Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 13ème jour de séance, 31ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 23 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      COMMUNICATION 2

      QUESTIONS 20

      APRÈS L'ART. 59 22

      APRÈS L'ART. 74 23

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

COMMUNICATION

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la communication.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances - En dépit de lourdes contraintes, le budget pour l'audiovisuel public pour 2004 est satisfaisant.

Les ressources publiques affectées à ce secteur augmenteront - à 17 millions près, j'y reviendrai - de 75 millions d'euros hors taxes, soit 3 %, le niveau de la redevance étant maintenu pour la troisième année consécutive, ce qui est sans précédent. La croissance attendue vient du rendement de la redevance - 104 millions d'euros, soit une augmentation de 4,9 %, incluant 22 millions d'euros au titre du croisement des fichiers, que le vote heureusement intervenu il y a deux jours, obligera à compenser. Par ce vote, le Parlement a affirmé sa volonté de maintenir un impôt affecté pour le financement de l'audiovisuel public. Il a aussi supprimé le tarif « noir et blanc » en métropole tout en en posant le principe pour l'outre-mer.

Autre source d'augmentation des crédits, l'affectation immédiate de la répartition des excédents collectés en 2002 et 2003.

Les ressources propres du secteur, essentiellement la publicité, augmenteront de 5,6 %. Elles représentent environ un quart de son chiffre d'affaires.

Je voudrais insister sur le nécessaire maintien du niveau de ressources du service public. La hausse de 3 % est indispensable. En effet, l'Etat s'est engagé dans des contrats d'objectifs et de moyens avec ces organismes. Il peut d'autant moins se déjuger que l'audiovisuel public doit impérativement se réformer pour améliorer sa productivité, affirmer son identité et ainsi asseoir sa légitimité. La concurrence est plus vive que jamais : avec une parabole, on peut désormais recevoir près de 400 chaînes. Les moyens du service public doivent rester dans la mesure du possible au niveau de ceux des autres télévisions, dont les coûts de croissance de la grille sont de 4 à 10 %, voire plus.

Le plus simple serait que le Gouvernement compense dès maintenant les 17 millions d'euros qui manquent par rapport à la prévision. Sur les 22 millions attendus au titre du croisement des fichiers que notre assemblée a refusé, cinq seront compensés par la suppression du tarif « noir et blanc ». Je demande au Gouvernement de compenser le solde dans ce projet de loi de finances ou, mieux, en déployant tous les moyens possibles pour améliorer le niveau de collecte de la redevance par rapport aux estimations. Les nouveaux moyens légaux offerts par le statut d'imposition de toute nature ne manquent pas : avis à tiers détenteurs, pénalités pour les redevables et pour les revendeurs, droit de communication. Il existe aussi des moyens de sensibiliser l'opinion publique. L'épisode du croisement des fichiers devrait avoir des effets positifs. Nous avons montré que l'Etat est déterminé à lutter contre la fraude au nom de l'équité fiscale, et que la réforme de 2005 rendra plus difficile.

Lors des auditions conduites par la commission, j'ai demandé au patron de Canal +, M. Méheut, s'il était prêt à lutter contre la fraude en rappelant à ses abonnés les exigences de la loi quant au paiement de la redevance. Il a bien voulu nous le confirmer par écrit. Je pense donc que nous pourrons dépasser en 2004 les estimations initiales pour couvrir les 17 millions manquants. Si tel n'était pas le cas, je demande au Gouvernement de s'engager à apporter le complément budgétaire nécessaire.

France Télévisions bénéficiera d'une dotation en progression de 3 %. Les moyens que le contrat d'objectifs et de moyens signé par le précédent gouvernement prévoyait d'affecter à la création de nouvelles chaînes sur la TNT sont donc préservés, mais réorientés vers France 2, France 3 et France 5, dont les investissements dans leurs grilles de programme devraient croître de plus de 4 %. La renégociation du contrat d'objectifs et de moyens devrait permettre de renforcer la dimension culturelle, éducative et de proximité des programmes en élargissant les horaires de diffusion des programmes régionaux de France 3, et l'accessibilité des programmes du service public pour les sourds et malentendants.

La dotation publique d'Arte-France augmentera de 3 %. Ses priorités seront le financement d'une nouvelle grille de programmes plus à tous accessible et le développement d'une programmation de journée.

Afin de renforcer les atouts de RFO, son intégration au sein du groupe France Télévisions dans le respect des spécificités et de l'identité de l'entreprise est envisagée.

La Maison de la Radio doit faire l'objet en 2004 d'importants travaux d'aménagement et de sécurité. La société poursuivra son développement autour des grands axes stratégiques arrêtés depuis trois ans, notamment le déploiement des radios locales dans le cadre du « Plan bleu » et la poursuite du plan de numérisation des stations du groupe.

Un mot sur RFI, non sans avoir une pensée pour Jean Hélène, lâchement assassiné hier. Sa dotation publique augmente pour lui permettre de financer son activité, dans l'attente de la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens, actuellement à l'étude.

L'INA verra sa dotation augmenter de 1,5 % pour la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation des archives audiovisuelles. J'insiste pour que ce plan de sauvegarde, qui est une urgence, soit préservé même si les apports de ressources publiques devaient être revus à la baisse.

Les enjeux de l'année 2004 pour l'audiovisuel public sont multiples.

Lancement de la réforme de la collecte de la redevance, en concertation avec les élus - il ne faut pas qu'il y ait de confusion avec la taxe d'habitation, collectée conjointement - et avec le personnel du service de la redevance.

Réflexion sur les moyens de rendre compatibles la démarche contractuelle des contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels et la fixation par le Parlement, année après année, des ressources. Il faut trouver une articulation entre les deux.

Poursuite des efforts d'économie et de productivité consentis par chacun des bénéficiaires de la redevance, notamment France Télévisions, en utilisant les synergies au sein du groupe et nécessité d'une réflexion sur les charges et la gestion des personnels de l'audiovisuel public, permanents ou intermittents.

Lancement de la chaîne d'information internationale, d'un coût actuellement estimé à 70 millions d'euros en première année d'émission.

Il faudra en profiter pour redéfinir la politique audiovisuelle extérieure sans qu'il en coûte davantage à l'Etat. Je souhaite par ailleurs que cette chaîne puisse être diffusée dans l'hexagone, ne serait-ce que pour que les 72 millions de touristes qui viennent chaque année puissent ainsi la découvrir et garder ensuite l'habitude de la regarder.

M. Michel Françaix - Cela gênerait LCI !

M. le Rapporteur spécial - Le lancement de la télévision numérique terrestre est prévu à l'horizon de décembre 2004. Le Gouvernement doit préciser très rapidement l'utilisation des trois canaux réservés au service public. La diffusion d'Histoire et de Festival représenterait un enjeu de 20 millions pour 2004, puis de 30 millions par an. Le troisième canal doit être réattribué à une chaîne privée gratuite, car le succès de la TNT repose sur le fait que l'offre est plus large qu'en analogique.

Mme la Présidente - Je vous prie d'aller vers votre conclusion.

M. le Rapporteur spécial - Il faudra également réfléchir à l'aide à l'équipement des foyers.

En ce qui concerne la presse écrite, les aides sont globalement consolidées, sauf pour les aides à la SNCF et à la presse à l'étranger : des études sont en cours, qui justifient un allègement temporaire. Un effort de rigueur a été fait dans la gestion du fonds d'aide à la modernisation de la presse, pour éviter des reports trop nombreux et bien s'assurer des effets de ses aides. L'Agence France-Presse vient d'approuver le contrat d'objectifs et de moyens. Elle va donc pouvoir sortir de sa situation difficile. Les objectifs sont la maîtrise de la masse salariale et le développement du projet vidéo. L'Agence est un outil exceptionnel pour la présence française dans le monde de l'information. Nous avons le devoir d'assurer son avenir et elle a celui de se réformer.

Enfin, le Premier ministre a annoncé un plan ambitieux pour la presse. Il faut en effet évaluer l'efficacité des aides actuelles. La presse change : la concurrence des nouvelles technologies de l'information, la baisse du lectorat et la future concurrence des télévisions locales sont autant de points qui doivent être soigneusement évalués.

Pour conclure, la légitimité du service public a été mise en cause ces dernières semaines : quelle est la différence avec le privé et pourquoi faut-il payer une redevance ? Le service public doit faire un effort pour affirmer son identité et justifier ainsi ses ressources publiques. Il doit expliquer comment il utilise cette ressource. Le service public n'est pas naturel, il est culturel et dépend donc de notre volonté. Je souhaite que des progrès soient réalisés en 2004 sur ce terrain. Sous réserve de ces observations, la commission a approuvé les crédits de ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - La commission des affaires culturelles a considéré que ce projet de budget, avec 3,44 milliards, soit une augmentation de 3,6 %, était bon. La recette estimée de la redevance est en hausse de 3 % et les ressources propres sont estimées à 5,6 %. On peut souligner une hausse significative et méritée de 3,5 % pour France Télévisions, avec notamment le succès d'audience de France 5. Je me réjouis que l'accessibilité des programmes pour les sourds et malentendants soit un objectif : l'amendement que j'avais déposé avec Jean-Christophe Lagarde l'année dernière en ce sens avait en effet été adopté à l'unanimité. Arte France bénéficie d'une hausse de 3 %, Radio France de 4,1 %, RFO de 2,2 %, l'INA de 1,5 % et RFI de 2 millions. A propos de cette dernière, j'ai bien sûr une pensée émue pour le journaliste Jean Hélène, assassiné dans l'exercice de ses fonctions en Côte d'Ivoire.

La commission a toutefois quelques sujets d'interrogation. Elle s'est notamment inquiétée de votre proposition d'exploiter les fichiers des abonnés au câble et au satellite pour lutter contre la fraude à la redevance. Si la lutte est légitime, elle ne doit pas porter atteinte aux libertés individuelles. En outre, cette idée aurait des conséquences directes sur le financement de notre cinéma, car les chaînes privées payantes sont les principales contributrices à cette filière déjà fragilisée. La hausse du produit de la redevance est estimée à 104 millions. Quelle est la part de l'augmentation de l'effet d'accroissement mécanique du parc ? Quelle est celle de la lutte contre la fraude ? La commission manque cruellement d'informations et le ministère des finances n'assure pas la transparence.

Par ailleurs, les amendements adoptés à la première partie du projet de loi entraînent d'une part une baisse des recettes de 22 millions, de l'autre une hausse de 5,3 millions, due à la suppression du tarif réduit pour les téléviseurs noir et blanc. Il manque donc près de 17 millions. Or, le service public a besoin de cette somme. Il faut assurer le déménagement de Radio France, le développement du réseau France Bleu et la poursuite de la numérisation. Il faut conforter l'identité retrouvée de France 2, avec ses programmes culturels, la régionalisation de France 3 et la progression de France 5, qui fait l'admiration de tous. Il faut accélérer la numérisation des archives de l'INA. Enfin, le financement d'Arte est déjà insuffisant et la part de l'Allemagne s'aligne par contrat sur la nôtre !

