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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 15ème jour de séance, 38ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 28 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

EXPULSIONS 2

INTÉGRATION 2

POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES ÂGÉES 3

POLITIQUE FAMILIALE 4

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION 4

CONTRATS D'INSERTION DANS LA VIE SOCIALE 5

DOCTRINE NUCLÉAIRE 5

LUTTE CONTRE LE DOPAGE 6

HÔPITAUX DU SUD-AVEYRON 6

AIDE MÉDICALE D'ÉTAT 7

POLITIQUE EN FAVEUR DU TOURISME 8

SITUATION DE L'EMPLOI EN NORD-FRANCHE COMTÉ 8

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE
LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2004 (suite) 9

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 18

QUESTION PRÉALABLE 23

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

EXPULSIONS

M. Gilbert Biessy - Monsieur le ministre du logement, votre gouvernement précipite des dizaines de milliers de nos concitoyens dans la précarité et l'exclusion. Plus de 130 000 chômeurs perdront bientôt leurs droits à l'ASS, plus de 800 000 ont déjà été précarisés par l'avenant à la convention UNEDIC.

On ne peut plus vivre dignement avec les seuls minima sociaux. Alors même que les entreprises licencient massivement, vous menez une politique de régression sociale. Tous les élus s'alarment de l'accélération des expulsions ordonnées par les préfets, qui ont lieu dans des conditions catastrophiques alors même que la loi prétendait les prévenir : vous vous défaussez de votre responsabilité de relogement ; vous ne faites rien pour remédier à la saturation des lieux d'hébergement d'urgence.

Le droit au logement est un droit fondamental. Il est de votre responsabilité de prévenir le désastre humain que représente une expulsion. Cessez de tenir un double discours : il y a urgence à traiter le problème de l'accès au logement pour tous. Ne provoquez pas une nouvelle catastrophe sanitaire cet hiver en jetant à la rue des milliers de familles en situation de détresse. Allez-vous entendre les associations et les élus qui réclament l'arrêt immédiat des expulsions et le relogement des familles, et mandater les préfets pour mettre en _uvre des mesures de justice sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Notre politique d'expulsions est régie par une circulaire de mes prédécesseurs : je n'y a rien changé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Je me refuse à croire que le groupe communiste puisse la trouver inhumaine par le seul fait que je suis devenu ministre de l'intérieur ! S'il est si sourcilleux en la matière, il avait cinq ans pour faire modifier cette circulaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Il y a mieux : en mai 2003, j'ai adressé une autre circulaire aux préfets pour prévenir les expulsions qui restent des drames. Dans 68 départements, une charte a été signée à cet effet avec l'ensemble des partenaires.

Cela posé, une expulsion ne peut survenir qu'après une décision de justice. Le groupe communiste demande-t-il donc que les décisions de justice ne soient plus appliquées ? (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Et puis, il existe aussi des propriétaires modestes qui ont travaillé dur toute leur vie pour s'assurer un complément à leur retraite en louant un petit appartement. Le Gouvernement n'a pas l'intention de les pénaliser. Au demeurant, quand une expulsion ordonnée par la justice n'a pas lieu, c'est le contribuable qui paye la défaillance de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

INTÉGRATION

M. Jean Leonetti - Monsieur le ministre des affaires sociales, la France est une terre d'accueil et la République a un idéal d'intégration. Les débats récents sur l'immigration et la laïcité posent cependant un double problème : notre capacité à intégrer, et l'adhésion des étrangers à nos valeurs. Si le Gouvernement entend lutter sans relâche contre l'immigration clandestine, il entend aussi accueillir l'immigration légale d'étrangers qui désirent s'installer durablement sur notre sol en respectant nos lois.

Le comité interministériel de l'intégration a mis en place le contrat d'accueil et d'intégration, qui finalisera les engagements respectifs des pouvoirs publics et des nouveaux arrivants, en leur rappelant leurs droits, mais aussi leurs devoirs envers la République française.

Ce dispositif fonctionne à titre expérimental depuis le mois de juillet. Quel en est le bilan ? Entendez-vous le généraliser ?

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Notre politique d'immigration s'appuie sur deux piliers : une lutte ferme contre l'immigration clandestine et une vraie politique d'intégration, dont le contrat d'accueil et d'intégration est l'un des principaux outils. Il s'agit de juguler les tentations communautaristes, de rappeler les règles communes de la République et de favoriser une meilleure intégration culturelle, professionnelle et citoyenne. Ce dispositif est aujourd'hui expérimenté dans dix départements. Depuis le 1er juillet, 3 248 étrangers - dont 90 % de ceux qui pouvaient y prétendre - ont signé un contrat. En 2004, nous prévoyons d'étendre le dispositif à 26 départements pour toucher 45 000 personnes, avant de le généraliser en 2005. Il concernerait alors 100 000 personnes et serait obligatoire pour obtenir un titre de séjour de moyenne ou de longue durée. Pour mettre en _uvre cette politique, le Gouvernement créera en 2004 une agence fusionnant l'Office des migrations internationales et le service social d'aide aux immigrants.

Face aux flux migratoires, nous entendons mettre un terme à l'irrésolution et au flou des dernières années. Nous mettons en place une politique structurée, individualisée, et une politique aux couleurs de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES ÂGÉES

M. Serge Blisko - Monsieur le ministre des affaires sociales, la France a connu cet été la plus grave crise sanitaire de son histoire.

Et pourtant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale dont nous engageons aujourd'hui l'examen ne tient aucun compte de ce drame : aucun financement pour le plan urgences dans les hôpitaux, aucune réflexion sur l'aval des urgences et l'organisation de l'offre de soins. Le Gouvernement a bloqué les crédits et la réforme des établissements hébergeant des personnes âgées depuis plus d'un an. Les mesures annoncées pour le 1er octobre se font toujours attendre.

La montée en charge très rapide des demandes d'allocation personnalisée d'autonomie montre pourtant que des milliers de personnes attendent une réponse en termes de soins et d'aide à la vie quotidienne. Après avoir essayé de se défausser sur les familles - qui ne remplaceront jamais une vraie politique d'accueil et d'accompagnement des personnes âgées -, le Gouvernement tente de culpabiliser les salariés en projetant de supprimer un jour férié. Ce gadget, même habillé d'un discours faussement généreux, est-il à la hauteur de l'enjeu ? Peut-il remplacer une véritable politique de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Nous élaborons actuellement avec les organisations professionnelles et associatives un plan pluriannuel « vieillissement et solidarité ». Il s'agit de répondre par des mesures fortes au phénomène de la longévité et de la dépendance.

Nous entendons améliorer la prise en charge et l'accompagnement des personnes âgées et handicapées, tant à domicile qu'en établissement. Notre pays a pris quinze années de retard qu'il nous appartient désormais de rattraper (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le PLFSS augmente ainsi de 10 % les crédits pour les personnes âgées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le plan « vieillissement et solidarité » comportera d'autres mesures, et nous aurons les financements pour les pérenniser. Ces financements seront à la hauteur des enjeux, loin des mesurettes et des effets d'annonce auxquels vous nous avez habitués ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Président - Monsieur Falco...

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Nous prévoyons notamment la mise en place d'une contribution nationale de solidarité financée par la suppression d'un jour férié, mais ce n'est qu'une hypothèse. Les dispositions finales seront arrêtées prochainement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Je suis surpris par vos réactions (Mêmes mouvements). Vous avez signé le 26 juin dans le journal La Vie un appel à la suppression d'un jour férié ! (Mêmes mouvements) Parmi les signataires, Mme Lebranchu, M. Terrasse, M. Bianco, M. Migaud (Mêmes mouvements).

M. le Président - Monsieur le ministre, je suis obligé de vous interrompre. Chacun a droit au même temps de parole (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE FAMILIALE

M. Pierre-Christophe Baguet - Monsieur le ministre de la famille, l'UDF s'inquiète (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) des nouvelles mesures qui risquent de frapper les familles nombreuses. Le PLFSS les exclut en effet du congé parental d'éducation devenu complément de libre choix d'activité. Pourquoi pénaliser les familles qui choisissent d'avoir des enfants rapprochés et qui sont souvent les plus modestes ? Pourquoi priver de toute aide financière ces familles dont le père ou la mère choisit de guider les premiers pas de ses enfants ? L'UDF n'accepte pas cette injustice.

Après vous avoir écrit, en vain, le 3 octobre, le groupe UDF a déposé un amendement à ce sujet, et nous serons très attentifs au sort que vous réserverez aux familles nombreuses. Pouvez-vous nous dire si le Gouvernement a l'intention de corriger une disposition que le groupe UDF, comme les familles concernées, tient pour inacceptable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - Comme vous, nous sommes tous sensibles au sort des familles, et c'est pourquoi nous avons défini une vraie politique familiale. Je déplore d'ailleurs que votre emploi du temps vous ait empêché de participer aux travaux du groupe de travail sur la famille installé par le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et dont les conclusions se traduisent déjà par plusieurs mesures qui figurent dans le PLFSS. Les familles continueront bien sûr de bénéficier du congé parental rémunéré, mais ce dispositif devait être aménagé. En effet, 25 % des femmes qui décident de le prendre sont au chômage et l'on se rend compte que, quelques années plus tard, la moitié d'entre elles sont sans emploi. Il faut donc éviter que ce congé se transforme en « trappe à chômage », en conservant un lien avec une activité professionnelle. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'augmenter de 55 % la rémunération de la cessation d'activité à temps partiel. D'autre part, le congé parental est désormais rémunéré dès le premier enfant, car il ne vous aura pas échappé, Monsieur le député, que toute famille nombreuse a commencé par un premier enfant (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs).

Plus généralement, l'objectif du Gouvernement est de favoriser le libre choix, pour les familles, du mode de garde des enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

M. Thierry Mariani - Ce matin, notre assemblée a adopté le texte définitif de votre projet relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France, Monsieur le ministre de l'intérieur (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Cette réforme, particulièrement attendue, se caractérise par son pragmatisme, son équilibre et son efficacité. Munis de ce texte, les maires disposeront de réels pouvoirs de contrôle ; grâce à votre courage politique, appuyé par notre majorité, la réforme de la double peine a enfin eu lieu, après des années de colloques et de tergiversations de la part de vos prédécesseurs ; grâce à la nouvelle loi, enrichie par de nombreux amendements, la lutte contre les détournements de procédure sera renforcée, comme seront renforcés les droits des étrangers régulièrement installés en France.

Cette loi doit maintenant être appliquée ; quelles seront les premières mesures prises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Les chiffres sont accablants : entre 1998 et le moment où, en 2002, nous sommes arrivés au pouvoir, le taux d'exécution des décisions d'expulsions d'étrangers en situation irrégulière s'est effondré de 35 % pour atteindre 16 %, plancher historique. Quand les Français ont-ils été informés que nos prédécesseurs avaient décidé de ne plus appliquer les décisions d'expulsion ? (« Jamais ! » sur les bancs du groupe UMP)

Or, les choses doivent changer, et elles ont déjà commencé de le faire, puisque le taux d'exécution de ces décisions est remonté à 25 %. L'objectif du Gouvernement est que cette proportion double, car il doit être compris et su qu'avoir des papiers en règle et ne pas en avoir, ce n'est pas la même chose, que ceux qui en ont sont les bienvenus et que ceux qui n'en ont pas ou qui en ont de faux seront renvoyés chez eux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CONTRATS D'INSERTION DANS LA VIE SOCIALE

M. Jean-Luc Warsmann - Vendredi dernier a eu lieu la signature du cent millième contrat « jeune en entreprise », ce qui montre l'efficacité de la loi du 1er août 2002. Le même jour a eu lieu, en Champagne-Ardenne, la signature des trois premiers contrats d'insertion dans la vie sociale. Qui peut en bénéficier ? Quels organismes pourront embaucher ceux qui les signeront ? Combien, Monsieur le ministre des affaires sociales, votre budget 2004 vous permettra-t-il d'en financer ?

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - C'est la fierté du Gouvernement d'avoir permis, grâce à la loi adoptée le 1er août 2002, que 100 000 jeunes sans qualification trouvent un emploi à durée indéterminée.

Quant aux contrats « civis », ils sont destinés à tous les jeunes âgés de 18 à 22 ans. Il sont conçus en trois volets, dont le premier est entré en vigueur le 15 juillet dernier. En vertu de ce nouveau dispositif, les jeunes porteurs d'un projet personnel peuvent être embauchés, avec l'aide financière de l'Etat, par des associations d'utilité sociale. Dans ce cas, le financement de l'Etat s'élève à 66 % du SMIC, à charge pour les collectivités territoriales d'apporter le financement complémentaire. S'il s'agit d'autres associations, le financement par l'Etat s'établit à 33 % du SMIC. Le projet de budget pour 2004 prévoit le financement de 25 000 « civis associatifs ». En effet, le dispositif comprendra deux autres volets : un accompagnement vers l'emploi, avec un objectif de 60 000 jeunes aidés en 2004, et l'incitation à la création d'entreprises par des jeunes, à raison de 2 500 pour 2004.

Ce dispositif, largement décentralisé, sera piloté par les collectivités territoriales, et les contrats seront fondés sur les projets des jeunes plutôt que sur ceux des institutions : nous y tenons beaucoup (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DOCTRINE NUCLÉAIRE

M. Paul Quilès - Devant l'IHEDN, le Premier ministre a affirmé que notre doctrine relative à l'armement nucléaire « évolue avec la menace ». Il n'y a certes rien de choquant à repenser la doctrine française de dissuasion nucléaire, mais encore le Parlement doit-il en débattre, car la nation ne peut continuer de dépenser des sommes considérables sans savoir avec quel objectif précis - cela ne facilite pas le consensus. Quand, donc, la représentation nationale débattra-t-elle de la stratégie nucléaire de la France ? Le plus tôt serait le mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains, ainsi que sur divers bancs).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Notre doctrine en matière nucléaire a été précisée par le Président de la République en juin 2001 et strictement traduite dans la loi de programmation militaire. Notre dissuasion est fondée sur le non-emploi, et sa crédibilité est assise sur l'existence de moyens diversifiés. Mais si ces derniers évoluent, la doctrine, elle, demeure inchangée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Arnaud Montebourg - Cette réponse est scandaleuse !

