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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 20ème jour de séance, 49ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 5 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PRIX DU TABAC 2

AVENIR DE L'AGRICULTURE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE 2

ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE 3

DÉFICIT BUDGÉTAIRE 4

CONCERT DE RAP 6

ÉCOLES RURALES 6

INSERTION PAR L'EMPLOI 7

LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ ROUTIÈRE 8

COOPÉRATION FRANCO-BELGE EN
MATIÈRE DE SÉCURITÉ 8

AFP 9

POLLUTION PAR L'OZONE 10

CHARTE DE LA QUALITÉ ADMINISTRATIVE 11

LOI DE FINANCES POUR 2004
-deuxième partie- (suite) 11

AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET SOLIDARITÉ,
ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE 11

ERRATUM 41

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Je vous rappelle qu'il a été convenu que le premier mercredi de chaque mois, les quatre premières questions seraient réservées aux questions européennes.

PRIX DU TABAC

M. Rudy Salles - Monsieur le ministre de la santé, avec trois augmentations successives du prix du tabac en un an, soit 56 % de hausse des taxes, le Gouvernement a lancé une véritable guerre contre le tabagisme. Si les intentions en matière de santé publique sont louables, les conséquences peuvent en être dramatiques pour les buralistes français. En effet, alors que la baisse de la consommation du tabac est loin d'être certaine, la diminution progressive des achats chez les buralistes français, la recrudescence de la contrebande, le développement du commerce transfrontalier sont avérés. La Suisse, le Luxembourg, l'Italie, la Belgique, l'Espagne et Andorre pratiquent des prix bien inférieurs aux nôtres. C'est dire qu'en l'absence d'harmonisation européenne des prix du tabac, votre politique sera sans effet. Aussi le groupe UDF appelle-t-il de ses v_ux cette harmonisation, seule capable de mettre fin à l'importation massive, légale ou illégale, du tabac.

Comptez-vous prendre des initiatives en ce sens auprès des autorités européennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Le Gouvernement s'est, en effet, engagé dans une lutte déterminée contre le cancer depuis plus de dix-huit mois. Au chapitre de la prévention, la diminution du tabagisme est une donnée essentielle, qui passe par l'augmentation des prix du tabac, mesure dont l'efficacité est avérée, tous les chiffres le démontrent.

C'est vrai, seule l'Allemagne a augmenté les prix du tabac, alors que nous devons aller vers une harmonisation. C'est possible. Le 2 décembre 2002, le Conseil des ministres de l'Union européenne a émis une recommandation pour harmoniser les prix du tabac à la hausse. L'Union européenne a, par ailleurs, signé la convention cadre de l'OMS relative à la lutte contre le tabac.

Quant à la France, elle prendra, avant la fin de l'année, une initiative sous forme d'un mémorandum soumis à la Commission européenne, afin d'harmoniser la fiscalité européenne sur le tabac dans un souci de santé publique. Notre deuxième objectif est de modifier les règles d'achat transfrontalier et de vente par internet, qui alimentent la fraude et pénalisent les débitants français. Il s'agit d'affirmer, au niveau communautaire, une véritable politique de lutte contre la contrebande internationale.

La France poursuit un objectif de santé publique, mais nous ne l'atteindrons que tous ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

AVENIR DE L'AGRICULTURE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

M. André Chassaigne - Monsieur le ministre de l'agriculture, l'agriculture connaît des temps difficiles, et l'inquiétude grandit dans nos territoires ruraux. Les causes de cette situation, que la sécheresse exceptionnelle de l'été dernier a aggravée, sont multiples. Les organisations syndicales ont, à juste titre, regretté le manque de décisions fortes compte tenu de la gravité de la situation, le meilleur exemple étant celui du transport des fourrages, non réglé à ce jour faute d'une mobilisation efficace des transporteurs routiers, de la SNCF et de l'armée.

D'autre part, l'avenir de l'agriculture française est hypothéquée par les orientations de la PAC. En effet, l'accord signé en juin dernier au Luxembourg prépare la désertification de nos territoires ruraux, avec la baisse des aides européennes, et une attribution forfaitaire découplée de la production.

Des dizaines de milliers d'exploitations disparaîtront ! De surcroît, le projet de Constitution européenne consacre le modèle productiviste en son article 323, qui dispose que l'objectif de la PAC est d'accroître la productivité et d'assurer un emploi maximum des facteurs de production, notamment de la main-d'_uvre.

L'insuffisance des mesures prises à la suite de la sécheresse avait-elle pour but d'accompagner, voire d'accélérer la disparition des exploitations agricoles les plus fragiles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), anticipant ainsi l'application de la nouvelle PAC ? Comptez-vous remettre en cause la réforme de la PAC et ce projet de Constitution européenne ? Etes-vous prêt à défendre le rétablissement de la préférence communautaire, qui permettrait d'atteindre un objectif de souveraineté alimentaire, pour les pays du Nord, comme pour ceux du Sud ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Vous prêtez beaucoup de pouvoirs à l'Union européenne et au Gouvernement, en matière de changement climatique. Depuis un an, nous tentons de faire face le mieux possible, et dans les meilleurs délais, aux inondations, au gel, à la sécheresse.

Le 22 août dernier, le Premier ministre a annoncé une première série de décisions qui seront complétées dans les jours qui viennent.

Concernant le transport, nous avons essayé, avec Gilles de Robien et Michèle Alliot-Marie, d'apporter les meilleures réponses possibles...

M. Maxime Gremetz - Incapables !

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - ...dans une situation difficile.

Pour ce qui est de la réforme de la PAC, il n'y aura pas de baisse des crédits européens pour les paysans français, puisque, grâce à l'accord du 15 octobre 2002 entre le Président de la République et le Chancelier Schröder, partagé par les 13 autres Etats membres, les enveloppes budgétaires européennes resteront stables jusqu'en 2013.

Par ailleurs, nous avons obtenu la prolongation des quotas laitiers jusqu'en 2013, alors qu'ils devaient disparaître en 2008. Quant à la gestion des aides, nous avons obtenu un découplage partiel.

Par ailleurs, la dimension internationale est importante, comme a pu le constater la délégation parlementaire dont votre groupe faisait partie, à Cancun. Nous devons nous battre contre ce mythe du prix mondial, qui est toujours le moins-disant économique, le moins-disant environnemental. Non, le modèle de l'agriculture européenne n'est pas un modèle productiviste. C'est un modèle familial qui respecte nos territoires, et nous le défendons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE

M. Christian Philip - Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, la Commission européenne vient de présenter le bilan des préparatifs d'adhésion des dix futurs Etats membres de l'Union européenne. Il s'avère qu'aucun n'est totalement prêt, ni ne respecte l'ensemble des engagements pris.

Pour autant, je salue les efforts de ces pays pour nous rejoindre et sceller ainsi la réconciliation et la réunification de la famille européenne dans un délai très court de dix ans. Alors que l'Union européenne à quinze s'est construite par étapes successives, ces pays ont accompli en une seule décennie des progrès considérables pour se conformer aux critères de Copenhague, pour intégrer l'acquis communautaire, pour mettre en place des institutions stables garantissant la démocratie et la primauté du droit, pour modifier leur législation afin de remplir les obligations de l'adhésion à l'Union, et souscrire à l'ensemble des objectifs et règles de l'union économique et monétaire. Ne mésestimons pas le travail accompli.

Ce retard ne saurait remettre en cause leur entrée effective dans l'Union européenne le 1er mai prochain, mais prenons garde à ce qu'il ne suscite un rejet par l'opinion publique de notre projet européen.

La Commission vient d'adresser trente-neuf recommandations à ces Etats, notamment en matière de lutte contre la corruption ou de contrôle aux frontières. Il leur reste encore six mois pour progresser. C'est possible.

Cependant, il ne faut pas non plus accepter que des Etats membres ne respectent pas les engagements pris. Il en va de la crédibilité et de la cohérence de l'Union. Quelle est la position de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - Le rapport d'évaluation de la commission est globalement satisfaisant...

M. Jean-Pierre Brard - Globalement !

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - ...puisqu'il prend acte des progrès réalisés par les pays candidats depuis un an. C'est vrai, des difficultés subsistent, dans des domaines auxquels la France prête une particulière attention - sécurité alimentaire ou maritime, adaptation du système juridictionnel.

Ces pays ont encore six mois pour progresser, et nous les y aiderons.

Après 2004, la Commission pourra faire jouer des clauses de sauvegarde, par exemple pour interdire l'importation de produits alimentaires non conformes.

La Commission a notamment salué les efforts considérables accomplis par la Bulgarie et la Roumanie, dont nous attendons avec confiance qu'ils nous rejoignent en 2007. Cet élargissement sera un succès, et s'opérera selon un processus transparent et contrôlé, en coopération avec l'ensemble des Etats, dont le nôtre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉFICIT BUDGÉTAIRE

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre, la France est en train de payer à Bruxelles votre Waterloo économique ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Au moment où l'Assemblée débat du budget 2004, vous négociez, dans son dos et sous la contrainte, avec l'Union européenne un nouveau plan d'austérité de 6 milliards d'euros (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), qui vous obligera soit à réduire des crédits adoptés, soit à renoncer à des programmes engagés, soit à augmenter les prélèvements, voire les trois à la fois (Mêmes mouvements).

L'Europe ne fait qu'appliquer ses règles, et encore avec modération : c'est vous, et vous seul, qui êtes responsable de l'impasse financière actuelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous faites perdre son indépendance financière à la France (Protestations sur les bancs du groupe UMP), vous conduisez son budget sous tutelle parce que vous avez violé trois années de suite les règles communautaires (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) et votre gestion de « bon père de famille » est une ruine pour le pays. En fait de redressement, nous avons l'abaissement ! (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP)

Humiliation du Parlement, qui va voter un budget truqué, duplicité qui vous fait négocier à Bruxelles la suppression d'un jour férié pour combler vos déficits (Vives interruptions sur les bancs du groupe UMP), désinvolture de votre porte-parole, qui déclare à la presse que le Parlement sera informé « si on le juge utile »... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le ministre Mer, vous n'êtes pas ici dans un conseil d'administration ! (Vives exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Arrêtez, on n'est pas au cirque ! Laissez M. Ayrault parler, le Premier ministre va lui répondre.

M. Jean-Marc Ayrault - La Constitution, Monsieur le ministre Mer, ne vous appartient pas, ni à vous ni à nous, c'est la Constitution de la République française (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et elle vous oblige à rendre compte devant la représentation nationale car ce sont les Français qui paient votre échec économique (Nombreux applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

Ma question est simple (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le Premier ministre, nous exigeons la vérité sur le budget, sur les mesures d'austérité que vous êtes en train de prendre dans notre dos (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP).

.M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Monsieur le président Ayrault, je reconnais bien là votre sens de la modération et de la nuance ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mais à parler de Waterloo, vous vous engagez sur un terrain incertain. Depuis l'an 2000,...

M. Augustin Bonrepaux - Vous êtes là depuis deux ans !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je réponds courtoisement au président Ayrault, je vous demande la même courtoisie !

Depuis 2000, le taux de croissance s'effondre de 50 % par an. Vous étiez à 4 % de croissance en 2000 et vous n'avez pas fait de réformes. Depuis, le taux de croissance n'a cessé de baisser, mais aujourd'hui, un retour de la croissance s'amorce (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et c'est un élément important de la stratégie économique.

Dans cette situation difficile, nous avons eu une règle budgétaire honnête et sincère (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) : nous avons stabilisé les dépenses publiques et seule la baisse des rentrées fiscales a creusé le déficit. Notre objectif reste le retour à l'équilibre budgétaire, comme le souhaite l'Europe.

L'Europe n'est pas un adversaire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), mais un partenaire avec lequel nous avons engagé un dialogue utile pour montrer que les réformes structurelles que vous n'aviez pas engagées le soit maintenant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce que l'Europe reproche à la France, c'est d'avoir distribué sans réformer pendant la période de croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) C'est pourquoi nous n'avons pas de difficultés majeures avec le Conseil européen et nous avons obtenu ce rendez-vous de fin novembre, où nous présenterons aux responsables européens notre stratégie pour ramener le déficit budgétaire au-dessous de 3 % en 2005.

Cette politique de réformes portera ses fruits. Je comprends que vous ne soyez pas d'accord, mais je n'accepte pas de procès en insincérité (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste) de la part de ceux qui, par deux fois, ont distribué la prime de Noël à crédit (Huées sur les bancs du groupe UMP) - c'est mon gouvernement qui a dû financer les deux primes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Primes sociales à crédit, 35 heures à crédit, APA non financée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)... Je ne dis pas que ce gouvernement fait tout à la perfection (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste), mais pour ce qui est de la sécurité sociale, je rappelle que c'est nous qui avons augmenté le SMIC (Mêmes mouvements). Vos hurlements ne sont pas une preuve de force ! Quand on se sent fort de ses convictions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), on sait parler sans hurler.

L'Europe nous comprend et nous sommes en passe de réussir le pari de la croissance durable, avec une politique sociale qui n'est pas à crédit (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste), mais une politique sociale ancrée dans la réalité quotidienne (Huées sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent).

M. le Président - La prochaine séance consacrée à l'Europe aura lieu le 3 décembre. J'ai invité les présidents des assemblées nationales des dix nouveaux Etats à assister à nos débats. Je souhaite que ceux-ci soient plus calmes.

CONCERT DE RAP

Mme Nadine Morano - Monsieur le ministre de l'intérieur, dans deux jours doit se produire, dans ma circonscription, un groupe de rap dont les chansons incitent à la haine et à la violence et bafouent les valeurs républicaines de la France : « La France est une garce... exterminez les ministres et les fachos... le seul moyen de se faire entendre est de brûler des voitures... frères, on est là pour tout niquer... avant de crever ! ».

Vous comprendrez l'émoi et les pétitions que ce concert suscite. Vous comprendrez que les policiers, à qui vous avez rendu confiance et motivations, se soient insurgés contre des chansons où ils sont menacés. Ces disques en vente libre, avec les paroles sur des sites internet représentent un grave danger pour les jeunes. Que comptez-vous faire pour y mettre un terme ? (« Censure ! » sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Ces textes sont parfaitement scandaleux, à plusieurs égards. D'abord ils sont antisémites et je crois que personne sur les bancs de cette assemblée ne peut tolérer des textes antisémites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marc Ayrault - Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Ils sont également racistes et injurieux.

La démocratie, c'est le droit de s'exprimer, pas celui de bafouer et d'injurier. La démocratie doit protéger ceux qui sont injuriés. Je déposerai donc plainte contre ces textes racistes et antisémites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Cela n'a rien à voir avec les jeunes, ni avec le rap. Il y a quelques jours, j'ai demandé et obtenu l'expulsion d'un imam du Sud-Ouest qui tenait des propos contraires à l'idéal républicain. Ceux qui ne respectent pas les règles de la démocratie, quel que soit leur âge, auront à en rendre compte devant la justice (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

ÉCOLES RURALES

M. Guy Geoffroy - L'école primaire est un maillon essentiel de notre système éducatif, mais celui-ci a parfois du mal à évoluer aussi vite que l'ensemble de la société et des dysfonctionnements ou des déséquilibres peuvent apparaître. En l'occurrence, on constate que certaines petites écoles, en particulier dans les secteurs ruraux, sont dans l'impossibilité, malgré la qualité et le dévouement des maîtres, de mettre en place certains dispositifs pédagogiques qui nécessitent une masse critique minimale. Je pense au soutien aux élèves en difficulté, à la lutte contre l'illettrisme, à l'enseignement des langues vivantes ou à l'intégration des enfants handicapés. Je pense aussi à l'accès à certains équipements informatiques, culturels ou sportifs. Dans ces conditions, le risque est grand que les parents scolarisent leurs enfants ailleurs et que par conséquent la désertification d'une partie du territoire s'aggrave. Je sais, Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire, que vous avez engagé une réflexion à ce sujet depuis le CIADT de novembre dernier et que vous avez fait ce matin, en Conseil des ministres, une sorte d'état des lieux. Au nom du groupe UMP, j'aimerais connaître vos conclusions ainsi que vos propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Rattrapage !

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Il y a cinquante ans, chaque commune avait son école, comme elle avait sa mairie. Les deux faisaient partie de son identité. Aujourd'hui, une commune sur trois n'a plus d'école du tout et 28 % des communes ont une école dotée seulement d'une ou deux classes. Bien entendu, ces petites écoles isolées ne peuvent pas mobiliser les mêmes moyens pédagogiques que les autres, qu'il s'agisse de l'informatique, des langues vivantes ou d'autres aménagements.

Jean-Pierre Raffarin avait donc souhaité que l'on trouve une solution pour sauvegarder l'école rurale. Nous proposons à cet effet un dispositif de « réseaux d'écoles ». Tout d'abord, nous demanderons aux inspecteurs d'académie d'élaborer en quelque sorte un schéma territorial des écoles. Et nous donnerons un caractère réglementaire à ces réseaux, étant entendu qu'actuellement l'école n'a pas, contrairement au collège et au lycée, de statut juridique. Cette structure administrative aura à sa tête un coordonnateur qui sera rémunéré et déchargé de ses autres obligations. Regroupant une quinzaine de classes et quelque 300 ou 400 élèves, elle pourra fonctionner comme une grosse école et ainsi mobiliser les mêmes moyens pédagogiques que des écoles situées dans des milieux plus favorisés. Les textes seront présentés au plus tard au printemps 2004, après une concertation avec les élus, les syndicats et les parents, et nous aurons à la rentrée prochaine les premiers « réseaux d'écoles », l'objectif étant d'en avoir 600 dans deux ans. C'est une question de justice, de démocratisation et de modernisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

INSERTION PAR L'EMPLOI

M. Jean-Claude Bois - La politique menée par ce gouvernement a cassé la reprise, creusé les déficits, augmenté le chômage et aggravé la souffrance sociale. Elle s'acharne en outre à culpabiliser les plus fragiles et à faire des allocataires du RMI des boucs émissaires.

D'ici à 2004, Monsieur le ministre de l'emploi, vous aurez exclu 250 000 personnes de l'indemnisation chômage et de l'ASS. Vous faites de l'ANPE une succursale de l'intérim. Ce gouvernement est celui de l'insécurité sociale ! Dans mon département, le Pas-de-Calais, la population vit quotidiennement cette injustice sociale. Alors que faillites et plans de licenciement s'enchaînent et que le taux de chômage avoisine 25 %, vous diminuez le nombre de contrats emploi-solidarité et vous supprimez les contrats d'emploi consolidé qui permettaient de reprendre contact avec la vie professionnelle.

