Mme la Ministre - Les crédits pour l'emploi croissent donc dans une proportion importante et ceux qui s'étonneraient de me voir regrouper la contribution de mon ministère et celle de François Fillon, feraient mieux de se référer à la LOLF que d'avoir une lecture à éclipses du budget de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je ne vous cache d'ailleurs pas que je souhaite voir à l'avenir ces crédits inscrits sur le budget de mon ministère : notre politique y gagnera en lisibilité.

Je souhaite réorienter ces crédits vers des emplois durables. Alors qu'en 2003, 63 % du milliard consacré à l'emploi étaient destinés à l'emploi marchand, ce sont plus de 72 % des 1 145 millions de 2004 qui vont lui être alloués. S'agissant du FEDOM, la réorientation est certes plus modeste mais c'est parce qu'il finance l'essentiel des emplois aidés. Leur part passera toutefois de 76 % à 67 %, en raison de la sortie du dispositif emplois-jeunes - car, fort heureusement, il y a des jeunes qui sortent de ce dispositif avec un emploi ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Victorin Lurel - Des chiffres !

Mme la Ministre - Pour ce qui est du logement, le niveau des autorisations de programme et des crédits de paiement est maintenu, malgré les difficultés rencontrées pour mener à bien les projets. En la matière, on ne peut se contenter d'augmenter les crédits de la LBU pour résoudre les problèmes : il faut aussi, et surtout, agir avec les opérateurs et les DDE pour identifier les points de blocage. Sinon, vous voteriez des crédits qui ne pourraient pas être consommés ! C'est pourquoi, je compte faire porter l'effort, en 2004, sur la simplification des procédures et sur la prise en compte des problèmes fonciers.

Vous souhaitez, Monsieur Kamardine, que le FRAFU soit étendu à Mayotte. Or ce dispositif vise à mutualiser les interventions financières des collectivités territoriales, de l'Etat et de l'Europe. Cependant qu'à Mayotte, en l'absence de FEDER, c'est l'Etat qui apporte l'essentiel des financements. Mieux vaudrait donc se reposer sur la convention de développement passée à la fin de l'année dernière, et qui comporte une contribution de l'Etat de plus de 100 millions d'euros. Néanmoins, pour l'avenir, la question de l'extension du FRAFU à Mayotte devra être envisagée, puisque, dotée du statut de région ultra-périphérique, cette collectivité pourra bénéficier du FEDER.

Les premiers résultats enregistrés ont montré l'utilité de prendre en compte les problèmes fonciers : au 30 septembre, le nombre de logements financés est de 36 % supérieur à ce qu'il était à la même date l'an dernier.

J'entends par ailleurs lever les freins à la mobilité des jeunes d'outre-mer liés aux difficultés de logement. J'ai donc lancé une réflexion sur ce thème, Messieurs Buillard et Jalton, en vue de mettre en place, après le « passeport mobilité », un « passeport logement » qui pourrait notamment prendre la forme de réservations de logements dans des structures telles que des foyers d'hébergement temporaire.

Qu'il s'agisse donc de l'emploi ou du logement, le Gouvernement n'a pas de leçons à recevoir de ceux qui se sont contentés pendant des années de mots (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

S'agissant des reports de crédits, Monsieur Lambert, votre argumentation ne tient pas : ce n'est pas le principe même de ces reports que je conteste, mais leur montant qui, de 2000 à 2002, s'est élevé en moyenne à 200 millions d'euros chaque année. C'est donc près d'un budget de l'outre-mer qu'on a ainsi perdu en quatre ans durant votre gestion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Et c'est là que se trouve la mystification !

M. Jérôme Lambert - Report n'est pas synonyme d'annulation !

Mme la Ministre - La consommation de reports de crédits n'est pas une mauvaise chose, bien au contraire. Mon objectif n'est pas de n'avoir aucun report - c'est d'ailleurs techniquement impossible -, mais d'en avoir le moins possible et de les utiliser à des actions concrètes. Cessons d'immobiliser inutilement des sommes qui pourraient être dépensées autrement.

Mon souci n'est pas d'avoir un budget qui augmente pour m'en glorifier béatement, il est de disposer des moyens nécessaires pour mener la politique que je souhaite. J'ai veillé à ce que le budget que vous avez voté pour 2003 soit préservé. Ces crédits ont même été majorés par des reports provenant d'un budget irréaliste et virtuel dont je n'assume pas la responsabilité. Il n'y a ni arrogance, ni triomphalisme dans mes propos, Monsieur Lambert, mais seulement la volonté de mener une action cohérente.