LUTTE CONTRE LE DOPAGE

M. Jean-Marie Geveaux - Après que les états généraux du sport ont été réunis il y a un peu plus d'un an, plusieurs mesures ont été appliquées en juillet dernier. Parallèlement, une étude sur la lutte contre le dopage a été confiée au professeur Gérard Saillant.

Il vient de vous remettre une proposition de réforme sur le suivi longitudinal des athlètes. En effet, ni la loi de mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, ni l'arrêté du 28 avril 2000 n'ont permis d'assurer la surveillance qui serait nécessaire sur le terrain.

Alors que l'on reparle aujourd'hui de dopage, avec notamment de nouveaux produits, de quels moyens disposerez-vous, Monsieur le ministre, pour mettre en _uvre les recommandations du professeur Saillant et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour, ministre des sports - Notre politique de lutte contre le dopage repose à la fois sur la répression et la prévention. Sur le premier point, je me félicite de l'excellente coopération entre le laboratoire de Châtenay-Malabry et celui de Los Angeles qui a permis la découverte d'une nouvelle molécule dopante, la THG. Dès que la fédération internationale d'athlétisme nous en aura donné l'autorisation, ce produit sera recherché dans les échantillons prélevés à l'occasion des derniers championnats du monde. Pour ce qui est de la prévention, laquelle consiste essentiellement en un suivi longitudinal des athlètes tout au long de leur carrière, l'arrêté d'avril 2000 a rencontré plusieurs difficultés d'application. D'une part, il ne concernait que l'élite sportive, c'est-à-dire les équipes de France ; d'autre part, les fédérations ont eu beaucoup de mal à définir le contenu du suivi.

Le professeur Saillant vient en effet de me remettre un rapport concluant à la nécessité d'un ensemble d'examens commun à tous les sports, auxquels seront soumis tous les athlètes intégrant un pôle Espoir ou un pôle France, soit environ 7 000 athlètes ; d'examens complémentaires, spécifiques à chaque sport ; d'autres examens enfin, que les fédérations pourront choisir dans le cadre de leurs conventions d'objectifs. L'autre proposition du rapport est que le suivi biologique des athlètes est insuffisant et doit être complété d'un suivi physiologique et psychologique.

Les décrets afférents seront rédigés dans les prochaines semaines puis présentés au Conseil d'Etat, au Conseil national des activités physiques et sportives et au Conseil national de lutte et de prévention contre le dopage, pour entrer en application début 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

HÔPITAUX DU SUD-AVEYRON

M. Jacques Godfrain - Les élus ruraux, comme tous les professionnels de santé exerçant en milieu rural, savent que la sécurité sanitaire y sera de plus en plus difficile à garantir, quels que soient les gouvernements en place.

C'est dans ce contexte, certes angoissant, que certains responsables médicaux et non-médicaux mènent actuellement des actions violentes à Saint-Affrique dans le Sud-Aveyron. Il en est qui préfèrent la gesticulation médiatique, tout en multipliant les obstacles pour qu'un accord se dessine. D`autres, dont je suis, avec le président du conseil d'administration de l'hôpital et le président du syndicat de pays de Saint-Affrique, sont venus vous dire, Monsieur le ministre de la santé, quels étaient les besoins sanitaires dans ce secteur, et ce en toute bonne foi, sans esbroufe ni préoccupation politicienne, à l'instar de beaucoup de ceux qui manifestent sur le terrain.

Monsieur le ministre, je vous demande de donner des instructions au directeur de l'ARH de Midi-Pyrénées pour qu'il se rende, enfin, sur le site et informe le conseil d'administration, réuni en séance extraordinaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Je connais, Monsieur le député, votre attachement profond pour les terres du Sud-Aveyron (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), terres rurales qui, comme d'autres, souffrent d'un déclin de la démographie médicale et de la diminution de l'activité hospitalière. La fusion des trois sites de Millau et Saint-Affrique, dont le financement est prévu dans le plan Hôpital 2007, est une chance à saisir. En attendant que la nouvelle structure soit opérationnelle, il faut trouver une organisation transitoire. Je vous confirme que la maternité de l'hôpital de Saint-Affrique sera maintenue. Ceux qui aujourd'hui alarment sans fondement la population sont responsables de son désarroi. Cette maternité ne réalise pas le nombre d'accouchements minimal requis ni ne dispose de l'équipe minimale normalement exigée, mais des dérogations sont prévues en cas de réel isolement géographique. De même, seront maintenus un service d'urgences et un SMUR. Le directeur de l'ARH, à ma demande, se rendra sur place et expliquera que le protocole d'organisation est suspendu en attendant les conclusions du rapport que j'ai commandé à l'IGAS, laquelle sera dès demain dans le secteur. Dans cette attente, j'invite chacun au calme et à la sérénité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

AIDE MÉDICALE D'ÉTAT

Mme Conchita Lacuey - Malgré une réforme contestée par les associations humanitaires, malgré une pétition signée par des dizaines de milliers de personnes, malgré les controverses suscités par son projet de circulaire, le Gouvernement s'entête et s'attaque de nouveau à l'aide médicale d'Etat. Dans le budget pour 2004, les moyens de celle-ci diminuent de 411 millions d'euros, soit de 60 %. Au prétexte de responsabiliser les bénéficiaires, essentiellement des sans-papiers et des SDF, vous pénalisez les plus démunis d'entre les plus démunis, stigmatisez et culpabilisez ceux et celles qui sont obligés de faire appel à la solidarité nationale. L'instauration d'un ticket modérateur sera lourde de conséquences : elle limitera l'accès à des soins pourtant indispensables, elle retardera la prise en charge, au mépris de tout objectif de santé publique. Faute de soins précoces, il faudra traiter ensuite des pathologies plus lourdes, sans parler du risque de propagation de maladies contagieuses.

Cette décision illustre bien votre double langage. Tandis que le Président de la République se remémore la nécessité de réduire la fracture sociale, la politique de son gouvernement l'aggrave. Ce coup porté à l'aide médicale d'Etat constitue une intolérable régression sociale. Pourquoi faire des économies sur le dos des plus démunis ? Pourquoi négliger la santé publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et de nombreux bancs du groupe des députés communistes et républicains ; interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Non, Monsieur Goasguen, Mme Lacuey a parfaitement respecté son temps de parole. Il ne sert à rien de crier : je veille à ce que chacun ait droit au même temps.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Lors de la création de l'AME en 2000, le gouvernement de l'époque avait budgété un peu plus de 50 millions d'euros. En 2003, les dépenses de l'AME représentent plus de 700 millions d'euros (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Cette situation ne peut pas durer. Comment réduire la dépense ? Tout d'abord, en luttant implacablement contre l'immigration irrégulière. Ensuite, en mettant un terme à la fraude généralisée actuellement constatée. Suivant les recommandations du rapport que j'avais commandé à l'IGAS sur le sujet, le contrôle de l'ouverture des droits sera désormais plus rigoureux. Un décret en ce sens vient d'être transmis au Conseil d'Etat. Il suffisait jusqu'à aujourd'hui de produire la photocopie d'un document sans photographie d'identité !

Plusieurs députés UMP - Scandaleux ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Le ticket modérateur, d'un montant modeste, voté par le Parlement en 2002 sera effectivement mis en place, tout en prévoyant les exceptions nécessaires.

Les étrangers en situation irrégulière ne peuvent pas avoir des droits gratuits illimités plus favorables que ceux dont bénéficient l'ensemble de la population (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Notre système de protection sociale peut être victime de sa générosité. L'ignorer n'est pas seulement irréaliste, c'est aussi irresponsable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE EN FAVEUR DU TOURISME

M. Didier Quentin - Monsieur le secrétaire d'Etat au tourisme, pour la première fois depuis vingt ans, un comité interministériel du tourisme a eu lieu le 9 septembre dernier, sous la présidence du Premier ministre. C'est dire l'importance que ce gouvernement accorde à l'économie touristique, un des tout premiers secteurs d'activité dans notre pays avec un chiffre d'affaires de plus de cent milliards d'euros et plus de deux millions d'emplois. Ce gouvernement montre sa volonté de conserver à la France sa place de première destination touristique dans le monde avec plus de 76 millions de visiteurs. Quelles sont les grandes orientations retenues lors de ce dernier comité interministériel et quel en sera le calendrier d'application ? Quel est notamment le dispositif prévu pour faciliter l'hébergement des travailleurs saisonniers ? Enfin, des mesures ont-elles été prises pour mieux étaler les vacances d'été, afin d'éviter l'hyper-concentration, constatée encore cette année sur les trois premières semaines d'août ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme - Le comité interministériel du 9 septembre dernier a retenu trois axes prioritaires et cinquante mesures.

Premier axe : promouvoir encore davantage l'image de la France, au travers notamment d'un plan Qualité France. A cet effet, quatre millions d'euros sont prévus dans le budget pour 2004, après quatre millions dans le collectif 2003.

Des mesures d'incitation fiscale ont été décidées en faveur de l'investissement dans l'immobilier touristique, associées à l'obligation pour les promoteurs de réserver un quota de 15 % au logement saisonnier. Autre disposition fiscale : une réforme de la taxe professionnelle permettant aux entreprises saisonnières de payer en fonction de la durée de leur activité.

Deuxième axe : la régulation de l'activité touristique. Il s'agit d'inventer de nouvelles filières - tourisme fluvial, rural, patrimonial, culturel... - et de renforcer la dimension éthique du tourisme en assurant l'accès aux vacances pour tous - en particulier les personnes handicapées ou exclues et les jeunes.

Troisième axe : l'adaptation du dispositif public. Il faut aller beaucoup plus loin dans la décentralisation, en recentrant l'Etat sur ses missions essentielles, à savoir la statistique, l'observation et la prospective.

Des assises nationales se tiendront les 8 et 9 décembre prochains. En ce qui concerne le calendrier scolaire, nous allons poursuivre le travail engagé avec Luc Ferry pour parvenir à un équilibre entre l'intérêt des enfants et les besoins des stations touristiques ; nous avons déjà trouvé des solutions pour la saison hivernale et nous en trouverons certainement pour la saison estivale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SITUATION DE L'EMPLOI EN NORD-FRANCHE COMTÉ

M. Marcel Bonnot - J'associe à ma question mes collègues du Nord-Franche-Comté, Irène Tharin, Maryvonne Briot, Michel Zumkeller et Damien Meslot.

Plusieurs députés socialistes - Et Paulette Guinchard-Kunstler ?

M. Marcel Bonnot - Récemment, le Gouvernement, avec courage, détermination et lucidité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) a apporté une contribution décisive au difficile plan de sauvegarde d'Alstom. Cette démarche sans précédent dans l'histoire industrielle française a redonné l'espoir aux salariés du Nord-Franche-Comté. Mais le centre de production de PSA Sochaux-Montbéliard, l'un des plus importants d'Europe, continue de connaître des vicissitudes. Du début des années 1980 jusqu'en 1998, 25 000 emplois y ont été supprimés par des plans sociaux devant lesquels les gouvernements de gauche n'ont manifesté que leur passivité légendaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Depuis un an, 1 370 départs en retraite ont été enregistrés et 1 500 intérimaires n'ont pas vu leur contrat prorogé. Quelles dispositions complémentaires le Gouvernement est-il en mesure de prendre sur l'aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Je vous confirme notre décision d'établir avec l'ensemble des acteurs un contrat de site sur cette aire urbaine. Celui-ci ne doit pas être confondu avec le plan de restructuration et de sauvegarde de l'emploi relevant de l'entreprise Alstom. Les services de l'Etat, sous l'égide du préfet de région et du préfet du Territoire-de-Belfort propose un ensemble de mesures pour que ce bassin, dont les atouts sont évidents, retrouve sa capacité de briller sur la scène économique internationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Baroin.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2004 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement pour protester contre l'attitude particulièrement désinvolte du Gouvernement à l'égard du Parlement. Alors que nous débattons du financement de la sécurité sociale, c'est par la presse que nous apprenons ce matin qu'une mesure aurait été prise par le Gouvernement pour financer l'aide aux personnes âgées. Or, M. Mattei ne nous en a rien dit dans la matinée, pas plus que les ministres chargés du dossier, Mme Boisseau et M. Falco. Nous entamons donc un débat, alors que le Gouvernement aurait déjà fait ses choix !

Je vous demande cinq minutes de suspension de séance pour réunir mon groupe et nous organiser face à une telle désinvolture.

La séance, suspendue à 16 heures 25, est reprise à 16 heures 30.

M. Bruno Gilles, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Cette discussion intervient à un moment privilégié à trois titres. D'abord, parce que, si la loi de financement pour 2003 ménageait une transition bien nécessaire, celle-ci apportera des clarifications très attendues en ce qui concerne la médecine de ville et le médicament et sera, de plus « structurante » : elle réforme en effet le financement des hôpitaux et des cliniques en instituant la tarification à l'activité.

Ensuite, parce que son adoption interviendra après celle du projet relatif à la politique de santé publique, qui réaffirme la responsabilité de l'Etat en la matière.

Enfin, parce que, comme l'a annoncé le Président de la République, 2004 sera l'année de la modernisation de l'assurance maladie et qu'en attendant, chacun aura tout loisir de défendre ses convictions pour jeter les bases de cette réforme inéluctable.

