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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 19ème jour de séance, 48ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 4 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      DÉFENSE (suite) 2

      QUESTIONS 35

      ART. 46 39

      ART. 47 40

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 5 NOVEMBRE 2003 42

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - M. le Président du Conseil constitutionnel informe l'Assemblée qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés, d'une part, et plus de soixante sénateurs, d'autre part, ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

DÉFENSE (suite)

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la dissuasion nucléaire - Le débat sur la dissuasion nucléaire s'est récemment développé. Il faut évaluer avec sérieux les menaces qui pèsent sur la nation. La prolifération des armes de destruction massive associée à l'affaiblissement des instruments juridiques internationaux de désarmement peuvent susciter l'inquiétude. Aucune grande puissance nucléaire n'a renoncé à son arsenal de dissuasion et les capacités sont certes en cours de réduction, mais aussi de modernisation. Par ailleurs, de nombreux Etats ont accédé depuis peu aux armes nucléaires, et les tentatives des autres pour y parvenir ne se démentent pas.

Face à ces évolutions, la doctrine de dissuasion a été adaptée. Lors de son discours du 8 juin 2001 devant l'IHEDN, le Président de la République a souligné qu'elle ne se résumait plus à une dissuasion du faible au fort. Il n'est pas exclu que des puissances régionales puissent menacer nos intérêts vitaux. Dans un tel cas, disait-il, « le choix ne serait pas entre l'anéantissement complet d'un pays et l'inaction. Les dommages auxquels s'exposerait un éventuel agresseur s'exerceraient en priorité sur ses centres de pouvoir, politique, économique et militaire ». Tout en restant dans le cadre de la doctrine du non-emploi, il s'agit d'adapter notre réponse à l'importance du conflit. L'arsenal nucléaire doit être crédible en toutes circonstances. Depuis 1995, des investissements considérables sont réalisés, qui doivent assurer cette crédibilité au moins jusqu'en 2040.

Après les fortes augmentations de 2002 et 2003, les crédits de la dissuasion connaissent un net ralentissement. Ils se montent à 3,11 milliards en crédits de paiement, soit une augmentation de 5 %, contre 11,7 % en 2003. La part de la dissuasion nucléaire dans le budget d'investissement de la défense ne représente donc plus que 20,9 %, et elle devrait s'établir en moyenne à 19,2 % sur la durée de la loi de programmation militaire. Cette décrue régulière devrait se prolonger au-delà, avec l'achèvement progressif des principaux programmes à l'horizon 2010.

A ce propos, la construction du Vigilant respecte le calendrier prévu. La première sortie en mer est prévue pour décembre prochain et l'admission au service actif pour novembre 2004. Les autorisations de programme consacrées au M 51 augmentent de 268 %, en raison de la commande d'un premier lot de missiles. Ce programme est entré dans une phase active d'essais techniques. Le programme ASMP-A se déroule normalement et la dernière tranche de développement a été notifiée. Quant au programme de simulation, il se déroule conformément au calendrier prévu. Cette aventure industrielle et scientifique de très haut niveau place la France au premier rang mondial avec les Etats-Unis : félicitations à ses équipes de chercheurs.

Quelles peuvent être les évolutions de cet ensemble technique et doctrinal ? Le choix de s'engager définitivement dans la voie des armes robustes n'est pas en soi le signe d'une glaciation technologique. Il n'interdit pas toute évolution. Sous réserve de quelques adaptations de l'outil de simulation, il sera possible de répondre à l'avenir aux besoins tout en restant dans le même concept d'armes. En matière de défense antimissile, la priorité va à la protection des forces déployées en opérations extérieures contre la menace de missiles de portée inférieure à 600 km. Compte tenu de son coût, ce programme de défense de théâtre ne pourra être mené à bien que dans le cadre de partenariats plus larges. Ses évolutions vers une capacité de lutte contre des menaces balistiques de longue portée en dépendront également. Dès lors, il conviendra de s'interroger sur le lancement de recherches en matière d'interception exo atmosphérique, qui contribueraient également au maintien des compétences nécessaires pour l'avenir de notre dissuasion nucléaire.

La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la dissuasion nucléaire pour 2004. C'est un bon budget qui respecte la loi de programmation. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'espace, les communications et le renseignement - L'espace, les communications et le renseignement forment le système nerveux des actions militaires. Ces domaines sont étroitement liés et forment le système de forces « commandement, communications, conduite des opérations et renseignement » C3R. L'élément fédérateur de cet ensemble est indéniablement l'espace, auquel la France consacre un budget important. Notre pays est le premier investisseur européen en la matière, avec 402 millions en crédits de paiement et 333 millions en autorisations de programme.

La maîtrise de l'espace est désormais indispensable. Elle conditionne les stratégies, les méthodes de combat et même les rapports de force. Entre les satellites d'observation et de télécommunications et les satellites de navigation, indispensables pour l'usage de missiles de croisière ou de bombes guidées, il n'existe quasiment plus de cas où les forces armées puissent faire abstraction des équipements spatiaux. Il n'est pas excessif de dire que la dimension spatiale a transcendé l'art militaire.

Face à un enjeu aussi stratégique, l'effort de la France doit se poursuivre. Son autonomie de décision et son ambition de devenir nation-cadre en dépendent. De ce point de vue, le projet de loi est satisfaisant. Il permet la mise en orbite des premiers satellites de télécommunications et d'observation optique de nouvelle génération Syracuse III-A et Hélios II-A. Contrairement à ce que disait M. Quilès, les moyens de nos armées et de nos services de renseignement seront améliorés, notamment en matière de transmission de données et d'imagerie satellitaire. Par ailleurs, les moyens de commandement et de conduite des opérations au niveau tactique sont modernisés, à travers le système interarmées SICA. Je pense néanmoins que les investissements consacrés aux moyens de transmission automatique de données, et notamment à la liaison 16, doivent être renforcés.

Le secteur clé du renseignement n'est pas oublié, contrairement à ce qui a également été dit : outre le lancement d'Hélios II, 18 drones Sperwer pour l'armée de terre et 3 drones de moyenne altitude longue endurance Eagle pour l'armée de l'air doivent être mis en service. Ce n'est qu'une première étape, en attendant les 40 drones tactiques multicapteurs-multimissions qui seront livrés à partir de 2008 et les 12 nouveaux drones MALE, commandés en 2009.

Je me réjouis, Madame la ministre, que vous ayez décidé d'engager un programme complémentaire de démonstrateur d'unmanned combat aerial vehicle. Il conduira à l'évaluation d'un nouveau drone de combat en situation opérationnelle dès 2009 et permettra ainsi d'éviter que la France et l'Europe ne se laissent distancer dans ces technologies. Il serait opportun de réfléchir aussi à un programme de drone volant à haute altitude avec une longue endurance. Une coopération avec les Allemands, qui ne cachent pas leur très vif intérêt pour le Global Hawk, doit-elle être exclue ?

Tous ces équipements ne peuvent se substituer aux moyens humains pour la collecte et le traitement de l'information. En la matière, les dotations restent satisfaisantes sans toutefois correspondre intégralement aux besoins. Les crédits consacrés à la direction générale de la sécurité extérieure, à la direction du renseignement militaire et à la direction de la protection et de la sécurité de la défense devraient augmenter de 1,5 % au titre III et diminuer de 12 % au titre V. Cette baisse est essentiellement relative aux dépenses d'infrastructures de la DGSE, et non aux équipements.

La course aux nouvelles technologies constitue un défi de taille et les services de renseignement doivent absolument disposer des moyens nécessaires pour le relever. Les effectifs de la DGSE augmentent de 47 postes, mais il est indispensable de renforcer cet effort à l'avenir, car la part de l'humain dans le renseignement est essentielle. Ceci n'exclut pas une réflexion sur le contour des missions, et donc un éventuel redéploiement du personnel. Cependant, ce ne serait qu'un pis aller et non une politique responsable, alors que la menace terroriste s'est globalisée et que les foyers d'instabilité grave se multiplient. Nos services de renseignement devront passer d'une logique de moyens à une logique de besoin de renseignement et s'organiser en pôles de compétences, afin de mutualiser les investissements et les équipements.

Des défis tout aussi importants sont à relever pour l'espace. Ainsi, le lanceur Ariane V subit une concurrence très importante alors que le marché est encore convalescent : un retour au niveau antérieur n'est pas escompté avant 2005 pour les satellites de télécommunications et 2008 pour les satellites institutionnels.

Nous nous réjouissons que le Conseil ministériel de l'agence spatiale européenne ait débloqué 960 millions pour la période 2005-2009 afin d'améliorer la fiabilité technique et financière d'Ariane V, et que le budget de la phase de développement et de validation du programme Galileo, financé à parts égales par l'ESA et l'Union européenne, ait été voté, ce qui a mis fin à deux ans d'atermoiements. Il était temps que l'Europe réagisse ! Sous l'impulsion de la France, c'est désormais chose faite et nous vous en félicitons, Madame la Ministre, même si de nombreux autres ajustements seront nécessaires. Je suis persuadé que le secteur des satellites n'échappera pas à une rationalisation, soit par rapprochement entre Alcatel Space, EADS-Astrium et Alenia Spazio, soit par des coopérations avec d'autres industriels, notamment russes. Je suis convaincu, comme vous, que l'avenir de l'espace militaire, se jouera à l'échelle européenne. Certes, beaucoup de chemin reste à parcourir, mais des progrès ont déjà été obtenus dans le cadre de la Convention sur l'avenir de l'Union, avec l'inscription de l'espace parmi les politiques de l'Union. Le Livre vert sur la politique spatiale de la Commission pose aussi les bonnes questions.

Encore faut-il que les Etats membres souhaitent avancer. Les Etats européens privilégient encore l'exploitation en commun de leurs équipements, mais il faudra bien qu'ils finissent par s'entendre pour aller vers un système spatial complet, dont le coût annuel n'excéderait pas 700 millions d'euros, soit le tiers de leur contribution à l'ESA.

Le plan d'action européen sur les capacités incite à l'optimisme. Un groupe d'action, présidé par la France, est chargé de formuler des propositions en matière d'équipements spatiaux pour permettre à l'Union de conduire des missions de Petersberg. Il pourrait déboucher, à terme, sur des coopérations structurées dans le domaine spatial.

La France, dans cette dynamique, a un rôle important à jouer. C'est en tout cas la volonté que vous avez affichée, Madame le Ministre, avec votre collègue ministre de la recherche. Notre Assemblée ne peut que vous soutenir dans cette démarche, en adoptant ce budget, qui sera un atout dans la construction de l'Europe spatiale de la défense.

Un mot, enfin, de la part substantielle réservée dans ce budget à la recherche et à la technologie. Il faut absolument que les crédits consacrés aux recherches amont et aux démonstrateurs technologiques soient préservés.

Conformément à ma recommandation, la commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'espace, des communications et du renseignement pour 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les forces terrestres - Ce budget est en parfaite adéquation avec la loi de programmation militaire.

Le titre III traduit la continuité de l'effort entrepris pour consolider l'armée professionnelle. La professionnalisation a conduit l'armée de terre, depuis 1997, à créer chaque année 5 900 postes nouveaux de militaires du rang. Compte tenu du remplacement des engagés dont les contrats arrivent à échéance, ce sont même 10 000 à 12 000 soldats qui ont été recrutés annuellement. Si le nombre de candidatures spontanées reste à un niveau satisfaisant, celui des candidats jugés aptes diminue. De même, le déficit en sous-officiers continue à se creuser, notamment en raison de l'attractivité du secteur civil. Pour y mettre un terme, l'armée de terre prévoit d'embaucher 3 850 sous-officiers par an en 2004 contre seulement 3 000 au cours des années précédentes. C'est désormais une préoccupation centrale de l'état-major.

Ce budget permettra de poursuivre l'amélioration de l'entraînement des forces qui devrait atteindre 100 jours d'exercice par an l'an prochain, objectif inscrit dans la loi de programmation. En revanche, l'amélioration de l'entraînement des pilotes de l'ALAT ne sera pas possible, principalement en raison de la faible disponibilité des appareils. Les forces terrestres attachent une grande importance à l'entraînement parce qu'une préparation rigoureuse est un gage d'efficacité et de sécurité lors des opérations, dont le rythme ne se ralentit guère.

La présence de l'armée de terre hors du territoire métropolitain a varié sensiblement en 2003. Les théâtres balkaniques ont enregistré une réduction significative des effectifs : moins 25 % au Kosovo, moins 50 % en Bosnie-Herzégovine. En revanche, cette présence a été renforcée en Côte d'Ivoire, qui a vu arriver 3 154 militaires français, et en République démocratique du Congo où l'opération en Ituri, a mobilisé jusqu'à 1 146 soldats. Au total, au 1er juillet 2003, plus de 20 000 militaires de l'armée de terre étaient stationnés hors du territoire, contre 18 500 un an auparavant.

Mais les forces terrestres ont également mené des missions de service public sur le territoire national. Le plan Vigipirate, même allégé, a continué à mobiliser plusieurs centaines de militaires ; la lutte contre la marée noire du Prestige a représenté 5 500 journées de travail fournies par les forces terrestres ; la sécurisation du sommet du G8 à Evian, a mobilisé 1 800 militaires et vingt-huit hélicoptères, pour un coût estimé à 2,6 millions ; dans le cadre de la lutte contre les incendies de forêt les forces terrestres ont mis à la disposition de la protection civile huit hélicoptères, qui ont volé 1 400 heures et consommé en quelques semaines la quasi-totalité de leur potentiel annuel, vieillissant ainsi prématurément.

Les crédits inscrits au titre V permettront de poursuivre les principaux programmes d'armement. Ainsi, la seconde commande semi-globale du programme de missiles SAMP-T pourra être passée. En 2004, les forces terrestres devraient recevoir 50 nouveaux chars Leclerc ainsi que les premiers dépanneurs Leclerc. Elles sont sur le point de prendre livraison de leurs trois premiers hélicoptères de combat Tigre et en recevront sept de plus l'an prochain. L'armée de terre recevra, en outre, près de 1 100 obus antichars à effet dirigé Bonus ainsi que quatre systèmes d'artillerie Atlas Canon.

Des matériels plus anciens feront l'objet d'ambitieux programmes de rénovation, tels le canon AU F1, dont 30 exemplaires modernisés seront livrés en 2004, et le blindé léger AMX 10 RC pour 49 exemplaires.

L'effort engagé en 2003 au profit de l'entretien programmé des matériels sera poursuivi puisque ces crédits augmenteront de 16 %. Le plan de sortie de crise devrait permettre d'améliorer significativement la disponibilité. Mais il conviendra de rester vigilant en raison du vieillissement des parcs de blindés et d'hélicoptères.

Ce budget satisfaisant, ne doit pas faire oublier que l'armée de terre contribuera, comme l'ensemble des administrations, à la maîtrise des dépenses publiques et à la modernisation des règles de gestion. Ce budget de l'armée de terre est un encouragement apprécié pour la communauté militaire. C'est également un témoignage de la confiance que le pays accorde à ses forces.

C'est pourquoi la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption de crédits bien mérités et si nécessaires à nos forces terrestres (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la marine - Voici un an, les Cassandre de l'opposition doutaient des ambitions de la loi de programmation militaire que vous nous aviez proposée. Aujourd'hui, Madame la ministre, vous apportez un cinglant démenti à tous vos détracteurs car ce budget - et plus particulièrement celui de la marine - est conforme à la programmation militaire. Nous pouvons tous nous en réjouir, d'autant plus que la conjoncture économique n'est pas très favorable. En pareilles circonstances, d'autres gouvernements auraient choisi de revenir sur les engagements pris... Pourtant, il n'y a pas d'alternative aux orientations ce budget qui, comme les autres, a fait l'objet de mesures d'économies.

Pour preuve, les dépenses de personnel et de fonctionnement de la marine diminueront respectivement de 1,4 % et 0,4 %, ce qui traduit le souci du ministère de maîtriser les frais de fonctionnement, sans pour autant sacrifier l'essentiel, puisque des mesures ciblées seront prises, notamment en faveur de la fidélisation des personnels et de l'amélioration de la condition militaire. Il reste que les effectifs militaires diminueront de 0,3 %, alors que les besoins sont estimés à 310 postes. En fait, seuls les crédits d'investissement augmenteront. Ainsi, les dotations du titre V seront en hausse de 16,7 % en autorisations de programme et de 12,2 %, en crédits de paiement. Toutefois, une grande partie de cet accroissement est destinée à tirer les conséquences financières de la transformation de l'ancienne direction des constructions navales en société. Cet effort vise aussi à poursuivre le renouvellement des bâtiments de la marine, car la flotte de surface vieillit, ce qui n'est pas sans effet sur la disponibilité, l'entretien et sur le moral des équipages.

La livraison, à la fin 2004, du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération, la construction des bâtiments de projection et de commandement, qui entreront en service en 2005 et 2006, ainsi que la poursuite du programme de frégates antiaériennes Horizon montrent bien la modernisation de la flotte.

Les moyens de service public de la marine seront notablement renforcés avec l'entrée en service de deux remorqueurs de haute mer supplémentaires, le lancement d'un programme de bâtiments de soutien de région de nouvelle génération et la livraison très attendue des hélicoptères NH90, à partir de 2006. Les missions de surveillance et de protection de nos côtes, dont le naufrage du vraquier chypriote Adamandas au large de la Réunion, fin septembre, a rappelé la nécessité, ont représenté 27 % des missions de la marine au cours du premier semestre 2003.

Le quart des missions de la marine est effectué au bénéfice de la protection de nos côtes et des sauvetages en mer. Restreindre ces crédits ne serait pas conforme aux propositions de plusieurs commissions d'enquête de notre Assemblée qui, après les naufrages des pétroliers Erika et Prestige, ont suggéré notamment l'affrètement de nouveaux remorqueurs et de navires antipollution. Il n'y a donc pas lieu de considérer ce budget comme une faveur faite aux armées : c'est une nécessité, Mme la Ministre l'a bien saisi.

Les marges de man_uvre pour les années à venir sont particulièrement étroites. Le titre V devra à nouveau augmenter au moment de la construction du second porte-avions, des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda et des frégates Horizon ou multimissions. Les projections sur la durée de la loi de programmation montrent que les besoins pour ces programmes essentiels devraient passer de 741,3 millions d'euros en 2005, à 944,5 millions en 2007. Il faut y ajouter les autres dépenses en capital auxquelles la marine ne pourra pas se soustraire, qu'il s'agisse des infrastructures des ports et bases ou de l'entretien des matériels. La charge du renouvellement des équipements s'annonce très importante.