En l'absence d'une véritable politique d'insertion, quel est l'avenir de nos jeunes face à cette marée montante du chômage ?

Rappelons qu'entre 1997 et 2000, grâce à la politique volontariste de la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), la pauvreté avait reculé de près de 10 %. En revanche, un récent rapport du Secours catholique montre que la pauvreté augmente nettement depuis 2002. Comment pouvez-vous encore parler dans ces conditions de politique sociale et de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - L'avenir de nos jeunes est dans l'essor de notre économie, certainement pas dans la multiplication des emplois précaires dans le secteur public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C'est la politique que vous avez menée qui a mis notre pays dans la situation dans laquelle il est aujourd'hui et qui rend si difficile pour nous la reprise, alors que les autres pays européens sont déjà dans le cycle de la croissance.

Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a choisi de réorienter la politique de l'emploi en y consacrant des moyens accrus à l'allègement des charges et au soutien à la création d'emplois dans le secteur marchand. C'est la politique que conduisent tous les pays européens. Y en a-t-il un seul, fût-il le plus socialiste, qui ait choisi de réduire la durée du travail et de multiplier les emplois dans le secteur public en augmentant sans cesse les charges qui pèsent sur l'économie ? Non, il n'y en eu aucun ! Cela devrait vous amener à plus de modestie dans le jugement que vous portez sur notre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les chiffres que vous avez cités illustrent la manipulation permanente à laquelle vous vous livrez ! En réalité, ils montrent que la pauvreté n'a cessé d'augmenter en France. Pourquoi ? Parce que l'on ne s'était pas attaqué aux problèmes structurels du marché de l'emploi. Nous, nous nous y attaquons et nous continuerons à le faire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. Richard Dell'Agnola - Depuis plus d'un an, ce gouvernement lutte avec fermeté contre l'insécurité routière, chantier considéré comme prioritaire par le Président de la République. Nous en avons pris notre part en adoptant le 4 juin dernier le projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière. Les résultats sont là, puisqu'en douze mois, il y a eu 1500 morts et 26 000 blessés de moins que les années précédentes. Mais il faut bien sûr poursuivre cet effort. Le week-end dernier, celui de la Toussaint, habituellement l'un des plus meurtriers, les dix premiers radars automatiques ont été mis en place sur les axes les plus dangereux. Ils participent davantage d'une démarche de prévention que de répression, puisque leur emplacement est connu, mais le message est clair : il n'y aura plus de tolérance pour les excès de vitesse. Quel bilan le Gouvernement tire-t-il de cette première expérience ? Va-t-elle être étendue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - L'automatisation des contrôles de vitesse est l'un des piliers de la loi contre la violence routière que vous avez si bien soutenue, Monsieur le député. Et la mise en place de ce système de contrôle fait suite à un travail interministériel de très grande qualité.

Je tiens tout d'abord à dire que ce système est fiable, à la fois sur le plan mécanique, numérique, administratif et - j'y insiste compte tenu des récentes polémiques - juridique. Que ceux qu tablaient sur un défaut juridique se méfient donc ! ...

De vendredi matin à ce matin, 9 312 infractions ont été relevées, soit à peu près 2 000 par jour, à comparer aux 3 500 infractions relevées chaque jour grâce aux systèmes traditionnels. La majorité de ces infractions se situent dans une fourchette de 20 kilomètres/heure, ce qui montre que les gens deviennent plus raisonnables.

Il est clair aussi que ce système fait baisser le nombre d'accidents. Au cours de ce week-end de la Toussaint, le nombre de morts a été sensiblement le même que le week-end précédent, mais il y a eu 20 % d'accidents corporels et 23 % de blessés en moins. Nous sommes donc sur la bonne voie. Mais ne relâchons pas notre effort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

COOPÉRATION FRANCO-BELGE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ

M. Patrick Delnatte - A l'occasion de la visite d'Etat du roi des Belges à Lille, vous avez présidé, Monsieur le ministre de l'intérieur, avec votre homologue belge, le comité stratégique qui coordonne la coopération transfrontalière en matière de sécurité. Vous avez pu vous rendre compte de l'attente des citoyens des deux côtés de la frontière franco-belge : ils ne comprennent pas que celle-ci puisse être une cause d'impunité pour les délinquants.

Vous avez constaté sur place les progrès réalisés depuis votre prise de fonction dans la coopération entre les services de police, de gendarmerie et des douanes belges et français, avec, en particulier, la constitution de brigades mixtes et l'installation d'un commissariat transfrontalier.

Cependant, il reste beaucoup à faire... Monsieur le ministre de l'intérieur, cette coopération vous semble-t-elle de nature à rendre plus efficace la lutte contre l'immigration clandestine ? L'exercice, par-delà cette frontière, du droit de poursuite et du droit d'interpellation ne va-t-il pas continuer de se heurter à des obstacles juridiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Nous avons avec la Belgique 240 kilomètres de frontière commune, et d'une frontière qui se révèle, hélas, plus efficace pour arrêter la police que pour arrêter les délinquants. Chacun peut la franchir sans qu'on lui demande rien, à moins qu'il ne soit policier - auquel cas on lui cherchera des chicanes pour savoir s'il peut être armé ou procéder à une interpellation ! Nous avons donc décidé de généraliser les patrouilles mixtes tout le long de la frontière et dans les trains. D'autre part, j'ai interrogé le Conseil d'Etat pour savoir si un droit d'interpellation réciproque était envisageable et j'espère que nous aurons satisfaction d'ici à quelques mois.

Il est exclu qu'Anglais, Belges et Français se renvoient leurs clandestins les uns aux autres. Nous avons donc décidé d'échanger des officiers de liaison entre services de lutte contre les filières d'immigration, de manière à être tous informés en temps réel, et, avec les Belges, nous allons organiser des vols pour le retour des clandestins interpellés dans les deux pays. Enfin, avant la fin du mois, nous allons équiper tous les ports de la Manche et de la mer du Nord de portiques permettant de détecter des présences humaines, en nous inspirant de ce qui a déjà été fait à Calais.

Nous ne cherchons qu'à être efficaces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

AFP

M. Michel Françaix - Si le Premier ministre le permet, je voudrais tout d'abord lui remontrer, modestement et poliment, que, s'il a le droit - et même le devoir - de défendre sa politique, il n'a pas celui de reporter sur d'autres la responsabilité qui est sienne depuis dix-huit mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Il ne peut ignorer que ses déficits budgétaires et sociaux ont atteint des niveaux historiques ! (Mêmes mouvements)

Mais, de la désinformation, passons à l'information, et à l'AFP. Il est toujours difficile à un ministre de s'exprimer à propos de la presse, j'en conviens, Monsieur le ministre de la communication : qu'il affirme concrètement sa volonté de l'aider à surmonter ses difficultés, cette sollicitude paraîtra immédiatement suspecte. Mais c'est là un reproche qui ne peut vous être adressé : votre prudente réserve, inspirée par un libéralisme de bon aloi, vous exposerait plutôt à l'accusation de non-assistance à personne en danger !

Avec 2 400 salariés de 81 nationalités dont 900 travaillent à l'étranger, l'AFP collecte en France les informations à l'état brut, est un maillon essentiel de la chaîne de l'information et joue un rôle irremplaçable pour la presse ; dans le monde, agence multilingue et multimédias, elle a couvert la guerre d'Irak d'une façon qui lui a valu tous les éloges. Or cette AFP-là se voit imposer un plan d'économies drastiques pour cinq ans, plan assorti d'un plan social déguisé et d'un objectif de progression de ses recettes - de 3,5 % par an ! - totalement hors de portée. N'est-il pas paradoxal qu'on trouve de l'argent public pour une chaîne de télévision internationale orchestrée par TF1 mais qu'on reste insensible aux besoins de cette agence qui contribue tant à notre influence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'AFP vaut mieux que la vente d'un immeuble à la sauvette ! Ne vous contentez pas d'un arbitrage timide ! Qu'allez-vous faire pour conserver cet outil précieux que tant de pays nous envient ? N'est-il pas temps, enfin, d'associer les parlementaires à votre réflexion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement - Je vous prie d'excuser M. Aillagon, qui assiste en ce moment au service organisé à la mémoire du journaliste Jean Hélène, lâchement assassiné en Côte d'Ivoire.

Votre modeste conseil, Monsieur le député, vaudrait pour tous les gouvernements : ne jamais renvoyer au suivant les ardoises qu'on n'a pas assumées soi-même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le sujet que vous avez choisi pour le dispenser n'était d'ailleurs pas le meilleur possible : les difficultés de trésorerie de l'AFP sont en effet notoirement explicables par un défaut de vigilance du gouvernement précédent ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

C'est en raison de ces difficultés que le gouvernement actuel a approuvé la décision prise par le président de l'AFP de soumettre à son conseil d'administration un contrat d'objectifs et de moyens qui constitue un plan ambitieux et courageux pour permettre à l'agence de poursuivre son développement. Ce plan n'est assorti d'aucun plan social et il n'est pas question de vente du siège - simplement d'un recours au crédit-bail. Reçus par le ministre de la culture, les représentants du personnel ont été suffisamment convaincus de tous ces points pour annuler la grève initialement prévue pour hier.

Autrement dit, lorsque le dialogue social est constructif, les réformes avancent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLLUTION PAR L'OZONE

M. André Flajolet - La France a connu cet été de nombreux tourments révélateurs d'une relation conflictuelle entre organisation sociale et milieu naturel. Mais, si la presse s'est beaucoup étendue sur les feux de forêt et sur les effets qu'a eus la canicule sur les personnes âgées isolées, elle a beaucoup moins rendu compte de la pollution par l'ozone, nuisance quotidienne et sournoise il est vrai. Or l'ADEME vient d'alerter sur l'importance des pics de pollution qui ont touché l'Europe entière, insistant sur les risques sanitaires et sur les conséquences négatives pour l'environnement. Madame la ministre de l'environnement, vous avez pris de nombreuses initiatives pour prévenir les catastrophes naturelles et technologiques. Ne pourriez-vous nous éclairer sur les conséquences sanitaires et écologiques de cette pollution particulière et préciser les mesures ponctuelles aussi bien que structurelles que vous entendez prendre pour les prévenir et pour améliorer la qualité de l'air ? Nous ne pouvons en effet nous satisfaire d'un constat ou d'une révolte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Pour prévenir les effets néfastes de la pollution de l'air, le Gouvernement agit dans trois domaines. Tout d'abord, il travaille à réduire les émissions : le programme d'action présenté en juin vise à réduire de moitié les polluants précurseurs de l'ozone pour diviser par cinq le nombre d'heures pendant lesquelles le seuil d'information est dépassé. A cet effet, nous envisageons de durcir les normes dans de nombreux secteurs industriels. Des mesures ont déjà été prises en ce qui concerne les secteurs de l'électricité et du verre et d'autres vont l'être bientôt pour les cimenteries, les raffineries et la sidérurgie. Nous accordons une particulière attention aux composés organiques volatils, dans les stations-service notamment. Nous n'oublions pas non plus l'industrie automobile et nous préparons en outre une initiative franco-allemande. S'agissant du secteur résidentiel, nous proposons un crédit d'impôt de 25 % à ceux qui s'équiperaient de chaudières plus respectueuses de l'environnement.

Deuxièmement, pour rendre les mesures d'urgence plus efficaces, nous avons ramené le seuil d'alerte à 240 microgrammes par mètre cube et nous réformons le dispositif dit de la « pastille verte » en sorte de développer la circulation alternée.

Enfin, nous nous employons à mieux informer le public et je salue à ce propos l'action des associations de surveillance de la qualité de l'air. Trois millions de crédits de recherche seront consacrés à l'amélioration de la prévision, de sorte que le passage au seuil d'information puisse être prévu avec deux jours d'avance et le passage au seuil d'alerte avec un jour d'avance. Le partenariat avec France Télévisions va être conforté et nous organiserons l'information par e-mail ou texto des crèches, hôpitaux et maisons de retraite.

Ce plan de lutte contre la pollution de l'air concernera aussi, bien entendu, la pollution atmosphérique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CHARTE DE LA QUALITÉ ADMINISTRATIVE

M. Frédéric Soulier - Monsieur le ministre de la réforme de l'Etat, vous avez présenté lundi une charte générique, applicable à tous les ministères et définissant cinq engagements en faveur de la qualité du service public : accès plus facile aux services, accueil attentif et courtois, exigence d'une réponse compréhensible dans le délai annoncé, réponse systématique à toutes les réclamations et évaluations régulières. Tous ces engagements correspondent à l'attente des citoyens. Mais cette charte sera-t-elle respectée ? Comment comptez-vous en particulier garantir le respect des délais d'attente ? Cela étant, je ne puis que saluer votre souci de faciliter la vie des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat - Le Président de la République avait souhaité que les services publics s'engagent à respecter des normes de qualité correspondant mieux aux attentes des citoyens. A la demande du Premier ministre, M. Delevoye et moi-même avons engagé une vaste concertation au terme de laquelle a été défini un socle commun d'engagements : favoriser l'accessibilité ; réduire l'attente au téléphone et au guichet, ainsi que le délai de réponse aux courriers ; accueillir le public de manière plus personnalisée et plus courtoise.

Pour que la charte ne reste pas lettre morte, il fallait, et cela a été fait, associer étroitement les agents à la définition des objectifs. Il faudra, aussi, traiter systématiquement les réclamations, et chaque service public sera doté, à cette fin, d'un médiateur. Il conviendra, enfin, d'évaluer le degré de satisfaction des Français en mesurant régulièrement les progrès accomplis. La charte sera expérimentée, pour commencer, dans six départements, et progressivement généralisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET SOLIDARITÉ, ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - La France est confrontée depuis deux ans au retournement de conjoncture le plus brutal des deux dernières décennies. La baisse du chômage des années 1998-2001 n'a été que le résultat éphémère d'une croissance exceptionnelle. La politique de cette période n'a rien changé aux données fondamentales de l'emploi en France : dès que la croissance fléchit, la mécanique du chômage repart comme une fatalité.

Tout indique aujourd'hui que l'économie française atteint son étiage et que la croissance devrait être de retour en 2004. L'Amérique est repartie, le Japon sort d'une décennie de récession, la reprise frémit en Allemagne et les carnets de commande s'améliorent. C'est la fin d'un cycle qui a purgé l'économie mondiale de ses excès. Un nouveau commence, et la politique de l'emploi doit y être adaptée. C'est l'objet de ce projet de budget offensif, qui rompt avec une triple illusion qui nous ferait à l'évidence manquer le tournant de la reprise : illusion de la réduction du temps de travail et de la rigidification du marché du travail alors que nos concurrents continuent à avancer, illusion de la création d'emplois publics pour gonfler les chiffres de l'emploi et illusion sur la pérennité de notre système social en l'absence de réforme et d'effort collectif.

Cette politique terriblement défensive est remplacée par une autre qui se confronte à la réalité et qui repose sur deux vérités : d'abord, il n'y a d'autre choix que de travailler plus et mieux ; ensuite, pour assurer la fonction redistributive de notre système de protection sociale, il faut créer plus de richesses en développant l'emploi durable dans le secteur marchand.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. le Ministre - Notre politique s'attaque aux racines du mal français du chômage. Elle a pour objectifs d'accélérer le retour de l'expansion et d'en tirer les bénéfices maximaux en matière d'emploi durable. Pour préparer l'économie, il faut avant tout libérer notre potentiel productif. Le Gouvernement a donc engagé des réformes structurelles, tout en réorientant les instruments de la politique de l'emploi.

Le premier de ces instruments est la baisse des charges, qui est clarifiée et amplifiée. Nous avons ainsi choisi de réintégrer le FOREC dans le budget, pour améliorer la transparence des relations entre l'Etat et la sécurité sociale. Cette réforme est conforme à la loi du 25 juillet 1994, qui prévoit que les exonérations de cotisations sociales doivent être compensées par le budget de l'Etat. Elle mettra un terme aux transferts de recettes confus de l'Etat vers la sécurité sociale pour assurer l'équilibre du FOREC. Surtout, elle permettra d'afficher l'effort global de l'Etat en matière d'emploi, qui augmente de plus d'un milliard par rapport à 2003. Dans le contexte actuel, cet effort illustre la détermination du Gouvernement. Les dépenses relatives aux allègements de charges sont prépondérantes depuis 2003. On sait en effet que les baisses de charges sur les bas salaires sont l'une des mesures les plus efficaces pour l'emploi. Le taux de croissance de l'économie nécessaire pour créer des emplois était, avant les premières politiques d'allégement, de 2,3 %. Il est passé à 1,3 % après les ristournes Juppé et Aubry et le dispositif qui vous est présenté le ramène en dessous de 1 %. La France sera ainsi prête pour profiter du premier souffle de la croissance.

Parallèlement, l'aide à l'emploi est réorientée en faveur du secteur marchand. Le traitement social du chômage, qui consiste à faire financer par l'Etat, c'est-à-dire par l'impôt, les emplois du secteur public, cumule les inconvénients : précarité des contrats, objectifs d'insertion notoirement insuffisants et déception des bénéficiaires. Cet expédient perd tout son sens dans la perspective de la reprise. Il doit donc être réservé aux personnes en grande difficulté, dont la réinsertion demande un effort particulier. Il faut avant tout encourager le secteur marchand, seul créateur d'emplois véritablement durables.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. le Ministre - L'effort budgétaire consacré à l'emploi, baisses des charges comprises, est aujourd'hui plus important que sous la majorité précédente, mais c'est surtout sa philosophie qui change. Il est orienté vers le secteur marchand ou ciblé sur les personnes qui en ont le plus besoin. Le dernier budget de la gauche, en 2002, ne consacrait que la moitié des crédits au secteur marchand. La proportion était de 60 % en 2003 et sera des deux tiers en 2004.