S'agissant de la branche « accidents du travail-maladies professionnelles », l'objectif de dépenses fixé pour 2003 a été dépassé et, malgré de meilleures rentrées de cotisations, l'équilibre n'est pas assuré pour 2004 puisque les prestations servies devraient croître de 3,7 %. En outre, les transferts techniques vers les autres régimes augmentent, qu'il s'agisse du reversement à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés au titre de la sous-déclaration des maladies et accidents du travail ou de l'indemnisation des victimes de l'amiante.

S'il faut se réjouir de voir diminuer le nombre des accidents du travail, on doit constater une augmentation préoccupante des maladies professionnelles : affections péri-articulaires, affections provoquées par les poussières d'amiantes, lombalgies et dorsalgies. Quelques dispositions du projet relatif à la santé publique devraient aider à mieux cerner le phénomène et à renforcer la prévention.

Pour l'ONDAM, le présent projet prévoit une hausse de 4 %. Pour la première fois, le taux retenu diffère de celui qu'a avancé la commission des comptes de la sécurité sociale - 5,5 % -, mais cela s'explique par des mesures d'économie qui se montent à 1 870 millions d'euros. L'ONDAM ne souffrira en effet d'aucun transfert de charges : la délimitation entre ce qui relève de l'Etat et ce qui relève de l'assurance maladie est parfaitement respectée.

Pour ce qui est de la médecine de ville, le projet prévoit tout d'abord d'exclure du remboursement les actes effectués sans justification médicale : c'est une première étape bienvenue vers la redéfinition du périmètre des soins que la collectivité doit rembourser.

En second lieu, le projet donne une base législative au protocole de soins sur le fondement duquel l'exonération du ticket modérateur est déclenchée, s'agissant des affections de longue durée.

Le projet modernise également les instruments de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. La CNAM pourra mettre en _uvre directement des accords et contrats nationaux et, pour les accords et contrats régionaux, elle exercera le pouvoir d'approbation actuellement dévolu au ministre.

Aux termes du PLFSS, les accords et contrats devraient recevoir l'avis favorable de l'ANAES, ce qui est propre à en conforter la légitimité mais qui risque de contraindre excessivement la liberté contractuelle. Des amendements seront donc présentés pour n'exiger qu'un avis simple de l'agence.

Enfin le projet donne aux URCAM la faculté de conclure des conventions avec des groupements de professionnels de santé, afin d'encourager l'amélioration et l'évaluation des pratiques, notamment selon la formule des « comités de pairs ». Plusieurs amendements de la commission visent à clarifier les modalités d'application de ces conventions et à organiser, en particulier, leur transmission pour avis aux URML.

En ce qui concerne le médicament, la création d'un groupe générique pourra être autorisée dès l'obtention d'une AMM. Un arrêt du Conseil d'Etat a condamné l'AFSSAPS pour avoir inscrit un médicament dans un tel groupe sans avoir vérifié que les droits attachés au médicament princeps au titre de la propriété intellectuelle avaient bien été concédés. Cette vérification entraînant des retards dont le coût peut être évalué à un peu plus de 20 millions d'euros, la commission a adopté un amendement prévoyant un délai de 60 jours avant l'inscription du générique au répertoire.

Afin de maîtriser les dépenses liées à la rétrocession hospitalière, un prix maximum de vente sera déterminé pour les produits rétrocédés disposant d'une AMM.

Ceux qui prétendent que ce projet est vide n'ont sans doute pas pris la peine de lire les articles 18 à 29. Il est vrai que ces articles sont d'une lecture plutôt aride, mais ils n'en instituent pas moins un financement des hôpitaux par la tarification à l'activité qui constituera une véritable révolution !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous êtes jeune !

M. Bruno Gilles, rapporteur - L'hôpital constitue bien une priorité pour la majorité et le Gouvernement a bien des ambitions pour les personnels hospitaliers ! Le prouvent les crédits ouverts dans le plan « Hôpital 2007 » et l'ordonnance du 4 septembre portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé.

Les inconvénients de la dotation globale sont connus : en dotant chaque mois les hôpitaux de crédits ne correspondant pas à l'activité, on a progressivement créé des rentes de situation, insuffisamment pris en compte le dynamisme de certains établissements et entravé les coopérations entre public et privé. La tarification à l'activité consiste à abandonner ce système, pour les hôpitaux publics, et le système du prix de journée, pour les cliniques, afin d'asseoir directement les ressources de l'établissement sur son activité.

Le principe de la tarification à l'activité a été posé en 1991, et la loi portant création d'une couverture maladie universelle a engagé une phase d'expérimentation, mais c'est seulement maintenant que vient l'heure de la décision et du courage politiques !

Le dispositif proposé repose sur cinq piliers. Premièrement, les tarifs nationaux : la réforme consistera à créer pour chaque prestation d'hospitalisation un tarif, qui servira de base au versement des dotations des régimes d'assurance maladie.

Deuxièmement, seront identifiées des missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation : il s'agit de préserver un financement par l'assurance maladie de l'impact sur les soins des activités de recherche, d'innovation médicale, d'enseignement et de formation assurée par les hôpitaux.

Troisièmement et quatrièmement, afin de garantir l'égal accès aux soins, la réforme valorise le financement des activités liées à la permanence des soins. En outre, les coûts des médicaments et de certains dispositifs implantables ne sont pas compris dans les tarifs. Ils seront facturés en sus des prestations d'hospitalisation.

Cinquièmement, le dispositif transitoire est décrit dans les articles 28 et 29. La réforme s'appliquera pleinement dès 2004 pour le secteur privé. Cependant, la commission a souhaité décaler de cinq mois cette entrée en vigueur, notamment en ce qui concerne le calcul des coefficients correcteurs.

Au total, cette réforme améliorera notablement le mécanisme d'allocation des ressources et diminuera les coûts. Grâce à son caractère transparent, elle facilitera le pilotage du secteur par le Gouvernement.

Mais, pour réussir, elle exige une comptabilité analytique et des équipements informatiques adéquats. Comme elle conduira à placer le moteur des restructurations au c_ur même des hôpitaux, elle devra aussi s'accompagner de la réforme de la gouvernance de l'hôpital.

La réflexion du Gouvernement pourrait s'inspirer utilement des conclusions de la mission parlementaire présidée par M. Couanau et, d'ailleurs, Monsieur le ministre, vous pourrez peut-être nous donner des précisions sur le calendrier de cette réforme, qu'une très grande partie de notre commission approuve.

Enfin, cette révolution dans les pratiques hospitalières ne peut laisser de côté la médecine ambulatoire : il est temps d'y appliquer enfin le codage des actes et d'y développer les réseaux et la coopération avec les hôpitaux.

Comme le disait récemment un philosophe célèbre dont je tairai le nom, Monsieur Le Guen, la Sécu est pour le Français une bonne fée, un privilège, un système merveilleux et unique au monde. Pour cette bonne fée, vous avez élaboré un bon projet, qui mérite attention et respect. Vous avez ainsi ouvert un chantier à la fois nécessaire, difficile et passionnant : la réforme d'un des socles de notre pacte républicain, l'assurance maladie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour la famille -Je commencerai par saluer la qualité de votre budget, Monsieur le ministre. Votre méthode a été celle de la concertation : création de groupes de travail, puis conférence de la famille. Ce choix s'imposait d'autant plus que la politique familiale est faite d'un maquis de prestations et de mesures visant des publics et des objectifs divers. Plutôt que de tout bouleverser, il valait donc mieux travailler de façon pragmatique et réformer tranche par tranche, comme vous l'avez fait. Cette année, vous avez fait porter l'effort sur la petite enfance et la conférence de la famille de 2004 traitera, crois-je savoir, de l'adolescence...

Dans ce projet, votre ambition est de permettre à chaque couple de développer librement son projet parental, et aux femmes et aux hommes de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, par exemple grâce au temps partiel. En outre, vous avez concentré l'effort sur les familles à revenus modestes et moyens, à qui la PAJE permettra de choisir librement le mode de garde de leurs enfants.

Tout cela a justifié un financement exceptionnel compte tenu de la conjoncture : en effet, c'est un milliard d'euros supplémentaire qui sera consacré à cette politique ambitieuse d'ici à 2007 et, pour 2004, il s'agit de 200 millions d'euros, soit approximativement le montant de l'excédent de la branche famille.

La PAJE coûtera 850 millions d'euros supplémentaires en année pleine, c'est-à-dire à partir de 2007. Rien d'équivalent n'avait été fait depuis vingt ans : ce sont en effet 200 000 familles de plus qui percevront cette prestation grâce au doublement du plafond de ressources. Il y a 2,1 millions de familles en France, 1,7 million percevaient l'APJE, 1,9 million percevront la PAJE.

Première étape d'une politique familiale enfin réhabilitée, la PAJE opère une double simplification, de la prestation elle-même et de sa mise en _uvre grâce au chéquier PAJE, et une double extension du nombre des familles bénéficiaires d'une part, du libre choix d'autre part. La PAJE remplace six prestations qui représentent 8 milliards d'euros et comporte deux étages ; une allocation versée aux parents dont les revenus mensuels sont inférieurs à 4 100 €, à raison de 160 € par mois jusqu'aux trois ans de l'enfant, et un complément de libre choix - libre choix du mode de garde et libre choix d'activité. 90 % des familles la percevront, ce qui répond à une véritable attente.

Le libre choix du mode de garde est assuré par un complément direct d'allocation - entre 150 et 350 € selon le revenu - et par la prise en charge par l'Etat de 50 % des cotisations sociales pour une garde à domicile et de 100 % pour une assistante maternelle. D'autre part, afin d'aider les parents qui le souhaitent à garder une activité professionnelle à 50 % ou plus, - jusqu'à 80 % -, ils percevront le complément de garde à taux plein.

Quant au complément de libre choix d'activité, il s'élèvera à 334 €. Cumulable avec l'allocation de base, il sera versé dès le premier enfant pendant les six mois suivant le congé de maternité ou de paternité. Il sera en outre revalorisé de 15 % par rapport à l'APE à taux partiel.

La PAJE répond ainsi à vos objectifs, Monsieur le ministre : généralisation d'abord, libre choix du mode de garde - alors que la crèche coûtait à un smicard 10 % de son revenu et le recours à une assistante maternelle 30 %, la seconde solution ne lui en coûtera désormais que 12 % ; libre choix d'exercer ou non une activité, surtout pour les mères ; équité enfin assurée avec les familles adoptantes, et prise en considération des naissances multiples.

La PAJE s'appliquera à partir du 1er janvier 2004, avec une période de transition jusqu'en 2007. La simplification passe aussi par la création d'un chéquier PAJE : grâce au centre de traitement de la PAJE, l'administration gère la complexité et l'usager bénéficie de la simplification.

Vous accroissez également l'offre de garde avec le « plan crèche » d'un montant de 200 millions d'euros - dont 50 dès cette année - qui permettra de créer 20 000 places supplémentaires.

Grâce au crédit d'impôt famille, les sommes consacrées par les entreprises à améliorer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle seront prises en charge fiscalement à 60 %.

S'ajoutent à ces innovations la revalorisation du statut des assistantes maternelles, prévue dans le futur projet de loi sur la protection de l'enfance, ainsi que la rationalisation et le développement des services aux familles tels que points info famille, portail internet...

Ainsi atteignez-vous les objectifs que vous vous étiez fixés, en permettant notamment aux mères qui le souhaitent de garder un pied dans l'activité professionnelle. Nous vous en félicitons et nous attendons la même qualité de la réflexion qui sera consacrée à l'adolescence l'année prochaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure de la commission des affaires culturelles pour l'assurance vieillesse - Je me demande pourquoi au juste je suis rapporteure : seul un article de ce projet traite de l'assurance vieillesse. Aussi parlerai-je surtout des retraites.

M. Jean-Marie Le Guen - De toute façon, les ministres ne sont pas là !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure - M. Mattei et M. Jacob sauront bien relayer mes préoccupations...

Il y a un lien évident entre niveau des pensions et qualité de la vie. Je voudrais alerter une nouvelle fois notre assemblée sur la lourde menace que représente la modification de la compensation. Un artifice comptable - l'intégration des chômeurs dans le régime général - a permis de prélever 825 millions supplémentaires sur ce régime en 2003 au titre de la compensation. Le conseil d'administration de la CNAV vient d'ailleurs de se prononcer contre la pérennisation de cette mesure. En effet, l'augmentation de la contribution du régime général à la compensation réduit sa contribution au fonds de réserve des retraites, qu'aucune mesure nouvelle ne vient par ailleurs abonder. Le Gouvernement lève ainsi le voile sur ses intentions : fragiliser le fonds de réserve des retraites - qui doit en principe être abondé à hauteur de 152 milliards en 2020 - afin de rendre la capitalisation inéluctable. Sauver la répartition n'a jamais été votre objectif. La réforme des retraites aboutira à réduire de 20 % le niveau moyen des pensions d'ici à 2008. Les salariés qui partent à la retraite à 60 ans subiront de plein fouet cette diminution. Les pensions seront certes revalorisées en fonction de l'inflation, mais aucun coup de pouce n'est prévu pour le minimum vieillesse. Bref, la baisse du taux de remplacement conduit tout droit à la capitalisation. Vous allez encourager les salariés à souscrire à des plans d'épargne retraite populaires qui n'ont de populaire que le nom. Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit des exonérations fiscales en faveur des titulaires de tels plans. Mais seuls ceux qui auront les moyens d'épargner en bénéficieront !

Quant aux exonérations de cotisations dont ils seront assortis, ce seront autant de moyens en moins pour la retraite par répartition.

Les organisations syndicales se sont inquiétées, lors des auditions, de la non-publication des décrets d'application relatifs au départ à la retraite des salariés ayant commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans et à la garantie de 85 % du SMIC à la liquidation de la retraite. Elles s'interrogent aussi sur les retraites complémentaires. J'ai, quant à moi, interrogé mes interlocuteurs sur la pénibilité...

M. Jean-Marie Le Guen - Très bien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure - ...et sur le renvoi de ce thème à la négociation. Il est en effet évident que la réflexion est insuffisante...