Il faut réfléchir à des modes de financement innovants. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, que le programme des frégates multimissions soit financé par leasing ? Cela permettrait peut-être de juguler la tendance inflationniste qui affecte actuellement les prestations des industriels de la construction navale, et notamment celles de DCN. De plus, une généralisation progressive de la mise en concurrence pour les équipements neufs et leur maintenance permettra à la marine de récupérer des marges de man_uvre budgétaires.

Mais il faut pour cela que le code des marchés publics facilite l'entretien des matériels. Actuellement, les délais d'appel d'offres sont trop longs et il est parfois impossible de réparer une avarie imprévue sans conclure un autre contrat. J'espère que vous accorderez une attention particulière à ce problème, Madame la ministre, car je sais combien vous êtes attachée à la modernisation des armées. Soyez assurée dans cette entreprise du soutien sans réserve de notre commission.

Conformément à mes recommandations, celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la marine pour 2004, et j'invite l'Assemblée à la suivre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'air - Tout rapporteur serait heureux de présenter un budget tel que celui de l'armée de l'air pour 2004.

Les crédits de fonctionnement sont à la fois suffisants et maîtrisés. Stabilisés à 2,49 milliards, ils permettent d'assurer la gestion courante et l'entraînement selon les orientations fixées par la loi de programmation militaire.

Le budget d'équipement, qui avait déjà augmenté de 16,6 % en 2003, est en hausse de 17,7 % afin d'assurer le renouvellement indispensable des matériels.

A part les trois escadrons de Mirage 2000 D, les avions de bombardement arrivent en fin de vie. L'admission régulière au service d'appareils Rafale nouveaux est donc un impératif absolu. 5 seront livrés en 2004, au standard F2 ; 39 sont déjà commandés, et les autorisations de programme pour les prochaines commandes sont en place. Le Rafale représente le cinquième du budget d'équipement de l'armée de l'air, mais notre sécurité et notre crédibilité sont à ce prix.

La mise en service opérationnelle, en 2004, du missile de croisière SCALP permettra à la France de rejoindre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne au sein du club très fermé des Etats disposant d'une telle arme.

La flotte de transport tactique doit être entièrement renouvelée. Les Transall, qui ont rendu tant de services, ne sont plus adaptés aux missions modernes, qui imposent le transport à longue distance de matériels volumineux - pour l'opération de Bunia, il a fallu recourir à des appareils étrangers affrétés - ; surtout, ils approchent de la limite d'âge. La signature du contrat pour l'Airbus A 400M offre des perspectives satisfaisantes, mais entre 2003 et 2019, année de livraison du dernier appareil, l'ensemble de la flotte militaire tactique aura dû être renouvelé, pour un coût prévisionnel de plus de 6 milliards.

S'agissant du maintien en condition opérationnelle, les progrès doivent être salués : la disponibilité des appareils est passée de 54 % en janvier 2001 à plus de 64 % en 2003. La structure mise en place, la SIMMAD, a répondu aux espoirs qu'on avait placés en elle. Cependant tout relâchement dans l'attribution des fonds aurait à brève échéance les mêmes effets qu'en 2002 ; l'effort budgétaire doit donc être poursuivi.

N'oublions pas le bénéfice industriel tiré de ces dépenses. Les A 400 M commandés par la France, et fabriqués par Airbus, ont vocation à remplacer, non seulement des Transall, mais des C 130 de fabrication américaine. C'est encore plus vrai pour les autres pays de lancement du programme.

De même, le programme expérimental de drones de combat permet de maintenir au meilleur niveau les capacités nationales dans le domaine de l'élaboration et de la construction d'avions de combat.

Enfin, l'armée de l'air a des besoins immédiats en matière d'appareils de transport logistique. Or il existe des solutions de remplacement des flottes de transport logistique et de ravitaillement en vol par des appareils capables d'assurer les deux fonctions à la fois, certaines sont proposées par EADS. Même si le dossier n'a pas l'ampleur de celui de l'A 400 M, il peut y avoir là un nouveau levier industriel pour l'Europe de la défense.

La commission de la défense nationale a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'air pour 2004, et j'invite mes collègues à la suivre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre Lang, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le titre III et les personnels civils et militaires d'activité et de réserve - Conforme à la loi de programmation militaire dont il constitue la deuxième annuité, le projet de budget du titre III permet la consolidation de l'armée professionnelle. Il stabilise les effectifs militaires aux alentours de 356 000 personnes confirmant ainsi la pertinence du format adopté lors de la professionnalisation.

Il rend possible la création de postes budgétaires, principalement pour 1 200 gendarmes et 179 emplois au service de santé des armées. Il ajuste à la marge les effectifs en fonction des besoins ; ainsi, dans l'armée de terre, 1 000 postes de sous-officiers non pourvus et 1 572 postes de volontaires, également non pourvus, sont transformés en 2 000 emplois d'engagés volontaires.

Il supprime 852 postes d'agent civil, dans le cadre de la politique de maîtrise des dépenses publiques, mais en contrepartie le ministère réalise un effort de recrutement sans précédent pour diminuer le nombre d'emplois non pourvus : de 9 300 personnes en 1999, le sous-effectif en agents civils est tombé à 4 000 personnes en 2003 et devrait encore diminuer l'an prochain.

Recruter et fidéliser des militaires professionnels est devenu l'une des préoccupations principales des états-majors. Aussi, 27 millions de crédits supplémentaires s'ajouteront-ils aux 19 millions déjà débloqués en 2003 dans le cadre du fonds de consolidation de la professionnalisation. Le plan d'amélioration de la condition militaire est lui aussi poursuivi. Ces mesures permettront notamment de verser des indemnités aux personnels détenant un savoir-faire dans certaines spécialités. Dans la gendarmerie, l'attribution d'un échelon exceptionnel coûtera un million, et trois millions de primes de résultats seront provisionnés.

Ce budget s'attache également à revaloriser la composante civile de la défense : 27 millions seront versés à ces personnels au titre des mesures statutaires.

Des améliorations bienvenues sont en outre apportées en matière de fonctionnement courant : poursuite du programme immobilier d'accueil pour les jeunes engagés chargés de famille, hausse de 20 millions des crédits d'externalisation, qui s'étendra en 2004 à la gestion des logements, à la formation initiale des pilotes d'hélicoptères, à la gestion du parc des véhicules commerciaux ainsi qu'au soutien logistique en opérations extérieures.

Avec une hausse de 13 millions, les crédits consacrés à l'entraînement des forces bénéficient d'une réévaluation qui était nécessaire. Les prévisions d'activité pour 2004 laissent à penser que les buts assignés par la loi de programmation militaire seront bientôt atteints.

Ainsi, l'armée de terre prévoit de réaliser, en 2004, son objectif de 100 jours d'entraînement par an. Toutefois, en raison des problèmes de disponibilité que rencontrent leurs appareils, les équipages des hélicoptères de l'ALAT ne pourront pas augmenter le nombre d'heures de vol annuelles qui stagne autour de 160.

La marine prévoit de faire prendre la mer en moyenne 100 jours par an à ses unités, les navires de combat devant naviguer 110 jours, les prévisions en matière d'heures de vol et de participation aux exercices internationaux de l'armée de l'air devraient être respectées.

Enfin, s'agissant des réserves, le projet apporte 32 millions de crédits supplémentaires en rémunérations et 5 en fonctionnement, de manière à accompagner la montée en puissance du nombre de réservistes ainsi que l'augmentation du nombre de journées d'activités.

Ce projet particulièrement satisfaisant ne doit pas masquer les efforts consentis par le ministère en matière de maîtrise des dépenses publiques et de modernisation de ses méthodes de gestion. A titre d'exemple, plusieurs unités expérimenteront un budget global, préfiguration de ce qui sera bientôt généralisé dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances.

Signal clair de la volonté politique des autorités de respecter les engagements pris, ce budget constitue un témoignage du soutien que le pays apporte aux personnels qui assurent sa protection. La commission a donné un avis favorable à son adoption et je vous invite à la suivre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les crédits d'équipement - Je me bornerai à trois remarques. La première, pour exprimer la satisfaction unanime des commissaires à la défense à l'examen des titres V et VI. Pour la seconde année consécutive, les dispositions de la loi de programmation sont pleinement respectées par la loi de finances initiale. Surtout, l'augmentation du budget de la défense est essentiellement due à la hausse des crédits d'équipement. Cet effort sur le titre V est significatif des choix du Président de la République et du Gouvernement : plus 9,6 % en autorisations de programme, plus 9,2 % de crédits de paiement, après une augmentation déjà importante l'an passé.

En second lieu, je souligne que cet effort doit se poursuivre dans la durée, et qu'en dépit des apparences il se limite au strict nécessaire. La France dépense 28 000 € d'équipement par soldat, contre 40 000 pour les Anglais. C'est dire l'ampleur du retard. Il serait donc erroné de présenter l'augmentation du titre V comme un « cadeau » aux armées : la dégradation de la disponibilité des matériels impose des efforts budgétaires considérables, et la seule année 2003 n'a pu rétablir cette disponibilité à un niveau acceptable. Les crédits de paiement de l'EPM augmentent de près de 9 %. Cet effort s'accompagne d'une réforme des structures en charge de l'EPM, et de la définition d'objectifs précis. Mais nous devons être conscients que l'entretien du matériel est de plus en plus coûteux, et que ce poste budgétaire devra croître encore.

Quant aux nouveaux programmes, la croissance des crédits de paiement est imposée par la poursuite de programmes de grande enverguer. Il faut veiller à tenir le calendrier pour éviter des ruptures capacitaires, notamment pour le Rafale, l'A 400M, ou l'hélicoptère NH 90.

Enfin, l'effort indispensable dans la durée ne pourra se poursuivre que si sa signification et sa nécessité sont expliquées aux Français. Les efforts consentis pour l'équipement de nos armées ont certes reçu l'approbation quasi unanime de la commission de la défense. Mais l'ampleur des chiffres et des enjeux exige un véritable effort d'explication de la part du ministère et de la représentation nationale. Il faut faire savoir que l'augmentation des crédits de paiement s'accompagne d'un effort de gestion et d'organisation : la réforme de l'Etat concerne au premier chef le ministère de la défense. La mise à niveau de nos armées est aussi un enjeu industriel majeur ; 170 000 emplois sont concernés, et des bassins entiers dépendent du respect des engagements de l'Etat.

Il me faut enfin souligner l'importance du budget de la défense pour la place de la France sur la scène internationale, et d'abord sur la scène européenne : sans notre effort national, inutile d'espérer une Europe de la défense. Mais, sans celle-ci, pas d'Europe politique, donc pas d'Europe sociale et industrielle, mais un grand marché : est-ce cela que l'on veut ? Certes l'Europe de la défense présente aujourd'hui plus d'interrogations que de réponses. Cependant, grâce à la France, l'année 2003 a permis de franchir un seuil important. Enfin, sur le plan international, l'écho trouvé par la France aux Nations unies est lié à sa crédibilité militaire, notamment nucléaire. Voilà, Madame la ministre, toutes les raisons qui nous déterminent à apporter un soutien sans faille à votre entreprise de modernisation de nos armées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les services communs - Les services communs du ministère de la défense sont chargés de missions de soutien, d'expertise et d'acquisition d'équipements. Ils ont connu d'importantes réformes au cours des dernières années.

La réforme de la DGA parvient à son terme : le budget 2004 est stabilisé au niveau de 2003, après cinq ans de diminution continue. Cela illustre le fait que cette réforme, décidée en 1996, engagée en 1997 est achevée, et globalement bien achevée. Elle n'était pas facile. Elle était sans doute moins spectaculaire que la réforme des armées, mais l'effort demandé à la direction et au personnel était aussi important, puisqu'il s'est traduit par une diminution de 28 % des effectifs. Le résultat a été conforme à l'objectif fixé en 1996, soit une diminution de 30 % des coûts d'intervention : c'est une bonne chose, il faut le dire. Mais il ne faut pas aller au-delà : il est aujourd'hui nécessaire de renforcer certaines catégories de personnel, afin d'assumer le maintien des compétences, notamment en matière d'achat.

La DGA a d'autre part mis en _uvre une politique de passation de commandes pluriannuelles, renforcé depuis 1997, qui a permis d'améliorer la gestion des programmes d'équipement. Ceci doit être poursuivi. Elle a par ailleurs engagé des travaux sur de nouveaux modes de financement, qui peuvent être parfois une alternative intéressante à l'acquisition patrimoniale d'équipement ; mais il faut ici rester très prudents, et bien examiner les expériences plus ou moins heureuses des pays voisins en la matière.

Je rappelle enfin le rôle important que joue la DGA dans l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement ou OCCAR, et dans la réflexion engagée sur la création d'une agence européenne de l'armement.

Ma deuxième remarque portera sur la réforme de la DCN, qui est en cours d'achèvement. L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 avait fixé quatre principes pour le changement de statut de la DCN : le respect de l'unicité de l'entreprise, garanti par le traité d'apport signé le 26 mai dernier ; le contrôle intégral de l'entreprise par l'Etat, qui est assuré par un niveau de capitalisation conforme à ce qui avait été affiché - souhaitons que cela tienne - ; des garanties apportées aux différents personnels, par le décret du 3 mai 2002 ; enfin, le contrat d'entreprise Etat-DCN devait être communiqué au Parlement, et il faut déplorer qu'il ne l'ait toujours pas été. La commission souhaite être informée comme l'avait prévu la loi.

Cette mutation de la DCN devrait lui permettre de jouer un rôle majeur dans la recomposition du paysage naval européen et dans les relations, parfois obscures, qui se nouent avec les partenaires allemands, espagnols et italiens.

La commission a enfin examiné les crédits du service de santé et constaté que le recrutement complémentaire de médecins sous contrat progressait, mais que le déficit persistait. La création du corps des internes, prévue dans ce budget, préfigure la réforme du statut des médecins militaires qui devrait intervenir l'an prochain.

La commission a enfin constaté que le service des essences était engagé dans une phase de restructuration et de remise aux normes environnementales, ce qui justifie la progression de 13 % de ses crédits d'investissement.

En résumé, la stabilisation du budget de la DGA correspond à l'achèvement d'une réforme engagée antérieurement, mais réussie. Le changement de statut de la DCN est aussi l'aboutissement d'une réforme indispensable, qui est apparemment en train de réussir. Les difficultés du service de santé et les contraintes du service des essences sont prises en compte. Etant le seul rapporteur de l'opposition, j'ai appelé la commission à exercer sa sagesse (Sourires). Néanmoins elle a décidé de voter ce budget (Sourires ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les crédits de la gendarmerie - Ce projet de budget s'inscrit dans le cadre d'une double programmation définie par la LOPSI et la loi de programmation militaire. L'ensemble de cette programmation doit être pleinement respecté.

Pour la gendarmerie, les crédits de paiement s'élèvent à 4,34 milliards d'euros, soit une progression de 1,92 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003. Si les dotations prévues au titre du fonctionnement permettent de respecter les engagements pris en autorisant les recrutements prévus et en assurant la bonne marche des services, il convient de veiller à ce que les crédits d'équipement respectent la programmation.

Comme l'an passé, le projet de budget prévoit la création de 1 200 emplois au titre de la deuxième tranche de la LOPSI. S'agissant de l'indemnité de sujétion spéciale de police, les engagements ont été respectés : revalorisation de deux points du taux de cette indemnité, avec effet rétroactif au 1er janvier 2003, et, d'autre part, annonce par le Premier ministre, le 12 mars 2003, que le bénéfice de l'intégration de l'ISSP dans la pension militaire de retraite à partir de l'âge de 50 ans serait bien accordé à la gendarmerie. Je salue sur ce point, Madame la ministre, votre engagement personnel, sans lequel ce résultat n'aurait pu être obtenu.

Pour 2004, les crédits de paiement des titres V et VI s'élèvent à 445 millions d'euros, soit une augmentation de 5,4 %. Cette évolution générale n'est pas en ligne avec la programmation des crédits, tout particulièrement au titre de la LOPSI. L'insuffisace de crédits est à cet égard tout particulièrement regrettable pour l'immobilier, où les besoins sont considérables. L'an passé, j'avais eu l'occasion d'attirer l'attention de la représentation nationale sur l'importance des retards pris en la matière, et sur les conditions difficiles, parfois indécentes, dans lesquelles étaient logés les gendarmes, sachant que 35 % de leur logement sont considérés comme vétustes.

Je suis bien conscient de la nécessité d'un effort d'économies partagé. Toutefois, il convient de respecter les engagements pris, afin de ne pas décevoir l'attente des personnels de la gendarmerie. Aussi, est-il souhaitable que ce projet se traduise par un effort supplémentaire en matière d'équipement, de l'ordre de 20 millions, afin de ne pas prendre un retard excessif sur le déroulement des programmes.

L'effort de réorganisation de la gendarmerie est bien engagé. Il est sans doute possible d'aller plus loin, notamment en supprimant, dans la chaîne de commandement territorial, l'échelon que constitue la région de gendarmerie. La lisibilité de la chaîne de commandement en sera accrue, la coordination de l'action des unités de gendarmerie départementale et des forces de gendarmerie mobile pouvant être assumées par le commandement de la légion de gendarmerie située au chef lieu de la zone de défense.

L'application de la loi organique relative aux lois de finances entraîne des débats sur la place de la gendarmerie. Deux orientations sont possibles : faire relever la gendarmerie des différents programmes du ministère de la défense, ou bien créer un programme spécifique. La première solution constituerait un recul par rapport à la situation actuelle, puisque le budget de la gendarmerie fait partie d'un agrégat distinct. Elle comporterait bien des inconvénients, dont la perte de lisibilité quant à l'action quotidienne de lutte contre la délinquance. La poursuite de l'amélioration de l'action de la gendarmerie exige qu'on abandonne une logique administrative pour adopter une logique fonctionnelle.

Enfin, si les gendarmes sont attachés à leur statut militaire, un malaise est néanmoins perceptible. Les comparaisons avec la police nationale en matière indemnitaire et indiciaire ne sont pas forcément vaines, mais il est impossible de les éviter. Pour éviter qu'à terme le caractère militaire de la gendarmerie ne soit mis en cause, il est nécessaire de réfléchir à une réforme qui permettrait de tenir compte du particularisme des missions et d'établir une grille indiciaire spécifique.

Au cours de mes déplacements, j'ai pris la mesure de la motivation des gendarmes. Bien des attentes sont nées de la programmation établie dans le cadre de la LOPSI et ont été confortées par les premières traductions concrètes du budget 2003.

J'espère que les moyens octroyés par le PLF de 2004 permettront à la gendarmerie d'assurer convenablement ses missions.

La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la gendarmerie pour 2004. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées - Ce projet de budget, qu'on le loue ou le critique, ne peut laisser indifférent.