M. Victorin Lurel - Le ton reste bien polémique !

Mme la Ministre - J'espère que tous ces éléments emporteront votre conviction, Monsieur Marie-Jeanne.

L'ambition du Gouvernement pour l'outre mer ne se mesure pas seulement à l'aune de mes crédits : à ceux-ci, il faut en effet ajouter les moyens provenant d'autres ministères et le financement de la loi de programme est un parfait exemple de cette règle.

Je vous rassure, Messieurs Almont, Beaugendre, Kamardine et Victoria, cette loi ne tardera pas à entrer en application : les décrets d'application sont tous en cours de préparation et mon objectif demeure de les publier d'ici la fin de l'année, de manière à ce que ces mesures entrent en vigueur le 1er janvier 2004 au plus tard (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Toutefois les mesures d'aide à l'emploi et le soutien fiscal à l'investissement doivent recevoir un accord formel de la Commission européenne. Mais j'ai bon espoir d'obtenir celui-ci dans les toutes prochaines semaines et on ne devrait donc pas attendre treize mois comme pour la loi de mon prédécesseur - je ne parle même pas des décrets d'application, dont certains ne sont toujours pas publiés ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Tous mes prédécesseurs connaissent bien la dimension interministérielle de l'action en faveur de l'outre-mer et l'action quotidienne nécessaire de la part de ce ministère pour faire reconnaître auprès des autres les besoins spécifiques des régions ultra-marines.

Des mesures ont été prises dans le domaine de la sécurité intérieure. Ainsi, Monsieur Kamardine, le plan de lutte contre l'immigration clandestine a été renforcé à Mayotte, île à laquelle l'afflux massif d'immigrants pose de sérieuses difficultés économiques et sociales. 149 policiers mahorais ont été titularisés, les services de la police de l'air et des frontières ont été étoffés et seront équipés de deux vedettes, dont la première arrivera au début de l'année prochaine. Ces mesures ont commencé de produire leurs effets puisque les reconduites à la frontière ont augmenté de plus de 30 %. Pour compléter ce dispositif, mon ministère financera en 2004 un radar pour assurer, en coopération avec les ministères de l'intérieur et de la défense, une surveillance renforcée du lagon mahorais afin de lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine par voie maritime.

Des mesures répondant aux mêmes préoccupations ont été prises en Guyane, je le confirme à Mme Rimane. Un escadron complet y est affecté en permanence à la lutte contre l'orpaillage illégal et, partant, contre l'immigration clandestine. Le Gouvernement est par ailleurs déterminé à amplifier les opérations Anaconda, dont les résultats sont extrêmement encourageants puisque 28 sites ont d'ores et déjà été démantelés depuis le début de l'année.

Mme Rimane a également évoqué, à juste titre, la situation sanitaire préoccupante de la Guyane. L'espérance de vie y est en effet inférieure de près de quatre ans à la moyenne en métropole, le taux de mortalité périnatale reste élevé et l'étendue du département complique, bien sûr, sa couverture sanitaire. C'est pourquoi j'ai insisté auprès de Jean-François Mattei pour que, dans le cadre du plan Hôpital 2007, la situation particulière de l'outre-mer, notamment celle de la Guyane, soit prise en considération. Plusieurs opérations ont été retenues, parmi lesquelles la restructuration du service des urgences de l'hôpital de Cayenne et la création d'un pôle mère enfant.

Pour ce qui de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna sur laquelle vous avez, Monsieur Brial, appelé mon attention, je vous confirme que son budget a bien été fixé à 16 millions d'euros et que sa dette sera traitée dans le collectif de fin d'année.

S'agissant de la pêche, je m'inquiète, comme vous, Monsieur Grignon, que le principal actionnaire de la société Interpêche n'ait pas encore pris contact avec l'administration alors que la convention qu'elle a conclue avec l'Etat va bientôt expirer. Je puis toutefois vous assurer que mes services, en relation avec ceux de la préfecture, préparent le renouvellement de cette convention afin de préserver l'emploi dans l'archipel. Les salariés d'Interpêche n'ont en aucun cas à faire les frais d'un retard dans les négociations. Pour ce qui est de l'exploitation des coquilles, je regrette que l'administration fiscale ait sollicité si tardivement les renseignements complémentaires nécessaires à l'instruction de la demande de défiscalisation, ce qui a différé le versement des subventions. L'Etat accompagnera ce projet qui participe de la diversification des activités de l'archipel. S'agissant de l'exploitation d'hydrocarbures dans la zone économique de Saint-Pierre-et-Miquelon, en coopération avec le Canada, j'ai bien entendu votre souci. Nous veillerons à ce que les navires de Saint-Pierre-et-Miquelon puissent avitailler dans de bonnes conditions les éventuelles futures plates-formes pétrolières.