Si les contrats d'objectifs et de moyens offrent la lisibilité nécessaire, encore faudrait-il que les gouvernements successifs respectent leurs engagements dans la durée : entre les contrats non signés, ceux qui arrivent à échéance et ceux qui sont révisés, l'intérêt de nos concitoyens s'y perd. Nous comptons sur vous, Monsieur le ministre, pour faire comprendre au Premier ministre et à Bercy l'importance de ces enjeux. Nous avons confiance dans le Gouvernement, mais les procédures actuelles ne sont pas adaptées.

La commission s'interroge également sur la hausse des ressources propres de 5,6 %, dont 7 % pour la seule publicité. Elle espère qu'il n'y a aucune corrélation avec la campagne qui se développe dans la presse sur un retour à un créneau publicitaire de 8 à 12 minutes par heure.

M. Michel Françaix - Très bien !

M. le Rapporteur pour avis - Enfin, la commission s'est interrogée sur la redéfinition du périmètre de l'audiovisuel public. RFO va-t-elle être intégrée à France Télévisions ? Qu'en est-il du financement de RFI, de sa tutelle, de l'adossement à Radio France ? Qu'en est-il également de la création de la chaîne d'information internationale et du lancement de la télévision numérique terrestre ?

J'en viens au secteur de la presse. Les aides directes connaissent une nouvelle baisse, de 7 % après celle de 11 % en 2003. La hausse globale de 0,5 % repose sur celle de 3 % à l'Agence France-Presse. Nous nous réjouissons que celle-ci retrouve enfin un peu de sérénité, mais l'Etat doit honorer ses dettes !

La presse subit une concurrence toujours plus vive des autres médias. La commission s'inquiète de ses rapports avec la Poste et de l'ouverture des secteurs interdits de publicité à la télévision. Je sais que vous suivez de près, Monsieur le ministre, les travaux d'Henri Paul sur La Poste et que vous avez lancé un groupe de travail sur la remise à plat des aides à la presse. Il y a urgence. Ne pouvons-nous étendre les aides à la distribution de la presse quotidienne nationale à la presse quotidienne régionale ? J'ai déposé un amendement demandant un rapport sur ce point. Un autre a été rejeté au titre de l'article 40, qui proposait une exonération de taxe professionnelle pour les diffuseurs de presse - je pense notamment aux kiosquiers, si menacés, et aux sociétés de portage. Et pourquoi ne pas lancer un plan général pour aider la presse à affronter le choc financier de l'ouverture de la publicité à la télévision ? Pourquoi ne pas inscrire le combat pour la presse dans celui de la diversité culturelle ?

Sous réserve de ces observations, la commission a donné un avis largement favorable à ce projet de budget.

Permettez-moi maintenant d'aborder le sujet des nouveaux défis de la radio. La durée moyenne d'écoute est de trois heures par jour et 93 % de nos concitoyens l'ont écoutée au cours des dernières 48 heures. Mais ils ne comprennent pas qu'à l'heure du téléphone portable universel, il ne soit pas possible de capter une station sur tout le territoire sans se lancer dans des recherches interminables ! Une nouvelle planification de la bande FM est donc indispensable. L'arrivée à expiration de la moitié des autorisations des radios privées entre 2006 et 2008 sera une excellente occasion d'optimiser la gestion du spectre, en suivant des règles claires : toutes les radios existantes doivent être protégées, les radios à vocation nationale doivent bénéficier d'une fréquence unique ou maîtresse et les radios associatives doivent être maintenues ; l'équilibre doit être d'un tiers de radios publiques, un tiers de radios privées et un tiers de radios indépendantes.

En matière de numérique, je propose deux objectifs : étendre l'expérimentation du DAB, le Digital Audio Broadcasting, et s'ouvrir au DRM, Digital Radio Mondiale. Un engagement politique clair est indispensable, qui dépasse les enjeux commerciaux et les résistances administratives, car les obstacles technologiques sont dorénavant levés. Le CSA devra également mener une enquête précise sur les possibilités d'évolution du spectre FM. Dans le domaine de la radio, je pense donc nécessaire qu'une loi soit adoptée, qui établisse des principes clairs ; que le Gouvernement prenne des engagements financiers précis ; que la compétence et l'indépendance technique du CSA soient renforcées ; que le service public de la radio soit plus indépendant vis-à-vis de TDF ; enfin qu'un calendrier rigoureux de réforme soit établi. Les services du ministère travaillent sur ce sujet. Ils sont prêts : c'est au Gouvernement maintenant de s'engager. Je compte sur votre soutien, et vous pouvez être assuré du nôtre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Ce projet de budget pour 2004 marque bien l'engagement du Gouvernement en faveur du service public de la radio et de la télévision, en faveur également du développement de la presse écrite.

Le Gouvernement propose que la ressource publique affectée au service public de l'audiovisuel augmente de 3 % par rapport à 2003, car il est attaché au développement des sociétés qui le composent : France Télévisions, mais aussi Arte, Radio France, RFI et l'INA.

Pourquoi cette augmentation ? Il y a un an, je vous disais ma volonté de pérenniser et développer un service public audiovisuel fort et singulier. Le Gouvernement a fermement écarté toute perspective de réduction de son périmètre.

Dans le même temps, j'ai souhaité éviter toute dispersion des moyens et renoncé à la création de nouvelles chaînes prévue par le précédent gouvernement.

Le service public est investi d'une mission importante pour la qualité de l'ensemble du paysage audiovisuel : il doit constituer une référence, offrir un espace à l'innovation et à l'audace, contribuer à la qualité des programmes qu'il propose à tous les Français, surtout ceux qui ne constituent pas des cibles commerciales. C'est là l'honneur et la noblesse du service public. On a bien vu, dans les pays où il s'est dégradé, que la qualité de l'ensemble de l'offre s'est dégradée.

Pour atteindre ces objectifs, nos entreprises ont besoin de moyens suffisants, d'autant qu'elles opèrent dans un contexte de vive concurrence.

Ces moyens, elles doivent d'abord savoir les dégager par une meilleure gestion. C'est ce que fait France Télévisions à travers un plan d'économie et de synergie qui dégagera 170 millions d'euros d'ici fin 2005. De même, l'INA a su recentrer son activité au cours de ces trois dernières années, sans augmentation de ses moyens.

Au-delà de ces nécessaires efforts de gestion, j'estime qu'il est aussi de la responsabilité de l'Etat de favoriser une meilleure organisation du secteur, de façon que les économies réalisées soient affectées aux programmes. C'est le sens de l'adossement en cours de RFO à France Télévisions et de notre réflexion sur une meilleure association entre Radio France et RFI. On n'a rien à gagner à la prolifération des sociétés opératrices.

La ressource que permettent de dégager ces efforts doit cependant être complétée par un accroissement de la ressource publique. N'oublions pas que nos entreprises publiques évoluent dans un environnement concurrentiel, caractérisé par une forte croissance des ressources publicitaires des opérateurs privés, en particulier TF1 et M6.

Nous devons veiller à ce que la télévision publique soit une alternative crédible et séduisante, s'appuyant sur les priorités fixées par le Gouvernement : amélioration de la qualité des programmes, augmentation des programmes de proximité, numérisation de la radio et sauvegarde du patrimoine audiovisuel, très fragile.

S'agissant de France Télévisions, la priorité doit être donnée à la qualité des programmes sur les trois chaînes nationales et cette orientation sera affichée dans le contrat d'objectifs du groupe, qui sera modifié par avenant d'ici la fin de l'année. Il s'agit de renforcer la dimension culturelle et éducative des programmes, et, pour France 3, de doubler son offre de programmes de proximité en cinq ans. Le succès de la nouvelle formule du « 19/20 » témoigne de l'attachement de nos concitoyens à des programmes enracinés dans la réalité de chaque région.

Ce souci de service du public s'exprime également par le sous-titrage des programmes pour les sourds et malentendants. Le plan de rattrapage lancé doit permettre à 50 % des programmes d'être sous-titrés d'ici 2006, contre 15 % aujourd'hui. J'étais avant-hier à Bourges, avec Mme Boisseau et le président de France Télévisions, pour y présenter les premières journées « Art, culture, handicap » et nous avons insisté sur cet engagement en faveur des malentendants.

Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions devrait renforcer également son engagement en faveur du cinéma et de la production audiovisuelle en particulier des films d'animation, dont la France est le premier producteur européen et le troisième producteur mondial, après les Etats-Unis et le Japon. La pérennité de cette réussite justifie le soutien des pouvoirs publics et de la télévision publique.

Notre volonté est que l'abondement des moyens et les efforts de productivité de France Télévisions profitent en priorité à l'amélioration de la grille : le financement des programmes devrait croître de 4 % en 2004.

La chaîne ARTE devrait bénéficier d'une dotation en hausse de 3 %, orientée, elle aussi, vers le financement des programmes : ils ont vocation à être diffusés 24 heures 24 sur le câble et le satellite et à occuper un canal entier de la TNT, de même que France 5.

S'agissant de RFO, Madame la ministre de l'outre-mer et moi-même avons proposé à l'entreprise de nouvelles perspectives. Afin de développer l'offre de programmes de proximité et de garantir la diffusion des programmes des chaînes métropolitaines, nous prévoyons la filialisation de RFO au groupe France Télévisions, dans le strict respect des spécificités de l'outre-mer. Ce projet fait l'objet d'une large concertation. Il a reçu un accueil très favorable des personnels concernés.

S'agissant de la radio de service public, Radio France bénéficiera en 2004 d'une hausse de sa dotation de 7,1 millions d'euros, soit 3,6 %. L'Etat concourra notamment aux travaux de mise en sécurité de la Maison de la Radio, exigés par la préfecture de police de Paris. Ces travaux seront aussi l'occasion d'accélérer la numérisation de la production de Radio France, et notamment de France Inter.

Radio France Internationale, qui est soumise à une double tutelle, bénéficiera d'une ressource en provenance de la redevance en hausse de 2 %, qui complètera la dotation budgétaire du ministère des affaires étrangères, en hausse de 1,5 %.

Je ne peux pas parler de RFI sans évoquer, comme vous, la mémoire de Jean Hélène, reporter de RFI en Afrique, et notamment en Côte d'Ivoire. Ce journaliste, dont tout le monde a salué les qualités humaines et professionnelles, a été assassiné, à 51 ans à peine, dans un pays, hélas, troublé. Cette mort démontre une nouvelle fois que le service de l'information est un métier engagé et à risques. Je m'associe au deuil des siens - son corps sera rapatrié aujourd'hui - et à l'immense tristesse de ses confrères, dont j'ai pu constater la consternation, mais aussi la mobilisation pour la liberté de l'information.