Pour ma part, et au nom de la majorité de la commission de la défense nationale et des forces armées, je me range résolument parmi ceux qui le louent. Vous présentez en effet des prévisions de crédits entièrement conformes à la loi de programmation militaire 2003-2008 que nous avons adoptée.

Avec la délégation du contrôle parlementaire du budget, j'ai constaté le maintien scrupuleux des crédits pour 2003 au niveau de la loi de finances initiale, ce qui ne s'était pas produit depuis dix ans : la deuxième annuité de la loi de programmation est rigoureusement conforme aux prévisions, pour la première fois depuis 1978.

Des voix s'élèvent cependant pour mettre en doute la nécessité d'allouer à notre outil de défense ce qui lui fut promis il y a douze mois, au motif que notre pays connaîtrait une conjoncture difficile. Resurgissent ainsi les vieux démons qui font du budget de la défense la variable d'ajustement pour limiter les déficits. La « production de sécurité » au profit de nos concitoyens serait-elle excessive et pourrait donc être réduite ?

Ceux qui le prétendent passent sous silence des réalités objectives : le montant des crédits d'investissement proposés, 14,9 milliards, permet juste de retrouver le niveau, à monnaie constante, de 1997 ; les crédits du titre III, avec 17,5 milliards n'ont que peu augmenté, sous l'effet de la professionnalisation des armées, acceptée par tous et reconnue aujourd'hui comme une nécessité.

En ce qui concerne les dépenses en capital, il est important de redire qu'il s'agit du premier budget d'investissement de l'Etat, avec tout ce que cela entraîne en matière d'emplois, de recherche, et donc de croissance. Dans les industries d'armement, 170 000 emplois directs sont concernés, auxquels il faut en ajouter au moins autant pour les sous-traitants.

Je constate que ce sont les mêmes qui s'élèvent contre la restructuration de Giat Industries et qui contestent le niveau des crédits de la défense. Il est tout aussi paradoxal de constater que ceux qui critiquent la réorganisation de notre constructeur de matériels terrestres auraient pu et dû anticiper la baisse du plan de charge en raison des cycles longs qui caractérisent la vie des équipements militaires.

L'emploi, ce sont aussi les 38 000 recrutements proposés en 2004 pour des jeunes de tous niveaux ; il y a là un formidable moteur pour entrer dans la vie active.

Avec 1,26 milliard les crédits de la défense participent à l'effort de recherche national. Bien plus, une partie de ces crédits abonde le budget civil de recherche et de développement. Le commissariat à l'énergie atomique met son centre de calcul et le laser mégajoule à la disposition de la communauté scientifique. La France et la Grande-Bretagne réalisent 80 % de la recherche de défense au sein de l'Union européenne.

Ces impacts économiques et sociaux ne sont toutefois que la conséquence d'une action qui vise essentiellement à restaurer un niveau d'équipements mis à mal au cours des programmations précédentes.

La forte croissance des crédits de maintien en condition opérationnelle des matériels doit permettre de revenir à un niveau plus acceptable de disponibilité. Dans bien des unités, la situation est encore préoccupante, faute d'approvisionnement en rechanges, mais aussi parce que les matériels accusent un vieillissement excessif.

L'autre volet de cette restauration matérielle réside dans l'arrivée d'équipements nouveaux.

Les satellites d'observation et de communication Hélios II et Syracuse III seront enfin mis en orbite en 2004.

Commenceront enfin à arriver dans les unités les premiers Rafale et d'autres matériels, et ces arrivées sont importantes pour le moral de nos militaires fiers d'avoir les moyens d'accomplir leur mission.

D'autres efforts sont poursuivis, notamment s'agissant du logement des engagés, des conditions de vie et de service.

Ce projet constitue par ailleurs un signe fort de notre volonté de construire l'Europe de la défense.

Les opérations Concordia en Macédoine et Artémis au Congo ont prouvé en 2003 que l'Union européenne avait les compétences indispensables, mais aussi la volonté d'acquérir une certaine autonomie de défense : les choses avancent toutefois trop lentement. Plus préoccupante est la tentation chez certains membres, de réduire leurs actions aux opérations dites de Petersberg, renonçant de facto à la sécurité de leur propre territoire, et du même coup, de l'Europe.

Cette dérive tient sans doute au déficit de vision stratégique de l'Europe de la défense. Cette stratégie doit être appréhendée dans une perspective globale de sécurité et doit permettre de définir la communauté de nos intérêts essentiels pour faire face aux menaces qui ne connaissent pas de frontière. Je pense évidemment au terrorisme. Nous devons aussi nous retrouver autour de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massives comme contre tous les trafics et toutes les organisations criminelles transnationales.

Les pays qui le voudront pourront alors mettre en _uvre les moyens nécessaires à la réalisation de cette vision stratégique. C'est un grand projet autour duquel nous devons rassembler nos partenaires, sans chercher à les convaincre tous par crainte de blocages et d'immobilisme. Il me paraît donc important, parmi les propositions faites en matière de défense par la Convention sur l'avenir de l'Europe que des coopérations structurées soient instaurées ; c'est par elles que l'Europe de la défense avancera. Parmi les signes encourageants, l'évolution de la Grande-Bretagne, qui marque un nouvel intérêt pour cet objectif.

Pour favoriser ces progrès, il me semblerait opportun de déduire les dépenses nationales de défense du pacte de stabilité dès lors qu'elles concourent à la sécurité de l'ensemble de la collectivité européenne.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Président de la commission de la défense - Je suis profondément attaché à notre actuelle doctrine de dissuasion nucléaire.

A ceux qui la contestent en vue de réduire le budget de la défense de 500 millions, je dirai que la ficelle est un peu grosse et la motivation dérisoire (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

Plus grave est leur irresponsabilité face aux générations à venir. Le monde dans lequel vivront nos enfants est incertain. La dissuasion nucléaire voulue par le général de Gaulle a garanti la paix pendant la guerre froide, mais elle continue, depuis plus de dix ans, à nous permettre de faire face à la prolifération des armes de destruction massive.

Notre devoir d'hommes politiques est de préparer l'avenir de la nation, en échappant aux facilités du court terme.

Ce projet répond à ces objectifs supérieurs ; nous l'adopterons donc sans restriction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Boucheron - Notre époque est complexe et révolutionnaire dans tous ses aspects stratégiques. Le débat sur notre politique de défense ne saurait donc se réduire au seul débat budgétaire.

Parlons d'abord de votre budget. Il y a bien entendu des aspects positifs (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) et d'autres qui le sont moins.

Les apparences sont flatteuses : un budget en hausse de 2,7 % en euros constants, 7 % d'augmentation pour le titre V, qui passe de 44 à 46 % du budget, 11 % pour le maintien en condition opérationnelle, la loi de programmation militaire respectée. Votre majorité pourrait se réjouir (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP).

Mais il y a aussi des aspects plus discutables. D'abord ces 300, 400 ou 500 millions d'euros toujours gelés, qui financeront probablement les OPEX. Si c'est le cas, rien n'aura changé sous le soleil : c'est la programmation qui sera amputée.

Il y a ces 300 millions d'annulation de reports de l'année 2002, qui manqueront à l'exécution 2003, et cette stagnation des crédits de la recherche à 1,24 milliard, soit 30 % de moins que le budget britannique. Le rapporteur spécial a même parlé d'une baisse de 19 % des études amont.

Il y a enfin ce blocage des dépenses de fonctionnement, formatées à 3 % au-dessous des besoins en matière d'effectifs, qui vous empêche d'améliorer la condition militaire et freine l'embauche : la faiblesse du nombre de candidats à l'engagement devient préoccupante.

Mais vous conviendrez, Madame la ministre, qu'un choix budgétaire est avant tout un choix politique.

Vous avez choisi d'augmenter le budget de la défense de plus de 2 milliards à l'heure où votre gouvernement enregistre la croissance la pire depuis cinquante ans (Protestations sur les bancs du groupe UMP), une dette record et un chômage qui pourrait dépasser le seuil des 10 %. Or, vous avez économisé 300 millions d'euros en privant d'allocation spécifique de solidarité les 100 000 plus pauvres d'entre nous (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Il est des moments où le contraste des chiffres fait naître un malaise politique, un goût amer, une gêne d'ailleurs ressentis par quelques éléments éclairés de votre majorité.

L'effort de défense ne doit pas créer, en période difficile, une fracture dans l'opinion publique, un rejet qui compromette l'esprit de défense et le lien Armée-nation. Voilà la première raison du groupe socialiste de refuser ce budget.

D'autres questions plus simples dans leur énoncé méritent réponse. Quelle est la politique de défense de la France ? Où allons-nous ? A quelle menace voulons-nous répondre et avec qui ?

Deux sujets appellent des commentaires particuliers : la dissuasion et la défense européenne.

La question de la dissuasion, évoquée la semaine dernière par quelques gazettes, m'inquiète moins que d'autres. Notre doctrine est permanente : pouvoir frapper au c_ur politique de n'importe quel adversaire. Il serait donc ridicule que l'arme ne s'adapte pas à la cible.

Quand le général de Gaulle a créé le concept, il s'agissait de répondre à une menace d'invasion de 55 000 chars du pacte de Varsovie sur l'Europe de l'ouest. Les Français gardaient en mémoire l'Occupation. La dissuasion massive anti-cités était une façon de dire « plus jamais ça ». Si nous sommes envahis, l'envahisseur paiera cette invasion par 25 ou 30 millions de morts en quelques heures.

Il y a fort à parier que la paix de la deuxième moitié du XXe siècle a reposé sur cette équation absurde.

M. Yves Fromion - Bien !

M. Jean-Michel Boucheron - La menace a changé, mais le concept reste juste.

Dès la fin de la guerre froide, les responsables politiques avaient compris qu'à un début de menace, on ne pouvait répondre par la destruction anti-cités.

Les armes nucléaires à courte portée Pluton ou Hadès ont été conçues comme ultime avertissement : elles n'étaient pas assez nombreuses pour être une arme de champ de bataille. Et François Mitterrand refusait la production de la bombe à neutrons précisément parce qu'elle était une arme de champ de bataille. Le concept était inchangé, les outils s'adaptaient au contexte stratégique.

Ce n'est en effet pas parce que l'outil de la dissuasion se diversifie que le concept disparaît.

Qui peut aujourd'hui soutenir qu'une arme chimique atteignant la France devrait automatiquement entraîner une réponse anti-démographique contre le pays à l'origine de l'agression ?

Il y a longtemps que le terrorisme n'a plus pour origine un Etat, encore moins la volonté d'un peuple. Le concept anti-cités est devenu marginal à l'intérieur de l'outil de défense, même si nous devons maintenir notre capacité stratégique mondiale : le M-51 en est l'outil.

La dissuasion exige désormais que l'on soit capable d'atteindre les auteurs d'une agression majeure, sans entraîner les dégâts collatéraux rendant la riposte politiquement impossible.

Faut-il pour autant préciser les modes et les conditions d'emploi de notre force ? Surtout pas ! La non-définition du concept éventuel d'emploi des armes fait partie de la dissuasion (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). Venons-en à la construction de l'Europe de la défense.

Admettons tout d'abord, que le Gouvernement ne participe guère à la crédibiliser. Comment ne pas voir la contradiction entre un budget de la défense qui se veut exemplaire pour d'autres pays européens et un déficit budgétaire à 5 %, qui montre que nous ne sommes pas prêts à appliquer les règles communes ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Le discours de la France s'en trouve singulièrement affaibli.

Pourtant, le contexte politique est plutôt bon. L'intervention américaine en Irak est derrière nous, et l'actualité conforte malheureusement notre analyse sur laquelle le consensus européen se reforme. Ceux qui ont voulu cette aventure sont en difficulté politique.

Les opinions politiques européennes sont de plus en plus favorables à l'Europe de la défense : 46 % des Européens souhaitent une défense européenne, 18 % seulement préfèreraient que l'OTAN s'en charge. Ces chiffres sont aussi valables en Pologne.

Le dernier sommet franco-germano-britannique a entériné l'acceptation par la Grande-Bretagne d'une autonomie stratégique européenne dans le cas où l'OTAN ne serait pas impliquée.

Enfin, les avancées de la Convention européenne sont particulièrement intéressantes : création de l'agence européenne de l'armement ; possibilité de créer des coopérations structurées.

Ces quatre événements appellent évidemment une série de réponses concrètes, que ce budget se garde bien d'apporter.

L'agence européenne de l'armement sera-t-elle dotée rapidement d'une structure de coordination des recherches européennes ? Aura-t-elle des financements autonomes ? Quelle politique d'autonomie technologique menons-nous ?

L'organisation en réseau : quelle est la situation d'intégration de nos systèmes d'armes ? Quelle structure européenne d'intégration envisage-t-on ? Quelle est la coopération spatiale engagée dans le domaine des transferts de données ? Dans combien de temps disposerons-nous d'une capacité de gestion en temps réel de nos opérations ?

L'autonomie opérationnelle européenne : avançons-nous dans le domaine de la fusion et du renseignement ? De quelles capacités de planification le nouvel état-major sera-t-il doté ? Quel sera le poids de ses trente officiers face aux six-cents du Shape ?

Toutes ces questions devraient au moins trouver un début de réponse dans ce budget. Or, il y a certes des débuts d'expérimentation, mais nous ne discernons pas de véritable logique politique.

On a l'impression que l'on continue l'existant, le monde nouveau n'étant traité qu'à la marge. Voilà la deuxième raison qui ne nous permet pas d'approuver ce budget.

La question européenne est finalement la seule vraie question. L'Europe pourra-t-elle affirmer son identité et son influence au XXIe siècle sans disposer d'une puissance militaire ? Le rayonnement de ses idées, de son économie, de ses talents suffira-t-il à en faire une puissance influente au-delà des 5 % de l'humanité qu'elle représente ?

On peut s'abandonner à cette illusion. Je n'y suis pas prêt. Il est plus que probable qu'à côté de l'influence économique et culturelle, la puissance militaire soit nécessaire à la paix.

Je suis de ceux qui refusent de prendre le risque de faire l'impasse sur cet outil.

Les pays européens dépensent aujourd'hui la moitié du budget des Etats-Unis, mais ils représentent 10 % de leur capacité militaire.

Pour assurer l'efficacité de notre défense, il est bien plus important d'en augmenter la cohérence que d'en augmenter le budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Hillmeyer - Votre budget est en hausse de 4,3 %. Loin de s'en inquiéter comme certains de nos collègues, le groupe UDF vous en félicite d'autant plus que le contexte économique est particulièrement difficile. Cette augmentation, c'est le respect des engagements du Président de la République, le respect de vos engagements auprès de nos forces armées et enfin le respect de la loi de programmation militaire.

Faut-il rappeler que les crédits de la défense, et particulièrement ceux du titre V, ont longtemps servi de variable d'ajustement au budget de l'Etat ? Avec la loi de programmation militaire 2003-2008, nous avons fixé un cap clair pour notre défense. Avec ce budget, vous franchissez sans détours ni retard une deuxième étape.

Vous l'avez dit en commission, le budget de la défense n'est pas un budget comme les autres. Il est la condition de notre sécurité dans un monde instable où les menaces terroristes sont devenues permanentes, mais il est aussi un puissant levier pour notre industrie et notre recherche : 46 % de ces crédits, soit près de 15 milliards d'euros, sont affectés à notre effort d'équipement et 1,2 milliard d'euros sont investis dans la recherche technologique dont les retombées civiles sont positives.

Il faut poursuivre cet effort, mais la distinction entre recherche militaire et recherche civile n'a plus lieu d'être, ce qui doit nous inciter à sortir de la doctrine du dual. Réorganisons nos structures en les simplifiant et en supprimant les doublons, ainsi nous pourrons dégager des moyens d'investissement supplémentaires.

Il en va de même dans le domaine de l'armement : la création d'une agence européenne des armements et de la recherche disposant d'un budget propre limité dans un premier temps à la recherche et au développement en matière de technologies nouvelles, permettrait d'inciter les Etats membres à adopter une politique d'acquisition harmonisée et à supprimer l'inflation des échelons et l'empilement des structures.

L'objectif numéro un est la constitution d'un marché européen obéissant à la règle de la préférence européenne, ce qui suppose la révision de l'article 296 du traité sur la Communauté européenne qui permet aux Etats d'exclure, dans certaines conditions, l'armement du champ communautaire. La transformation de l'agence spatiale européenne en agence spatiale de l'Union européenne pourrait également représenter un pas en avant dans l'institution de la politique de sécurité et de défense.

Pour les équipements, veillons à ce que l'augmentation de 9,2 % des crédits ne conduise pas les industriels à augmenter d'autant leurs prix, ce qui reviendrait à poursuivre une démarche de subvention qui nuirait à la pérennité de nos entreprises publiques et à la modernisation de nos armées. Nous avons besoin de nouer un nouveau type de partenariat entre les industriels de l'armement et la DGA. Pourquoi ne pas utiliser cette manne budgétaire pour rééquilibrer les investissements publics vers les petites entreprises de défense qui créent de l'emploi et développent du savoir-faire, et éviter des catastrophes comme celle de GIAT ?

Le tissu industriel doit être redessiné grâce à une nouvelle approche de l'externalisation. Le soutien à l'innovation passe aussi par une mobilisation des crédits de la défense au-delà des grands programmes d'équipement, comme le montre a contrario la situation de Manurhin en Alsace.

Je salue également votre action en matière de réforme et de maîtrise budgétaire. Les pistes d'économies et de modernisation sont nombreuses. J'ai particulièrement apprécié vos propositions en matière de sécurité civile et de réorganisation des réserves. Vous vous êtes engagée à soutenir une démarche pragmatique d'externalisation, quand l'intervention d'entreprises extérieures s'avère moins coûteuse et plus efficace. Vous avez notamment donné l'exemple des centaines de gendarmes employés à la gestion immobilière et de la rationalisation des services d'archives. Le plan Vigipirate, lui, mobilise une partie de nos forces terrestres. Tous les pays européens étant confrontés au terrorisme, ne pourrait-on imaginer une force européenne de surveillance des aéroports et des gares ? Elle n'en serait que plus efficace.

En ce qui concerne le nucléaire, nous approuvons les crédits affectés au SNLE et au M 51. Il s'agit de garantir la continuité de nos recherches dans un domaine qui touche à la puissance régalienne de l'Etat. Cependant, nous ne somme pas hostiles à l'ouverture d'un débat sur ce sujet. Pour l'appuyer, je me permettrai même de citer le général de Gaulle : « Nous ne devons pas conserver l'armée de nos habitudes, mais construire l'armée de nos besoins ». Notre doctrine de la dissuasion doit être redéfinie, ainsi que l'a laissé entendre le Premier ministre. Mais la banalisation du recours à l'arme nucléaire non plus contre des Etats, mais contre des cibles terroristes, grâce à des bombes miniaturisées, doit être appréciée au regard des valeurs universelles dont la France est dépositaire. La dissuasion nucléaire doit également être envisagée dans le cadre de la protection de l'Europe.