Sur la plan agricole, Mme Rimane a évoqué les conséquences des dysfonctionnements de l'ODEADOM. La Guyane n'est, hélas, pas la seule concernée. Je suis consciente, tout comme Hervé Gaymard, que tout retard dans le traitement des dossiers met en péril de nombreuses structures. L'arrivée fin août des premières réponses positives de la Commission européenne concernant les notifications d'aides nationales - après, il faut le dire, un an de négociations - et l'accélération du rythme d'examen des dossiers et des conventions soumises au contrôle d'Etat devraient néanmoins améliorer la situation. En outre, dès le début de 2003, comme nous nous y étions engagés, Hervé Gaymard et moi avons demandé un audit de l'ODEADOM. Au vu de ses conclusions, des propositions de réforme, confortant cet office dans son rôle d'orientation de l'agriculture ultra-marine, devraient aboutir prochainement.

Madame Louis-Carabin, la Commission européenne a en effet entrepris les études préalables à une réforme de l'OCM sucre, dont le règlement actuel expire en 2006. La synthèse de ces premiers travaux vient seulement d'être présentée aux Etats membres et la discussion reste ouverte. Il est plutôt encourageant pour les DOM que la Commission ait reconnu les spécificités des régions ultra-périphériques, où les conditions de production n'ont rien de comparable à celles des autres régions, et la nécessité d'aides incitatives à la production en raison de la sensibilité de la filière industrielle au volume des cannes broyées. En revanche, l'idée d'une reconversion de la filière des cannes n'est pas du tout adaptée au contexte des DOM et le Gouvernement s'y opposera, s'employant à convaincre la Commission de la justesse de ses vues.

Mme Rimane et Mme Carabin ont toutes deux évoqué le contingent de rhum bénéficiant d'une fiscalité réduite autorisé par l'Union européenne. Le Gouvernement, conscient de l'absence de marge de progression pour les petites distilleries, recherche, en concertation avec l'interprofession, les moyens d'assouplir ce contingent et de l'accroître, après accord de Bruxelles, afin de corriger certains déséquilibres, notamment en Guyane et en Guadeloupe.

Toutes ces mesures témoignent de la volonté du Gouvernement de s'attaquer aux véritables problèmes de l'outre-mer. Je tiens d'ailleurs à remercier ici tous mes collègues ministres qui ont intégré dans leurs politiques les besoins de financement prioritaires de ces régions.

Le projet de budget pour 2004 apporte des réponses aux principales interrogations de nos compatriotes d'outre-mer. Ainsi l'Etat consacrera-t-il, en 2004, 50 millions d'euros au financement de la CMU complémentaire au profit des ultramarins. 30 000 personnes, parmi les plus démunies, en bénéficieront.

S'agissant du régime des allocations familiales à Mayotte, sujet qui tient particulièrement à coeur à M. Kamardine, je puis lui indiquer qu'une mission de l'IGAS se rendra prochainement sur place afin de recenser les difficultés et de proposer des solutions. Cette mission rendra son rapport aux ministres de la santé et de la famille avant le 15 décembre prochain.

MM. Jalton, Edmond-Mariette, Grignon et Thien Ah Koon ont eu raison de souligner l'importance de la continuité territoriale pour les populations d'outre-mer. A ceux qui l'auraient oublié, je rappelle que ce gouvernement est le premier à avoir donné un contenu concret à ce principe républicain, comme s'y était engagé le Président de la République. Il est facile de dire, Messieurs Payet et Lurel, que les autres ne font pas assez quand vous-mêmes n'avez jamais rien fait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) et n'avez même pas voté la loi de programme instituant le nouveau dispositif. Le précédent gouvernement a surtout brillé par son indifférence à ce problème, y compris pour nos compatriotes d'outre-mer résidant en métropole. A cet égard, j'indique à M. Lagarde que nous travaillons sur ce sujet et que nous ferons des propositions lors d'une prochaine rencontre avec leurs associations représentatives.

M. Victorin Lurel - Vous vous contentez d'effets d'annonce !

Mme la Ministre - C'est une des fiertés du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin que d'avoir avancé sur ce point. Je vous confirme que le dispositif destiné à garantir la continuité territoriale sera en place au 1er janvier 2004 et que son financement est bien assuré, quels que soient les circuits de financement finalement retenus.