S'agissant de l'INA, notre priorité, notre devoir même, est de sauvegarder le patrimoine audiovisuel en développant la numérisation. Ce grand chantier durera une dizaine d'années. En attendant les conclusions que rendra à la fin du premier semestre 2004 M. Hubert Astier, inspecteur général des affaires culturelles, auquel j'ai confié une mission à ce sujet, le budget de l'INA augmente de 1,5 %, après plusieurs années de stagnation.

Aux 74 millions d'augmentation de la ressource publique des entreprises que propose le Gouvernement s'ajoutent les ressources propres obtenues grâce à un effort de gestion et à l'augmentation mécanique de 5,6 % de la recette publicitaire pour le même volume de publicité.

Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement ne veut pas augmenter la redevance qui resterait à 116,5 €, mais en améliorer le rendement. Pour lutter contre la fraude, qui distrait 7 % de la ressource potentielle, le ministère des finances a proposé de croiser les listes des contribuables assujettis à la redevance et des abonnés aux services de télévision payante. Le vote de l'Assemblée à ce sujet, dans la nuit du 20 octobre, nous place dans une situation nouvelle. En ce qui me concerne, je suis totalement résolu à participer à la nécessaire redéfinition des modalités d'établissement et de recouvrement de la ressource fiscale affectée à l'audiovisuel public. C'est pourquoi je vous ai proposé la création d'un groupe de travail associant le Parlement à cette réflexion.

D'un point de vue moral, les mesures proposés par le Gouvernement pour lutter contre la fraude sont justifiées. Pourquoi 21 millions de foyers seraient-ils exposés à une augmentation de la redevance parce que la fraude reste impunie ? Quelles que soient les orientations retenues pour financer le service public à l'avenir, il faudra améliorer la lutte contre la fraude.

Pour l'heure, les amendements adoptés par l'Assemblée devraient faire perdre 17 millions sur les recettes escomptées de la redevance. Le Premier ministre a demandé au ministre des Finances de proposer d'autres solutions pour que la ressource publique affectée à l'audiovisuel augmente bien de 3 % en 2004. Elles vous seront présentées avant la fin du débat parlementaire. Dans cette attente, nous aviserons aux dispositions à prendre pour présenter le budget de façon adéquate. Je souhaite qu'avant la fin de la discussion à l'Assemblée et au Sénat, des solutions satisfaisantes soient dégagées pour revenir aux objectifs fixés par le projet de loi de finances.

Je suis heureux que M. Baguet ait insisté sur la radio. La bande FM étant saturée, des éditeurs de radio proposent une nouvelle organisation pour permettre à certaines radios de couvrir l'ensemble du territoire tout en garantissant la diversité et le développement des radios locales et associatives. Mais certains experts doutent que cette réorganisation soit possible sur un plan technique. J'ai donc décidé d'engager avec le CSA une étude à ce sujet. Ses conclusions, disponibles au début de 2004, nous permettront de nous forger une opinion définitive.

Ne négligeons pas pour autant l'intérêt croissant des opérateurs privés pour la bande AM, comme en témoigne le succès de l'appel d'offres lancé par le CSA, ni les perspectives qu'ouvre la numérisation de la radio. Celle-ci est inéluctable et le moment est venu de lui offrir un cadre juridique stable. J'ai constitué à cet effet, en liaison avec le CSA, un groupe de travail qui engagera une consultation publique dans les prochains jours. Je compte vous soumettre des propositions par amendement au projet de loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle dont l'examen, je l'espère, trouvera sa place dans un ordre du jour parlementaire chargé.

Enfin, ce projet consolide notre soutien à la presse écrite. Les crédits des aides à la presse s'élèveront en 2004 à 164,5 millions, en hausse de 0,5 %. Priorité est maintenue aux aides directes pour soutenir la diffusion et la distribution, défendre le pluralisme et développer le multimédia. Ces crédits s'élèveront à 32 millions pour 2004, tandis que les ressources du fonds de modernisation de la presse seront maintenues à 29 millions. Enfin, l'Etat accompagnera la politique de redressement et de modernisation de l'Agence France-Presse, engagée dans un contexte difficile - j'en félicite la direction et le personnel, qui est de qualité. Conformément aux engagements pris dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, les crédits inscrits pour les abonnements de l'Etat à l'AFP s'établissent à 103,2 millions, en hausse de 3 %.

Tels sont les principaux éléments de ce budget. Je vous remercie par avance de bien vouloir les accueillir dans un esprit de générosité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Maurice Leroy - L'UDF se félicite de votre volonté de vous attaquer aux vrais problèmes du secteur de la communication. Vous venez ainsi de vous engager sur l'indépendance de la télévision publique et le renforcement de ses moyens.

Nous notons avec satisfaction que ce budget est meilleur que celui de 2003. Cependant, comme l'a souligné le rapporteur, les ressources qu'il affiche sont pour une grande partie hypothétiques. Son caractère aléatoire est apparu dans les déclarations du ministre délégué au budget, lors de la discussion de l'article 20 de la première partie, relatif à la redevance.

Vous connaissez l'attachement de l'UDF à un service public de qualité. Il serait inopportun de revenir sur le temps de publicité autorisé dans le service public et de rouvrir ainsi incidemment le débat sur la privatisation de France 2, sans consultation préalable des principaux intéressés. Pouvez-vous apporter un démenti formel aux rumeurs qui circulent à ce sujet et éviter de faire porter aux parlementaires la responsabilité d'une révision de la législation sur la hausse des tunnels publicitaires dans le service public audiovisuel ?

M. Michel Françaix - Nous ne la voterions pas !

M. Maurice Leroy - Cette baisse budgétaire peut être compensée par une bonne collecte de la redevance et de la publicité. Faute de communication des chiffres, nous ne pouvons pas mesurer l'éventuel déséquilibre du financement du service public. Il reste que le taux de la redevance est parmi les plus bas d'Europe, de même que le montant total des ressources publiques allouées au secteur. Il y aurait un différentiel de 40 % entre l'Allemagne et la France.

Autre inquiétude directement liée à la baisse de 20 millions du budget de l'audiovisuel public. Comment la nouvelle enveloppe sera-t-elle répartie ?

Enfin, je regrette que les travaux de la mission d'information commune sur la création de la chaîne internationale n'aient pas été davantage pris en compte car l'argent du contribuable est en jeu.

M. Frédéric Dutoit - C'est un scandale !

M. Maurice Leroy - Concernant les autres postes budgétaires, je m'inquiète du sort de la presse écrite.

M. Michel Françaix - Vous avez raison !

M. Maurice Leroy - Les crédits, déjà réduits de 11 % en 2003, baissent de 7 %. Si l'on retire la régularisation de l'aide accordée à France Soir au titre du fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, les aides directes sont en baisse de 15 %...

M. Michel Françaix - Bien vu !

M. Maurice Leroy - Les aides à la presse ne représentent que le cinquième des aides à l'audiovisuel public. Or la concurrence avec les autres médias est de plus en plus vive, et les investissements publicitaires, voire l'ensemble des investissements, vont de plus en plus vers la presse gratuite. Il demeure indispensable de préserver la pluralité.

A la suite de M. Baguet et au nom de l'UDF, je réitère la proposition d'utiliser les ressources budgétaires non consommées du fond du modernisation de la presse en une fois, dans le cadre d'un plan d'ensemble global. Il paraît que Bercy n'y serait pas favorable, préférant aujourd'hui thésauriser... Cela lui coûtera pourtant demain beaucoup plus cher, quand il devra agir dans l'extrême urgence !

Enfin, Monsieur le ministre, nous vous félicitons du contrat signé avec l'AFP, agence reconnue mondialement pour sa compétence et à laquelle il faut donner les moyens d'adapter son fonctionnement aux réalités nouvelles.

Le groupe UDF votera ce budget.

M. Michel Françaix - La conclusion est décevante !

M. Frédéric Dutoit - Vous vous félicitez de présenter devant la représentation nationale un bon budget, Monsieur le ministre, mais nous ne sommes pas dupes. Votre objectif serait de marginaliser l'audiovisuel public au profit des chaînes privées que vous ne vous y prendriez pas autrement !

L'Allemagne ou le Royaume-Uni ont fait le choix d'un service public fort, et de qualité. A l'inverse, en France, nous dérivons inexorablement vers la télé marchande, la télé spectacle. Et que dire de ces signes - je pense aux prestations régulières de l'épouse du Président de la République - qui montrent que la télévision devient un diffuseur aveugle et bienveillant au service de votre politique...

Vous tergiversez sur la redevance, pourtant garante aujourd'hui de l'indépendance du service public, mais d'autres moyens seraient possibles pour accroître ses capacités financières. Comme je l'avais dit l'année dernière, on peut envisager une taxe sur la publicité médias et hors médias, la taxation des jeux, ainsi qu'un loyer payé par les opérateurs privés pour l'utilisation de l'espace public hertzien.

Ce budget est insuffisant, Monsieur le ministre. Il ne tient pas compte du passif, des enjeux, du coût des investissements en matériel et en formation continue des salariés. Avez-vous oublié que l'Etat doit plus de 20 milliards de remboursement des exonérations de redevance ?

Dans ce contexte de sous-financement chronique de l'audiovisuel public, qu'est devenu le projet de télévision numérique terrestre ?

Affaiblir l'audiovisuel public, c'est non seulement ne pas lui donner des moyens de financement suffisants, mais c'est aussi empêcher et disqualifier la production publique intégrée. Les pays qui ont fait le choix d'une politique de service public fort ont aussi une production intégrée forte : 53,5 % en Allemagne, 62,1 % au Royaume-Uni en Europe, contre seulement 13,4 % en France.

Quelles mesures allez-vous prendre pour empêcher la délocalisation vers des pays à moindre coût ?

C'est bien la privatisation des chaînes et le démantèlement de l'industrie de programme qui sont en cours.

Les crédits relatifs à la presse ne sont pas moins consternants. Vous signez en fait la mort de la presse écrite, alors que la France est déjà le pays où on lit le moins le journal, où la concentration est la plus forte et le pluralisme de l'offre le plus restreint. Vous réduisez l'aide au transport ferroviaire, de même que l'aide à l'exportation de la presse à l'étranger.

Les quotidiens à faible ressource publicitaire ont besoin d'être soutenus.

M. Michel Herbillon - C'est le cas !

M. Frédéric Dutoit - Votre politique budgétaire va remettre en cause l'indépendance, la créativité, et le pluralisme de nos médias. Le groupe communiste votera donc contre ce budget.

M. Dominique Richard - Avec une hausse de 5,8 % pour l'ensemble de votre budget et de 3,6 % pour le secteur communication, vous êtes, Monsieur le ministre, un ministre heureux, d'autant qu'il ne s'agit pas d'une progression des frais de fonctionnement.

Plus important encore est le progrès notable constaté en matière de consommation des crédits. En effet, en 2001 et 2002, plus de 15 % des crédits du ministère n'avaient pas été utilisés. Nous ne pouvons que nous réjouir qu'on revienne à plus de vérité dans la présentation des chiffres.