La thème de l'Europe de la défense est particulièrement cher à mon groupe. Chaque année, il devient plus évident que l'Europe est la seule solution pour sortir les armées nationales des impasses financières qu'elles connaissent. Ainsi que l'a préconisé le général Morillon au Parlement européen, il faut redéfinir les missions de Petersberg. La gestion des conflits civils doit par exemple être reconnue comme un élément central de la politique de sécurité et de défense. Outre les forces de police, il faut pouvoir mettre en place des instruments communautaires qui renforcent la démocratie, les administrations publiques et l'Etat de droit. Ceci implique de renforcer les capacités militaires, de revoir les financements et surtout de développer une véritable culture non seulement de la défense, mais de la sécurité européenne.

L'OTAN reste le lien indispensable entre les Etats-Unis et l'Europe, et la collaboration doit être étroite. Même s'il faut encore préciser les rapports entre le force de réaction rapide de l'OTAN et celle de l'Union, même s'il ne peut y avoir d'action contraire aux principes de la Charte des Nations unies, il faut se féliciter de l'accord de partenariat stratégique conclu entre l'OTAN et l'Union en décembre 2002 ainsi que de la possibilité pour des alliés extérieurs à l'Union de participer à des opérations. Une telle architecture ne peut que renforcer la politique de sécurité multilatérale des Nations unies. Peut-être l'Union pourrait-elle se voir attribuer un siège de membre permanent au Conseil de sécurité ?

Comme l'a souligné le général américain James Jones : « Les Français ont d'impressionnantes capacités dans tout le spectre des opérations. C'est une très bonne armée ». Soyons fiers de nos militaires et donnons-leur les moyens de continuer à servir d'exemple. Ils sortent de plusieurs années de récession budgétaire et ont d'autant plus de mal à se relever que leurs engagements sont croissants. Mais l'effort consenti par la nation n'est pas vain : notre armée est un élément phare en Europe.

Le groupe UDF, conscient de vos efforts et de votre volonté de tenir les engagements de la loi de programmation militaire, votera sans hésitation ce projet de budget qui lui donne pleine satisfaction (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jacques Brunhes - Le budget de la défense affiche une hausse de 4,3 %, après celle de 7 % en 2003. Nous ne pouvons soutenir cette sanctuarisation des dépenses militaires alors que le budget civil est amputé et les politiques sociales sacrifiées. Surtout, nous nous inquiétons des choix qu'il fait apparaître.

Ainsi, le titre III n'augmente que de 0,5 %, contre plus de 9 % pour les titres V et VI. Cela engendre une tension très forte sur les effectifs. Or la capacité opérationnelle des armées ne dépend pas uniquement de la modernisation et de la disponibilité des équipements, ainsi que l'ont souligné les trois chefs d'état-major devant la commission. La réduction de 852 postes du personnel civil, qui a déjà été réduit de moitié en dix ans, aboutit à une externalisation importante et à la déstructuration du ministère. La forte augmentation du titre V ne permettra pas de secourir le secteur industriel, qui connaît une crise profonde à cause de votre politique fondée sur une concurrence accrue et le recours aux achats sur étagères. Ce souci de rentabilité immédiate aboutit inéluctablement au sacrifice d'une industrie nationale de pointe et à la perte de notre capacité de défense.

Le démantèlement de GIAT Industrie en est la parfaite illustration : l'un des fleurons de notre industrie mécanique de haute technologie a perdu deux tiers de ses effectifs depuis les années 1980 et est menacé de disparition par le plan Vigneron. Cela s'inscrit dans votre stratégie, qui envisageait le groupe dans le cadre d'une « bulle aéroterrestre » conçue pour des mission de projection. Mais cette fin n'est pas inéluctable ! Le plan de réduction des effectifs est sévèrement critiqué dans les rapports des cabinets d'experts engagés par le comité central de l'entreprise, qui estiment que des effectifs trop réduits feraient de GIAT une proie facile pour les grands groupes mondiaux. Ce plan social n'est pas crédible. Il a d'ailleurs été suspendu par le tribunal de grande instance de Versailles. Les travailleurs ont arraché la commande de 72 systèmes d'artillerie Caesar, mais cela ne peut changer sensiblement la situation. Les experts concluent à l'existence d'alternatives, et les organisations syndicales ont formulé des propositions. Madame la ministre, êtes-vous prête à organiser une table ronde avec l'ensemble des acteurs ? Votre refus persistant de négocier suscite une exaspération lourde de conséquences.

Le transformation de la DCN en société nationale de droit privé risque d'aboutir au même désengagement de l'Etat, mais cette fois dans le secteur de l'armement naval. Des rumeurs évoquent une cession des parts de l'Etat dans le capital de Thalès. Pouvez-vous les démentir? Quant à la SIMMAD, structure intégrée de maintenance des matériels aéronautiques de la défense, l'interdiction de recruter qui la frappe perturbe l'approvisionnement et menace l'activité des trois ateliers industriels de l'aéronautique. La direction des centres d'expertise et d'essais voit, elle, ses crédits d'investissement réduits de 30 %.

Ces choix s'intègrent dans un mouvement de concentration de l'industrie de l'armement dans les mains des groupes transnationaux. Un rapprochement entre GE et la SNECMA semble se profiler. Mais les armes ne sont pas des marchandises comme les autres ! La question n'est pas seulement industrielle ou financière. Il s'agit de sauvegarder un outil indispensable pour garantir l'autonomie de la défense française et européenne. Nous préconisons donc que GIAT soit partie prenante d'un véritable pôle public de l'armement, que la DCN pourrait intégrer et qui serait ouvert aux coopérations européennes. Il faut également réfléchir à la diversification de leurs activités respectives.

La part du nucléaire et la hausse vertigineuse des autorisations de programme qui lui sont consacrées sont d'autant plus inquiétantes que le Premier ministre vient d'annoncer une évolution de notre doctrine nucléaire, sans qu'aucun débat ait eu lieu au Parlement. Il explique que les forces nucléaires peuvent répondre à diverses menaces et que leur conception, leur programmation et la doctrine qui les gouvernent évoluent avec notre environnement et avec ces menaces. Ces propos sont clairs et votre démenti, Madame la ministre, quant à la modification de la doctrine, comme celui de l'Elysée, ne peuvent nous satisfaire. La presse fait état de l'alignement de la France sur le Nuclear Posture Review, la réflexion sur la politique nucléaire menée par Donald Rumsfeld ! Il préconise le développement des armes nucléaires tactiques de nouvelle génération, de haute précision et de faible intensité, capables de pénétrer profondément dans le sol et pouvant être utilisées dans des frappes préventives contre certains pays. Notre pays est-il engagé dans une telle voie ? Prévoit-il des frappes préventives contre les Etats-voyous ? Cette nouvelle doctrine impliquerait de déclencher le feu nucléaire sans agression préalable. Elle reviendrait sur l'engagement pris par la France dans le traité de non-prolifération de 1994 de ne pas utiliser l'arme nucléaire contre des pays non nucléaires. Cette réorientation serait d'une extrême gravité et rend un débat au Parlement absolument impératif.

Ce débat devrait porter sur l'ensemble de notre politique de défense. En effet, si la France a choisi le multilatéralisme et le respect du droit international lors de la crise irakienne, elle continue à privilégier, en matière de défense, une réponse exclusivement militaire qui n'est pas adaptée au terrorisme et à la prolifération des armes de destruction massive.

De toute évidence le terrorisme, déterritorialisé et fonctionnant en réseau, ne peut être combattu par une capacité nucléaire et par une force de projection à l'étranger, le 11 septembre 2001 et les déboires des Etats-Unis en Irak en témoignent. La prolifération des armes de destruction massive est liée essentiellement au sentiment d'insécurité des Etats face à leur environnement régional, à la politique aventuriste et unilatéraliste de l'hyperpuissance américaine, à la puissance et au prestige international que confèrent ces armes.

La parade est donc le désarmement contrôlé et global et non la menace d'une riposte nucléaire. Enfin, s'agissant des crises et des guerres régionales, une action préventive est nécessaire, suivie, en cas d'échec, d'une intervention de l'ONU, rénovée et démocratisée, sous réserve d'une définition internationale des critères de ces interventions.

Le désordre actuel du monde appelle une nouvelle approche de la sécurité, fondée en premier lieu sur une politique multidimensionnelle, en faveur du développement et de la réduction des inégalités.

M. Bernard Carayon - Nous voilà bien avancés...

M. Jacques Brunhes - Dans cette perspective, les missions de nos armées devraient s'articuler autour de la défense prioritaire du territoire national et européen, de l'action humanitaire et pour la paix sous l'égide de l'ONU, de l'intervention sur les sites de catastrophes naturelles partout dans le monde. Cette politique permettrait de redéployer les crédits en faveur des satellites de renseignement et de recherche et d'aller vers une défense européenne autonome, tournant le dos au modèle américain de puissance et de domination. Perspective que la France nie,...

M. Michel Voisin - Oh !

M. Jacques Brunhes - ...en n'admettant pas le découplage de la défense européenne avec l'Alliance Atlantique et avec l'OTAN. Le Premier ministre l'a réaffirmé lors de son discours à l'Institut des hautes études et le projet de traité de « constitution européenne » le confirme.

C'est parce que les choix stratégiques qui fondent votre politique de défense ne nous semblent aptes ni à assurer la sécurité nationale et internationale, ni à renforcer le rôle de la France en Europe et sur le scène mondiale, que le groupe communiste et républicain votera contre votre budget (Exclamations de dépit ironiques sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Voisin - Ce budget que vous nous présentez pour 2004 s'inscrit dans une continuité qui importune les uns, mais qui ravit les autres.

Ceux qui se sont ingéniés à réduire les crédits que notre pays consacre à sa sécurité hurlent, plus soucieux des intérêts démagogiques d'une gauche qui cherche une éventuelle légitimité, qu'ils ne l'étaient hier de l'intérêt général et de l'indépendance nationale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Leur logique simpliste a effectivement de quoi séduire ceux qui, les ayant délaissés, sont maintenant récupérés par une extrême gauche, peut-être unie le temps d'une campagne électorale...

Sensible au chant des sirènes que sont pour elle les sondages, la gauche socialiste, son ex-premier ministre en tête, si elle reconnaît du bout du lèvres que la défense pourrait être une priorité, n'en considère pas moins que l'augmentation des dépenses militaires s'effectue au détriment des politiques publiques essentielles à la croissance, à l'emploi et à la justice sociale. On croit rêver ! Les Françaises et les Français ne les ont-ils pas justement sanctionnés, eux qui sacrifiaient tout à des politiques publiques budgétivores, sans que la croissance, l'emploi et la justice sociale soient pour autant au rendez-vous ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

L'effort consacré à la défense par chaque Français s'est, sous les effets d'une idéologie pacifiste, réduit de près de 15 % au cours des années précédentes. Dans le même temps, l'instabilité s'est installée sur la scène internationale, l'inquiétude des populations se manifeste face au développement des conflits régionaux, la force et même la folie semblent primer dans les relations internationales. Pourtant, ce constat échappe à la sagacité de l'opposition...

Votre budget, Madame la ministre s'inscrit dans la continuité de la loi de programmation. Tous ceux qui ressentent la nécessité de doter notre pays d'un outil de défense à la hauteur du rôle qu'entend jouer la France sur la scène internationale ne peuvent que vous en féliciter, tant le contexte économique légué par vos prédécesseurs ne vous rendait pas la chose aisée.

Grâce à votre action, qui traduit ainsi dans les faits la volonté du Président de la République, la défense n'est plus une réserve de crédits que l'on destine à d'autres actions, elle redevient une priorité de la politique de la France.

Il convenait de revenir à la raison et de doter notre pays d'un budget suffisant et compatible avec les missions du nouveau modèle d'armée professionnalisée. Vous avez, avec la constance et la ténacité que l'on vous connaît, mis un terme aux coupes claires qui, année après année, mettaient en pièces notre outil de défense et cassaient le moral de nos militaires.

M. Jean-Yves Le Drian - C'est Juppé qui a commencé...

M. Michel Voisin - Quand on a connu la dégringolade, on est fier du redressement amorcé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le nouveau contexte international, avec son lot de conflits et d'incertitudes, nécessite plus que jamais une vigilance soutenue. La multiplication des conflits régionaux et la menace permanente des actions terroristes sur la paix mondiale montrent l'urgente nécessité de disposer de moyens de renseignement autonomes.

Le renseignement, quelle que soit son origine, est un gage de notre sécurité. De la fiabilité avec laquelle il est recueilli, de la technicité avec laquelle il est centralisé, de la compétence avec laquelle il est analysé dépendent non seulement l'indépendance des choix politiques mais surtout la sérénité de nos concitoyens. C'est un domaine prioritaire, le Gouvernement l'a bien compris.

Disposer d'un outil de renseignement efficace, c'est aussi pouvoir _uvrer en faveur d'une politique de défense européenne véritablement indépendante. Cette défense qui se construit lentement, ne peut devenir réalité que si elle fédère de réelles capacités. Renforcer la crédibilité de notre défense, en donner une image forte, c'est promouvoir une certaine idée de la France et de l'Europe.

Evoquer la défense européenne conduit inévitablement à ouvrir le débat sur la place qu'y tiendra la dissuasion. Mais nos partenaires européens sont-ils aussi hostiles que certains feignent de le croire à toute idée de dissuasion nucléaire ? Si quelques-uns affichent de réelles réticences, ils ont, en d'autres temps, accepté implicitement le principe. Qui plus est, nul ne pourrait sérieusement prétendre aujourd'hui que la sanctuarisation du territoire national, clef de voûte de notre système, ne dépasse pas quelque peu les frontières de l'hexagone. Notre doctrine de dissuasion a participé au maintien de la paix en Europe. Parce qu'elle expose tout agresseur potentiel à une riposte forte, elle incite tout pays proliférateur, que ce soit dans le domaine nucléaire, biologique ou chimique, à ne s'en prendre ni à nos intérêts vitaux, ni à l'intégrité de notre territoire. La France fait partie de l'Europe, la préservation de cette entité territoriale ne participe-t-elle pas, en toute logique, de nos intérêts vitaux ?

Certes, le fait que la Grande-Bretagne ait une doctrine différente et une dépendance vis-à-vis des Etats-Unis d'Amérique en matière d'emploi entraînera de longues discussions, mais, malgré les oppositions de façades, nos partenaires adhèrent de facto à notre politique.

S'agissant de la coopération avec la Grande-Bretagne dans le cadre d'une force européenne de projection, nous nous félicitons des rapprochements quant à la création d'un second groupe aéronaval. Cette question, liée au choix du mode de propulsion du second porte-avions pourrait favoriser la mise en commun de moyens maritimes gage d'économies d'échelles.

Les changements internationaux nécessitaient un profond remaniement de notre outil militaire. Deux grandes réformes ont été lancées par le Président de la République, vous les avez conduites à leur terme. Grâce à la professionnalisation des forces et la mise sur pied d'une véritable force de projection, nos forces armées disposent aujourd'hui des capacités d'une armée moderne, adaptée aux menaces et aux dangers de ce début de siècle.

Certes, elles souffrent d'un manque d'équipements imputables aux choix passés. Vous êtes aujourd'hui encore obligée de vous livrer à une gymnastique budgétaire pour que les capacités opérationnelles de nos troupes ne soient pas obérées par les coupes claires pratiquées par le précédent gouvernement.

Si la progression des crédits d'équipements est globalement satisfaisante, la situation du titre V demeure légèrement préoccupante. En effet, les effets mécaniques des étalements de programmes, des gels de crédits antérieurs, la durée des développements provoquent d'importants surcoûts financiers, qui consomment une part non négligeable de l'effort budgétaire. Ne nous laissons pas abuser par des chiffres très positifs : les crédits consommés par de gros programmes comme le Leclerc et le Rafale ont des impacts directement sur des programmes considérés comme mineurs, mais fondamentaux pour la cohérence opérationnelle des forces. Une plus grande concertation entre la DGA et les états-majors est donc souhaitable.

Le groupe UMP se félicitait l'an dernier que le budget 2003 marque une rupture avec la décroissance constante des moyens de la défense entre 1997 et 2002. Le présent projet se situe dans ce mouvement ; il permettra de mener enfin les actions nécessaires pour mettre à niveau nos moyens opérationnels.

La conformité de ce budget à la loi de programmation est de bon augure. Elle renforce sa crédibilité et constitue un signal fort pour nos partenaires européens. Elle traduit aussi en direction de l'institution militaire, la volonté politique du Gouvernement et des élus. Enfin, c'est un gage pour les Français de la priorité donnée à notre sécurité intérieure et extérieure.

De notre détermination à assurer la défense des Français et des intérêts de la France, les militaires font une démonstration quotidienne. Au nom de mon groupe parlementaire, je veux leur rendre un hommage appuyé car ils le méritent bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Permettez-moi, Madame la ministre, d'ajouter une note culturelle à cette intervention. Comme l'ensemble des réservistes, je suis attaché aux traditions véhiculées par nos forces armées. Il en est une qui incarne une exception française et constitue un élément de notre patrimoine national : les batteries-fanfares, qui entretiennent la grande tradition des marches militaires. La suspension du service national les met en péril mais il est impératif de les préserver car elles contribuent à former l'esprit de défense.

Madame la ministre, l'an dernier le groupe UMP s'était félicité de la rupture que marquait le projet de budget pour 2003, tout en disant qu'il serait très attentif aux conditions de son exécution. Il vous apporte aujourd'hui son total soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Patricia Adam - Je voudrais, Madame la ministre, vous poser trois questions.

Dans le cadre du changement de statut de DCN, les parcelles concédées, les bâtiments industriels et moyens portuaires doivent faire l'objet de conventions d'occupation temporaire, soit de vingt ans, soit de trois ans. Peut-on envisager des autorisations supérieures à trois ans, qui donneraient une plus grande visibilité à DCN en termes d'organisation industrielle et d'investissements et lui permettraient sans doute d'améliorer le coût de ses prestations, pour le plus grand profit de la marine nationale ?

L'an dernier, j'avais appelé votre attention sur la question du transfert des SNA de Toulon à Brest. Vous aviez reconnu que celui-ci était logique sur le plan technique, mais qu'il fallait tenir compte des conséquences en termes d'aménagement du territoire. La marine vient d'annoncer que les futurs SNA de type Barracuda seront bien basés à Brest à compter de 2012, date de la première livraison, mais rien n'est dit sur l'escadrille de type Rubis. Son transfert est-il envisagé à compter de 2006 comme le préconisait le rapport de MM. Cova et Kerdraon ?