Quant à l'augmentation de la dotation que vous proposez, Monsieur Lurel, lui trouvant soudainement des vertus après l'avoir condamnée, je vous confirme qu'il a toujours été dans les intentions du Gouvernement de mettre en place un partenariat financier avec les régions concernées. La Guadeloupe a déjà prévu de conclure un tel partenariat avec l'Etat.

M. Grignon m'a plus particulièrement interrogée sur les critères d'attribution de cette dotation de continuité territoriale. Les collectivités ont été saisies pour avis du projet de décret aujourd'hui même. Celui-ci propose de tenir compte de la situation particulière de chaque collectivité, de sa desserte aérienne, de son caractère archipélagique ou non, et de réserver l'aide aux résidents qui en ont le plus besoin. Les critères précis d'attribution seront déterminés par les collectivités, en liaison avec les préfets qui pourront leur apporter, si besoin, un appui technique.

Pour ce qui est de la desserte aérienne, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts pour mettre fin à la situation actuelle, intenable, de quasi-monopole. La loi de programme a, pour la première fois, prévu des exonérations de charges sociales au profit privées des compagnies desservant l'outre-mer. Le dispositif commence de porter ses fruits à la Réunion. J'espère qu'il en sera bientôt de même en Guyane, laquelle n'est aujourd'hui desservie que par un seul transporteur. J'indique à M. Grignon souhaiter que ces exonérations bénéficient également à Air Saint-Pierre, dans la mesure où il n'existe pas de liaison aérienne directe entre Saint-Pierre-et-Miquelon et la métropole, et que toute demande de desserte de l'archipel par charter sera désormais accueillie favorablement par la DGAC (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

S'agissant du passeport mobilité, je souhaite répondre au procès d'intention, totalement infondé, de Mme Taubira et de M. Manscour. Si les crédits diminuent en 2004, c'est tout simplement que les besoins avaient été surévalués en 2003 car nous avions pris en compte tous les étudiants originaires d'outre-mer qui étudient en métropole. Or, vous le savez, pour ne pas vider les universités d'outre-mer, le passeport mobilité ne s'adresse qu'aux étudiants ayant choisi une filière qui n'existe pas sur place ou est saturée. Je partage votre souci, Madame Taubira, d'éviter la fuite des cerveaux et de faire en sorte que les jeunes d'outre-mer puissent recevoir la meilleure et la plus large formation sur place. Aucune demande d'un étudiant remplissant les critères exigés n'a jamais été refusée (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Le dispositif, qui a rencontré un très large succès, sera élargi aux sportifs, et peut-être pour des études dans d'autres pays de l'Union européenne.

Pour ce qui est des concours financiers de l'Etat aux collectivités d'outre-mer, Mme Vernaudon et M. Buillard ont eu raison de souligner le retard accumulé par l'Etat dans le paiement de sa contribution au FIP. C'est, hélas, une situation que nous ont léguée nos prédécesseurs. Conformément aux engagements pris par ce gouvernement, les annuités 2001 et 2002 seront financées dans le collectif pour un montant de 15,8 millions d'euros.

Quant à la dette du régime de solidarité territoriale, j'ai demandé qu'une solution soit trouvée pour payer les 15,8 millions d'euros dus. Après examen des pièces, une décision interviendra rapidement pour que cette question soit réglée.

Vous avez évoqué également, Madame Vernaudon et Monsieur Buillard, les retards de paiement de l'Etat au titre de l'ancien fonds de reconversion devenu depuis dotation globale de développement économique. En effet, lorsque la convention du 4 octobre 2002 s'est substituée à la convention de 1996 pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française, un reliquat de 230 millions d'euros restait dû. Malgré le contexte budgétaire, le Gouvernement a décidé de payer cet arriéré sur sept ans, au rythme de deux premières tranches annuelles de 23 millions d'euros, suivies de cinq autres tranches de 37 millions d'euros. La première tranche devrait être inscrite dans le collectif de cette fin d'année. Le Gouvernement doit donc assumer des dettes dont il n'est pas responsable.