Le budget 2003, brocardé en son temps par l'opposition aura engagé 160 millions de plus que le précédent. Soyez-en, Monsieur le ministre, vous et vos services, félicités.

La conjonction d'une augmentation nominale du budget et d'une exécution optimisée devrait permettre un véritable bond qualitatif en 2004.

Je m'intéresserai plus particulièrement au domaine de l'image.

Si le cinéma - et c'est heureux - enregistre une forte augmentation - de 7,76 % - de la dotation au compte de soutien, l'audiovisuel s'en tire relativement moins bien, en bénéficiant néanmoins d'une augmentation de 2,8 %.

Soulignons, d'abord, la moralisation que constitua, au 1er juillet, l'alignement de la taxe vidéo sur celle des entrées en salle ; elle permettra de plus de doubler la recette.

Ensuite, le soutien à l'effort engagé ces dernières années par les régions va dans le bon sens, même si le plafonnement national devra être revu pour faire du tournage en régions l'une des armes de lutte contre la délocalisation des tournages et de la post production, qui a crû de 20 % en 2002 !

Cette question va enfin bénéficier du crédit d'impôt que vous mettez en place, et qui devra s'appliquer aux _uvres cinématographiques comme audiovisuelles, notamment d'animation.

Toutefois, l'accès de la Warner via sa filiale « 2003 Productions » peut être un précédent préjudiciable à la production française, et nous aimerions connaître les précautions juridiques que vous entendez proposer pour éviter une telle dérive.

Par ailleurs, nous serons attentifs aux risques de détournements des financements CNC que l'arrêt « Popstar » fait courir. La concertation que vous engagez avec la profession sur la redéfinition de l'_uvre audiovisuelle prend donc une acuité toute particulière.

J'en viens à certaines questions touchant l'audiovisuel public à un moment où le plus haut responsable d'une importante chaîne privée réclame la suppression des quotas d'_uvres européennes et françaises.

Si les préconisations des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions ont été respectées, d'autres questions restent pendantes, en ce qui concerne les recettes.

Si la redevance ne subit pas la transformation incohérente proposée, elle doit enregistrer une progression de son produit que vous évaluez à 3 % sans toucher le taux qui n'aura augmenté que de 2,8 % en cinq ans. Toutefois, l'amendement Carrez ne va pas faciliter les choses et je trouve pour ma part que c'est une curieuse conception de la liberté individuelle que celle qui protège l'évasion fiscale !

Cet amendement a cependant le mérite d'imposer, pour l'année prochaine, une réforme au fond qui garantira la pérennité du financement de l'audiovisuel public, tout en rendant sa perception plus juste et moins onéreuse. A cet égard, le ministre du budget ne s'est, semble-t-il, pas montré défavorable à l'adossement à la taxe d'habitation, après consultation des maires, et c'est un point sur lequel nous aimerions connaître votre sentiment.

En attendant, l'amendement Hénart permet d'augmenter les recettes et d'alléger les modalités de recouvrement.

Pour ce qui est de l'accès aux sourds et malentendants, évoqué par M. Michel Bouvard à propos de la première partie de la loi de finances, nous savons que seulement un cinquième des programmes sont sous-titrés. Vous avez heureusement amendé le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions pour parvenir à un taux de 60 % en 2007. Pourriez-vous nous préciser le calendrier et les mesures que vous allez mettre en _uvre ?

Concernant l'ouverture de la publicité à quatre secteurs jusque là interdits, des interrogations subsistent sur les secteurs de la distribution et de l'édition littéraire. Pourriez-vous nous rassurer sur l'équilibre de la concurrence entre les chaînes nationales hertziennes et les chaînes thématiques diffusées par câble ou satellite, les futures chaînes locales ou de la TNT.

M. Michel Françaix - Très bien !

M. Dominique Richard - Aujourd'hui, les chaînes nationales captent 95 % des recettes publicitaires, TF1 et M6 récoltant à elles seules 70 % des recettes pour 46 % de parts d'audience. Le délai d'accès jusqu'à début 2007 est-il donc suffisant, les grands annonceurs étant naturellement attirés par les médias leaders ? Certains trouvent cette échéance trop éloignée, mais la réduction de 12 à 8 minutes par heure glissante de France Télévisions, a montré que les grands bénéficiaires avaient été les deux chaînes nationales privées et non les chaînes thématiques ou locales.

Cet accès rapide aux secteurs interdits peut renforcer les positions dominantes et fragiliser les chaînes thématiques ou nouvelles.

Pour autant, un retour à 12 minutes pour le secteur public peut comporter des risques : pression sur la recherche d'audience, risque d'uniformisation des grilles entre secteurs public et privé, risque de fragiliser la mise en _uvre du rapport Clément.

Redevance, ouverture aux secteurs interdits, accès aux crédits CNC par redéfinition de l'_uvre audiovisuelle, la question des ressources est centrale.

Il en est une autre : celle de notre mémoire audiovisuelle. Les retards pris sur la numérisation des archives de l'INA ces dernières années, mettent en péril la conservation et l'existence même de certains documents. Nous saluons la progression de 1,5 % que vous proposez, mais attendons avec impatience pour le premier trimestre 2004 les conclusions du rapport Astier et le plan pluriannuel que vous présenterez alors.

Enfin, la question des aides à la presse. Si les aides à la diffusion et à la distribution baissent de 15 %, il a échappé à l'opposition que toutes les lignes budgétaires sont maintenues ou relevées sauf pour le remboursement de l'aide à la SNCF et l'aide à l'expansion de la presse à l'étranger ; que les aides au maintien du pluralisme sont relevées de près de 2 millions d'euros pour anticiper le futur financement de France Soir au même titre que La Croix et L'Humanité ; et enfin, que l'aide au transport postal de la presse a été consolidée à 290 millions d'euros en attendant les conclusions de la mission confiée à Henri Paul.

Quant à l'AFP, nous nous réjouissons que l'Etat augmente ses abonnements de 3 % en 2004 pour atteindre un volume de 103,2 millions d'euros. Cette grande agence traverse une passe financière difficile, mais l'Etat lui donne quatre ans pour redresser ses comptes, et l'approbation du projet de contrats d'objectifs et de moyens par le conseil d'administration de l'AFP le 10 octobre dernier est un facteur d'espoir. Mais cet espoir ne peut se concrétiser que si la croissance du chiffre d'affaires de l'agence est soutenue notamment grâce au développement d'une activité vidéo, et si elle s'opère à effectifs constants afin que la masse salariale soit maîtrisée.

Vous avez le courage, Monsieur le ministre, d'ouvrir ces dossiers dans un contexte budgétaire difficile, mais il y va de la pérennité de la création française, de la qualité de la programmation et de la spécificité de l'audiovisuel public.

Ce budget est encourageant car il ouvre la voie à bien des évolutions annoncées pour 2004, même s'il n'est qu'un budget de transition pour ce qui est de la réforme de la redevance.

Que la réflexion qui s'engage ne soit pas uniquement financière, mais prenne en compte la place de l'audiovisuel public dans le PAF et réponde au devoir de soutien de la diversité culturelle, dont le Président de la République a été un fervent avocat devant l'UNESCO qui, le 17 octobre, a décidé de mettre au point une convention culturelle contraignante sur deux ans.

Monsieur le ministre, vous pouvez comptez sur le soutien du groupe UMP qui votera avec confiance votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Françaix - Monsieur le ministre, j'espère que vous ne m'en voudrez pas trop de dire que vous m'avez semblé embarrassé pour défendre ce budget. Il est vrai que le montant des crédits alloués au service public est en deçà des engagements pris par l'Etat pour les contrats d'objectifs et de moyens.

Ensuite, ce budget n'est pas financé, depuis l'avis défavorable de la CNIL et de cette assemblée et du fait d'estimations fantaisistes des recettes de la redevance et de la publicité.

Par ailleurs, vous abandonnez le projet de télévision numérique pour la chaîne publique - il est vrai que TF1 n'en voulait pas. L'arrivée de M. Boyon peut toutefois nous laisser quelque espoir.

Vous remettez d'autre part en cause la sauvegarde du patrimoine audiovisuel par l'INA par une augmentation insuffisante des crédits.

Enfin, vous êtes incapables de faire émettre la Cinquième en soirée, alors que vous devriez être fier de la qualité de ses programmes, et de la hausse de son audience. Il est paradoxal que ces programmes, payés par les contribuables, ne puissent être vus que sur le câble !

De surcroît, vous vous êtes résigné bien vite au blocage du taux de la redevance, en espérant des recettes aléatoires sur une traque sans merci des resquilleurs. M. Sarkozy est partout !

Nous attendons toujours une réforme de la redevance !

M. le Rapporteur spécial - Que ne l'avez-vous mise en _uvre ces cinq dernières années !

M. Michel Françaix - Vous êtes ici parce que vous seriez meilleurs : à vous de la faire !

M. le Rapporteur spécial - Nous avons fait un pas.

M. Michel Françaix - Un pas en avant, deux en arrière !

Allez-vous, pour financer le service public, revenir sur la loi d'août 2000, et remonter la durée des écrans publicitaires à 12 minutes, au risque d'ouvrir la porte à une privatisation rampante, d'autant plus injuste que la qualité des programmes ne cesse de s'améliorer ?

Nous ne pouvons nous contenter d'un budget au rabais car information pluraliste et exigeante, débats contradictoires, fictions de qualité, magazines et documentaires aux heures de grande écoute, doivent être vos objectifs.

C'est vrai, la télévision publique n'aura pas tout perdu, car elle aura Marianne, mais c'est une personnalité de la télé émotion assez peu service public qui sera distinguée...

S'agissant de la chaîne d'information internationale, la mission d'information parlementaire souhaitait éviter l'empilement des structures de l'audiovisuel extérieur, et comptait y faire participer majoritairement les opérateurs publics concernés - France Télévisions, RFI, RFO, AFP, TV5. Il n'en a rien été. Étrange montage qui exclut les seuls opérateurs ayant une vraie connaissance du public et des réseaux de distribution internationaux - TV5 et RFI - qui en seront fragilisés. Étrange conception du service public qu'une chaîne publique soit chapotée par TF1, groupe privé, qui aura un droit de veto sur toutes les décisions stratégiques.

Nous ne voulions pas que cette chaîne soit « la voix de la France » ; nous avons la voix de TF1, financée par les contribuables. TF1 qui rafle toujours la mise, chaîne bien aimante et bien-aimée... Mais cette fois-ci on donnera tout de même un bon point à France Télévisions, pour la remercier d'avoir abandonné ses projets de télévision numérique terrestre sans faire trop de bruit.