M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances - Du moins est-elle lancée !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure - ...hormis dans quelques secteurs où elle a été entamée à la demande des salariés.

L'absence de tout travail de fond sur l'amélioration des conditions de travail, l'évolution professionnelle et la reconnaissance de la pénibilité est préoccupante. Je crains que les plus modestes ne fassent les frais de cette absence de volonté. L'augmentation du nombre des arrêts de travail nous montre d'ailleurs combien il est urgent de travailler sur ces enjeux.

Il y a un lien direct entre faible niveau de pensions et métiers pénibles - qui vont de pair avec une espérance de vie plus brève. Cela en appelle à notre responsabilité politique.

M. Yves Bur - Vous êtes une donneuse de leçons !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure - Nous devons y travailler tous ensemble.

L'an dernier, j'avais déposé un amendement au PLFSS insistant sur le nécessaire soutien à apporter à la gériatrie. Alors qu'il avait été rejeté en commission, vous aviez vous-même demandé, Monsieur le ministre, qu'il soit voté. Vous sembliez donc avoir compris l'enjeu ; malgré cela, qu'est-il prévu pour ce secteur ?

M. Jean-Marie Le Guen - Rien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure - De fait, rien, alors même que M. Barrot avait dit préférer une mission d'information à une commission d'enquête sur les conséquences de la canicule en expliquant que les conclusions en seraient rendues plus vite, ce qui permettrait de prendre des mesures rapidement ! En omettant d'affecter de 250 à 280 millions supplémentaires à ce secteur, comme vous auriez pu et dû le faire, vous privez les maisons de retraite de 7 500 à 8 000 emplois dont elles ont le plus urgent besoin. Et que dire du financement du plan Alzheimer et de tant d'autres mesures annoncées, mais qui n'ont pas de traduction budgétaire ? Il y a urgence, pourtant, pour les familles, pour les personnels, pour la société toute entière. Vous nous annoncez, certes, des mesures financières prochaines mais comment les financerez-vous, votre budget ayant, dans l'intervalle, été adopté sans qu'elles y figurent ?

Quant à la suppression d'un jour férié, cela tient du gadget. L'idée d'une cotisation supplémentaire sur le travail peut se concevoir, mais elle suppose un débat de fond. Ainsi, je serais favorable à ce que la CSG finance le risque nouveau que constitue la perte d'autonomie. L'enjeu est trop grave pour servir de support à une querelle idéologique. Si nous avons un langage clair, les Français comprendront parfaitement que la vieillesse est un enjeu de société auquel il doit être répondu collectivement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Emile Zuccarelli - Très bien !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Le PLFSS s'inscrit, parmi les travaux du Gouvernement, entre deux réformes d'envergure : la loi sur les retraites, adoptée cet été, et la future réforme de l'assurance maladie. On comprend donc pourquoi ce projet semble, en quelque sorte, être au milieu du gué.

M. Jean-Marie Le Guen - Ça commence bien !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Sur la forme, le législateur, faute de pouvoir embrasser dans le PLFSS l'ensemble de la protection sociale, n'en a qu'une vision parcellaire, alors même qu'elle représente, dans sa globalité, un tiers de la richesse nationale. De ce fait, nous n'avons pas une vision très claire de l'ensemble des dispositifs, ce que je déplore. Un autre travers de l'exercice est que l'on confond sécurité sociale et assurance maladie, ce qui ne devrait pas être - et la tendance ne fera que s'aggraver.

Il n'empêche : tel qu'il est, ce projet permet une grande réforme en créant la prestation « accueil jeune enfant ». Ce faisant, il définit une vraie politique familiale, simplifie singulièrement des dispositifs antérieurs inutilement complexes et affirme la liberté de choix du mode de garde des enfants.

Mme Guinchard-Kunstler a regretté que le texte ne comporte guère de dispositions relatives aux retraites ; et pour cause ! En éclaircissant les perspectives, la loi portant réforme des retraites que nous avons adoptée cet été a écarté la catastrophe qui se profilait. Certes, elle n'a pas tout réglé...

M. Jean-Marie Le Guen - C'est le moins qu'on en puisse dire !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - ...et des inégalités subsistent, qu'il faudra corriger, s'agissant en particulier des compensations entre régimes. Mais ce dossier a montré toute la difficulté qu'il y a à réformer, même quand la nécessité n'en est pas contestée et même quand la réforme est conduite dans un souci de justice. C'est que l'opposition a fait preuve de sommets d'irresponsabilité, d'abord en ne procédant à aucune réforme en cinq ans, puis en critiquant celle qui était menée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Il faudra, pour réformer l'assurance maladie, un consensus minimal...

M. Jean-Marie Le Guen - Celui voulu par le Medef ?

M. François Goulard, rapporteur pour avis - ...dont je doute qu'il s'impose, car je ne suis pas certain que nos compatriotes aient conscience de la gravité de la situation, non plus que les acteurs du système. Et pourtant ! Notre assurance maladie est dans un grand désarroi, et il ne s'agit plus de ravauder un dispositif qui ne tient plus debout que par la force de l'habitude. Autant dire que ce n'est pas un dix-septième plan d'économies que le Gouvernement nous présentera. Il faut faire davantage, car des économies structurelles sont indispensables dans un pays où le niveau des prélèvements obligatoires doit être stabilisé puis réduit.

Encore notre système de soins serait-il irréprochable ! Mais il souffre de lacunes, ayant la modestie de le reconnaître !

M. Jean-Marie Le Guen - Très juste !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Comment ne pas évoquer l'hécatombe actuelle due aux maladies nosocomiales ? Et que dire de l'administration de l'assurance maladie, qui n'est pas gérée ? Comment s'étonner, alors, si dysfonctionnements et aberrations fourmillent ?

Que dire de la frontière administrative, arbitraire, érigée entre la médecine de ville et l'hôpital, que tout commande aujourd'hui de rapprocher ?

M. Jean-Marie Le Guen - Très juste !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Que dire d'une administration de la santé prise en défaut sur une sujet aussi prévisible que celui de la démographie médicale ?

M. Jean-Marie Le Guen - Très juste !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Que dire d'une administration hospitalière qui n'a pas été capable de fermer à temps des établissements devenus dangereux ?

M. Jean-Marie Le Guen - Très juste !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Maintenir des établissements indispensables dans des régions isolées n'a rien à voir avec manquer de courage politique, comme vous-mêmes en avez manqué, pour ne pas fermer des établissements, situés à dix minutes d'un autre, que leur sous-activité chronique rend pourtant dangereux. Je peux citer des exemples, y compris dans mon département (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Evin - Citez-en !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Que dire d'une assurance maladie qui ne fait rien pour mettre un terme à des abus caractérisés, comme en matière d'arrêts maladie, ou qui organise la paupérisation des pédiatres tout en permettant l'enrichissement des radiologues ?

M. Jean-Marie Le Guen - Ça, c'est vrai !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Notre premier devoir est de vérité. Nous devons traquer avec courage et lucidité les dysfonctionnements, les effets pervers de dispositifs, en apparence généreux, parfois détournés, au moins partiellement, de leur objet. On a évoqué tout à l'heure la prise en charge à 100 % des affections de longue durée, dont il faut en effet corriger les dérives.

M. le Président - Il faut conclure.

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Monsieur le ministre, vous engagez avec courage la réforme, trop longtemps différée, de la tarification à l'activité. Il faudra d'ailleurs s'interroger sur les écarts de coûts, parfois considérables, qui existent aujourd'hui pour des prestations identiques.

Toutes les réformes courageuses qu'il vous faut entreprendre sont rendues plus difficiles par l'incurie du gouvernement précédent. Même s'il faut attendre quelques mois pour mener à bien les concertations nécessaires et faire tout l'effort de pédagogie indispensable, ce projet de loi de financement marque un changement résolu d'orientation, sensible par exemple avec la budgétisation du FOREC, tant attendue. Annonciateur de la grande réforme que nous appelons tous de nos v_ux, ce texte va dans le bon sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Bien que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne concerne pas seulement l'assurance maladie et que je tienne à saluer le travail du ministre délégué à la famille, qui a conclu avec succès la conférence de la famille (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), celui de la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées...

M. Jean-Marie Le Guen - Sans doute excusée aujourd'hui !

M. le Président de la commission - ...et du secrétaire d'Etat aux personnes âgées,...

M. Jean-Marie Le Guen - Excusé également !

M. le Président de la commission - ...je centrerai mon propos sur l'assurance maladie.

L'enquête récemment commandée par la commission des finances et la commission des affaires sociales a révélé combien les Français étaient attachés à leur système de protection sociale actuel, mais aussi inquiets quant à son avenir. Entretenant avec la sécurité sociale une relation quasi oedipienne, ils voient en elle « une bonne fée », « un privilège », « un système unique au monde ». Habitués à son « trou », ils en pointent, souvent avec à propos, les causes multiples : le vieillissement de la population, les progrès de la médecine, les dysfonctionnements de gestion, les abus, parmi lesquels ils citent pêle-mêle les arrêts de travail injustifiés, la prise en charge des transports, le nomadisme médical, le remboursement des médicaments de confort, les prescriptions trop larges de séances de rééducation, les accidents domestiques ou de loisirs maquillés en accidents du travail, la CMU..., mais il s'agit toujours des abus des autres.

L'important pour eux est que la sécurité sociale soit sauvée. Le seul point de consensus est la nécessité d'une intervention politique forte pour ce faire, l'heure étant toutefois moins au grand soir qu'à la modernisation. Toute réforme, ne fût-elle qu'évoquée, leur semble un recul social.

Réformer pour quoi faire ? Etatiser comme en Grande-Bretagne ? Privatiser comme aux Etats-Unis ? On a vu ce qu'il est advenu des systèmes de soins britannique et américain !

Cette année, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale revêt une importance particulière, parce que l'assurance maladie connaît une situation difficile et qu'il est urgent d'agir.

Ce texte, qui « remet de la cohérence dans l'assurance maladie », selon vos propos mêmes, Monsieur le ministre, se veut de clarification. Ce n'est pas un texte de transition, comme certains ont pu le prétendre, mais un premier outil de modernisation du système, par des ajustements plutôt que par des bouleversements.

Pour stabiliser les déficits, premier niveau d'urgence, il n'est pas d'autre solution, alors que la croissance est toujours faible, que d'accroître les recettes et de limiter les dépenses. Accroître les recettes, en attendant le retour de la croissance, c'est augmenter les taxes sur le tabac et en affecter le produit à l'assurance maladie, mieux ajuster certains coûts comme le forfait hospitalier, relever la taxe sur la publicité pharmaceutique, améliorer l'efficacité du recours contre les tiers. Limiter les dépenses, c'est engager une véritable maîtrise médicalisée, en concertation avec les usagers et les professionnels. La poursuite de la politique engagée sur ce plan, la clarification des règles d'exonération du ticket modérateur pour les actes dont la cotation est supérieure à 50 K, le plan Médicament et un effort particulier en matière de gestion, permettront de réaliser près de deux milliards d'euros d'économies.

Le principal danger aujourd'hui est la dégradation de la qualité des soins, qui peut faire redouter une médecine à deux vitesses, fonction des revenus ou des relations de chacun.

Notre système, fondé en 1945, et dont les principes fondateurs - solidarité, liberté, égal accès de tous aux soins - demeurent, doit néanmoins évoluer. L'objectif est, dût-ce être grâce à cinquante, cent, mille petits ajustements, d'être toujours plus juste en distribuant mieux. Il faudra parfois dépenser plus, parfois dépenser moins, pour dépenser mieux.

Tous les Français sont assurés, y compris les plus défavorisés, mais pas tous de la même façon. 8 % de nos concitoyens, ceux dont les revenus sont juste au-dessus du seuil fixé pour l'attribution de la CMU, n'ont pas d'assurance complémentaire. Il faut leur accorder une aide personnalisée à la santé pour accéder à une couverture complémentaire. Le rapport Chadelat montre que si l'on retient un seuil de ressources de mille euros, le coût pour la collectivité serait de 1,8 milliard d'euros.

Une réflexion est également nécessaire sur les risques qui doivent être assumés par l'assurance maladie. Celle-ci ne récupère par exemple que 866 millions d'euros auprès des compagnies d'assurances alors que les accidents de la route lui coûtent entre 2 et 4,5 milliards.

De même, les 130 000 accidents de ski annuels lui coûtent chacun 300 € en moyenne, alors que les skieurs pourraient parfaitement payer une assurance privée, comme ils le font d'ailleurs pour le bris ou le vol de leurs skis.

Les affections de longue durée représentent désormais la moitié des dépenses d'assurance maladie, et le nombre de bénéficiaires d'une prise en charge à 100 % croît de façon exponentielle. Toutes les ALD doivent-elles être considérées de la même façon ? Qu'y a-t-il de commun entre un diabète et un cancer, tant sur le plan de l'évolution, des complications, des traitements ? De même, qu'y a-t-il de commun entre un cancer du pancréas, toujours rapidement fatal, et un cancer localisé du rein, qui peut être guéri par la chirurgie ? Ne devrait-on pas aider davantage le malade, en améliorant par exemple l'hospitalisation à domicile si le malade souhaite mourir chez lui ? Il s'agit, ici, non pas de payer moins, mais mieux.

De même, tous les soins relèvent-ils de la solidarité ? Certains ne devraient-ils pas être mieux pris en charge, d'autres moins ? Une mise à plat, comme celle qui a eu lieu dans le domaine du médicament - génériques, déremboursement des médicaments à SMR insuffisant, promotion du bon usage - et qui permettra d'économiser 290 millions d'euros en 2004, est nécessaire.