Plusieurs d'entre vous, notamment Monsieur Beaugendre et Madame Rimane, m'ont fait part de leurs préoccupations quant à l'insuffisance des concours financiers de l'Etat outre-mer et sur la nécessité d'améliorer le rendement des impôts locaux. Deux mesures en faveur des finances locales figurent dans la loi programme : renforcement des bases fiscales au moyen d'une dotation exceptionnelle pour aider les communes à effectuer les opérations de premier adressage, l'objectif de prise en compte de critères spécifiques pour les dotations de l'Etat. Ce principe sera mis en _uvre dans le cadre du projet de loi que prépare Patrick Devedjian, pour fixer les nouveaux critères de calcul et d'attributions des dotations, auquel mon ministère est associé.

Monsieur Edmond Mariette, vous avez évoqué la nécessité, pour nos collectivités d'outre-mer, de disposer d'une télévision de proximité conjuguant fidélité aux racines et ouverture au monde. Je vous rejoins entièrement sur ce point, et c'est pourquoi le Gouvernement entend définir une nouvelle ambition pour RFO qui doit développer encore plus sa production et sa diffusion de programmes de proximité (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Brial a évoqué la reconnaissance des diplômes professionnels. La loi de programme contient une disposition à ce sujet, dont le décret d'application, en préparation, devrait être transmis au Conseil d'Etat d'ici quelques semaines.

M. Brial a également soulevé la question du redéploiement des chantiers locaux de développement au profit de l'emploi dans le secteur marchand. J'ai décidé de lancer une réflexion sur ces dispositifs conçus au milieu des années 1980, afin de mieux les adapter aux nécessités de l'insertion des personnes en difficulté en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler.

Monsieur Thien Ah Koon, j'ai bien noté vos demandes concernant différents projets. Je vous assure de mon entier soutien.

Je veux enfin redire à tous les membres de la commission des lois qui se sont rendus en mission dans le Pacifique combien j'ai apprécié leurs éclairages sur la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Je remercie particulièrement M. Bignon et le président Clément.

L'année 2004 sera la première année de mise en _uvre de la loi de programme qui dessine les contours d'un développement économique de nos collectivités ultra-marines, fondé sur une logique d'activité et non d'assistance.

L'outre-mer dispose désormais des moyens pour valoriser ses atouts et assurer le développement durable de ses économies.

Dans un contexte national difficile, le Gouvernement affirme la priorité budgétaire que constitue l'outre-mer.

Sachez qu'en 2004 c'est avec détermination que je poursuivrai mes efforts pour que les spécificités de l'outre-mer soient prises en compte et que les engagements pris soient respectés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Louis-Joseph Manscour - Je ne veux pas polémiquer, mais il y a une grande différence entre annulation et report. Dans le premier cas, les crédits sont perdus ; dans l'autre, non.

Vous avez affirmé, Madame la ministre, que les annulations de crédits intervenues cette année à hauteur de 44 millions d'euros n'ont nullement affecté les crédits votés, puisqu'elles ont été inférieures de 17 millions aux reports de crédits de 2002 sur 2003.

En fait, cette affirmation m'inquiète. Pourquoi parlez-vous de 44 millions d'annulations alors que les deux décrets parus au Journal officiel font état de plus de 93 millions ? Vous oubliez donc quelque 49 millions dans vos calculs !

Ces annulations portant principalement sur le logement, l'emploi, l'action sociale, la coopération régionale, vous comprenez mon inquiétude.

En outre, une information circule selon laquelle un troisième décret d'annulation, portant sur 35 millions, serait publié avant la fin de l'année. Est-ce exact ? Dans ce cas, l'annulation de crédits serait de 128 millions, soit plus de 10 % des crédits !

Mme la Ministre - Je vais vous donner les chiffres exacts, afin de couper court à toute polémique. Le montant des crédits annulés en 2003 est de 93 millions, et celui des reports de 2002 sur 2003 de 156 millions. Savez-vous faire une soustraction ?

Ces annulations représentent, c'est vrai, 8,5 % des crédits votés, mais elles n'affectent en rien le niveau de ressources disponibles, puisqu'elles restent très inférieures aux crédits reportés. Je considère donc que je dispose d'un niveau de ressources suffisant pour traiter ces deux grandes priorités que sont l'emploi et le logement.

Le FEDOM, en outre, n'est pas concerné par ces annulations. Les 44 millions auxquels vous faites allusion ont en effet été annulés, mais les reports de la LBU sont de 61 millions. Je ne vois donc pas où est le problème.

M. Christophe Payet - Vous venez de réaffirmer que le logement est, avec l'emploi, une priorité de votre ministère. A ce jour, à la Réunion, les demandes de financement présentées par les bailleurs à la DDE couvrent la totalité des 70 millions débloqués par l'Etat.