La presse d'information quotidienne nationale et régionale va mal : prix, problèmes de distribution, de lectorat, publicité en berne... Il est toujours difficile à un ministre de s'exprimer sur la presse. Sa sollicitude paraîtra suspecte : ne cherche-t-il pas à étreindre la presse pour mieux l'étouffer ? Mais voilà un reproche qui ne peut vous être fait. Votre prudente réserve, inspirée par un libéralisme de bon aloi, vous fait plutôt tomber sous l'accusation de non-assistance à personne en danger. L'AFP dans la tourmente, le système de distribution en panne, les aides à la presse sournoisement réduites, les publicités de la grande distribution bientôt autorisées à déferler alors qu'elles représentent 30 % des recettes de la presse régionale : autant de facteurs de déstabilisation. Et que sera-ce si une deuxième coupure de publicité est autorisée demain à TF1 et M 6 comme le prétend la rumeur sans parler d'un retour à 12 minutes de la publicité sur le service public ?

Affaiblissement de l'audiovisuel public, abandon de la TNT, réforme de la redevance sans cesse reportée, démantèlement de l'audiovisuel extérieur, La Cinq qui n'émet toujours pas en soirée, le budget de la presse en baisse : vous comprendrez que le groupe socialiste ne puisse se satisfaire de vos propositions. Terminons quand même sur une note positive : il y a bien un budget de la communication dont il faut se féliciter, c'est celui du Premier ministre, qui augmente de 5 %. Mais j'ai bien peur que cela ne suffise pas à convaincre les Français de la pertinence de ses choix (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Herbillon - Ce budget est sans conteste positif pour l'audiovisuel public. Il traduit une continuité et une cohérence dans la politique du Gouvernement, fondée sur deux priorités : donner au secteur public les moyens de son développement et accroître l'exigence de qualité des programmes.

Les crédits alloués à l'audiovisuel public augmenteront de 3 %. Avec la hausse attendue des ressources publicitaires, les moyens de l'audiovisuel public devraient s'accroître de près de 119 millions. On doit se féliciter du choix du Gouvernement de ne pas augmenter, pour la seconde année consécutive, la redevance et de financer la majeure partie de l'effort par un renforcement de la lutte contre la fraude, qui a pris des proportions inacceptables.

La suppression par notre assemblée des dispositions autorisant le croisement des fichiers de la redevance et des abonnés au câble et au satellite nous oblige cependant à compenser la perte de recettes correspondante. Mais cette décision n'est pas antinomique avec l'objectif de lutte contre la fraude.

La réflexion sur la réforme de la redevance est désormais engagée et nous serions très intéressés, Monsieur le ministre, de vous entendre sur ce sujet. En effet, l'enjeu de la réforme n'est rien de moins que de garantir un financement pérenne de l'audiovisuel public.

Second mérite de ce budget : mettre l'accent sur la qualité des programmes dans l'audiovisuel public.

Nous avions été un certain nombre à souligner l'an dernier l'insuffisance de la dimension culturelle et éducative dans les grilles des programmes des chaînes publiques.

Des progrès notables ont depuis lors été réalisés, et France Télévisions s'est engagé à accroître la part de ces programmes en 2004, tout comme la production des programmes régionaux et de proximité et des émissions accessibles aux sourds et malentendants. Je me félicite aussi de la nouvelle formule du 19-20 de France 3. La hausse de 3 % des dotations d'Arte sera de même entièrement dédiée à l'élaboration d'une nouvelle grille de programmes.

Je salue par ailleurs l'effort réalisé en faveur de la sauvegarde de notre patrimoine audiovisuel, qui se traduira par une hausse de 1,5 % de la dotation de l'INA. La numérisation des archives pourra ainsi être accélérée. En tant que rapporteur du budget de la culture l'an dernier, j'avais insisté sur la nécessité d'élargir notre conception du patrimoine. Je me réjouis donc de la décision qui a été prise pour l'INA. J'ai été surpris d'entendre les critiques de l'opposition à ce sujet : le contrat d'objectifs et de moyens signé par le gouvernement Jospin prévoyait une stagnation des moyens de l'INA.

Cette appréciation est d'autant moins recevable que le ministre de la culture et de la communication a confié à Hubert Astier une mission sur l'organisation et le financement de la préservation du patrimoine audiovisuel et cinématographique, qui devrait permettre de préparer le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'INA.

Ce budget illustre fidèlement les trois priorités assignées aux aides à la presse : soutien à la diffusion et à la distribution, défense du pluralisme, développement du multimédia. Le Gouvernement a fait le choix très heureux de soutenir le redressement et la modernisation de l'Agence France-Presse. L'adoption récente du contrat d'objectifs et de moyens, qui s'accompagne d'une hausse de 3 % des crédits d'abonnement de l'Etat, lève nombre d'incertitudes. De nouvelles perspectives s'ouvrent désormais à l'AFP, qui participe pleinement au pluralisme des sources d'information dans le monde et à la diversité culturelle.

Au regard de toutes ces avancées, voilà un bon budget qui conforte la place et l'originalité de l'audiovisuel public dans notre paysage audiovisuel. Je lui apporterai donc mon soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Patrick Bloche - Je reviens sur la question cruciale du financement de l'audiovisuel public. Les réponses que vous y avez apportées ce matin, Monsieur le ministre, nous semblent en effet très insuffisantes.

Parlons donc de la redevance. Compte tenu du vote de l'article 20 de la première partie de la loi de finances dans la nuit de lundi à mardi, il manque encore, dites-vous, 17 millions d'euros. Je note que nous en étions à 22 lundi soir.

Le dispositif que nous avons adopté pour tirer les conséquences de la loi organique de 2001 est transitoire. Le problème est que vous avez construit votre budget sur l'hypothèse que la redevance produirait 3 % de ressources supplémentaires. Or, l'amendement de la commission des finances, tel qu'il a été voté, nous laisse dans la plus grande incertitude.

Vous avez reconnu la volonté de la représentation nationale de lutter contre la fraude. Mais elle a aussi voulu marquer par l'adoption de cet amendement son attachement à la protection de la vie privée et des données personnelles.

M. le Rapporteur spécial - Nous sommes d'accord.

M. Patrick Bloche - Je n'évoquerai pas le coût de la collecte, qui sert souvent de prétexte à la remise en cause du principe même de la redevance. Le groupe socialiste reste attaché à l'existence d'une ressource affectée au financement de l'audiovisuel public. Votre première hypothèse n'étant pas satisfaite, nous aimerions connaître les perspectives de financement que vous envisagez.

Seconde hypothèse : ce que vous appelez, de manière sans doute bien audacieuse, le frémissement du marché publicitaire, avec une croissance de 8 % des ressources publicitaires. Voilà qui ne laisse pas de nous inquiéter quand on connaît les rumeurs qui circulent sur l'intention du Gouvernement de revenir sur la loi du 1er août 2000 et d'autoriser douze minutes de publicité par heure au lieu de huit. Les opérateurs privés n'ont pas manqué de réagir : M. Mougeotte a demandé le statu quo, pour toutes les raisons que l'on imagine, et d'autres rumeurs naissent. En l'état actuel des choses, l'audiovisuel public risque de se trouver confronté à des problèmes de financement à l'automne 2004. Son budget n'est pas assuré, ce qui compromet la qualité des programmes et finalement le service public.

Cela nous inquiète d'autant plus que le dernier arbitrage gouvernemental sur la chaîne d'information internationale a littéralement bafoué la représentation nationale, qui avait formulé des propositions à ce sujet. Cet arbitrage est défavorable à l'audiovisuel public ; il écarte notamment les opérateurs publics les plus indiqués, TV 5 et RFI. A l'évidence, Monsieur le ministre, vous n'êtes pas seul au Gouvernement - hélas ! Nos inquiétudes sur l'avenir de l'audiovisuel public sont renforcées par ces arbitrages (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. René-Paul Victoria - En matière de communication aussi, les départements d'outre-mer doivent bénéficier d'un véritable principe de continuité territoriale. Nos collectivités sont en effet considérées comme des territoires étrangers et le coût des télécommunications est prohibitif. Il réduit le contact entre les membres d'une famille dispersée et handicape les entreprises et les collectivités locales. Or, les techniques d'information participent au développement de nos territoires. Des progrès ont été enregistrés ces deux dernières années, notamment à la Réunion, avec une nouvelle liaison par câble. Nous souffrons néanmoins encore d'importants retards et l'Etat doit contribuer de manière significative à la diminution des coûts du téléphone et du haut débit. Il en est de même pour l'accès en temps réel aux chaînes nationales ou européennes. Nous nous félicitons du rapprochement entre France Télévisions et RFO, et nous suivons avec intérêt l'ouverture de nos chaînes de radio et de télévision locales sur les pays de notre environnement.

A propos de RFO, quelles sont les conditions de son adossement ou de son intégration à la holding ? RFO doit garder une ligne éditoriale propre, pour être la voix de la France en outre-mer et la voix de l'outre-mer en France. Par ailleurs, l'Etat doit faire un effort pour l'accès aux nouvelles technologies de l'information dans les établissements scolaires. Cet effort relève pour l'instant essentiellement des collectivités locales, et il doit être soutenu pour éviter que nos jeunes ne soient victimes d'une fracture numérique.

Mais la communication ne s'envisage pas que du nord vers le sud (M. le Rapporteur spécial approuve). Force est de constater que l'expression culturelle, musicale et théâtrale de nos territoires est sous-représentée sur toutes les chaînes de France et d'Europe. La France s'honorerait à défendre la légitimité de cette création. Enfin, nos chaînes publiques doivent impérativement corriger les dérives dans lesquelles elles se sont engagées depuis des années. Télé Réunion, par exemple, consacre beaucoup plus de temps à la promotion de feuilletons venus des Etats-Unis ou du Brésil qu'à valoriser ceux de nos jeunes qui réussissent dans leur domaine. Cela aussi, c'est de la pédagogie !

Le budget de la communication n'est pas qu'une affaire de chiffres. Il doit prendre en compte l'exception culturelle française dans toute sa diversité. Je vous demande que les priorités soient les mêmes pour l'outre-mer qu'au niveau national : qualité des programmes, proximité, numérisation de la radio et sauvegarde du patrimoine audiovisuel. L'outre-mer sait qu'il peut avoir confiance en vous. Je voterai donc votre projet de budget avec mes collègues de l'UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Ce débat a été extrêmement riche. Monsieur Leroy, je tiens à démentir tout projet de réduction du périmètre du service public : il n'y a aucune ambiguïté, pas plus que sur l'extension de la capacité publicitaire de France Télévisions.

M. Michel Françaix - Très bien.

M. le Ministre - Non pas que nous cherchions, Monsieur Françaix, à faire ainsi un quelconque plaisir à TF1, mais parce que nous estimons qu'il s'agit d'un des éléments de la singularité du service public et aussi parce que nous nous soucions de la situation économique de la presse.