Deux dispositifs jouent un rôle de premier plan. Le contrat jeune en entreprise, d'abord, poursuivra sa montée en puissance. Cent dix mille ont déjà été signés, ce qui est conforme aux estimations initiales, et l'objectif est d'atteindre 235 000 au cours de 2004. Ce contrat est réservé à des jeunes très peu qualifiés et recrutés pour une durée indéterminée. Beaucoup pensaient donc qu'il n'était pas viable, mais nous avons gagné le pari (M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances pour le travail, applaudit). Ce succès permet à des jeunes de trouver un emploi, mais aussi de commencer leur vie professionnelle dans les meilleures conditions possibles. Le deuxième dispositif est le contrat initiative emploi, relancé par la table ronde de mars 2002 et qui a été rendu plus attrayant. Le versement des primes s'effectuera notamment dorénavant par trimestre, et non à la fin de chaque année, ce qui pénalisait les petites entreprises. Pour 2003, 70 000 de ces contrats avaient été prévus, et 80 000 pour 2004. Conformément au souhait de l'UMP, le Gouvernement va proposer par amendement de porter ce nombre à 110 000.

Le choix de conforter le contrat initiative emploi est conforté par une récente étude de la DARES, qui relève que 40 % des anciens bénéficiaires d'un de ces contrats restent dans l'entreprise et, que parmi les autres, sept sur dix trouvent un autre emploi dans le mois qui suit. De tous les dispositifs d'aide à l'emploi, c'est le plus efficace que nous ayons. Il contribue à prouver que le retour à l'emploi dans le secteur marchand est la meilleure solution d'insertion durable des chômeurs. Notre approche n'est cependant pas dogmatique. Pour certaines personnes, un passage par le secteur non marchand peut être indispensable. C'est pourquoi le projet de loi de finances prévoit 170 000 contrats emplois-solidarité et 15 000 contrats emplois consolidés. Ces chiffres sont inférieurs à ceux de 2003, mais demeurent importants.

Deux nouveaux dispositifs sont créés pour 2004 : le civis et le revenu minimum d'activité.

Ces deux dispositifs obéissent à la même philosophie de lutte pour l'emploi. Nous misons sur la responsabilité de nos concitoyens, et nous refusons la fatalité de la dépendance sociale.

Le civis, destiné aux jeunes, comporte trois volets : l'accompagnement vers l'emploi, la création d'entreprises et les emplois en association.

Le civis « association » a été créé par un décret du 13 juillet 2003, et tente d'échapper aux défauts de ses prédécesseurs - les emplois-jeunes, notamment. Il s'adresse aux jeunes faiblement qualifiés, qui ont peu de chances d'accéder à l'emploi sans cette aide. Il suppose un projet personnel du bénéficiaire et est réservé aux associations, car le cofinancement par l'Etat d'emplois dans des établissements publics ou des collectivités locales brouille les responsabilités. Nous avons l'intention de signer 11 000 contrats d'ici 2004, et 25 000 dans les trois ans à venir.

Les civis « accompagnement vers l'emploi » et « création d'entreprises » requièrent, pour entrer en vigueur, des dispositions législatives, et un amendement au projet de loi de finances vous sera proposé par le Gouvernement à cette fin. Si vous le votez, les deux dispositifs entreront en vigueur le 1er janvier 2004. Nous voulons aussi que, dès cette date, ces deux mesures soient décentralisées aux régions.

Quant au RMA, sa philosophie est claire : le travail vaut mieux que l'assistance. Et son principe est simple : l'employeur d'un bénéficiaire du RMI recevra une aide à l'emploi d'un montant équivalent à celui du RMI. Mieux vaut financer le retour à l'emploi plutôt que le maintien dans la dépendance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il s'agit surtout, au-delà de l'efficacité, d'une question de justice sociale. Sa création est prévue par le projet de loi sur le RMI et le RMA, adopté par le Sénat, qui sera examiné par votre assemblée dans les prochaines semaines, et dont je souhaite qu'il puisse entrer en vigueur au 1er janvier 2004.

En cohérence avec la décentralisation du RMI, ce sont les conseils généraux qui seront responsables de sa mise en _uvre. En effet, le projet de budget 2004 opère une innovation majeure : la décentralisation du RMI aux départements. Quinze ans après la création du RMI, il apparaît que, si ce dispositif a joué son rôle de « revenu minimum » pour les personnes les plus en difficulté, son volet « insertion » n'est pas satisfaisant. En effet, une faible part des allocataires accède à l'emploi : parmi les bénéficiaires du RMI en décembre 1996, seul un sur quatre a retrouvé du travail cinq ans après, seul un sur deux a signé un contrat d'insertion.

La confusion actuelle des responsabilités - l'Etat verse l'allocation, le conseil général finance l'insertion des bénéficiaires - est l'une des causes de l'inefficacité du dispositif. En confiant clairement au département le rôle de chef de file, la réforme permettra une véritable politique d'insertion, au plus près du terrain.

Nous prévoyons 100 000 RMA en 2004 : 50 000 dans le secteur marchand et 50 000 dans le secteur non marchand. C'est là une simple estimation, car il n'y aura pas de contingentement, et il est donc possible et même souhaitable que ces chiffres soient dépassés.

La création du RMA s'inscrit dans la perspective de la refonte de l'allocation de solidarité spécifique. Il s'agit d'en limiter la durée à trois ans pour les bénéficiaires actuels et à deux ans pour les nouveaux entrants. Une personne frappée depuis trop longtemps par le chômage a moins besoin d'une indemnisation indéfinie que d'une aide véritable pour retrouver un emploi.

Tous les bénéficiaires de l'ASS qui basculeront vers le RMI seront immédiatement éligibles au RMA. Pour une personne seule sans ressources, le niveau du RMI est proche de celui de l'ASS, alors que le RMA est significativement supérieur : 185 € par mois en plus, ce n'est pas rien !

La relance du CIE - contrat initiative-emploi - vise le même objectif. Si vous acceptez d'augmenter de 30 000 le nombre des CIE, je donnerai des instructions pour que ces emplois supplémentaires soient offerts en priorité aux personnes susceptibles d'être concernées par la réforme de l'ASS.

Je souhaite évoquer à présent la formation professionnelle.

Alors que le chômage monte et que l'emploi est la préoccupation première de nos concitoyens, plus de 300 000 offres d'emploi restent non pourvues ! Face à cette inadéquation entre l'offre et la demande d'emploi, nous proposons de réformer la formation professionnelle, pour assurer l'adaptabilité de chacun aux fluctuations du marché du travail. Notre système actuel est illisible pour les salariés et il engloutit des sommes considérables tout en laissant de côté les PME, les salariés les moins qualifiés et les plus âgés.

Aussi avons-nous relancé la négociation entre les partenaires sociaux pour généraliser l'accès à la formation, renforcer l'évaluation et la reconnaissance des compétences, concrétiser la validation des acquis. Cette relance a ouvert la voie à l'accord interprofessionnel du 19 septembre dernier entre les partenaires sociaux, accord sur la base duquel le Gouvernement présentera dès cet automne un projet de loi instaurant un véritable droit individuel à la formation tout au long de la vie.

Cet accord interprofessionnel est pour le moment trop récent pour trouver une traduction dans ce projet de loi de finances, dont la principale innovation est la préparation de la décentralisation de l'AFPA. En effet, la dotation à l'association, soit 700 millions d'euros, est scindée en deux parties afin de distinguer les crédits susceptibles - de l'ordre des deux tiers - d'être prochainement décentralisés.

Le troisième contrat de progrès 2004-2008 liant l'Etat à l'AFPA encadrera les modalités de ce transfert, en précisant les évolutions nécessaires de l'AFPA et les modalités de l'accompagnement de l'Etat. Ces orientations seront ensuite négociées région par région dans le cadre de conventions tripartites entre l'Etat, la région et l'AFPA, qui préciseront les modalités et le calendrier des transferts, ainsi que les évolutions souhaitées quant au schéma régional des formations de l'AFPA.

A travers ce projet de budget, le Gouvernement a fait le choix de l'ambition, du pragmatisme, de l'efficacité. De l'ambition : dans un contexte budgétaire difficile, le Gouvernement accroît encore les moyens consacrés à l'emploi. Du pragmatisme : en ciblant ces moyens sur des instruments - les baisses de charges, les aides à l'emploi marchand - qui permettront au plus grand nombre de retrouver le chemin de l'emploi durable. De l'efficacité : en faisant confiance dans chaque domaine, à un seul décideur - les régions pour la formation, les départements pour le RMI et le RMA, sans oublier le rôle des partenaires sociaux.

En tournant le dos aux facilités du passé, en prônant la réhabilitation du travail, en favorisant l'emploi marchand et en entreprenant des réformes structurelles pour assainir notre marché du travail, nous menons une politique exigeante.

Sur le front de l'emploi, nous sommes passés à l'offensive. Loin des débats stériles sur le déclin français, c'est un pari sur nos atouts pour préparer la France à gagner la bataille pour l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale de la commission des finances pour la solidarité - Permettez-moi de placer l'examen des crédits de la solidarité pour 2004 sous le signe de la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances pour le travail - Très bien !

Mme la Rapporteure spéciale - Nous avons tous à y gagner : pour le Gouvernement, une meilleure allocation des moyens disponibles et une communication plus lisible sur les propositions budgétaires ; pour le Parlement, une meilleure implication dans ses choix budgétaires ; pour nos concitoyens, l'identification clarifiée de l'utilisation du fruit de leur travail.

Il serait trop facile d'accorder bons et mauvais points à tel ou tel ministère. Notre philosophie est tout autre. Sans concessions, comme en témoigne le remarquable travail accompli par la mission d'information menée par Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard, elle se veut constructive.

A cet égard, Monsieur le ministre, je salue l'implication de vos services dans la mise en _uvre de la loi organique. J'ai rencontré, au printemps dernier, les « pilotes » de ce projet pour les crédits de la santé et de la solidarité, qui ont su prendre conscience des enjeux de la réforme et de sa complexité. Tout ne sera pas fait en un jour, mais je tiens cependant à appeler votre attention sur trois points problématiques : le traitement des « fonctions support » et des « services polyvalents », la ventilation des emplois par programme et le dispositif de mesure de la performance.

Si l'architecture projetée, en une même mission « solidarité et intégration » composée de six programmes, est satisfaisante, si la répartition des actions retracées dans l'actuel agrégat « développement social » est bienvenue, en revanche le projet d'un programme commun à la mission « solidarité et intégration » et à la mission « politique de santé », qui regrouperait la totalité des personnels des services déconcentrés, soit plus de 80 % des emplois budgétaires du ministère, et une bonne part des crédits de fonctionnement apparaît contraire à l'article 7 de la loi organique.

La question de la ventilation des emplois par programme est tout aussi cruciale et il semble que, en administration centrale du moins, les services gestionnaires des différentes politiques menées soient suffisamment spécialisés pour la permettre.

Enfin, le dispositif de mesure de la performance de la gestion reste encore à l'état de chantier. C'est vrai, la tâche est difficile dans le champ social, mais elle n'en est pas moins indispensable.

Quant aux crédits de la solidarité pour 2004 proprement dits, votre commission des finances les a adoptés, et vous demande de faire de même, afin de soutenir la mise en _uvre des deux mouvements de fond qui sous-tendent cette législature : décentralisation et maîtrise de la dépense publique.

La mise en _uvre de la décentralisation, c'est le transfert aux départements, dès l'an prochain, du RMI, dont les crédits sont recentrés sur les actions d'intervention. Ce transfert mettra fin à la dichotomie de gestion entre l'Etat et les départements et à la déconnexion entre allocation et insertion. Couplé avec la création d'un revenu minimum d'activité, il traduit en actes la volonté d'encourager le travail et de favoriser l'emploi.

La décentralisation, c'est également le transfert aux régions, en 2005, des activités de formation au travail social. En 2004, les crédits déconcentrés, destinés à 34 000 étudiants, atteindront 133 millions d'euros, en hausse de 9 %.

La décentralisation, c'est enfin la responsabilité confiée aux départements, en 2005, des CLIC destinés à la prise en charge locale des personnes âgées.

La maîtrise de la dépense publique, c'est le souci de faire mieux avec autant de moyens, en améliorant la productivité.

Elle se traduit par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement : 145 postes, sur 290 départs à la retraite programmés, ne seront pas reconduits et le nombre d'emplois budgétaires descendra en dessous de 15 000, ce qui permettra de réduire le taux de vacance, de poursuivre la résorption de l'emploi précaire et d'améliorer le régime indemnitaire des personnels.

La maîtrise de la dépense publique se traduit aussi par la stabilité des crédits de la solidarité. A périmètre égal, et donc hors transfert du RMI, ils seront en baisse de 0,35 % par rapport à 2003. Cette stabilité est d'autant plus justifiée qu'elle succède à un très important effort mené l'an dernier pour apurer les dettes sociales héritées de la gestion précédente : les lois de finances rectificatives d'août et de décembre 2002 ont dû ouvrir 1,45 milliard d'euros de crédits pour couvrir les dépenses non financées du RMI, de l'aide médicale de l'Etat et de l'hébergement social. Ce gouvernement a eu le courage de rétablir la sincérité des comptes. Il a aujourd'hui celui de rechercher l'efficacité de la dépense publique.

Les dépenses ordinaires s'établiront en effet à 2,57 milliards d'euros, les dépenses en capital à 41 millions d'euros en autorisations de programme et 31 millions d'euros en crédits de paiement. S'agissant des dépenses en capital, je dois cependant souligner le caractère problématique de leur gestion. Les blocages constatés les années précédentes n'ont fait qu'empirer : 54 millions d'euros d'autorisations de programme et 76 millions d'euros de crédits de paiement demeuraient disponibles au 31 décembre 2002. La Cour des comptes a dénoncé ces reports excessifs ; il faut remédier à cette situation.

Hormis ce point, votre budget traduit une recherche de performance et de lisibilité, notamment par le découpage prévisionnel des crédits de la solidarité en quatre programmes : lutte contre l'exclusion, intégration des populations immigrées, soutien aux personnes âgées, politique d'égalité entre les hommes et les femmes.

Sur le premier point, j'ai salué le lancement, le 25 mars dernier, d'un plan de renforcement de lutte contre la précarité et l'exclusion, doté d'un milliard d'euros sur la période 2003-2005. Je souhaite insister sur un thème récemment placé sous les feux de l'actualité, l'aide médicale de l'Etat aux étrangers déboutés du droit d'asile. Elle concerne 170 000 personnes environ, le dispositif actuel est mal conçu, et les dépenses excèdent de très loin les dotations budgétaires. Il a donc fallu, pour résorber les retards de paiement à l'assurance maladie, voter 445 millions d'euros de crédits supplémentaires en collectif à l'été 2002. La dotation pour 2003 a été portée à 233 millions d'euros et le même montant est proposé pour 2004, mais la dépense réelle devrait atteindre 700 millions d'euros.

Peut-on se contenter d'un ajustement à la marge, et tabler sur la résorption de la fraude pour combler ce passif prévisionnel de 450 millions d'euros ? Je ne le pense pas et mes déplacements dans des hôpitaux et dispensaires de la région parisienne me renforcent dans cette conviction. La lutte contre l'immigration clandestine est évidemment un préalable, mais pour ne pas en rester là, je compte constituer, sous votre haut patronage, Monsieur le ministre, un « groupe référent » de personnalités des milieux de la santé et du monde universitaire et associatif, afin de réformer le dispositif.

La lutte contre l'exclusion ne doit pas se réduire à des dépenses de « guichet » ; elle n'interdit pas une politique innovante. Tel est le sens des maisons-relais que vous développez, Madame la secrétaire d'Etat à la lutte contre l'exclusion, avec conviction : plus de 1 000 places ont été créées cette années dans ces petites structures, mieux adaptées que l'hébergement d'urgence à des personnes en situation de grande précarité, et moins coûteuses également. L'objectif des 5 000 places justifierait un redéploiement des crédits de l'hébergement social.

La situation reste tendue en ce qui concerne le dispositif d'accueil d'urgence des demandeurs d'asile, ce qui a nécessité un décret d'avance de 145 millions d'euros le 13 octobre dernier. Les crédits de ce poste augmenteront de plus de 8,5 % en 2004.

La politique d'intégration des migrants arrivant légalement a connu un nouveau souffle depuis le comité interministériel du 10 avril 2003. Le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, a réorienté son activité en fonction des nouvelles priorités définies par le Gouvernement. Il sera doté de 171 millions d'euros et permettra notamment le financement de 500 postes FONJEP, modalité particulièrement efficace de l'emploi des fonds publics. Enfin, l'OMI, qui met déjà en _uvre, à titre expérimental, les contrats d'accueil et d'intégration des « primo-arrivants », regroupera en 2004 ses moyens financiers et humains avec ceux du SSAE, pour former une véritable agence de l'immigration.

Les personnes âgées, tant éprouvées par la canicule de l'été dernier, doivent prochainement bénéficier d'un ambitieux plan « vieillissement et solidarités ». Déjà, 40 millions d'euros de crédits d'urgence de l'assurance maladie ont été débloqués dès la mi-septembre et le projet de budget comporte près de 23 millions d'euros pour la coordination gérontologique et 18 millions d'euros pour les subventions d'équipement aux institutions hébergeant des personnes âgées. La grande enquête sur cet hébergement, annoncée pour 2004, est indispensable afin d'obtenir une photographie précise des conditions d'accueil et des besoins dans ce domaine. Les personnes âgées savent qu'elles peuvent compter sur la mobilisation des pouvoirs publics qui ont réussi, au printemps dernier le sauvetage de l'APA.

La solidarité, ce sont aussi les liens qui nous unissent aux rapatriés, dont l'allocation de reconnaissance sera revalorisée et à nos compatriotes d'outre-mer, dont la protection continuera à être partiellement prise en charge, pour un montant de 32 millions d'euros.

Les crédits consacrés aux droits des femmes, sont à mes yeux, malgré leur montant modeste - 17 millions d'euros - exemplaires du rôle de l'Etat, qui est de protéger les plus faibles - comme les femmes victimes de violences - et de promouvoir l'égalité professionnelle. Comme l'a souligné, Mme la ministre déléguée dans sa communication en Conseil des ministres du 29 octobre dernier, le travail des femmes est un atout économique, notamment pour la création d'entreprises. Des crédits modestes peuvent avoir un fort effet de levier, à travers le réseau déconcentré des droits des femmes. L'application de la loi organique est en cours, avec la création d'un programme spécifique et d'un projet coordonné de politique interministérielle.