Or, le ministère de l'économie aurait gelé 30 % des crédits LBU pour 2003, soit 40 millions. Si ce gel est maintenu, la construction d'un millier de logements sociaux serait compromise. Pouvez-vous, Madame la ministre, nous rassurer ?

Mme la Ministre - Les crédits pour la construction et la réhabilitation de logements sociaux seront, en 2003, supérieurs à 280 millions. Ce niveau élevé correspond aux besoins constatés, et représente une augmentation de 15 % par rapport aux années 1999 et 2000. D'autre part, la consommation de ces crédits est en progression de près de 18 % par rapport à 2002. Il n'y aura donc pas de restrictions à la construction de logements sociaux en 2003.

Je veille à ce que la LBU bénéficie de moyens de paiement à la hauteur des besoins. J'ai donc demandé à M. le Premier ministre de dégeler des crédits de paiement. Une décision sera prise prochainement pour que nous ne rencontrions pas le type de difficultés que vous redoutez.

M. Christian Philip - Madame la ministre, vous vous êtes mobilisée sur la question des liaisons aériennes entre la métropole et l'outre-mer et tous les intéressés vous en remercient, mais la restructuration des compagnies aériennes n'est pas achevée. Or, à Lyon, l'absence d'une vraie desserte directe des Antilles fait problème. Air Caraïbe sera-t-elle en mesure d'assurer celles de la Martinique et de la Guadeloupe au départ de Lyon-Saint-Exupéry ?

Deuxième question : le passeport mobilité a été une mesure fondamentale, mais connaît encore des dysfonctionnements. Quelles mesures allez-vous prendre pour y remédier ?

Mme la Ministre - Je suis consciente des difficultés que rencontrent nos compatriotes originaires d'outre-mer qui vivent en métropole. Nous nous attaquons au problème de la desserte aérienne, avec la volonté de développer la concurrence, pour faire baisser les tarifs. Nous avons ainsi décidé, dans la loi de programme, d'exonérer de charges sociales les compagnies privées qui desservent l'outre-mer.

Quant à la dotation de continuité territoriale, elle ne concerne, pour des raisons juridiques, que les personnes résidant outre-mer, et le Conseil constitutionnel s'est exprimé à ce sujet. Nous recherchons cependant des moyens non discriminatoires d'améliorer la situation, par exemple en réformant le régime des congés bonifiés. Je rencontrerai prochainement, à ce sujet, toutes les associations d'originaires d'outre-mer qui vivent en métropole, comme je l'ai fait à Lyon il y a quelques jours.

M. Alfred Marie-Jeanne - Ces vingt dernières années, le contrôle de l'Etat sur la société de développement régional des Antilles et de la Guyane, créée par la loi du 5 avril 1955, a été défaillant. Des entrepreneurs de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique ont ainsi été piégés par de prétendus prêts à taux bonifié, qui les ont menés à la faillite, voire au suicide, suite à des pratiques de recouvrement abusives et frauduleuses, et le climat des affaires en a été durablement altéré. 350 recours déposés devant les tribunaux sont restés jusqu'ici sans effet, tandis que les saisies, elles, continuent ! Madame la ministre, pouvez-vous intervenir pour que l'Etat fasse cesser les poursuites, et dédommage les victimes ?

Mme la Ministre - Vous évoquez un dossier complexe, sur lequel il est difficile au Gouvernement de s'exprimer car il est en cours d'instruction judiciaire. Le tribunal a nommé des experts pour examiner les livres comptables de la SODERAG, et les résultats seront rendus prochainement. Ce n'est qu'alors que nous pourrons prendre position.

M. Victorin Lurel - Concernant le financement de la loi de programme, nous nous demandons si vous avez vraiment le soutien de vos amis politiques, à en juger par les amendements qu'ont fait voter MM. Laffineur, Méhaignerie et Carrez avec la complicité du ministre Lambert...

Votre budget baisse de 3,6 %, et certaines mesures de la loi de programme n'ont toujours pas l'agrément de Bruxelles. Faute de crédits, vous êtes condamné à économiser sur le dos de l'outre-mer. C'est ainsi que 93 millions ont dû être annulés, diminuant d'autant les crédits du logement. De même, par un tour de passe-passe comptable, vous amputez le FEDOM de 75 millions d'euros, et ramenez les crédits mobilité de 17,5 millions à 11 millions. En outre, pas un centime de la solidarité nationale ne vient soutenir la continuité territoriale. Enfin, le numérotage des maisons n'est financé que grâce à l'amputation des crédits du fonds national de l'eau réservés à la création des offices de l'eau prévus par la loi d'orientation pour l'outre-mer...