En ce qui concerne la presse écrite, justement, il est clair que, quel que soit l'intérêt du dispositif établi par le Gouvernement, il est possible de mieux faire. La presse écrite est un des éléments de la vitalité civique, culturelle et économique de notre pays et je note avec beaucoup d'inquiétude la désaffection de nos concitoyens à son endroit. Il appartient au Gouvernement et à la représentation nationale de s'emparer de ce sujet. Cependant, les solutions ne se trouvent pas uniquement dans l'augmentation des aides : la presse elle-même doit s'interroger sur son attractivité. Lorsqu'un travail de redéfinition de la maquette ou de la ligne éditoriale est accompli, comme cela a été fait par Les Echos ou Libération, et il y plus longtemps pour L'Humanité, on note un regain d'intérêt de la part des lecteurs. Enfin, le nombre de points de distribution de la presse diminue - je pense notamment aux kiosques à Paris. Je proposerai donc un plan national pour la presse.

En ce qui concerne la recette de la redevance, je tiens à dire à M. Bloche que la marge d'incertitude n'est que de 17 millions sur un produit total qui dépasse les 2 milliards. On est loin de l'impasse budgétaire ! J'espère que les ministères des finances et de la culture pourront vous proposer une solution avant la fin du débat. Dans l'état actuel des choses, la commission des finances a adopté un amendement procédant à un abattement pour chaque entreprise, au prorata de la dotation initiale. Cette solution est purement mécanique, et je m'y rallie à titre provisoire.

Monsieur Dutoit, où sont donc les cadeaux et les privilèges que vous avez évoqués ? Ce n'est guère que par aveuglement partisan qu'on peut accuser le Gouvernement de négliger le service public ! Je crois au service public et à la nécessité de le soutenir. C'est pourquoi ses moyens augmentent, dans un contexte budgétaire pourtant tendu. Je tiens également à vous dire que je suis très attaché à l'indépendance du service public. Certes les élus ont toujours tendance à trouver qu'il flatte les intérêts de leurs adversaires et ne tient pas suffisamment compte de leur propre action. Nous devons sans cesse rappeler le service public à ses règles déontologiques
- équité, égalité de traitement, pudeur à l'égard de l'information partisane -, mais également respecter scrupuleusement son indépendance.

La délocalisation des productions a, vous avez raison, un effet corrosif et, à terme, mortel, sur la production audiovisuelle de notre pays. Nous devons tout faire pour inverser le processus qui s'est engagé - et que, Monsieur Françaix, vous avez toléré - au cours des dernières années.

Je ne trouve pas normal, quand le scénario ne l'impose pas,que l'on aille tourner à l'étranger pour des raisons purement économiques. Rien n'imposait de tourner le téléfilm Colette en pays balte ; Colette n'y a jamais vécu, elle habitait le premier arrondissement de Paris. Nous devons tous lutter contre ce processus de délocalisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Monsieur Richard, je vous remercie d'être présent malgré votre bras cassé et je vous souhaite un prompt rétablissement. Ce doit être une priorité pour le Parlement et le Gouvernement que de soutenir la production française. C'est important pour la vie culturelle de notre pays et la singularité de nos programmes. Nous ne voulons pas que nos chaînes de télévision deviennent de simples robinets débitant des productions uniformes, sans caractère et parfois triviales, conçues pour le marché international au sens le plus commercial. Il faut utiliser tous les moyens à notre disposition : augmentation de la taxe sur les vidéos, institutions de fonds régionaux de soutien, extension éventuelle à la production audiovisuelle du crédit d'impôt cinéma.

Quant à l'avenir de la redevance, je souhaite que cette question soit réglée très vite pour que nous ne nous retrouvions pas avec les mêmes interrogations, une fois de plus, lors du prochain débat budgétaire. Pour ma part, je ne suis pas hostile à ce que le recouvrement soit adossé à celui de la taxe d'habitation, à condition que l'information du citoyen soit bien faite. J'observe qu'on a peu fait de pédagogie sur la redevance : on se contente d'envoyer aux citoyens leur avis d'imposition sans leur donner de détails sur l'affectation de ces sommes, comme cela se fait en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Ce serait une marque de respect que de faire nous aussi ce travail d'explication et je regrette, Monsieur Françaix et Monsieur Bloche, que mes prédécesseurs ne l'aient pas fait (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Françaix - Léotard ne l'avait pas fait non plus !

M. le Ministre - Quelques mots sur l'agrément donné récemment à un film de Jean-Pierre Jeunet, qui a suscité beaucoup d'émotion. Le Centre national de la cinématographie, conforté par les juristes, a estimé que la société de production concernée n'était pas contrôlée par Warner, car cette dernière ne détient que 34 % de son capital. Juridiquement, l'agrément ne pouvait pas être refusé.

Pour ma part, je m'en félicite : le but du dispositif de soutien au cinéma français n'est pas chauvin : l'important, c'est que des réalisateurs français puissent tourner, en France, des films de langue française. Que des capitaux étrangers s'investissent dans leur production n'en font pas des objets culturels suspects ! Je préfère cela plutôt que de voir des fonds publics soutenir des films réalisés à l'étranger. L'affaire a pris un tour émotionnel parce que dès qu'on parle de la Warner, on voit s'avancer l'oncle Sam ! Mais il faut raison garder.

A moyen terme, il faudra néanmoins parfaire notre réflexion à ce sujet et veiller à éviter toute utilisation abusive du dispositif de soutien au profit d'intérêts étrangers. Cela nous renvoie au débat sur la définition de l'_uvre : quel type de production peut accéder au soutien public et quelles _uvres peuvent être comptabilisées dans les quotas de diffusion ? Une interprétation trop extensive abaisserait la qualité de la production et de la programmation. J'ai demandé au Centre national de la cinématographie et à la Direction du développement des médias, de mener une réflexion à ce sujet et j'ai moi-même reçu toutes les parties concernées pour faire émerger une solution que j'aimerais consensuelle.

En ce qui concerne l'accès à la télévision des sourds et malentendants, je vous ai indiqué que c'était une priorité du Gouvernement. Nous voulons porter le pourcentage des émissions de France Télévisions sous-titrées de 15 % à 50 % en 2005 et 60 % en 2006, avec un effort particulier sur les émissions d'information. Il est injuste que 10 % de la population françaises soient privés de l'accès à l'information et au débat démocratique.

La question des secteurs interdits de publicité à la télévision a suscité des plaintes auprès de la Commission de Bruxelles et des courriers de celle-ci depuis 1997 ! Mais pendant cinq ans on a fait l'autruche et repassé le mistigri à ce Gouvernement : en mai 2002, nous avons reçu une mise en demeure de modifier notre réglementation.

De fait, l'interdiction de publicité de quatre secteurs n'est pas conforme à la réglementation européenne. J'ai moi-même rencontré le commissaire Bolkestein et il est très déterminé : il n'hésiterait pas à saisir la Cour de justice et nous serions condamnés. J'ai préféré une solution d'ouverture progressive et encadrée des secteurs jusque-là interdits de publicité télévisuelle. Les grands distributeurs pourront faire de la publicité pour leur enseigne, mais non pour leurs produits ou leurs promotions - pas pour la dinde de Noël à 9,95 €, par exemple ! Le calendrier de l'ouverture sera le suivant : 1er janvier 2004 pour certains secteurs sur le câble et le satellite ; 1er janvier 2005 pour la TNT ; 1er janvier 2007 pour l'ensemble de la diffusion hertzienne.

A ce jour, je n'ai pas encore la certitude que la Commission acceptera cette proposition, mais elle me paraît responsable. Dans cette négociation, j'ai eu le souci de prendre en compte la situation particulière de la presse, en particulier de la presse régionale.

Monsieur Françaix, vous avez dit que j'étais embarrassé, mais c'est vous qui devriez l'être ! Dans la nuit de lundi à mardi, vos amis ont proposé un amendement supprimant la redevance : or, la budgétisation de la ressource de l'audiovisuel public ébranlerait sa situation ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Vos amis ont également refusé de soutenir une proposition renforçant la lutte contre la fraude...

M. Patrick Bloche - Ne dites pas que nous sommes les amis des fraudeurs !

M. le Ministre - Je n'ai pas dit cela ! Nous sommes tous attachés à l'indépendance de la télévision, évitons les faux procès.

Quant aux recettes publicitaires, elles n'augmentent pas de 7 % mais de 5,6 %, et nullement par une augmentation du volume de publicité, mais pour moitié par l'ajustement des estimations trop prudentes de 2003 et pour le reste grâce à l'augmentation des tarifs et à la reprise du marché publicitaire.

Effectivement, Monsieur Herbillon, définir une ressource stable pour financer l'audiovisuel public ainsi que ses modalités de recouvrement sera un de nos grands chantiers. En tout état de cause, on ne saurait s'accommoder de la fraude sous prétexte d'un respect, en l'occurrence envahissant, de la liberté individuelle. J'y suis évidemment attaché. Mais le vendeur, qui déclare aux services fiscaux l'achat d'un récepteur, ne commet-il pas déjà une intrusion dans la vie privée ? Il faut respecter scrupuleusement la liberté et la confidentialité, mais il est aussi légitime de définir un mode de perception de la redevance qui soit satisfaisant. Nous y travaillerons et je vous remercie à l'avance de l'intérêt que vous porterez à ce travail.

Monsieur Bloche, les hypothèses ont par nature leur part d'incertitude. Nous avons choisi d'augmenter de 3 % la ressource publique de l'audiovisuel. Nous avons également choisi de ne pas augmenter la redevance ; dès lors il fallait en améliorer le rendement. La lutte contre la fraude était l'un des moyens de le faire, vous avez borné cette perspective. Nous travaillons avec le ministère des finances pour être en mesure de vous rassurer, avant la fin de la discussion budgétaire, sur le caractère sincère de ce budget et l'équilibre des recettes et des dépenses, sachant toutefois que l'incertitude porte sur 0,7 % de la ressource publique et que le produit de la redevance est de plus de deux milliards.

Monsieur Victoria, je suis convaincu qu'adosser RFO à France Télévisions serait une bonne chose pour mieux assurer le principe de continuité territoriale des programmes de la télévision publique et pour tendre vers un volume de production locale plus satisfaisant, de sorte que chaque antenne de RFO soit mieux ancrée localement. Au comité central d'entreprise de RFO, le personnel, qui connaît les limites de l'isolement, a marqué son intérêt pour cet adossement. Il doit permettre de mieux percevoir la France outre-mer, mais également conforter l'image de chaque collectivité ultramarine en métropole. Lors d'une réunion hier, un élu d'outre-mer évoquait l'effacement progressif de la France d'outre-mer dans notre imaginaire géographique. Par commodité, sûrement, les cartes suspendues dans les salles de classe n'en portent plus trace. Il y a là un renoncement. A la télévision, il faut veiller à ce que la réalité d'outre-mer soit plus affirmée en métropole. C'est le sens du projet sur lequel nous travaillons avec Mme Girardin et avec les élus, en souhaitant qu'il aboutisse dans les prochaines semaines (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Didier Migaud - Rappel au Règlement ! Le ministre a dit que les socialistes avaient proposé un amendement de suppression de la redevance. C'est un mensonge. Nous l'avons proposé dans le passé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)...