Enfin, je constate que les crédits affectés au fonds pour les restructurations de la défense sont en baisse de 3 millions. Pouvez-vous donc nous préciser les intentions du Gouvernement concernant ce fonds pour la période de programmation 2003-2008, étant entendu que les restructurations décidées en 1996 par le Président de la République, continueront à produire leurs effets et qu'en outre, les collectivités, pour réhabiliter les emprises militaires qui leur seront transférées, devront pouvoir compter sur le soutien de l'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Mach - Le redressement de notre effort de défense se poursuit. La progression du budget de 4,3 millions permet d'accroître nos capacités opérationnelles et de nous doter de matériels modernes. Néanmoins beaucoup d'efforts restent à faire, en raison des retards accumulés ces dernières années.

J'insisterai plus particulièrement sur les difficultés rencontrées par les groupements de gendarmerie, que j'ai pu moi-même constater à l'occasion de deux rondes nocturnes avec le PSIG de Perpignan.

S'agissant des effectifs, dans mon département huit « communautés de brigades » - nouveau concept introduit en 2003 - regroupent dix-huit des trente-trois brigades. Leur efficacité est incontestable, mais le manque d'effectifs se fait néanmoins sentir ; cinq de ces communautés n'atteignent pas les volumes imposés, ce qui nuit à leur activité.

M. François Rochebloine - Très bien.

M. Daniel Mach - Cette situation ne doit pas perdurer.

Autre problème : le manque de moyens matériels. Pour remplir leurs missions efficacement, les pelotons d'intervention doivent être dotés de véhicules adaptés ; ceux dont ils disposent actuellement ne peuvent pas rivaliser avec les grosses cylindrées utilisées par les délinquants. Les PSIG attendent par ailleurs avec impatience des flash-balls, ainsi que des casques de protection. Ce budget comporte de sérieuses avancées, mais les gendarmes doivent pouvoir bénéficier au quotidien des matériels dont ils ont besoin.

Ils attendent beaucoup de l'application de la LOPSI, tant en moyens matériels qu'en effectifs. Dans les Pyrénées-Orientales, département classé dans les dix premiers en termes de délinquance et jugé parmi les cinq plus sensibles par la gendarmerie, ils souhaitent pouvoir accomplir leur mission avec l'efficacité et la sécurité nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Dasseux - Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je voudrais évoquer, comme on mène un assaut, trois thèmes qui me tiennent à c_ur...

La réserve, d'abord. Même si je salue la progression de la ligne budgétaire qui lui est consacrée, ma déception est grande quant au format qu'elle atteindra en 2008. En effet, l'inquiétude que j'exprimais déjà l'année dernière se réalise : l'objectif final de 100 000 réservistes, repoussé à 2015, est ramené à 94 000, et l'objectif de 82 000 en 2008 est ramené à 68 000. L'effort budgétaire compense difficilement le retard pris l'année dernière, malgré un abondement de 17 millions en cours d'exercice. C'est ce que confirme aujourd'hui le rapporteur, dénonçant « un sous-effectif qui se comblera lentement ».

Le dispositif reste à perfectionner. Des aménagements juridiques sont nécessaires, notamment un assouplissement des conditions d'accès à la réserve, une modification des limites d'âge et l'augmentation de la durée de l'engagement à servir dans la réserve « ERS ». Je signale l'excellent travail réalisé sur ces questions par le Conseil supérieur de la réserve militaire.

Quant à la « journée nationale du réserviste », la question de son financement se pose depuis trois ans ; on n'a trouvé d'autre solution que de « l'accoler » aux journées de la défense, lorsqu'elles ont lieu, pour bénéficier de leur budget de communication. Une clarification du statut de cette journée par une budgétisation de l'ensemble des manifestations est nécessaire.

Mais surtout, le problème du partenariat avec les entreprises reste entier. Il n'est pas neuf, et je l'avais déjà évoqué dans mon rapport en 1999. Le Medef, après avoir promis d'abord de s'associer au dispositif, s'est montré réticent. En cas de participation à des opérations extérieures, aucun dispositif ne garantit aux réservistes le retour à l'emploi qu'ils occupaient au sein de leur entreprise. Il n'est pas normal qu'un salarié soit moralement contraint d'effectuer ses périodes de service sur ses congés de peur d'être licencié. Il n'est plus temps de constater, il faut agir ! Développer le partenariat, mettre en place un dispositif fiscal incitatif, recenser les entreprises qui emploient des réservistes, voilà qui pourrait relancer l'attrait de la réserve. Je souhaite, Madame la ministre, que le projet de loi que vous présenterez en 2004 au Parlement puisse prendre en compte ces remarques, qui me semblent essentielles pour le devenir de la réserve.

Mon deuxième point portera sur l'externalisation, qui se développe afin de répondre aux besoins créés par la professionnalisation. J'ai souligné dans mon rapport de 2002 toute la prudence requise dans ce domaine.

Les crédits d'externalisation s'accroissent de 20 millions d'euros en 2004. Ils concerneront la gestion des logements, la formation initiale des pilotes d'hélicoptères, la gestion du parc des véhicules commerciaux ainsi que le soutien logistique aux opérations extérieures.

L'externalisation ne doit pas conduire la puissance publique à déléguer ses fonctions régaliennes. L'expérience britannique montre qu'il est très difficile de revenir en arrière, car la perte du savoir-faire est quasiment irréversible, alors que les gains financiers ne sont pas forcément à la hauteur des espérances. Or il reste difficile aujourd'hui d'opérer une réelle évaluation des contrats d'externalisation dans notre pays. Avant tout choix d'externalisation, il faut explorer de nouvelles voies de rationalisation et de mutualisation de certaines fonctions. Il est essentiel de préserver les compétences techniques et le potentiel humain, notamment dans le service de santé des armées. L'échec de l'expérience britannique doit nous alerter.

M. le Président de la commission de la défense - C'est vrai.

M. Michel Dasseux - Outre la pénurie de recrutement dans un vivier médical et paramédical déjà déficitaire dans le civil, la réactivité, primordiale pour un service de santé en opération, rend ce secteur difficilement externalisable. De plus, dans le cadre de la réserve, le recrutement sur des courtes périodes de médecins libéraux demande une organisation complexe et une planification à très long terme.

N'oublions pas d'autre part les personnels civils et la nécessité de mettre en _uvre une politique sociale de ressources humaines en cohérence avec la professionnalisation, respectueuse de cette composante.

J'évoquerai enfin le budget de la gendarmerie, sur lequel je partage nombre des remarques de M. Folliot. Tout d'abord, on annonce la suppression de nombreux CES et CEC. Outre le rôle social de ces emplois, souvent occupés par des chômeurs de longue durée qui risquent de retomber dans la précarité, cette suppression pose le problème de la gestion des mess mixtes ou d'autres services. Il ne s'agit certes pas de fonctions opérationnelles primordiales, mais les gendarmes y sont très attachés.

Enfin, je veux redire mon inquiétude sur le dispositif police-gendarmerie. La soumission de la gendarmerie au ministère de l'intérieur pose certains problèmes, qui indisposent les gendarmes, notamment la disparité de traitement entre les deux corps. Ne piétinons pas les fondements de notre République : des forces de police et de gendarmerie distinctes restent la garantie de notre démocratie. Certes, une coordination renforcée est utile, mais la remise en cause du schéma traditionnel police-gendarmerie pourrait conduire à une dérive dangereuse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Carayon - Les menaces contemporaines ont surgi de la clandestinité : terrorisme, prolifération nucléaire, guerre économique, autant de nouveaux défis. Jamais peut-être les services de renseignement n'ont été autant au c_ur de l'appareil régalien : ils sont la clé de l'action. Singulière responsabilité, alors qu'ils n'absorbent que 0,7 % du budget de la défense, hors rémunérations il est vrai. Pour le prix de quelques chars Leclerc, ils disposeraient en quelques années des moyens techniques d'interception et de traitement de l'information de la nouvelle génération !

Leurs capacités les exposent à des risques spécifiques, notamment l'instrumentalisation politique. Rien de plus dangereux pour eux, comme l'a souligné le conflit en Irak : parmi les images télévisées des réunions du conseil de sécurité, l'histoire retiendra sans doute celle du directeur de la CIA, assis derrière Colin Powell, et s'efforçant de prouver, à l'aide d'analyses « recomposées », l'existence d'armes de destruction massive.

Au bénéfice de l'Etat de droit, les services de renseignement défendent dans l'opacité les droits de l'Etat. Curieux paradoxe dans nos sociétés éprises de démocratie et de transparence !

L'idée d'un contrôle parlementaire spécifique est régulièrement défendue. Mais quel en serait le but ? Connaître les hommes, les missions, les méthodes ? Ne mettrait-on pas ainsi en péril la sécurité de nos agents et le succès de leurs missions ? Rappelons qu'un parlementaire ne peut être soumis aux règles traditionnelles d'habilitation. Le système anglo-saxon est-il vraiment un modèle en la matière, alors qu'on a pu voir dévoilée l'appartenance à la CIA d'un de ses agents, par suite, a-t-on dit, d'un règlement de compte politique ?

Le rapport spécial que j'ai présenté pour la deuxième année au nom de la commission des finances permet au Parlement de s'interroger sur les vrais sujets relevant de sa compétence : conditions de fonctionnement des services, priorités techniques et budgétaires, modes de recrutement, statut des personnels. Les services de renseignement n'ont ni la place dans l'Etat ni l'image dans l'opinion qu'ils méritent. La culture du renseignement reste étrangère aux mentalités de nos élites : l'Etat lui-même ne sait guère gérer leur image, ni susciter les vocations, alors même que ces métiers exigent des connaissances éprouvées, alliées à des valeurs morales singulières.

Au-delà de la gratitude que la nation leur doit, notre pays ne peut oublier que les services de renseignement constituent l'un des atouts majeurs de sa puissance et de la défense de ses principes.

Globalement, les crédits de l'agrégat n° 7 « Renseignement » du budget de la défense se stabilisent à 291 millions d'euros en 2004, contre 304 millions en 2003. Ces crédits, qui n'incluent pas les rémunérations et charges sociales, se répartissent entre la DRM, la DPSD, et la DGSE. Cette dernière bénéficie en outre de fonds spéciaux issus des Services généraux du Premier ministre, pour un montant satisfaisant de 33 millions d'euros, stable depuis 2002.

Mais le budget de la DGSE diminuera en 2004 de 5 % en crédits de paiement. Du fait de l'augmentation d'une unité des effectifs d'officiers et de la progression de 46 unités des postes de civils, l'effectif total serait de 4 745 personnes. Cet effort est certes appréciable, mais sans comparaison avec l'évolution de ses missions : sur la période de la loi de programmation militaire 2002-2008, il manquerait 50 à 100 postes par an.

Les dotations en CP des dépenses en capital chutent de 16 %. Cette situation est d'autant plus inquiétante que les besoins nouveaux en équipements, pour la durée de la loi de programmation, seraient estimés à 130 millions d'euros. En 2004, c'est un total cumulé de 50 millions d'euros qui manqueraient à la DGSE. Pourtant, les progrès technologiques constants appellent un effort sans relâche, au risque de voir la France distancée, notamment par les services anglais et allemands, dont les moyens progressent de 30 à 40 %.

Je souhaite par ailleurs que la politique de communication auprès des grandes écoles soit significativement renforcée. Plus généralement, une politique active de communication s'impose. Il est étonnant, par exemple, que la DGSE ne dispose pas d'un site internet propre, à la différence de ses homologue étrangers, comme la CIA.

La DRM disposera d'un budget stable, compte tenu de la faible variation de ses effectifs. En revanche, les crédits de paiements permettant l'achat de matériels progressent de 20 %. La DRM, de création récente, reste de taille modeste par rapport à ses homologues étrangers. On estime ainsi à 7 000 personnes les effectifs de la Defence Intelligence Agency aux Etats-Unis, et à 4 600 ceux du Defence Intelligence Staff du Royaume-Uni. De plus nos moyens de traitement de l'image de cible ou de combat ne sont pas de la même génération que les moyens américains et israéliens. Enfin, la DPSD disposera d'un budget stable.

En conclusion, il convient de mieux organiser les investissements en matière de renseignement. Nos services, dont la qualité est reconnue, doivent affronter deux révolutions simultanées : la croissance exponentielle des masses d'information à traiter, et la rapidité de l'évolution technologique dans le domaine de l'analyse avancée de l'information.

Les Etats-Unis se sont lancés depuis une dizaine d'années dans une course à la performance de leur appareil de renseignement. Le traitement automatique d'immenses volumes d'information, en provenance du monde entier, fait l'objet depuis le 11 septembre d'un effort d'investissement qui dépasse le milliard de dollars par an. Ses retombées sur l'industrie civile sont considérables.

Parallèlement, j'ai pu constater, au cours de mes travaux sur l'intelligence économique que, si le tissu scientifique et industriel français est d'une richesse exceptionnelle, l'investissement se disperse ; et trop souvent nos chercheurs s'expatrient. Notre pays doit concentrer et organiser son effort. Pour ce faire, il lui faut un service global d'analyse et d'intégration rapide des meilleures technologies du renseignement. Je sais, Madame la ministre, que cette idée vous tient à c_ur.

Ces quelques remarques, portant sur moins de 1 % de votre budget, ne sauraient occulter la grande satisfaction que nous éprouvons tous au vu des moyens budgétaires que vous avez obtenus face au ministère des finances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Michel - La construction de l'Europe de la défense, au sein de laquelle la France joue un rôle moteur, est un objectif de premier plan, au-delà des divisions européennes ponctuelles apparues lors de la crise irakienne. La volonté de doter l'Union européenne de capacités militaires, partagée par tous les Etats membres, s'inscrit dans la perspective de faire de l'Europe un acteur militaire crédible, disposant enfin d'une autonomie stratégique. Le sommet franco-britannique de Saint Malo, en 1998, a donné une impulsion politique indéniable au processus de construction de l'Europe de la défense. Depuis lors, plusieurs initiatives se sont succédé dans la même direction, notamment l'initiative capacitaire présentée par le processus ECAP, mais aussi la mission confiée au Haut représentant Javier Solana de préparer une analyse stratégique de l'Europe. Tout récemment, le sommet franco-britannique du Touquet, ainsi que le mini-sommet du 30 avril à Bruxelles, ont illustré l'implication de chacun.

L'année 2003 a été marquée également par plusieurs avancées indéniables, au premier rang desquelles figure la prise en charge par l'Union européenne de deux opérations extérieures : l'opération Concordia en Macédoine en mars 2003 et l'opération Artémis en juin au Congo.

La lancement effectif des programmes A 400-M et Galiléo, trace la voie d'une coopération militaire accrue entre les Etats membres.

Deux questions se posent. Toute construction d'une Europe de la défense ne nécessitera-t-elle pas la mise en place d'un état major européen disposant de véritables moyens stratégiques ? L'Europe ne doit-elle pas créer une agence de l'armement, de la recherche et des capacités militaires ? Existe-t-il à ce jour le consensus politique indispensable pour la création d'un tel état major ? La décision est-elle sur le point d'être finalisée ? Quant à l'émergence d'une défense européenne, elle est indissociable de l'existence d'une industrie militaire européenne forte et intégrée. Nous avons assisté à la consolidation de l'industrie militaire américaine par restructuration interne et par l'acquisition d'acteurs majeurs européens dans les secteurs terrestre et naval.

L'atomisation de certains secteurs européens risque donc d'entraîner une marginalisation qui induirait une perte d'indépendance lourde de conséquences.

La rationalisation des industries européennes de défense autour de pôles intégrés et performants semble indispensable afin de regrouper les moyens européens et de garantir l'indépendance stratégique de l'Union.

Restructurer nos entreprises et agir ensemble pour la recherche et l'armement, telle doit être notre ambition. Il faut saluer le consensus atteint par la Convention sur l'avenir de l'Europe, notamment sur la proposition d'inscrire dans la Constitution européenne une agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacités militaires.

Seule une politique européenne de défense permettra à l'Europe de se doter d'une base industrielle et technologique capable de coopérer à égalité avec nos concurrents américains. Elle permettra également d'offrir à l'Europe la sécurité d'approvisionnement qu'elle est en droit d'attendre en matière de technologies sensibles. Le sommet de Thessalonique a décidé la création de cette agence sans délai, mais elle ne se fera pas sans surmonter des résistances bureaucratiques.

Le Gouvernement français veut-il mener à terme ce projet ? La France est-elle prête à devenir le fer de lance de cette construction, en mettant les capacités et l'expertise de nos administrations d'armement au service du projet européen ?

Ne nous laissons pas une nouvelle fois envahir par la frilosité, la susceptibilité, l'arrogance - nous sommes déjà les meilleurs (Sourires). Ayons la volonté de conduire les opérations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Etienne Pinte - Le 24 octobre 2002, lors de la présentation du budget 2003 de la défense, vous disiez ne pas pouvoir répondre, Madame la ministre, à la question « Quelle est la stratégie de GIAT Industries ? », au risque d'enfreindre les règles de l'entrave.

La direction de cette entreprise a présenté depuis lors un plan de restructuration baptisé « Projet GIAT 2006 », qui prévoit la suppression de milliers d'emplois sur les 6 250 répartis sur les différents sites.

Nous devons tous nous montrer solidaires des efforts à accomplir afin de sauver le GIAT. Mais comment ?

Pourquoi les 45 chars Leclerc qui devaient être livrés en 2003 ne l'ont-ils pas été, à l'exception de huit d'entre eux, le 1er octobre dernier ?

Ce retard s'expliquerait par les défauts de certaines pièces et par des lenteurs dans le rythme de fabrication.

Quelles sont les raisons de ces retards ? Il est stupéfiant de constater que GIAT Industries ne serait pas performante au moment où elle joue sa survie.

Pourquoi des retards dans la mise au point du véhicule blindé de combat d'infanterie ? Les hésitations de notre état major sur la définition de cet engin risquent d'hypothéquer nos chances à l'exportation.

Pouvez-vous nous donner des précisions à propos de la participation de GIAT au programme Félin ?

Enfin, quel sera le devenir de GIAT ?

L'arbitrage du Premier ministre aura pour conséquence la suppression de cinquante postes supplémentaires sur le site de Versailles Satory.

De plus, le transfert de GIAT Systèmes à Roanne implique la création d'une seconde entité, d'un second GIAT qui se substituerait à terme au Giat Industries tel que nous le connaissons.

Dans un premier temps, GIAT Systèmes serait une filiale de GIAT Industries, puis son capital pourrait s'ouvrir à d'autres partenaires, et enfin, GIAT Industries n'aurait plus de raison d'être.