Quand la loi de programme sortira-t-elle de la virtualité ? Quels sacrifices supplémentaires comptez-vous demander à l'outre-mer ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Ministre - Monsieur Lurel, même quand les chiffres sont têtus, vous avez du mal à les lire !

Concernant le financement de la loi de programme, Bercy avait évalué le volet emploi à 55 millions d'euros. Référez-vous au « bleu » budgétaire de M. Fillon, où sont inscrits 145 millions d'euros. Où est le problème ? De quels tours de passe-passe parlez-vous ? Le seul transfert provenant de mon budget est en direction de celui des affaires étrangères, dans le cadre du doublement du fonds Pacifique (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Mme Christiane Taubira - Madame la ministre, vous nous avez indiqué que les contrats aidés étaient maintenus outre-mer, alors qu'ils diminuaient en France, mais il n'y a aucune comparaison possible entre nos économies et celle de la métropole, vieux pays industrialisé, désenclavé, correctement équipé, où l'offre d'éducation et de formation est riche.

Le différentiel prévu en faveur de la Guyane dans la loi d'orientation, et justifié par les conditions spécifiques à ce département, sera-t-il maintenu ?

Quant aux SOFIOM, leur création relève-t-elle bien exclusivement de l'initiative bancaire, sachant que les banques sont en général méfiantes à l'égard des artisans et des PME ?

Par ailleurs, la loi de programme prévoit l'évaluation triennale de ses effets. Or, dans un contexte économique difficile, ce délai ne favorise ni la transparence, ni l'efficacité. Aussi serait-il souhaitable de créer un observatoire de la défiscalisation, comme le demandent les chambres consulaires elles-mêmes.

Enfin, la loi de programme a également créé des commissions consultatives compétentes pour les recours en matière d'agréments fiscaux. Etes-vous favorable à ce que les chambres consulaires y soient représentées ?

Mme la Ministre - Rassurez-vous, la loi de programme a confirmé le taux de réduction d'impôt de 60 % pour les investissements défiscalisés en Guyane, ce qui représente, par rapport aux autres DOM, un différentiel de dix points, en effet justifié par l'enclavement de ce département et par sa moindre attractivité économique. Par ailleurs, le taux majoré de 70 % s'y applique aux opérations de réhabilitation et de rénovation hôtelières.

Les SOFIOM relèvent bien de l'initiative bancaire ; le décret d'application paraîtra prochainement, après son examen par les assemblées délibérantes concernées !

Quant à l'observatoire que vous proposez, j'ai déjà institué au sein de mon ministère un comité de suivi de l'application de la loi de programme.

Enfin, les nouvelles commissions consultatives interministérielles, qui se réuniront pour examiner les dossiers rejetés par le ministère des finances, seront présidées par un représentant de mon ministère, ce qui garantit une appréciation plus collégiale des demandes d'agrément.

M. Mansour Kamardine - Le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité. A Mayotte, trois chambres consulaires doivent être créées, en application de la loi du 11 juillet 2001. Cette initiative est importante, dans un territoire où l'emploi a longtemps été l'exception. Aussi je souhaiterais connaître la date de publication des textes d'application.

Par ailleurs, la même loi statutaire du 11 juillet 2001 est, en de nombreux points, en contradiction avec la Constitution depuis la réforme de la décentralisation. On nous transfère maintenant de nouvelles compétences. Peut-on envisager de mettre la loi statutaire en conformité avec la Constitution ?

Mme la Ministre - La loi du 11 juillet 2001 prévoit en effet la création de trois chambres consulaires avant la fin de l'année 2004. Une mission conjointe de l'inspection générale de l'industrie et du commerce et de mon ministère s'est rendue à Mayotte. Son rapport nous sera remis dans les prochains jours et ses recommandations seront examinées dans la plus large concertation. Nous aboutirons ainsi aux textes législatifs et réglementaires nécessaires.

Pour adapter le statut de Mayotte à la Constitution, nous profiterons du premier projet de loi organique qui viendra en discussion, par exemple en cas de réponses positives aux quatre consultations prévues dans les Antilles. Ce sera l'occasion de clarifier les compétences de Mayotte et de l'Etat et de procéder aux corrections souhaitables.