M. le Rapporteur spécial - Le passé vous poursuit !

M. Didier Migaud - ...Et nous l'assumons. C'était dans le cadre d'un plan de réduction d'impôt.

M. Michel Herbillon - Impôt que vous voulez réhabiliter désormais !

M. Didier Migaud - Un autre choix a alors été fait. Mais nous pensons toujours, et nous ne sommes pas les seuls, que la redevance est un impôt injuste, archaïque et coûteux à recouvrer.

Comme nous sommes aussi des défenseurs du service public de l'audiovisuel, en proposant la suppression de la redevance, nous avions bien entendu proposé une autre recette affectée pour ce service public.

Le ministre fait d'ailleurs preuve d'une certaine duplicité (Murmures sur les bancs du groupe UMP). En effet, le Gouvernement a demandé une deuxième délibération pour revenir sur certains amendements adoptés par l'Assemblée en première partie de la loi de finances. Que je sache, il n'a pas proposé de revenir sur les 22 millions qui manquent à l'audiovisuel public. Vous dites le défendre, Monsieur le ministre, mais vous ne le prouvez pas souvent. Ainsi nous souhaitions votre présence lors des débats sur la redevance et sur l'amendement présenté par Michel Bouvard, en éclaireur de l'UMP, pour privatiser France 2. Cette nuit-là vous étiez ailleurs - dans votre lit je suppose (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Je voudrais donc que le ministre reconnaisse qu'il s'est trompé : nous n'avons pas présenté d'amendement de suppression de la redevance dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. Déjà l'année dernière, le ministre avait menti, par naïveté sans doute, en disant qu'il pouvait accepter une diminution de crédits pour 2003 étant donné qu'il y avait des reports à consommer. Avec les gels et annulations de crédit, les engagements n'ont pas été tenus.

Pourquoi, Monsieur le ministre, ne faites-vous pas de propositions ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Si je fais ce rappel au Règlement, c'est que le ministre m'y a contraint.

M. Michel Herbillon - Ce n'est plus un rappel au Règlement !

M. Didier Migaud - Si, parce que le ministre a dit que nous avions déposé un amendement de suppression, ce qui n'est pas vrai...

M. Michel Françaix - Il s'est trompé.

M. Didier Migaud - Il s'est donc trompé à défaut d'avoir menti, et sur les 22 millions qui manquent, il n'a pas proposé de solution en réponse aux questions du groupe socialiste.

M. Patrick Bloche - Très bien !

M. le Ministre - D'abord je vous rassure, dans la nuit du 20 au 21 octobre, n'étant pas ici, j'étais forcément quelque part, mais je connais votre souci du respect de la vie privée (Sourires). J'avais fait le choix de ne pas venir, en accord avec M. Lambert, qui s'exprimait au nom de l'ensemble du Gouvernement dans un domaine qui relevait de sa compétence propre.

Je vérifierai dans le compte rendu des débats ce qu'il en est de l'amendement de suppression. Si j'ai été trop rapide, je vous prie de m'en excuser. Mais il y a bien eu un amendement de suppression proposé par un député de la majorité, et M. Migaud est intervenu pour le défendre. Votre position était donc bien embarrassée sur cette question (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - Pas du tout !

Mme la Présidente - Monsieur Migaud, si vous intervenez c'est à titre exceptionnel, et très rapidement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Nous sommes mis en cause, permettez que je réponde. Je donne acte au ministre de ses excuses conditionnelles.

Nous avons dit qu'en l'état actuel, nous n'étions pas pour une suppression de la redevance. La raison est simple : nous ne vous faisons pas confiance pour assurer sur le budget de l'Etat le financement du secteur public audiovisuel. Mais nous souhaitons que celui-ci fonctionne correctement ; or nous nous apercevons que par rapport à vos propositions, il manque 22 millions et qu'en deuxième délibération, vous n'avez pas proposé de les rétablir.

M. le Ministre - Nous n'allons pas épiloguer. Chacun pourra se reporter au compte rendu du débat de lundi. M. Migaud y a défendu l'idée d'une suppression de la redevance ; pour ma part, je considère que ce serait une mauvaise chose pour l'audiovisuel public.

Enfin, Monsieur Migaud, votre allusion au fait que j'aurais été dans mon lit était particulièrement déplacée. Je ne vous ai pas demandé où vous étiez ce matin à 9 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Didier Migaud - Je ne suis pas ministre !

QUESTIONS

M. Frédéric Dutoit - Avant de poser ma question, je veux m'associer à l'émotion de la représentation nationale devant l'assassinat de Jean Hélène. Il montre non seulement combien le métier de journaliste est dangereux, mais aussi combien la presse est nécessaire à la démocratie. Quand on tue un journaliste, c'est celle-ci qu'on veut abattre. J'adresse les condoléances de mon groupe à la famille et aux collègues de Jean Hélène.

Ma question concerne la future chaîne internationale. L'union entre TF1 et France Télévisions semble déjà scellée, alors que le groupe dirigé par M. Teissier avait initialement proposé un projet exclusivement public. Nous saluons l'ambition du Président de la République de créer une grande chaîne francophone capable de rivaliser avec la BCC ou CNN, et nous reconnaissons avec M. de Villepin que les grandes batailles se gagnent d'abord dans les opinions. Mais je m'élève contre une alliance public-privé arbitraire, imposée par le Gouvernement sans concertation, au mépris des observations de la mission parlementaire. Comment construire un outil crédible et indépendant avec TF1 qui appartient au groupe Bouygues, lequel a beaucoup d'intérêts économiques dans les pays où la chaîne sera diffusée ? J'ajoute que, le budget de la chaîne étant financé à 95 % sur fonds publics, l'affaire sera bonne pour l'entreprise privée...

M. le Ministre - La création par la France d'une chaîne d'information internationale fait l'objet d'un consensus, chacun étant bien conscient que la présentation d'une vision unique aux opinions publiques du monde est dangereux.

Cette chaîne doit-elle pour autant être la voix de la France ? A l'évidence non : son rôle ne saurait être de diffuser la parole gouvernementale.

Le sujet a suscité d'abondantes réflexions. L'Assemblée nationale y a pris toute sa part à travers la mission d'information ; la direction du développement des médias a lancé un appel à projets ; le ministre des affaires étrangères a confié une mission de réflexion à une personnalité indépendante. Nous disposons donc de toutes les analyses nécessaires.

L'idée d'associer deux grands opérateurs, l'un public, l'autre privé, n'a en soi rien de choquant, si elle peut aboutir à la mise en réseau de compétences et de moyens rédactionnels. Ce qui me tenait à c_ur était que la télévision publique ne soit pas exclue du dispositif. L'essentiel est de produire une information intelligente et indépendante.

M. Patrick Bloche - Qu'on ne puisse pas voir la chaîne en France pose quand même un problème...

M. le Ministre - BBC World n'est pas vue en Grande-Bretagne ! Mais nous en reparlerons peut-être.

M. Michel Français - On veut surtout protéger LCI !

M. Victorin Lurel - Je m'associe en mon nom personnel et au nom du groupe socialiste à l'hommage rendu à Jean Hélène.

Permettez-moi également de m'associer aux propos tenus par René-Paul Victoria car la problématique est la même dans les départements français d'Amérique.

L'an dernier, Monsieur le ministre, je vous avais alerté sur la nécessité d'allouer des moyens suffisants à RFO. Il peut paraître légitime de réaffirmer le rôle de celle-ci par son adossement au groupe France Télévisions, c'est-à-dire au service public de l'audiovisuel ; je ne vous fais sur ce point aucun procès d'intention, d'autant que les personnels sont assez partagés. Mais je ferai d'abord des observations sur la méthode.

Cette intégration a été annoncée brusquement, sans concertation préalable avec le personnel, qui comme moi-même a quasiment appris la décision par la presse... Cette façon de procéder a tendance à devenir récurrente pour tout ce qui touche à l'outre-mer.

Par ailleurs, n'est-il pas contradictoire de « recentraliser » RFO, de créer une sorte de nouvel ORTF alors que, ai-je cru comprendre, l'heure est à la décentralisation ?

En second lieu, je souhaiterais que vous nous apportiez des garanties. D'abord sur le maintien des effectifs et des locaux de RFO ; ensuite sur les moyens de production et de programmation qui lui seront attribués et sur son impartialité - qui pourrait passer par la création de conseils d'administration locaux.

M. Patrick Bloche - Quant à moi, je voudrais vous interroger sur le décret du 7 octobre dernier, modifiant la réglementation de 1992 sur les secteurs interdits de publicité, à la suite d'une demande de la Commission européenne.

Pour ce qui est de l'édition, tout un travail de négociation reste à faire, où le Gouvernement pourrait jouer les médiateurs, notamment pour adapter les tarifs à la diversité de ce secteur.

Concernant la presse, vous vous êtes inquiété du recul de la presse d'information, mais l'ouverture à la publicité audiovisuelle ne favorisera-t-elle pas davantage les journaux et magazines de divertissement ? Cinq grand groupes de presse vous ont, du reste, fait part de leur émotion à ce sujet.

S'agissant de la grande distribution, vous avez réaffirmé qu'il ne s'agissait pas d'autoriser les opérations commerciales, mais uniquement la publicité sur les marques. Mais qu'adviendra-t-il de la radio dont le quart des recettes publicitaires provient de la distribution ? Quant à la petite distribution, elle n'aura pas accès à la publicité audiovisuelle.

M. le Ministre - Monsieur Lurel, le Gouvernement n'avance pas masqué. Un document stratégique a été réalisé, rendu public, et il a donné lieu à une large concertation. La représentation nationale sera du reste appelée à se prononcer.

RFO et France Télévisions ont d'ores et déjà constitué un groupe de travail sur la mise en place de la filialisation et les économies dégagées permettront de renforcer les moyens des programmes locaux.

Rassurez-vous, il n'y aura pas de plan social, et nous nous engageons à ce que la spécificité du personnel soit prise en compte. Et je le répète, il ne s'agit pas d'un plan de recentralisation, mais de mettre en place des synergies.

En ce qui concerne les secteurs interdits, Monsieur Bloche, il était nécessaire de se conformer au droit européen. Plutôt que d'édicter autoritairement un texte, j'ai recherché un consensus et je salue la responsabilité de la presse régionale qui a mûri sa position.

La décision d'ouvrir la publicité à la presse, la distribution et l'édition a été prise après concertation pour aboutir à un équilibre. La grande distribution a ainsi été amenée à modérer ses ambitions.

Si le syndicat professionnel de la presse magazine et d'opinion a manifesté son désaccord, tandis qu'au contraire le syndicat de la presse magazine et d'information portait plainte à Bruxelles, tous les autres se sont montrés neutres ou favorables.

J'espère que la Commission approuvera ce dispositif équilibré et respectueux de la diversité, mais je ne peux vous le garantir.