Mais l'exemplarité des femmes, chers collègues, est un autre sujet, que nous aborderons dans des perspectives moins budgétaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville - Les crédits de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la ville constituent un ensemble passablement hétéroclite. La principale mesure qui les affecte cette année est le transfert aux départements du financement du RMI, qui représentait 4,5 milliards d'euros en 2003.

Je m'attacherai plus particulièrement à deux questions.

Mme Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, développe depuis l'année dernière un programme dit des maisons-relais pour offrir une solution d'hébergement adaptée à des personnes en situation de grande exclusion qui ne peuvent accéder ni à un logement social, ni à une structure d'insertion de type CHRS, et qui engorgent actuellement les hébergements d'urgence. Dans ces petites unités, elles bénéficient d'une certaine prise en charge. Mille places ont pu être créées en 2003 et il serait souhaitable que cet effort soit amplifié en 2004, ce que ne permettent pas les crédits proposés.

La seconde question sur laquelle je souhaite m'attarder est celle de l'accueil des demandeurs d'asile.

Officiellement, en 2003, les crédits budgétaires destinés à l'accueil des demandeurs d'asile et plus généralement des migrants représentent 343 millions d'euros. Cependant, les dépenses sont bien plus importantes : le 13 octobre dernier, un décret d'avance a abondé ces moyens de 145 millions d'euros, principalement pour l'hébergement des demandeurs d'asile. En outre, de nombreuses lignes de crédits de l'Etat qui ne sont pas explicitement destinées à cette population, de même que des financements des collectivités locales et de la sécurité sociale sont, de fait, mobilisés à son profit : hébergements d'urgence, aide juridictionnelle, couverture maladie universelle, allocation de logement temporaire, allocation d'insertion du fonds de solidarité chômage, aide sociale à l'enfance, scolarisation, etc.

Je me suis efforcé dans mon rapport écrit, de recenser toutes ces lignes et d'extrapoler à partir de dépenses localement constatées, mais aucune totalisation n'est possible. Pourtant, dès l'année prochaine, la nouvelle loi organique relative aux lois de finances nous imposera d'identifier clairement les masses de crédits affectées aux différents programmes, ainsi que les objectifs et les indicateurs correspondants. Autre remarque à propos de ces dépenses : l'explosion de l'aide médicale d'Etat, peut-être 600 à 700 millions d'euros cette année, alors que 61 millions d'euros seulement étaient inscrits en loi de finances pour 2002, témoigne du poids considérable des dépenses opérées au bénéfice de personnes en situation irrégulière, parmi lesquelles les déboutés du droit d'asile, ce qui est évidemment anormal.

M. François Goulard - Incroyable !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis - J'ai procédé, sur l'asile, à de nombreuses auditions. Je suis allé recueillir les dernières informations sur l'évolution du droit communautaire et du droit belge à Bruxelles. Je suis allé voir comment les choses se passent, d'une part, dans un département frontalier, la Moselle, d'autre part, dans un endroit particulièrement sensible, l'aéroport de Roissy, où j'ai pu visiter la zone d'attente des personnes en situation irrégulière, la ZAPI 3. A cet égard, je voudrais souligner que l'Etat a vraiment mis les moyens pour l'accueil de ces personnes, qui coûte environ 200 € par jour et par personne, soit huit à dix fois le coût dans un hébergement ouvert classique.

Nous sommes passés entre 1998 et 2002 de 24 000 à près de 80 000 demandes d'asile par an, asile politique traditionnel et asile territorial confondus. L'administration a fait face, essentiellement par des solutions départementales. Mais, outre les problèmes budgétaires que j'ai évoqués, ces rafistolages présentent des effets pervers. Quand on n'est plus en mesure d'accueillir les demandeurs d'asile dans les centres qui leur sont destinés, les CADA, et qu'on les loge dans des établissements d'urgence destinés à l'ensemble des personnes en difficulté ou dans des chambres d'hôtel, on crée des problèmes d'engorgement et d'ordre public.

Surtout, on accroît l'attractivité de notre pays pour ceux qui utilisent la demande d'asile comme un moyen d'obtenir un titre de séjour provisoire afin de s'installer, pour des raisons économiques, dans notre pays. Pour une famille de véritables réfugiés, ces conditions d'accueil ne sont pas décentes. Mais, pour quelqu'un qui vient en fait rejoindre des proches déjà installés, ou qui souhaite envoyer de l'argent dans son pays, elles peuvent être plutôt attractives. L'allongement des délais administratifs résultant de l'encombrement des préfectures, de l'OFPRA et de la commission des recours, délais qui atteignent deux à trois ans, est évidemment un autre facteur d'attractivité puisque les demandeurs auront été en situation régulière pendant toute la période des procédures.

Le Gouvernement a donc décidé de réformer profondément la politique de l'asile.

Tout d'abord, une réforme législative est en cours, qui permettra de transcrire les normes européennes, d'améliorer les garanties offertes aux demandeurs en mettant fin au caractère discrétionnaire de la procédure d'accueil territorial, mais aussi de faciliter l'exécution des mesures de reconduite à la frontière en améliorant la transmission d'informations entre l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés, d'une part, et les services du ministère de l'intérieur, d'autre part.

Par ailleurs, le Gouvernement a créé un grand nombre de places d'hébergement en CADA. De fin 2001 à juin 2003, on est ainsi passé de 7 000 à 11 500 places. Ces créations sont opérées dans de petits centres répartis sur tout le territoire : quasiment tous les départements ont désormais un CADA, alors qu'une trentaine en étaient dépourvus il y a deux ans. Parallèlement, la gestion du dispositif d'accueil, théoriquement assurée par France Terre d'asile au niveau national, mais en partie reportée sur les préfets face à l'urgence, va être réformée : au niveau national, cette gestion sera reprise par l'OMI ; au niveau déconcentré, des expérimentations sont menées pour placer l'asile sous l'autorité du préfet de région.

Enfin, les moyens administratifs de l'OFPRA et de la commission de recours des réfugiés vont être renforcés de 34 % en 2004, ce qui devrait permettre de réduire l'engorgement du dispositif d'accueil, même si les effets ne sont pas aussi mécaniques que certains l'espèrent, d'une part, parce que certains délais sont incompressibles, notamment ceux qu'impose le respect des procédures ; d'autre part, parce qu'il est en pratique difficile de faire partir très rapidement des centres d'hébergement les demandeurs d'asile dont le cas a été tranché, soit positivement, soit négativement.

Que peut-on faire de plus ?

En Belgique, où le dispositif d'accueil a également été réorganisé, il a été décidé en outre de supprimer toute possibilité d'allocation financière alternative, ce qui a été très efficace. Par ailleurs, les Belges obtiennent de bons résultats en matière de retour aidé volontaire : ils en réalisent 3 000 par an, soit plus de deux fois plus que l'ensemble des retours aidés par l'OMI pour tous motifs.

Il faudra également poursuivre la réorganisation administrative de notre politique d'asile, qui reste partagée entre plusieurs ministères, à savoir les Affaires étrangères, l'Intérieur et les Affaires sociales. Il est tout à fait étonnant que, jusqu'à présent, l'OMI n'ait pas été associé, sauf indirectement, à l'accueil des demandeurs d'asile, alors que la demande d'asile est devenue le principal moyen d'obtenir un titre de séjour régulier.

Plus globalement, la politique d'asile ne peut se concevoir que liée à la politique d'immigration et de développement. L'examen concomitant par le Parlement d'une réforme de l'asile et d'une réforme de l'immigration, ainsi que la nouvelle politique de codéveloppement du ministère de la coopération constituent à cet égard des éléments très positifs.

Enfin, pour le Messin que je suis, il est clair que la solution doit être européenne. Aujourd'hui encore, dans mon département, il y a des gens qui, tout en étant pris en charge en Allemagne, viennent tenter leur chance en France s'ils ont entendu dire que l'accueil offert y est plus favorable. La coordination et la solidarité doivent donc être améliorées. Pour le moment, l'instrument de coordination que l'on appelle le règlement « Dublin », qui permet en théorie d'identifier un seul État membre responsable du traitement d'une demande d'asile, fonctionne cahin-caha. Et le seul instrument de solidarité, le fonds européen pour les réfugiés, est d'un montant trop faible.

Mais le texte proposé pour la future Constitution européenne va très loin, puisqu'on y parle de « système européen commun d'asile ». Par ailleurs, des avancées étonnamment rapides ont lieu en ce moment sur l'immigration clandestine, puisque l'on se dirige vers la création d'une agence communautaire des frontières. On peut donc raisonnablement espérer des avancées vers la communautarisation de la gestion de l'asile.

En conclusion, je salue le lancement, enfin, d'une politique cohérente de l'asile et je vous appelle à adopter les crédits de l'action sociale, de la solidarité et de la ville (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances pour la formation professionnelle - En septembre dernier, les partenaires sociaux ont ratifié à l'unanimité, ce qui est rare, un accord historique qui affirme le droit à la formation tout au long de la vie et qui réforme en profondeur l'accès à la formation professionnelle.

Par cet accord sans précédent, le Gouvernement a démontré sa capacité à fédérer les énergies et à confirmé la place centrale accordée depuis 2002 à la formation. Celle-ci est en effet au c_ur de son engagement en faveur de l'emploi et s'inscrit pleinement dans la décentralisation souhaitée par les Français.

Premier fléau national, le chômage fait des ravages parmi les individus, les couples et les familles. Prolongé, il mène à l'exclusion. La formation professionnelle, instrument d'adaptation aux exigences d'un monde en permanente transformation, est le principal moyen de le combattre.

Rappelons-le, le niveau de vie des Français n'est pas un acquis social que défendraient les porteurs de pancartes et les producteurs de grèves paralysantes. C'est la compétitivité de nos entreprises, et elle seule, qui le garantit. Or, cette compétitivité dépend directement des compétences de ceux qui y travaillent. L'adaptation et le développement de ces compétences sont indispensables à la fois au niveau de l'individu, qui sera de plus en plus appelé à changer d'entreprise et de métier au cours de sa vie professionnelle, et au niveau de l'entreprise, pour laquelle la compétence de ses collaborateurs constitue un avantage concurrentiel.

Le niveau de vie des Français n'est pas le premier en Europe, rappelons-le aussi, ni même le deuxième, le troisième, le quatrième, le cinquième... (Sourires) mais le douzième ! C'est dire à quel point la formation représente un enjeu majeur. Elle ne vise en effet rien moins qu'à rendre nos salariés et nos entreprises capables de surmonter les difficultés actuelles et de conquérir les marchés de demain. Elle doit aussi permettre aux publics les plus fragiles - les jeunes et les exclus en particulier - de mobiliser les ressources nécessaires à leur insertion durable.

Ces crédits s'élèvent à plus de 4,9 milliards d'euros, soit à peu près l'équivalent de ce qu'apportera le secteur privé aux termes de l'accord signé avec le soutien du Gouvernement ! L'effort total sera par conséquent considérable.

Tenant compte des réalités économiques et sociales, ce projet de budget accompagnera en outre le changement, en particulier la décentralisation en cours qui ouvre la voie à une vraie rénovation de notre système de formation professionnelle. Adaptation et réactivité exigent en effet de raccourcir les processus de décision et d'ajuster les politiques aux besoins des bassins d'emploi, et il convenait donc d'étendre les responsabilités des régions. Le transfert des compétences concernera notamment l'AFPA, les aides à l'embauche et à la formation des apprentis et l'orientation des jeunes. Dans le cadre de ce plan novateur, l'action en faveur des jeunes vise à favoriser l'accès à des emplois durables et au développement des compétences tout au long de la vie.

Ce budget traduit donc incontestablement une réorientation de la politique publique de formation vers le secteur marchand : la part consacrée à l'insertion professionnelle dans le secteur productif y passe à près de 66 %, contre moins de 50 % avant 2001. Un tel changement ne peut que redonner courage à tous ceux qui travaillent dans les entreprises. On pourrait même parler de rupture avec une politique de l'échec illustrée par les emplois-jeunes, parfait exemple de cynisme économique, de démagogie politique et, surtout, d'archaïsme culturel ! Cette malheureuse expérience a hypothéqué l'avenir de toute une génération et alourdi l'impôt des Français, au détriment de leur niveau de vie et de notre position en Europe.

Gouverner, c'est faire des choix responsables. Entre créer des emplois publics et donc des impôts supplémentaires ou stimuler la création d'emplois générateurs de recettes, le choix était facile : l'emploi marchand ne coûte pas à l'Etat...

M. Maxime Gremetz - Voilà une nouveauté ! Et les 140 milliards d'exonérations ?

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - ...Au contraire, il lui rapporte : les cotisations sociales permettent d'équilibrer les comptes de la nation. Il est de surcroît durable, car il répond à de vrais besoins, et il assure la promotion sociale.

Avec ce projet de budget, le Gouvernement affirme donc clairement sa volonté d'un redéploiement stratégique des crédits vers les secteurs où les besoins de formation sont les plus forts, mais où se trouvent aussi les principaux gisements d'emplois. A la réaction, il préfère l'anticipation et il organise la transition d'un Etat gestionnaire à un Etat stratège.

La nouvelle politique de formation professionnelle s'articule autour de quatre priorités : la transformation du processus d'apprentissage, avec la consécration de la VAE - validation des acquis de l'expérience ; l'accès à des qualifications favorisant l'insertion professionnelle, avec une progression de près de 10 % du nombre des contrats ; revalorisation et simplification.

L'apprentissage va donc être réformé sur la base de la consultation menée par M. Dutreil avec un succès dont témoigne le taux élevé des réponses au questionnaire. Il est exclu que je présente les mesures qui ne seront annoncées que dans quelques jours : je dirai seulement qu'il s'agit d'améliorer les conditions de l'apprentissage, de simplifier le système, de valoriser le tutorat et le transfert de compétences.

Le Gouvernement s'attachera également à simplifier le contrat de qualification, en s'appuyant sur le contrat de professionnalisation issu de l'accord interprofessionnel.

L'enjeu de ces deux réformes est de taille : il s'agit de réduire le fossé culturel qui s'est creusé entre l'école et l'entreprise pour conférer à l'apprentissage et à l'alternance une image d'excellence. Le nouvel accord permettra de réduire toutes les inégalités devant la formation, qu'elles soient entre sexes, entre catégories socioprofessionnelles ou entre entreprises selon leur taille.

Cependant, cet investissement dans les compétences requerrait, me semble-t-il, une véritable cartographie de ces dernières, ainsi que des besoins.

Au bénéfice de cette observation, j'invite l'Assemblée à adopter les crédits de la formation professionnelle pour 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la formation professionnelle - L'excellent rapport de M. Fourgous me dispensera d'une analyse détaillée de ces crédits, où je veux surtout voir la confirmation que l'Etat, en dépit des difficultés, ne se dérobe pas à ses responsabilités en matière de formation professionnelle, assumant même pleinement cette obligation nationale. En effet, malgré le ralentissement de la croissance, ce projet de budget conserve les moyens réellement consacrés à la formation professionnelle en 2003.

La discussion budgétaire est traditionnellement l'occasion de querelles de chiffres, de batailles sur des décimales ou des pourcentages, dont la clarté est toujours la première victime. Soyons donc clair : oui, ces crédits sont en baisse par rapport à 2003, quelle que soit la présentation qu'on puisse en faire. Mais nous savons aussi que les crédits inscrits en loi de finances initiale sont souvent loin de correspondre aux crédits effectivement ouverts : c'est ainsi que l'exercice 2002 s'est soldé par 281 millions d'euros d'annulations. C'est pourquoi l'on peut dire que les crédits sont stables : ils servent des objectifs comparables à ceux de l'année précédente. Au surplus, n'oublions pas qu'ils sont loin de représenter la part prépondérante des sommes consacrées par la nation à la formation professionnelle.

Leur répartition interne a été sensiblement modifiée pour tenir compte du rôle accru accordé à de nouveaux acteurs : les régions, en vertu des lois de décentralisation, et l'UNEDIC. La place de l'Etat n'en demeure pas moins essentielle et on peut d'autant plus regretter qu'il ne dispose pas d'une instance lui assurant une vision d'ensemble. Sous la précédente législature, un article 154 de la loi dite de modernisation sociale a en effet subrepticement supprimé la Commission nationale des comptes de la formation professionnelle. Ne conviendrait-il pas de rétablir cette institution, pour la charger d'évaluer la régularité et l'efficacité de cette dépense ?

La présente discussion intervient au lendemain de la conclusion d'un accord national interprofessionnel qui ne pouvait que surprendre toutes les Pythies et autres mauvais augures, qui n'auraient pas parié un kopeck sur le succès de cette entreprise ! Bravo, Monsieur le ministre : vous avez marqué un essai - que nous vous aiderons à transformer. Cet accord est une illustration exemplaire des vertus, mais aussi des difficultés du dialogue social. Le partage des rôles entre pouvoirs publics et partenaires sociaux issu de l'accord fondateur de 1971 s'est révélé plus complexe qu'on ne l'attendait, mais il a permis de rétablir un dialogue grippé par des années d'interventionnisme étatique. L'accord qui en est sorti apportera bien des améliorations et l'on me permettra d'insister tout particulièrement, car la chose me tient à c_ur, sur le droit à la formation tout au long de la vie. Comme je le disais ici-même il y a un an, « c'est dans le contrat de travail que se trouvent les ressources nouvelles à mettre en _uvre pour assurer durablement la création d'emplois. Faire de la formation professionnelle une responsabilité partagée dans ce cadre, en instaurant l'obligation de former et de se former, remettrait entreprises et salariés sur le chemin d'une obligation nationale un peu perdue de vue, ouvrant la possibilité de promouvoir enfin la formation tout au long de la vie, par le moyen de « droits de tirage » inscrits dans le contrat de travail même, cumulables et transférables d'une entreprise à l'autre. »

Cependant, un tel droit exige des mesures institutionnelles.

Actuellement, sa gestion se heurterait à la multiplicité des structures de concertation, à l'atomisation de la collecte et de la gestion de l'argent de la formation, à celle de l'offre, et à la multiplicité des sources de financement, les partenaires sociaux n'ayant pas souhaité toucher aux circuits actuels dont on sait pourtant combien ils sont opaques.