Je souhaite, Madame la ministre, que vous nous rassuriez sur la pérennisation de GIAT Industries, en particulier à Versailles.

Contrairement à mes collègues de la Loire, je voterai votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Viollet - Mon collègue Georges Siffredi et moi-même avons été chargés du suivi des mesures sociales d'accompagnement du projet de restructuration de GIAT Industries. Nous devons notamment nous assurer que toutes les mesures de reconversion et de reclassement sont effectives et conformes aux engagements du Gouvernement et du PDG de GIAT.

Nous avons d'ores et déjà rencontré votre cabinet, Madame la ministre, puis la direction de l'entreprise et enfin les organisations syndicales accompagnées de leurs experts.

Permettez-moi quelques remarques, et d'abord s'agissant de la méthode. Conformément aux dispositions de la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, l'accord prévoyait la possibilité, pour les partenaires sociaux, de formuler des propositions alternatives au projet de restructuration, auxquelles la direction s'engageait à répondre de façon motivée.

Or, quand bien même la direction de GIAT Industries a décidé de clore les discussions sur le volet industriel, des interrogations persistent sur le niveau de prise en compte des activités à assurer par l'entreprise, s'agissant notamment de son possible rôle de maître d'_uvre industriel.

Je pense que la bonne mise en _uvre de l'accord de méthode engage à la fois la crédibilité de la loi du 3 janvier 2003, mais aussi la réussite de la transformation de l'entreprise GIAT Industries pour la rendre durablement viable.

Le plan de sauvegarde de l'emploi mérite une attention toute particulière, eu égard à la diversité des statuts et des métiers des personnels concernés, mais aussi, parce qu'ayant le retour d'expérience d'autres entreprises, nous connaissons les limites des possibilités de reclassement dans le secteur de la Défense comme dans les fonctions publiques. Les sous-traitants devraient également bénéficier de mesures de compensations.

Je suis convaincu que la réussite de la restructuration de GIAT passe par la bonne mise en _uvre du plan de sauvegarde de l'emploi, lequel conditionne la mobilisation positive des salariés, comme des élus des bassins concernés, sinon leur adhésion au projet. De ce point de vue, l'Etat peut et doit montrer une certaine exemplarité.

Enfin, le projet GIAT 2006 n'ouvrira de perspectives que s'il engage une dynamique plus large, et c'est pourquoi je considère que nous devons _uvrer à son adossement à un grand groupe français, militaire ou civilo-militaire, en perspective d'une recherche d'alliance, pour une consolidation de notre industrie d'armement terrestre en Europe.

Comme je l'ai fait le 22 octobre devant les syndicats des personnels civils de la défense, je souligne que nous devons réussir la transformation de GIAT Industries pour notre défense et pour les territoires et les personnels de ses différents sites.

Tel était le sens de cette intervention et de mon engagement dans la mission qui nous a été confiée, à Georges Siffredi et à moi-même, par votre commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Vitel - Non, le budget de la défense n'est pas un budget comme les autres. Il est la condition de notre sécurité, la manifestation du rôle international de la France et un apport important à la vie économique.

Premier budget d'investissement public, avec 14,9 milliards d'euros, il représente 170 000 emplois directs et autant d'emplois indirects, et 4 milliards d'euros de recettes à l'exportation.

Pour préserver ces bons résultats, il faut maintenir un paysage industriel réactif et performant. Aux Etats-Unis, le mouvement de restructuration lancé dès 1991 a donné naissance à quatre industriels majeurs. Il était urgent de réagir, au risque de disparaître inexorablement. Mais il fallut attendre 1998 pour voir les industriels européens de la défense s'engager dans la restructuration qui s'imposait. Cette saine réaction aboutit en 2000 à l'émergence de trois groupes européens de dimension mondiale : BAe Systems, Thales et EADS. Dans le secteur naval, l'allemand HDW participa activement au processus d'intégration de l'industrie navale européenne. BAe Systems fit du développement de ses activités dans le secteur une priorité. DCN restait le dernier constructeur naval européen au statut d'administration d'Etat. En dix ans, elle avait perdu 40 % de son activité et 10 000 emplois. Il fallait lui permettre de préparer des alliances structurelles. La modernisation entamée en 1991 avec la création de DCN International aboutit en 2003 à une transformation en société de droit privé détenue à 100 % par l'Etat.

Les rapprochements avec Thales et avec une filiale d'AREVA ont abouti en 2002. Un accord concernant les systèmes de propulsion classique a été signé le 17 avril 2003 avec Rolls Royce. En coopération avec l'espagnol Izar, DCN développe un sous-marin. La transformation de son statut devrait permettre de pérenniser cette coopération. La coopération avec l'italien Fincantieri sur les frégates antiaériennes Horizon devrait se prolonger sur le programme de frégates multi-missions. Des négociations sont en cours, en coopération avec Thales, sur un éventuel rachat des parts de One Equity Partner dans HDW.

Le carnet de commandes de DCN s'élève aujourd'hui à plus de 10 milliards d'euros. Le volet social de la réforme a été bien mené. Les partenaires sociaux ont apprécié que nous légiférions sur le statut. Un nouvel élan anime DCN. L'Etat lui a donné les moyens de réussir sa transformation : le contrat d'entreprise sera signé dans les jours prochains. Il précise les investissements à réaliser par l'Etat et le niveau de capitalisation. La dotation en fonds propres est fixée à 563 millions d'euros. Elle ne sera pas imputée au budget de la défense.

La transformation de DCN en société anonyme suppose que les prestations de services et les formations délivrées soient soumises à la TVA. Le principe de neutralité fiscale a été retenu : les dotations du titre V doivent progresser à due concurrence du surcoût. 129 millions d'euros ont été inscrits en autorisations de programme et en crédits de paiement. Le surcoût est de l'ordre de 700 millions d'euros sur cinq ans. Le principe de neutralité fiscale doit être formellement respecté.

C'est dans le respect de nos engagements que s'inscrit ce budget conforme à la loi de programmation militaire. La sacralisation du budget de la défense n'est plus un mythe, mais une réalité. Nous sommes fiers de le voter et de participer ainsi à la renaissance de notre puissance militaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gilbert Le Bris - Trop pour certains, trop peu ou juste assez pour d'autres : le budget de la défense fait comme toujours l'objet de déclarations péremptoires, voire manichéennes, sur son volume.

Mais il ne peut-être jugé indépendamment du contexte géopolitique et de la perception des menaces. On réhabilite à cette aune les budgets de la décennie précédente, celle des « dividendes de la paix ». Entre 1990 et 2001, la part du budget de la défense est revenue de 3,6 % à 2,5 % du PIB en France. Mais dans le même temps (Protestations sur les bancs du groupe UMP) l'Allemagne est passée de 2,8 à 1,5 % du PIB, la Grande-Bretagne de 4 à 2,4 % et les Etats-Unis de 5,3 à 2,9 %. La diminution a donc été moins marquée en France : voilà qui relativise les critiques.

Autre temps, autres m_urs, autres menaces, autres moyens (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Laissez M. Le Bris intervenir.

M. Gilbert Le Bris - Votre budget est conforme à la loi de programmation (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP) mais insuffisant dans ses équilibres internes : trop pour la dissuasion, pas assez pour le spatial, le renseignement, les personnels. La nouvelle donne mondiale - terrorisme, hégémonie américaine, difficultés de la construction européenne - n'est pas prise en compte. Or, on ne peut l'occulter : s'il n'y a plus de menaces à nos frontières, il n'y a plus de frontières pour nos menaces. Il faut donc redéfinir notre doctrine militaire, y compris celle du nucléaire.

Je voudrais à ce propos relayer les préoccupations des vétérans de nos essais nucléaires. Nombre d'entre eux souffrent de maladies et notamment de cancers. Or, ils se voient refuser la reconnaissance d'un lien de causalité entre la maladie et leur travail dans les centres d'essais (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Aucune étude n'a été diligentée sur les conséquences des essais dans le Sahara sur les populations locales et l'environnement. Quant à la Polynésie française, l'étude menée par l'INSERM risque d'être interrompue faute de financement. Une étude parallèle est menée par l'association des vétérans sur près de 1 500 d'entre eux. L'effectif est réduit...

M. Michel Voisin - L'AIEA a rendu des conclusions !

M. Gilbert Le Bris - Mais cela devrait inciter le Gouvernement à réaliser une étude épidémiologique sur l'ensemble des intéressés. Cela a bien été fait pour les vétérans de la guerre du Golfe ! Du moins pourrait-on instituer un suivi médical spécifique pour les anciens personnels et pour les populations voisines des sites.

Vous ne vous étonnez pas que j'en vienne à la mission de service public de la marine nationale et aux remorqueurs Abeille. Votre position ne manque pas d'émouvoir sur nos côtes bretonnes et normandes, à proximité des chantiers. Le conseil municipal de Cherbourg a voté hier à l'unanimité une motion vous demandant de reconsidérer votre position. A ma récente question d'actualité, vous avez répondu en substance que la société préférait le chantier norvégien, qui offrait de meilleures prestations techniques pour un prix inférieur et dans un délai plus court. En réalité, c'est au politique de choisir. La vraie différence ne porte ni sur les techniques, ni sur les délais : elle est d'ordre financier. Mais comment un pays aux standards sociaux comparables aux nôtres peut-il pratiquer de tels prix, sauf à mobiliser sous-traitance et aides publiques ? Pourquoi ne pas prendre en compte la perte de TVA, de taxe sur les salaires, le chômage dans les chantiers français ?

Une mission de service public assurée sur nos côtes avec des bateaux emblématiques bénéficiant de GIE fiscaux ne justifierait-elle pas un effort financier au demeurant modeste ? Seule la volonté politique peut vous dicter votre choix. Je crois savoir que vous n'en manquez pas. Alors, pour l'avenir de notre construction navale, prenez les bonnes décisions, celles qui préservent notre puissance maritime (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Marguerite Lamour - Comme bon nombre de mes collègues, j'éprouve une grande satisfaction à voir les crédits de la défense augmenter par rapport à l'année 2003. Ceci confirme la priorité accordée par le chef de l'Etat à une armée efficace et moderne. La loi de programmation militaire 2003-2008 nous a permis de donner à votre ministère les moyens d'assurer les missions dévolues à nos forces armées. Le budget en assure la mise en _uvre. Au-delà de ses grandes orientations - amélioration de la disponibilité des matériels, modernisation des équipements, professionnalisation des armées - je voudrais d'abord appeler votre attention sur la gendarmerie, qui contribue largement à la sécurité intérieure. La mise en place des communautés de brigades en 2003 a redéfini les missions de nos gendarmes. Les maires des communes rurales, dont je suis, ont été sensibilisés à ce nouveau dispositif. La présence d'une gendarmerie dans un chef-lieu de canton est en effet un élément essentiel au maintien de la sécurité des biens et des personnes, et les élus craignaient que le regroupement des brigades rendît la gendarmerie moins accessible. La présentation du dispositif les a rassurés. Cependant, il faudra veiller à ce que les moyens qui lui sont consacrés soient appropriés.

J'en viens aux réserves. Les différentes manifestations qui se tiennent actuellement ont permis de faire le point sur ce sujet. L'évolution de notre appareil de défense a conduit à une importante rénovation de la réserve, concrétisée par la loi du 2 octobre 1999. L'objectif de 94 000 engagés dans la réserve à l'horizon 2012 est ambitieux. Pour l'atteindre, il faudra certes des moyens, mais aussi réfléchir à d'autre dispositifs. S'il est en effet facile pour le salarié d'une grande structure de servir dans la réserve plusieurs jours par an, ce n'est pas le cas pour le salarié d'une petite entreprise. Ces préoccupations ont été exprimées par l'union nationale des officiers de réserve.

Je ne m'exprimerai pas aujourd'hui sur la construction du second porte-avions. Le rapport sur son mode de propulsion, que j'ai contribué à rédiger, avec trois autres parlementaires, sera présenté dans quelques heures à la commission de la défense.

En tant que députée de Brest autant qu'à titre personnel, je suis très attachée à notre défense nationale. Le port militaire de Brest et les sites de la DCN et de Thalès se trouvent dans ma circonscription, et je mesure combien ils sont importants pour elle. La défense est pourvoyeuse d'emplois militaires et civils et est essentielle pour le dynamisme économique de notre région. D'aucuns estiment que la priorité donnée au budget de la défense arrive à contretemps. Je suis au contraire de ceux, et ils sont nombreux, qui sont heureux de retrouver l'espoir de voir notre défense nationale reprendre la place qu'elle n'aurait jamais dû perdre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Lellouche - Madame la ministre, permettez-moi d'ajouter ma voix à celles qui saluent votre action au service de nos armées et qui se réjouissent que votre budget maintienne le cap de la loi de programmation militaire. Ce budget doit être salué comme la preuve tangible du renouveau de l'effort de défense français, après, Monsieur Le Bris, une période d'appauvrissement dont les conséquences sont aussi graves sur la disponibilité que sur le moral de nos armées. Ce budget est un gage de crédibilité vis-à-vis de nos alliés, vis-à-vis des hommes et des femmes qui servent notre défense mais également de tous ceux qui ont la violence et la déstabilisation pour objectif.

L'une des principales avancées de ce budget est l'amélioration de la condition militaire. Les 46 millions consacrés au fonds de consolidation sont à la mesure des efforts consentis par ceux qui servent notre défense. Les progrès sont également patents dans le domaine de la livraison des matériels. La programmation est respectée, notamment dans le domaine spatial, avec la mise en orbite des satellites Syracuse III et Hélios II, mais dans de nombreux autres aussi. Dernière grande avancée : la consolidation des indicateurs d'activité des forces armées et celle du niveau d'entraînement. Le milliard consacré à l'instruction et à l'entraînement répond à un besoin urgent. Beaucoup de progrès ont donc été accomplis, même si retrouver une cohérence d'ensemble nécessitera un travail considérable.

Je voudrais toutefois formuler une réserve : je sais que nous faisons aussi bien que les britanniques en matière de recherche développement et que nos deux pays représentent à eux seuls 80 % de l'effort européen en la matière ; reste que le fossé se creuse avec les Etats-Unis. Le différentiel de puissance entre nos armées commence à devenir préoccupant, au point de compromettre leur capacité à combattre ensemble. Ce fossé technologique est un des facteurs déterminants de l'unilatéralisme américain. La recherche développement conditionne, à long terme, le poids politique de la France dans les crises internationales.

Je terminerai par quelques questions. La nouvelle politique européenne de défense est l'aboutissement de plusieurs étapes : décision en décembre 1999, à Helsinki, de créer des structures politiques et militaires et de développer d'ici 2003 une capacité autonome de défense de 60 000 hommes, décision confirmée à Nice en décembre 2000 ; en décembre 2001, clarification des relations de cette force avec l'OTAN ; en février 2003, grandes avancées au sommet franco-britannique du Touquet en matière de coopération militaire ; en juin 2003, conseil de Thessalonique sur le projet de traité constitutionnel avec un volet important sur la défense et enfin, le 20 septembre, sommet à Berlin entre la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne sur le principe d'un état-major autonome européen.

Parallèlement, l'OTAN a décidé la création d'ici à 2006 d'une force de réaction rapide et a pris, en août, le commandement de l'ISAF en Afghanistan - intervenant ainsi pour la première fois en dehors du théâtre européen. Ces évolutions ont donné lieu à un débat important des deux côtés de l'Atlantique. Après le sommet du 29 avril entre la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Belgique, qui ont proposé la création d'un noyau dur européen, des voix se sont élevées pour craindre qu'une telle structure n'affaiblisse l'alliance atlantique. Quelle est la position de la France ? Donnons-nous la priorité à la constitution d'un commandement européen ou à la force de réaction de l'OTAN ? Par ailleurs, nous accusons des retards par rapport aux objectifs définis au conseil d'Helsinki. Le budget pour 2004 est-il apte à les combler ? Enfin, au sujet de la capacité européenne d'action rapide, qu'en est-il des cycles opérationnels des unités disponibles ? L'objectif de 60 000 hommes est-il réaliste compte tenu des exigences de rotation et du déploiement de nombreuses unités françaises, dans les Balkans et en Afrique notamment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme la Ministre - Je voudrais vous remercier à la fois pour le ton et la densité de ce débat. Les différentes interventions ont permis d'évoquer l'ensemble des problèmes qui se posent à la politique de défense, qu'elle soit nationale ou européenne. Je propose de les regrouper en trois thèmes : les éléments de notre défense, ses moyens financiers et le contexte international.

En ce qui concerne la constitution de notre défense, un sujet majeur est bien sûr celui de la dissuasion nucléaire. Je tiens d'abord à affirmer clairement qu'il n'y a aucune évolution de notre doctrine nucléaire. Monsieur Quilès, on ne peut affirmer que l'existence même du terrorisme supprime la nécessité de la défense nucléaire, sauf à vouloir effectivement s'en servir. C'est oublier tout simplement que le terrorisme n'exclut pas les autres risques ! J'aurais voulu le dire à M. Le Bris, mais je crois que M. Boucheron lui a déjà répondu.

M. Gilbert Le Bris - Je lui répondrai à mon tour !

Mme la Ministre - D'autres orateurs ont bien souligné le rôle essentiel de la dissuasion nucléaire comme protection ultime.

Le deuxième élément de notre défense est le domaine spatial. MM. Lellouche et Teissier en ont souligné les enjeux et Yves Fromion a rappelé son importance pour les communications et le renseignement. J'ai trouvé à mon arrivée une situation extrêmement préoccupante. Le plus urgent était d'entreprendre une politique de redressement. Ce fut l'objet de la loi de programmation militaire, avec des créations d'emplois et le renforcement des moyens notamment du renseignement.

L'étude que j'avais commandée sur les besoins résultant des insuffisances des gestions antérieures m'a été remise. Nous étudions les moyens d'y remédier au cours des exercices 2004 et 2005. Une autre étude, portant sur le renseignement spatial, me sera remise avant la fin de l'année. Notons que c'est un des domaines où la coopération européenne est plutôt bonne.

J'en viens aux armées. M. Cova a eu raison de rappeler le rôle de protection civile que joue la marine. Elle protège nos côtes contre le terrorisme, l'immigration illégale, les trafics. Elle déploie aussi une capacité d'anticipation et de protection contre les pollutions. S'agissant des besoins plus constants, nous travaillons autour de l'idée des financements innovants. Il est vrai que le code des marchés publics nous pose un certain nombre de problèmes. Les modifications que j'ai proposées sont actuellement étudiées par le Conseil d'Etat.