Il faut aller au-delà de la maîtrise médicalisée des dépenses, laquelle permet d'améliorer le fonctionnement du système mais ne suffit pas. Est-il normal que toutes les consultations chez un généraliste ou un spécialiste soient rémunérées de la même façon ? Les premières, comme ensuite celles de prévention, ne devraient-elles pas l'être davantage et les renouvellements d'ordonnance moins ? Les syndicats de médecins n'y sont pas hostiles. Les consultations sans justification médicale, comme les certificats pour la pratique d'un sport ou le permis de conduire, n'ont pas nécessairement à être supportées par la collectivité.

De même, bon nombre d'actes de chirurgie plastique sont remboursés par l'assurance maladie alors qu'ils pourraient l'être par des assurances privées ou être payés par la personne elle-même. A contrario, dans le domaine de la chirurgie dentaire, certaines prothèses, notamment pour les enfants, devraient être prises en charge à 100 %.

Concernant l'hospitalisation, la tarification à l'activité est une étape capitale. Les administrations hospitalières et les professionnels de santé sont prêts à jouer le jeu, mais les outils informatiques sont-ils à la hauteur ? La commission, sur proposition du rapporteur, a repoussé son application à octobre 2004 ; d'ici là, un puissant effort de motivation et d'organisation est indispensable. Les 10 milliards d'euros du plan Hôpital 2007 représentent une formidable occasion de réorganisation interne et de mise en réseau de notre système d'hospitalisation, lesquelles doivent conditionner l'attribution des crédits. Chacune des agences régionales d'hospitalisation doit l'avoir bien compris car les gisements d'économies sont nombreux.

La même logique de transparence devrait prévaloir en matière d'indemnités journalières, qui ont coûté 10,4 milliards en 2002. Les arrêts de plus de trois mois représentent 40 % de ces dépenses et concernent principalement les 50-59 ans. Est-ce le rôle de l'assurance maladie de prendre en charge cette conséquence du vieillissement de la population active ?

De même, est-ce son rôle de prendre en charge en totalité le service de transport, qui représente une dépense de plus de 2 milliards, en hausse de 6 % par an ?

Mieux gouvernée, mieux éclairée sur les alternatives qui s'offrent à elle, l'assurance maladie doit améliorer encore sa gestion, contrôler mieux ce qu'elle rembourse et responsabiliser les usagers. Il faut explorer toutes les pistes, comme vous commencez à le faire dans ce texte, Monsieur le ministre.

Le Premier ministre, en créant le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a fourni une méthode dans laquelle la concertation tiendra toute sa place. Le Président de la République a clairement montré le cap, en plaidant pour le maintien, l'adaptation et l'évolution de notre système de santé. Il a exprimé là le v_u des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Claude Evin - La sécurité sociale est dans une situation catastrophique : le rapport de la commission des comptes annonce pour le régime général un déficit de près de 9 milliards fin 2003, et qui pourrait atteindre 13,6 milliards en 2004 en l'absence de mesures correctrices, et pour la seule assurance maladie un déficit prévisionnel de 10,6 milliards pour 2003, qui pourrait atteindre 14 milliards en 2004 ; et l'évolution des autres branches interdit désormais toute possibilité de transfert de recettes vers l'assurance maladie.

L'absence d'une véritable politique de l'emploi et le ralentissement de l'activité économique expliquent pour partie ce déficit, les principales recettes de l'assurance maladie étant assises sur les salaires ; mais on constate également une progression forte des dépenses depuis 2000. Les dépenses de soins de ville ont en effet progressé de 7,8 % en 2002, en grande partie du fait des revalorisations tarifaires, dont il faut une fois de plus regretter qu'elles n'aient été accompagnées d'aucune amélioration de l'offre de soins.

Dans le même temps, les dépenses des établissements de santé ont augmenté de 6,4 % - progression qui correspond davantage à un effet coût qu'à un effet volume.

Pour 2004, vous nous proposez de voter un ONDAM en progression de 4 %, alors que la commission des comptes de sécurité sociale a évalué sa progression tendancielle à 5,5 %. Déjà, avant même de commencer l'année, il manque au moins 2 milliards.

Les mesures que vous avez annoncées, telles que le plan urgences, ne sont pas financées. On pourrait d'ailleurs débattre de la justification de ce plan ; qui n'empêchera pas que les malades arrivent aux urgences parce qu'ils n'ont pas trouvé de solution en amont et qu'ils y restent trop longtemps parce que l'hôpital n'apporte pas de réponse en aval. Pour le financement de ce plan, vous allez « flécher » des crédits de l'ONDAM hospitalier, mais celui-ci ne permet même pas aux hôpitaux d'assurer la continuité de leur fonctionnement !

La fuite en avant et le report des décisions structurantes concernant l'assurance maladie font peser sur notre système de santé de lourdes menaces. Sans anticiper sur les travaux de la commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, je veux souligner que ce qui s'est passé à ce moment-là, au-delà de failles ponctuelles, est la conséquence des défaillances plus profondes de notre système. En d'autres termes, ce ne sont pas deux amendements dans la loi de santé publique modifiant les missions de l'INVS ou donnant une base légale à la procédure de déclenchement des plans blancs, qui résoudront le problème...

L'an dernier, vous nous aviez expliqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 était un texte de transition, et que vous alliez nous faire au cours de l'année 2003 des propositions pour réformer durablement notre système.

Vous nous aviez annoncé trois rapports : l'un sur les responsabilités respectives de l'Etat et des caisses de sécurité sociale, demandé à Mme Rolande Ruellan, un autre sur la médicalisation de l'ONDAM, demandé à Alain Coulomb, et le troisième sur le rapport entre régimes obligatoires et régimes complémentaires, demandé à M. Jean-François Chadelat. Ces rapports ont été publiés. Quelles conclusions en avez-vous tiré ? Un an après, nous n'en savons toujours rien...

C'est à une modernisation permanente et progressive de l'organisation de l'offre de soins à laquelle il faudrait procéder, et tout retard pris dans ce domaine ne se rattrape pas. Ce n'est pas un problème de curseur comme pour les retraites, sauf à ce que vous limitiez le débat à ce qui sera remboursé par la sécurité sociale et à ce qui sera laissé à la responsabilité individuelle des assurés sociaux. J'ai bien peur que vous limitiez vos ambitions à cette seule question.

Et, dans cette perspective, vous avez ainsi besoin de temps. En effet, plus les comptes seront dégradés, mieux vous pourrez expliquer à nos concitoyens que la solidarité coûte cher et qu'ils doivent y participer individuellement. Partout, les mesures que vous prendrez seront plus douloureuses à court terme que celles concernant les retraites, et vous préférez pour cela avoir passé les échéances électorales du printemps 2004.

M. Jean-Marie Le Guen - Hé oui !

M. Claude Evin - Monsieur le ministre, vous avez été l'un des rares responsables politiques de droite à avoir, avant les élections de 2002, proposé un financement libéral de notre système de santé, au moment de l'examen du financement de la sécurité sociale pour 2000. Vous prétendiez l'an dernier avoir changé d'avis, mais je n'en suis pas convaincu. Compte tenu de l'attachement des Français à un système de protection sociale fondé sur la solidarité, aucun ministre ne pourrait tenir un tel discours. En revanche, vous pouvez organiser une privatisation rampante de la sécurité sociale, en créant un tel besoin de financement, que les finances publiques ne pourraient y faire face.

Ne déclariez-vous pas, dès votre prise de fonctions, qu' « il faut cesser de dire qu'il est nécessaire de "maîtriser", "contenir" et poser la question du niveau de ces dépenses dans le budget de la nation en faisant la part de l'assurance maladie, celle des assureurs complémentaires et celle des usagers ». Le Premier ministre n'a-t-il pas également affirmé, il y a quelques semaines, vouloir établir un « juste équilibre entre ce qui relève de la solidarité nationale et de la responsabilité personnelle » ? Et les propos du ministre du budget, selon lesquels « il ne doit pas y avoir en 2004 d'augmentation du déficit de la sécurité sociale » ne sont pas de nature à nous rassurer.

Il serait inacceptable de transférer une partie des dépenses de sécurité sociale vers les assurances complémentaires mutualistes ou privées. Pour des raisons de santé publique et de justice sociale, le meilleur niveau de remboursement possible doit être garanti par la solidarité nationale, aussi devons-nous responsabiliser davantage les citoyens, en renforçant le lien entre les caisses d'assurance maladie et les assurés sociaux, et non en augmentant leur participation aux dépenses de soin.

L'effort de rationalisation doit porter sur l'ensemble de la dépense de santé. Or, vos mesures ont pour seul but de réduire les remboursements aux assurés sociaux - restrictions des remboursements aux patients atteints d'une affection de longue durée du fait de la limitation de l'exonération du ticket modérateur aux seuls actes et prestations spécifiées par un protocole, exonération du ticket modérateur revue à la baisse pour certains actes chirurgicaux, augmentation du forfait hospitalier...

Agissant ainsi, vous remettez en cause le financement équitable de l'accès aux soins, et portez atteinte aux principes constitutionnels de protection de la santé. En effet, par une décision de 1990, le Conseil constitutionnel a jugé que la réduction de la part des honoraires médicaux à la charge des assurés sociaux était conforme au principe posé par le préambule de la Constitution.

Ce projet de loi ne garantissant pas le principe constitutionnel de protection de la santé, je vous invite à voter l'exception d'irrecevabilité.

M. Jean-Marie Le Guen - On le fera !

M. Claude Evin - Vous prétendez, par ailleurs, clarifier les relations entre l'Etat et la sécurité sociale, et poursuivre le remboursement de la dette FOREC. Or, cette dette n'est pas prise en charge par l'Etat, mais par la CADES, organisme destiné à financer la sécurité sociale ! Partant, vous profitez de la CRDS, qui frappe les revenus les plus modestes. Par ailleurs, le FOREC supprimé, les exonérations de charge seraient financées directement par l'Etat, ce qui ne permettra plus de contrôler leur réel remboursement.

M. Jean Le Garrec - Ni leur efficacité !

M. Claude Evin - En effet, seul un fonds spécifique permet aux parlementaires de constater un solde.

Quelques mots sur la réforme des prestations familiales, malheureusement en l'absence du secrétaire d'Etat à la famille.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est une épidémie !

M. Claude Evin - L'effort consenti n'est pas aussi significatif que vous le prétendez. D'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, les mesures nouvelles représentaient respectivement en 2001 et en 2002, 0,6 % et 0,5 % des prestations. Elles ne représentent plus que 0,2 % et 0,4 % en 2003 et 2004.

Vous dites avoir simplifié les prestations, alors qu'en réalité vous avez donné le même nom - prestation d'accueil du jeune enfant - à toutes les prestations de la petite enfance, mais vous avez conservé les prestations précédentes en les rebaptisant - complément de libre choix de garde, complément de libre activité. Mais surtout, ce plan est-il réellement financé ? Le solde de la branche famille est quasiment nul en 2004 - 30 millions d'euros - alors qu'elle reçoit une recette non reconductible de 200 millions d'euros grâce à un versement de la CADES. Enfin, vous favorisez encore les familles aisées. Une prime à la naissance et à l'allocation de base se substituent à l'actuelle APJE, mais les plafonds de ressources sont relevés et les conditions de la garde à domicile, prestation réservée aux familles très aisées, sont améliorées. Par ailleurs, le plafond de réduction de l'IR pour un emploi à domicile est porté à 10 000 €.

Quant à la tarification à l'activité, je n'en contesterai pas le principe, puisque cette évolution était déjà inscrite dans la loi hospitalière de juillet 1991. La loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle a prévu la mise en place « de nouveaux modes de financement des établissements publics ou privés, fondés sur une tarification à la pathologie » dans un délai de cinq ans, et une mission a été créée dès janvier 2000 - la METAP - pour préparer cette expérimentation.

Les faiblesses des modalités actuelles de financement et de régulation de nos établissements hospitaliers publics et privés appellent un nouveau mode de financement.

Dans les établissements publics, la dotation globale rémunère davantage une structure de moyens que l'activité de l'établissement. Si ce dispositif permet un bon encadrement de la dépense au sein du secteur, il ne garantit ni l'efficience, ni l'équité, dans la répartition des moyens budgétaires.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Nous sommes d'accord.

M. Claude Evin - Evidemment ! Je partage tout de même la paternité de cette réforme, qui s'appuie en partie sur les travaux de la mission constituée par le précédent gouvernement en 2000.

M. le Ministre - Nous n'y avons pas trouvé grand-chose !

M. Claude Evin - Les fonctionnaires qui y ont travaillé apprécieront vos commentaires !

M. Jean-Marie Le Guen - Il ne sait pas de quoi il parle !

M. Claude Evin - L'introduction du PMSI comme instrument d'aide à l'allocation de ressources aurait pu corriger les inégalités de dotation. Il n'en a rien été, les ARH n'ayant pas toujours été soutenues au niveau central - encore aujourd'hui, lors des questions au Gouvernement, le ministre a donné ses ordres à un directeur d'ARH par l'intermédiaire du Journal officiel des débats !

Concernant les cliniques privées, si l'objectif quantifié national que nous avions institué en 1991 a favorisé la restructuration des établissements, en revanche l'obsolescence des modalités tarifaires, leur complexité et des disparités régionales, n'ont guère contribué à l'efficience et à l'équité du dispositif de financement.

La différence des modes de financement entre établissements publics et privés nuit à l'ensemble de notre système d'hospitalisation, entraînant ici des transferts d'activités ou de spécialités motivés uniquement par des raisons économiques, et là un cloisonnement rigide dû à la très faible fongibilité des enveloppes.

Demandée par l'ensemble de nos hôpitaux et cliniques, cette réforme n'en comporte pas moins des risques, qu'il faut identifier et éliminer. Ainsi, on peut en attendre un meilleur financement des établissements les plus efficaces, mais quid des autres ? D'autre part, une réforme de ce type ne peut se faire que sur la durée et, de fait, vous laissez le temps aux établissements publics de s'adapter, mais il serait illusoire de croire que, dans un premier temps, l'entreprise puisse être menée à bien à moyens constants.