Et puis, si l'on veut vraiment ouvrir un droit « tout au long de la vie », peut-on faire l'impasse sur les périodes de chômage, pratiquement inévitables ? Peut-on continuer d'ignorer les titulaires de CDD, comme le fait l'accord national interprofessionnel ? Il s'agit pourtant d'une forme de travail suffisamment répandue pour que ce droit leur soit enfin reconnu, et la qualification ainsi rendue possible deviendrait alors le gage d'une flexibilité de qualité, et donc de stabilisation professionnelle. Une continuité et une cohérence de gestion sont donc indispensables, mais elles sont entravées par l'organisation actuelle de la collecte et de sa redistribution.

Tout au long de la chaîne susceptible de prendre en charge le salarié devenu demandeur d'emploi, on voit bien la part qu'auront à assumer des partenaires de droit privé. Voilà qui conduit à se poser la question légitime de l'ouverture, voire du partage officiel des responsabilités en matière de placement.

Parce qu'il s'agit d'argent collectif, il faut aussi garantir la bonne fin de l'emploi de la collecte, par des règles de contrôle inscrites dans les textes. Ainsi se prémunira-t-on contre les dérives relevées par le rapport du service central de prévention de la corruption d'avril 2000 dont les constats sont malheureusement demeurés sans réponse à ce jour, bien que j'en aie fait état devant Mme Aubry puis devant Mme Guigou. Et pourtant ! Ce document parle de détournements de subventions, de sociétés-écrans, d'enrichissement personnel et de montages frauduleux... Autant dire que le chantier ouvert avec l'accord interprofessionnel est loin d'être clos.

Trop d'argent public, depuis le début des années 1980, se volatilise à travers les crédits d'aide à l'emploi et à la formation professionnelle. Le système est opaque, coûteux et inégalitaire. Le gâchis est à la mesure des sommes en jeu : 22 milliards, presque la moitié du budget de l'Education nationale, quatre fois celui de l'Agriculture ou de la Justice, dix fois celui de la Culture ! Des dérives importantes ont été dénoncées jusque dans l'utilisation des cofinancements communautaires !

Le système de financement de la formation professionnelle ne répond plus aux objectifs de mutualisation des fonds et d'adéquation entre ressources et besoins. Il faut donc le réformer. Pour cela, je propose de supprimer le lien entre la collecte et l'allocation de fonds ; de préserver la compétence des partenaires sociaux sur l'allocation des ressources mutualisées par le biais d'organismes réellement paritaires ; de confier la collecte des fonds à un collecteur unique - les URSSAF par exemple - au profit d'un EPIC chargé de gérer la péréquation des ressources.

Un tel système dégagerait des économies d'échelle, garantirait l'efficacité de la collecte et de son utilisation et en permettrait le contrôle réel. Il suppose une réflexion sur le financement des organisations d'employeurs et de salariés qui pourrait passer par un financement public inspiré de celui des partis politiques, ce qui conduirait enfin à l'assainissement du système.

Mais aucune réforme ne peut faire l'impasse sur la nécessité de contrôler le dispositif. C'est particulièrement important pour la formation professionnelle, en raison de l'ampleur des fonds collectés et du nombre d'acteurs intéressés.

Il faut donc garantir des contrôles pédagogiques et financiers mais aussi un contrôle de légalité et de régularité, même s'il existe un contrôle administratif de l'Etat à travers le groupe national de contrôle. A ce propos, on constate l'absence de rapport public sur les activités de ce groupe alors que le service central de la prévention de la corruption parlait de « détournements » et de « montages frauduleux » ! Quant à la commission des comptes de la formation professionnelle, créée en 1995, elle a disparu début 2002, juste avant les élections, sans s'être vraiment manifestée, comme si son activité avait pu gêner...

Force est donc de constater la dilution du contrôle, d'autant qu'avec la décentralisation, la délégation des crédits alloués aux conseils régionaux se fait sans contrôle de l'Etat, au nom de la libre administration des collectivités locales. Et c'est ainsi que la validation des acquis de l'expérience qui mobilise 22 millions, se met en place sans véritable contrôle. D'ailleurs, la fréquence des contrôles est de l'ordre d'une fois tous les trente ans pour une entreprise, tous les vingt-trois ans pour un organisme de formation et tous les trente-six ans pour un organisme d'accueil...

Telles sont les observations que je tenais à faire dans le cadre de la réforme de formation professionnelle.

S'agissant du budget proprement dit, il est à la hauteur des besoins actuels. Et, à ceux qui critiquent la légère baisse des crédits, je voudrais dire qu'un budget ne se juge pas uniquement sur la progression des dépenses, mais surtout aux réponses qu'il apporte aux objectifs fixés. Ce n'est pas parce qu'un budget est en hausse qu'il est bon ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Les budgets ne sont bons que s'ils baissent ! Vous êtes rompus à la dialectique ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis - Un budget est bon s'il répond aux besoins et incite à une mobilisation pour un meilleur emploi des crédits. C'est le cas de votre budget, Monsieur le ministre, et c'est pourquoi le rapporteur pour avis invite l'Assemblée à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances pour le travail - Le budget de l'emploi, deuxième budget civil du pays, se caractérise par l'importance des crédits d'intervention.

On notera l'accroissement de l'effort en faveur de l'emploi et la réorientation des politiques en fonction de critères d'efficacité renforcés. La stratégie du Gouvernement part du principe qu'il est préférable de favoriser l'emploi dans les entreprises plutôt que de multiplier les emplois publics ou parapublics. Elle se traduit par l'augmentation relative du nombre de contrats aidés dans le secteur marchand. Par ailleurs, la volonté du Gouvernement de promouvoir les créations d'entreprises a pour conséquence une hausse de l'effort en faveur du dispositif EDEN - encouragement au développement d'entreprises nouvelles : le nombre de bénéficiaires prévus pour 2004 s'élève à 13 000, pour 9 000 en loi de finances initiale pour 2003.

Logiquement, il est prévu de réduire l'effort en faveur des contrats aidés dans le secteur non marchand. Au total, pour 2004, les aides à la formation et à l'emploi marchand sont devenues nettement prédominantes par rapport aux aides à l'emploi non marchand. Je souhaite que ce mouvement se poursuive.

Nous sommes aujourd'hui contraints de tirer un bilan négatif du primat qui fut accordé dans le passé à l'assistance au détriment de l'emploi. L'échec préoccupant du volet « insertion » du RMI en témoigne. Partant de ce constat, le Gouvernement a décidé de décentraliser le dispositif et de mettre en place un revenu minimum d'activité visant à augmenter les chances qu'ont les personnes rencontrant des difficultés d'insertion à retrouver une activité.

Les dépenses de gestion de la politique de l'emploi enregistrent, en 2004, une progression, limitée, de 1,3 %. L'augmentation des dépenses de personnel est contenue et le ministère contribue à la réduction des effectifs dans la fonction publique en supprimant 71 postes, soit la moitié des postes libérés par les départs en retraite. Les dépenses de fonctionnement restent quasi constantes.

Quant aux établissements concourant au service public de l'emploi, leurs capacités d'action sont maintenues. La contribution de l'Etat au fonctionnement et à l'équipement de l'ANPE augmente de 0,1 % et sa contribution au fonctionnement et à l'équipement de l'AFPA augmente de 1,7 %. Je rappelle que les crédits de l'ANPE avaient augmenté de 58 % depuis 1994 !

Les dépenses relatives aux actions en faveur des publics prioritaires enregistrent une nette diminution par rapport à 2003 : - 11,5 %, et - 9,1 % à structure constante, pour tenir compte du transfert au ministère de l'intérieur du financement des adjoints de sécurité.

Les crédits consacrés à la promotion de l'emploi et aux adaptations économiques connaissent une progression significative, passant de 1,05 milliard à 18,38 milliards. Cette progression résulte principalement de la réintégration au sein du budget du coût des allégements de charges sociales, antérieurement portées par le FOREC. Je me félicite de cette présentation nouvelle, que je souhaitais.

Les crédits correspondant au financement du retrait d'activité et à la participation de l'Etat aux dépenses de chômage augmentent de 0,6 %. Cette augmentation résulte principalement de la participation de l'Etat au financement de l'indemnisation du chômage.

La progression de 9,1 % de la subvention au fonds de solidarité reflète l'évolution du nombre de bénéficiaires des allocations de solidarité en 2004, bien que les conditions de versement de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) soient révisées. De fait, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, l'allocation n'est pas supprimée, mais modifiée.

L'ASS est accordée aux demandeurs d'emploi en fin de droits sous trois conditions : la recherche active d'un emploi, une durée d'activité de cinq ans dans les dix dernières années et un plafond de ressources. Quatre cent mille personnes en bénéficient environ aujourd'hui. Dorénavant, la durée de versement de l'ASS sera limitée à trois ans pour les bénéficiaires actuels et deux ans pour les nouveaux entrants, à l'exception de ceux qui ont plus de 55 ans ; la majoration accordée aux personnes de plus de 55 ans est supprimée pour les nouveaux entrants et la modification partielle du plafond de ressources pour les couples est généralisée. Il convient de saluer les mesures qui visent à la motivation des bénéficiaires. Ainsi, le cumul de l'ASS avec des revenus d'activité est facilité. L'allocation est maintenue pour les personnes qui retrouvent un emploi pour une brève période et prend en compte les charges de façon plus favorable.

Du point de vue de l'application de la loi organique relative aux lois de finances, je me suis intéressé à l'expérience de la globalisation des crédits en région Centre. Un contrat triennal passé entre le ministère et les services dans la région définit les priorités et les résultats à atteindre. La traduction budgétaire se fait dans un chapitre dédié, regroupant les moyens de rémunération et de fonctionnement. L'expérimentation a été étendue en 2003 à une partie de crédits d'intervention. Les enveloppes de fonctionnement allouées à chaque service sont déterminées après une procédure contradictoire. Cette expérimentation a permis la mise en _uvre concrète de la fongibilité budgétaire. Les crédits de rémunération dégagés de la gestion 2002 ont été transformés en crédits de fonctionnement. Ces crédits, qui se montent à 669 857 €, résultent d'un nombre de postes vacants supérieur aux prévisions. Après un an d'expérimentation, il apparaît que la fongibilité asymétrique n'a pas donné lieu à une augmentation des dépenses de fonctionnement. La structure de ces dépenses ne diffère pas sensiblement de celle des autres régions, et la dépense moyenne par agent est même inférieure à la moyenne nationale.

Les futurs programmes de la mission « travail » semblent être au nombre de cinq : développement de l'emploi, accès et retour à l'emploi, accompagnement des mutations économiques, qualité de l'emploi et évaluation des politiques de l'emploi. Si ce découpage est pertinent, le programme support, qui regrouperait l'ensemble des dépenses de personnel et de fonctionnement et une partie des dépenses d'investissement, fait problème. Ces dépenses ne représentent certes qu'une très faible part des dépenses totales du ministère, mais l'existence du programme support n'est pas dans l'esprit de la loi organique. Lors de votre audition, Monsieur le ministre, vous avez reconnu que le regroupement du personnel dans ce programme soulevait des difficultés. Une solution pourrait consister à ventiler certains crédits relatifs à la rémunération du personnel sous le programme dédié à l'amélioration de la qualité de l'emploi. Cela améliorerait la lisibilité du coût des politique publiques. Par ailleurs, les actions relatives à la lutte contre le travail clandestin doivent être clairement identifiées : cette action, à mener de façon conjointe avec le ministère des finances, mérite la plus grande détermination.

L'action en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi est importante : 110 000 nouveaux contrats jeunes en entreprise pour 2004, 50 000 RMA marchands, 170 000 CES et 15 000 CEC. Les contrats jeunes en entreprise sont une priorité alors que le chômage des jeunes augmente deux fois plus vite que la moyenne générale depuis un an. Ces contrats bénéficient aux jeunes les moins qualifiés, les plus touchés par le chômage, alors que les emplois-jeunes ont été occupés en majorité par des jeunes très diplômés. Les crédits inscrits au titre des contrats jeunes en entreprise doublent pour 2004, afin d'assurer la montée en charge du dispositif.

Les contrats initiative-emploi, eux, visent à faciliter une insertion professionnelle durable dans le secteur marchand. Une analyse de la DARES a démontré leur efficacité. Le projet de loi prévoit 47 millions pour les conventions signées avant le 1er janvier 2002 et 474 millions pour les aides forfaitaires. Vous avez annoncé, Monsieur le ministre, le 21 octobre, que le Gouvernement envisageait d'augmenter cet effort pour accompagner le dispositif de sortie de l'ASS. Vous proposez de porter le nombre de contrats prévus de 80 000 à 110 000 par redéploiements.

Le contrat d'insertion dans la vie sociale, lui, est une novation. Le premier volet porte sur la mise en _uvre d'un projet social ou humanitaire dans les associations. Trois mille jeunes bénéficieront d'un tel civis en 2003, huit mille en 2004 et vingt-cinq mille en 2006. Deux autres volets sont prévus : les civis permettront ainsi aux régions d'accompagner les jeunes vers l'emploi - 60 000 contrats en 2004 et 120 000 dans deux ans - ou de les aider à créer ou reprendre une entreprise - 2 500 contrats pour 2004 et 5 000 dans deux ans. Un amendement du Gouvernement, qui n'a malheureusement pas été déposé à temps pour que la commission l'examine, a pour objet de préciser le régime juridique de ces contrats.

Quant aux travailleurs handicapés, les crédits inscrits permettront de soutenir les ateliers protégés, de financer 500 emplois nouveaux et de mener des opérations de modernisation.

Enfin, la politique d'allègement des charges sociales est intégrée dans le budget de l'Etat. Le FOREC a aujourd'hui pour mission de compenser pour le régime de base de la sécurité sociale les pertes de cotisation relatives aux allègements de charges sur les bas salaires et à la réduction du temps de travail. La réintégration dans le budget présente deux avantages : le budget de l'emploi retracera exactement les moyens consacrés à ce secteur et les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale seront plus lisibles. Je ne rappellerai pas le caractère baroque du FOREC et de ses recettes.

Les exonérations des zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine s'élèvent à 27 millions : ce dispositif est en perte de vitesse. Les exonérations de cotisations sociales dans les zones franches, elles, sont en augmentation. Pour les exonérations outre-mer, je vous renvoie au rapport écrit. D'une façon générale, les dispositifs d'allégement se cumulent et s'enchevêtrent. Il faudrait parvenir à un dispositif simple, qui regrouperait la plupart des 36 mécanismes qui sont en vigueur actuellement et qui serait axé sur les bas salaires. La réforme des allègements de cotisations sociales patronales que vous avez mise en _uvre porte justement sur les rémunérations inférieures à 1,7 fois le SMIC.

L'ensemble de ces éléments me conduisent, au nom de la commission des finances, à vous demander d'émettre un vote favorable sur les crédits de l'emploi pour 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le travail - L'année 2004 sera marquée par un changement de cap. La priorité est enfin donnée à la création d'emplois dans le secteur marchand, et le projet de budget contient également des mesures de transparence, dont notamment la réintégration du FOREC.

Les crédits de la section Travail s'élèvent à plus de 32 milliards. 2003 étant l'année européenne du handicap, j'ai souhaité braquer le projecteur sur les politiques d'insertion des travailleurs handicapés : 219 000 sont inscrits à l'ANPE, nombre qui est en progression constante.

Le budget du travail donne la priorité au retour à l'emploi, après la logique d'assistance qui avait prévalu. Les allégements de charges sont préférés aux aides budgétaires, les interventions réorientées vers l'emploi dans l'entreprise, les dépenses d'indemnisation optimisées et la réinsertion durable est facilitée.

Le constat de l'échec du RMI n'est plus à faire : le moitié seulement des titulaires ont un contrat d'insertion en cours de validité. Le RMA a pour cible les personnes qui reçoivent le RMI depuis plus de deux ans. Dans une optique d'insertion progressive, il s'agit d'associer au RMI l'exercice d'une activité salariée à temps partiel, assortie d'un volet d'accompagnement personnalisé. Les titulaires de l'ASS dont les droits arrivent à échéance pourront y avoir immédiatement accès.

Le Gouvernement a décidé de réformer l'ASS : la durée de versement de l'allocation est réduite à trois ans pour les actuels bénéficiaires et à deux ans pour les nouveaux, sauf s'ils sont âgés de plus de 55 ans. La réforme en cours en Allemagne, menée par une gouvernement de gauche, est beaucoup plus brutale. L'objectif est que le dispositif incite davantage au retour à l'emploi. Par ailleurs, les contrats jeunes en entreprise sont une réussite. Cent mille ont déjà été signés, pour la moitié dans des entreprises de moins de dix salariés. Dans un autre domaine, le civis constitue une réponse au défaut d'accès des jeunes au RMI. Il conditionne l'aide à une démarche personnelle d'insertion professionnelle. 

La relance du CIE a été réorientée vers les personnes les plus éloignées de l'emploi - bénéficiaires de minima sociaux, travailleurs handicapés, anciens détenus. En outre, le CIE sera rendu plus attractif encore grâce à un versement trimestriel des primes aux employeurs, à un raccourcissement des conditions d'ancienneté, et un allongement de la durée de l'aide, selon la catégorie des demandeurs d'emploi.

Depuis plusieurs années, et le ministre des affaires sociales l'a parfaitement relevé lors des questions d'actualité, notre pays a de moins bons résultats en matière d'emplois que nos voisins européens, mais ce budget traduit la volonté du Gouvernement d'améliorer la situation.

Pour ce qui est de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, plus de 107 000 travaillent en milieu protégé, 350 000 en milieu ouvert et 17 000 en tant que travailleurs indépendants. Il conviendrait d'adopter un mode unique de comparaison public-privé, conformément à une recommandation du Conseil économique et social.

L'obligation d'emploi n'est pas respectée. Le taux atteint 4,1 % dans le privé, mais 37 % des entreprises ne déclarent aucune personne handicapée, préférant payer une sanction financière au profit de l'AGEFIPH.

En revanche, les entreprises de moins de vingt salariés, non soumises à l'obligation légale, recrutent très souvent des handicapés. Ainsi 40 % des stagiaires AFPA handicapés ayant trouvé un emploi six mois après leur sortie de stage l'avaient obtenu dans une petite entreprise.