Pour l'Air, M. Bernard a montré que les difficultés des transports, notamment tactiques, étaient liées à la vétusté des appareils, qui entraîne indisponibilités, coûts d'entretien élevés et risques de rupture capacitaire. La SIMMAD marque un progrès ; j'ai demandé une étude permettant de comparer les coûts dans les domaines civil et militaire. Les drones de combat permettent à la fois, en effet, de développer nos capacités et de maintenir nos compétences industrielles.

En ce qui concerne l'armée de terre, les retards du Leclerc ne sont pas admissibles.

M. François Rochebloine - C'est vrai !

Mme la Ministre - Ils ne sont bons ni pour l'armée ni pour GIAT car ils en donnent une image contraire à la réputation d'excellence et de bonne santé financière qui lui sont indispensables pour affronter la concurrence industrielle.

S'agissant du VBCI, après de longues hésitations, l'armée de terre a choisi la tourelle à deux places et l'entreprise peut commencer la production. D'autres développements peuvent être envisagés, mais je ne suis pas disposée à consacrer 15 millions à leur étude !

Il est évident que les matériels ne seraient rien sans la qualité du personnel qui les sert. Je veux, une fois encore, souligner le rôle que joue le ministère de la défense en matière de recrutement, de formation, de promotion et d'insertion professionnelle. Oui, ce ministère est exemplaire, son action exceptionnelle est pleinement conforme à notre idée de la République ; bien d'autres ministères, plus spécialisés, feraient bien de s'en inspirer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Contrairement à ce que j'ai entendu, avec deux candidats pour un poste, il n'y a pas de difficulté de recrutement, en dehors de quelques postes particuliers pour lesquels la concurrence avec le privé est rude. Ce recrutement est souvent, pour des jeunes sans formation ni diplôme, une formidable chance de s'insérer dans la société et la vie professionnelle.

La formation est également remarquable, à tous les niveaux. Elle n'est garantie de la sorte dans aucune autre administration. Elle est organisée en alternance systématique et l'ensemble de la société pourrait s'en inspirer.

De même, à la défense, la promotion sociale n'est pas un mythe mais une réalité. On voit là comment la société peut assurer cette mobilité sociale dont nous avons tant besoin pour vaincre la sclérose des catégories socioprofessionnelles. Plus de 95 % de ceux qui quittent nos armées à l'issue d'un contrat court sont reclassés en entreprise. Les jeunes trouvent donc un épanouissement professionnel qu'ils n'auraient pas connu s'ils n'étaient pas passés dans nos armées.

MM. Tessier et Lellouche ont salué à juste titre la qualité des personnels. M. Boucheron également, qui a estimé que tout n'avait pas été fait pour améliorer la condition militaire. Mais, jusqu'en 2002, ces améliorations n'étaient pas financées ! Il a fallu que je fasse voter les dispositions de la loi de finances rectificative pour qu'elles interviennent vraiment.

M. Hart a évoqué les difficultés de recrutement des sous-officiers de l'armée de terre, mais les choses se sont améliorées ces derniers mois.

J'ai évoqué à Colorado Springs, lors de la réunion des ministres de la défense de l'OTAN, la question de la disponibilité des militaires. De très nombreux pays ne peuvent guère déployer qu'un pour cent de leurs militaires. La France compte, elle, 30 000 hommes hors de métropole, dont 15 000 sur des théâtres d'opérations extérieures. Bien évidemment, l'entraînement est la condition de l'efficacité et de la sécurité de ces forces. Rendre les matériels plus disponibles facilitera ces entraînements.

Le vieillissement accéléré des appareils engagés cet été dans la lutte contre les incendies - ils ont volé autant en deux mois qu'en un an d'exercices habituels - imposera d'envisager son remplacement plus rapidement que prévu.

M. Le Drian a parlé des personnels et de la mutation de la DGA. Cette dernière devrait commencer à en tirer bénéfice en termes de clarification des responsabilités et d'amélioration du suivi.

M. Carayon a évoqué les personnels peu connus des services de renseignement, qui travaillent dans des conditions difficiles. J'ai tenu, en prenant toutes les précautions nécessaires à la sécurité, à ce que les Français soient davantage informés. Des émissions de télévision ont permis de faire savoir ce que font ces personnels, c'est une façon de les en remercier.

On se demandera pourquoi, dans ces conditions, le budget de la DGSE diminue. Mais il faut désormais tenir compte de tous les moyens de renseignement, qui seront renforcés cette année par deux satellites. Par ailleurs, une centaine de postes seront réservés pour les services de renseignement. Par ailleurs, il faut avoir à l'esprit que les services de renseignements français travaillent de plus en plus avec leurs homologues européens - dont les efforts ne sont pas aussi importants que les nôtres.

Plusieurs intervenants ont parlé de la gendarmerie. Je suis reconnaissante à M. Dasseux d'avoir souligné l'attachement des gendarmes au ministère de la défense et la nécessité de garder deux forces de sécurité intérieure. S'agissant de l'immobilier, on ne peut que regretter la lenteur de sortie du décret LOPSI-LPM, mais elle tient à certaines interrogations qu'on pourrait qualifier de byzantines et à des oppositions manifestées aux nouvelles formes de financement.

La remise à niveau du potentiel de la gendarmerie se fait autour de trois axes : rationalisation de l'organisation territoriale - notamment avec les communautés de brigades, mises en place en concertation étroite avec les élus locaux ; modernisation des équipements, en faveur de laquelle la LPM et la LOPSI prévoient un effort sans précédent, qui permettra de doter les PSIG de nouveaux véhicules ainsi que, dès 2004, de flash-balls ; renforcement des effectifs, en commençant par pourvoir les postes vacants. Dans les Pyrénées-Orientales, Monsieur Mach, il manque dix gendarmes dans les huit communautés de brigades ; des recrutements sont en cours.

En ce qui concerne les réserves, Mme Lamour a eu raison d'insister sur le problème des PME. J'ai rappelé à l'ordre certaines administrations ainsi que les grandes entreprises, en exprimant au Medef mon étonnement devant leur attitude. S'agissant des PME, nous sommes en train de finaliser une convention type ; et j'ai trouvé très réconfortant de rencontrer à l'occasion de la dernière journée de réserve, un certain nombre de patrons de PME qui sont réservistes.

Quant à la réduction des objectifs en matière de réserves, elle résulte d'une étude que nous avons faite pour mieux cerner les postes qui sont à la fois utiles et motivants pour les réservistes.

Il est faux de dire qu'on cherche à faire des économies sur la journée des réservistes. Elle correspond à un véritable besoin et je souhaite d'ailleurs qu'à partir de l'année prochaine on lui donne un thème plus précis, qui pourrait être celui du rapport avec les entreprises - auxquelles il faut faire passer certains messages.

J'en viens aux problèmes « culturels ». Monsieur Voisin, je suis très favorable aux batteries-fanfares, qu'il faut en effet faire en sorte de maintenir ; peut-être pourrait-on y associer des réservistes. Je suis également favorable au maintien des mess, qui sont des lieux privilégiés de rencontre ; il ne peut se faire qu'en liaison étroite avec les collectivités territoriales.

Pour ce qui est des moyens financiers, ce projet de budget respecte strictement la loi de programmation militaire. La plupart des intervenants s'en sont réjouis, quelques uns l'ont curieusement déploré ; pour ma part, je m'en félicite, tout en considérant qu'il n'y a rien de plus normal.

Mais il est important que la LPM s'accompagne d'une clarification du budget. A cet égard, je partage pleinement le point de vue de M. d'Aubert. C'est la raison pour laquelle le président Teissier a reçu le meilleur accueil lorsqu'il a souhaité que l'Assemblée nationale soit régulièrement associée au suivi des dépenses budgétaires.

En ce qui concerne le BCRD, je vais prochainement signer une convention avec ma collègue Claudie Haigneré afin que les crédits venant du ministère de la défense soient utilisés dans des recherches qui lui servent. Je tiens à souligner qu'en matière de recherche-développement, nous avons fait un effort très important l'année dernière et cette année, avec plus de 10 % d'augmentation ; cela nous permet, après avoir pris beaucoup de retard sur la Grande-Bretagne, de revenir au même niveau d'effort financier qu'elle. Nos deux pays consentent 80 % de l'effort européen, et nous sommes certes loin des Etats-Unis, mais nous arrivons néanmoins à ne pas « décrocher », ce qui est tout à la gloire de nos chercheurs.

En ce qui concerne DCN, le ministère de la défense récupèrera la TVA sur les matériels construits par elle.

MM. Cornut-Gentille, d'Aubert et Le Drian, ont souligné la nécessité d'efforts d'organisation et de gestion. Il est notamment nécessaire que la DGA et les états-majors se rapprochent. Par ailleurs, nous recherchons des financements innovants et nous faisons en sorte que nos entreprises de défense soient dynamiques et concurrentielles. Le contrat d'entreprise entre l'Etat et DCN fixe une stratégie et des perspectives d'activité ; ses grandes lignes ont été communiquées dès le mois de mai à la commission de la défense, et sa signature n'est plus qu'une question de jours.

Plusieurs orateurs, dont M. Pinte, ont abordé le problème de GIAT Industries. J'ai trouvé cette société, après dix ans de restructurations qui avaient coûté quatre milliards aux contribuables sans apporter de solution, dans une situation dramatique : un déficit chronique, et un plan de charge reposant à 70 % sur le char Leclerc, programme qui doit prendre fin en 2005... Il fallait prendre des décisions. Je l'ai fait en donnant à la direction des orientations. La première était d'avoir un plan industriel sérieux et pérenne, grâce notamment à la loi de programmation militaire. La seconde était d'avoir un traitement individuel de chaque employé, avec plusieurs propositions de reclassement à proximité.

La Défense s'en est chargé pour ce qui est des fonctionnaires ; quant aux personnels sous contrat, j'ai demandé qu'eux aussi se voient proposer deux ou trois solutions de reclassement à proximité. C'est indispensable si la société doit repartir sur des bases saines. Je note d'ailleurs que les experts choisis par les syndicats admettent eux-mêmes qu'il faut supprimer 3 000 à 4 000 emplois, ce qui n'était admis par personne. Ils observent en outre que la diversification, qu'on avait envisagée, n'est pas une solution viable. Aujourd'hui la négociation continue au sein de l'entreprise. Le recours des syndicats, non contre le plan industriel, mais contre le plan social, a abouti à la suspension de celui-ci par les tribunaux. Un nouveau calendrier de négociation sociale a été arrêté en CCE, comportant une réunion par semaine jusqu'au début de septembre. Il n'y a donc pas lieu, comme on l'a proposé, de tenir une table ronde, qui ferait sortir la négociation de son cadre légal.

En ce qui concerne le programme Felin, évoqué par M. Pinte, GIAT Industries a répondu à l'appel d'offres de Thales. La procédure n'étant pas achevée, je ne peux répondre sur ce point.

L'externalisation a été évoquée par M. Hillmeyer et M. Dasseux. Je l'ai dit, j'aborde ce problème avec pragmatisme. Il n'est pas question de généraliser cette démarche, mais d'y recourir là où l'efficacité et l'économie y conduisent. Dans un domaine comme celui de la santé, il n'est pas question d'externaliser.

Plusieurs orateurs ont évoqué le contexte international. M. Michel et M. Lellouche ont soulevé le problème des capacités et celui de l'agence européenne de l'armement. Sur les capacités, nous avons beaucoup avancé ces derniers mois, avec l'A 400 M, mais aussi le NH-90, le Tigre, Meteor, Galileo... Sur l'état-major européen, il faut, là encore, faire preuve de pragmatisme. L'opération autonome de l'Union européenne que nous avons réussie en Iturie a fait apparaître des manques, notamment celui d'une capacité de planification. L'Union européenne doit remédier à ces manques au niveau du commandement, lorsqu'elle a besoin de mener une opération seule. Il ne s'agit pas de faire doublon par rapport à l'OTAN. Celui-ci emploie trois cents personnes : la structure européenne envisagée n'en compterait que quelques dizaines. Elle devrait nous permettre de réagir immédiatement en cas de besoin. L'idée ne plaît pas à tout le monde, mais elle recueille l'accord de nombreux pays européens. Les Italiens ont fait des propositions en ce sens, et mon collègue grec m'a récemment exprimé son accord. Ecartons tous les soupçons : l'Europe de la défense se construit sur la confiance. Ceux qui se méfient aujourd'hui sont d'ailleurs souvent les mêmes qui appelaient l'Europe à assurer elle-même sa défense : il faudra un jour qu'ils mettent de l'ordre dans leurs contradictions...

L'agence européenne s'est appelée « de l'armement », puis « de l'armement, de la recherche et des capacités », et l'Italie a récemment proposé « agence européenne de défense »... Tous ces termes renvoient bien aux domaines dont elle s'occupera. Il importe d'en faire une instance dont l'objet est politique, ce qui la distingue de l'OCCAR ; il faut que l'impulsion soit donnée par les ministres de la défense, pour éviter de se perdre dans les problèmes techniques. La France a joué un rôle essentiel sur ce projet, dont nous espérons qu'il pourra « sortir » à la prochaine réunion formelle des ministres de la défense.

Certains orateurs ont émis des critiques sur l'Europe de la défense et le rôle de la France. M. Boucheron a craint que nous perdions notre crédibilité en ne respectant pas le pacte de stabilité. Je lui répondrai en toute gentillesse par quelques remarques. Si, durant les années où la France a connu sa plus forte croissance depuis des décennies, le gouvernement d'alors en avait profité pour rembourser quelques dettes et pour mettre de l'argent de côté en prévision de jours moins bons, nous n'en serions pas là aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Si d'autre part nous devons aujourd'hui faire un effort de défense tout particulier, c'est aussi pour rattraper certains retards, notamment les 20 % de retard sur la précédente loi de programmation militaire (Mêmes mouvements).

Enfin la crédibilité repose sur la constance : on ne l'obtient pas en faisant effort un an et en se relâchant l'année suivante. Ce que j'ai constaté auprès de mes collègues, c'est que, dès lors qu'ils ont su que nous avions une loi de programmation et que nous y croyions, alors l'Europe de la défense a vraiment avancé. En effet, parce qu'on nous a crus, on a commencé à percevoir l'Europe de la défense comme un projet crédible, alors qu'il y avait un doute jusque là, ce qui avait pu notamment inciter nos partenaires britanniques à regarder de l'autre côté de l'Atlantique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Michel - Vous oubliez Saint-Malo !

Mme la Ministre - Avant de critiquer ce qui se fait aujourd'hui, il faut peut-être réfléchir à ce qu'on a fait avant. Je rappelle enfin qu'en Côte d'Ivoire nous avons dégagé 8 800 personnes prises dans les combats : parmi elles, environ 10 % de Français... Sans nous, des Américains et nombre d'Européens seraient restés pris. Il en a été de même en RCA, et au Libéria, où il y avait 17 Français sur les 800 personnes que nous avons sorties des zones de combat ! Avant de nous critiquer, les autres pays devraient peut-être, eux aussi, faire un effort pour s'occuper de leurs propres ressortissants : pour l'instant c'est nous qui nous en occupons ! Il serait dès lors paradoxal que ces mêmes pays nous reprochent nos efforts (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Adam a évoqué le transfert des sous-marins nucléaires d'attaque de Toulon à Brest : il n'est pas prévu dans l'immédiat. Une partie de l'entretien des SNA sera réalisée à Brest pour gérer le pic de charge à Toulon. Mme Adam a aussi parlé du FRED : la diminution des crédits de paiement résulte de la constatation d'une diminution des dépenses et d'importants reports. Une bonne gestion conduit à réduire les enveloppes nouvelles, sans d'ailleurs menacer les emplois.

Je souhaite répondre à M. Le Bris sur trois points. Tout d'abord, il a affirmé que nous avions ramené de 3,5 à 2,5 % la part du budget de la défense dans le PIB. C'est inexact : quand je suis arrivée nous étions à 1,7 %. Et quand la loi de programmation sera achevée, nous serons à 2,2 %.

M. Le Bris m'a fait d'autre part une suggestion sur le suivi des anciens d'un certain nombre de centres où ont eu lieu des essais nucléaires ; mais ce qu'il propose existe déjà. Enfin, en ce qui concerne les Abeille, le chantier de Cherbourg n'a pas soumissionné à la proposition de prestation qui relevait du ministère de la défense (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

QUESTIONS

M. François Rochebloine - Voici un an j'exprimais ici mon inquiétude devant les risques liés à un désengagement de l'Etat à l'égard des industries de défense. Depuis lors, l'annonce du plan GIAT 2006 a confirmé mes craintes, car nous sommes confrontés à un véritable démantèlement du groupe. Nous avons tous en tête les causes du problème et tout ce qui s'est passé depuis dix ans. Plus récemment, le Gouvernement a confirmé dans ses fonctions le PDG de GIAT Industries, l'augmentant au passage de 50 000 euros pour un an, et l'a chargé d'élaborer un plan pour « sauver » le groupe. Depuis l'accord de méthode signé le 12 mai, les syndicats, appuyés par des experts et soutenus par tous les élus des sites concernés, ont élaboré des contre-propositions, sur la base d'une analyse objective de la situation industrielle, économique et sociale du groupe. Elles ont été présentées à la direction, mais n'ont été retenues qu'à la marge.

Or l'examen du plan fait apparaître des incohérences économiques et de graves insuffisances sociales, comme le démontrent les attendus du jugement en référé rendu le 20 octobre par le TGI de Versailles. Elles résultent de choix stratégiques d'une pertinence douteuse. Ainsi, la loi de programmation militaire a prévu un renforcement du maintien en condition opérationnelle des matériels. GIAT Industries, constructeur d'une partie de ceux-ci, était bien placé pour remplir cette mission à des coûts acceptables : pourquoi n'est-ce pas le cas ? Autre exemple : l'arme de petit calibre. Le plan prévoit le transfert à Tulle de cette activité, actuellement implantée à Saint-Chamond. Comment justifier un tel transfert alors que cette activité est bénéficiaire et qu'il faudra construire 2 500 m2 de bâtiments à Tulle ?

Les nombreuses manifestations montrent la détermination des salariés, largement soutenus par tous les élus et les populations.

Si le plan GIAT 2006 devait être appliqué en l'état, ce serait une catastrophe nationale.

La responsabilité du Gouvernement est engagée. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de sortir de l'impasse, de nommer un médiateur et de réunir une table ronde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme la Ministre - L'Etat a joué tout son rôle, mais il faut cesser de donner des illusions aux personnels, qui ont droit à plus de respect qu'ils n'en ont eu ces dernières années.

L'Etat joue son rôle de client. J'ai ainsi décidé de redonner à GIAT un certain nombre d'activités qui permettront de conserver 250 emplois.

Comme responsable de certains personnels fonctionnaires, j'offre un reclassement au sein du ministère de la défense.