Cette réforme suppose aussi une réforme interne de l'hôpital public, pour donner aux gestionnaires un réel pouvoir de décision et pour moderniser la gestion financière et comptable.

Nous courons aussi le risque de voir les établissements adapter leurs pratiques à la nouvelle tarification et, par exemple, apprécier a priori le gain ou la perte escompté de chaque malade traité. Ils pourraient ainsi « trier » les patients, réduire les durées de séjour pour augmenter le coefficient de rotation des lits, adresser plus rapidement les patients aux services de soins de suite et de réadaptation... Ces comportements pourront d'ailleurs être favorisés par la constitution de groupes homogènes de malades qui, de fait, survalorise l'acte et la chirurgie au détriment de la médecine. Prenons donc garde que les patients ne deviennent pas, bien plus qu'aujourd'hui, une variable d'ajustement !

Ces risques peuvent être lourds de conséquences pour l'organisation de l'accès aux soins sur l'ensemble de notre territoire. C'est pourquoi il apparaît inopportun d'aller vers une échelle tarifaire commune aux établissements publics et privés : cela interdirait de maintenir à terme un maillage correct des établissements publics.

M. Jean-Marie Le Guen - Très bien !

M. Claude Evin - La fixation de tarifs nationaux ne manquera d'ailleurs pas de réduire le rôle des ARH, notamment dans la restructuration de l'offre de soins, si ces tarifs ne permettent pas de prendre en compte les stratégies régionales et les objectifs définis dans les SROS.

On ne peut davantage envisager une enveloppe unique de régulation pour le secteur public et pour le secteur privé, du moins tant qu'une évaluation n'aura pas été faite. En effet, les règles du jeu ne sont pas identiques : par exemple, alors que, dans les établissements privés, les honoraires et les forfaits techniques sont facturés en sus des tarifs par groupe homogène de soins et sont donc pris sur l'enveloppe « soins de ville » qui connaît régulièrement d'importants dépassements, les salaires médicaux et les actes médico-techniques du secteur public sont inclus dans les tarifs et soumis à une régulation rigoureuse. Autre différence : en 2004, les hôpitaux ne seront remboursés de leurs prothèses que sur la base d'une liste très limitative alors que les cliniques pourront continuer à facturer toutes les leurs.

Enfin, au sein de l'enveloppe MIGAC, on ne discerne pas suffisamment bien la part consacrée aux missions d'intérêt général et celle qui ira aux aides à la contractualisation, ce qui pourrait conduire à sacrifier les premières. Il convient de mieux distinguer ces financements, sachant que les missions d'intérêt général ne peuvent concerner que les établissements publics participant au service public, ou les cliniques privées ayant conclu avec l'Etat des contrats de concession pour l'exécution de services publics, cependant que les actions de contractualisation pourront, elles, être financées quel que soit le statut de l'établissement.

Cette réforme est, je crois, nécessaire, mais certaines de ses modalités d'application exigeraient davantage de précautions. En tout état de cause, comme je l'ai démontré, il se pose d'abord un problème de constitutionnalité dans la mesure où ce projet ne respecte pas les principes constitutionnels de protection de la santé ni ne remédie à la dégradation des comptes de l'assurance maladie. Je vous invite donc tous à voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Je préférerais, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, Monsieur Evin, vous répondre à la fin de la discussion générale. Cela évitera des redites (Assentiment).

M. Jean-Luc Préel - Chacun aura compris que la présentation de cette exception d'irrecevabilité visait avant tout à permettre à l'ancien ministre Claude Evin de s'exprimer et vous aurez d'ailleurs relevé que l'orateur n'a fait valoir aucun élément d'inconstitutionnalité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Il est exact que la situation de l'assurance maladie est grave, en raison d'un déficit que le ministre lui-même a qualifié d'abyssal. Il n'est que plus urgent de débattre d'un projet qui a le mérite de supprimer le FOREC, d'instituer la tarification à l'activité et de promouvoir une vraie politique familiale. La préservation de notre système de soins ne saurait attendre. Il faut organiser une réelle gouvernance et préciser les relations entre l'Etat, le Parlement et les professionnels, car l'étatisation actuelle génère en partie le déficit par l'irresponsabilité qu'elle encourage.

Il est grand temps aussi de donner consistance à la maîtrise médicalisée, et cela suppose que tous les acteurs de la santé deviennent des partenaires, associés en amont aux décisions et en aval à la gestion.

N'oublions pas non plus que ce projet organise le financement, non seulement de la branche maladie, mais aussi de la branche famille et de la branche retraite.

Nous attendons d'ailleurs beaucoup de ce débat, en particulier des éclaircissements sur la nouvelle gouvernance et sur la mise en _uvre de la maîtrise médicalisée ; s'agissant de la tarification à l'activité, nous souhaiterions, Monsieur le ministre, que vous répondiez à nos questions relatives à la clause de sauvegarde et que vous précisiez les moyens prévus pour cette réforme. Enfin, nous pensons qu'il serait grand temps de faire rentrer l'AP-HP dans le droit commun...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure - Très bien !

M. Jean-Luc Préel - ...et de la scinder en plusieurs établissements bénéficiant de l'autonomie de gestion. A lui seul, l'intérêt de ces quelques points suffit à justifier le rejet de la motion (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Bur - L'opposition, retrouvant sa posture favorite, prétend donc - une fois de plus - nous donner des leçons, en oubliant qu'elle a été incapable de procéder aux réformes structurelles qu'elle savait pourtant inéluctables et nécessaires.

Oui, notre sécurité sociale est malade et l'atonie de la croissance ne fait qu'accentuer les faiblesses de notre système de santé. Mais déjà vos remèdes, Monsieur Evin, avaient aggravé la situation : la réduction du temps de travail a été dévastatrice pour nos hôpitaux ! De tout cela, nous ne sortirons que si nous assumons tous nos responsabilités. Las ! Vous manquez de toute vision prospective et continuez à faire comme si l'on pouvait rembourser de mieux en mieux des soins toujours plus nombreux. Vous ne contestez certes pas la tarification à l'activité, en revendiquant même la paternité, mais vous n'êtes que le porte-voix des angoisses, bien naturelles quand il s'agit d'une réforme de cette ampleur. Pour nous, c'est à ces angoisses que nous essaierons de répondre tout au long de ce débat.

Enfin, affirmer qu'optimiser la dépense de santé en mettant en place des outils de régulation serait contraire à la Constitution est un argument fallacieux. L'UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale ont été censurées à de nombreuses reprises par le Conseil constitutionnel ces dernières années. Et quand elles ne l'étaient pas, c'est le Conseil d'Etat qui est venu faire échec à leurs dispositions. Le Gouvernement aurait donc tort de traiter par le mépris les remarques qui lui sont faites sur la constitutionnalité de ces textes. Si nous voulons un jour réformer l'assurance maladie, il faudra veiller à ne pas sous-estimer la dimension juridique, voire constitutionnelle, de la réforme.

Nous avons des observations valables à présenter sur le contexte financier de la dernière année et sur les choix que vous opérez avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il est pour le moins étrange, en effet, de laisser se creuser à ce point les déficits. Il est pour le moins étrange également de n'avoir obtenu la validation de la loi de financement pour 2003 par le Conseil constitutionnel que par l'engagement de présenter un projet de loi de finances rectificative - ce que vous n'avez d'ailleurs jamais fait...

Au-delà des seuls motifs d'inconstitutionnalité - qui ont toutes les chances d'être relevés par le Conseil constitutionnel -, nous aurions tout intérêt à nous interroger sur le sens même de notre débat, et donc à voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste et républicain votera l'exception d'irrecevabilité. Vous prétendez, Monsieur le ministre, réformer notre protection sociale à l'horizon du 1er juillet. Mais au bénéfice de qui ?

La réforme réduira-t-elle les inégalités devant la santé ? Je pense au contraire qu'elle ne fera que les aggraver. Vous ferez payer une fois encore les assurés en déremboursant les médicaments, en augmentant le forfait hospitalier et en culpabilisant les salariés - d'où la chasse aux arrêts de travail - comme les professionnels de santé.

Vous accusez les assurés de consommer trop de médicaments. Il y a deux ans, alors que vous déremboursiez des médicaments jugés insuffisamment efficaces, je vous avais demandé pourquoi, si tel était vraiment le cas, vous ne les retiriez pas plutôt du marché. Aujourd'hui, je vous rappellerai simplement qu'on ne consomme pas un médicament sans prescription et que les médicaments ne s'avalent pas comme des bonbons (Sourires.) Vous instaurez la tarification à l'activité, qui creusera les difficultés de nos hôpitaux et en particulier de ceux qui ne seront pas jugés rentables : voilà qu'on considère les hôpitaux comme des entreprises !

Et ce ne sont pas les recettes prévues qui viendront réduire de la sécurité sociale, tant elles sont faites de bric et de broc : une augmentation de taxe par-ci,, une augmentation par-là... Nous avons beau faire des propositions, jamais la question de fond du financement de notre protection sociale n'est abordée. Bref, vous laissez filer le déficit pour mieux faire accepter dans quelques mois une réforme qui aggravera les inégalités sans répondre aux véritables besoins.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure - Très bien !

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 18 heures 25, est reprise à 18 heures 35.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, de notre Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen - Y a-t-il lieu de débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Sur le plan constitutionnel, certainement, mais les engagements pris dans cet hémicycle étant souvent abandonnés, les textes sont vidés de leur sens. Les plus grands doutes sont donc autorisés sur l'utilité d'une procédure qui devrait pourtant permettre au législateur d'orienter les choix en matière de santé et de protection sociale.

C'est ainsi que, l'année dernière déjà, vous nous avez présenté un texte manifestement insincère, comme l'a confirmé depuis la commission des comptes de la sécurité sociale. Et voilà que, cette année, le même manque de sincérité transparaît dans votre projet. A cela s'ajoute que vous avez renoncé à l'engagement pris ici même de rédiger un projet rectificatif si la dérive des comptes était avérée - c'est même en raison de cet engagement que le Conseil constitutionnel a validé votre texte, l'année dernière ! Vous avez prétendu pouvoir vous en dispenser, ou plutôt le Président de la République vous a désavoué en repoussant la réforme d'un an. En ne faisant rien, le Gouvernement prend donc le risque de laisser filer les déficits : autrement dit, il signe la mort à crédit de l'assurance maladie pour des considérations électorales.

La PLFSS n'est en rien à la hauteur de la situation, qui est grave. Et à vouloir ne rien dire, il ne laisse que trop bien présager les régressions sociales programmées pour l'an prochain. En vérité, le Gouvernement s'apprête à tirer profit, dans la négociation à venir avec les acteurs du système de santé, du sinistre qu'il a lui-même provoqué par son attentisme et son irresponsabilité. Il souhaite opérer une privatisation rampante de l'assurance maladie mais, faute d'assumer sa politique, il construit son projet sur le recul continu de la protection sociale.

La gravité de la situation est d'abord d'ordre financier. Bien que les chiffres soient connus de tous, ils ne figurent pas dans les documents que l'on nous a présentés. Nulle part, il n'est dit que les besoins de financement de la sécurité sociale dépasseront 30 milliards. Trente milliards ! Deux fois, voire trois fois le plan Juppé, et deux fois le montant annoncé du projet Fillon ! Et encore ! L'an dernier, vous nous aviez annoncé un besoin de financement de 7 milliards et l'on a atteint le chiffre record de 16 milliards ! Que penser, alors, de 9 milliards de dérive annoncés pour 2003 ? Quelle est la fiabilité de vos prévisions et, partant, la réalité du contrôle que le Parlement peut exercer ?

Votre ambition est de contenir le déficit à 11 milliards, par le biais d'économies et de recettes nouvelles, dites-vous. Mais il n'en sera rien, puisque les économies sont introuvables, les recettes nouvelles hypothétiques et que vous avez sous-évalué la dérive réelle des dépenses. Vous l'avouez d'ailleurs implicitement en posant le principe du recours à l'ACOSS à hauteur de 33 milliards.

Vous avez, Monsieur le ministre, qualifié - par cynisme ou par inconscience ? - le déficit 2003 de l'assurance maladie d' « abyssal ». De quel adjectif usera-t-il en 2004 ? Votre politique mène à une impasse et pourtant, il n'y avait pas de fatalité. Ce serait, nous dites-vous, la conséquence d'une situation économique sur laquelle le Gouvernement serait sans pouvoir. Vraiment ? Que n'assumez-vous vos choix ?

Il n'était pas fatal de privilégier les baisses d'impôt en faveur des plus riches plutôt qu'un soutien à la consommation populaire affaiblie.

Il n'était pas fatal de démembrer les politiques actives de l'emploi au lieu de s'attaquer à des réformes structurelles.

Il n'était pas fatal de faire l'impasse, en novembre 2002, sur l'évidente dégradation de la conjoncture économique, et de présenter l'an dernier un PLFSS qui ne tenait aucun compte de l'environnement économique (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Il n'était pas fatal d'afficher en 2002 un PLFSS en déficit et d'envoyer ainsi un signal d'irresponsabilité à tous les acteurs de notre protection sociale, en faisant « le pari de la confiance »... sans aucune prétention !

Il n'était pas fatal, d'inciter les syndicats médicaux, comme l'ont fait M. Mattei et M. Douste-Blazy, à demander ces fameux « espaces de liberté » qui ne sont rien d'autre que la fin de l'opposabilité des tarifs de sécurité sociale.

Il n'était pas fatal de mettre la CNAM, et le Gouvernement lui-même, dans l'impossibilité de négocier une nouvelle convention avec les professionnels, voire de nouvelles avancées dans la maîtrise médicalisée. Il ne l'était pas non plus de reprendre le discours de certains laboratoires pharmaceutiques sur le prix toujours plus élevé que nous devrions payer pour bénéficier d'innovations thérapeutiques - qu'au demeurant nous souhaiterions plus nombreuses et plus sûres.