Les statistiques de la fonction publique ne sont pas cohérentes avec celles du secteur privé, puisqu'elles recensent des personnes physiques et non des « unités de compte ». De surcroît, l'Education nationale, qui représente la moitié des effectifs de fonctionnaires de l'Etat, ne les renseigne pas !

Quant à la fonction publique hospitalière et aux collectivités locales, nous sommes également très loin du taux de 6 %, ce qui explique le chômage élevé des personnes handicapées.

Fin août 2003, l'ANPE comptait 26 % d'handicapés demandeurs d'emploi. Ce taux a augmenté de 7,8 % en un an contre 5,2 % pour l'ensemble des demandeurs d'emploi.

Pour ces raisons, je vous propose de mieux connaître la population handicapée et de mettre au point un système de calcul identique pour le secteur privé et le secteur public. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées paraît le mieux placé pour piloter la démarche.

Je vous propose encore d'imposer une obligation effective d'emploi dans l'administration. Une loi pourrait prévoir des sanctions financières, même aux dépens de l'Etat, de la fonction publique hospitalière et des collectivités locales. Ces sanctions pourraient être gérées par des fonds dédiés dotés de la personnalité morale. Cette proposition est du reste soutenue par le Conseil économique et social.

Pour les collectivités locales, un rapport devrait être présenté chaque année en séance publique pour indiquer le taux d'emplois handicapés et la façon dont ces collectivités comptent atteindre l'objectif légal.

Par ailleurs, il convient de repenser le rôle de l'ANPE et l'AGEFIPH.

Enfin, il faut élargir les perspectives offertes aux travailleurs handicapés, en développant les passerelles entre le milieu protégé et le milieu ordinaire, en valorisant le travail par une rémunération supérieure aux allocations de remplacement, en prévoyant des réformes pour l'orientation et la recherche d'emploi. Il s'agit notamment de mieux préciser le rôle et la mission des COTOREP.

Seize ans après la promulgation de la loi de 1987 en faveur du recrutement par les entreprises et les administrations de personnes handicapées, on dépasse encore difficilement un taux de 4 %, notamment au sein de l'administration et des collectivités locales.

Une volonté politique forte est nécessaire et s'exprimera, dans le nouveau texte qui réformera la loi d'orientation de 1975. J'en reviens au budget du travail : c'est un bon budget que la commission des affaires sociales a approuvé et que je vous invite à voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Francis Vercamer - Affaires sociales, travail et solidarité : trois termes qui soulignent, Monsieur le ministre, l'étendue de vos attributions, qui résonnent, chez nos concitoyens, comme autant d'espoirs de réponses à l'exclusion et au chômage.

L'année 2003 a été marquée par une très faible croissance, aussi ce budget doit-il être celui des choix, pour l'emploi, pour la solidarité.

On ne gagne pas la bataille de l'emploi sans dispositif de solidarité, comme on ne gagne pas la bataille de la solidarité, sans redonner à chacun sa place dans la société, notamment par le travail.

Y a-t-il une fatalité à l'hémiplégie des politiques de l'emploi dans notre pays ? La gauche privilégie l'emploi public aux dépens de l'emploi en entreprise et la droite favorise l'emploi en entreprise tout en contestant l'utilité des contrats aidés dans le secteur non marchand.

En vérité, il n'y a pas de politique de l'emploi plus efficace que celle qui fait du retour à l'emploi, sa priorité, quels que soient les dispositifs mis en _uvre.

Vous avez choisi de baisser les charges sociales, notamment sur les bas salaires. L'efficacité de cette mesure n'est plus à démonter et la progression du montant de ces allégements doit être saluée.

M. Maxime Gremetz - Oh !

M. Francis Vercamer - Néanmoins, nous regrettons que cet effort soit en partie anéanti par la hausse du coût du travail née de l'harmonisation des SMIC.

De notre côté, nous proposons la création d'emplois francs, dispositif de réductions de charges sociales patronales à 10 % du salaire brut, pour une durée de cinq ans, pour toutes les entreprises, quel que soit l'âge, le niveau de qualification, le salaire de la personne embauchée.

Votre budget confirme la priorité donnée dès l'année dernière aux contrats aidés dans le secteur marchand, afin de favoriser le retour rapide à l'emploi. Mais ce retour est possible pour les personnes qui ont connu un chômage court, et ont, de ce fait, gardé des habitudes de travail, une expérience professionnelle, et un savoir-faire, qu'elles pourront « vendre ». Il faut alors favoriser leur embauche en entreprise, d'où l'intérêt d'une baisse significative des charges sociales.

Pour autant, il ne faut pas condamner les emplois aidés dans le secteur non marchand, sas de réinsertion indispensable de tout un public de chômeurs de longue durée, pour qui il faut se réadapter aux horaires de travail, s'engager dans une formation, surmonter les traumatismes nés de la dispersion de la famille, de l'insalubrité d'un logement, d'une santé précaire...

Monsieur le ministre, les aides à l'emploi ne peuvent résumer une politique de l'insertion. L'UDF réaffirme son désaccord avec la réforme de l'ASS, dont la logique nous échappe d'abord pour des raisons pragmatiques. Les 50 000 entrées au RMA prévues pour 2004 dans le secteur non marchand ne suffiront pas à faire face aux besoins d'insertion des 130 000 sorties d'ASS, alors même que le dispositif risque d'être peu attractif pour le secteur marchand.

Ces 130 000 personnes s'ajouteraient aux 1 090 000 RMistes existants, soit 1 220 000 bénéficiaires du RMI, bénéficiaires potentiels du RMA.

Raisons symboliques, ensuite. Une réduction de la durée de l'ASS n'est pas un moteur suffisant pour retrouver un emploi, et l'effort d'économie ne doit pas peser sur les personnes les plus fragilisées devant l'emploi. Alléger la facture sociale n'aide pas à réduire la fracture sociale.

Votre réforme est socialement injuste, aussi le groupe UDF vous soumettra-t-il un amendement pour maintenir l'ASS en l'état.

Améliorer les parcours d'insertion implique de mieux évaluer les différentes étapes qui les jalonnent et de renforcer les moyens de l'accompagnement. Voilà les conditions d'un meilleur résultat.

Par ailleurs, un vent de panique s'empare actuellement de nombreux bénéficiaires du PARE. Les modifications des conditions d'indemnisation, décidées par les partenaires sociaux dans la convention du 27 décembre 2002, s'appliquent en effet rétroactivement aux personnes ayant opté pour un PARE avant cette date. 370 000 personnes sortiraient ainsi prématurément du dispositif, au 31 décembre prochain. Quelles dispositions comptez-vous prendre dès l'année prochaine, pour corriger les effets de cette situation ?

Enfin, sera prochainement débattu votre projet sur la décentralisation aux départements du RMI et la création du RMA.

Si les départements peuvent être l'échelon approprié pour la mise en _uvre du volet insertion, l'Etat doit s'assurer du financement pérenne de cette nouvelle compétence décentralisée. Or, bien des interrogations demeurent.

Par ailleurs, nous regrettons que votre budget ne dégage pas les moyens d'un véritable plan d'ensemble pour l'emploi des salariés de plus de 50 ans.

Nous attendons des incitations fiscales pour le travail à temps partiel, le développement de la prévention en matière de santé au travail, des efforts de formation professionnelle pour les plus de 45 ans, l'accompagnement des chômeurs âgés.

Pourquoi ne pas développer l'expérimentation dans ce domaine afin d'encourager de nouvelles initiatives, en prenant comme site pilote les régions où les plans sociaux ont fragilisé les salariés de plus de 50 ans ?

Nous saluons la création du civis. Mais les 8 000 contrats prévus en 2004 pour le volet « projet social ou humanitaire » suffiront-ils à compenser les sorties du dispositif « emplois-jeunes » ?

Deux remarques en conclusion. Le débat prévu sur la situation des harkis doit impérativement être suivi de mesures concrètes pour la première comme pour la deuxième génération.

Par ailleurs, l'exclusion du travail recouvre souvent d'autres formes d'exclusion, liées au quartier, à la religion, au sexe ou à la couleur de peau. Vous aviez annoncé la création d'une autorité indépendante dotée de moyens d'investigation. Vous n'ignorez pas l'exaspération de toute une génération de jeunes issus de l'immigration qui se sentiront d'autant plus fiers d'être Français que notre pays leur donnera les moyens de réaliser leurs projets. Or votre budget est muet à ce sujet. Nous souhaitons des engagements et un calendrier précis.

Comme pour la première partie de cette loi de finances, de l'adoption ou du rejet de notre unique amendement dépendra notre soutien.

M. Maxime Gremetz - Mon intervention portera sur un sujet grave, celui de l'emploi. Depuis votre arrivée, la situation se dégrade, le chômage flirte avec les 10 % et vous ne faites rien pour enrayer la tendance, au contraire. Sur 25 300 demandeurs d'emploi supplémentaires en septembre dernier, 20 600 ont moins de 25 ans !

Votre budget joue contre l'emploi et l'augmentation des crédits ne saurait masquer les choix qui sont faits. Ainsi, il ne comporte aucun effort pour la formation : je sais bien qu'un bon budget est un budget en baisse, le rapporteur l'a dit...

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis - Je n'applique pas la même dialectique que vous !

M. Maxime Gremetz - Vous faites de grands discours sur la formation professionnelle, vous obtenez même un accord historique avec les organisations syndicales, mais le budget ne suit pas : il passe de 5 milliards à 4 milliards et demi.

Les crédits pour les primes d'apprentissage diminuent de 50 millions, ce qui laisse présager une baisse de 12 % des contrats d'apprentissage, à moins que les régions ne comblent ces lacunes.

Les attaques contre les chômeurs s'amplifient : les crédits d'aide à la création d'entreprise, baissent de 20 %, les bourses pour l'emploi passent de 25 millions à 4 millions et les programmes en faveur des chômeurs longue durée de 181 à 107 millions. C'est vraiment un bon budget, Monsieur le rapporteur !

S'y ajoutent la suppression de l'ASS et l'agrément donné à l'accord UNEDIC.

Il aurait mieux valu renforcer les aides aux régions pour les actions de formation continue, à l'AFPA pour la construction de nouveaux centres ouverts aux chômeurs et aux jeunes.

Sont également en baisse de 11 % les crédits pour les publics prioritaires - CEC, CES, programme TRACE, stages pour chômeurs. Alors que la précédente majorité s'efforçait de leur redonner de l'espoir à la fois par l'aide nationale et par l'insertion, vous battez en brèche tous ces acquis pour vous limiter au revenu minimum d'activité, sur lequel il y aura bien des choses à dire : ce n'est pas un bon projet, il doit être retiré - les syndicats sont unanimes et même le rapporteur a proposé de le suspendre ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Si les chômeurs sont sacrifiés, en revanche les cadeaux au patronat sont les priorités de ce budget !

Vous accentuez la politique de baisse des dépenses de salaires. Les primes aux CIE augmentent de 132 millions, soit 39 %, et les aides à l'embauche de jeunes doublent, soit 216 millions de plus. Nous sommes dans une situation folle, le patronat se désengage complètement du financement de l'emploi ! On le voit avec le RMA : l'entreprise ne paiera plus que 2 400 F par mois pour un bon employé, et pas de cotisations ! C'est un cercle vicieux, pas étonnant qu'ensuite les fonds manquent pour la solidarité nationale !

Sur un budget de 32 milliards d'euros, 18 sont consacrés à la compensation des exonérations des cotisations sociales patronales, auxquelles il faudrait ajouter 4 milliards d'exonérations fiscales ou d'aides publiques directes. Or cette politique d'allègement de charges est un échec total pour l'emploi, toutes les études le montrent, y compris celles du CAE. Ce n'est pas l'argent qui manque aux entreprises, les patrons français sont les mieux payés d'Europe ! Ces exonérations sont une perversité. Il y a d'autres moyens pour stimuler l'emploi, par exemple la réorientation du crédit pour stimuler l'emploi. D'autre part, quel contrôle avez-vous de ces aides ? Votre première mesure a été de supprimer la disposition que nous avions fait voter à ce sujet !

Près de 2 millions et demi de chômeurs sont inscrits à l'ANPE, c'est énorme. Encore plus inquiétant, les inscriptions progressent plus vite que les sorties du chômage. Et la casse programmée de l'ANPE au profit d'agences d'intérim ou de conseil ne va rien arranger.

Nos concitoyens ne peuvent continuer de payer ces exonérations par de nouvelles contributions ou une réduction de leur protection sociale.

On discute beaucoup du coût des 35 heures. Jamais acceptée par le Medef, combattue par vous à l'époque, cette avancée sociale est la cible actuelle de la majorité qui cherche à masquer les effets dramatiques de sa politique. Mais personne ne s'interroge sur les exonérations en tout genre et sur la responsabilité du patronat dans la dégradation de la situation sociale de milliers de personnes. Eh bien, je vais le faire à l'occasion de cette mission d'information sur les 35 heures ! Il faut faire la lumière sur l'utilisation et l'efficacité des aides et exonérations, d'autant que la commission d'enquête sur les pratiques de certains grands groupes a montré que personne ne contrôle les circuits de distribution de ces milliards. Les aides publiques sont particulièrement prisées quand elles facilitent des opérations de restructuration, dont des licenciements et des baisses de salaires...

M. le Président - Vous avez dépassé votre temps, Monsieur Gremetz...

M. Maxime Gremetz - Soit, mais ne vous étonnez pas si je reviens plus tard sur ce que je n'ai pu dire maintenant !

M. Bernard Perrut - Depuis mai 2002, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'est courageusement engagé à rénover notre pacte social, comprenant que le meilleur angle d'attaque contre le chômage est celui de la création d'emplois dans le secteur marchand.

Loin de l'idéologie qui a prévalu sous l'ancienne législature et dont nous continuons à payer la facture, loin d'une loi Aubry qui témoignait à la fois d'une erreur de méthode, d'une erreur économique et d'une erreur sociale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), loin enfin du slogan « travaillez moins, gagnez autant et tout va mieux », vous faites le choix stratégique de réhabiliter la valeur travail...

M. Maxime Gremetz - Avec ce gouvernement, c'est plutôt la valeur chômage qui monte !

M. Bernard Perrut - Votre politique s'appuie sur un constat évident : ce sont les entreprises qui créent l'emploi

M. Maxime Gremetz - Et les travailleurs qui créent les richesses !

M. Bernard Perrut - On ne peut donc que se féliciter que le nombre de créations d'entreprises ait progressé de près de 10 % au cours du dernier trimestre.

L'emploi est une priorité nationale qui mobilise l'ensemble du Gouvernement. On l'a vu avec les mesures de simplification destinées à faciliter la transmission d'entreprises ou à permettre à des salariés de devenir entrepreneurs. On le voit aussi avec l'effort budgétaire consenti en faveur des allégements de charges : 17 milliards en 2004 sur un budget total de 32,5 milliards, soit plus de la moitié des crédits. On l'a vu enfin avec la hausse sans précédent du SMIC.

La mise en place du RMA s'inscrit pleinement dans la nouvelle politique de l'emploi, car avec ce contrat de travail d'un nouveau type, le salaire associe aide sociale et rémunération d'un travail. C'est le premier jalon d'un véritable retour à un emploi stable, alors que le RMI avait montré ses limites puisque seulement 50 % des érémistes disposent d'un contrat d'insertion.

Vous avez annoncé, Monsieur le ministre, que les titulaires de l'ASS dont les droits arriveraient à échéance pourraient bénéficier du RMA. C'est une bonne chose, même si certains ont critiqué un peu hâtivement votre évolution sur ce sujet. Nous aurons à discuter prochainement du projet de loi sur le RMI et le RMA et je ne doute pas que nous le ferons dans un esprit d'ouverture et de concertation. Il est souhaitable que l'accent soit mis sur le suivi personnalisé et la formation des « RMastes » (Murmures sur divers bancs), afin de favoriser une réinsertion durable.

Les chômeurs de longue durée bénéficient de la relance des contrats initiative-emploi, dont vous portez le nombre à 110 000.

Avec cette aide accrue en faveur de l'emploi dans le secteur marchand, nous sommes loin des illusions de l'assistanat et l'on ne peut que se réjouir que 66 % du total des aides à l'emploi et à la formation soient ainsi dirigées vers les entreprises.

Vous vous attaquez aussi au chômage qui frappe les jeunes et qui est lié en partie à la sortie de tous les dispositifs artificiels naguère mis en place. On constate d'ores et déjà des résultats encourageants, puisque 100 000 contrats jeunes en entreprise ont été signés depuis leur lancement en 2002. Et 250 000 sont prévus d'ici 2006. Au total, 470 000 contrats aidés seront proposés dans le secteur marchand, les dispositifs anciens étant remplacés par des formules plus efficaces. C'est ainsi que le civis s'adresse aux jeunes encore éloignés du monde de l'entreprise. Fondée sur la signature d'un contrat entre le jeune et la collectivité, sa démarche d'insertion repose sur un accompagnement renforcé vers l'emploi, un soutien à la création d'entreprise ou la possibilité de travailler dans une association. La gestion fortement décentralisée du dispositif permettra une mobilisation de l'ensemble des acteurs et ce sont près de 120 000 jeunes qui en bénéficieront dans les deux ans qui viennent.

Notons aussi la reconduction du programme TRACE, qui permet un bon accompagnement des jeunes, et saluons l'action menée par les missions locales et les PAIO.

Il faut aussi penser aux « seniors », sachant que le taux français d'emploi des plus de 55 ans est l'un des plus faible d'Europe, ce qui empêche des salariés expérimentés de contribuer au dynamisme de notre économie. Le dispositif des préretraites doit donc être revu et, d'une façon plus générale, le taux d'emploi des plus de 55 ans être amélioré. L'Union européenne s'est fixé comme objectif de le porter à 50 % en 2010, le gouvernement français y travaille. C'est d'autant plus nécessaire que le nombre de jeunes arrivant sur le marché du travail va diminuer.

Parallèlement, on ne peut que se féliciter que les salariés ayant commencé à travailler très tôt puissent dès 2004, Monsieur Gremetz, bénéficier d'une retraite anticipée. Nous devons ce progrès social unique en Europe à ce gouvernement.

S'agissant de la formation professionnelle, on ne peut également que se réjouir de l'accord historique intervenu le 20 septembre dernier. Belle réussite, Monsieur le ministre.