J'ai également proposé des textes facilitant la reconversion des ouvriers sous décret dans les différentes fonctions publiques.

J'assume enfin la responsabilité de l'Etat concernant l'aménagement du territoire en créant à Cusset, Roanne, Tulle, Tarbes, des activités compensant en partie des emplois supprimés.

Pour le reste, je n'ai pas l'intention de me substituer à l'entreprise. Je ne vois pas pourquoi j'interférerais au sein d'un dialogue social qui va avoir lieu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles Artigues - J'ai déjà eu l'occasion de vous parler du GIAT et de vous interroger sur les employés qui sont sous le régime des conventions collectives.

Vous m'avez répondu qu'il devaient s'efforcer de trouver un emploi sur place, ce qui m'avait laissé dubitatif compte tenu de leur moyenne d'âge - à Saint-Chamond et Saint-Étienne, 49 ans - et de la situation des industries locales.

Les mesures que vous proposez me semblent insuffisantes. Je sais qu'un comité interministériel d'aménagement du territoire a prévu des contrats de sites, mais comment être sûr qu'il ne s'agit pas d'une coquille vide ?

Le conseil régional Rhône-Alpes a également proposé un pôle mécanique diversifié. L'Etat peut-il aider ce projet ? De vos réponses dépendra mon vote et sans doute celui de M. Rochebloine. Nous prendrons nos responsabilités, et ce sera notre façon de nous montrer solidaires face à ces détresses (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Mme la Ministre - Nous sommes tous sensibles à la détresse humaine. Les employés de GIAT ont besoin d'avoir confiance en l'avenir.

J'essaie de trouver des entreprises susceptibles de s'implanter sur ces sites. Dès lors que les collectivités territoriales ont des perspectives, il est évident que l'Etat sera prêt à les accompagner.

M. Dominique Caillaud - Je tiens à vous dire tout d'abord que je suis très satisfait des grandes man_uvres dites RASTIBEL qui se déroulent actuellement en Vendée. Les populations et les troupes sont tout à fait en phase.

Deux programmations immobilières sont très attendues dans mon département : la reconstruction de la gendarmerie de La Roche-sur-Yon, dont un courrier m'avait laissé entendre qu'elle pourrait être programmée en 2004, ainsi que la mise aux normes du centre militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte. Qu'en sera-t-il ?

En outre, quel avenir pour les crédits alloués à la formation professionnelle militaire ? Actuellement, c'est grâce à une convention avec le ministère des affaires sociales que l'AFPA intervient pour 10,7 millions. Ce dispositif permet 1 200 entrées en stage et couvre 60 % des besoins de formation des militaires en reconversion.

Or, la régionalisation des crédits de l'AFPA laisse quelques incertitudes pour le budget de 2005. Comment envisagez-vous leur évolution ?

Mme la Ministre - Les crédits nécessaires à la réhabilitation de la gendarmerie de la Roche-sur-Yon sont inscrits au PLF 2004. Les travaux commenceront au deuxième semestre.

S'agissant du CMFP de Fontenay, les réponses aux appels d'offre ont été deux fois supérieures aux estimations initiales. Nous allons opérer dans un premier temps une mise aux normes.

L'effort à la reconversion est maintenu en 2004 et le sera par la suite.

M. Gilbert Meyer - Nos personnels ont souffert d'une indisponibilité matérielle importante. La commission de la défense a demandé un rapport qui a livré un diagnostic plus qu'alarmant, le taux d'indisponibilité se situant selon les matériels entre 40 et 60 %. La capacité d'intervention de notre armée était donc plus qu'hypothétique.

Afin de remédier à cette situation, le rapport préconisait l'affectation de crédits pour la maintenance et le renouvellement de nos matériels, une autre méthode d'entretien, un partenariat avec le secteur privé par l'externalisation de certaines prestations, une gestion plus dynamique des crédits pour assurer, pendant l'année concernée, une mobilisation totale des moyens accordés.

Un an après ce diagnostic, où en sommes-nous ?

Mme la Ministre - J'ai tout à l'heure souligné l'importance de votre rapport, qui a attiré l'attention sur la gravité de la situation.

Nous avons commencé un effort budgétaire important dès la loi de finances rectificative d'août 2002, avec 100 millions inscrits en urgence.

La loi de finances initiale de 2003 a confirmé cet effort avec une augmentation de plus de 9 % et je vous propose, pour 2004, 11 % de crédits supplémentaires.

Nous avons commencé une réforme de la DCMAT.

J'ai lancé un audit concernant le matériel aérien, de manière à pouvoir comparer avec le domaine civil.

De plus, la gestion des rechanges aériens sera centralisée en 2004.

Enfin, nous examinons la question des crédits innovants dans le cadre de la préparation de la LOLF 2005.

En un an, l'opérationnalité de nos matériels s'est ainsi améliorée d'un peu plus de 10 %.

J'ajoute qu'en raison de la baisse des crédits d'entretien, nous avons été obligés de faire rouvrir des chaînes de fabrication de matériels de rechange. Cela a entraîné un retard que nous rattrapons au fur et à mesure : d'ici fin 2005, nous serons revenus à une opérationnalité normale sur quasiment tous les matériels.

M. Jacques Myard - Notre défense est à présent professionnalisée. Se pose dès lors la question du lien entre la nation et son armée. Il y a quelques jours, vous avez inauguré dans les sous-sols de cette assemblée une exposition sur la réserve citoyenne, à laquelle vous apportez une attention soutenue. Est-elle cependant suffisante ? Ne faut-il pas enraciner davantage dans chaque Français l'esprit de défense qui suppose de prendre conscience que l'on peut un jour être amené à défendre son village, son quartier ? Il reste à cet égard beaucoup à faire. Il serait utile de mettre sur pied, sur le modèle de la protection civile - professionnels et volontaires - un système permettant d'enrôler de manière régulière les jeunes qui veulent servir le pays. Pourquoi ne pas expérimenter dans un département un système de garde nationale, fondé sur des volontaires qui viendraient renforcer la réserve et l'armée ?

Mme la Ministre - Je sais combien vous êtes attaché à la garde nationale, qui recouvre en fait deux concepts : le concept français né sous la Révolution - des civils en armes agissant de manière spontanée - et le concept américain - une réserve militaire dans la main d'un gouverneur. Ils sont tous deux inadaptés : le premier est dangereux, le second coûteux et peu attractif. Mieux vaut donc développer le concept français de la réserve, réserve de renfort assurant des missions tant sur le territoire que dans le cadre des OPEX.

Il faut motiver davantage de Français, et la JAPD devrait y concourir. Sans doute faudrait-il, j'en conviens volontiers, valoriser le concept même de réserve et étendre son emprise sur l'ensemble da la population.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - En mettant fin à la conscription et en engageant la professionnalisation des armées, la loi du 28 octobre 1997 a transformé notre service national sans le supprimer. Un parcours de citoyenneté a été instauré pour tous les Français entre 15 et 18 ans. Il comprend un enseignement de défense dans le secondaire, le recensement obligatoire à partir de 16 ans et la journée d'appel et de préparation à la défense avant 25 ans. Cette journée poursuit plusieurs objectifs : sensibiliser les jeunes aux enjeux de la défense nationale, leur faire découvrir les métiers des armées et accessoirement détecter les grandes difficultés de lecture. Plus de 3 millions de jeunes - soit 90 % des personnes convoquées - ont déjà participé à la JAPD. Le taux de satisfaction est élevé. Néanmoins vous avez souhaité à plusieurs reprises voir évoluer son contenu. Ainsi vous déclariez le 16 octobre devant les anciens auditeurs de l'IHEDN vouloir en faire « le moment particulier où des jeunes qui, trop souvent, ont l'impression de n'avoir que des droits, vont comprendre que dans notre société ils ont des devoirs. » A cet égard, notre armée est exemplaire : c'est un monde qui démontre chaque jour qu'il pense aux autres avant de penser à lui. Comment notre armée peut-elle inspirer notre jeunesse ? Quel bilan faites-vous de la JAPD ? Comment entendez-vous renforcer le lien armée-nation ?

Mme la Ministre - La JAPD est devenue est outil irremplaçable : la quasi-totalité des jeunes ont à cette occasion leur premier contact réel avec les armées. Or la JAPD tendait à devenir une obligation quelque peu formelle. Ainsi avait-elle lieu dans des salles de classe alors qu'une grande partie des jeunes ont justement envie de quitter l'école !

Je souhaite donc redonner à la JAPD tout son sens. Pour qu'il y ait un véritable contact avec les militaires et l'armée, il faut qu'elle se déroule dans les lieux de la défense nationale. Ensuite, il convient de renforcer les capacités pédagogiques de ceux qui seront en contact avec les jeunes. De nombreux réservistes qui assurent cette journée ne sont sollicités qu'une fois par an. C'est regrettable. J'ai donc demandé à ce que la continuité soit assurée dans le service des réservistes et à ce qu'ils reçoivent une formation pédagogique.

La JAPD doit aussi développer chez les jeunes le sentiment de leur propre responsabilité. J'ai donc demandé à y inclure une initiation au secourisme, afin que chacun puisse apprendre les gestes qui peuvent sauver.

M. Yves Fromion - J'avais appelé votre attention l'année dernière sur la compatibilité entre une mise en _uvre rigoureuse du pacte de stabilité monétaire et la construction d'une défense européenne. J'avais dénoncé une logique malthusienne qui contraint les Etats à arbitrer entre des dépenses publiques prioritaires et les dépenses de défense, souvent utilisées comme variable d'ajustement. Sans remettre en cause le pacte de stabilité, on pourrait exclure du calcul des ratios les dépenses concourant à la construction d'une défense européenne. Il s'agit, vous l'avez dit vous-même, d'équité : ceux qui contribuent à la création d'une force de défense européenne ne doivent pas s'en trouver pénalisés.

Certains pays de l'Union, qui se posent en parangons de la rigueur budgétaire, rejettent cette proposition. Il faut leur rappeler que l'émergence d'une Europe de la défense passe par l'accroissement de leur effort en la matière. Une telle proposition dynamiserait l'Europe de la défense. Qu'en pensez-vous ? Où en est la réflexion sur cette question ?

Mme la Ministre - Les progrès de l'Europe de la défense ne doivent pas masquer la grande disparité de l'effort consenti par les membres de l'Union. Alors que la Grande-Bretagne consacre 149 € par habitant à l'équipement de ses forces et la France 121, les autres Etats, hormis la Grèce, n'y consacrent que la moitié voire le quart de ces montants. Résultat, la France et la Grande-Bretagne sont souvent en première ligne, que ce soit en Afrique, dans les Balkans ou en Afghanistan. Il y a là une injustice. Mais quand j'ai proposé d'exclure du pacte de stabilité les dépenses de défense, tous mes collègues ministres de la défense ont donné leur accord. Le problème se pose davantage au niveau des ministres du budget ! Quoi qu'il en soit, l'idée fait son chemin (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean Diébold - Je souhaite attirer votre attention sur la situation du site GIAT de Toulouse, spécialisé dans l'électronique et particulièrement touché par le plan GIAT 2006. Je tiens à préciser que votre réponse ne conditionne en rien mon vote sur un budget dont j'apprécie tous les aspects très positifs.

Je pense sincèrement que le compte n'y est pas. Je ne prendrai qu'un exemple : celui du programme VBCI. Il semble que les boîtiers électroniques et les câblages électriques doivent être externalisés. Ils constituent pourtant le c_ur de métier du site de Toulouse. Est-ce une démarche normale de la part de l'Etat actionnaire ? Cet exemple amène à s'interroger sur la stratégie industrielle de GIAT. Il convient de revoir, au moins en ce qui concerne les activités électroniques, le plan GIAT 2006. Quant aux mesures sociales d'accompagnement et de reclassement, je vous remercie de la réponse que vous avez déjà donnée sur ce sujet.

Mme la Ministre - Monsieur Diébold, ce n'est pas à moi qu'il faut poser cette question ! J'ai déjà essayé de préciser ce qui peut relever de l'Etat client, employeur de fonctionnaires ou responsable de l'aménagement du territoire, mais l'Etat ne peut en aucun cas se substituer à la direction industrielle ! Je ne peux que fixer des objectifs, non organiser des moyens industriels et je suis dans l'incapacité de vous répondre.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. J'appelle maintenant les crédits du ministère de la défense ouverts aux articles 46 et 47.

ART. 46

M. François d'Aubert, rapporteur spécial - Le ministère de la défense prend en charge 785 postes militaires et 102 postes civils à l'étranger, affectés généralement dans des ambassades ou auprès d'organisations internationales. Les dotations destinées aux rémunérations et charges sociales progressent de 5,3 % et s'élèvent à 122 millions, ce qui est considérable. Les dotations consacrées aux indemnités et allocations augmentent, elles de 9,2 %. La commission avait donc proposé initialement, par un amendement 87, de supprimer une mesure nouvelle de 758 775 €. Une première rectification a modifié le chapitre d'affectation. Surtout, le montant a ensuite été réduit de moitié. Il avait en effet été envisagé que cette somme soit affectée pour moitié au paiement des loyers de la gendarmerie, selon la tradition qui veut que les économies réalisées par un ministère soient pour moitié consacrées à la réduction des déficits et bénéficient pour l'autre moitié à ce ministère, pour avoir consenti un sacrifice. Le ministère du budget a malheureusement refusé qu'il en soit ainsi. L'amendement 87 deuxième rectification propose donc de ne réduire la mesure nouvelle que de 380 000 €, soit la part qui avait initialement été destinée à réduire le déficit de l'Etat.

Mme la Ministre - Je suis toujours favorable à la rationalisation. Vous avez mis le doigt sur un point qui mérite l'attention et j'ai demandé à mes services de l'examiner. J'accepte donc cet amendement.

L'amendement 87 deuxième rectification, mis aux voix, est adopté.

L'article 46, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 47

M. Paul Quilès - L'amendement 88 tend à réduire les sommes destinées au nucléaire militaire de 800 millions en autorisations de programme et de 500 millions en crédits de paiement, soit essentiellement les crédits affectés au programme M-51.

J'ai entendu tout à l'heure des mots inutilement blessants : ma proposition aurait revêtu un caractère irresponsable et dérisoire. Les responsabilités que j'ai exercées et l'intérêt que je porte aux questions de la défense devraient éviter ce genre de caricature. Répéter que le nucléaire permet de préparer l'avenir, d'assurer la sécurité de nos enfants et de maintenir la place de la France dans le monde ne fait pas avancer le débat. Or le sujet mérite une discussion sérieuse et argumentée.

Vous dites que notre doctrine nucléaire n'a pas été modifiée. Je dois donc vous rappeler deux passages du Livre blanc sur la défense de 1994, signé d'Edouard Balladur et de François Léotard. Il affirmait d'abord que la détention par des puissances moyennes d'armes rudimentaires - pas des missiles balistiques portant à 6 000 kilomètres ! - capables d'atteindre les intérêts européens devait être envisagée et ensuite que la problématique d'une doctrine nucléaire européenne s'affirmerait à mesure que l'Union réaliserait son identité politique et de défense, car l'autonomie de la défense européenne est exclue sans le nucléaire. Depuis 1994, beaucoup de choses ont eu lieu : le Kosovo, le 11 septembre, l'Irak... Un cutter peut désormais contourner l'arme nucléaire ! Il est donc normal de se demander comment réagir face aux méthodes du terrorisme international.

Mais la doctrine n'est-elle vraiment pas modifiée ? Le Premier ministre a bien affirmé, à l'IHEDN, que « la conception, la programmation et la doctrine qui gouvernent notre arme nucléaire évoluent avec notre environnement et l'analyse des menaces ». A-t-il dérapé, ou dispose-t-il d'informations qui n'ont pas été portées à la connaissance du Président de la République ?

Certains pensent, M. Boucheron a évoqué cette idée, qu'il ne faut pas définir l'utilisation de l'arme nucléaire. Jusqu'en 1989, elle était tournée contre l'Union soviétique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, mais il faut désigner les pays qui sont visés : la Corée du nord, la Chine, le Pakistan, l'Iran ? Il faut également préciser ce qu'est la dissuasion : menacer un adversaire potentiel de millions de morts civils ou viser ses centres de commandement ? Il faudra également expliquer comment vous pouvez discourir sur l'Europe de la défense et envisager une défense nucléaire de la France seule contre un ennemi inconnu et lointain !

L'amendement 88 vise donc à ramener les crédits à un niveau plus raisonnable, sans bien sûr remettre en cause les capacités de notre dissuasion nucléaire, qui demeure bien sûr indispensable. Il affirme par ailleurs la nécessité, reconnue par le président de la commission des affaires étrangères M. Balladur, d'un débat de fond, que je demande solennellement au Gouvernement d'organiser.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, je donne un avis défavorable.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

M. Paul Quilès - Je n'aurai pas de réponse ?

M. Michel Voisin - Je ne crois pas qu'il y ait eu de parole blessante à l'encontre de M. Quilès. En revanche, s'il appuie son amendement sur le fait que notre doctrine n'aurait pas donné lieu à un débat au Parlement, je suis au regret de devoir lui rappeler quelques faits. D'abord, l'Union soviétique n'était pas notre ennemi désigné : on parlait à l'époque de « défense tout azimut ». Pour des raisons politiques, le Président de la République précédent avait décidé de suspendre les essais nucléaires ; le président actuel a décidé de les reprendre en 1995. Un débat a alors eu lieu et vous y avez participé, Monsieur Quilès, intervenant tant sur le contexte géopolitique que sur la prolifération nucléaire, sur la dissuasion nucléaire et sur la doctrine, les pages 5116, 5117 et 5118 du Journal officiel en témoignent.

Bien évidemment, le groupe UMP votera contre cet amendement.

L'amendement 88, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits inscrits au tire V, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits au titre VI, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 47, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits de la défense.

Prochaine séance, cet après-midi, mercredi 5 novembre, à 15 heures.

La séance est levée à 2 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 5 NOVEMBRE 2003

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement. (1)2. Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093.)

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 1110.)

Affaires sociales, travail et solidarité, égalité professionnelle ; article 80.

- Solidarité :

Mme Marie-Anne MONTCHAMP, rapporteure spéciale au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 4 du rapport n° 1110.)

- Action sociale, lutte contre l'exclusion et ville :

M. Denis JACQUAT, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Tome II de l'avis n° 1111.)

- Formation professionnelle :

M. Jean-Michel FOURGOUS, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 5 du rapport n° 1110.)

M. Jean UEBERSCHLAG, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Tome III de l'avis n° 1111.)

- Travail :

M. Michel BOUVARD, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 6 du rapport n° 1110.)

M. Dominique TIAN, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Tome IV de l'avis n° 1111.)

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

(1) Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.


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