Pour la suite, je suis disposé à aménager les tarifs de certains secteurs, notamment pour l'édition, et je continuerai à privilégier le dialogue.

Mme la Présidente - Nous en avons terminé avec les questions. Les crédits de la communication seront votés ce soir à la suite de l'examen des crédits des services généraux du Premier ministre.

En accord avec la commission des finances, j'appelle un amendement portant article additionnel après l'article 59 et deux amendements portant articles additionnels après l'article 74.

APRÈS L'ART. 59

M. le Rapporteur spécial - L'amendement 63 rectifié tend à réintégrer dans le projet de loi de finances la répartition du produit de la redevance audiovisuelle entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle.

L'article de répartition traditionnelle depuis la loi du 30 septembre 1986, a été supprimé par le Gouvernement pour des raisons de forme, et c'est regrettable car les parlementaires ne peuvent plus amender la répartition entre les bénéficiaires de la redevance. De surcroît, ce dispositif compliqué ne répond pas aux besoins de transparence. La répartition des crédits par articles n'engage pas le Gouvernement, seuls les chapitres sont contraignants.

Cet article de répartition est d'autant plus nécessaire que le rapporteur spécial doit tirer les conséquences de la décision de l'Assemblée nationale sur l'article 20 de la première partie. La répartition que nous proposons reporte la diminution du produit de la redevance de manière strictement proportionnelle aux montants initialement prévus, afin de respecter l'ordre des priorités du Gouvernement.

Le montant des dépenses sera également modifié par l'amendement de conséquence 113 du Gouvernement.

Cette répartition n'est cependant que provisoire, et je souhaite qu'elle puisse être revue dans la suite de la discussion budgétaire, de façon à revenir aux montants initialement prévus et aux 3 % de hausse.

Nous attendons bien sûr que le Gouvernement trouve une solution, mais dans cette attente, nous vous invitons à voter notre amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis - Vous avez parlé, Monsieur le ministre, d'un travail de pédagogie à entreprendre auprès de nos concitoyens sur la redevance. Reconnaissez-moi le mérite de la constance à ce sujet. J'ai alerté votre collègue Alain Lambert sur le fait qu'un envoi brutal d'avis de payer inciterait plus à la fuite qu'à un paiement spontané. C'est pourquoi je vous propose de cosigner tous deux une lettre explicative qui serait jointe à l'envoi.

J'en viens à l'amendement de la commission des finances. Je me félicite que le Parlement recouvre ainsi son pouvoir légitime d'affectation de l'argent du contribuable. Il était choquant qu'il en soit dessaisi.

La répartition qui nous est proposée s'opère évidemment sur des bases incertaines, mais selon le strict principe proportionnel.

C'est donc la moins mauvaise des solutions d'attente. La commission des affaires culturelles ne peut cependant qu'inviter le Gouvernement à honorer l'engagement pris envers le service public de l'audiovisuel. Avis favorable à l'amendement.

M. le Ministre - La commission des finances a adopté une répartition proportionnelle de la perte de moyens résultant du refus du croisement des fichiers. J'en prends acte. J'espère que nous trouverons une issue à la situation d'ici la fin du débat budgétaire, mais dans cette attente l'amendement se justifie.

Sagesse. Quant à la répartition par chapitres, et par article, je suis d'accord avec le rapporteur spécial.

M. Michel Françaix - Pour ce qui est des calculs et de la capacité à gérer la pénurie, nous faisons confiance à la commission. Mais ce sont les mécomptes qui nous intéressent, et ils sont hélas très nombreux. Nous n'avons aucune assurance que la publicité et la redevance permettront d'atteindre l'objectif prévu et pas davantage que la traque des contribuables récalcitrants produira des résultats.

La dernière fois que le ministre nous avait rassurés de la sorte, c'était à propos du report des crédits 2003. Au final, plus de la moitié ont été gelés ! N'étant d'accord ni sur le budget, ni sur les choix stratégiques qui ont été faits, le groupe socialiste votera logiquement contre cet amendement.

M. Patrick Bloche - Nous avons bien entendu la réponse du ministre. Nos craintes se confirment. Je comprends l'initiative du rapporteur spécial, mais le provisoire n'a en général que trop tendance à durer. J'ai bien peur qu'on ne veuille préparer les esprits à une répartition de la pénurie, même si sur le plan technique l'amendement est inattaquable.

Nous avons redit notre attachement à une ressource affectée au financement de l'audiovisuel public. Et puisqu'on a accusé lundi soir les socialistes de vouloir supprimer la redevance, je me permets de rappeler que c'est grâce à eux que l'amendement de M. Bouvard visant à privatiser France 2 a pu être rejeté en commission.

Enfin, si la répartition proportionnelle est certes logique, compte tenu des masses je crains qu'elle ne porte surtout préjudice aux budgets les plus modestes, ceux de RFI, de RFO, d'Arte, voire de Radio France.

Persuadés que le Gouvernement saura faire preuve d'imagination pour trouver les 17 millions d'euros qui lui manquent, nous voterons contre cet amendement.

L'amendement 63, rectifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 74

M. le Rapporteur spécial - Les amendements 64 rectifié de la commission et 39 de M. Baguet ont le même objet : appeler l'attention sur l'opportunité de faire bénéficier la presse quotidienne régionale des ressources inutilisées du fonds de modernisation de la presse pour financer des actions collectives de distribution et de portage.

Les ressources inutilisées du fonds s'élevaient en effet fin 2002 à 81 millions d'euros, soit trois ans de recettes. Les fonds n'ayant fait l'objet d'aucune décision du ministre représentent près d'un an de recettes.

Le fonds de modernisation de la presse est dû à une initiative parlementaire. Il faut plus
- plus que jamais aujourd'hui - optimiser son utilisation : les entreprises doivent s'engager plus précisément sur un calendrier de réalisation de leurs projets. En contrepartie, les plafonds et le taux de participation pourraient être revus. De même, la commission de
contrôle devrait intensifier son travail d'évaluation de l'efficacité des aides.

L'amendement 64 rectifié propose donc que le rapport annuel du comité d'orientation du fonds soit transmis au Parlement avant la fin du mois de juin. Actuellement, il n'est pas adressé au Parlement, et ses délais de publication ne tiennent pas compte du calendrier budgétaire : le rapport pour 2002 ne sera disponible que dans quelques semaines. Je souhaite inscrire cette mesure à l'article 62 de la loi de finances pour 1998, qui a créé le fonds.

Le II de l'amendement prévoit que la première édition de ce rapport étudie les modalités d'un accès de la presse quotidienne régionale au fonds pour contribuer à ses actions de distribution, en soutien à la vente au numéro et en portage.

La presse quotidienne nationale reçoit pour sa part, je le rappelle, une aide de 12 millions d'euros par an pour soutenir sa diffusion via les NMPP.

L'amendement de M. Baguet me semble moins large que celui de la commission.

M. le Rapporteur pour avis - Mon amendement 39 a le même objet. L'ouverture prochaine de la publicité à la télévision à des secteurs interdits va ébranler une presse déjà fragilisée.

Les grands groupes de la distribution entraîneront en effet les plus modestes à s'engager au-delà de leurs possibilités et la publicité de proximité en sera affaiblie. L'argent de la grande distribution n'ira pas équitablement aux différents médias et à l'ensemble du territoire.

Enfin, la promotion pour relancer les titres de presse se fera au détriment de la création et des plus petits titres. A cela s'ajoute le problème des relations de la presse avec La Poste, qui ne semble pas devoir trouver de solution rapide malgré l'excellent travail de M. Henri Paul. Enfin, la télévision numérique terrestre et les nouvelles technologies représentent une chance pour la presse, mais aussi un risque.

M. le Rapporteur spécial - Un défi !

M. le Rapporteur pour avis - La crise va particulièrement frapper la presse régionale. L'amendement 39 a le mérite de rappeler le soutien de l'Assemblée nationale à la presse. Il permettrait également d'améliorer la transparence du fonds d'aide à la distribution de la presse, d'estimer les besoins concrets et urgents, d'étudier l'ouverture à de nouveaux bénéficiaires - les entreprises de portage ou les kiosquiers par exemple - et de soutenir la presse quotidienne régionale lors du choc de l'ouverture des secteurs interdits à la publicité. Cet amendement se situe dans le même esprit que celui de la commission des finances et j'espère qu'il recueillera votre approbation.

M. le Ministre - Je partage la volonté des deux rapporteurs concernant le rapport d'activité annuel du comité d'orientation, qui traiterait notamment du recouvrement de la taxe qui alimente le fonds de modernisation et des possibilités d'utilisation du fonds pour les différentes familles de presse, y compris bien sûr la presse régionale. En revanche, il n'y a pas lieu de spécialiser le rapport. Je vous propose donc un sous-amendement qui supprime le paragraphe II de l'amendement 64 rectifié.

M. le Rapporteur spécial - La commission des finances souhaitait, par son amendement, donner satisfaction au rapporteur pour avis et l'inviter à retirer le sien. Elle n'a pas examiné le sous-amendement du Gouvernement. A titre personnel, je prends acte de l'engagement du Gouvernement de traiter du problème de la presse quotidienne régionale le plus rapidement possible et je constate que l'objectif de nos amendements sera ainsi atteint. Je vous propose donc d'adopter le sous-amendement du Gouvernement.

M. le Rapporteur pour avis - Ce sous-amendement élargit le domaine d'action que j'avais proposé. Je suis donc prêt à retirer mon amendement, sous réserve que la situation de la presse quotidienne régionale fasse véritablement l'objet d'une attention particulière. La presse nationale a déjà bénéficié d'une part des fonds disponibles, il serait légitime de prélever une aide spécifique pour la presse régionale.

L'amendement 39 est retiré.

M. Michel Françaix - Je me félicite de ce plaidoyer commun pour l'écrit et de ce soutien au fonds de modernisation de la presse. Je regrette seulement que lorsque Jean-Marie Le Guen avait essayé de mettre ce dernier en place, vous ayez manifesté plus de réticence.

M. le Rapporteur spécial - Pas moi !

M. Michel Françaix - C'est vrai. Des deux amendements, le vôtre me paraissait plus directif que celui de M. Baguet et j'avais une préférence pour ce dernier. Quant au sous-amendement du Gouvernement, du moment que nous sommes assurés que cet argent ne va pas rester au fond d'un tiroir ni être remis à d'autres bénéficiaires, nous n'allons pas être plus royalistes que le roi ! Ce sous-amendement m'inquiète un tout petit peu, mais, pour une fois, nous allons faire confiance au Gouvernement et le voter.

M. le Ministre - Je voudrais vous rassurer sur l'usage de ce sous-amendement : bien qu'il élargisse le champ de votre proposition, la presse régionale fera l'objet d'une attention toute particulière.

Le sous-amendement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 64 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits du budget de la culture et de la communication concernant la communication.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


© Assemblée nationale