En ce qui concerne l'apprentissage, les mesures proposées par M. Dutreil laissent espérer une mobilisation autour de ce type de contrats. En 2004, 373 000 contrats en alternance sont prévus, ce qui traduit un effort significatif.

En conclusion, je dirai que ce budget pour 2004 témoigne de la priorité absolue donnée par ce gouvernement au retour à l'emploi, un gouvernement audacieux qui fait des choix clairs pour l'avenir, suivant en cela la méthode de travail inaugurée en juin 2002 : écoute, dialogue et concertation.

Pour redevenir plus dynamique, l'économie française doit se libérer de tous les carcans structurels et psychologiques qui ont trop longtemps brimé le marché de l'emploi dans notre pays. La France n'est plus l'îlot de stabilité qu'elle était par le passé, où les données de l'emploi demeuraient intangibles. L'emploi est au c_ur de la politique gouvernementale et relève de notre responsabilité collective, car la grandeur d'une société se mesure par la place qu'elle donne à chacun pour s'épanouir. Les difficultés ne doivent pas nous faire reculer : il faut au contraire que chaque difficulté rencontrée soit pour nous l'occasion d'un nouveau progrès !

Comme le disait Georges Bernanos, on ne subit pas l'avenir, on le fait. Nous comptons sur ce gouvernement pour cela (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - Vous avez coutume de dire, Monsieur le ministre, qu'il ne faut pas perdre de vue la signification de ce qui s'est passé le 21 avril 2002 et vous insistez dans toutes vos interventions sur l'exigence d'intégration républicaine et sur la nécessité de réduire la fracture civique et sociale. Nous sommes convaincus, quant à nous, que cela passe par des réponses apportées à la question lancinante du chômage, qui mine toute la société depuis trente ans, quelques années de rémission mises à part, dont les années 1997 à 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - 2001.

M. Gaëtan Gorce - C'est le chômage qui remet en cause l'intégration. Vous avez répondu l'autre jour à M. Bayrou, Monsieur le ministre, que les caricatures nourrissaient les extrémismes. Mais le décalage entre la réalité et le discours tout autant ! Or, il y a incontestablement un décalage entre le discours gouvernemental sur l'emploi et la réalité que nous connaissons, à savoir une aggravation continue, je dirais même spectaculaire, du chômage.

Depuis plus d'un an, la situation s'est dégradée de façon accélérée. Cela a commencé en 2001, dites-vous. C'est vrai, mais la crue du chômage semble prendre maintenant un rythme de croisière : le nombre des chômeurs a augmenté de 25 000 en septembre et on en est à 160 000, peut-être 170 000 même, depuis votre arrivée. Pour les moins de 25 ans, la croissance est de 8 %, et de même pour les chômeurs de longue durée. On pouvait dès lors s'attendre que le Gouvernement décrète la mobilisation générale mais, si les discours sont ronflants, ce budget, lui, est en berne ! Après une première baisse de vos crédits, de 10 %, l'an passé, en voici une seconde, si l'on effectue la comparaison à structures constantes, retirant donc le transfert des allégements en provenance du FOREC. Si l'on prend en compte l'ensemble des mouvements entre budgets, il y a à peine stabilisation ! Est-ce là relever les défis que vous évoquez ?

Il est vrai que l'effort se porte un peu plus sur les allégements, mais vous vous empêtrez à ce propos dans un double langage : tantôt ces allégements sont utiles pour l'économie - mais il faudrait alors se féliciter de ceux de Mme Aubry ; tantôt ils ne le sont pas, et vous les dénoncez comme une menace pour la croissance, qui nous condamne au déficit - mais dans ce cas, il faudrait au moins tenter de les contenir ! Vous devriez bien choisir entre ces deux discours pour nous permettre de vérifier votre honnêteté intellectuelle !

Caractérisé donc par le décalage entre les moyens et le discours, ce budget fait aussi une assez faible part à ceux qui sont touchés par le chômage. Les crédits destinés aux stages d'insertion pour les chômeurs de longue durée diminuent de près de 40 %. Quant aux CES et aux CEC, sous réserve d'un examen plus attentif des données fournies par le ministère, il y a recul par rapport aux moyens mobilisés en 2003. Vous avez donc la dent dure pour les plus faibles, mais cela s'accompagne de la tentation de masquer la réalité derrière un discours adopté depuis l'an dernier et qui consiste à prétendre que vous mettriez désormais l'accent sur l'emploi marchand, les autres - CES, CEC, emplois-jeunes - n'ayant que des effets négatifs. Ce discours est doublement hypocrite. En premier lieu, les moyens n'y sont pas : alors que vous avez économisé plus d'un milliard d'euros sur les CES et les CEC, sur les emplois-jeunes et sur les mesures en faveur des publics les plus en difficulté, vous ne consacrez que 300 millions aux nouveaux emplois miracles, civis et contrats « jeunes en entreprise » ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) En second lieu, c'est au moment où les entreprises sont en difficulté que vous incitez les chômeurs à faire effort pour les rejoindre ! En 2003, le nombre des emplois marchands aura diminué de 90 000 !

La conduite de votre politique nous pose également problème. Elle évoque un yo-yo, tellement elle manque de cohérence et votre engagement de continuité ! Ainsi, pour les CES : après les avoir rangés dans la catégorie critiquable des emplois dits aidés, vous en avez d'abord annoncé 80 000 pour 2003. Puis, sous la pression du « terrain » et de l'opposition, vous en avez rajouté pour arriver, semble-t-il, à 240 000...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Vous confondez !

M. Gaëtan Gorce - Pour 2004, vous n'en prévoyez plus que 170 000. Pourtant, vous annoncez dans le même temps un effort supplémentaire...

Ajoutons que vous n'avez jamais informé la commission des affaires sociales sur la façon dont vous avez financé les CES supplémentaires de 2003 !

M. Christian Paul - Cette commission n'existe plus !

M. Gaëtan Gorce - Même politique en ce qui concerne le CIE : vous avez attendu juillet dernier pour vous apercevoir que cette formule, pourtant inventée en 1995, avait quelque mérite. Jusque-là, il y en avait moins qu'en 2001. Cela reste d'ailleurs toujours le cas dans le présent budget : vous n'en prévoyez que 80 000, contre 90 000 il y a deux ans.

Les annonces se succèdent donc, immédiatement contredites par la réalité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est d'autant plus préoccupant que les publics concernés sont les publics les plus en difficulté, femmes et jeunes.

Ce budget n'a décidément pas la tête de l'emploi ! Ce qui caractérise son visage, ce sont les yeux cernés - montée du chômage ! -, calvitie précoce - chute des crédits ! -, dent dure et menton fuyant - absence de volonté politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Mais, ce qui est le plus consternant, c'est qu'avec ce budget, vous atteindrez le résultat exactement inverse de celui pour lequel vous l'avez conçu. D'un budget du travail et de l'emploi, on pouvait légitiment attendre qu'il aide à produire de l'emploi. Ce sera le contraire : selon la DARES, vos mesures relatives aux emplois non aidés se solderont par la suppression de près de 60 000 emplois en 2003 et d'autant en 2004. A cela s'ajoutent les effets de notre décrochage par rapport à la croissance européenne : alors que nous avions en permanence 0,5 point d'avance, l'écart est maintenant de 0,33, ce qui nous aura privé de 50 000 emplois. Enfin, le blocage des 35 heures nous en enlèvera 60 000 autres. Les 170 000 chômeurs supplémentaires enregistrés depuis que vous êtes aux responsabilités vous sont donc en totalité imputables !

Combien de chômeurs Raffarin et Fillon aurons-nous quand nous aurons supprimé les emplois Aubry, vous demandais-je un mercredi. Eh bien, nous commençons d'avoir la réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Grand - Je viens à l'instant même d'apprendre que le tribunal de commerce de Montpellier a décidé que la compagnie Air Littoral sera reprise, avec 70 % de son personnel, par un groupe italien et qu'un accord sera conclu pour cinq ans. Il va donc nous falloir travailler au plus vite au reclassement des 30 % d'employés restants, en exploitant au mieux les perspectives offertes par Air France...

On ne peut discuter de ce budget sans évoquer les nombreux problèmes qu'affrontent nos compatriotes rapatriés, en particulier ceux qui sont concernés par l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970. Sans attendre le débat que nous aurons sur les conséquences humaines de la guerre d'Algérie, nous devons prendre une mesure de justice pour ces 21 000 rapatriés d'Algérie et ces 7 500 rapatriés du Maroc et de Tunisie. Chacun de ces dossiers raconte l'histoire d'une famille forcée à l'exode, condamnée à tout abandonner sur leur terre devenue hostile. La seule façon de réparer l'injustice infligée à ces compatriotes par l'article 46 est de restituer les sommes prélevées en vertu de cette disposition.

D'autre part, comment ne pas être préoccupé par la situation plus qu'incertaine des épouses et veuves de harkis ? Elles ont droit à la sécurité matérielle. Notre collègue Diefenbacher a proposé des solutions sur lesquelles le Gouvernement aura à se prononcer, mais il n'est pas trop tôt pour envisager un effort de solidarité en leur faveur ! Une majoration de leur rente doit leur garantir le minimum vital.

Il y aurait par ailleurs urgence à clôturer définitivement l'étude des 853 dossiers d'aménagement de la dette des « réinstallés », actuellement en cours devant la commission.

Les handicapés aussi méritent notre intérêt. Il n'est pas rare qu'au moment de leur majorité ou lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite, ils soient renvoyés dans leur famille, faute de place dans les établissements spécialisés et dans les établissements pour personnes âgées. Les collectivités qui souhaitent créer des structures adaptées se heurtent souvent aux dispositions du schéma gérontologique. Or l'espérance de vie des personnes handicapées mentales a considérablement augmenté, grâce à un meilleur suivi médical mais aussi, lorsque c'est le cas, à l'emploi ou aux activités qu'on leur procure. Je rencontre de nombreux parents très âgés angoissés à l'idée de ce qu'il adviendra, lorsqu'ils auront quitté cette terre, des travailleurs handicapés mentaux retraités qui restent leurs enfants à préserver.

Il est donc urgent de favoriser la création d'établissements pour handicapés adultes, en augmentant les subventions d'investissement.

J'appelle également votre attention sur la difficulté que nous, les maires, éprouvons à recruter du personnel qualifié lorsqu'il s'agit de prendre en charge la dépendance. Aidez-nous à la surmonter, par des mesures attrayantes !

Je ne doute pas que ces observations rejoignent vos préoccupations. Pour ma part, je confirme mon soutien, et mon vote (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Desallangre - Depuis que vous gouvernez, la richesse nationale a régressé de 0,2 %, et le nombre de chômeurs a augmenté de 7 %. Nous souhaiterions, bien sûr, que ces chiffres soient inversés mais, en guise de politique sociale, votre seul leitmotiv est « alléger toujours plus les cotisations patronales ». Vous avez beau affirmer haut et fort que vous n'êtes responsable ni de la conjoncture mondiale ni de ces Français qui, selon vous, rechignent à travailler, le contraste n'en est pas moins saisissant avec la législature précédente.

En un an, 150 000 personnes supplémentaires se trouvent sans emploi. Face à cette situation que vous ne semblez nullement maîtriser, il ne vous reste plus qu'à modifier selon la méthode favorite des gouvernements de droite, les statistiques. Comme MM. Balladur et Juppé, allez-vous supprimer les chômeurs à défaut de supprimer le chômage ? Le mouvement est engagé ! De plus, le Gouvernement a entamé un processus de culpabilisation en tentant de faire croire que les Français sont les moins travailleurs en Europe, et que les chômeurs sont dans cette situation de leur propre volonté.

Osez donc, Monsieur le ministre, aller dire cela à l'un des salariés de Wolber, de Danone, d'Alstom ou de l'une des nombreuses entreprises qui ont licencié leurs salariés pour de prétendus motifs économiques. Osez leur dire que, s'ils sont au chômage, c'est de leur faute. Peut-être serez-vous enfin confronté au principe de réalité ! Dans le même temps, votre budget, qui est censé refléter l'effort du Gouvernement en faveur de la création d'emplois et de l'aide aux personnes en difficulté, régresse à périmètre constant et 700 millions sont économisés sur le dos des publics prioritaires dont 476 millions pour les publics en difficulté d'insertion. Dans le même temps, vous osez inscrire 18 milliards en faveur de l'allégement des cotisations pour les employeurs.

Un article comptable vous permet d'afficher un budget en hausse, mais cette manipulation ne trompe personne : seul le transfert sur votre budget des 16,5 milliards d'allégement de cotisations patronales permet cet effet d'optique.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Où est la manipulation ? Il n'y a qu'un souci de transparence, au contraire !

M. Jacques Desallangre - Eh bien, puisque la mode est à l'évaluation des politiques publiques, évaluons donc l'efficacité et l'utilité sociale des multiples exonérations dont bénéficient les employeurs.

Que font-ils des milliards que l'Etat, c'est-à-dire les citoyens, leur donne si généreusement ?

Dix-huit milliards, cela représente 1,2 million d'emplois au SMIC, soit la moitié du nombre actuel de chômeurs. Si elles étaient socialement utiles, les mesures d'allégement de charges devraient conduire à doubler, sinon tripler ces emplois - sinon, autant se servir de cette somme pour embaucher directement !

Je vous demande donc solennellement, Monsieur le ministre, de vous engager à nous présenter dans les six mois un rapport d'évaluation de l'utilité sociale, en termes d'emplois, des 18 milliards que l'Etat donne aux employeurs. A défaut, je proposerai la constitution d'une commission d'enquête parlementaire.

Et n'objectez pas que j'ai voté ces allégements de charges en adoptant la loi sur les 35 heures car j'ai refusé de voter la deuxième loi considérant que les allégements consentis ne faisaient plus l'objet d'une réelle contrepartie en termes d'embauches, ce qui me paraissait inacceptable. Vos ajustements législatifs n'ont fait qu'accroître ce déséquilibre.

Vous ne me ferez pas pleurer sur ces grands groupes qui captent plus de 80 % des aides de l'Etat, rémunèrent leurs patrons à des niveaux extravagants - jusqu'à 330 années de SMIC pour l'un d'entre eux, parti après avoir définitivement plombé les comptes de son entreprise.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - C'est effectivement scandaleux.

M. Jacques Desallangre - ...et licencient à tour de bras. Sans doute me trouverez-vous obstiné, mais j'en reviens rapidement à l'affaire Michelin. Au-delà des questions budgétaires, rien, en terme d'emploi, ne pourrait remplacer une réforme du droit du licenciement ainsi faite que, demain, les entreprises cesseront effectivement de licencier pour raison économique alors qu'elles réalisent des bénéfices. En assurant juridiquement la prévention des licenciements massifs, on apporte une réelle réponse politique à la baisse du chômage sans avoir à gaspiller 18 milliards avec une efficacité sociale qui reste à démontrer.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

Mme Martine Billard - C'est un bien mauvais budget que vous nous présentez, en cette période de hausse continue du chômage. Il souffre d'un manque patent de moyens, du fait de la politique fiscale inconsidérée du Gouvernement qui, en faisant des cadeaux aux plus aisés des Français, a réduit ses marges de man_uvre, et du fait, aussi, de choix idéologiques.

La politique, ruineuse, d'exonération de cotisations sociales grève le budget du travail qui, à périmètre constant, est en baisse. Dans le même temps, les exonérations sont de nouvelles charges pour le budget de l'Etat. Et puis, Monsieur le ministre, vous ne semblez connaître que le secteur marchand, qui serait le seul à proposer de « vrais emplois » et le secteur public, oubliant totalement le secteur associatif dont vous faites une « roue de secours » des emplois aidés pour les personnes considérées comme « non rentables » par les entreprises.

Dans cette logique, vous avez décidé de ne pas reconduire les « emplois-jeunes », dispositif qu'il fallait au contraire renforcer et améliorer.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - C'est vous qui avez voté la fin du dispositif à cinq ans !

Mme Martine Billard - Le secteur associatif pourrait être en pleine expansion si vous ne coupiez tous ses moyens.

Les aides, sans contreparties et indifférenciées, accordées au secteur marchand ne font pas une bonne politique de l'emploi, comme le montre l'échec des « contrats jeunes en entreprise ». Vous annoncez la création de 110 000 de ces contrats au terme de 2004. Mais ce dispositif existe depuis plus d'un an, et le chômage des jeunes de moins de 25 ans a progressé de 8,2 % en un an ! Par ailleurs, le dispositif profite, comme je l'avais souligné, principalement aux jeunes titulaires d'un CAP ou d'un BEP, et non aux jeunes non diplômés, tout en favorisant des effets d'aubaine et de substitution. Ce n'est pas une réelle politique de l'emploi des jeunes. Quant au programme civis, son volet « emploi d'utilité sociale » est plus restrictif que les emplois-jeunes, puisque l'environnement en est exclu.

Concernant la formation professionnelle, le financement de la décentralisation pose problème. Ainsi, les moyens d'intervention de l'Etat en faveur des contrats d'apprentissage ou de qualification baissent de 500 millions mais les transferts aux régions ne s'élèvent qu'à 437 millions. De manière générale, alors que le Gouvernement n'arrête pas de claironner l'importance de la formation professionnelle, il réduit à la fois les moyens publics et les obligations des entreprises !

S'agissant du traitement social du chômage, vous réduisez les droits à l'ASS en durée et en montant et, contrairement à ce qui est prétendu, les chômeurs privés d'ASS ne passeront pas tous directement au RMI, puisque le RMI n'est pas un droit individuel et que les revenus de l'ensemble du foyer sont pris en compte. Les plus de 55 ans se voient, eux, supprimer la majoration de 40 % et, les préretraites étant vouées à la disparition, il ne fait décidément pas bon se retrouver au chômage passé 55 ans dans notre pays !

L'assouplissement des conditions d'entrée dans le dispositif des contrats initiative-emploi favorise une fois encore le secteur marchand au détriment du tiers secteur associatif. Dans le même temps, vous asséchez littéralement le dispositif des stages d'insertion et de formation à l'emploi et vous réduisez considérablement les crédits des « chèques-conseils ». Décidément, tout le traitement du chômage, comme la mise en place du RMA, ont pour seul objectif de fournir aux entreprises une main-d'_uvre précarisée et bon marché, sans garantie de formation pour un reclassement ultérieur. Comment ne pas dénoncer la « casse humaine » d'une telle politique ? Comment s'étonner que des chômeurs en fin de droit assiègent, toujours plus nombreux, nos permanences, fous d'inquiétude car ils ne savent pas ce qu'ils vont devenir ?