M. Eric Jalton - Vous avez indiqué votre volonté de faire de l'emploi une priorité. Mais la mise en _uvre de cette orientation ne doit pas causer de ruptures brutales à l'outre-mer. Comptez-vous maintenir les dispositifs d'emplois aidés dans le secteur associatif et l'économie sociale ? Les associations, à la Guadeloupe, jouent un rôle important de cohésion sociale.

Mme la Ministre - Je vous confirme que nous maintenons en 2004 le niveau des crédits consommés en 2003.

Les associations bénéficient des dispositifs d'exonération de charges. Je souhaite que le contrat d'accès à l'emploi bénéficie en priorité au secteur marchand, mais il appartiendra au service local de l'emploi de déterminer la part du secteur associatif. La fongibilité des crédits du FEDOM autorise une telle souplesse.

M. Victorin Lurel - Une observation préalable : vous ne nous avez pas convaincus que le Gouvernement et sa majorité voulaient le bien de l'outre-mer (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). L'amendement qui a supprimé l'exonération de TVA a été présenté par le président de la commission des finances en personne, soutenu par M. Laffineur, porte-parole de l'UMP. Peut-être pourrez-vous nous expliquer ces dysfonctionnements au sein de la majorité... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous le voyez, je suis têtu !

M. le Président - Veuillez poser votre question.

M. Victorin Lurel - La continuité territoriale, vitale pour nos DOM, doit concerner les personnes comme pour les biens.

Les planteurs de bananes et de melons demandent une aide exceptionnelle pour le paiement du fret aérien, afin d'améliorer leur compétitivité sur le marché européen.

Concernant les personnes, vous avez bien voulu, après quelques péripéties, accorder 30 millions aux ultramarins. Cela représente 11,5 € par résident, contre 616 aux Corses (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Votre majorité conteste d'ailleurs cette mesure, et a adopté un amendement de M. de Courson...

Ces aides seront financées à 60 % par l'ensemble des usagers et à 40 % par les ultramarins. Rien au titre de la solidarité nationale ! Ce n'est pas satisfaisant. Nous réclamons une certaine équité.

J'ai écrit au Président de l'Assemblée, aux présidents de nos commissions des lois et des finances pour demander la constitution d'une commission d'enquête. Une mission a finalement été confiée à notre collègue Beaugendre. J'ai quant à moi déposé un amendement et une proposition de loi sur ce sujet.

Je m'étonne par ailleurs que les crédits du « passeport mobilité » aient baissé de 6,5 millions.

Nous souhaitons des coûts de transport aérien moins pénalisants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - La discussion budgétaire n'est pas achevée.

Sur la TVA, le Gouvernement a fait connaître sa position par un communiqué, vous le savez très bien, et je confirme mon opposition à la suppression de l'exonération.

Quant aux crédits alloués au titre de la continuité territoriale, ils ne diminuent pas ; nous ne faisons que nous adapter à la réalité, les besoins ayant été surévalués (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le « passeport mobilité » est un succès et tous les candidats qui satisfont aux critères d'éligibilité en bénéficieront. Loin de nous l'idée d'en priver quiconque ! Nous allons d'ailleurs l'étendre aux sportifs...

S'agissant enfin des aides au fret, vous savez qu'il existe des financements régionaux et européens.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « outre-mer ».

Les crédits des titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que ceux des titres V et VI de l'état C.

M. le Président - Nous avons achevé l'examen des crédits de l'outre-mer.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu le jeudi 23 octobre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
JEUDI 23 OCTOBRE 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 1110)

· Communication

M. Patrice MARTIN-LALANDE , rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 12 du rapport n° 1110).

M. Pierre-Christophe BAGUET, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Tome VII de l'avis n° 1111)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093).

· Aménagement du territoire

M. Louis GISCARD D'ESTAING, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 25 du rapport n° 1110).

M. Jacques LE NAY, rapporteur pour avis au nom de la commission, des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. (Tome XIV de l'avis n° 1112).

· Fonction publique, réforme de l'Etat, Services généraux du Premier ministre, SGDN 

- Fonction publique et réforme de l'Etat :

M. Georges TRON, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 26 du rapport n° 1110).

M. Bernard DEROSIER, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Tome I de l'avis n° 1115).

- Services généraux, Conseil économique et social, plan et journaux officiels :

M. Pierre BOURGUIGNON, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 37 du rapport n° 1110).

- Plan :

M. André CHASSAIGNE, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. (Tome XVII de l'avis n° 1112).

- Secrétariat général de la défense nationale et renseignement :

M. Bernard CARAYON, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 36 du rapport n° 1110).

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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