Vous avez fait le choix, idéologique, du laisser faire qui ne conduit, hélas, dans le domaine de la santé, qu'à davantage d'irresponsabilité et de gaspillages. Vous avez laissé se développer une situation d'une incroyable gravité. Et si la proximité d'échéances électorales, qui mine si souvent l'esprit de réforme, vous amène à reporter d'un an l'aveu de l'échec criant de votre politique, vous auriez tort de croire que les Français seront dupes. Nos concitoyens devront non seulement supporter le coût des mesures de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale - plus d'un milliard d'euros est mis à la charge des assurés -, mais aussi, dès septembre prochain, régler les trente milliards d'euros de dettes accumulées depuis 2002, dont le coût financier représentera à lui seul plus de 800 millions cette année. Et sans doute ne manquerez-vous pas d'en appeler l'an prochain à leur « sens de la responsabilité » en leur présentant une troisième facture, celle des dérives, d'ores et déjà programmées, pour 2005, selon toute vraisemblance, plus de 15 milliards d'euros.

Dans la logique de fuite en avant qui caractérise l'action de ce gouvernement, il sera toujours loisible, me direz-vous, d'« d'immortaliser » la CRDS et de demander à nos petits-enfants de payer l'absence de courage d'une majorité qui n'a pourtant jamais eu autant de pouvoir, comme l'a rappelé récemment un de vos amis, M. Bayrou...(Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Ne vous en déplaise, cela est bien vrai.

La situation financière de notre protection sociale n'est pas la seule raison de notre inquiétude et de notre mécontentement. Notre pays a vécu cet été une catastrophe sanitaire sans égale depuis longtemps. Or, aucune mesure de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, pas plus que du texte relatif à la santé publique, examiné début octobre, n'en tire les leçons et n'est de nature à rassurer nos concitoyens. Il était urgent, nous disait-on en septembre, de constituer une mission d'information parlementaire sur le sujet, de sorte que ses propositions puissent être intégrées à ces deux textes. Hélas, rien ou si peu a suivi, si ce n'est quelques déclarations, précipitées, contradictoires et floues, sur la suppression du lundi de Pentecôte, dont je ne commenterai ni les effets sociaux ni les effets économiques, vraisemblablement désastreux, mais qui, de toute façon, n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Chacun a bien compris que 2004 sera une année de coupes claires dans le budget de l'Etat et de la sécurité sociale, et que tout le reste n'est que paroles, ce qui accroît d'ailleurs la méfiance de nos concitoyens comme des professionnels.

Je suggère donc au Gouvernement de revenir sur les mesures prises l'an passé concernant l'APA et de poursuivre la médicalisation des maisons de retraite, qu'il a mise à mal. Il est urgent qu'il donne quelque crédit à sa prétendue politique en faveur des personnes âgées. Nous ne croyons pas, pour notre part, que les émissions télévisées d'un service public toujours prêt à servir les puissants... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Ridicule !

M. Jean-Marie Le Guen - ...les émissions, disais-je, où sont invitées de hauts personnages de l'Etat pour faire appel à la charité peuvent suffire (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous n'empêcherez pas que les Français, en particulier les personnes âgées, aient été choqués par le silence du Président de la République cet été... d'autant qu'ils ont été habitués à une politique de communication parfois autrement dynamique, avec l'opération « Pièces jaunes » par exemple ! Bref, l'émission de télévision à laquelle je faisais allusion faisait un peu exercice de compassion de rattrapage... (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP)

Nous aurions pu espérer que le Gouvernement tirerait de la catastrophe de cet été la conclusion que la santé publique mérite une attention particulière et qu'il est dangereux d'en oublier les objectifs. Or, votre texte sur la santé publique, Monsieur le ministre, qui aurait dû nous rassembler, a beaucoup déçu, dans l'opposition mais aussi dans la majorité. Oubliée, la lutte contre l'alcoolisme ! Oubliée, ou plus exactement confiée au ministre chargé du commerce, la lutte contre l'épidémie d'obésité - ce qui nous rassure, vous l'aurez compris ! Oubliée aussi, la lutte contre la toxicomanie, quoique pas tout à fait, puisqu'elle est confiée au ministre de l'intérieur - ce qui là nous inquiète franchement ! Ces choix, dont je ne veux pas croire, Monsieur le ministre, qu'ils sont les vôtres, sont le signe d'un affaiblissement du ministère de la santé. Ce sont des choix collectifs du Gouvernement, soutenus par une majorité qui, tout à sa vision libérale de la protection sociale, n'hésite pas à théoriser sur petit risque et gros risque, sans parler de ses dérapages concernant la pratique du ski...

Enfermés dans une logique libérale, vous ne pensez qu'à démanteler la protection sociale. Mais vous êtes aussi hantés, véritablement traumatisés, par le souvenir de la réforme Juppé. Et cela vous empêche de tenir aux professionnels de santé un discours rationnel. Culpabilisés, vous êtes incapables de les appeler à la mobilisation et à l'effort pour parvenir à un véritable contrat de progrès avec eux. Vous avez tort de ne les voir qu'à travers le prisme déformant qu'en donne une minorité exaltée qui n'a jamais vraiment accepté l'idée de la sécurité sociale et est prête à se jeter, dût-elle déchanter rapidement, dans les bras des assureurs privés. La majorité des professionnels de santé connaît une situation difficile qui tient notamment au bouleversement de leurs conditions d'exercice. L'un des enjeux de la réforme à engager sera de moderniser cet exercice en concertation avec eux. Mais rien ne sera possible si l'on n'a pas le courage de leur tenir un langage de vérité, bien éloigné de celui que vous leur avez tenu pendant la campagne électorale bien sûr, mais aussi ces dix-huit derniers mois. Toujours prompts à satisfaire les plus extrémistes des professionnels de santé, vous êtes incapables de dialoguer sereinement avec l'ensemble d'entre eux, et cela vous conduit à différer les réformes pourtant indispensables. Impuissance politique que vous tentez de masquer par un discours mystificateur.

Vous dites, Monsieur le ministre, ne vouloir ni étatiser ni privatiser la sécurité sociale Or, vous faites tout le contraire puisque la politique du Gouvernement, c'est à la fois étatisation et privatisation.

Privatisation, il n'y a pas de doute, même si cela ne se voit pas encore partout. Transférer sur les assurés le coût de leurs soins, n'est-ce pas privatiser ? Libre à eux de s'assurer dans le privé ou de payer des cotisations d'assurance complémentaire toujours plus élevées, 20 % en moyenne de plus depuis l'arrivée du gouvernement Raffarin ! Déremboursement de certains médicaments, diminution du taux de remboursement d'autres, mise du TFR à la charge des patients, augmentation du forfait hospitalier..., la liste est longue et, hélas, non exhaustive, des transferts massifs opérés sur le dos des assurés.

Mais la logique de privatisation est aussi à l'_uvre à l'hôpital, qui sera sous-financé en 2004. La tarification à l'activité, dont le principe n'est pas mauvais, mais qui risque d'être utilisée pour faire converger public et privé, porte en germe la privatisation du secteur hospitalier, plus exactement de ses activités les plus rentables. De même, les organisations syndicales comme les gestionnaires de l'assurance maladie et de la sécurité sociale se sont, à juste titre, émus de la création d'une cinquième branche, séparée de la sécurité sociale, chargée de tous les problèmes liés à la dépendance et au handicap, ainsi que d'un ONDAM personnes âgées. Toutes ces initiatives visent à distinguer entre les risques, ce qui est contraire à la solidarité qui fonde notre système actuel mais aussi à l'efficacité de notre système de soins.

A entendre les discours des principaux responsables de la majorité, 2004 sera bien l'année de la promotion de la privatisation. Or celle-ci peut signifier, pour les plus fragiles de nos concitoyens, le renoncement aux soins.

Paradoxalement, dans le domaine de la santé, privatisation et étatisation, loin de s'opposer, se complètent. Dans les pays comme les Etats-Unis où un système d'assurance privée a été privilégié, celui-ci assure sa rentabilité en se défaussant sur l'Etat d'une offre de soins minimale destinée aux plus pauvres et aux plus âgés. A l'inverse, dans les systèmes étatisés à l'origine, tel le système britannique, le rationnement, même modéré, qu'implique la budgétisation entraîne le développement d'un secteur privé pour satisfaire la demande des plus favorisés.

L'étatisation ne fait donc pas peur aux libéraux. Le Medef a d'ailleurs fait des déclarations solennelles à ce sujet. On ne s'étonnera pas non plus de l'exaltation du rôle de l'Etat dans la loi de santé publique. Le Président de la République, au congrès de la mutualité à Toulouse, semblait avoir mis un frein à cette logique, mais il est permis de parler de mystification.

Mystification encore, l'annonce répétée de mesures exceptionnelles. Plan cancer, plan Hôpital 2007, plan pour la périnatalité, plan pour la psychiatrie... Je ne peux pas tenir à jour la liste de vos promesses ! Parmi elles, seul le plan Hôpital 2007 a un début de financement, mais parce que l'Etat se décharge sur la sécurité sociale ! L'ONDAM hospitalier est déjà insuffisant pour assurer le fonctionnement de nos hôpitaux à structure constante.

Mystification également, le discours sur la « responsabilité ». Le principe de responsabilité n'est pas critiquable, à condition toutefois qu'il s'applique équitablement à tous les acteurs, et non pas seulement aux patients !

Or, sur 1,2 milliard d'économies, les assurés supporteront plus d'un milliard. Ils verront en conséquence leurs cotisations d'assurance complémentaire augmenter de plus de 1 %. Les plus pauvres seront particulièrement touchés par la hausse de 20 % du forfait hospitalier et la fin de la gratuité des soins postopératoires. Outre les 50 000 bénéficiaires de l'aide médicale, les premiers pénalisés seront ceux qui se trouvent juste au-dessus du seuil de la CMU : l'effet de seuil que vous critiquiez tant hier va se transformer en effet de gouffre !

Le fait que les bénéficiaires de l'AME risquent, faute de prise en charge, de renoncer aux soins représente un danger non seulement pour eux-mêmes mais pour leur environnement. L'appareil sanitaire français n'a-t-il pas vocation à soigner tous les malades qui sont présents sur notre sol ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Il est faux de prétendre, comme l'a fait M. Fillon, que les bénéficiaires de l'AME auraient en quelque sorte des droits supérieurs à ceux des Français. Avancer cet argument fallacieux est politiquement irresponsable, quand on sait que certains extrémistes vont imputer le déficit de la sécurité sociale aux étrangers en situation irrégulière.

La recherche de fausses économies se traduit entre autres par la stigmatisation de l'homéopathie. L'économie espérée - 70 millions - est franchement dérisoire et risque d'être annulée par des reports sur d'autres produits plus coûteux. Vous prenez cette mesure non pour des raisons scientifiques - vous ne faites d'ailleurs que diminuer le remboursement, sans le supprimer - mais pour des raisons financières.

Quelques mots sur deux mesures-phares de votre projet, concernant, d'une part, les affections de longue durée et, d'autre part, les indemnités journalières.

Pour ce qui est de l'ALD, vous limitez l'exonération du ticket modérateur dont bénéficient les malades les plus gravement atteints. Certes, il faut revoir le dispositif, mais une dynamique de gestion des risques par pathologie permettrait de rationaliser la prise en charge de ces patients. Or, vous adoptez une politique de sanctions qui n'est pas appropriée et se révélera, de surcroît, impraticable. Votre rapporteur l'a lui-même reconnu puisqu'il a déposé un amendement - qui va malheureusement dans le sens de l'étatisation plutôt que du dialogue.

Quant aux indemnités journalières, la progression de leur volume, dénoncée par la Cour des comptes, est symptomatique d'un mal plus profond, signe des carences de la politique sociale de ce gouvernement.

M. Yves Bur - Elles avaient augmenté avant nous !

M. Jean-Marie Le Guen - Certes, mais la disparition des mesures de préretraite et la précarisation des salariés de plus de 50 ans - qui accomplissent des tâches pénibles et ont, à ce titre, une espérance de vie moindre - sont autant de données qui, ajoutées aux conditions de licenciement, aux cadences de travail et au stress face au risque du chômage, aggravent l'état de santé de ces travailleurs et expliquent donc la fréquence accrue des congés de maladie.

Plutôt que d'accabler les médecins et les salariés, le Gouvernement devrait s'interroger sur les causes de cette tension et prendre des mesures adaptées. Dès maintenant, il devrait organiser une conférence tripartite avec les partenaires sociaux et le Medef sur l'emploi et les conditions de travail des plus de 50 ans, et traiter dans ce cadre la question des indemnités journalières. Tel est le sens de l'un de nos amendements.

Par ailleurs, alors que nous venons de vivre le drame de la canicule, votre texte ne comporte aucune mesure en direction des personnes âgées. Mais vous allez sans doute nous répondre qu'un plan sera prochainement annoncé...

Concernant l'hôpital, on ne voit rien venir sur la réforme de la gouvernance. Vous espérez, Monsieur le ministre, que la majorité et l'opposition coopéreront, mais voilà plus de huit mois que notre collègue Couanau vous a remis un rapport, que nous avons approuvé, et dont vous n'avez rien fait ! A tergiverser ainsi, vous allez désespérer les meilleurs volontés. S'agissant de la TAA, pourquoi prendre dix ans pour mener cette réforme à bien ? Parce que vous voulez faire converger les méthodes de tarification du public et du privé, alors que chacune suit sa propre logique, et qu'il n'est pas souhaitable de mettre en concurrence le public et le privé.

S'agissant du volet famille, vous voulez faire croire à l'instauration d'une nouvelle prime de croissance de 800 €, alors qu'il ne s'agit que de fusionner les cinq mensualités existantes de l'allocation du jeune enfant. De même, la PAJE n'est qu'un changement d'habillage des prestations actuelles.