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - S'ils sortent des ASSEDIC, ils ont droit à l'ASS.

Mme Martine Billard - Votre vision du travail n'est qu'idéologique : hors de l'entreprise, point de salut ! Et c'est ainsi, en réduisant les emplois publics, en asséchant les crédits destinés au mouvement associatif qui, pourtant, vient souvent au secours de l'Etat, notamment quand il s'agit de trouver des aides à domicile, que vous poussez de plus en plus de gens vers le RMI.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle sera d'une minute.

M. Maxime Gremetz - C'est de l'irrespect !

M. le Président - N'inversez pas les rôles !

La séance, suspendue à 19 heures 12, est reprise à 19 heures 15.

M. Georges Colombier - Mon intervention portera sur un sujet qui m'est cher : la politique en faveur des personnes âgées. Je me félicite de l'engagement du Gouvernement à relancer cette politique et de l'intérêt qu'il porte à la rénovation des établissements médico-sociaux. La mission d'information sur les conséquences de la canicule, excellemment présidée par Denis Jacquat, a montré que la lutte contre l'isolement social des personnes âgées et le renforcement de la solidarité à l'égard des anciens étaient des problèmes cruciaux. Elle a dressé un constat édifiant : les personnes âgées et les enfants en bas âge sont vulnérables de façon équivalente à la forte chaleur ; or la surmortalité estivale n'a touché que les personnes âgées... Le désastre aurait donc pu être largement évité. Ce constat doit tous nous faire réfléchir et montre l'étendue du travail qui reste à accomplir.

La mission d'information a préconisé plusieurs pistes, dont des visites régulières à domicile par des bénévoles associatifs. Ce genre d'initiatives permettrait de recenser les personnes âgées en difficulté qui devraient être surveillées en priorité lors des crises, météorologiques certes, mais aussi épidémiologiques, comme par exemple une vague de grippe. Les structures associatives d'aide à domicile et surtout les fédérations de personnes âgées peuvent jouer un rôle de catalyseur et devenir un maillon solide de la chaîne de prévention et de solidarité que nous souhaitons mettre en place. Ces associations doivent être reconnues à leur juste valeur. Là où elles existent, les personnes âgées ne doivent pas mourir ignorées. Pour l'instant, il n'est pas envisageable de les surveiller en permanence alors que nous n'arrivons même pas à les recenser sérieusement ! Mais au niveau local, les mieux informés demeurent les bénévoles associatifs et j'espère que le plan à venir saura les prendre en considération.

Les associations d'aide à domicile pour les personnes âgées - ADPA en ville et ADMR en milieu rural - ont fait récemment des propositions très constructives en matière de solidarité. Les bénévoles y jouent un rôle important. Acteurs de la société civile, ils contribuent par leur action quotidienne à la rupture de l'isolement, au maintien du lien social et à la prévention. Il faut soutenir et reconnaître le bénévolat par des actions de formation et d'accompagnement.

Enfin, l'action locale est indispensable.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis - Très juste !

M. Georges Colombier - Le Gouvernement doit veiller à l'instauration de plans locaux de solidarité, élaborés par les chefs de l'exécutif local et mis en oeuvre par un opérateur à l'échelon du bassin, qui devrait être à mon sens le centre local de coordination et d'information gérontologique. Ils permettront de diffuser l'information, de répertorier les personnes fragiles et les réseaux de solidarité, de recenser les lieux frais utiles en cas de canicule et d'améliorer la coordination entre professions de santé et travailleurs sociaux. Les plans locaux devront être articulés avec les plans nationaux et régionaux de prévention des risques sanitaires environnementaux.

J'espère démontrer que la solidarité intergénérationnelle n'est pas un vain mot et qu'une force locale existe sur laquelle nous pouvons nous appuyer. Les réseaux de solidarité doivent être développés. Ce sont eux qui, souvent, effectuent le travail ingrat de prévention et de détection. Ils connaissent la problématique mieux que quiconque. Les acteurs de ces réseaux, bénévoles ou non, doivent bénéficier d'une solide formation. Je sais pouvoir compter sur le Gouvernement pour les écouter et les soutenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Paul - Certains observateurs se demandent peut-être encore si votre politique d'ensemble est plutôt sociale ou plutôt libérale, mais pour le budget du travail, et en particulier pour la formation professionnelle, le verdict est implacable. Depuis un an, les organisations syndicales, les responsables de la formation professionnelle et les salariés s'inquiètent du manque de moyens consacrés à la formation professionnelle, surtout compte tenu des défis qu'elle a à relever. Votre budget n'anticipe la décentralisation en aucune manière et porte un coup aux emplois aidés, destinés aux personnes les plus éloignées de l'emploi. Le retour à l'emploi des centaines de milliers de victimes des licenciements et de la précarité du travail comme l'insertion des jeunes doivent être des priorités absolues, mais j'ai cette année à nouveau le regret de prendre le Gouvernement en flagrant délit d'incapacité à les assumer.

Monsieur le ministre, vous ne donnez pas à votre politique les moyens nécessaires. Vous naviguez à vue, et à courte vue. Quand tous les feux sont aux rouge, vous continuez à appliquer des choix budgétaires ravageurs, qui se traduisent par l'effondrement des contrats de qualification ou le recul des dispositifs d'insertion par l'emploi, en particulier non marchand. Vous vous livrez à une véritable contrefaçon budgétaire, une mystification de plus dont je ne donnerai que quelques exemples.

D'abord, l'insertion professionnelle par le biais de la qualification était une de vos priorités. Or, vous consacrez plus de la moitié des crédits de l'emploi aux allégements de charges sociales en faveur des entreprises, le reste étant en diminution ! Le nombre des emplois aidés pour les personnes les plus éloignées de l'emploi est donc en baisse. Les conditions de mise en _uvre des contrats emploi-solidarité et des contrats emplois consolidés sont dramatiques dans maints départements. Les critères ont été durcis, la durée réduite et les crédits diminués.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Le nombre des CES diminuait déjà de votre temps !

M. Christian Paul - Chacun des acteurs en subit les conséquences. L'employeur, lui, est désormais exonéré de charges, mais ces emplois pourront-ils être pérennisés si vous accordez aux entreprises une prime à la rotation de la main-d'_uvre peu qualifiée à prix réduit ? Vous donnez de la main droite aux entreprises ce que vous avez pris de la gauche aux demandeurs d'emploi et de formation. De même, votre budget est un budget de l'« information professionnelle » à l'intention des entreprises, qui seront informées des nouveaux abaissements de charges ! Vous avez enfin annoncé la disparition progressive des emplois-jeunes et vous compromettez le programme TRACE : les crédits stagnent alors que 90 000 demandes nouvelles ont été enregistrées.

Deuxième exemple : vous annoncez une réforme de l'apprentissage, mais vous profitez du transfert de la dotation aux régions pour réduire les crédits de l'apprentissage ! Vous portez le nombre des contrats d'apprentissage de 230 000 à 235 000, mais il en manque encore 5 000 !

Un troisième objectif prioritaire devait apparaître dans ce budget : la décentralisation de la formation professionnelle. Or les crédits baissent, comme en 2003. Je pense en particulier au budget de l'AFPA.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Vous devriez lire le rapport de la MEC, il est très instructif !

M. Christian Paul - Les crédits de l'AFPA diminuent. Lors des débats au Sénat sur la décentralisation de la formation professionnelle, M. Devedjian a d'ailleurs déclaré que l'AFPA n'était pas un service public. Comment envisagez-vous la péréquation entre les régions des ressources nécessaires à son fonctionnement ? Que va devenir la formation professionnelle, cette école de la seconde chance, dans un cadre décentralisé, si le pilotage national pas plus que les missions du service public ne sont définis ? Votre projet de budget est très inquiétant quant à l'égalité d'accès à la formation professionnelle entre les régions. En Corse par exemple, dès 2004, la ligne décentralisée ne comprendra aucun crédit.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - La Corse est une de vos grandes réussites politiques !

Mme Catherine Génisson - Peut-être devriez-vous rester discret sur ce sujet...

M. Christian Paul - Sauf à dire que la formation qualifiante n'est plus un service public, il faut nous expliquer ce que vous envisagez pour la gestion des fonds déconcentrés et l'avenir des 12 000 agents concernés !

Nous craignons, après l'annonce de la suppression du monopole de l'ANPE pour l'orientation en matière d'emploi et de formation, que l'AFPA soit placée en concurrence avec d'autres entreprises offrant des prestations marchandes au bon vouloir de la commande publique si celle-ci devient régionale. Ce serait régresser. L'AFPA est un vrai service public, avec un accompagnement social des stagiaires.

Quatrième exemple, la baisse de près de 40 % des crédits alloués aux programmes d'insertion et de requalification des chômeurs de longue durée, qui conduit à une chute brutale des stages d'insertion et de formation à l'emploi, ainsi que des stages d'accès à l'entreprise. Et c'est dans ce contexte que vous supprimez l'ASS pour les chômeurs en fin de droit.

Après la signature de l'accord national interprofessionnel sur la formation, on pouvait s'attendre à un autre budget. Faut-il rappeler que cet accord englobe notamment l'accès pour tous à la validation des acquis de l'expérience, la mobilisation des salariés des entreprises sur l'emploi et la formation, le bilan de compétence à mi-carrière et le passeport formation, la création de nouveaux leviers pour l'emploi par la mise en place du contrat de professionnalisation en alternance ciblé sur le public prioritaire, sans compter les obligations de démarrer des négociations de branches.

Malgré l'annonce d'une reprise économique, votre budget n'est pas à la hauteur des besoins.

Alors que les licenciements s'accélèrent, vous subventionnez des entreprises qui détruisent les emplois, sans répondre aux besoins de reconversion ou d'insertion par la formation professionnelle.

Une nouvelle fois, vous demandez aux salariés contribuables de financer leur propre emploi. Votre budget est, à nouveau, un budget à contre emploi (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Kert - Permettez-moi d'aborder le sujet des harkis en cette année dédiée à l'Algérie, thème lourd d'émotion.

Nous sommes nombreux, au sein de l'UMP, à considérer votre budget comme un budget d'attente. Certaines priorités se dégagent, et tout d'abord celle des exilés politiques. La loi de 1982, portant amnistie totale des faits et gestes concernant la guerre d'Algérie, représente une avancée considérable pour les militaires, les fonctionnaires et les autres agents de l'Etat, sans, hélas, prendre en compte les personnes exilées, issues du secteur privé. Des pourparlers furent engagés, en vain ! Allez-vous corriger les lacunes du passé, notamment en compensant, par une allocation forfaitaire, ce qu'ils ont perdu en pouvoir d'achat pendant les mois où ils n'ont pu travailler ?

Par ailleurs, concernant les « réinstallés », quelques centaines de dossiers sont en attente d'examen. Il faut agir rapidement.

Troisième priorité, les retraites, notamment celles des médecins. L'Etat est-il prêt à assumer sa part de charge ?

Enfin, la question de l'indemnisation est particulièrement délicate, du fait de l'ampleur des sommes à mobiliser, qui pourraient dépasser les 10 millions d'euros.

Concernant les harkis, communauté oubliée de l'histoire, comment ne pas souhaiter qu'ils achèvent leur vie dans de meilleures conditions que celles que nous leur avons offertes jusqu'à présent ?

Depuis le 1er janvier de cette année, ils peuvent bénéficier d'une allocation de reconnaissance indexée sur le coût de la vie, mais ce n'est pas suffisant. Il faut mettre en place un crédit en capital correspondant à l'indemnisation de ce qu'ils possédaient en Algérie.

Quant à leurs enfants, n'hésitons pas à faire jouer en leur faveur une discrimination positive, en matière d'emploi et de logement.

Nous attendons un débat en décembre sur cette communauté rapatriée, fière du courage avec lequel elle affronta les transformations du monde, des mentalités, des frontières.

L'accord donné au maire de Marseille pour la réalisation du mémorial national doit permettre un vrai travail de mémoire sur les bords de la Méditerranée. Espérons que la France reconnaîtra enfin ses torts passés.

Les rapatriés ont encore besoin de la solidarité nationale, et il faudrait que nous répondions enfin à leurs attentes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - L'article 58 dispose que les rappels au Règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; ils en suspendent la discussion. La parole est accordée à tout député qui la demande à cet effet soit sur-le-champ, soit, si un orateur a la parole, à la fin de son intervention. A ce titre, j'observe qu'en matière de temps de parole, vous êtes dur pour les uns, mais large pour les autres, ce que le Président de l'Assemblée nationale, tel que je le connais, n'apprécierait pas.

M. le Président - Je tiens à votre disposition les temps de parole de chaque orateur.

Mme Hélène Mignon - La courbe du chômage, loin de se stabiliser, augmente encore au risque d'atteindre bientôt les 10 %, et les dernières statistiques du Secours catholique témoignent de l'avancée de la pauvreté.

Et c'est dans ce contexte que le Gouvernement choisit de se désengager de la solidarité nationale, en réduisant de près de 9 % les crédits affectés au logement, en sabordant l'aide médicale d'Etat et la CMU, en limitant la durée du versement de l'allocation spécifique de solidarité, en transférant le RMI aux départements.

Vous prétendez vouloir réhabiliter le travail, face à une opposition dont le seul projet serait une civilisation de loisirs. Nous avons voulu les 35 heurs pour instaurer le partage du travail, et ainsi des emplois ont été créés. Les travaux de la commission d'information mise en place ces dernières semaines en apporteront la preuve.

Nous souhaitons tous une société de plein emploi et empêcher les licenciements, aussi pourquoi avoir mis en sommeil l'article s'y rapportant dans la loi de modernisation sociale ?

En faveur des chômeurs de longue durée, divers dispositifs leur ont permis de ne pas sombrer dans l'exclusion. Il ne s'agit pas d'assistance, mais de solidarité.

Les CES, CEC et le programme TRACE, qui ont pourtant fait leurs preuves, font les frais de vos choix politiques, alors qu'ils permettaient la réinsertion sociale avant d'envisager le retour au travail.

Le budget consacré aux publics prioritaires régresse de 11,6 % ! Ce chiffre est éloquent.

Sont sacrifiés les CES et les CEC puisque l'augmentation apparente de la dotation masque les erreurs de prévision de l'an dernier : au lieu de 90 000 CES, vous avez dû en financer 240 000 ! Vous renouvelez votre erreur d'appréciation en n'en prévoyant que 170 000 en 2004. C'est d'autant plus regrettable que le projet de contrat unique remplaçant les CES et les CEC ne semble plus à l'ordre du jour.

Quant au programme TRACE, dont les résultats sont pourtant satisfaisants, il est également victime de vos coupes budgétaires : la dotation des bourses d'accès à l'emploi est réduite de 20 millions d'euros. L'an dernier, vous aviez annoncé que le civis prendrait la succession du programme TRACE, mais il ne semble pas qu'il s'adresse au même public.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré aujourd'hui que le RMA, assimilé à un travail, valait mieux que l'assistance. Est-ce du mépris à l'égard des allocataires du RMI ou une méconnaissance des difficultés d'insertion de ces personnes ? Toutes celles qui étaient proches de l'emploi en ont retrouvé il y a deux ou trois ans. Les autres ont des difficultés à s'insérer dans la société. Les bénéficiaires du RMI ne sont pas pour autant des paresseux ou des tricheurs - il semble que le pourcentage d'abus se limite à 1 %. Mais que va leur apporter de plus le RMA ?

Si vous aviez décidé de permettre aux structures d'insertion par l'économie d'engager 100 000 allocataires du RMI, nous aurions soutenu cette mesure. Sans le passage par ces structures, dont les intervenants ont affiné les méthodes de prise en charge de la personne dans sa globalité, il n'y aura pas de vrai retour à l'emploi pour ceux qui sont sortis du circuit social depuis des années.

Même si le RMA est non pas imposé, mais proposé, le risque est grand que certains départements suppriment le RMI à ceux qui refuseraient ce contrat.

Sur le volet santé, j'ai lu avec intérêt le rapport de Mme Montchamp. Je vous signale, Monsieur le ministre, que l'AME ne date pas de l'an 2000, c'est une vieille dame centenaire !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Mais elle a subi un sérieux lifting en 2000 !

Mme Hélène Mignon - Il est vrai qu'avec la mise en place de la CMU, le champ de l'AME s'est réduit.

Mme Montchamp parle de dérive des dépenses en 2003. Mais ces montants intègrent les frais dus à des pathologies graves et coûteuses. En raison de leur état de santé, ces personnes auraient dû être régularisées. Un article du Figaro du 27 octobre dernier a semé le trouble en citant la prise en charge des personnes non résidentes, comme le roi d'Afghanistan ou un footballeur étranger. Mais il s'agit là de décisions prises au cas par cas par le ministère, à titre humanitaire.

Elles n'ont rien à voir avec le dispositif AME, qui concerne des personnes résidant en France, certes en situation irrégulière, mais surtout en situation de grande pauvreté. Remettre en cause le dispositif de l'AME n'aboutira qu'à la réouverture massive de structures médicales purement humanitaires. Les associations s'attendaient à être consultées sur ce sujet. Elles ne comprennent pas vos décisions. Mme Versini, questionnée à ce sujet dans une émission, n'a pas apporté de réponse.

Votre budget est irresponsable en matière de santé publique. Vos décisions concernant la CMU et l'AME coûteront cher sur le plan financier et humain, les pathologies seront aggravées car les personnes reporteront le traitement.

Votre gouvernement n'hésite pas à afficher sa « préoccupation sociale, tradition de la République ». Restons sérieux. Ce budget est le budget du mépris. Mépris de la réalité vécue par les familles en grande détresse. Mépris des publics dits « prioritaires », à l'égard desquels vous renforcez la suspicion.

En décalage complet avec le discours du Président de la République, votre budget révèle l'absence de cohérence de votre politique. Quel dommage de vouloir faire des économies sur ce budget ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Juste quelques mots pour préciser que le dépassement du temps de parole de M. Kert était identique à celui de M. Gremetz.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la deuxième séance du mardi 4 novembre 2003.

Page 26, à la deuxième ligne, lire « c'est moins d'une commune sur trois ».

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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