Quant aux retraites, Mme Paulette Guinchard-Kunstler a déjà tout dit.

Je conclurai en vous présentant nos propositions.

M. Richard Mallié - Il serait temps !

M. Jean-Luc Préel - Cela risque de durer longtemps...

M. Jean-Marie Le Guen - Vous avez décidé de réformer l'assurance maladie et notre système de santé, et nous veillerons à ce que cette réforme aille dans le bon sens.

M. Daubresse remplace M. Baroin au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

M. Jean-Marie Le Guen - Nous n'entendons pas rester absents de ce débat. Nous sommes conscients des faiblesses et des difficultés de notre système de santé, et nous voulons formuler des propositions concrètes, à même de garantir un haut niveau de protection sociale et d'asseoir la légitimité des prélèvements qui financent celle-ci.

M. Yves Bur - Nous sommes d'accord !

M. Jean-Marie Le Guen - Peut-être, mais vous gâchez les occasions qui s'offrent à vous, parce que vous menez une politique de déremboursement, parce que vous culpabilisez les Français, parce que votre politique n'est pas cohérente. Comment prétendre lutter contre l'obésité et promouvoir le sport chez les jeunes, si vous ne remboursez plus les visites médicales préalables ? Est-ce cohérent avec vos discours en faveur de la prévention ? Nous attendons avec impatience les arguments théoriques que vous mobiliserez à l'appui de ces mesures mesquines et consternantes...

Parce que nous nous sentons comptables de la santé de nos concitoyens, nous ferons des propositions. Celles-ci tourneront d'abord autour de la notion de santé durable qui, à notre sens, englobe et dépasse celle de santé publique. On ne peut raisonner uniquement en termes de soins et de prévention, il faut concevoir le développement de notre système de santé dans le cadre du développement durable : je vous renvoie sur ces points au propos que j'ai tenu lors de la discussion du projet relatif à la santé publique.

Il faut refuser de culpabiliser les assurés, mais nous ne pensons pas pour autant que notre système de santé fonctionne bien et que la seule difficulté consisterait à trouver les ressources lui permettant de perdurer. Pour nous, le droit à la santé n'est pas plus le droit de consommer du soin que la pénalisation des malades n'est une forme d'éducation à la santé. Nous mettons au-dessus de tout le principe de qualité, qui doit guider nos efforts de réforme. En effet, c'est la désorganisation de notre système de soins qui explique tout à la fois l'inflation des actes, le désenchantement des professionnels et l'insatisfaction croissante des patients. La recherche de la qualité, par la circulation des informations, par la coordination des soins, par la professionnalisation accrue qu'elle implique, est seule de nature à rendre plus efficient notre système de soins. C'est pourquoi nous proposerons des amendements en faveur d'une nouvelle approche, où l'on ne présupposerait plus la qualité comme si elle était suffisamment garantie par la compétence des professionnels, par leurs diplômes ou par leur bonne volonté.

Il ne suffit pas non plus d'évaluer a posteriori comme nous avons essayé de le faire les uns et les autres pendant des années : la qualité doit prévaloir sur toutes les autres considérations. Aux Etats-Unis, dont le système n'est pas fondamentalement éloigné du nôtre, 45 % des patients chroniques reçoivent des soins inappropriés ; chaque année, 125 000 personnes meurent de n'avoir pas observé les prescriptions et les erreurs médicamenteuses coûtent 177 milliards de dollars ! Je tire ces chiffres des actes d'une conférence qui s'est réunie cet été à la Harvard Medical School, avec la participation de l'Académie nationale de médecine, et je vous soumets la conclusion d'un des intervenants : « Plutôt que de penser que notre système de soins est fondamentalement bon et cependant générateur d'erreurs, nous devrions penser que tout système produit des résultats inhérents à sa conception ; si nous voulons des soins sans erreur, nous devons concevoir un système capable de protéger contre l'erreur. » Telle est la question de principe : si nous ne donnons pas la priorité absolue à la qualité, rien ne bougera !

La maîtrise est nécessaire mais en parler ne suffit pas à mobiliser. Elle ne peut résulter que d'une amélioration de l'organisation de notre système - c'est en tout cas la leçon que nous tirons de notre expérience - et si, comme à votre habitude, vous vous exclamez : « Mais qu'avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ? »...

M. Jean-Luc Préel - Très bonne question !

M. Jean-Marie Le Guen - ..., je vous répondrai que, pendant ces cinq ans, nous avons appliqué la réforme Juppé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), que vous n'étiez pas les seuls à la juger excellente. Mais cette maîtrise par enveloppes ne s'est pas traduite par une maîtrise des dépenses, ni n'a abouti à la réforme attendue. Il faut en tirer les conclusions. Selon vous, il en ressortirait que cette maîtrise exige un transfert vers les assurances privées complémentaires. Nous, nous ne pensons pas que cet abaissement de la protection sociale obligatoire soit la bonne : on peut certes améliorer les mécanismes d'assurance, mais ce n'est pas en les réformant qu'on parviendra à éliminer les gabegies et à maîtriser enfin les dépenses. Ce résultat ne peut être acquis qu'en modernisant notre système pour le soumettre à l'exigence de qualité.

C'est dans cet esprit que nous militons pour la création d'une Agence nationale de la qualité hospitalière, présente dans tous les établissements hospitaliers de quelque importance mais indépendante de leur direction. Elle aurait pour mission de vérifier que les conditions concrètes sont réunies pour des soins de qualité et que les moindres incidents nosocomiaux donnent lieu à une étude de leurs causes et à un traitement.

S'agissant de la médecine de ville, vous avez demandé à plusieurs reprises à l'ANAES de se porter à la fois caution scientifique et caution de l'efficience. Dans nos amendements, nous vous proposerons de distinguer les deux domaines, de même que, pour le médicament, on distingue l'expertise scientifique, qui relève de l'AFSAPS, l'expertise économique, qui relève du comité économique du médicament, et l'étude de l'efficience sociale, qui relève de la commission de la transparence. On ne peut demander à l'ANAES de se prononcer sur l'efficience, il faut qu'elle se consacre à l'expertise des soins et des références médicales opposables. La confusion des concepts ne peut qu'être dommageable.

Cette exigence de qualité vaut aussi pour le médicament. Trop souvent, les promesses d'effets mirifiques sont démenties au bout de quelques mois : c'est ce qui vient de se passer avec le THS...

M. le Ministre - Aviez-vous demandé une évaluation post-AMM ? Non. Nous, nous l'avons fait.

M. Jean-Marie Le Guen - Soit, mais je ne vous ai pas entendu en parler alors que les résultats scientifiques sont connus aux Etats-Unis depuis août. Il est vrai qu'en août, vous aviez autre chose à faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - Honteux !

M. Jean-Marie Le Guen - Tout cela suppose un développement sans précédent des réseaux et des références médicales opposables. Pour la médecine ambulatoire, cela implique aussi une information médicale enfin indépendante de l'industrie pharmaceutique, car la qualité ne va pas sans la formation. Or, depuis deux ans, il y a recul.

Des changements de culture sont donc indispensables. Nous avons peut-être manqué d'audace par le passé, mais nous sommes prêts à vous soutenir chaque fois que vous proposerez de renforcer l'évaluation et l'information, de donner plus de poids aux références opposables ou de donner priorité à la qualité dans les hôpitaux. En revanche, si vous nous demandez de cautionner une régression de la protection sociale ou des privatisations partielles, ne comptez pas sur nous !

L'importance qu'ont les questions de santé pour les Français nous oblige à développer des pratiques de responsabilité, des pratiques démocratiques. Le temps n'est plus où la santé pouvait être gérée d'en haut, il faut donc responsabiliser le patient, l'assuré, le citoyen. C'est ce qu'avait commencé à faire Bernard Kouchner avec la loi sur les droits des malades, et c'est à quoi nous devons continuer de nous employer, en repensant l'articulation entre demande individuelle et système collectif. Il faut que les malades soient davantage présents partout où s'élabore la politique de santé : le droit à la santé ne peut s'entendre comme un droit illimité à consommer des soins.

Il faut donc contractualiser les rapports entre l'individu et sa protection sociale, sans recul de la sécurité collective, par exemple en améliorant la prise en charge de celui qui accepte de s'inscrire dans une stratégie de soins coordonnée. Ces expériences, le gouvernement précédent les a tentées : l'opposition d'alors n'a pas eu de mots assez durs pour condamner, entre autres, l'idée du médecin référent. Or, comment traiter les ALD sans passer par le médecin référent ? Mais c'était, disiez-vous, une atteinte à la liberté de choix du malade !

Choisissons donc de faire vivre une démocratie participative. Pas plus que nous ne jugeons la situation actuelle fatale, nous ne croyons que l'on pourra faire l'économie de l'audace, de l'imagination et de l'appel à l'effort de tous.

J'ai expliqué les raisons de notre déception, de notre difficulté à porter un jugement sur un projet qui demeure à bien des égards à côté du sujet, et de notre inquiétude face à une réforme qui ne fera que reculer au lieu de mobiliser. Nous avons essayé de tracer des pistes de réforme. La réforme de notre système de santé est l'un des grands chantiers sur lesquels nos concitoyens nous attendent. Cela devrait nous inciter à avancer. Ce n'est malheureusement pas ce que fait votre texte. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Domergue - Quand vous avez fait référence au système de santé américain pour expliquer les difficultés du nôtre, j'ai craint un instant que vous ne nous le proposiez comme modèle...

Vous auriez pu commencer par votre conclusion, qui ne proposait aucune idée novatrice. Vous souhaitez réformer l'assurance maladie ; nous voulons la sauver. Vous défendez le principe de la santé publique ; nous avons voté, et c'est nouveau, une loi de santé publique. Vous revendiquez le droit à la santé : qui, mieux que nous, peut l'assurer ?

Vous vous emballez sur la « qualité ». Mais à l'heure où les 35 heures (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) aboutissent à dégrader la qualité du service médical rendu en milieu hospitalier, vous êtes bien mal placés pour la défendre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Néri - Et pourquoi ne pas accuser les 40 heures et les congés payés ?

M. Jacques Domergue - Sur la méthode aussi, nous différons. Si le ministre était arrivé avec un texte bouclé d'avance pour vous proposer une réforme de l'assurance maladie, vous auriez poussé les hauts cris et exigé une concertation. Il vous propose une réforme dans quelques mois et des mesures de transition dans ce PLFSS.

Il s'agit avant tout de juguler l'augmentation des déficits. 3 milliards d'euros d'économies, ce n'est peut-être pas grand-chose. Mais nous payons le prix des 35 heures !

Nous essayons d'augmenter les ressources en accroissant la fiscalité sur le tabac et de diminuer les dépenses en remboursant les médicaments sur la base d'une notion scientifique, le service médical rendu.

Ce texte pose les jalons de la réforme.

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Il a raison !

M. Jacques Domergue - Il est axé sur la responsabilisation et une démarche progressive, deux impératifs pour construire un nouveau système de santé fondé sur un véritable partenariat entre l'Etat et l'assurance maladie. Le groupe UMP votera donc contre la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Bacquet - Vous nous annonciez l'année dernière un PLFSS 2004 « exigeant et difficile ». Vous n'avez cessé de nous dire que vous alliez réformer, déclarant même à la revue Le Généraliste : « J'ai décidé de remettre de l'ordre dans la maison ». Le 9 octobre dernier, vous affirmiez miser sur « le dialogue, la confiance retrouvée et la responsabilité partagée ». Vous aviez du reste proclamé très modestement ici même, le 13 mars : « Sur la santé publique, tout reste à faire et nous le ferons ». Quelle méthode, et quel résultat ! Vous qualifiez vous-même votre déficit d'abyssal, mais ne proposez que des mesurettes, choisissant librement de laisser filer les déficits !

Lors de la discussion du PLFSS 2000, vous déclariez : « on a le sentiment que croissance rime avec providence, mais aussi avec imprudence ». Vous ne pourriez mieux qualifier votre politique ! Pendant cinq ans, la gauche s'est battue pour la croissance, contre le chômage, pour la consommation, en multipliant les emplois aidés pour sortir nos concitoyens de l'inaction et du désespoir. Après avoir cassé la croissance, vous misez sur son retour pour réduire les déficits : quelle imprudence, disiez-vous, de miser sur la providence !

Je lisais dans une revue médicale que vous preniez des mesures pour garantir l'accès aux soins. Les atteintes à l'APA, l'augmentation du forfait hospitalier, le déremboursement des médicaments et, demain, l'extension du délai de carence pour les indemnités journalières sont-elles des mesures en faveur de l'accès aux soins ? Peut-être, mais d'un accès sélectif, en fonction des revenus. Ce n'est pas notre conception d'une santé publique fondée sur la solidarité nationale.

Votre projet hésite entre « mini » et « maxi ». « Mini » la réformette, « mini » votre ambition de stabiliser le déficit à 10,9 milliards, « mini » le courage politique face aux urgences de santé publique ! « Maxi », les déficits, « maxi » les déclarations sans lendemain, « maxi » le bilan dramatique d'une canicule que vous avez trop longtemps ignorée, « maxi » les déremboursements », « maxi », la réduction de la prise en charge des soins postopératoires, « maxi » la dénaturation de l'ALD, « maxi » l'exclusion des plus faibles, « maxi » les atteintes aux droits sociaux, « maxi » la fuite et le report des mesures impopulaires au lendemain, « maxi » les risques de démolition de la solidarité nationale.

On peut bien le dire puisque c'est vous-même qui l'avez dit : vous n'avez fait que colmater, vous avez singulièrement manqué de génie dans ce projet de loi de financement. Connaissant la sévérité dont vous faisiez montre dans l'opposition, je crois vraiment que vous ne le voteriez pas. Aussi appelons-nous l'Assemblée à adopter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président de la commission - La commission se réunira au titre de l'article 88 à 21 heures 15.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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